Décisions | Chambre civile
ACJC/282/2024 du 01.03.2024 sur JTPI/6758/2023 ( SDF ) , MODIFIE
En droit
Par ces motifs
republique et | canton de geneve | |
POUVOIR JUDICIAIRE C/17484/2021 ACJC/282/2024 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU JEUDI 8 FÉVRIER 2024 |
Entre
Madame A______, domiciliée ______ [GE], appelante et intimée d'un jugement rendu par la 11ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 25 mai 2023, représentée par Me Imed ABDELLI, avocat, rue du Mont-Blanc 9, 1201 Genève,
et
Monsieur B______, domicilié ______, France, intimé et appelant, représenté par
Me Sandy ZAECH, avocate, TERRAVOCATS GENÈVE, rue Saint-Joseph 29,
case postale 1748, 1227 Carouge.
A. Par jugement JTPI/6758/2023 du 25 mai 2023, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) a débouté les époux B______ et A______ des fins de leurs requêtes de mesures provisionnelles (chiffres 1 et 2 du dispositif) et renvoyé le sort des frais judiciaires y relatifs à la décision finale (ch. 3).
Statuant sur mesures protectrices de l'union conjugale, le Tribunal a autorisé B______ et A______ à vivre séparés (ch. 4), attribué à l'épouse la jouissance du domicile conjugal sis chemin 1______ no. ______ à C______ [GE] (ch. 5) en lui donnant acte de son engagement de reprendre à son seul nom les droits et obligations résultant du contrat de bail (6), maintenu l'autorité parentale conjointe des parties sur leur fille D______, à l'exception du droit de déterminer le lieu de résidence de l'enfant qui leur était retiré (ch. 7), dit que le domicile légal de D______ était chez sa mère à Genève (ch. 8), instauré une garde alternée sur D______ à exercer, sauf accord contraire des parties, une semaine sur deux chez chacun des parents, à charge pour B______ d'amener et ramener l'enfant à Genève, et la moitié des vacances à raison de deux semaines consécutives maximum (ch. 9) et instauré une curatelle de surveillance du droit de visite en mettant à la charge des parties à parts égales l'éventuel émolument lié à cette curatelle (ch. 10). Sur le plan financier, le Tribunal a condamné B______ à verser à A______ le montant de 1'270 fr. par mois, allocations familiales non comprises, à titre de contribution à l'entretien de l'enfant dès le prononcé du jugement (ch. 11), dit que les allocations familiales resteraient acquises dès cette date à B______ (ch. 12), condamné ce dernier à verser à A______ le montant de 330 fr. par mois à titre de contribution à son entretien dès le mois d'octobre 2022 (ch. 13), sous déduction de la somme de 1'566 fr. 50 versée depuis la séparation des parties jusqu'à décembre 2022 (ch. 14).
Pour le surplus, le Tribunal a mis les frais judiciaires, arrêtés à 2'910 fr., à la charge des parties par moitié chacune, la part de A______ étant provisoirement supportée par l'Etat de Genève puisqu'elle était au bénéfice de l'assistance judiciaire (ch. 17), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 18), condamné les parties à respecter et exécuter les dispositions du jugement (ch. 19) et débouté celles-ci de toutes autres conclusions (ch. 20).
B. a. Par acte déposé le 26 juin 2023 au greffe de la Cour de justice, A______ appelle de ce jugement dont elle sollicite à l'annulation des chiffres 6, 7, 9, 11 à 14 et 17 à 20 du dispositif.
Cela fait, elle conclut à ce que la Cour lui attribue la jouissance des meubles qui se trouvaient au domicile familial, ordonne à B______ de lui restituer ces meubles et/ou de compenser leur valeur par une somme d'argent convenable et juste, retire le droit de déterminer le lieu de résidence de l'enfant à B______, lui attribue la garde exclusive de D______, réserve à B______ un droit de visite à raison d'un week-end sur deux (sans les nuits) et de la moitié des vacances scolaires, sous réserve des garanties concrètes que celui-ci donnera sur le respect rigoureux de ses engagements. Par ailleurs, elle sollicite une contribution à l'entretien de l'enfant de 1'577 fr. 90 par mois, ainsi qu'une contribution pour son propre entretien de 1'382 fr. 75 par mois, que B______ soit, en outre, condamné à lui verser 9'531 fr. 30 pour diverses factures restées impayées depuis la séparation et, enfin, que les frais de première instance et d'appel soient mis à raison des deux tiers à la charge de B______.
A l'appui de son appel, elle produit des pièces complémentaires.
b. B______ appelle également du jugement précité, dont il sollicite l'annulation des chiffres 7 à 14 et 17 du dispositif, requérant préalablement l'octroi de l'effet suspensif concernant l'instauration de la garde alternée prononcée par le Tribunal et le paiement des contributions d'entretien allouées.
Principalement, il conclut à ce qu'il soit dit que le Tribunal n'était pas compétent ratione loci pour statuer sur le sort de l'enfant D______, à ce qu'il soit dit que les époux ne se doivent aucune contribution à leur propre entretien et à ce que la Cour déboute A______ de toutes autres ou contraires conclusions.
A titre subsidiaire, il conclut à la restriction de l'autorité parentale de A______ sur l'enfant D______ en ce qui concerne le droit de déterminer le lieu de résidence de celle-ci, à l'octroi en sa faveur de la garde exclusive de l’enfant, à ce qu'un droit de visite soit réservé à A______, à exercer en France, en milieu surveillé, à raison d'une journée une semaine sur deux, à ce que A______ soit condamnée à contribuer à l'entretien de l'enfant à hauteur de 500 fr. par mois et à la prise en charge des éventuels frais extraordinaires de D______ par moitié après concertation préalable des parents.
Il produit lui aussi des pièces complémentaires.
c. Par arrêt du 20 juillet 2023, la Cour a admis la requête d'effet suspensif sur les chiffres 7 à 11 du dispositif entrepris relatifs à la garde et à l'entretien de l'enfant et l'a rejetée pour le surplus, la question des frais étant renvoyée à la décision finale.
d. Dans leurs réponses respectives, les époux ont chacun conclu au déboutement de leur partie adverse. B______ a, par ailleurs, soulevé l'irrecevabilité des allégués n. 52 à 70 ainsi que des conclusions n. 5, 13, 14 et 15 figurant dans le mémoire d'appel de A______ ainsi que des pièces n. 32, 34, 35, 36 et 37 produites par cette dernière.
e. B______ a répliqué le 31 juillet 2023 en persistant dans ses conclusions.
f. A______ n'a pas répliqué ni dupliqué.
g. A l'issue de l'échange d'écritures, la Cour a procédé à la réouverture de l'administration des preuves par ordonnance du 17 octobre 2023 en raison du fait que la situation s'était notablement modifiée depuis le prononcé du jugement entrepris et que l'état de fait devait être complété sur des points essentiels (cf. let. D ci-après).
C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure.
a. A______, née en 1990, de nationalité vietnamienne et B______, né en 1981, de nationalité française, se sont mariés le ______ 2018 à E______ (Vaud).
b. De cette union est issue l'enfant D______, née le ______ 2021 à Genève.
c. Les parties sont en proie à d'importantes difficultés conjugales, qui se sont intensifiées depuis la naissance de l'enfant.
Au cours de la présente procédure, les parties ont, chacune, allégué avoir été victime de violences conjugale; elles ont déposé l'une contre l'autre diverses plaintes et contre-plaintes pénales pour lésions corporelles, dommages à la propriété, injures et diffamation, ainsi que des requêtes de mesures superprovisionnelles et provisionnelles.
Tant le Ministère public que le Tribunal n'ont pas été en mesure d'objectiver le déroulement des faits dénoncés, ce qui a conduit au rejet des mesures superprovisionnelles le 30 août 2022 et, sur le plan pénal, au prononcé d'ordonnances de non-entrée en matière les 5 août 2022 et 3 mai 2023 et de classement le 13 juin 2023.
d. Par requête déposée le 13 septembre 2021 devant le Tribunal, A______, assistée par son ancien conseil, a sollicité le prononcé de mesures protectrices de l'union conjugale, concluant notamment à ce que le Tribunal autorise les époux à vivre séparés, lui attribue la jouissance exclusive du domicile conjugal, avec les meubles et les objets le garnissant, lui attribue la garde exclusive de l'enfant D______, en réservant un droit de visite au père, lui alloue une contribution d'entretien de 2'642 fr. 16 (sic) par mois en faveur de l'enfant ainsi que de 330 fr. par mois pour son propre entretien.
e. Dans sa réponse, B______ a, lui aussi, requis l'attribution de la jouissance exclusive du domicile conjugal avec les meubles et les objets le garnissant, la garde exclusive de l'enfant D______, en réservant un droit de visite à la mère, ainsi qu'une contribution à l'entretien de l'enfant de 1'600 fr. par mois. Il a également conclu à ce que le Tribunal dise et constate que les époux ne se devaient aucune contribution à leur propre entretien et prononce la séparation de biens.
f. A la suite d'une altercation entre les parties et à l'intervention à leur domicile de la police, celles-ci ne vivent plus ensemble depuis le 10 octobre 2022.
g. B______ a alors quitté le domicile conjugal avec l'enfant D______ pour se rendre temporairement chez sa sœur qui vit à F______ (France), ce dont il a averti le Tribunal par courrier du 14 octobre 2022. Il s'est ensuite installé avec D______ chez des amis à G______ (Vaud), qui ont mis une chambre à sa disposition. Pendant la journée, l'enfant était gardée par la sœur de B______.
A______ est, quant à elle, restée vivre à Genève. Elle est demeurée dans l'ancien appartement conjugal, avant de se constituer un nouveau domicile au mois de juin 2023, alléguant ne plus pouvoir s'acquitter seule du loyer de l'ancien logement.
h. Depuis cette altercation, A______ n'a plus entretenu de contacts directs avec sa fille.
Elle a expliqué en cours de procédure que son époux était parti avec l’enfant sans son accord et qu'elle n'avait pas de véhicule ni les moyens pour effectuer les trajets jusqu'au lieu de résidence de son époux. Par ailleurs, elle avait compris des explications de son conseil qu'il lui était recommandé de ne pas aller voir sa fille chez son père car cela aurait pu laisser penser qu'elle acceptait son nouveau lieu de résidence, ce qui n'avait jamais été le cas.
i. Lors de l'audience du 17 novembre 2022, les parties ont convenu que A______ pourrait exercer des relations personnelles avec D______ un jour sur deux par téléphone (en appel « visio »).
j. Le 28 novembre 2022, A______ s'est rendue au Vietnam pour s'occuper, selon ses dires, de sa mère malade. Elle a versé à la procédure une confirmation des vols, selon laquelle son retour était prévu pour le 10 février 2023. Dans un message, envoyé deux jours avant son départ, A______ a indiqué à son époux que si quelque chose n'allait pas et qu'elle ne revenait pas en Suisse, elle espérait qu'il éduquerait bien leur fille. Elle est toutefois revenue à Genève le 10 février 2023.
Durant son absence, A______ a régulièrement appelé sa fille en « visio » et a reçu quotidiennement une photo d'elle de la part de son époux.
k. Le SEASP a établi un premier rapport le 20 octobre 2022 aux termes duquel il a relevé que jusqu'à leur séparation, les deux parents s'occupaient bien de leur fille au quotidien et qu'ils avaient une bonne relation avec elle, chacun étant investi. Cependant, le confit parental n'avait cessé de s'aggraver au cours des derniers mois au détriment de D______, de sa stabilité et de son bon fonctionnement. Les parents ne parvenaient plus à préserver leur fille de ce conflit.
B______ se montrait très virulent envers la mère de l'enfant, la dénigrant et niant ses capacités parentales. Il l'avait délibérément et abruptement exclue en s'installant - provisoirement - à deux heures de route, sous prétexte de protéger l'enfant. Les troubles psychologiques qu'il alléguait chez la mère de l'enfant n'étaient cependant pas objectivés. Son comportement démontrait une incapacité à favoriser le lien entre la mère et l'enfant. La mère apparaissait plus modérée et suivait les recommandations données. Elle semblait avoir de bonnes capacités de remise en question, contrairement au père de l'enfant qui, en outre, avait des difficultés à faire des compromis. L'intérêt de D______, vu son âge, était d'avoir un lieu de vie et des figures d'attachement stables, ce qui commandait d'attribuer la garde de fait à la mère, avec un large droit de visite au père. L'instauration d'une garde alternée paraissait prématurée dans ces circonstances, notamment en raison du conflit parental majeur et du jeune âge de l'enfant (1 an et 8 mois).
Enfin, il apparaissait indispensable qu'un tiers soit nommé afin de veiller à l'application des décisions judicaires, compte tenu de la tentative d'une précédente organisation de prise en charge mise en place par le SEASP, que B______ n'avait pas respectée, malgré des recommandations réitérées.
A______ a approuvé les conclusions de ce rapport, contrairement à B______, lequel a déclaré qu’il ne le considérait ni crédible, ni objectif.
l. Dans un complément d'évaluation effectué par un autre intervenant le 12 décembre 2022, le SEASP a confirmé les éléments figurant dans le précédent rapport s'agissant des capacités parentales de chacun des parents.
Le SEASP s'inquiétait de la rupture des relations entre D______ et sa mère, ce qui était hautement préjudiciable à l'enfant, ce d'autant que le père ne parvenait pas à laisser une place à la mère, alors que ses inquiétudes vis-à-vis des capacités parentales de cette dernière n’étaient pas corroborées. Dès lors, il était considéré comme urgent et nécessaire que l'enfant ait accès à ses deux parents.
Le service a ainsi proposé que, pendant une durée transitoire, une garde alternée soit mise en œuvre à raison d'une semaine chez chacun des parents, étant précisé qu'il avait reçu l'assurance que la mère rentrerait du Vietnam sitôt qu'elle pourrait voir sa fille. Les conditions d'octroi d'une telle garde n'étaient certes pas complètement réunies eu égard à l'éloignement des domiciles, à l'âge de l'enfant et au conflit parental. Il s'agissait toutefois d'une solution transitoire. Malgré la rupture de contact, cette garde alternée pouvait être instaurée sans progression ou paliers dès lors que le lien mère-fille était suffisamment établi.
A terme, il était recommandé d'ordonner une expertise psychiatrique familiale pour déterminer lequel des parents était le plus à même d'obtenir la garde de l'enfant.
m. Les parties se sont toutes deux opposées à l'instauration d'une garde alternée, ainsi qu'à la mise en œuvre d'une expertise familiale, chacune requérant la garde exclusive de l'enfant.
n. Par acte du 13 décembre 2022, B______ a sollicité de nouvelles mesures provisionnelles tendant, entre autres, à ce que l'autorité parentale exclusive et la garde de l'enfant lui soient attribuées. Il justifiait sa requête en raison de l'absence de longue durée, voire définitive, de son épouse qui, depuis son arrivée au Vietnam, n'avait que rarement demandé des nouvelles de D______. Il se disait "bloqué" dans diverses démarches administratives qu'il devait effectuer pour l'enfant, lesquelles nécessitaient l'accord des deux parents. Les affaires courantes de l'enfant ne pouvaient pas attendre le retour - hypothétique - de la mère.
o. Par mémoire du 11 janvier 2023, A______ s'est opposée à cette requête, sollicitant, à son tour, que la garde exclusive de l'enfant lui soit attribuée sur mesures provisionnelles.
Elle a notamment allégué avoir dénoncé l'enlèvement de D______ par B______ à la police à plusieurs reprises. Celle-ci lui aurait indiqué ne rien pouvoir faire, dès lors que B______ avait lui-même déclaré à la police qu'il se mettait à l’abri de son épouse et que l'enfant se trouvait toujours en Suisse, à G______.
p. Le Tribunal a entendu une nouvelle fois les parties lors de l'audience du 16 février 2023.
p.a B______ a déclaré avoir trouvé un logement à H______ en France, à proximité de celui de sa sœur, pour lequel il allait signer un bail le surlendemain. Il n'avait plus l'intention de revenir habiter à Genève où il continuerait, néanmoins, à travailler. S'agissant du droit de visite, il proposait que la mère voie l'enfant un week-end sur deux du samedi 10h30 au dimanche 16h00, la remise de l'enfant devant se faire à I______ [VD].
Il a persisté dans ses précédentes conclusions, concluant, en outre, à ce que l'autorité parentale de A______ sur l'enfant soit restreinte de sorte à ce qu'il puisse modifier son domicile.
p.b A______ a confirmé être partie au Vietnam pour s'occuper de sa mère, qui était tombée malade, et non pour subir des interventions chirurgicales de nature esthétique comme l'affirmait son époux. Le refus affiché par ce dernier [lors de la précédente audience] de la laisser voir l'enfant l'avait également décidée à partir, mais pour une durée déterminée. Le prix des billets d'avion ne lui permettant pas de faire un aller-retour, elle était restée dans son pays pendant la période des fêtes. Elle n'avait pas l'intention de quitter la Suisse. Elle s'est vivement opposée à ce que son époux change le domicile de leur fille pour s'installer en France, affirmant qu'elle n'avait pas été tenue au courant de ce projet au préalable.
Elle a persisté dans ses précédentes conclusions et s'est opposée à une restriction de son autorité parentale sur l'enfant. Enfin, sur nouvelles mesures provisionnelles, elle a conclu à ce qu'il soit fait interdiction à B______ de quitter la Suisse avec D______ et a sollicité une inscription de l'enfant dans le système RIPOL/SIS.
Le Tribunal a gardé la cause à juger, sur mesures provisionnelles et au fond, à l'issue de l'audience.
q. Par ordonnance du 17 février 2023, rendue à la suite de la requête de mesures superprovisionnelles déposée par A______ le même jour et notifiée le 20 février 2023 à B______, le Vice-Président du Tribunal a restreint l'autorité parentale de B______ sur D______ en ce qui concernait son droit de déterminer le lieu de résidence de celle-ci et lui a fait interdiction de quitter le territoire suisse avec l'enfant, sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP, les autres conclusions étant rejetées pour le surplus.
r. Le même jour, aux alentours de 23 heures, A______ s'est rendue à la police et a déposé plainte pénale contre son époux pour violation de l'art. 292 CP et enlèvement international.
La police française, sur interpellation de la police suisse, est intervenue au domicile de la sœur de B______ où il se trouvait. Ce dernier a expliqué qu'il n'avait pas connaissance de l'ordonnance rendue sur mesures superprovisionnelles et qu'il se trouvait chez sa sœur, ce qui était connu de tous dans le cadre de la procédure civile en cours. La procédure a été close par une main courante inscrite en France.
s. Par requête du 20 février 2023, B______ a requis le prononcé de mesures superprovisionnelles tendant à l'annulation de l'ordonnance du 17 février 2023 afin qu'il puisse "s'installer sereinement dans son nouveau lieu de vie", soit la maison prise en location à H______ à compter du 16 mars 2023, précisant que jusque-là il demeurerait chez sa sœur à F______.
Cette requête a été rejetée par ordonnance du lendemain, au motif que B______ s'était rendu en France en violation des termes de l'ordonnance du 17 février 2023 et qu'il cherchait une décision judiciaire ratifiant a posteriori sa décision, ce qui n'était pas admissible.
D. a. Lors de la procédure d'appel, la Cour a, au vu des derniers développements survenus depuis le prononcé du jugement entrepris, sollicité un rapport d'évaluation sociale complémentaire afin d'actualiser la situation, en particulier sur les conditions de prise en charge de l'enfant ainsi que sur les raisons précises de la rupture des relations entre la mère et la fille et a tenu une audience, lors de laquelle les parties ont été entendues.
b. Le SEASP a rendu un rapport complémentaire le 20 novembre 2023.
Il a exposé que la dynamique familiale, et plus particulièrement le fonctionnement personnel du père, étaient sources d'inquiétudes pour le développement à moyen terme de l'enfant. S'il bénéficiait toujours de compétences parentales suffisantes pour s'occuper de sa fille, son attachement à son enfant et les soins prodigués n'étant pas remis en cause, il était en revanche en grande difficulté à laisser une place à la mère, alors même qu’il affirmait le contraire. Il refusait les visites proposées par le SEASP à raison de quelques heures à quinzaine et refusait que l'enfant effectue les trajets jusqu'à Genève. Les inquiétudes de B______ vis-à-vis de la mère s'amplifiaient et étaient impossibles à « travailler », quels que soient les éléments de réassurance transmis. Il cherchait systématiquement à prouver que son épouse était incapable d'assumer sa mission d'éducation. Ce biais de lecture, sa véhémence à l'égard de A______ et sa décision (légale ou non) de s'installer à deux heures de Genève malgré le refus de la mère représentaient un danger important de rupture totale du lien mère/fille si la situation perdurait ainsi, ce qui serait hautement préjudiciable à l'enfant.
S'agissant de A______, le SEASP n'a pas émis d'inquiétudes majeures sur son état psychologique. Cette dernière s'était montrée cohérente et mesurée lors des évaluations précédentes et des entretiens actuels. Les allégations de B______ à cet égard nécessitaient une investigation poussée, raison pour laquelle le service recommandait la réalisation d'une expertise psychiatrique familiale, ce sur quoi les parents s’étaient déclarés d'accord lors des entretiens. La mère bénéficiait des compétences attendues pour s'occuper du quotidien de D______, ce qu'elle avait d'ailleurs fait lorsque celle-ci était bébé. Par ailleurs, malgré le contexte, elle ne se montrait pas disqualifiante vis-à-vis du père, assurant ainsi être le parent le plus à même de maintenir des liens avec l'autre parent. Elle disposait d'un appartement qu'elle avait préparé pour D______, dans lequel elle pouvait l'accueillir adéquatement. Ses horaires de travail étaient compatibles avec la prise en charge de l'enfant et elle pouvait compter sur sa tante, le cas échéant, pour la soutenir. Le problème principal était la rupture du lien direct mère-fille depuis le mois d'octobre 2022.
Une visite unique avait été organisée le dimanche 12 novembre 2023 au J______ [chaîne de restauration rapide] de K______ (près de F______ en France), de 11h à 13h. D______ avait été en mesure de reconnaître sa mère et avait pu passer du temps avec elle. Selon le SEASP, il aurait été bénéfique de poursuivre ces visites, mais le refus du père ne le permettait pas. Le service estimait urgent que l'enfant ait accès à sa mère le plus rapidement possible.
Au vu de ces éléments, le SEASP a préconisé que l'enfant soit placée chez son père du dimanche au vendredi et chez sa mère du vendredi au dimanche (toutes les semaines), l'ensemble des trajets sur un week-end étant effectué par un parent. Ces modalités étaient proportionnées afin de réintégrer la mère dans la vie de l'enfant et devaient être évaluées par le curateur après quelques mois d'exercice, celui-ci pouvant proposer les aménagements nécessaires. Le SEASP a ajouté que si le père refusait d'envisager des modalités partagées, il conviendrait de placer l'enfant chez sa mère et de fixer un droit de visite usuel au père, la mère étant le parent le plus à même d'assurer une place à l'autre parent.
Pour le surplus, le SEASP a recommandé de retirer le droit de déterminer le lieu de résidence de l'enfant aux deux parents, de remettre les passeports de D______ au SEASP/SPMi et d'instaurer une curatelle éducative et d'organisation et de surveillance des relations personnelles.
c. La Cour a tenu une audience le 10 janvier 2024 au cours de laquelle elle a entendu les parents.
Le père a indiqué que D______ se portait bien. Elle était suivie par un pédiatre et serait prochainement suivie par une psychologue car elle était perturbée depuis la visite du 12 novembre 2023 avec sa maman. Elle faisait, selon ses dires, des cauchemars et avait peur de l'abandon. Elle prenait des gélules homéopathiques et du sirop le soir pour calmer son anxiété. D______ continuait de voir sa mère un jour sur deux en appel « visio ».
Les parents ne se sont pas entendus sur l'exercice des visites. A______ a déclaré ne pas être d'accord d'exercer un droit de visite en France, car elle n'avait pas de voiture pour s'y rendre et ne voyait pas pourquoi il lui appartiendrait de se déplacer alors que c'était son époux qui était parti avec l'enfant. Elle avait par ailleurs un peu peur du comportement de ce dernier. Quant à B______, il n'était pas d'accord d'accompagner sa fille à Genève car le trajet était long (environ trois heures de route) et il ne voulait pas imposer de tels trajets à D______ qui faisait encore la sieste alors que son épouse pouvait facilement se déplacer.
A l'issue de l'audience, la Cour a gardé la cause à juger.
E. La situation personnelle et financière des parties a beaucoup changé au fil de la procédure et s'établit, en dernier lieu, comme suit.
a.a A______ s'est constituée un nouveau domicile à compter du 12 juin 2023.
Elle travaille dans le domaine de la manucure-pédicure. Du temps de la vie commune, elle exerçait son activité à plein temps, avant de réduire son taux d'occupation à 80 % quelques mois après la naissance de sa fille.
Ayant été licenciée pour le 30 novembre 2022, elle s'est inscrite auprès de l'assurance-chômage pour bénéficier d'indemnités.
Dès son retour du Vietnam, en février 2023, A______ a repris une activité en tant qu'indépendante dans une onglerie située dans le quartier L______ [GE], dans laquelle elle loue un emplacement. Elle travaille, selon ses dires, deux jours par semaine et explique ne pas pouvoir travailler davantage car elle partage les locaux avec quelqu'un d'autre et il n’y a pas assez de travail pour l’instant.
Selon ses déclarations de revenus pour les mois de février à mai 2023, elle a réalisé un revenu mensuel net, après déduction de ses dépenses dont le loyer de la cabine en 400 fr., de respectivement -115 fr. (perte), 30 fr., 272 fr. et 177 fr., complété par des indemnités de chômage de quelque 1'450 fr. A______ a, en outre, bénéficié de l'aide de l'Hospice général.
a.b Actuellement, les charges mensuelles de A______ s'élèvent (montant arrondi) à 3'161 fr. Elles comprennent son minimum vital (1'200 fr.), son loyer (1'331 fr.), son assurance-maladie de base et complémentaire (507 fr. + 53 fr.) et les frais de transport (70 fr.).
En sus de ces charges, A______ fait valoir en appel des frais d'électricité et de loisirs, estimés respectivement à 30 fr. et 150 fr. par mois.
b.a B______ vit depuis le mois de mars 2023 à H______ en France avec D______.
Horloger de formation, il a travaillé en cette qualité auprès de M______ à Genève. Son salaire mensuel à plein temps s'élevait à 6'000 fr. nets par mois, payable treize fois l'an, hors bonus. En juin 2023, il a réduit son activité à 80% pour un salaire de 4'975 fr. nets par mois.
Depuis le 1er novembre 2023, il travaille à 60% auprès de la société N______ SA à O______ (VD), pour un salaire mensuel net 3'570 fr., versé en treize mensualités, soit environ 3'900 fr. mensualisés.
b.b Ses charges mensuelles ont été retenues en première instance à (montant arrondi) 3'640 fr. Elles comprennent son minimum vital, adapté au fait qu'il habite en France où le niveau de vie est moins élevé (1'148 fr. [1'350 fr. -15%]), son loyer (1'136 fr. [80% de 1'420 fr.), son assurance-maladie de base et complémentaire (406 fr. + 86 fr.), l'impôt à la source (300 fr.), ainsi que ses frais de véhicule, soit l'impôt véhicule (83 fr.), l'assurance (85 fr.) et les frais d'essence (400 fr.).
En sus de ces charges, B______ fait valoir, mensuellement, des frais d'électricité de 96 fr. 05, l'assurance habitation de 22 fr. 55, des frais de chauffage et d'eau pour 59 fr. et 69 fr., une taxe sur les ordures ménagères de 49 fr., ainsi que des frais d'internet et de téléphone de 44 fr. et 49 fr.
c. D______ vit avec son père depuis le mois d'octobre 2022. Elle commencera l'école à la prochaine rentrée scolaire, au mois de septembre 2024.
Ses charges mensuelles actuelles comprennent son minimum vital (340 fr., [400 fr. -15% compte tenu du fait qu'elle habite en France où le niveau de vie est moins élevé), sa participation au loyer de son père (284 fr. (soit 20% de 1'420 fr.) et son assurance-maladie de base et complémentaire (125 fr. + 18 fr.).
B______ allègue que, depuis le mois de janvier 2024, D______ est gardée par une nounou lorsqu'il travaille et produit un contrat conclu avec une assistante maternelle agréée qui fait état d'une rémunération brute de 557 Euros par mois pour trois jours de prise en charge par semaine. En outre, il allègue des frais médicaux pour sa fille d'environ 3'000 fr. depuis le mois d'octobre 2022.
d. Depuis la séparation des parties, B______ a versé trois montants ponctuels de 479 fr. 50, 505 fr. et 582 fr. à son épouse les 2 et 28 novembre et 28 décembre 2022, destinés à rembourser, après compensation de divers frais communs qu'il disait avoir lui-même réglés, la moitié du loyer de l'appartement conjugal et de la prime d'assurance de l'enfant. Il a encore versé 330 fr. au mois d'août 2023.
B______ a admis avoir repris le mobilier du domicile conjugal, estimant qu'il lui appartenait.
1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions rendues sur mesures protectrices de l'union conjugale, lesquelles sont considérées comme des mesures provisionnelles au sens de l'art. 308 al. 1 let. b CPC (ATF 137 III 475 consid. 4.1).
En l'occurrence, le litige porte notamment sur les droits parentaux à l'égard de l'enfant D______, soit sur une affaire non pécuniaire dans son ensemble, de sorte que la voie de l'appel est ouverte selon l'art. 308 al. 2 CPC a contrario indépendamment de la valeur litigieuse (arrêt du Tribunal fédéral 5A_611/2019 du 29 avril 2020 consid. 1).
1.2 Interjetés auprès de l'autorité compétente (art. 120 al. 1 let. a LOJ), selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131 et 311 CPC) et dans le délai utile de dix jours (art. 142 al. 1 et 3, 271 et 314 al. 1 CPC), les appels des deux parties sont recevables.
1.3 Les appels étant dirigés contre le même jugement et comportant des liens étroits, il se justifie de les joindre et de les traiter dans un seul arrêt.
Pour des motifs de clarté et afin de respecter le rôle initial des parties, A______ sera ci-après désignée "l'appelante" et B______ "l'intimé".
1.4 La présente cause est soumise aux maximes d'office et inquisitoire illimitée en tant qu'elle concerne les droits parentaux et la contribution d'entretien due à l'enfant mineure en vertu du droit de la famille (art. 296 al. 1 et 3 CPC; ATF 147 III 301 consid. 2.2). La Cour n'est donc pas liée par les conclusions des parties, ni par l'interdiction de la reformatio in pejus (ATF 129 III 417 consid. 2.1.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_841/2018, 5A_843/2018 du 12 février 2020 consid. 5.2).
En revanche, en tant qu'elle porte sur la contribution d'entretien en faveur du conjoint, la procédure est soumise à la maxime de disposition (art. 58 al. 1 CPC) et à la maxime des débats atténuée (art. 55 al. 1, 277 al. 1 et 2 CPC; arrêt du Tribunal fédéral 5A_18/2018 du 16 mars 2018 consid. 5).
1.5 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 310 CPC).
Toutefois, les mesures protectrices de l'union conjugale étant soumises à la procédure sommaire, sa cognition est limitée à la simple vraisemblance des faits et à un examen sommaire du droit, l'exigence de célérité étant privilégiée par rapport à celle de sécurité (ATF 127 III 474 consid. 2b/bb, in JdT 2002 I 352; arrêt du Tribunal fédéral 5A_823/2014 du 3 février 2015 consid. 2.2).
2. Les parties produisent des pièces complémentaires devant la Cour.
2.1 En vertu de l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et avec la diligence requise (let. b).
Cela étant, lorsque la cause concerne des enfants mineurs et que le procès est soumis à la maxime inquisitoire illimitée, les parties peuvent présenter des nova en appel même si les conditions de l'art. 317 al. 1 CPC ne sont pas réunies (ATF 147 III 301 consid. 2.2).
En raison de la grande interdépendance entre l'entretien du conjoint et celui de l'enfant qui découle de la méthode en deux étapes avec répartition de l'excédent, la jurisprudence admet désormais que les connaissances acquises pour l'entretien de l'enfant ne peuvent être occultées pour l'entretien du conjoint à fixer dans la même décision, ou en être séparées dans le cadre du calcul global à opérer. Les faits déterminés en application de la maxime inquisitoire illimitée, pour l'entretien de l'enfant, sont dès lors également pertinents pour fixer, dans la même décision, l'entretien du conjoint pendant le mariage ou après le divorce (arrêt du Tribunal fédéral 5A_112/2020 du 28 mars 2022 consid. 2.2 s., résumé et commenté par Bastons Bulletti in Newsletter CPC Online 2022-N 10; dans le même sens : ATF 147 III 301 consid. 2).
2.2 En l'espèce, les pièces nouvelles déposées par les parties en appel permettent de déterminer leur situation personnelle et financière et celle de leur enfant, de sorte qu'elles sont pertinentes pour statuer sur l'attribution du droit de garde et l'éventuelle contribution d'entretien en faveur de l'enfant. La maxime inquisitoire illimitée étant applicable à cet égard, ces pièces sont par conséquent recevables, de même que les faits auxquels elles se rapportent. Conformément à la jurisprudence susmentionnée, elles devront notamment être prises en compte pour déterminer la capacité contributive de l'épouse.
3. L'intimé conteste la compétence des juridictions genevoises pour statuer sur le sort de l'enfant mineure (autorité parentale et droit de garde).
Selon l'intimé, les autorités genevoises ont perdu leur compétence au profit des autorités françaises en raison du changement de résidence habituelle de l'enfant vers la France, alors que l'appelante soutient que le déplacement revêt un caractère illicite avec pour conséquence le maintien de la compétence des autorités genevoises de l'ancienne résidence habituelle de l'enfant.
3.1.1 En vertu de l'art. 85 al. 1 LDIP, la compétence des autorités judiciaires ou administratives suisses en matière de protection des mineurs est régie par la Convention de La Haye du 19 octobre 1996 concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l’exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants (CLaH 96; RS 0.211.231.011), dont la France et la Suisse sont toutes deux parties. Ayant pour objet les mesures tendant à la protection de la personne et des biens, cette convention régit notamment l'attribution de l'autorité parentale et le règlement de la garde et des relations personnelles (art. 3 let. a et b CLaH 96; ATF 142 III 56 consid. 2.1.2; 132 III 586 consid. 2.2.1). La Convention ne porte en revanche pas sur les prestations d'entretien (art. 4 let. e CLaH 96).
Selon l'art. 5 al. 1 CLaH 96, les autorités, tant judiciaires qu'administratives, de l'État contractant de la résidence habituelle de l'enfant sont compétentes pour prendre les mesures tendant à la protection de sa personne et de ses biens.
En cas de changement de la résidence habituelle de l'enfant dans un autre État contractant, sont compétentes les autorités de l'État de la nouvelle résidence habituelle (art. 5 al. 2 CLaH 96). Le principe de la perpetuatio fori - en vertu duquel, lorsqu'un tribunal est localement compétent au moment de la création de la litispendance, il le reste même si les faits constitutifs de sa compétence changent par la suite - ne s'applique donc pas. Il s'ensuit que, dans les relations entre États contractants, le changement (licite) de résidence habituelle du mineur entraîne un changement simultané de la compétence, même si la cause est pendante en appel c'est-à-dire devant une autorité pouvant revoir la cause tant en fait qu'en droit; cette autorité perd la compétence pour statuer sur les mesures de protection (ATF 132 III 586 consid. 2.2.4 et 2.3.1; arrêts du Tribunal fédéral 5A_329/2022 du 2 novembre 2022 consid. 3.1; 5A_281/2020 du 27 avril 2021 consid. 3.1).
3.1.2 Le déplacement illicite de l'enfant à l'étranger constitue néanmoins une exception à ce changement de compétence (art. 7 CLaH 96).
Selon l'art. 7 al. 2 CLaH 96 le déplacement ou le non-retour de l'enfant est considéré comme illicite (a) lorsqu'il a lieu en violation d'un droit de garde, attribué à une personne, seul ou conjointement, par le droit de l'Etat dans lequel l'enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour, et (b) que ce droit était exercé de façon effective, seul ou conjointement, au moment du déplacement ou du non-retour, ou l'eût été si de tels événements n'étaient survenus. Un parent exerçant conjointement l'autorité parentale ne peut en effet modifier le lieu de résidence de l'enfant à l'étranger qu'avec l'accord de l'autre parent ou, à défaut, sur décision du juge ou de l'autorité de protection (ATF 149 III 81 consid. 2.4.1 et les références citées; arrêt du Tribunal fédéral 5A_956/2022 du 16 janvier 2023 consid. 3.2).
Dans l'hypothèse d'un déplacement illicite, l'autorité de l'ancienne résidence habituelle conserve sa compétence pour prendre des mesures jusqu'au moment où l'enfant a acquis une résidence habituelle dans un autre État et que, de surcroît, l'on ne peut plus s'attendre raisonnablement à un retour de l'enfant (arrêts du Tribunal fédéral 5A_21/2019 du 1er juillet 2019 consid. 5.2; 5A_1010/2015 du 23 juin 2016 consid. 4.1 et les références citées).
L'art. 7 al. 1 CLaH 96 vise à déterminer un seuil temporel à partir duquel la compétence passerait des autorités de l'État d'où l'enfant a été illicitement déplacé à celles du pays où il a été conduit ou retenu (arrêt du Tribunal fédéral 5A_105/2020 du 16 novembre 2020 consid. 3.4.1 et les références citées).
Selon cette disposition, le changement de compétence en faveur de l'Etat où l'enfant a été conduit ne s'opère que si (a) le parent titulaire de l'autorité parentale a finalement acquiescé au déplacement ou (b) l'enfant a résidé dans l'autre État pour une période d'au moins un an après que le parent titulaire de l'autorité parentale a connu ou aurait dû connaître le lieu où se trouvait l'enfant, qu'aucune demande de retour présentée pendant cette période n'est encore en cours d'examen, et que l'enfant s'est intégré dans son nouveau milieu (ATF 149 III 81 consid. 2.4.1 et les références citées; arrêt du Tribunal fédéral 5A_956/2022 du 16 janvier 2023 consid. 3.2).
La "demande de retour" doit être qualifiée de manière fonctionnelle, c'est-à-dire d'après la nature de la procédure dans laquelle elle s'inscrit, sans s'arrêter aux considérations purement littérales. Le dépôt d'une action en modification du jugement de divorce peut ainsi être assimilée à une "demande de retour" aux fins de l'art. 7 al. 1 let. b CLaH 96 (arrêt du Tribunal fédéral 5A_105/2020 du 16 novembre 2020 consid. 3.4.1 et 3.4.2 les références citées).
3.2 En l'espèce, les parties et l'enfant mineure étaient toutes domiciliées à Genève lors de l'introduction de la présente procédure, en septembre 2021.
Au moment de la séparation survenue au mois d'octobre 2022, l'intimé est parti avec l'enfant pour s'installer chez des amis à G______, puis sur sol français. Cette décision a été prise de manière unilatérale, sans concertation de l'appelante ni autorisation préalable du Tribunal. L'appelante n'a eu cesse de s'opposer au déplacement de l'enfant en réclamant tout au long de la procédure la garde exclusive de sa fille. Elle a, en effet, pris des conclusions formelles en ce sens à l'appui de sa requête de mesures protectrices du 13 septembre 2021, lors de l'audience du 17 novembre 2022 en adhérant aux conclusions du premier rapport du SEASP lui conférant la garde de l'enfant, dans l'ensemble de ses déterminations écrites déposées en cours d'instance aux termes desquelles elle a systématiquement persisté à réclamer la garde exclusive, sollicitant même des mesures provisionnelles à ce titre le 11 janvier 2023 et, enfin, lors de l'audience du 16 février 2023 devant le Tribunal. Elle a, par ailleurs, déposé plainte pénale le 17 février 2023 pour enlèvement international lorsqu'elle a appris que l'intimé avait l'intention de s'établir définitivement en France. L'intimé ne pouvait ainsi ignorer qu'il agissait à l'encontre de la volonté de la mère, laquelle détenait l'autorité parentale conjointe et donc le droit de déterminer le lieu de résidence de l'enfant. Le fait qu’il ait, comme il l’allègue, informé le Tribunal de son installation en France ne saurait tenir lieu d’accord de celui-ci, bien au contraire, puisque le Tribunal lui a fait interdiction de quitter le territoire suisse avec sa fille par ordonnance du 17 février 2023.
Contrairement à l'avis de l'intimé, le fait que l'appelante ait consenti à des contacts limités par téléphone avec sa fille le temps que la cause soit jugée ne signifie pas pour autant qu'elle a renoncé à ses prérogatives parentales, dont son droit de garde qu'elle persistait à solliciter devant le juge. Il en va de même de son séjour temporaire au Vietnam, étant de surcroît relevé qu'il est rendu vraisemblable qu'elle est partie pour une durée déterminée notamment en raison du fait que l'intimé entravait ses contacts avec sa fille et qu'elle était disposée à rentrer dès qu'elle pourrait voir sa fille, ce qui a également été relevé par le SEASP.
Partant, en déplaçant le lieu de résidence de l'enfant sans l'accord de la mère ni autorisation des autorités, force est de constater que celui-ci revêt un caractère illicite.
Reste à examiner la question de savoir si l'enfant a passé suffisamment de temps en France pour que la compétence soit passée en mains des autorités de cet Etat.
A cet égard, il convient de relever que l'intimé a déclaré devant le Tribunal qu'il résidait avec l'enfant chez des amis à G______, en Suisse. Lors de l'audience du 17 novembre 2022 et dans ses observations du 23 janvier 2023, il alléguait encore se trouver chez ses amis et il n'a pas déclaré autre chose lors de l'audience du 16 février 2023. Ce n'est que le 20 février 2023, dans le cadre de sa requête en mesures superprovisionnelles, qu'il a indiqué résider avec l'enfant chez sa sœur à F______ (France) en attendant de pouvoir s'installer dans sa nouvelle maison dans ce même pays le 16 mars 2023. Il s'ensuit que l'appelante ne pouvait avoir connaissance du fait qu'il se trouvait en France avec l'enfant - et non plus à G______ - qu'à réception de l'ordonnance rendue sur mesures superprovisionnelles, soit le 22 février 2023. Par conséquent, le délai d'une année pour demander le retour de l'enfant au sens de la CLaH 96 n'est pas échu.
Quoi qu'il en soit, comme vu précédemment, l'appelante n'a cessé de solliciter la garde exclusive de l'enfant dans le cadre de la présente procédure, ce qui tend implicitement à demander le retour de l'enfant auprès d'elle. Comme le Tribunal fédéral a eu l'occasion de le préciser, la "demande de retour " doit être qualifiée de manière fonctionnelle, c'est-à-dire d'après la nature de la procédure dans laquelle elle s'inscrit. Dès lors, les conclusions formulées dans le cadre de la présente action en mesures protectrices doivent être assimilées à une " demande de retour " au sens de la CLaH 96.
Au vu de ce qui précède, les conditions de l'art. 7 al. 1 CLaH 96 relatives au transfert de compétence en faveur de l'Etat français ne sont pas réunies. Les autorités suisses sont par conséquent demeurées compétentes pour statuer sur les mesures de protection de l'enfant.
4. Les parties contestent toutes les deux l'instauration de la garde alternée, revendiquant chacune la garde exclusive de l'enfant.
4.1.1 Selon l'art. 298 al. 2ter CC, lorsque l'autorité parentale est exercée - comme en l'espèce - conjointement, l'autorité de protection de l'enfant examine, selon le bien de l'enfant, la possibilité de la garde alternée, si le père, la mère ou l'enfant la demande.
En matière d'attribution des droits parentaux, le bien de l'enfant constitue la règle fondamentale (ATF 141 III 328 consid. 5.4), les intérêts des parents devant être relégués au second plan (ATF 142 III 617 consid. 3.2.3; 131 III 209 consid. 5).
Le juge doit évaluer, sur la base de la situation de fait actuelle ainsi que de celle qui prévalait avant la séparation des parties, si l'instauration d'une garde alternée est effectivement à même de préserver le bien de l'enfant. Au nombre des critères essentiels pour cet examen, entrent en ligne de compte les capacités éducatives des parents, lesquelles doivent être données chez chacun d'eux pour pouvoir envisager l'instauration d'une garde alternée, ainsi que l'existence d'une bonne capacité et volonté des parents de communiquer et coopérer compte tenu des mesures organisationnelles et de la transmission régulière d'informations que nécessite ce mode de garde. A cet égard, on ne saurait déduire une incapacité à coopérer entre les parents du seul refus d'instaurer la garde alternée. En revanche, un conflit marqué et persistant entre les parents portant sur des questions liées à l'enfant laisse présager des difficultés futures de collaboration et aura en principe pour conséquence d'exposer de manière récurrente l'enfant à une situation conflictuelle, ce qui apparaît contraire à son intérêt (ATF 142 III 617 consid. 3.2.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_700/2021 du 16 septembre 2022 consid. 3.2 et les références citées).
Si les parents disposent tous deux de capacités éducatives, le juge doit dans un deuxième temps évaluer les autres critères d'appréciation pertinents pour statuer sur l'attribution de la garde de l'enfant. Au nombre des critères essentiels pour cet examen entrent notamment en ligne de compte la situation géographique et la distance séparant les logements des deux parents, la capacité et la volonté de chaque parent de favoriser les contacts entre l'autre parent et l'enfant, la stabilité que peut apporter à l'enfant le maintien de la situation antérieure – en ce sens notamment qu'une garde alternée sera instaurée plus facilement lorsque les deux parents s'occupaient de l'enfant en alternance déjà avant la séparation –, la possibilité pour chaque parent de s'occuper personnellement de l'enfant, l'âge de ce dernier et son appartenance à une fratrie ou à un cercle social, ainsi que le souhait de l'enfant s'agissant de sa propre prise en charge, quand bien même il ne disposerait pas de la capacité de discernement à cet égard (ATF 142 III 617 consid. 3.2.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_794/2017 du 7 février 2018 consid. 3.1).
Les critères d'appréciation précités sont interdépendants et leur importance varie en fonction du cas d'espèce. Ainsi, les critères de la stabilité et de la possibilité pour le parent de s'occuper personnellement de l'enfant auront un rôle prépondérant chez les nourrissons et les enfants en bas âge alors que l'appartenance à un cercle social sera particulièrement importante pour un adolescent. La capacité de collaboration et de communication des parents est, quant à elle, d'autant plus importante lorsque l'enfant concerné est déjà scolarisé ou qu'un certain éloignement géographique entre les domiciles respectifs des parents nécessite une plus grande organisation (ATF 142 III 617 consid. 3.2.3; arrêts du Tribunal fédéral 5A_700/2021 du 16 septembre 2022 consid. 3.1; 5A_200/2019 du 29 janvier 2020 consid. 3.1.2 et les références citées).
Si le juge arrive à la conclusion qu'une garde alternée n'est pas dans l'intérêt de l'enfant, il devra alors déterminer auquel des deux parents il attribue la garde en tenant compte, pour l'essentiel, des mêmes critères d'évaluation (ATF 142 III 617 consid. 3.2.4). Pour apprécier ces critères, le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation (ATF 142 III 617 consid. 3.2.5).
4.1.2 Saisi de questions relatives aux enfants, le juge peut ordonner une expertise. Comme pour tout moyen de preuve, il en apprécie librement la force probante (art. 157 CPC). Il n'est en principe pas lié par les conclusions de l'expert, qu'il doit apprécier en tenant compte de l'ensemble des autres preuves administrées. Dans le domaine des connaissances professionnelles particulières de l'expert, il ne peut toutefois s'en écarter que lorsque des circonstances ou des indices importants et bien établis en ébranlent sérieusement la crédibilité; il doit alors motiver sa décision à cet égard (ATF 142 IV 49 consid. 2.1.3; arrêts du Tribunal fédéral 5A_700/2021 du 16 septembre 2022 consid. 3.2; 5A_551/2021 du 7 décembre 2021 consid. 4.2.1).
4.2.1 En l'espèce, il sera tout d’abord relevé qu’aucun des parents ne sollicite la garde partagée sur l’enfant.
Par ailleurs, le conflit opposant les parties est important, ayant donné lieu à diverses plaintes et contre-plaintes pénales de part et d'autre. Elles éprouvent de grandes difficultés à communiquer et à s'entendre, notamment au sujet de leur fille, même par l'intermédiaire de leurs conseils et du SEASP. L'intimé ne reconnaît aucune capacité parentale à l'appelante, ne faisant qu'émettre des inquiétudes à son égard sans que celles-ci ne soient corroborées par des éléments concrets et ne laisse aucune place pour une collaboration. Depuis que l'enfant se trouve auprès de lui, une seule visite mère/fille a pu avoir lieu. De plus, la distance qui sépare le domicile des parties n'est pas propice à l'exercice d'une garde alternée, ce d'autant plus que l'appelante ne dispose pas d’un véhicule pour effectuer les trajets. A cela s'ajoute le fait que l'enfant commencera l'école dès la prochaine rentrée scolaire à la fin du mois d'août 2024, ce qui rendra impraticable un tel mode de garde, compte tenu des domiciles éloignés des parties.
Dès lors et au vu de ce qui précède, il convient d'attribuer la garde exclusive de l’enfant à l'un des parents.
4.2.2 Agée de trois, D______ vit auprès de son père depuis le mois d'octobre 2022 et voit sa mère un jour sur deux par appel « visio ». Selon les constatations du SEASP, l'enfant va très bien et est très bien prise en charge par l'intimé, qui travaille à 60% pour être disponible, et la famille de celui-ci. Elle entretient des contacts réguliers avec sa famille paternelle, dont sa grand-mère, sa tante et ses cousins qui vivent à proximité. L'enfant dispose ainsi d'un environnement stable et propice à son bon développement, dans lequel elle évolue favorablement. Etant encore en bas âge, le critère de la stabilité joue en l'occurrence un rôle prépondérant et commande de maintenir son cadre de vie dans lequel elle s'est construite des nouveaux repères bien établis, un équilibre et une sécurité. Bien que l'intimé ait imposé son choix de vie à l'appelante en la plaçant devant le fait accompli, le bien de l'enfant demeure prioritaire et une attribution de la garde à l'appelante provoquerait probablement d'importants bouleversements et perturbations chez l'enfant, comme l'a relevé le SEASP dans son dernier rapport.
Le SEASP a d'ailleurs conclu, en dernier lieu, au maintien de l'enfant chez son père durant la semaine, soit du dimanche 17h (environ) au vendredi suivant à 12h (environ), en réservant un droit de visite régulier à la mère afin de la réintégrer dans la vie de l'enfant. Au vu de ce qui précède, aucun élément ne permet de remettre en cause ces conclusions.
La garde de la mineure sera par conséquent attribuée à l'intimé.
4.2.3 Concernant les relations personnelles à établir avec la mère, le SEASP a recommandé un droit de visite devant s’exercer tous les week-ends, du vendredi à 12h (environ) au dimanche 17h (environ). Il a toutefois reconnu que cette solution ne pouvait être que provisoire en raison des trajets imposés par ces modalités qui étaient conséquents et pouvaient, à terme, constituer une source de fatigue pour l'enfant. Il a néanmoins considéré que cela était réalisable sur quelques mois dans la mesure où l'enfant ne fréquentait pas la crèche et pouvait se reposer.
Or, compte tenu de l'écoulement du temps depuis l'établissement de ce rapport, ces recommandations ne seront très vite plus adaptées compte tenu en particulier de la scolarité de l'enfant qui débutera quelques mois seulement après le prononcé du présent arrêt. Selon les itinéraires proposés par Google Maps, la durée du trajet entre les domiciles des parties est d'environ deux heures en voiture et de près de trois heures en transports publics (pour un aller simple). De tels trajets effectués tous les week-end paraissent peu compatibles avec un rythme scolaire et le bien-être de l'enfant. De plus, de tels trajets sur un week-end sont également conséquents pour les parents et risquent, en l'absence de toute coopération, de les décourager et de mettre à mal l'exercice des visites.
Celles-ci seront ainsi fixées à raison d'un week-end sur deux, du vendredi début d'après-midi (puis dès la sortie de l'école à partir de la rentrée scolaire 2024) au dimanche fin d'après-midi, complétées par deux appels « visio » chaque semaine. Dans la mesure où l'intimé a décidé seul de s'installer à H______, sans consultation de l'appelante, que cette dernière ne dispose pas d’un véhicule ni des moyens pour effectuer régulièrement les trajets, il reviendra à l'intimé d'accompagner l'enfant chez l'appelante et de la récupérer. Ce dernier peut en effet aisément s'organiser pour effectuer les trajets, notamment ceux du vendredi après-midi puisqu'il travaille à 60% et dispose pour sa part d'un véhicule. Il a d'ailleurs régulièrement effectué ces déplacements lorsqu'il travaillait encore à Genève. Contrairement à ce qu'il soutient, ces trajets ne paraissent pas excessifs pour l'enfant dès lors qu'ils sont limités à un week-end sur deux, étant relevé que celle-ci pourra par ailleurs faire la sieste durant le voyage.
S'agissant des vacances, elles seront réparties par moitié entre les parents, dont deux semaines consécutives au maximum, comme proposé par le SEASP, sans être remis en cause.
Pour le surplus, la curatelle d'organisation et de surveillance du droit de visite sera confirmée, dès lors qu'elle paraît nécessaire pour aider les parents à la mise en œuvre des modalités arrêtées et permettre ainsi à la mère de retrouver une place auprès de sa fille. Le curateur aura pour mission de faire en sorte que les parents respectent les modalités du droit de visite et d’organiser le planning des vacances. Il appartiendra par ailleurs au curateur d’avertir sans délai l'autorité compétente si le droit de visite de la mère, tel qu'instauré ici, ne devait pas être exercé.
Les chiffres 7 à 10 du dispositif du jugement entrepris seront par conséquent réformés dans le sens des considérants qui précèdent.
5. Les parties s'opposent sur l'entretien de la famille.
Les deux parties réclament réciproquement une contribution d'entretien, l'intimé pour sa fille dont il a la garde et qui réside (en France) et l'appelante pour son propre entretien (en Suisse). En outre, l'appelante fait valoir des prétentions en remboursement de frais qu'elle a assumés depuis la séparation.
5.1.1 En matière internationale, les prestations d'entretien sont régies par la Convention de Lugano du 30 octobre 2007 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (CL; RS 0.275.12) et la Convention sur la loi applicable aux obligations alimentaires du 2 octobre 1973 [CLaH 73; RS 0.211.213.01]), ratifiées par la France et la Suisse (cf. arrêt du Tribunal fédéral 5A_801/2017 du 14 mai 2018 consid. 3 et 3.3.2).
L'art. 2 CL prévoit un for de principe dans l'Etat contractant du domicile du défendeur, lequel peut également être attrait dans un autre Etat, devant le tribunal du lieu où le créancier d'aliments a son domicile ou sa résidence habituelle (art. 5 al. 2 let. a CL).
La résidence habituelle de l'enfant au sens de l'art. 5 al. 2 let. a CL se détermine au moment du dépôt de la demande en conciliation (Liatwoitsch/Meier, in
LugÜ-DIKE-Komm, 2011, n. 6 ad art. 30 CL).
Concernant le droit applicable, la loi interne de la résidence habituelle du créancier d’aliments régit les obligations alimentaires (art. 4 al. 1 CLaH 73).
En cas de changement de la résidence habituelle du créancier, la loi interne de la nouvelle résidence habituelle s’applique à partir du moment où le changement est survenu (art. 4 al. 2 CLaH 73). Un déplacement illicite n'exclut pas, à lui seul, la constitution d'une nouvelle résidence habituelle dans le pays où l'enfant est déplacé (ATF 125 III 301 consid. 2bb et les références citées).
5.1.2 En droit suisse, le principe et le montant de la contribution d'entretien dues en vertu du droit de la famille se déterminent en fonction des facultés économiques et des besoins respectifs des époux (ATF 121 I 97 consid. 3b;
118 II 376 consid. 20b; 115 II 424 consid. 3).
Elles sont calculées selon la méthode dite en deux étapes, ou méthode du minimum vital avec répartition de l'excédent (ATF 147 III 265, in SJ 2021 I 316; 147 III 293 et 147 III 301).
Cette méthode implique d'établir dans un premier temps les moyens financiers à disposition, puis de déterminer les besoins, en prenant pour point de départ les lignes directrices pour le calcul du minimum vital du droit des poursuites selon l'art. 93 LP, en y dérogeant s'agissant du loyer (participation de l'enfant au logement du parent gardien). Dans la mesure où les moyens financiers le permettent, la contribution d'entretien doit être étendue au minimum vital dit de droit familial, qui tient compte de frais supplémentaires tels que les impôts, les primes d'assurance-maladie complémentaires, les frais médicaux spécifiques et les frais scolaires des enfants ou de formation des parents (ATF 147 III 265 consid. 7.2).
L'éventuel excédent est ensuite à répartir selon la méthode des "grandes et des petites têtes", les parents valant le double des enfants mineurs, en tenant compte de toutes les particularités du cas d'espèce (ATF 147 III 265 consid. 7.3).
5.1.3 Pour fixer les contributions d'entretien, le juge doit en principe tenir compte du revenu effectif des parties. Tant le débiteur d'entretien que le créancier peuvent néanmoins se voir imputer un revenu hypothétique supérieur. Il s'agit ainsi d'inciter la personne à réaliser le revenu qu'elle est en mesure de se procurer et qu'on peut raisonnablement exiger d'elle afin de remplir ses obligations (ATF 143 III 233 consid. 3.2; 137 III 102 consid. 4.2.2.2).
Lorsque le juge entend tenir compte d'un revenu hypothétique, il doit examiner successivement deux conditions. Tout d'abord, il doit déterminer si l'on peut raisonnablement exiger d'une personne qu'elle exerce une activité lucrative ou augmente celle-ci, eu égard, notamment, à sa formation, à son âge et à son état de santé, en précisant le type d'activité professionnelle que cette personne peut raisonnablement devoir accomplir. Il s'agit d'une question de droit. Ensuite, il doit établir si cette personne a la possibilité effective d'exercer l'activité ainsi déterminée et quel revenu elle peut en obtenir, compte tenu des circonstances subjectives susmentionnées, ainsi que du marché du travail. Il s'agit là d'une question de fait (ATF 143 III 233 consid. 3.2; 137 III 102 consid. 4.2.2.2). Afin de déterminer si un revenu hypothétique doit être imputé, les circonstances concrètes de chaque cas sont déterminantes (arrêt du Tribunal fédéral 5A_645/2020 du 19 mai 2021 consid. 5.2.1).
5.1.4 Si l'enfant est sous la garde exclusive d'un de ses parents, l'obligation d'entretien en argent incombe en principe entièrement à l'autre parent eu égard au principe de l'équivalence des prestations en argent et en nature (ATF 147 III 265 consid. 5.5 et 8.1). Ce nonobstant, il est admis que si la capacité financière de l'un des parents est sensiblement plus importante que celle de l'autre, il n'est pas critiquable de laisser à celui qui est économiquement mieux placé la charge d'entretenir les enfants par des prestations pécuniaires, en sus des soins et de l'éducation (ATF 147 III 265 consid. 5.5; 134 III 337 consid. 2.2.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_117/2021 du 9 mars 2022 consid. 4.2 et les arrêts cités).
Dans tous les cas, le minimum vital du droit des poursuites du débirentier doit être préservé (ATF 147 III 265 précité consid. 7.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_450/2020 du 4 janvier 2021 consid. 5.3).
5.1.5 En droit français, chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants en proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant. Cette obligation ne cesse de plein droit ni lorsque l'autorité parentale ou son exercice est retiré, ni lorsque l'enfant est majeur (art. 371-2 CCF). En cas de séparation entre les parents, ou entre ceux-ci et l'enfant, la contribution à son entretien et à son éducation prend la forme d'une pension alimentaire versée, selon le cas, par l'un des parents à l'autre, ou à la personne à laquelle l'enfant a été confié (373-2-2 al. 1 ab initio CCF).
L'obligation d'entretenir et d'élever les enfants résulte d'une obligation légale à laquelle les parents ne peuvent échapper qu'en démontrant qu'ils sont dans l'impossibilité matérielle de le faire (Dalloz, Code civil annoté, 2018, n. 8 ad art. 371-2 CCF, et les réf. cit.).
L'appréciation des ressources du débiteur de la contribution d'entretien s'effectue après déduction de ses charges, soit en matière d'obligation alimentaire au sens strict, seuls ses besoins vitaux, et compte tenu de l'ensemble des ressources disponibles du débiteur. Le débiteur doit en premier lieu pourvoir à sa propre subsistance (Rebourg, Régime juridique de l'obligation alimentaire, n. 311.101, 311.103, p. 1288-1289 et n. 312.91 p. 1155 s).
5.2 En l'espèce, les tribunaux genevois sont compétents pour statuer en matière d'entretien, compte tenu du domicile des parties et de l'enfant à Genève au moment de l'introduction de la procédure.
Compte tenu du changement du lieu de résidence habituelle de l'enfant vers la France, le droit français lui est applicable alors que le droit suisse demeure applicable à l'entretien de l'épouse, domiciliée en Suisse. Cela étant, il sied de relever que le droit suisse et le droit français connaissent des principes similaires en matière de fixation d'entretien, à savoir que chaque parent contribue à l'entretien de la famille en fonction de ses facultés économiques et des besoins de l'enfant et que les frais de subsistance du débirentier doivent être préservés.
5.2.1 L'enfant mineure vit actuellement auprès de son père, à qui la garde a été confiée. Vu l'attribution de la garde à ce dernier, il n'est pas justifié de laisser à sa charge la contribution d'entretien allouée par le Tribunal en faveur de l'enfant à verser en mains de son épouse, laquelle sera supprimée. Reste à savoir si cette dernière peut/doit contribuer à l'entretien de sa fille.
L'appelante travaille actuellement à raison de deux jours par semaine en tant qu'indépendante dans le domaine de l'onglerie. Ses maigres revenus de quelques centaines de francs par mois sont complétés par les indemnités-chômage et l'aide de l'Hospice générale.
Contrairement à l'avis de l'intimé, il ne se justifie pas de lui imputer un revenu hypothétique dans la mesure où elle fournit déjà des efforts importants afin de se construire une situation professionnelle et gagner en indépendance. Elle a, en effet, trouvé les ressources nécessaires pour mettre en place son activité en tant qu'indépendante et suivi des formations proposées par le chômage, démontrant ainsi sa bonne volonté. Si elle estime pouvoir réaliser, à l'avenir, des revenus de l'ordre de 3'000 fr. à 4'000 fr. par mois, il est vraisemblable qu'elle n'en soit pas à ce stade à ce jour, n'ayant pas suffisamment de clientèle et étant rappelé qu'elle ne peut louer la cabine que deux jours par semaine.
Quant à ses charges incompressibles, il n'est pas contesté qu'elles s'élèvent, à tout le moins, à 3'150 fr. arrondis, comprenant son minimum vital (1'200 fr.), son loyer (1'331 fr.), son assurance-maladie de base (507 fr. 20) et ses frais de transport (70 fr.).
L'appelante n'est dès lors manifestement pas en mesure de couvrir ses propres charges de subsistance, ni par voie de conséquence de verser une quelconque contribution en faveur de l'enfant.
Que ce soit en application du droit suisse ou du droit français, aucune contribution d'entretien ne peut être mise à sa charge.
5.2.2 L'appelante conclut en appel au versement d'une contribution de 1'382 fr. 75 par mois pour son propre entretien, alors que l'intimé conclut à la suppression de toute contribution due entre conjoints.
Selon le droit suisse, applicable à l'entretien de l'épouse vu son domicile en Suisse, la contribution due entre conjoints est soumise à la maxime de disposition (art. 58 al. 1 CPC) et à la maxime des débats atténuée (cf. consid. 1.4 ci-dessus).
En première instance, l'appelante a conclu, tant dans sa requête initiale qu'aux termes de ses dernières déterminations écrites du 11 janvier 2023 ainsi que dans ses plaidoiries finales, au versement d'une contribution de 330 fr. par mois, laquelle lui a été allouée par le Tribunal. En appel, elle augmente ses prétentions émises à ce titre, sans toutefois expliquer sur quels faits nouveaux reposerait sa nouvelle conclusion prise à cet égard devant la Cour.
Partant, sa conclusion nouvellement formée devant la Cour est irrecevable.
Pour sa part, l'intimé ne peut être suivi lorsqu'il sollicite la suppression de toute contribution en faveur de son épouse. Contrairement à ce qu'il allègue, celle-ci n'est pas en mesure de subvenir elle-même à son propre entretien, ne réalisant pas les revenus qu'il prétend mais faisant face à un déficit mensuel de plus de 1'000 fr. (cf. let. C. a.a et C. a.b, ci-dessus). A défaut de tout autre grief, le montant de 330 fr. par mois fixé par le Tribunal sera confirmé.
Le chiffre 13 du dispositif attaqué sera donc confirmé.
5.2.3 Les prétentions de l'appelante en remboursement du montant de 9'531 fr. 30 pour diverses factures impayées depuis la séparation (loyer, électricité, assurances et impôts) sont également irrecevables. En effet, cette conclusion a été formulée pour la première fois devant la Cour, alors qu’elle se fonde sur des éléments de faits qui existaient et étaient déjà connus devant le Tribunal.
La Cour ne peut dès lors pas entrer en matière sur cette conclusion.
6. L'appelante réclame que l'intimé soit condamné à lui restituer les meubles qui se trouvaient au domicile conjugal et/ou compense leur valeur par une somme d'argent convenable et juste.
6.1 Le juge des mesures protectrices prend les mesures nécessaires en ce qui concerne le logement et le mobilier du ménage (art. 176 al. 1 ch2 CC).
Le juge des mesures protectrices de l'union conjugale attribue provisoirement le logement conjugal à l'une des parties en procédant à une pesée des intérêts en présence, de façon à prononcer la mesure la plus adéquate au vu des circonstances concrètes (arrêt du Tribunal arrêt 5A_298/2014 du 24 juillet 2014 consid. 3.3.2 et les références citées).
6.2 En l'espèce, le contrat de bail portant sur ancien logement conjugal a été résilié et chacune des parties s'est constituée un nouveau domicile. L'intimé admet avoir repris l'ensemble du mobilier qui se trouvait dans l'ancien domicile des époux, considérant qu'il lui appartenait, ce que l'appelante conteste. Elle allègue que le mobilier a été acheté durant les années de mariage, qu'il est par conséquent la propriété des deux parties, de sorte qu'il convient de l'inventorier, l'estimer et lui restituer sa part.
Par son argumentation, l'appelante ne prétend pas à une attribution provisoire du mobilier conjugal, mais demande le partage des meubles qu'elle considère propriété des deux parties. D'une part, le sort de ces biens relève de la liquidation du régime matrimonial et non des mesures à ordonner dans le cadre de la présente procédure de mesures protectrices de l'union conjugale. D'autre part, il ne revient pas au Tribunal ni à la Cour d'inventorier et d'estimer les meubles à la place des parties. Il appartiendra à l'appelante, dans le cadre d’une éventuelle procédure de divorce, d'identifier précisément les biens dont elle entend réclamer la contrevaleur et, cas échéant, chiffrer ses prétentions.
A ce stade, il ne sera pas tenu compte de ces prétentions.
7. Lorsque la Cour statue à nouveau, elle se prononce sur les frais fixés par le Tribunal de première instance (art. 318 al. 3 CPC).
Selon l'art. 106 CPC, les frais sont mis à charge de la partie succombante (al. 1) ou, lorsqu'aucune des parties n'obtient entièrement gain de cause, selon le sort de la cause (al. 2). Le juge peut néanmoins s'écarter de ces règles et répartir les frais selon son appréciation lorsque le litige relève du droit de la famille (art. 107 al. 1 let. c CPC) ou des circonstances particulières rendent la répartition en fonction du sort de la cause inéquitable (art. 107 al. 1 let. f CPC).
7.1 Concernant les frais de première instance, le Tribunal a arrêté les frais judiciaires à 2'910 fr., les a répartis par moitié entre les parties et a compensé les dépens. La modification du jugement entrepris ne commande pas de revoir cette décision, qui est conforme aux normes applicables, étant relevé que l'appelante, plaidant au bénéfice de l'Assistance judiciaire, a été dispensée de toute avance et que les frais judiciaires mis à sa charge sont provisoirement supportés par l'Etat de Genève.
Quant aux frais judiciaires d'appels, y compris les frais liés à la décision sur effet suspensif et les frais d'interprète, ils seront arrêtés à 2'200 fr. (art. 26 et 37 RTFMC) et entièrement compensés avec les avances fournies à hauteur de 1'000 fr. par l'appelante et 1'200 fr. par l'intimé, qui demeurent acquises à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). Compte tenu de la disparité économique des parties, ils seront mis à la charge de l'intimé (art. 107 al. 1 let. f CPC).
Ce dernier sera en conséquence condamné à rembourser la somme de 1'000 fr. à l'appelante qui en a fait à l'avance, ayant obtenu l'extension de l'Assistance judiciaire postérieurement son versement et sans effet rétroactif. Chaque partie supportera en revanche ses propres dépens d'appel (art. 107 let. c CPC).
* * * * *
La Chambre civile :
A la forme :
Déclare recevables les appels interjetés le 26 juin 2023 par A______ et par B______ contre le jugement JTPI/6758/2023 rendu le 25 mai 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/17484/2021.
Au fond :
Annule les chiffres 7, 8, 9, 10 et 11 du dispositif de ce jugement et statuant à nouveau sur ces points :
Constate la compétence ratione loci des tribunaux genevois pour statuer sur le sort de l'enfant mineure.
Maintient l'autorité parentale conjointe sur l'enfant D______, sous réserve du droit de déterminer le lieu de résidence de l'enfant qui est attribué à B______.
Attribue la garde exclusive de l'enfant D______ à B______.
Réserve à A______ un droit aux relations personnelles avec sa fille D______ devant s’exercer, sauf accord contraire des parties, à raison d’un week-end sur deux, du vendredi début d'après-midi, puis dès la sortie de l'école à partir de la rentrée scolaire de fin août 2024, au dimanche fin d'après-midi, et de deux appels téléphoniques (appels « visio ») par semaine, ainsi que durant la moitié des vacances scolaires dont deux semaines consécutives au maximum.
Instaure une curatelle d'organisation et de surveillance du droit de visite afin d'aider les parties à la mise en œuvre des modalités de garde, d'établir, avec elles, le calendrier des vacances, et de veiller à ce que A______ retrouve une place auprès de sa fille.
Dit qu’il appartiendra au curateur d’avertir sans délai l'autorité compétente si le droit de visite de la mère ne devait pas être exercé.
Condamne les parties à prendre en charge l'éventuel émolument lié à cette curatelle, à concurrence de la moitié chacune.
Transmet le présent arrêt au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant en vue de la nomination d'un curateur.
Confirme le jugement entrepris pour le surplus.
Déboute les parties de toutes autres conclusions.
Sur les frais d'appels :
Arrête les frais judiciaires des deux appels à 2'200 fr., les met à la charge de B______ et dit qu'ils sont entièrement compensés avec les avances fournies par les parties, qui demeurent acquises à l'Etat de Genève.
Condamne B______ à verser à A______ la somme de 1'000 fr. à titre de restitution de l'avance fournie.
Dit que chaque partie supporte ses propres dépens d'appel.
Siégeant :
Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Pauline ERARD et
Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Sandra CARRIER, greffière.
Le président : Cédric-Laurent MICHEL |
| La greffière : Sandra CARRIER |
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.