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Décisions | Chambre civile

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C/2305/2019

ACJC/1617/2023 du 06.12.2023 sur JTPI/4044/2022 ( OO ) , RENVOYE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/2305/2019 ACJC/1617/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MERCREDI 6 DÉCEMBRE 2023

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______ [GE], appelante d'un jugement rendu par la 2ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 29 mars 2022, représentée par Me Liza SANT'ANA LIMA, avocate, SANT'ANA LIMA AVOCATS SA, rue de Lausanne 69, case postale, 1211 Genève 1,

et

Monsieur B______, domicilié ______, Portugal, intimé, représenté par Me Andreia RIBEIRO, avocate, ER&A, boulevard Helvétique 19, 1207 Genève.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/4044/2022 du 29 mars 2022, reçu le 1er avril 2022 par A______, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal), statuant par voie de procédure ordinaire, a, préalablement, reconnu et déclaré exécutoire en Suisse le jugement de divorce rendu le 10 janvier 2018 par le Tribunal judicial C______ (Portugal), dans la cause n. 1______, concernant les époux B______ et A______ (chiffre 1 du dispositif), et cela fait, sur complément de jugement de divorce, ordonné le partage par moitié des avoirs de prévoyance professionnelle accumulés par les parties pendant la durée du mariage et ordonné en conséquence à la caisse de prévoyance de A______, soit la D______ Caisse de prévoyance de D______ (no. ______ rue 2______, [code postal] Genève), de prélever 95'700 fr. 53 de son compte (date de naissance : _____ 1959; n. assuré : 3______) et de le verser sur le compte de B______, auprès de [la banque] E______ (F______ Group; G______, Espagne; IBAN : 4______) (ch. 2).

Le Tribunal a par ailleurs arrêté les frais judiciaires à 2'000 fr., qu'il a mis à la charge de chacune des parties à raison de moitié et condamné celles-ci à verser chacune un montant de 1'000 fr. aux Services financiers du Pouvoir judiciaire (ch. 3), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 4) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5).

B. a. Par acte expédié le 12 mai 2022 au greffe de la Cour de justice, A______ a formé appel contre ce jugement, dont elle a sollicité l'annulation du chiffre 2 de son dispositif.

Elle a conclu, sous suite de frais judiciaires et dépens, à ce que la Cour dise qu'il n'y a pas lieu d'ordonner le partage des avoirs de prévoyance professionnelle accumulés par les époux durant le mariage.

Subsidiairement, elle a conclu à ce que la Cour constate l'impossibilité du partage par moitié des avoirs de prévoyance professionnelle accumulés pendant le mariage, dise que B______ doit lui verser la somme de 58'231 fr. 67 à titre d'indemnité équitable au sens de l'art. 124e al. 1 CC, constate que les avoirs de prévoyance professionnelle qu'elle a accumulés pendant le mariage s'élèvent à 191'401 fr. 05, dise qu'elle doit verser à B______ la somme de 95'700 fr. 53 à titre d'indemnité équitable au sens de l'art. 124e al. 1 CC, compense les montants dus à ce titre entre les parties et, ce faisant, la condamne à verser 37'468 fr. 86 à B______.

Plus subsidiairement, elle a conclu au renvoi de la cause en première instance.

A______ a produit des pièces non soumises au premier juge, soit la requête de mesures protectrices de l'union conjugale qu'elle a déposée le 28 août 2017 au Tribunal (pièce 3), l'ordonnance rendue le 29 août 2017 dans la cause C/5______/2017 par le Tribunal (pièce 4), les réponses fournies par [la banque] H______ concernant les comptes détenus par B______ suite à une demande de blocage ("pedido de bloqueio"), datées des 11, 29 et 30 décembre 2021 et leurs traductions libres (pièces 6 et 7).

Elle a informé la Cour de ce qu'elle avait repris son nom de jeune fille, à savoir A______.

b. Dans sa réponse du 7 juillet 2022, B______ a conclu, sous suite de frais judiciaires et dépens, préalablement, à l'irrecevabilité des pièces 3, 4, 6 et 7 produites en appel par A______ et des allégués 4, 27, 28 et 30 de son mémoire d'appel et, principalement, à la confirmation du jugement entrepris.

Il a produit des pièces non soumises au premier juge, soit l'action alimentaire qu'il a déposée en juin 2022 au Portugal à l'encontre de son fils et sa traduction libre (pièces 1 et 2), la preuve de notification de l'action alimentaire à son fils et sa traduction libre (pièces 2' et 2''), un rapport médical du Centre clinique I______ (J______, Portugal) du 7 mars 2022 et sa traduction libre (pièces 3 et 4).

c. Par réplique du 7 septembre 2022, A______ a conclu à l'irrecevabilité des allégués 47, 48, 50, 53 et 54 de la réponse de B______ ainsi que des pièces 1, 2, 3 et 4 produites à son appui et a persisté pour le surplus dans ses conclusions d'appel.

Elle a produit des pièces non soumises au premier juge, soit un inventaire des biens des ex-époux dressé par B______ dans le cadre de la procédure au Portugal (non daté, référence PROC. N. 6______) et sa traduction libre (pièces 8 et 9), un jugement rendu par le Tribunal C______ (Portugal) le 24 juin 2022 (pièce 10) et une traduction libre des points 1 à 10 du dispositif dudit jugement (pièce 11).

d. Par duplique du 13 octobre 2022, B______ a préalablement conclu à l'irrecevabilité des pièces 8 et 9 produites par A______ le 7 septembre 2022 et a persisté pour le surplus dans ses conclusions (préalables et principales).

Il a produit des pièces non soumises au premier juge, soit un recours non daté déposé par ses soins à l'encontre du jugement rendu par le Tribunal C______ le 24 juin 2022 (pièce 5) et la traduction libre des conclusions qu'il a prises dans le cadre de ce recours (pièce 6).

B______ a notamment allégué que la procédure en liquidation du régime matrimonial était toujours pendante au Portugal.

e. Les parties ont été informées le 1er novembre 2022 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier :

a. B______, né le ______ 1952 à K______ (Portugal), et A______ (précédemment A______ [nom de mariage]), née le ______ 1959 à L______ (Portugal), tous deux de nationalité portugaise, ont contracté mariage le ______ 1981 au Portugal.

Un enfant est issu de leur union : M______, né le ______ 1982 (majeur).

b. En 1989, B______ a quitté le Portugal pour s'établir en Suisse.

A______ est arrivée en Suisse l'année suivante, et le fils, resté auprès de sa grand-mère au Portugal, a rejoint ses parents en 1993.

c. Les époux ont rencontré des difficultés conjugales ayant conduit à leur séparation effective en août 2017.

Selon le jugement portugais de divorce, les époux vivaient "séparés" bien que demeurant sous le même toit depuis le 1er janvier 2015 déjà.

d. Le 28 août 2017, A______ a saisi le Tribunal d'une requête de mesures protectrices de l'union conjugale assortie de mesures superprovisionnelles tendant notamment au prononcé de mesures d'éloignement à l'encontre de B______ (C/5______/2017).

A l'appui de ses conclusions, elle a notamment allégué que B______ lui avait infligé des traitements humiliants et dégradants et contrôlait tous les aspects de sa vie.

Deux audiences de comparution personnelle des parties ont eu lieu les 17 octobre et 13 novembre 2017. Lors de ces audiences, la situation financière des parties a été abordée ainsi que la destination du montant retiré par B______ de son compte 2ème pilier.

e. Parallèlement, A______ a introduit des procédures au Portugal.

e.a Elle a déposé une demande d'inventaires des biens des époux le 16 août 2017.

Dans le cadre de cette procédure, A______ aurait découvert que B______ avait procédé à d'importants retraits d'argent de différents comptes communs au Portugal, ce qui l'aurait conduite à requérir du Tribunal C______ (Portugal) qu'il ordonne le blocage des avoirs bancaires des époux, ce qui lui a été accordé par décision du 20 octobre 2017.

e.b Elle a également saisi le Tribunal C______ (Portugal) le 14 septembre 2017 d'une demande de divorce, à laquelle B______ ne s'est pas opposé.

Par jugement du 10 janvier 2018, le Tribunal judiciaire C______ (Portugal), statuant dans la cause n. 1______, a prononcé le divorce des époux.

Il ne s'est prononcé que sur le principe du divorce, une procédure en liquidation du régime matrimonial des parties (procédure n. 6______) est toujours en cours au Portugal.

f. Par jugement JTPI/3778/2018 du 7 mars 2018, le Tribunal a rayé du rôle la procédure de mesures protectrices de l'union conjugale introduite par A______.

g. Le 21 janvier 2019, B______, agissant en personne, a saisi le Tribunal de première instance d'une demande en complément du jugement de divorce, concluant à ce que le Tribunal ordonne aux institutions de prévoyance auprès desquelles son ex-épouse disposait d'avoirs (fonds de prévoyance du 2ème pilier existant auprès de la Caisse de prévoyance de D______ (ci-après : D______), N______ [compagnie d'assurance], O______ [compagnie d'assurance]) de lui communiquer leurs décomptes au 14 septembre 2017, jour de l'introduction de la procédure de divorce, ordonne à [la banque] P______ de communiquer le solde du compte n. 7______ au 26 août 2017, jour du départ de A______ du domicile conjugal, ainsi que les extraits de compte couvrant la période du 1er avril au 26 août 2017, procède au partage équitable de biens financiers des époux et ordonne à A______ de lui rembourser la moitié de la valeur du véhicule des ex-époux (ainsi que des roues d'hiver) et des biens mobiliers et électroménagers laissés au domicile conjugal.

A l'appui de ses conclusions, il a produit un avis d'écriture au 24 février 2017 établi par [la fondation de libre passage] Q______ concernant son compte de libre passage dont le solde s'élevait à 116'463 fr. 35 et sa demande de retrait du capital de libre passage datée du 30 mai 2017.

Il a modifié ses conclusions par courrier du 9 août 2019, limitant sa requête au partage des avoirs de prévoyance professionnelle, soit de ceux déposés sur le fonds de prévoyance 2ème pilier (AVS n. 8______) ouverts auprès de la D______, de ceux déposés sur le fonds de prévoyance 3ème pilier, contrats d'assurance n. 9______ et 10______, auprès de N______, et de ceux déposés auprès du fonds de prévoyance 3ème pilier, contrat d'assurance n. 11______, auprès de O______.

Il a précisé que tous les autres avoirs à partager mentionnés dans sa demande du 25 janvier 2019, et qui étaient "listés sur le procès d'inventaire n. 12______, chez le notaire au Portugal", seraient partagés dans le cadre de la procédure de divorce au Portugal, notamment les avoirs du compte P______, le véhicule, les biens mobiliers et l'électroménager.

Dans le cadre de la procédure de première instance, il a produit, outre les pièces susmentionnées, le jugement de divorce rendu par le juge portugais (cf. supra let. e.b).

h. Lors de l'audience du 30 septembre 2019, B______, représenté par son conseil, a persisté dans les termes de sa "requête d'exequatur et de complément du jugement de divorce rendu au Portugal", confirmant que seule la question du partage LPP des parties demeurait litigieuse.

i. Par réponse du 16 janvier 2020, A______ a préalablement conclu à ce que le Tribunal reconnaisse et déclare exécutoire en Suisse le jugement de divorce rendu par le Tribunal C______ (Portugal) le 10 janvier 2018 et ordonne la production de pièces en mains de sa partie adverse.

Principalement, elle a conclu à ce que le Tribunal condamne B______ à lui verser divers montants (soit les sommes en capital de 1'675 fr. 25, 6'922 fr. 50 et 8'231 fr.) au titre de liquidation du régime matrimonial, lui donne acte de son engagement à lui verser la somme de 3'354 fr. correspondant à la moitié de la valeur du véhicule des parties, et refuse le partage des avoirs de prévoyance professionnelle.

A l'appui de sa dernière conclusion, elle a notamment fait valoir avoir été victime de traitements humiliants et dégradants, tant psychologiques que physiques, tout au long du mariage. Elle avait de plus dû assumer seule l'éducation de leur fils ainsi que l'entretien et les charges de toute la famille. B______ ne l'avait jamais consulté pour prendre des décisions importantes relatives à la famille, et contrôlait tous les aspects de sa vie, que ce soit ses finances, ses fréquentations ou ses déplacements. L'ex-époux n'avait rien fait pour trouver un nouvel emploi et disposait librement de l'ensemble des avoirs des comptes communs des époux, auxquels elle n'avait pas accès.

Elle n'avait pas dénoncé ces faits à des tiers, seule sa famille était au courant des agissements de B______.

Elle a notamment produit des courriers rédigés par B______.

Dans un courrier du 15 décembre 2009, B______ reproche à A______ d'utiliser excessivement la voiture.

Dans un autre courrier, daté du 18 octobre 2009, B______ adresse des reproches à A______ (notamment sur leurs relations sexuelles et sur les achats effectués par la précitée). Il y admet l'avoir suivie à plusieurs reprises pour comprendre les raisons pour lesquelles elle arrivait tard à la maison [sous un chapitre intitulé : tes intolérables arrivées tardives à la maison après le travail ("as tuas intoleráveis chegadas tardias a casa após o trabalho")] et pour vérifier ses dépenses (sous un chapitre intitulé : ta folle obsession pour les achats ("a tua louca obsessão pelas compras")].

Ce courrier contient une mise en garde, B______ rappelant à A______ qu'elle demeurait son épouse et était par conséquent soumise à certains devoirs et obligations, y compris des obligations morales. Il l'invitait par conséquent à revoir ses mauvaises habitudes et, en particulier, à revenir à la maison aussitôt qu'elle aurait terminé ses journées de travail. Elle n'était évidemment pas "obligée" de respecter les invitations formulées, mais elle courrait alors certains risques désagréables, qu'il préférait garder pour lui, entre autres pour éviter d'être accusé de chantage ou autre.

Dans un courriel du 6 juillet 2017, B______ insiste en particulier sur le train de vie dépensier de A______, qui refusait de lui remettre les justificatifs de ses achats afin qu'il procède au contrôle des relevés bancaires.

A______ a également produit des courriels expédiés depuis l'adresse électronique de son ex-époux mais signés à son nom à elle, soutenant qu'il s'agissait de messages expédiés par B______, qui se faisait alors passer pour son épouse (notamment courriel adressé en septembre 2013 à [la banque] R______, courriel adressé le 7 octobre 2013 au fitness club S______, courriel adressé le 6 février 2013 à R______, courriels adressés aux T______ le 20 février 2014 (questions concernant les fiches de salaire), le 4 mars 2014 (questions concernant une intervention chirurgicale), et les 10 septembre, 31 octobre, 5 et 16 novembre 2014 (réclamations au sujet de factures), courriel adressé le 16 février 2015 à R______, courriels adressés les 4 et 8 janvier 2015 à [la société] U______, courriels adressés les 30 avril, 5, 7 et 30 mai 2015 aux T______ (concernant les places de stationnement)). B______ aurait également opéré de la même manière par courrier (courriers non signés adressés à [la banque] P______ et V______ SA le 30 mai 2014).

j. A teneur du procès-verbal d'audience du 27 février 2020, B______, représenté par son conseil, a indiqué transmettre un tirage de l'inventaire des biens effectué par le notaire au Portugal à sa partie adverse et au Tribunal.

B______ a par ailleurs informé le premier juge que le droit portugais avait récemment été modifié, le tribunal étant désormais compétent pour statuer sur la liquidation du régime matrimonial, et non plus les notaires, de sorte que la cause venait d'être retournée au tribunal portugais.

A l'issue de l'audience, les parties ont sollicité du Tribunal de leur accorder un peu de temps afin de connaître la position du tribunal portugais quant à sa compétence s'agissant de la question de la liquidation du régime matrimonial.

k. Par ordonnance du 21 décembre 2020, le Tribunal a ordonné la suspension de la procédure jusqu'à droit jugé dans la procédure n. 6______ opposant les parties devant le Tribunal judicial C______.

Il a ensuite ordonné la reprise de la procédure par ordonnance du 10 janvier 2022, le Tribunal judicial C______ s'étant déclaré compétent pour procéder à la liquidation du régime matrimonial des époux dans l'intervalle.

l. Lors de l'audience du 28 février 2022, les parties ont confirmé que le juge du divorce saisi au Portugal trancherait l'intégralité des questions liées au régime matrimonial des parties. La seule question qui se posait dans le cadre de la présente procédure était donc celle du partage de la LPP, étant rappelé que B______ concluait au partage par moitié des avoirs de prévoyance professionnelle alors que A______ s'opposait à tout partage.

B______, représenté par son conseil, a contesté avoir eu le comportement d'un tyran domestique, tel que dépeint par A______. Par ailleurs, et bien qu'il soit à l'origine de la présente procédure, il estimait que la cause devait demeurer suspendue jusqu'à droit jugé sur la liquidation du régime matrimonial, car, dans le cas contraire, les parties courraient le risque qu'une solution inéquitable soit prise par les tribunaux saisis, notamment si le capital qui provenait du retrait de ses avoirs LPP était partagé dans le cadre de la liquidation du régime au Portugal et que les avoirs LPP de A______ ne l'étaient pas.

Les parties ont plaidé, persistant dans leurs conclusions respectives.

A l'issue de l'audience, la cause a été gardée à juger par le Tribunal.

m. Par courrier du 3 mars 2022, B______ a informé le Tribunal qu'il souffrait d'un cancer et lui a transmis ses coordonnées bancaires, pièces à l'appui.

D. La situation personnelle et financière des parties est la suivante :

a. B______ a exercé une activité professionnelle depuis son arrivée en Suisse jusqu'à environ 2009.

Selon les déclarations du précité, il avait été licencié lorsque la compagnie W______, entreprise pour laquelle il travaillait, avait fait faillite et n'avait plus retrouvé du travail jusqu'à l'âge de la retraite.

Selon A______, c'est "sur un coup de tête" que B______ avait unilatéralement décidé d'arrêter de travailler et de rester à la maison en vivant des allocations chômage dans un premier temps, puis de son revenu à elle. La compagnie W______ avait décidé de licencier B______ lorsqu'elle-même avait quitté la compagnie. Alors qu'elle avait rapidement trouvé un emploi, l'intéressé avait décidé de profiter durant trois ans du chômage. Il avait finalement retrouvé un emploi comme chauffeur pour la mission diplomatique X______, puis pour une famille russe, emplois qu'il avait finalement aussi perdus. Selon A______, ces licenciements à répétition étaient dus au caractère compliqué de son ex-époux.

Aucune pièce n'a été fournie par les parties s'agissant de la situation professionnelle passée (emplois et chômage) de B______.

Une fois l'âge légal de la retraite atteint, soit en juin 2017, B______ a retiré l'intégralité de ses avoirs de prévoyance professionnelle en 116'463 fr. 35 auprès de la Fondation de libre passage Q______ (compte de libre passage n. 13______). Sa demande de retrait du capital de libre passage, datée du 30 mai 2017, a été contresignée pour accord par A______, dont la signature a été légalisée par le notaire Y______, à Genève. A______ a allégué avoir signé ce document sous la contrainte.

C'est un montant de 116'488 fr. 90 qui a été transféré par Q______ sur le compte P______ de B______. A teneur de l'extrait de compte P______ produit, ce dernier a immédiatement procédé au transfert d'un montant de 116'500 fr. sur un autre compte ("14______. B______, GENEVE"), qui serait un compte commun des ex-époux ouvert au Portugal, selon les déclarations concordantes des parties.

Lors de l'audience du 30 septembre 2019, B______ a indiqué au Tribunal qu'il avait effectivement procédé au retrait en capital de ses avoirs de prévoyance, mais qu'il n'en avait pas disposé. Il était d'accord de les partager à raison de la moitié avec son ex-épouse.

A______ a toutefois allégué, dans le cadre de son mémoire du 16 janvier 2020, que B______ avait transféré cet argent sur un compte détenu par les ex-époux au Portugal, et qu'il avait ensuite procédé à d'importants retraits d'argent jusqu'à faire disparaître complètement ce capital. A teneur des extraits de compte Z______ [banque] produits, de nombreux montants ont été crédités, puis débités du compte en question en août 2017.

A______ a ensuite allégué, lors de l'audience du 27 février 2020, que B______ avait investi le capital reçu à titre de prévoyance professionnelle dans l'achat d'un terrain et d'un appartement au Portugal, ce qui a été confirmé par l'intéressé, qui a précisé que ce montant avait été répertorié dans l'inventaire des biens à partager dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial. Un montant de
112'116 fr. 15, devant correspondre à ses avoirs de prévoyance professionnelle 2ème pilier, est en effet inscrit dans l'inventaire des biens établi par B______ dans le cadre de la procédure pendante au Portugal (proc. N. 6______).

L'ex-épouse a allégué, lors de l'audience du 28 février 2022, qu'une procédure concernant l'achat du bien immobilier susmentionné par l'intimé avait été initiée et que la vente n'avait pas abouti, bien que B______ ait versé la moitié de la valeur de l'appartement à titre d'arrhes. L'intéressé ne s'est pas exprimé à ce sujet lors de cette audience. Il a toutefois continué d'affirmer dans le cadre de son mémoire réponse à l'appel du 7 juillet 2022 que ce capital avait servi à acheter un appartement et un terrain au Portugal.

Il résulte d'un jugement rendu par le Tribunal C______ (Portugal) le 24 juin 2022, qu'une procédure oppose B______ à AA_____ (cause principale) et à AB_____ et AC_____ Lda. (cause jointe à la première) dans le cadre d'un litige en lien avec l'achat d'un bien immobilier à C______, à l'issue de laquelle le tribunal portugais a rejeté les requêtes formées par le précité, estimant que les sommes versées à titre d'arrhes par celui-ci étaient acquises à la vendeuse et l'a condamné au paiement d'une amende pour procédure téméraire à l'encontre de AB_____ et de la société AC_____. Dans le cadre de son jugement, le tribunal portugais a notamment considéré que B______ avait voulu conclure des contrats de promesse d'achat avec remise de ces montants à titre d'arrhes afin d'empêcher le partage de ces avoirs dans le cadre du divorce.

B______ perçoit une rente AVS depuis le mois de juillet 2017, qui s'élevait à 1'142 fr. en juillet et août 2017 à tout le moins. Selon A______, celui-ci percevrait également une rente française et portugaise.

b. A______ travaille depuis de nombreuses années au sein des T______ de Genève. De septembre à décembre 2019, elle réalisait un revenu mensuel brut de l'ordre de 5'900 fr. par mois.

Selon attestation du 29 janvier 2020 de la D______, A______ disposait d'une prestation de sortie de 191'401 fr. 05 au 31 août 2017 (n. assurée 3______).

E. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a considéré que l'épouse n'avait pas rendu vraisemblable, a fortiori n'avait pas démontré, que le comportement de son époux pendant la vie commune justifiait que l'on s'écarte du principe du partage par moitié des avoirs de prévoyance professionnelle.

Le fait qu’elle avait "apparemment", à l’époque, non seulement travaillé, mais également assuré de manière prépondérante la prise en charge du fils des parties, ne constituait pas un critère pertinent à cet égard. Seules des situations "particulièrement choquantes" pouvaient conduire le juge à déroger au principe du partage par moitié. En particulier, l’épouse n’avait également pas rendu vraisemblable avoir été victime de violences psychologiques et physiques, aucune pièce n’ayant été versée au dossier à cet égard, telles que des certificats médicaux ou certificats émanant d’une association de prise en charge de victimes de violence conjugale, des attestations de suivi psychothérapeutique, de dépôt de plainte pénale ou de main courante auprès de la police, et ce alors même qu’elle travaillait depuis de nombreuses années auprès des T______. Aucun reproche de violence ne ressortait par ailleurs des deux procès-verbaux de comparution personnelle des parties tenues par le Tribunal en 2017 suite aux mesures protectrices de l’union conjugale déposées par l’épouse. Selon le premier juge, l’étiquette de "tyran domestique" collée à B______ dans le cadre de la présente procédure semblait "l’avoir été pro forma par l’épouse pour éviter d’avoir à partager ses avoirs LPP".

Il ne pouvait pas non plus être retenu que B______ s'était volontairement abstenu d'exercer toute activité professionnelle, celui-ci ayant travaillé jusqu'à l'âge de 57 ans. Le fait qu'il ait perçu des indemnités de chômage établissait l'existence de recherches d'emploi régulières. Il avait par ailleurs accumulé des avoirs LPP d'un montant de 116'463 fr. 35 à l'âge de la retraite, ce qui confirmait l'étendue de l'activité professionnelle déployée auparavant.

En tout état, la seule inégalité dans la situation financière et de prévoyance professionnelle des parties ne justifiait pas de déroger au principe consacré par la loi, à savoir le partage par moitié.

Enfin, le fait que B______ ait retiré ses avoirs de prévoyance professionnelle, "apparemment pour les investir dans un bien immobilier au Portugal", ne faisait pas non plus obstacle au partage. En effet, A______ avait échoué à établir que son ex-époux l'avait "battue" pour obtenir sa signature – laquelle avait été légalisée par notaire – et, quoi qu'il en soit, le montant prélevé par celui-ci faisait partie de l'inventaire des biens à partager dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial au Portugal, de sorte que l'épouse pourrait faire valoir ses droits éventuels dans ce cadre.

En l'absence de circonstances "particulièrement choquantes", le partage légal par moitié des avoirs de prévoyance professionnelle a par conséquent été ordonné.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC), dans les causes patrimoniales dont la valeur litigieuse, au dernier état des conclusions de première instance, est supérieure à 10'000 fr. (art. 308
al. 2 CPC).

En l'espèce, seule est discutée la question du partage de la prévoyance professionnelle, en complément du jugement de divorce prononcé au Portugal entre les parties, de sorte qu'il s'agit d'une affaire pécuniaire. Compte tenu des montants restés litigieux devant le premier juge, la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. de sorte que la voie de l'appel est ouverte.

1.2 Déposé dans le délai utile et selon la forme prescrite par la loi (art. 130 al. 1, 131, 142 al. 1 et 3, 145 al. 1 let. a et 311 al. 1 CPC), l'appel est recevable.

1.3 La maxime d'office et la maxime inquisitoire s'appliquent devant le premier juge concernant les questions qui touchent à la prévoyance professionnelle (arrêts du Tribunal fédéral 5A_18/2018 du 16 mars 2018 consid. 6 et 5A_862/2012 du 30 mai 2013 consid. 5.3.2 et 5.3.3 et les réf. cit.). Le grief de violation de la maxime applicable soulevé par l'appelante est partant infondé.

En seconde instance, les maximes des débats et de disposition ainsi que l'interdiction de la reformatio in pejus sont applicables (ATF 129 III 481 consid. 3.3; arrêts du Tribunal fédéral 5A_392/2021 du 20 juillet 2021 consid. 3.4.1.1; 5A_478/2016 du 10 mars 2017 consid. 10.1).

1.4 La cause présente un élément d’extranéité compte tenu de la nationalité portugaise des parties et du domicile au Portugal de l’intimé.

A raison, les parties ne remettent pas en cause la compétence des juridictions genevoises pour connaître du litige (art. 59 et 63 al. 1 et 1bis LDIP), ni l'application du droit suisse (art. 61 et 63 al. 2 LDIP). (à vérifier)

1.5 L'appel peut être formé pour violation du droit et constatation inexacte des faits (art. 310 CPC).

2. Les parties ont allégué des faits nouveaux et produit des pièces nouvelles.

2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b).

Les faits et moyens de preuve nouveaux doivent être invoqués « sans retard », donc en principe dans le mémoire d’appel ou dans la réponse (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4).

Il faut distinguer les vrais nova des faux nova. S'agissant des vrais nova, soit les faits qui se sont produits après le jugement de première instance - ou plus précisément après les débats principaux de première instance (art. 229 al. 1 CPC) -, la condition de nouveauté posée par l'art. 317 al. 1 let. b CPC est sans autre réalisée et seule celle d'allégation immédiate (art. 317 al. 1 let. a CPC) doit être examinée (arrêt du Tribunal fédéral 5A_621/2012 du 20 mars 2013 consid. 5.1). Cela étant, les pièces ne sont pas recevables en appel pour la seule raison qu'elles ont été émises postérieurement à l'audience de première instance. La question à laquelle il faut répondre pour déterminer si la condition de l'art. 317 al. 1 CPC est remplie est celle de savoir si le moyen de preuve n'aurait pas pu être obtenu avant la clôture des débats principaux de première instance (arrêts du Tribunal fédéral 5A_24/2017 du 15 mai 2017 consid. 4.3; 5A_321/2016 du 25 octobre 2016 consid. 3.1; 5A_86/2016 du 5 septembre 2016 consid. 2.1).

S’agissant des faux nova, à savoir les faits et moyens de preuve qui existaient déjà lors de la fixation de l’objet du litige devant la première instance : il incombe au plaideur qui désire les invoquer devant l’instance d’appel de démontrer qu’il a fait preuve de la diligence requise, si bien qu’on ne saurait lui reprocher de ne pas les avoir invoqués ou produits devant la première instance. La partie qui se prévaut d’avoir usé de la diligence requise doit exposer précisément les raisons pour lesquelles le moyen de preuve ou le fait nouveau n’a pas été porté plus tôt à la procédure, étant rappelé – s’agissant des faux nova – qu’il incombe, en première instance, à chaque plaideur d’exposer l’état de fait de manière soigneuse et complète ainsi que de faire état de tous les moyens de preuve propres à établir les faits pertinents (Jeandin, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2019, n. 8 ad art. 317 CPC et les références citées).

Les faits qui sont immédiatement connus du Tribunal, notamment parce qu'ils ressortent d'une autre procédure entre les mêmes parties, sont des faits notoires qui n'ont pas à être prouvés et ne peuvent pas être considérés comme nouveaux (art. 151 CPC; ATF 143 II 224 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_252/2021 du 8 novembre 2021 consid. 2.3).

2.2 En l’espèce, l’appelante a produit à l’appui de son acte d’appel la requête en mesures protectrices de l’union conjugale du 28 août 2017 (pièce 3) et l’ordonnance rendue par le Tribunal dans le cadre de cette procédure le 29 août 2017 (pièce 4), soit des pièces existantes avant même la saisine du juge de première instance le 21 janvier 2019. Cela étant, ces pièces, de même que les faits qui s'y rapportent (en particulier l'allégué n. 4 de l'appelante), ne peuvent être considérés comme nouvelles puisqu'elles visent des faits notoires au sens susmentionné.

En revanche, les pièces 6 et 7 produites par l'appelante, soit des documents bancaires datés respectivement des 11, 29 et 30 décembre 2021, sont antérieures à la date à laquelle la cause a été gardée à juger par le Tribunal. L'appelante soutient devoir les produire à ce stade car le premier juge aurait, "contre toute attente et sur la base d'aucune preuve", considéré que l'intimé n'avait pas disposé des avoirs de prévoyance professionnelle qu'il avait transférés sur son compte en 2017. Or, l'appelante concluait déjà au non-partage des avoirs en première instance et alléguait que l'intimé avait procédé à d'importants retraits d'argent faisant complètement disparaître l'intégralité de ses avoirs de prévoyance professionnelle. En produisant ces pièces uniquement en appel, l'appelante n'a pas fait preuve de la diligence requise en la matière. Ces documents, de même que les faits qui s'y rapportent (en particulier les allégués 27 et 28 de l'appelante) sont donc irrecevables.

Quant à l'allégué 30 de l'appelante, considéré à tort comme irrecevable par l'intimé, il ne reflète que la position de celle-ci et ne consiste aucunement en des allégations de fait, de sorte qu'il n'y a pas lieu de trancher la question de sa recevabilité.

L’intimé a produit à l’appui de sa réponse une action alimentaire déposée en juin 2022 au Portugal et sa traduction libre (n. 1 et 2) et les justificatifs de la notification de cette action à l’appelante (n. 2’ et 2’’) ainsi qu’un rapport médical du 7 mars 2022 et sa traduction libre (n. 3 et 4), pièces toutes postérieures aux débats principaux de première instance et à la date à laquelle le Tribunal a gardé la cause à juger, de sorte que ces pièces sont recevables, bien qu’inutiles à la résolution du litige, de même que les allégués qui s’y rapportent (allégués 47 à 54 de l'intimé).

L’appelante a encore produit à l’appui de sa réplique l’inventaire des biens des ex-époux dressé par l’intimé dans le cadre de la procédure au Portugal et sa traduction (n. 8 et 9). Ces pièces ne sont pas datées mais l'on déduit de leur référence qu'il s'agit de la version actualisée de l'acte mentionné par l'intimé en première instance (inventaire 12______). Aucun élément ne laissant penser que l'appelante a produit ces pièces tardivement, celles-ci, de même que les faits qui s'y rapportent, seront déclarés recevables.

Il en va de même des pièces 10 et 11 de l’appelante, soit le jugement rendu par le Tribunal C______ (Portugal) le 24 juin 2022 et sa traduction libre, et des pièces 5 et 6 de l'intimé, produites à l'appui de sa duplique, soit le recours qu'il a formé à l'encontre du jugement précité et une traduction libre de ses conclusions, ainsi que des faits qui s'y rapportent, les parties ayant versé ces pièces sans retard.

3. L'appelante se plaint d'une constatation inexacte des faits, reprochant au premier juge d'avoir omis de prendre en compte, respectivement d'avoir établi de manière erronée, certains faits.

L'état de fait retenu par le Tribunal a, en tant que de besoin, été complété sur la base des pièces de la procédure, de sorte que le grief de l'appelante en lien avec la constatation inexacte des faits ne sera pas traité plus avant.

4. L'appelante fait grief au Tribunal d'avoir ordonné le partage par moitié de ses avoirs de prévoyance professionnelle, solution qui serait inéquitable, selon elle, au vu des circonstances d'espèce.

4.1.1 Le complément ou la modification d'une décision étrangère sont régis par l'art. 64 LDIP.

Aux termes de cet article, les tribunaux suisses sont compétents pour connaître d'une action en complément ou en modification d'un jugement de divorce s'ils ont prononcé ce jugement ou s'ils sont compétents en vertu des art. 59 ou 60 (for du domicile ou for d'origine). Mais un jugement de divorce ne présente une lacune qui doit être complétée par une nouvelle décision que si, à la suite d'une inadvertance, d'une erreur de droit ou de l'ignorance d'un fait, le juge a omis de régler une question qui devait l'être nécessairement (arrêt du Tribunal fédéral 5A_227/2015 du 16 novembre 2015 consid. 2.2.2 et les références citées).

Le nouvel art. 64 al. 1bis LDIP, entré en vigueur le 1er janvier 2017, attribue désormais aux tribunaux suisses la compétence exclusive pour connaître du partage de prétentions de prévoyance professionnelle accumulés en Suisse. Il en découle que le jugement de divorce étranger portant sur cette question ne peut plus être reconnu en Suisse et qu'il est toujours réputé lacunaire, indépendamment du point de savoir si le juge étranger a ou non pris en compte lesdits avoirs (ATF 145 III 109 consid. 4, in SJ 2019 I p. 253).

L'art. 64 al. 1 bis LDIP précise qu'en l'absence de compétence au sens de l'al. 1, les tribunaux suisses du siège de l'institution de prévoyance sont compétents.

4.1.2 Selon l'art. 122 CC, les prétentions de prévoyance professionnelle acquises durant le mariage et jusqu'à l'introduction de la procédure de divorce sont partagées entre les époux. Les prestations de sortie acquises, y compris les avoirs de libre passage et les versements anticipés pour la propriété du logement, sont partagées par moitié entre les époux (art. 123 al. 1 CC).

Pour une action en complément de jugement de divorce étranger déposée après le 1er janvier 2017, les dates pertinentes pour déterminer les avoirs de prévoyance professionnelle à partager sont, d'une part, la date du mariage et, d'autre part, la date de l'introduction de l'action en divorce à l'étranger et non celle de l'action en complément du jugement de divorce en Suisse (ACJC/200/2019 du 8 février 2019 consid. 4.2 p. 7 § 2; ACJC/1279/2019 du 29 août 2019 consid. 5.2.2 cum p. 3
let C.d).

4.1.3 L'art. 124b CC règle les conditions auxquelles le juge ou les époux peuvent déroger au principe du partage par moitié des avoirs de prévoyance professionnelle prévu à l'art. 123 CC. Il s'agit d'une disposition d'exception, qui ne doit pas vider de sa substance le principe du partage par moitié de la prévoyance professionnelle (arrêt du Tribunal fédéral 5A_277/2021 du 30 novembre 2021 consid. 7.1.2 et les références citées). Il n'en demeure pas moins que le juge dispose en la matière d'un pouvoir d'appréciation (art. 4 CC; arrêt du Tribunal fédéral 5A_277/2021 du 30 novembre 2021 consid. 7.1.2 et les références citées).

Selon l'art. 124b al. 2 CC, le juge attribue moins de la moitié de la prestation de sortie au conjoint créancier ou n'en attribue aucune pour de justes motifs. C'est le cas en particulier lorsque le partage par moitié s'avère inéquitable en raison : 1) de la liquidation du régime matrimonial ou de la situation économique des époux après le divorce; 2) des besoins de prévoyance de chacun des époux, compte tenu notamment de leur différence d'âge.

Le texte de l'art. 124b al. 2 CC prévoit ainsi la possibilité pour le juge de s'écarter du principe par moitié pour de justes motifs et mentionne deux catégories d'exemples à ses chiffres 1 et 2, sans toutefois préciser plus avant cette notion (ATF 145 III 56 consid. 5.3.2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_277/2021 du 30 novembre 2021 consid. 7.1; 5A_106/2021 du 17 mai 2021 consid. 3.1).

Toute inégalité consécutive au partage par moitié ou persistant après le partage par moitié ne constitue pas forcément un juste motif au sens de l'art. 124b
al. 2 CC. Les proportions du partage ne doivent toutefois pas être inéquitables. L'iniquité se mesure à l'aune des besoins de prévoyance professionnelle de l'un et de l'autre conjoint (arrêts du Tribunal fédéral 5A_277/2021 du 30 novembre 2021 consid. 7.1; 5A_106/2021 du 17 mars 2021 consid. 3.1; 5A_729/2020 du 4 février 2021 consid. 8.1). Le partage est donc inéquitable lorsque l'un des époux subit des désavantages flagrants par rapport à l'autre conjoint (ATF 145 III 56 consid. 5.4; arrêts du Tribunal fédéral 5A_277/2021 du 30 novembre 2021 consid. 7.1; 5A_106/2021 du 17 mai 2021 consid. 3.1; 5A_194/2020 du 5 novembre 2020 consid. 4.1.1).

Il faut donc tenir compte de façon adéquate de la situation patrimoniale après la liquidation du régime matrimonial, ainsi que des autres éléments de la situation financière des conjoints après le divorce. On peut procéder en deux étapes, en ce sens que le juge calcule tout d'abord le montant de la prestation de sortie au moment du divorce et adapte ensuite ce montant aux besoins concrets des parties en matière de prévoyance (ATF 133 III 401 consid. 3.2; 131 III 1 consid. 4.2;
129 III 481 consid. 3.4.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_220/2015 du 11 novembre 2015 consid. 5.1; Leuba, Le nouveau droit du partage de la prévoyance professionnelle en cas de divorce in FamPra.ch 2017 p. 3, p. 32 et p. 33).

4.1.4 Sous l'ancien droit du partage des avoirs de prévoyance professionnelle, le Tribunal fédéral avait considéré que le partage pouvait être refusé lorsqu'il s'avérait "manifestement" inéquitable, selon la teneur de l'art. 123 al. 2 aCC, pour des motifs tenant à la liquidation du régime matrimonial ou à la situation économique des époux après le divorce, mais également en cas d'abus de droit (art. 2 al. 2 CC; (ATF 133 III 497, JdT 2008 I 184).

Le partage était ainsi "manifestement" inéquitable lorsque les époux étaient séparés de biens et que l'un d'entre eux, salarié, disposait d'un revenu et avait accumulé obligatoirement un deuxième pilier alors que l'autre, qui exerçait une activité à titre indépendant, s'était constitué un troisième pilier d'un certain montant ou se portait beaucoup mieux financièrement (arrêts du Tribunal fédéral 5A_106/2021 du 17 mars 2021 consid. 3.1; 5A_194/2020 du 5 novembre 2020 consid. 4.1.1; 5A_945/2016 du 19 mai 2017 consid. 3.1.2; Message du 29 mai 2013 concernant la révision du Code civil suisse [Partage de la prévoyance professionnelle en cas de divorce], FF 2013 4341, p. 4370 s. ad art. 124b CC). Il en allait de même du conjoint qui avait financé les études de son conjoint, lui donnant ainsi la possibilité de se constituer à l'avenir une meilleure prévoyance que la sienne (arrêts du Tribunal fédéral 5A_945/2016 du 19 mai 2017 consid. 3.1.2; 5A_398/2015 du 24 novembre 2015 consid. 4.1; 5A_220/2015 du 11 novembre 2015 consid. 5.2). Le partage constituait un "abus de droit" lorsque les époux avaient contracté un mariage de complaisance, n'avaient jamais fait ménage commun ou n'avaient jamais eu l'intention de former une communauté conjugale (arrêt du Tribunal fédéral 5A_945/2016 du 19 mai 2017 consid. 3.1.2) ou lorsque le créancier de la moitié des avoirs de prévoyance était l'auteur d'une infraction pénale grave à l'encontre de son conjoint (arrêt du Tribunal fédéral 5A_945/2016 du 19 mai 2017 consid. 3.1.2).

4.1.5 A la suite de l'adoption du nouvel art. 124b al. 2 CC, entré en vigueur le 1er janvier 2017 et l'abandon de l'adverbe "manifestement" inéquitable, le Tribunal fédéral a revisité sa jurisprudence (ATF 145 III 56) et a admis que le juge du divorce avait désormais la possibilité notamment de tenir compte, dans son appréciation (art. 4 CC; arrêt du Tribunal fédéral 5A_277/2021 du 30 novembre 2021 consid. 7.1.2 et les références citées), de ce qu'un époux avait gravement violé son obligation d'entretien, au point qu'un juste motif pouvait être retenu au sens de l'art. 124b al. 2 CC (ATF 145 III 56 consid. 5.4 et les références citées).

4.1.6 Selon l'art. 124e al. 1 CC, si l'exécution du partage au moyen de la prévoyance professionnelle s'avère impossible, le conjoint débiteur est redevable au conjoint créancier d'une indemnité équitable sous la forme d'une prestation en capital ou d'une rente.

Il en va ainsi en cas de paiements en espèce (art. 5 LFLP), de versements en capital (art. 37 s. LPP) et de versements anticipés pour l’acquisition de la propriété du logement (art. 30 c al. 6 LPP et art. 331e al. 6 CO). Dans ces hypothèses, le paiement en espèces, au même titre que les versements en capital (art. 37 ss. LPP) effectués durant le mariage, perdent leur affectation de prévoyance et n’entrent plus dans le calcul de la prestation de sortie à partager (art. 22a al. 1 LFLP; Pichonnaz, Commentaire romand, Code civil I, 2023, n. 13ss ad art. 124e CC).

Les montants correspondants sont exclus du système de prévoyance professionnelle et diminuent ainsi les prestations de sortie au moment du divorce. Il convient alors de les prendre en compte dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial (Pichonnaz, op. cit., n. 15 ad art. 124e CC).

4.1.7 Le principe d'un partage par moitié vaut également pour la fixation de l'indemnité équitable. Cela étant, le juge peut refuser en tout ou partie l'octroi d'une indemnité équitable et même attribuer au créancier une indemnité correspondant à une part plus importante que la moitié des éléments de prévoyance accumulés durant le mariage. Cela entre dans son pouvoir d'appréciation; il s'inspirera, pour ce faire, des principes posés aux art. 124a et 124b al. 2 et 3 CC (arrêt du Tribunal fédéral 5A_443/2018 du 6 novembre 2018 consid. 5.1).

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, qui correspond à la position d’une partie importante de la doctrine, le calcul de l’indemnité équitable doit se faire en deux temps : (1) une approximation du partage par moitié ; puis (2) la prise en compte des besoins de prévoyance respectifs des conjoints et des autres circonstances économiques. Le juge doit ainsi tenir compte de l’ensemble des circonstances économiques importantes des conjoints et du but du versement de l’indemnité équitable, à savoir de compenser autant que possible l’impossibilité (technique) de partager la prestation de sortie de l’un ou l’autre des conjoints (Pichonnaz, op. cit., n. 28-29 ad art. 124e CC et les références).

4.1.8 Selon l'art. 126 al. 1 CPC, le tribunal peut ordonner la suspension de la procédure si des motifs d'opportunité le commandent. La procédure peut notamment être suspendue lorsque la décision dépend du sort d'un autre procès. La suspension peut intervenir d'office ou sur requête en tout état de cause, à savoir dès la conciliation jusqu'à et y compris en instance de recours (Haldy, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd. 2019, n. 8 ad
art. 126 CPC et les références citées).

La suspension doit répondre à un besoin réel et être fondée sur des motifs objectifs dès lors qu'elle contrevient à l'exigence de célérité de la procédure, imposée par les art. 29 al. 1 Cst. et 124 al. 1 CPC. Elle ne saurait être ordonnée à la légère, les parties ayant un droit à ce que les causes pendantes soient traitées dans des délais raisonnables. Elle ne peut être ordonnée qu'exceptionnellement et l'exigence de célérité l'emporte en cas de doute (ATF 135 III 127 consid. 3.4;
119 II 386 consid. 1b; arrêt du Tribunal fédéral 5A_218/2013 du 17 avril 2013 consid. 3.1; Frei, Berner Kommentar, ZPO, 2012, n° 1 ad art. 126 CPC).

Le juge bénéficie d'un large pouvoir d'appréciation en la matière (arrêt du Tribunal fédéral 5A_146/2023 du 23 mai 2023 consid. 6.2.2.1.3).

La suspension devra être admise en particulier lorsqu'il se justifie d'attendre la décision d'une autre autorité, ce qui permettrait de trancher une question décisive ou de nature préjudicielle (ATF 119 II 386 consid. 1b; arrêt du Tribunal fédéral 5A_218/2013 du 17 avril 2013 consid. 3).

4.1.9 Selon l'art. 318 CPC, l'instance d'appel peut confirmer la décision attaquée, statuer à nouveau ou renvoyer la cause à la première instance. Bien que principalement réformatoire, l'appel peut être aussi cassatoire, mais seulement si un élément essentiel de la demande n'a pas été examiné (art. 318 al. 1 let. c ch. 1 CPC) ou si l'état de fait doit être complété sur des points essentiels (art. 318 al. 1 let. c ch. 2 CPC).

4.2 En l'espèce, c'est à raison que l'appelante reproche au Tribunal d'avoir ordonné le partage par moitié de ses avoirs de prévoyance professionnelle, les informations dont il disposait à ce stade ne permettant pas de s'assurer qu'une telle solution serait équitable, au vu des circonstances particulières du cas.

En effet, le fait que le Tribunal soit exclusivement compétent pour statuer sur le partage des avoirs de prévoyance professionnelle ne signifie pas qu'il doive faire abstraction de l'ensemble de la situation financière des parties après le divorce (revenus et patrimoine), y compris du résultat de la liquidation du régime matrimonial.

Cela a d'autant plus d'importance lorsque l'on se trouve, comme ici, dans un cas d’impossibilité technique du partage de l’avoir de prévoyance, compte tenu du versement en capital effectué à l'intimé durant le mariage, ce que le Tribunal semble avoir ignoré.

A ce stade, seul le principe du divorce a été tranché par jugement séparé, la procédure portant sur le règlement des effets accessoires du divorce, en particulier sur la liquidation du régime matrimonial des parties, étant toujours pendante devant le juge portugais. Or, le résultat de la liquidation du régime matrimonial des parties et, partant, leur situation économique après divorce, doit être connue du juge suisse du complément du jugement de divorce, afin de pouvoir statuer sur le principe et la quotité du partage des avoirs de prévoyance professionnelle, lorsqu'ils sont, comme en l'espèce, contestés.

Ce d'autant plus, lorsque les pièces du dossier ne permettent pas, comme c'est le cas, d'établir la situation patrimoniale des ex-époux après le divorce. Le seul fait que l'intimé ait fait figurer un montant devant correspondre au versement en capital reçu à ce titre dans l'inventaire des biens à partager n'apparaît pas suffisant. Les déclarations des parties concernant la destination des avoirs retirés par l'intimé sont par ailleurs particulièrement confuses. Le jugement rendu par le Tribunal C______ (Portugal) le 24 juin 2022, versé à la procédure par l'appelante, laisse toutefois penser que l'intimé n'aurait finalement pas acquis le bien immobilier, qu'il prétend cependant avoir acheté au moyen du capital reçu, et serait en litige avec les vendeurs. De plus, l'intimé, qui est pourtant à l'origine de la présente procédure, n'a produit aucune pièce permettant d'établir sa situation personnelle et financière, passée et actuelle, se contentant de verser à la procédure un décompte indiquant le solde de son compte de libre passage, sa demande de retrait des avoirs de libre passage et le jugement de divorce portugais, qui ne porte que sur le principe du divorce. Les allégations de l'appelante, quant au fait que l'intimé aurait disposé de l'ensemble de ses avoirs, sont en revanche corroborées par des pièces (notamment des extraits de compte) et par les procédures déposées au Portugal. L'on ne peut donc exclure, à ce stade, que l'appelante subisse des désavantages flagrants en raison du partage par moitié de ses seuls avoirs de prévoyance professionnelle.

Ainsi, faute de connaître l'ensemble des implications financières qu'engendrera le divorce, la cause n'est pas en état d'être jugée, comme l'avait d'ailleurs relevé l'intimé lors de l'audience du 28 février 2022, en concluant à la suspension de la procédure. Ce n'est, en effet, qu'une fois le régime matrimonial des parties définitivement liquidé que le Tribunal, après suspension, pourra reprendre l'instruction de la cause et rendre une décision sur le fond. Etant donné qu'il n'est pas impossible que la procédure au Portugal, dont l'ensemble des conclusions prises par les parties ne sont pas connues de la Cour, mette en évidence des manquements de l'intimé dans le cadre de ses obligations maritales, il est également prématuré de statuer sur ce point, lequel pourra être revu par le Tribunal en fonction du résultat de la procédure portugaise et au regard de l'état de fait d'ores et déjà complété par la Cour.

Le jugement entrepris sera dès lors annulé et la cause renvoyée au Tribunal pour suite de la procédure et nouvelle décision dans le sens des considérants.

5. 5.1 Les frais judiciaires sont fixés et répartis d’office (art. 105 al. 1 CPC). Ils sont mis à la charge de la partie succombante (art. 95 et 106 al. 1 1ère phrase CPC). Lorsqu'aucune des parties n'obtient entièrement gain de cause, les frais sont répartis selon le sort de la cause (art. 106 al. 2 CPC). La Cour peut s'écarter des règles générales et répartir les frais selon sa libre appréciation, notamment lorsque le litige relève du droit de la famille (art. 107 al. 1 let. c CPC).

5.2 En l'espèce, la quotité et la répartition des frais de première instance ne sont pas critiqués par les parties. La cause étant renvoyée au Tribunal pour instruction complémentaire et nouvelle décision, il se justifie toutefois d'annuler le jugement entrepris également sur ce point et d'inviter le Tribunal à statuer à nouveau sur la question des frais dans le cadre de la décision qu'il rendra.

5.3 Les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 1'250 fr. (art. 30 et 35 RTFMC) et compensés avec l'avance de frais versée par l'appelante, qui demeure acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). Vu l'issue et la nature familiale du litige, ils seront mis à la charge des parties pour moitié chacune. L'intimé sera dès lors condamné à verser 625 fr. à l'appelante à titre de remboursement des frais judiciaires d'appel (art. 111 al. 1 CPC).

Pour les mêmes motifs, les parties conserveront à leur charge leurs dépens d'appel.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté par A______ le 12 mai 2022 contre le jugement JTPI/4044/2022 rendu le 29 mars 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/2305/2019.

Au fond :

Annule le jugement entrepris.

Renvoie la cause au Tribunal pour suite de la procédure et nouvelle décision dans le sens des considérants.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 1'250 fr., les met à la charge des parties pour moitié chacune et les compense avec l'avance de frais de même montant versé par A______, qui demeure acquise à l'Etat de Genève.

Condamne B______ à verser 625 fr. à A______ à titre de remboursement des frais judiciaires d'appel.

Dit que chaque partie supporte ses propres dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.