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Décisions | Assistance juridique

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AC/250/2024

DAAJ/59/2024 du 12.06.2024 sur AJC/731/2024 ( AJC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

AC/250/2024 DAAJ/59/2024

COUR DE JUSTICE

Assistance judiciaire

DÉCISION DU MERCREDI 12 JUIN 2024

 

 

Statuant sur le recours déposé par :

 

ASSOCIATION A______, sise ______,

 

contre la décision du 5 février 2024 de la vice-présidence du Tribunal civil.

 

 

 

 


EN FAIT

A.           a. ASSOCIATION A______ (ci-après : la recourante) s'est constituée sous la forme d'une association sans but lucratif au sens des art. 60 et ss CC. Elle est active dans la réinsertion professionnelle de personnes ______ et précise être d'utilité publique. Elle a son siège à Genève et n'est pas inscrite au Registre du commerce.

Selon ses statuts, ses ressources financières proviennent de prestations facturées, de rémunérations découlant de ses secteurs d'activité, de subventions et de dons.

b. Par courrier du 9 août 2022, l'Office cantonal de l'Inspection et des relations du travail (ci-après : l'OCIRT) a ouvert une procédure administrative à l'encontre de la recourante pour contrôler le respect des conditions minimales de travail en usage et du salaire minimum genevois. L'instruction a été confiée à B______, inspectrice du travail.

c. Par courriers des 27 octobre et 1er novembre 2023, la recourante a requis la récusation de cette inspectrice.

Par décision du 20 novembre 2023, la Direction générale de l'OCIRT a rejeté la demande de récusation, maintenu les actes d'instruction de l'inspectrice du travail et dit que cette décision était exécutoire nonobstant recours.

Par acte du 4 décembre 2023, la recourante a déféré cette décision à la Chambre administrative de la Cour de justice (A/1______/2023-TA/S2.MSC).

B.            Par courrier du 29 janvier 2024, la recourante, agissant en personne, a sollicité l'octroi de l'assistance juridique pour l'exonération de l'avance de frais de son recours en 800 fr. A l'appui de son bilan 2022, elle a invoqué une perte de 6'788 fr. et une perte reportée de 26'510 fr.

C.           Par décision du 5 février 2024, notifiée le 8 février 2024, la vice-présidence du Tribunal civil a rejeté la requête d'assistance juridique.

En substance, elle a nié le droit de la recourante à l'obtention de l'assistance juridique en raison de sa qualité de personne morale, laquelle ne pouvait pas obtenir une éventuelle exception à ce principe, parce que ses actifs ne faisaient pas l'objet de la procédure pendante auprès de la Chambre administrative de la Cour et que l'indigence de ses membres n'avait pas été démontrée.

D.           a. Recours est formé contre cette décision, par acte expédié le 11 mars 2024 à la Présidence de la Cour de justice.

Concluant préalablement à la recevabilité de son recours, elle sollicite la comparution personnelle des parties et l'octroi de l'effet suspensif sur mesures provisionnelles.

Principalement, elle requiert l'annulation de la décision du 5 février 2024, l'octroi de l'assistance juridique limitée aux frais et, si besoin, à ce qu'il soit ordonné à l'Autorité de première instance de lui accorder cet octroi.

b. La vice-présidence du Tribunal civil a renoncé à formuler des observations et la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.             1.1. La décision entreprise est sujette à recours auprès de la présidence de la Cour de justice en tant qu'elle refuse l'assistance juridique (art. 10 al. 3 LPA), compétence expressément déléguée à la vice-présidente soussignée sur la base des art. 29 al. 5 LOJ et 10 al. 1 du Règlement de la Cour de justice (RSG E 2 05.47). Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours dans un délai de 30 jours (art. 10 al. 3 LPA, 130, 131 et 321 al. 1 CPC, applicables par renvoi des art. 10 al. 4 LPA et 8 al. 3 RAJ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_171/2011 du 15 juin 2011 consid. 2.2).

1.2. En l'espèce, le recours est recevable pour avoir été interjeté dans le délai utile et en la forme écrite prescrite par la loi.

1.3. Lorsque la Cour est saisie d'un recours (art. 10 al. 3 LPA), son pouvoir d'examen est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC, applicable par renvoi de l'art. 8 al. 3 RAJ ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_171/2011 précité). Il appartient en particulier au recourant de motiver en droit son recours et de démontrer l'arbitraire des faits retenus par l'instance inférieure (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n. 2513-2515).

2.             La recourante requiert préalablement de la vice-présidente de la Cour l'octroi de l'effet suspensif au présent recours, demande la comparution personnelle des parties et a allégué des faits nouveaux.

2.1.
2.1.1
A teneur de l'art. 326 al. 1 CPC, les conclusions et les allégations de faits nouvelles sont irrecevables dans le cadre d'une procédure de recours.

Des exceptions existent lorsque le fait ou la preuve nouvelle résulte de la décision de l'autorité précédente (ATF 143 V 19 consid. 1.2 et la référence) ou si ceux-ci rendent le recours sans objet (ATF 137 III 614 consid. 3.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_332/2021 du 5 juillet 2022 consid. 2.4).

Selon la jurisprudence rendue en application de l'art. 101 al. 3 CPC, la requête d'assistance judiciaire suspend implicitement le délai imparti pour payer l'avance de frais judiciaires (ATF 138 III 163 consid. 4.2 et les références citées; arrêt du Tribunal fédéral 5A_323/2012 du 8 août 2012 consid. 4.2; DAAJ/21/2024 du 8 mars 2024 consid. 2; 87/2023 du 1er septembre 2023 consid. 3.1).

En cas de recours contre une décision refusant l'assistance judiciaire, le recourant doit demander l'effet suspensif afin d'obtenir le report du délai ordonné pour le versement de l'avance de frais. Si l'effet suspensif est accordé, un nouveau délai ou un délai supplémentaire pour le versement de l'avance de frais doit être fixé après la décision (négative) de l'autorité de recours (arrêt du Tribunal fédéral 4A_84/2014 du 18 septembre 2014 consid. 2.2.1; DAAJ/87/2023 du 1er septembre 2023 consid. 3.1).

2.1.2. Selon l'art. 10 al. 3 LPA, lorsqu'il est saisi d'un recours portant sur l'assistance juridique en matière administrative, le président de la Cour est en règle générale tenu d'entendre le recourant.

Cette règle n'est toutefois pas absolue, étant précisé qu'il appartient à cette Autorité de motiver, le cas échéant, sa décision de renoncer à cette audition (arrêt du Tribunal fédéral 2D_73/2015 du 30 juin 2016 consid. 4.2).

2.2. En l'espèce, les allégués de faits dont la recourante n'a pas fait état en première instance ne seront pas pris en considération. Il en va ainsi de son affirmation selon laquelle les membres de son comité seraient eux-mêmes sans ressources, puisque celle-ci ne ressort pas du dossier de première instance. En tout état de cause, une telle allégation n'aurait pas été suffisante, encore aurait-il fallu l'établir, s'agissant de la réalisation de l'une des conditions d'octroi de l'assistance juridique.

Enfin, la comparution personnelle des parties est inutile, dès lors que la recourante est une personne morale et qu'elle ne remplit pas les conditions d'octroi restrictives de l'assistance juridique, ce qui sera démontré ci-dessous.

3.             Selon la recourante, ses actifs font l'objet de la procédure pendante devant la Chambre administrative de la Cour, parce qu'elle ne disposerait plus de fonds propres si elle devait assumer les conséquences financières du contrôle effectué par l'inspectrice de l'OCIRT, dont elle sollicite la récusation, ce qui lui imposerait "de mettre la clé sous la porte". Par ailleurs, elle estime arbitraire de comparer sa situation de modeste association d'envergure locale à celle d'une société de capitaux.

3.1.
3.1.1.
Selon l'art. 60 al. 1 CC, les associations politiques, religieuses, scientifiques, artistiques, de bienfaisance, de récréation ou autres qui n’ont pas un but économique acquièrent la personnalité dès qu’elles expriment dans leurs statuts la volonté d’être organisées comparativement.

L'inscription au Registre du commerce est en principe facultative, sauf dans deux hypothèses (art. 61 al. 2 CC). Qu'elle soit obligatoire ou non, l'inscription n'a qu'un effet déclaratif. Ce n'est donc pas l'inscription qui crée la personnalité juridique (ATF
100 III 19 consid. 2; 88 II 209 consid. I.2b 220 in fine; arrêt du Tribunal fédéral 4A_576/2019 du 3 février 2020 et les références citées).

3.1.2. D'après l'art. 29 al. 3 Cst., toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit, à moins que sa cause ne paraisse dépourvue de toute chance de succès, à l'assistance judiciaire gratuite. Elle a en outre droit à l'assistance gratuite d'un défenseur, dans la mesure où la sauvegarde de ses droits le requiert.

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l'assistance judiciaire n'est en principe pas accordée aux personnes morales (ATF 131 II 306 consid. 5.2; 126 V 42 consid. 4;
119 Ia 337 consid. 4b; arrêts du Tribunal fédéral 2C_700/2023 du 25 janvier 2024 consid. 3.1; 4A_173/2023 du 7 juillet 2023).

L'assistance judiciaire relève de la solidarité sociale à l'égard de ceux qui ne pourraient assumer les frais de la procédure sans entamer les ressources qui sont nécessaires pour mener une vie décente. La situation est fondamentalement différente pour les personnes morales, lesquelles, en cas d'insolvabilité ou de surendettement, sont seulement exposées à la faillite (arrêts du Tribunal fédéral 2C_700/2023 du 25 janvier 2024 consid. 3.1; 4A_173/2023 du 7 juillet 2023).

Pour tenir compte d'avis divergents exprimés dans la doctrine, la jurisprudence n'a pas exclu d'octroyer l'assistance judiciaire à une personne morale, mais à certaines conditions restrictives. Il faut, notamment, que son seul actif soit en litige et que les personnes physiques qui en sont les ayants droit économiques soient sans ressources. La jurisprudence a précisé que le cercle des ayants droit économiques de la personne morale dont l'indigence était requise devait être défini de manière large et comprendre les sociétaires ou les actionnaires, les organes ou les créanciers intéressés à la procédure (ATF 131 II 306 consid. 5.2.2; arrêt du Tribunal fédéral 2C_700/2023 du 25 janvier 2024 consid. 3.1). Il incombe à la personne morale de définir quelles sont les "personnes intéressées économiquement" (arrêt du Tribunal fédéral 4A_173/2023 du 7 juillet 2023).

La jurisprudence prescrit de ne pas distinguer entre les différents types de personnes morales, soit de ne pas différencier celles qui ont un but commercial de celles qui n'en n'ont pas. Il incombe ainsi à la personne morale de définir quelles sont les "personnes intéressées économiquement" et d'établir leur indigence (arrêt du Tribunal fédéral 4A_173/2023 du 7 juillet 2023 sans numéro de considérant et les références citées).

L'assistance judiciaire doit aussi être refusée aux personnes morales lorsque la procédure pour laquelle elle est requise ne garantit pas leur survie (ATF 143 I 328 consid. 3.3; arrêts du Tribunal fédéral 2C_700/2023 du 25 janvier 2024 consid. 3.1; 4A_173/2023 du 7 juillet 2023 et la référence citée).

Dans l'arrêt 2C_700/2023 du 25 janvier 2024, le Tribunal fédéral a refusé l'assistance juridique à une société anonyme qui avait invoqué un défaut de liquidités, produit le refus d'une augmentation de crédit par un organisme bancaire et évoqué des difficultés à la reprise des affaires après la période "Covid".

Selon la juridiction fédérale, l'assistance juridique pourrait éventuellement être accordée à une administration de la faillite ou à un créancier cessionnaire au sens de l'art. 260 LP, afin de faire valoir au fond une créance dans le cadre d'un procès ayant des chances suffisantes de succès (ATF 119 Ia 337 consid. 4e).

3.2. En l'espèce, la recourante est une association et elle dispose de la personnalité morale, quand bien même elle ne poursuit pas de but économique et n'est pas inscrite au Registre du commerce, dès lors qu'elle a exprimé dans ses statuts sa volonté d'être organisée corporativement, ce qui est suffisant.

Il s'ensuit que la jurisprudence relative à l'octroi restrictif de l'assistance juridique à une personne morale lui est applicable et il n'est pas arbitraire de ne pas la différencier d'une société de capitaux, en application de la jurisprudence fédérale sus-évoquée. Cela ne saurait, dès lors, être taxé d'arbitraire.

La vice-présidence du Tribunal civil a rejeté la requête d'assistance juridique de la recourante en considérant que ses actifs ne faisaient pas l'objet de son recours à la Chambre administrative de la Cour. En effet, son recours est circonscrit à une demande de révocation de l'inspectrice du travail et à la contestation de ses actes d'instruction.

De plus, en application de la jurisprudence fédérale sus-évoquée, l'assistance juridique n'est pas accordée en cas de défaut de liquidités de la personne morale, d'un refus de crédit ou de difficultés à la reprise des affaires après la période "Covid".

En tout état de cause, l'absence de ressources des membres de son comité n'a été ni alléguée en première instance, ni démontrée.

Il s'ensuit que la vice-présidence du Tribunal civil n'a pas violé la loi en refusant l'octroi de l'assistance juridique à la recourante.

Infondé, le recours sera, dès lors, rejeté. Par conséquent, la requête d'effet suspensif devient sans objet.

4.             Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure d'assistance juridique (art. 119 al. 6 CPC). Il n'y a pas lieu à l'octroi de dépens.

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 11 mars 2024 par l'ASSOCIATION A______ contre la décision rendue le 5 février 2024 par la vice-présidence du Tribunal civil dans la cause AC/250/2024.

Au fond :

Le rejette.

Déboute l'ASSOCIATION A______ de toutes autres conclusions.

Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires pour le recours, ni alloué de dépens.

Notifie une copie de la présente décision à l'ASSOCIATION A______ (art. 327 al. 5 CPC et 8 al. 3 RAJ).

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, vice-présidente; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision incidente peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière de droit public.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.