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Décisions | Chambre civile

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C/9178/2021

ACJC/542/2024 du 30.04.2024 sur JTPI/15215/2022 ( OO ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/9178/2021 ACJC/542/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 30 AVRIL 2024

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, France, appelant d'un jugement rendu par la 18ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 20 décembre 2022, représenté par Me Guillaume TATTEVIN, avocat, Archipel, ruelle du Couchant 11, case postale 6009, 1211 Genève 6,

et

Monsieur B______, domicilié ______, France, intimé, représenté par
Me Michel BUSSARD, avocat, SIASSI McCUNN BUSSARD, avenue de Champel 29, case postale 344, 1211 Genève 12.

 

 


EN FAIT

A. a. B______ est le père de A______. Ils sont tous deux domiciliés à D______ (France).

C______, cousin de B______, est domicilié à Genève.

b. Selon un contrat de prêt établi en la forme écrite et signé à Genève le 15 février 2011, C______ a prêté à A______ la somme de 150'000 euros, à rembourser en plusieurs mensualités entre le 15 octobre 2011 et le 15 juillet 2014.

Les parties ont désigné le droit suisse pour régir leur relation contractuelle et ont fait élection de for judiciaire à Genève.

c. Par acte signé à D______[France] le 7 mai 2018, C______ a cédé à B______ sa créance en remboursement du prêt consenti le 15 février 2011 à A______.

d. Plusieurs procédures opposent B______ et A______ en France depuis plusieurs années.

B. a. Par demande déposée le 4 mai 2021 auprès du Tribunal de première instance de Genève (ci-après le Tribunal), B______ a assigné A______ en paiement de 150'000 euros avec intérêts à 5 % dès le 1er janvier 2015 et 6'837 euros 50, sous suite de frais judiciaires et dépens.

Il a soutenu en substance avoir mis A______ en demeure, par courrier du 7 octobre 2019, de lui rembourser le prêt octroyé 15 février 2011 par C______, sans obtenir le versement de la somme réclamée.

b. Dans sa réponse du 11 novembre 2021, A______ a conclu au déboutement de B______, avec suite de frais judiciaires et dépens.

Il a en substance invoqué la nullité du contrat de prêt et de la cession de créance au motif qu'il s'agissait d'actes illicites et simulés, ne correspondant à aucune réalité économique. Ils s'intégraient à un processus devant permettre le blanchiment et le rapatriement en France d'avoirs défiscalisés de B______.

c. Dans l'espoir de mettre un terme amiable à la procédure, les parties ont sollicité du Tribunal leur comparution personnelle, laquelle a eu lieu le 29 mars 2022.


 

Au cours de cette audience, les parties ont fait consigner au procès-verbal le texte suivant :

"Les parties

Pour mettre un terme amiable à tous les litiges qui nous opposent, nous convenons que le défendeur s’engage à verser une somme globale de EUR 150'000.- montant qui sera payé, à raison de EUR 100'000.- dès le prononcé du jugement et le solde à hauteur de EUR 10'000.- par an,
la première échéance au 29 mars 2023, puis 29 mars 2024, puis 29 mars 2025, puis 29 mars 2026 et la dernière le 29 mars 2027.

Le demandeur s’engage à faire le nécessaire, si ses conseils ne l’ont pas déjà fait, pour céder au nominal ses participations au sein de la SCI E______ et la SCI F______.

Cet accord suppose qu’aucune procédure ne soit ouverte par l’une ou l’autre des parties de manière directe ou indirecte, hormis la stricte exécution du présent jugement.

Cet accord emporte désistement d’instance et d’action, dans l’ensemble des procédures pendantes en France et en Suisse.

Une convention prévoyant les détails pour solde de tout compte entre les parties sera produite au Tribunal et fera partie intégrante du jugement.

Pour le surplus, nous ne sollicitions pas de jugement motivé.

M. A______

Je tiens à préciser qu’à titre personnel je n’ai pas les EUR 100'000.- et que ce montant sera versé par le biais de la société SCI E______ dont je m’engage à solliciter l’accord des associés (mes sœurs)".

Le procès-verbal a été signé par les parties et la greffière du Tribunal.

A l'issue de l'audience, le Tribunal a imparti un délai au 31 mai 2022 aux parties pour déposer la convention susvisée, précisant que la cause serait gardée à juger à réception.

d. Par plis séparés du 31 mai 2022, les parties ont informé le Tribunal n'être pas parvenues à formaliser ladite convention.

d.a B______ a exposé avoir refusé de signer le projet de convention préparé par les avocats de A______ dans la mesure où, en dépit de ses nombreuses tentatives de reprise de contact avec son fils au cours des deux mois précédents, ce dernier n'avait pas accepté de rétablir des relations entre eux. Or, l'élément essentiel de l'accord était la restauration de la paix familiale, laquelle était la contrepartie de ses importantes concessions financières.

B______ a ainsi conclu son courrier en dénonçant et annulant tout accord ou projet d'accord avec A______, à tous égards, et a sollicité la reprise de la procédure.

d.b A______ a de son côté fait état d'un contact direct avec son père qui n'avait pas permis de débloquer la situation. La discussion avait achoppé non pas sur la mise en œuvre de l'accord, mais sur les modalités de reprise de relations apaisées au sein de la famille sur lesquelles il n'avait que partiellement prise. Or, cette problématique ne faisait pas l'objet de l'accord du 29 mars 2022 et de la convention de finalisation. Ainsi, selon lui, l'accord conclu devant le Tribunal le 29 mars 2022 constituait une transaction complète réglant notamment l'ensemble des conclusions litigieuses des parties dans la présente procédure et même au-delà. La convention à déposer au Tribunal ne concernait que les modalités d'exécution de la transaction, et non ses éléments essentiels. Quant à son exécution en France, notamment s'agissant de la cession de parts de sociétés immobilières et de désistements d'instance, il appartiendrait aux tribunaux français de donner cas échéant effet à la transaction au lieu d'exécution.

A______ a en conséquence conclu à ce que le Tribunal constate que la transaction intervenue lors de l'audience du 29 mars 2022, telle que consignée au procès-verbal d'audience, signé par les parties, avait les effets d'une décision entrée en force, à ce que les frais soient arrêtés et mis à la charge de B______ et à ce que la cause soit rayée du rôle.

e. Lors de l'audience du 21 juin 2022, A______ a suggéré qu'une décision incidente soit rendue sur la portée de l'accord protocolé le 29 mars 2022.

Le Tribunal a ouvert les débats principaux et donné la parole pour les premières plaidoiries aux parties. Celles-ci ont persisté dans leurs "précédentes conclusions".

Sur quoi, le Tribunal a renvoyé la cause à une audience de plaidoiries finales "sur la question de la transaction intervenue en audience et remise en question par le demandeur".

f. Les parties ont plaidé sur cet objet lors de l'audience du 6 septembre 2022, persistant dans leurs positions respectives.

Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience.

C. Par jugement JTPI/15215/2022 du 20 décembre 2022, reçu par A______ le 23 décembre 2022, le Tribunal, statuant sur incident, par voie de procédure ordinaire, a constaté que les parties n'avaient pas mis un terme à la procédure par transaction judiciaire.

Le Tribunal a en substance retenu que l'accord intervenu lors de l'audience du 29 mars 2022 n'était pas complet, les parties ayant réservé expressément la rédaction d'une convention à intégrer à la transaction, prévoyant les détails de l'accord pour solde de tout compte entre elles, et non pas seulement des mesures d'exécution. B______ avait refusé de ratifier la convention écrite formalisant les détails de l'accord et avait déclaré annuler l'accord signé en audience. La convention prévue n'ayant pas été signée et déposée, il fallait constater que les parties n'avaient pas mis un terme à la procédure par transaction judiciaire. En outre, A______ avait émis une réserve sur la disponibilité des fonds qu'il s'engageait à verser.

D. a. Par acte expédié le 1er février 2023 à la Cour de justice (ci-après la Cour), A______ a formé appel contre ce jugement, concluant, avec suite de frais à charge de l'intimé, à son annulation et à ce qu'il soit constaté que les parties avaient mis un terme à la procédure par transaction judiciaire, à ce que la cause soit rayée du rôle et à ce que B______ soit débouté de toutes autres conclusions.

Il a introduit vingt-six allégués de faits aux débats, par lesquels il a décrit le déroulement de la procédure de première instance. Il a déposé un chargé de sept pièces qui sont des actes de la procédure de première instance.

b. Dans sa réponse du 16 mars 2023, B______ a conclu, avec suite de frais à charge de l'appelant, au rejet de l'appel, à la confirmation du jugement du 20 décembre 2022 et à ce que B______ soit débouté de toutes autres conclusions.

Il s'est déterminé sur les allégués de l'appel, qu'il contestait pour la plupart. Il a introduit trente allégués de faits aux débats. Certains décrivent les actes de la procédure de première instance. D'autres constituent des éléments nouveaux en ce sens qu'ils détaillent de manière plus substantielle certaines circonstances (évocation de la reprise des relations familiales à l'audience du 29 mars 2022 et teneur des propos à cet égard, teneur des discussions entre les parties consécutives à cette audience, notamment sur la reprise des relations familiales, les modalités de fin de nombreuses procédures en France, la cession de parts de sociétés civiles immobilières, projet de convention, refus de l'appelant de répondre aux appels téléphoniques de l'intimé). L'intimé allègue également, mais dans la partie "en droit" de son mémoire de réponse, que les parties avaient rédigé et discuté, sous les réserves d'usage, un projet d'accord transactionnel, englobant de multiples aspects non traités dans le procès-verbal du 29 mars 2022.

L'intimé a produit deux pièces nouvelles, soit une capture d'écran de son téléphone portable illustrant ses tentatives d'entrer en contact avec l'appelant au printemps 2022 ainsi qu'un e-mail du 16 mai 2022 invitant l'appelant à répondre à ses appels téléphoniques et faisant état de la reprise des relations familiales comme condition à son accord avec la transaction judiciaire.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué les 4 mai et 5 juin 2023, en persistant dans leurs conclusions.

L'appelant a produit une pièce nouvelle à l'appui de la réplique, soit une ordonnance du juge de la mise en état du Tribunal judiciaire de D______ [France] du 27 mars 2023 ordonnant la suspension d'une procédure en cours entre les parties, dans l'attente du sort réservé à la transaction dans le cadre de la présente procédure, afin d'en tenir compte, cas échéant. Il en déduisait que la réception de la transaction par les tribunaux français n'était pas un problème.

d. Les parties ont été avisées le 22 juin 2023 de ce que la cause avait été gardée à juger.

EN DROIT

1.             1.1 Interjeté contre une décision incidente (art. 237 CPC) de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC), auprès de l'autorité compétente (art. 120 al. 1 let. a LOJ), dans une affaire patrimoniale dont la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (art. 91 al. 1, 92 al. 1, 308 al. 2 CPC), dans le délai de trente jours et selon la forme prescrite par la loi (art. 130 al. 1, 142 al. 1, 145 al. 1 let. c, 311 al. 1 CPC), l'appel est recevable.

1.2 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC) dans la limite des griefs motivés qui sont formulés (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4; arrêts du Tribunal fédéral 4A_290/2014 du 1er septembre 2014 consid. 5; 5A_89/2014 du 15 avril 2014 consid. 5.3.2). En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_153/2014 du 28 août 2014 consid. 2.2.3).

1.3 La cause est soumise aux maximes des débats (art. 55 al. 1 CPC) et de disposition (art. 58 al. 1 CPC). Le juge applique le droit d’office (art. 57 CPC).

2. Les parties ont produit des pièces nouvelles et ont allégué de nombreux faits en appel.

2.1 A teneur de l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b). Les deux conditions sont cumulatives (ATF 144 III 349 consid. 4.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_436/2020 du 5 février 2021 consid. 4.3).

En application de la let. a de cette disposition, la partie à l'instance d'appel qui entend se prévaloir de faits ou moyens de preuve nouveaux doit le faire dès que possible, ce qui, la plupart du temps, coïncidera avec l'introduction du mémoire d'appel, respectivement avec le dépôt de la réponse, cas échéant avec la présentation d'un appel joint et de la réponse à ce dernier (Jeandin, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd., 2019, n° 7 ad art. 317 CPC).

Il appartient au plaideur qui entend se prévaloir en appel de moyens de preuve déjà existants lors de la fin des débats principaux de démontrer qu'il a fait preuve de la diligence requise, ce qui implique notamment d'exposer précisément les raisons pour lesquelles le moyen de preuve n'a pas pu être invoqué devant l'autorité précédente, avant la clôture des débats principaux (ATF 144 III 349 consid. 4.2.1; arrêts du Tribunal fédéral 5A_436/2020 du 5 février 2021 consid. 4.3; 5A_266/2015 du 24 juin 2015 consid. 3.2.2; 5A_445/2014 du 28 août 2014 consid. 2.1).

2.2 En l'espèce, les allégations de faits des parties en appel qui décrivent le déroulement de la procédure de première instance ne constituent pas des faits nouveaux. Pour le surplus, s'agissant de faits déjà substantiellement exposés dans les courriers des parties du 31 mai 2022 au Tribunal, les allégations sont également recevables puisqu'elles n'introduisent aux débats aucun élément nouveau.

En revanche, les pièces produites en appel par l'intimé visant des échanges téléphoniques ou électroniques entre les parties, alors que les pourparlers transactionnels étaient en cours, auraient pu et dû être déposées en première instance, puisqu'elles existaient avant l'audience de débats d'instruction et d'ouverture des débats principaux du 22 juin 2022. Elles sont par conséquent irrecevables.

L'ordonnance émanant du Tribunal judiciaire de D______ [France] du 27 mars 2023 produite par l'appelant avec sa réplique du 4 mai 2023 est recevable, de même que les allégués nouveaux qu'elle soutient, s'agissant d'éléments nouveaux produits à temps.

3. L'appelant soutient que les termes de l'accord entre les parties protocolés lors de l'audience du 29 mars 2022 contiendraient les éléments essentiels de la transaction, laquelle était par conséquent parfaite et engageait les parties. Le premier juge aurait par conséquent constaté inexactement les faits et violé le droit en parvenant à la conclusion inverse. Il n'aurait notamment pas dû intégrer dans l'accord la question de la reprise des relations familiales car elle était exorbitante à la transaction; si l'appelant admettait que ce thème avait été évoqué à l'audience du 29 mars 2022 – sans que cela ne soit inscrit au procès-verbal – le propos s'était limité à l'espoir que l'accord conclu permettrait de restaurer les relations familiales. La convention à déposer ultérieurement par les parties ne devait comporter aucun point essentiel qui n'aurait pas été réglé et ne devait porter que sur des détails d'exécution. Le Tribunal aurait par conséquent dû entériner la transaction. L'intimé tentait en réalité, en invoquant une nouvelle condition, de revenir sur un accord valablement conclu, qu'il ne souhaitait plus.

L'intimé prétend que la reprise des relations familiales était une condition de la transaction, de sorte que l'absence d'accord sur cet objet entraînait le constat de l'inexistence d'une volonté réelle et commune des parties sur les points essentiels d'une convention transactionnelle. Le procès-verbal d'audience était le reflet d'une offre de transaction non aboutie, lacunaire sur plusieurs éléments essentiels, qui devait être complétée pour déboucher sur la transaction elle-même, à produire sous forme écrite. Le fait qu'un document écrit devait encore être déposé était la preuve que le procès-verbal d'audience n'était qu'un projet et ne représentait qu'un accord partiel. La convention à produire était le document essentiel de la transaction pour valoir jugement exécutoire, "prévoyant tous les détails pour solde tout compte entre les parties". En outre, le procès-verbal du 29 mars 2022 mentionnait que l'appelant ne disposait pas des fonds lui permettant d'exécuter la transaction et devrait recourir aux avoirs d'une société dont il n'était pas le seul ayant droit et dont il ne maîtrisait pas l'approbation. L'exécution de la transaction était par conséquent conditionnée à l'accord non encore obtenu de tiers, ce qui n'était pas admissible. L'engagement des parties de ne pas ouvrir de procédures l'une contre l'autre introduisait également un élément de conditionnalité rendant la transaction inopérante. De surcroît, l'impact de la transaction envisagée sur les litiges en cours en France n'avait pas été suffisamment examiné sur le plan juridique pour constituer un accord transactionnel exécutable. Finalement, l'appelant n'avait pas payé le montant qu'il s'était engagé à verser malgré le fait qu'il considérait que l'accord était parfait et valait jugement exécutoire dès le 29 mars 2022.

3.1.1 La transaction judiciaire est un acte consensuel par lequel les parties mettent fin à leur litige ou à une incertitude au sujet de leur relation juridique moyennant des concessions réciproques. Elle est conclue pour éviter un examen complet des faits et de leur portée juridique, de sorte les art. 23 ss CO sur les vices de la volonté ne s'appliquent qu'avec des restrictions (ATF 132 III 737 consid. 1.3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_456/2019 du 8 avril 2020 consid. 4.1).

La transaction judiciaire, comme tout contrat, est parfaite lorsque les parties ont réciproquement et de manière concordante manifesté leur volonté (art. 1 al. 1 CO) et qu'elles se sont mises d'accord sur tous les points objectivement et subjectivement essentiels, dès lors même que des points secondaires ont été réservés (art. 2 al. 1 CO; ATF 110 II 287, JT 1985 II 146). Peuvent être considérés comme objectivement essentiels tous les points sur lesquels un accord des parties est indispensable, parce qu’ils ne peuvent être précisés ni par une règle du droit dispositif, ni par l’intervention du juge (Morin, Commentaire romand, CO-I, 2021, n° 3 ad art. 2 CO).

Seules les prétentions dont les parties peuvent librement disposer sont susceptibles de faire l’objet d’une transaction judiciaire (ATF 138 III 407 c. 2.3, JdT 2013 II 374; Bohnet, Commentaire Romand, CPC, 2019, n° 7 ad art. 208 CPC).

La transaction judiciaire lie les parties à la procédure et l’effet obligatoire ne s’étend qu'à celles-ci et à leurs successeurs en droit. En revanche les tiers, même parties au rapport de droit litigieux mais qui n’ont pas été impliqués dans le procès, ne sont pas liés par la transaction (arrêt du Tribunal fédéral 5A_77/2012 du 14.3.2012 consid. 4.2).

3.1.2 Le CPC ne précise pas les contrôles que le juge doit exercer sur la validité de la transaction avant de faire rayer une cause du rôle et les travaux préparatoires sont muets à cet égard. En principe, l’autorité a seulement à prendre connaissance de la conclusion de la transaction et à constater la liquidation du procès, mais sans examiner le caractère raisonnable de ce qui a été convenu. Il ne saurait en tous les cas être question de vérifications similaires à celles qui doivent être opérées avant la ratification d’une convention sur les effets du divorce, soumise à des cautèles particulières (art. 279 CPC). Un contrôle formel est cependant indispensable, la cause ne pouvant être rayée du rôle que si le tribunal se trouve véritablement en présence d’une transaction judiciaire signée par toutes les personnes concernées ou par des représentants ayant les pouvoirs nécessaires, respectant les exigences notamment de langue requises, portant bien sur des droits librement disponibles, etc. Par ailleurs, le tribunal doit pouvoir refuser de consigner un accord au procès-verbal en lui reconnaissant force de chose jugée, et donc de rayer la cause du rôle, si un tel acte lui paraît contrevenir à une règle légale impérative ou tendre manifestement à une fraude à la loi (p. ex. en présence d’une revendication fictive suivie d’un acquiescement frauduleux destiné à contourner la LFAIE, d’une transaction qualifiant autrement une prétention évidemment salariale pour éluder des cotisations d’assurance sociale, de lésion d'une partie, etc.). Enfin, l’autorité doit examiner si la transaction est claire et complète. A défaut, elle doit faire en sorte de l’améliorer (ATF 124 II 8, JdT 1999 IV 43; Tappy, Commentaire Romand, CPC, 2019, n° 36 ad art. 241 CPC; Bohnet, op. cit., n° 8 ad art. 208 CPC; Heinzmann, Braidi, Petit Commentaire, CPC, 2020, n° 11 ad art. 241 CPC).

3.1.3 Selon l'art. 241 al. 2 CPC, la transaction judiciaire a les effets d'une décision entrée en force. Elle est revêtue de l'autorité de chose jugée, et l'exécution forcée s'effectue comme pour un jugement. A teneur de l'art. 336 al. 1 let. a CPC, une décision - respectivement une transaction judiciaire - est exécutoire lorsqu'elle est entrée en force et que le tribunal n'a pas suspendu l'exécution. La jurisprudence a précisé que pour être exécutoire au sens de l'art. 336 CPC, la décision doit décrire l'obligation à exécuter avec une précision suffisante sous l'angle matériel, local et temporel, de façon à ce que le juge chargé de l'exécution n'ait pas à élucider lui-même ces questions. Une décision peu claire doit faire l'objet d'une interprétation ou d'une rectification (art. 334 al. 1 CPC). Si le vice ne peut pas être levé par cette voie et que la décision n'est donc toujours pas exécutoire, une nouvelle action doit être intentée. Le principe de l'autorité de chose jugée ne s'y oppose pas, puisqu'une décision non exécutable ne déploie pas d'autorité de chose jugée (arrêt du Tribunal fédéral 4A_640/2016 du 25 septembre 2017 consid. 2.2).

3.1.4 Une transaction judiciaire doit être interprétée selon les règles applicables au contrat, soit selon les art. 1 et 18 CO.

Aux termes de l'art. 18 al. 1 CO, pour apprécier la forme et les clauses d'un contrat, il y a lieu de rechercher la réelle et commune intention des parties, sans s'arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont elles ont pu se servir, soit par erreur, soit pour déguiser la nature véritable de la convention.

Pour déterminer le contenu d'une clause contractuelle, le juge doit donc rechercher, dans un premier temps, la réelle et commune intention des parties (interprétation subjective), le cas échéant empiriquement, sur la base d'indices. Constituent des indices en ce sens non seulement la teneur des déclarations de volonté - écrites ou orales -, mais encore le contexte général, soit toutes les circonstances permettant de découvrir la volonté réelle des parties, qu'il s'agisse de déclarations antérieures à la conclusion du contrat ou de faits postérieurs à celle-ci, en particulier le comportement ultérieur des parties établissant quelles étaient à l'époque les conceptions des contractants eux-mêmes (ATF 144 III 93 consid. 5.2; 132 III 268 consid. 2.3.2, 626 consid. 3.1; 131 III 606 consid. 4.1).

Si le juge ne parvient pas à déterminer la volonté réelle et commune des parties - parce que les preuves font défaut ou ne sont pas concluantes - ou s'il constate qu'une partie n'a pas compris la volonté exprimée par l'autre à l'époque de la conclusion du contrat - ce qui ne ressort pas déjà du simple fait qu'elle l'affirme en procédure, mais doit résulter de l'administration des preuves -, il doit recourir à l'interprétation normative (ou objective), à savoir rechercher leur volonté objective, en déterminant le sens que, d'après les règles de la bonne foi, chacune d'elles pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l'autre (principe de la confiance) (arrêt du Tribunal fédéral 4A_456/2019 du 8 avril 2020 consid. 4.1 et 4.2).

. 3.2 En l'espèce, les parties s'opposent sur la teneur de leur convention et la portée du texte qu'elles ont signé le 29 mars 2022.

Le Tribunal a considéré que ce texte ne constituait pas une transaction en raison de son caractère inachevé, une convention écrite devant le compléter, et que l'intimé, de son propre aveu, n'était pas en mesure de l'exécuter personnellement.

L'appelant reproche au Tribunal d'avoir retenu que l'accord était incomplet au motif qu'il ne portait pas sur la question de la reprise des relations personnelles entre l'intimé et sa famille. Cette question n'a pas été traitée par le Tribunal de sorte qu'on ne saurait lui reprocher quoi que ce soit à ce propos.

Quant à l'intimé, il persiste à considérer que la restauration des relations familiales faisait partie de la transaction et en constituait un élément essentiel, de sorte que la solution retenue par le Tribunal serait correcte. Bien qu'il n'ait pas fait appel, l'intimé est en droit de développer un grief sur un point que le Tribunal n'a pas traité et permet de soutenir ses conclusions en rejet de l'appel (arrêts du Tribunal fédéral 4A_253/2015 du 21 octobre 2015 consid. 2.4.2 et 5A_804/2018 du 18 janvier 2018 consid. 3.2). Cela étant, c'est à raison que le Tribunal n'a pas examiné cette question, aucun élément à la procédure n'établissant que celle-ci aurait fait l'objet des discussions transactionnelles à l'audience du 29 mars 2022 et en aurait constitué un objet essentiel. Ce point n'est apparu qu'ultérieurement et se révèle par conséquent exorbitant du cadre des pourparlers posé au cours de cette audience. Il n’est donc pas pertinent.

Les parties ont stipulé qu'elles entendaient ne se lier qu'après avoir signé une convention prévoyant "les détails pour solde de tout compte" entre elles, destinée à faire partie intégrante de leur accord transactionnel valant jugement. Elles ont manifesté par-là qu'elles n'étaient pas en mesure, à ce stade, de conclure un accord complet susceptible de constituer un véritable solde de tout compte. De surcroît, si l'art. 2 al. 1 CO permet de retenir que des points accessoires non réglés n'entachent pas la validité et la force obligatoire d'un accord, la transaction judiciaire est soumise à un régime plus strict, puisqu'elle n'acquiert son caractère exécutoire que si elle est suffisamment précise pour être immédiatement exécutable, sans discussion, ni complètement. C'est ainsi à raison que le Tribunal a retenu que l’accord du 29 mars 2022 n'avait pas réglé tous les éléments essentiels de la transaction et que les points restés en suspens ne se limitaient pas à des détails d'exécution.

Il résulte de ce qui précède qu'aucun accord transactionnel valable n'est advenu entre les parties.

Il n'est pas nécessaire d'examiner encore, ainsi que l'a fait le Tribunal, l'impact sur le litige de la déclaration de l'appelant lors de l'audience du 29 mars 2022 selon laquelle il n'était pas en mesure d'exécuter personnellement ses engagements financiers dans le cadre de la transaction envisagée.

En conclusion, le jugement entrepris sera confirmé.

4. Les frais judiciaires d’appel seront fixés à 1'000 fr., (art. 96 et 104 al. 1 et 2, 105 al. 1 CPC; art. 19 LaCC; art. 23 et 36 RTFMC), mis à la charge de l'appelant qui succombe (art. 106 al. 1 CPC) et compensés avec l’avance de frais de même montant versée par l’appelant, laquelle reste acquise à l’Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

De même, les dépens d'appel seront mis à la charge de l'appelant et arrêtés à 1'000 fr., débours inclus (art. 95 al. 1 let. b et al. 3, 104 al. 1 et 2, 105 al. 2 et 106 al. 1 CPC; art. 20, 23 et 25 LaCC; art. 84 ss RTFMC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté 1er février 2023 par A______ contre le jugement JTPI/15215/2022 rendu le 20 décembre 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/9178/2021.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 1'000 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l'avance de même montant effectuée par ce dernier qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ à verser à B______ la somme de 1'000 fr. à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Sylvie DROIN et Monsieur
Jean REYMOND, juges; Madame Sophie MARTINEZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.