Skip to main content

Décisions | Chambre civile

1 resultats
C/12640/2022

ACJC/373/2025 du 11.03.2025 sur DTPI/250/2023 ( OO ) , CONFIRME

Normes : CPC.98; LaCC.19.al3; RTFMC.17; RTFMC.13; RTFMC.7
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/12640/2022 ACJC/373/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 11 MARS 2025

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ Fédération de Russie, représenté par Me Giorgio CAMPA, avocat, avenue Pictet-de-Rochemont 7, 1207 Genève,

Le mineur B______, représenté par sa mère Madame C______, domiciliée ______, France,

recourants tous deux contre une décision rendue par le Tribunal de première instance le 10 janvier 2023.


 

EN FAIT

A. a. Le 3 janvier 2023, A______ et D______ ont saisi le Tribunal de première instance, après la délivrance de l'autorisation de procéder, d'une demande en paiement de plusieurs montants, libellés en francs suisses, euros et dollars américains, totalisant, après conversion en francs suisses, 104'824'847 fr., à l'encontre de [la banque] E______.

Cette demande, de 90 pages, comporte 229 allégués de fait. Elle fait état de 2'168 opérations illicites exécutées par l'ancien directeur de la Banque.

b. Le même jour, ils ont requis du Tribunal de réduire l'avance de frais. Ils se sont notamment prévalus de multiples procédures, complexes, qu'ils avaient dû initier contre E______ et l'un de ses anciens directeurs, de la procédure pénale (P/1______/2015) à l'issue de laquelle le précité avait été condamné pour divers chefs d'accusation (arrêt de la Chambre pénale d'appel et de révision AARP/217/2019 du 26 juin 2019), et leur dommage admis du fait des actes en raison desquels l'intéressé avait été condamné. Le calcul du préjudice exact subi par A______ et D______ nécessitant une analyse objective conséquente, la Chambre pénale les a renvoyés à agir par la voie civile au sens de l'art. 126 al. 3 CPP (arrêt précité, consid. 8.2.1). Ils ont également fait état de la vraisemblable nécessité d'ordonner une expertise judiciaire, afin de déterminer le dommage, de même que des sanctions prononcées par la FINMA à l'encontre du E______. L'équité commandait à leur sens de réduire, dans la plus grande mesure possible, le montant de l'avance de frais.

c. Par décision DTPI/250/2023 du 10 janvier 2023, le Tribunal a imparti à A______ et D______ un délai au 10 février 2023 pour fournir une avance de frais de 240'000 fr. sous peine d'irrecevabilité de la demande.

Dans sa décision, le Tribunal a fait référence à la demande déposée, à la valeur litigieuse de plus de 100 millions, au courrier du 3 janvier 2023, aux art. 91ss, 98, 101 a. 1 et 117 ss CPC, 2, 13 et 17 RTFMC.

B. a. Par acte déposé le 23 janvier 2023 à la Cour de justice, A______ et D______ ont formé recours contre cette décision, sollicitant son annulation et le renvoi de la cause au Tribunal afin qu'il rende une "décision conforme au droit et dûment motivée".

Ils se sont plaints d'une violation d'un déni de justice, au sens de l'art. 29 al. 1 Cst, d'une violation de leur droit d'être entendus (art. 29 al. 2 Cst), ainsi que de l'art. 7 RTFMC.

b. Par décision du 23 janvier 2023, la Cour a fait droit à la requête de suspension du caractère exécutoire de la décision entreprise.

c. En raison du décès de D______ le ______ février 2023, la Cour a, par arrêt ACJC/359/2023 du 13 mars 2023, ordonné la suspension de la présente procédure.

d. Par pli du 24 mai 2024, le conseil de A______ a informé la Cour de ce que la succession de feu D______ avait été acceptée à concurrence de l'actif net par son fils mineur, B______, en qualité d'héritier unique. Il a produit un acte notarié établi le 15 novembre 2023 par le notaire F______. Il a requis la reprise de la procédure, la disjonction de sa cause de celle de feu D______, l'annulation de la décision d'avance de frais et le renvoi des causes au Tribunal pour nouvelle taxation.

e. Le 29 mai 2024, la Cour a imparti un délai de 20 jours, dès réception, à C______ pour lui faire savoir si B______ entendait poursuivre la procédure en tant qu'héritier de feu D______.

Aucune suite n'y a été donnée.

f. Par courrier du 28 juin 2024, le conseil de A______ a fait état de la radiation de E______ du registre du commerce et de la reprise de toutes ses actifs et passifs par G______. Il a prié la Cour de prendre acte de la substitution légale de G______ et a persisté dans ses conclusions en reprise de la procédure, en disjonction des causes, en annulation de la décision d'avance de frais et en renvoi de la cause en première instance.

g. Le conseil précité a derechef requis, le 7 octobre 2024, de la Cour qu'elle statue dans le sens des conclusions précitées.

h. Par arrêt ACJC/1318/2024 du 18 octobre 2024, la Cour a, préalablement, ordonné la reprise de la procédure, et, cela fait, a transmis une copie du recours au Tribunal et lui a imparti un délai pour déposer ses éventuelles observations sur le recours.

Dans ses considérants, elle a retenu qu'il ne se justifiait pas d'ordonner la division de la présente cause.

i. Dans ses observations du 24 octobre 2024, le Tribunal a conclu au rejet du recours. La valeur litigieuse alléguée était supérieure à 100 millions, soit précisément 104'824'847 fr. L'art. 17 RTFMC prévoyait, pour dite valeur litigieuse, des émoluments entre 100'000 fr. et 200'000 fr. Le Tarif interne des demandes d'avance de frais prévoyait un émolument de 200'000 fr., pour une valeur litigieuse de 20 millions, soit 1/5ème de la valeur litigieuse du cas d'espèce. Le supplément de 40'000 fr. était lié à la majoration de 20% prévue par l'art. 13 RTFMC en cas de pluralité de demandeurs. Le Tribunal a relevé qu'il avait renoncé à majorer l'émolument sur la base de l'art. 19 al. 4 LaCC.

j. Par réplique spontanée du 18 novembre 2024, le conseil de A______ a souligné "l'indigence extrême" des observations du Tribunal et l'absence de prise en compte des motifs de réduction allégués par lui, expressément invoqués dans sa demande de 3 janvier 2023. Il a persisté dans l'intégralité de ses précédentes conclusions.

k. Le 31 janvier 2025, la Cour a avisé A______ et B______ de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1 La décision entreprise ayant été communiquée aux recourants avant le 1er janvier 2025, le présent recours demeure régi par l'ancien droit de procédure (art. 404 al. 1 et 405 al. 1 CPC), sous réserve des dispositions d'application immédiate énumérées à l'art. 407f CPC, dont l'art. 98 CPC ne fait pas partie.

1.2 Selon l'art. 103 CPC, les décisions relatives aux avances de frais et aux sûretés peuvent faire l'objet d'un recours.

La décision entreprise est une ordonnance d'instruction, soumise au délai de recours de dix jours de l'art. 321 al. 2 CPC (art. 319 let. b ch. 1 CPC; Tappy in CPC, Code de procédure civile commenté, 2011, n. 4 et 11 ad art. 103 CPC; Suter/Von Holzen, in Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung [ZPO], Sutter-Somm/Hasenböhler/Leuenberger [éd.], éd. 2016, n. 14 ad art. 99 CPC et n. 8 ad art. 103 CPC).

En l'espèce, le recours a été formé dans le délai légal (art. 321 al. 1 et 142 al. 3 CPC) et est recevable à la forme.

Au décès de D______, son unique héritier attesté par acte notarié du 15 novembre 2023 s’est substitué de plein droit en qualité de partie à la procédure, sans que l’autorité saisie ou les parties n’aient à effectuer une démarche en vue de cette substitution intervenue ex lege (art. 560 CC et 83 al. 4 2ème phrase CPC; acquisition de plein droit de l’universalité de la succession).

1.3 Le recours est recevable pour violation du droit et constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).

L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant par ailleurs que les griefs formulés et motivés par le recourant (Hohl/De Poret/Bortolaso/Aguet, Procédure civile, T. II, 2ème éd., Berne 2010, n. 2307).

1.4 Les conclusions nouvelles sont irrecevables en procédure de recours (art. 326 al. 1 CPC).

Partant, les conclusions nouvelles formées par le recourant A______ en disjonction des causes sont irrecevables. En tout état, la Cour a, dans son arrêt ACJC/1318/2024 du 18 octobre 2024, considéré qu'il ne se justifiait pas d'ordonner une division de la cause.

2. Les recourants se plaignent en premier lieu d'une violation de leur droit d'être entendus, la décision rendue par le Tribunal n'étant pas motivée.

2.1 Garanti aux art. 29 al. 2 Cst et 53 CPC, le droit d'être entendu comprend en particulier le droit pour le justiciable de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur la décision, d'avoir accès au dossier, de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur sujet (ATF 135 II 286 consid. 5.1; 135 I 187 consid. 2.20; 129 II 497 consid. 2.2). Le droit d'être entendu impose également au juge de motiver sa décision, afin que le destinataire puisse en saisir la portée et, le cas échéant, l'attaquer en connaissance de cause. Pour répondre à cette exigence, il suffit que le juge mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision (ATF 137 II 266 consid. 3.2; 136 I 229 consid. 5.2). La motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision (arrêts du Tribunal fédéral 6B_311/2011 du 19 juillet 2011 consid. 3.1; 6B_12/2011 du 20 décembre 2011 consid. 6.1; 2C_23/2009 du 25 mai 2009 consid. 3.1, RDAF 2009 II p. 434).

Le droit d'être entendu comprend l'obligation du tribunal d'apprécier toutes les allégations pertinentes que les parties ont formulées à temps (ATF 142 II 218 consid. 3.3).

Le droit d'être entendu est une garantie de nature formelle, dont la violation entraîne l'annulation de la décision attaquée, sans égard aux chances de succès du recours sur le fond (ATF 137 I 195 consid. 2.2). Ce moyen doit être examiné avec un plein pouvoir d'examen (arrêt du Tribunal fédéral 5A_540/2013 du 3 décembre 2013 consid. 3.3.1; ATF 127 III 193 consid. 3).

Même en cas de violation grave du droit d'être entendu, la cause peut ne pas être renvoyée à l'instance précédente, si et dans la mesure où ce renvoi constitue une démarche purement formaliste qui conduirait à un retard inutile, incompatible avec l'intérêt de la partie concernée (comparé à celui d’être entendu) à un jugement rapide de la cause (ATF 135 I 279 consid. 2.6.1, JdT 2010 I 255;136 V 117 consid. 4.2.2.2; 133 I 201 consid. 2.2).

Malgré son caractère formel, la garantie du droit d'être entendu n'est pas une fin en soi. Lorsqu'on ne voit pas quelle influence la violation du droit d'être entendu a pu avoir sur la procédure, il n'y a pas lieu d'annuler la décision attaquée (arrêts du Tribunal fédéral 4D_76/2020 du 2 juin 2021 consid. 4.2; 4A_148/2020 du 20 mai 2020 consid. 3.2). En particulier, l'admission du grief de violation du droit d'être entendu suppose que, dans sa motivation, le recourant indique quels arguments il aurait fait valoir dans la procédure cantonale et en quoi ceux-ci auraient été pertinents. A défaut, le renvoi de la cause au juge précédent, en raison de la seule violation du droit d'être entendu, risquerait de conduire à une vaine formalité et de prolonger inutilement la procédure (arrêt du Tribunal fédéral 4A_453/2016 du 16 février 2017 consid. 4.2.3 et 4.2.4).

Une violation du droit d'être entendu qui n'est pas particulièrement grave peut être exceptionnellement réparée devant l'autorité de recours lorsque l'intéressé jouit de la possibilité de s'exprimer librement devant une telle autorité disposant du même pouvoir d'examen que l'autorité précédente sur les questions qui demeurent litigieuses (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1; 136 III 174 consid. 5.1.2; 133 I 201 consid. 2.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_897/2015 du 1er février 2016 consid. 3.2.2), et qu'il n'en résulte aucun préjudice pour le justiciable (ATF 136 III 174 consid. 5.1.2 a contrario). A ces conditions, même si la violation du droit d'être entendu est grave, une réparation de ce vice procédural devant l'autorité de recours est également envisageable si le renvoi à l'autorité inférieure constituerait une vaine formalité. L'allongement inutile de la procédure qui en découlerait est en effet incompatible avec l'intérêt de la partie concernée à ce que sa cause soit tranchée dans un délai raisonnable (ATF 137 I 195 consid. 2.3.2 et les références; arrêts du Tribunal fédéral 5A_897/2015 du 1er février 2016 consid. 3.2.1; 5A_296/2013 du 9 juillet 2013 consid. 3.1).

2.2 En l'espèce, la décision d'avance de frais rendue par le Tribunal est certes succincte, mais elle mentionne les bases légales sur lesquelles il s'est fondé pour fixer le montant de l'avance de frais, de sorte qu'elle est suffisante. Le premier juge a par ailleurs implicitement renoncé à réduire le montant de l'avance. Les recourants ont d'ailleurs pu contester utilement la décision présentement querellée. Par ailleurs, et même s'il fallait admettre la violation du droit d'être entendu, il ne se justifierait pas pour autant d'annuler la décision attaquée et de renvoyer la cause en première instance. En effet, la Cour dispose d'un plein pouvoir d'examen en droit de sorte que, la recourante ayant fait valoir ses griefs devant la présente instance, ils pourront valablement en tant que de besoin être examiné par elle.

En tout état, un renvoi au Tribunal ne constituerait qu'une vaine formalité. En effet, le Tribunal a, dans ses observations à la suite du recours formé, conclu au rejet du recours, en explicitant le calcul de l'avance de frais opéré.

Ce premier grief est par conséquent infondé.

3. Les recourants reprochent au Tribunal d'avoir fixé une avance de frais trop élevée et de ne pas avoir, en équité, réduit dans la plus grande mesure possible le montant de celle-ci.

3.1.1 Aux termes de l'art. 98 CPC, le tribunal peut exiger du demandeur une avance à concurrence de la totalité des frais judiciaires présumés.

L'avance a un double but: éviter que le demandeur puisse s'avérer insolvable ou doive être poursuivi si c'est finalement lui qui doit supporter les frais judiciaires en tout ou en partie, dans le cadre de leur répartition finale, d'une part, et assurer que l'Etat n'aura pas de peine à recouvrer les montants mis à la charge du défendeur dans cette même répartition finale, l'avance en question servant au fond dans ce cas de garantie de paiement, d'autre part (Tappy, in Commentaire romand, Code de procédure civile, 2019, n. 3 ad. art. 98 CPC).

L'art. 98 CPC n'autorise pas la partie demanderesse à exiger une réduction de l'avance alors que les conditions dont dépend l'assistance judiciaire, relatives aux ressources insuffisantes de cette partie (art. 118 let. a CPC) et aux chances de succès de la demande (art. 118 let. b CPC) ne sont pas satisfaites. En particulier, l'équité ne justifie pas qu'un plaideur - même peu fortuné - obtienne une réduction de l'avance alors que sa demande en justice n'offre peut-être aucune chance de succès. Or, il n'incombe pas au juge de l'avance de frais d'évaluer les chances de succès de la demande (arrêts du Tribunal fédéral 8C_924/2013 du 17 juin 2014 consid. 4.3; 4A_186/2012 du 19 juin 2012 consid. 7).  

Lorsqu’il n’y a pas de droit à l’assistance judiciaire, il relève du pouvoir d’appréciation du tribunal, dans la fixation du montant de l’avance de frais, de prendre en considération la capacité financière d’une partie. A défaut, celle-ci se verrait de fait refuser l’accès aux tribunaux. Dans un tel cas, il est conforme à la volonté du législateur de faire un usage généreux de la possibilité de dispense (partielle) du versement de l’avance de frais (arrêt du Tribunal fédéral 4A_356/2014 du 5 janvier 2015 consid.1.2.2; Stoudmann, Petit commentaire, Code de procédure civile, n. 14 ad art. 98 CPC).

3.1.2 Dans la fixation des frais de justice, la valeur litigieuse joue un rôle déterminant (ATF 139 III 334 consid. 3.2.4).

La valeur du litige est déterminée par les conclusions (art. 91 al. 1 CPC). Lorsque l'action ne porte pas sur le paiement d'une somme d'argent déterminée, le tribunal détermine la valeur litigieuse si les parties n'arrivent pas à s'entendre sur ce point ou si la valeur qu'elles avancent est manifestement erronée (art. 91
al. 2 CPC).

L'objet du litige et la nature de l'action introduite sont déterminés par les conclusions de la demande et les faits invoqués à l'appui de celle-ci (ATF 130 III 547 consid. 2.1; 117 II 26 consid. 2a et les références citées; arrêt du Tribunal fédéral 5A_408/2016 du 21 juillet 2017 consid. 4.2),  à savoir par le complexe de faits sur lequel les conclusions se fondent (ATF 142 III 210 consid. 2.1; 139 III 126 consid. 3.2.2; 135 III 123 consid. 4.3.1).

3.1.3 Pour déterminer le montant des frais, il y a lieu de se référer au tarif des frais prévu par le droit cantonal (art. 96 CPC).

Selon l'art. 19 al. 3 LaCC, les émoluments forfaitaires sont calculés en fonction de la valeur litigieuse, s'il y a lieu, de l'ampleur et de la difficulté de la procédure et sont fixés dans un tarif établi par le Conseil d'Etat (art. 19
al. 6 LaCC), soit le RTFMC (RS GE E 1 05. 10). Ils sont fixés entre 100'000 fr. et 200'000 fr. lorsque la valeur litigieuse excède 10 millions de francs (art. 19 al. 3 let. d LaCC).

La fixation de l'avance de frais doit correspondre en principe à l'entier des frais judiciaires présumables (art. 2 RTFMC), compte tenu notamment des intérêts en jeu, de la complexité de la cause, de l'ampleur de la procédure et de l'importance du travail qu'elle impliquera, par anticipation sur la décision fixant l'émolument forfaitaire arrêté en fin de procédure (art. 5 RTFMC).

Lorsqu'une cause est retirée, transigée, déclarée irrecevable, jointe à une autre cause ou lorsque l'équité le justifie, l'émolument minimal peut être réduit, au maximum à concurrence des ¾, mais, en principe, pas en-deçà d'un solde de 1'000 fr. (art. 7 al. 1 RTFMC). Lorsque des circonstances particulières le justifient, il peut être entièrement renoncé à la fixation d'un émolument (art. 7 al. 2 RTFMC).

Dans les causes pécuniaires, une valeur litigieuse comprise dès 10'000'001 fr. donne lieu à un émolument compris entre 100'000 fr. et 200'000 fr. (art. 17 tiret 6 RTFMC).

En cas de pluralité de demandeurs ou de défendeurs, les émoluments sont majorés de 20% (art. 13 RTFMC).

3.1.4 Les émoluments de justice obéissent au principe de l'équivalence (ATF 133 V 402 consid. 3.1). Ainsi, leur montant doit être en rapport avec la valeur objective de la prestation fournie et rester dans des limites raisonnables. Pour que le principe de l'équivalence soit respecté, il faut que l'émolument soit raisonnablement proportionné à la prestation de l'administration, ce qui n'exclut cependant pas un certain schématisme (ATF 139 III 334 consid. 3.2.4).

Les émoluments doivent toutefois être établis selon des critères objectifs et s'abstenir de créer des différences qui ne seraient pas justifiées par des motifs pertinents (ATF 139 III 334 consid. 3.2.4). Le taux de l'émolument ne doit pas, en particulier, empêcher ou rendre difficile à l'excès l'accès à la justice (arrêt du Tribunal fédéral 2C_513/2012 du 11 décembre 2012 consid. 3.1).

L'avance de frais ne préjuge pas de la décision à rendre plus tard quant au montant des frais judiciaires (arrêt du Tribunal fédéral 4A_226/2014 du 6 août 2014 consid. 2.1).

Dès lors, la Cour examine la cause avec une certaine réserve. Ainsi, seul un abus du pouvoir d'appréciation du juge constitue une violation de la loi (ACJC/1547/2018 du 8 novembre 2018; ACJC/278/2014 du 25 février 2014; ACJC/208/2014 du 13 février 2014; Tappy, op. cit., n. 8 ad. art. 98 CPC).

3.1.5 Le tribunal n’entre en matière que sur les demandes et les requêtes qui satisfont aux conditions de recevabilité de l’action, soit notamment si les avances et les sûretés en garantie des frais de procès ont été versées (art. 59 al. 2 let. f CPC).

3.2 En l'espèce, les recourants font grief au Tribunal d'avoir fixé une avance de frais trop élevée.

Les recourants ne contestent pas, à juste titre, le caractère pécuniaire de la procédure formée devant le Tribunal et l'application de l'art. 17 RTFMC. Il est également constant que la valeur litigieuse de la présente procédure est supérieure à 100 millions de francs.

Au regard des art. 19 al. 3 LaCC et 17 RTFMC, une valeur litigieuse supérieure à 10 millions de francs donne lieu à un émolument de 100'000 fr. à 200'000 fr. La présente valeur litigieuse de plus de 100 millions de francs est dix fois plus élevée que celle indiquée ci-avant, de sorte que le Tribunal était fondé à retenir un émolument de 200'000 fr.

Il est par ailleurs constant que la demande a été formée par les deux recourants, ce qui justifie une majoration de 20%, en application de l'art. 13 RTFMC.

Selon les recourants, le complexe de faits délimitant le cadre de leur demande en paiement était pour l'essentiel définitivement établi par la procédure pénale. L'acte illicite commis par la Banque et par son ancien directeur, le principe du dommage, le rapport de causalité et la faute ne pouvaient pas être remis en cause par la précitée dans la présente procédure, seul le quantum du dommage devant être établi.

La demande en paiement des recourants, de 90 pages, comporte 229 allégués de fait et fait état de 2'168 opérations illicites exécutées par l'ancien directeur de la Banque. Les recourants ont également indiqué qu'une expertise judiciaire serait vraisemblablement nécessaire. Au vu de ce qui précède, il sera retenu que la procédure présente une complexité certaine, ce qui laisse présager de nombreux actes d'instruction à mener par le Tribunal, contrairement à ce que font valoir les recourants.

Lors de la fixation de l'avance de frais, le Tribunal ne peut préjuger de l'issue de la procédure, en particulier pas de ses chances de succès. A ce stade, la partie intimée n'a pas encore été invitée à déposer son écriture de réponse et faire valoir ses moyens, de même que ses offres de preuve.

Le fait que les recourants aient dû faire face depuis plus de sept ans à de multiples procédures complexes ne permet pas de considérer que l'équité commanderait de réduire le montant de l'avance de frais, cet élément étant exorbitant aux critères permettant de fixer le montant de l'avance de frais.

Les recourants n'ont pour le surplus fait valoir aucune difficulté financière en lien avec le paiement de l'avance de frais fixée par le Tribunal.

L'on ne discerne en conséquence aucun abus de pouvoir d'appréciation du Tribunal dans la fixation du montant de l'avance de frais, de sorte que le recours sera rejeté.

3.3 Compte tenu de l'effet suspensif accordé au recours, un délai de 30 jours sera imparti aux recourants pour verser l'avance de frais de 240'000 fr. fixée par la décision entreprise.

4.  Les frais judicaires de recours, arrêtés à 800 fr., seront mis à la charge des recourants, qui succombent (art. 106 al. 1 CC), et partiellement compensés avec l'avance fournie, qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). Les recourants sont condamnés, solidairement entre eux, à verser le solde de 200 fr. aux Services financiers du Pouvoir judiciaire.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 23 janvier 2023 par A______ et B______ contre la décision DTPI/250/2023 rendue le 10 janvier 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/12640/2022.

Au fond :

Le rejette.

Impartit à A______ et B______ un délai de 30 jours dès réception du présent arrêt pour verser l'avance de frais de 240'000 fr.

Déboute A______ et B______ de toutes autres conclusions de recours.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires du recours à 800 fr., compensés à due concurrence avec l'avance de frais fournie, acquise à l'Etat de Genève, et les met à la charge de A______ et B______, solidairement entre eux.

Condamne A______ et B______, solidairement entre eux, à verser 200 fr. aux Services financiers du Pouvoir judiciaire.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI et Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Camille LESTEVEN, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.