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Décisions | Chambre civile

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C/21086/2020

ACJC/1531/2023 du 14.11.2023 sur JTPI/14382/2022 ( OO ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/21086/2020 ACJC/1531/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 14 NOVEMBRE 2023

Entre

Madame A______, domiciliée ______, Grèce, appelante d'un jugement rendu par la 16ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 5 décembre 2022, représentée par Me Efstratios SIDERIS, avocat, SLRG AVOCATS, quai
Gustave-Ador 2, 1207 Genève,

et

1) Madame B______, domiciliée ______, Grèce, agissant par sa tutrice,
Madame C______, domiciliée ______, Grèce, intimée, représentée par
Me Romanos SKANDAMIS, avocat, SKANDAMIS AVOCATS SA, rue
Charles-Bonnet 2, 1206 Genève,

2) D______, sise ______ [ZH], intimée, représentée par Me Claude BRETTON-CHEVALLIER, avocate, NOMEA AVOCATS SA, avenue de la Roseraie 76A,
1205 Genève.


EN FAIT

A.           Par jugement JTPI/14382/2022 du 5 décembre 2022, reçu le 6 décembre 2022 par A______, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal), statuant par voie de procédure ordinaire, a, à la forme, déclaré recevables les allégués 26, 28 et 29 ainsi que les déterminations du 21 juin 2022 de A______ (chiffre 1 du dispositif). Au fond, il a reconnu en Suisse le jugement n° 1______/2019 rendu le 12 septembre 2019 par la Justice de paix de E______ [Grèce] (ch. 2), condamné [la banque] D______ à transmettre à B______, dans un délai de trente jours dès l'entrée en force du jugement, tous les relevés bancaires (y compris les relevés de portefeuille) de la relation n° 2______ depuis le 20 octobre 2010 jusqu'au 27 juin 2017 et du 1er janvier 2019 jusqu'à ce jour, ainsi que les relevés de portefeuille de la relation bancaire n° 2______ du 27 juin 2017 jusqu'au 31 décembre 2018 (ch. 3), arrêté les frais judiciaires à 10'100 fr., mis à la charge de D______ et de A______ à hauteur de la moitié chacune et compensés avec les avances fournies par B______, condamné D______ et A______, conjointement et solidairement, à verser 1'100 fr. à B______ à titre de restitution des avances de frais, 9'000 fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, à titre des frais judiciaires (ch. 4), ainsi que 5'500 fr. TTC à B______ à titre de dépens (ch. 5) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 6).

B.            a. Par acte expédié le 23 janvier 2023 au greffe de la Cour de justice, A______ a formé appel des chiffres 2 à 6 du dispositif de ce jugement, dont elle a sollicité l'annulation. Elle a conclu, préalablement, à la suspension de la procédure jusqu'à droit jugé dans la procédure d'appel en tierce opposition intentée en Grèce contre le jugement de la Justice de paix de E______ et, principalement, au déboutement de B______ des fins de sa demande, avec suite de frais et dépens de première instance et d'appel.

Elle a allégué des faits nouveaux et produit des pièces nouvelles, soit une requête d'effet suspensif déposée le 19 janvier 2023 auprès du Tribunal de première instance de E______ (pièce 13a) et sa traduction (pièce 13b).

b. Dans sa réponse du 3 avril 2023, D______ a conclu à ce qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle s'en remettait à l'appréciation de la Cour quant aux conclusions préalables et principales de A______ et dise que la partie qui succombait serait condamnée aux frais et dépens d'appel.

c. Dans sa réponse du 17 avril 2023, B______ a conclu principalement à l'irrecevabilité de l'appel, subsidiairement à son rejet, avec suite de frais et dépens.

Elle a produit quatre pièces nouvelles, soit un acte de fixation d'audience dans le cadre de la procédure d'appel en tierce opposition initiée en Grèce (pièce 25a) et sa traduction (pièce 25b), ainsi qu'un extrait non daté du site internet du pouvoir judiciaire grec relatif à ladite procédure d'appel (pièce 26a) et sa traduction (pièce 26b).

d. A______ a répliqué le 22 mai 2023, persistant dans ses conclusions.

Elle a allégué des faits nouveaux et produit une pièce nouvelle, soit un extrait non daté du site internet du pouvoir judiciaire grec relatif à une procédure initiée le 19 janvier 2023 et "débattue" suite à l'audience du 8 février 2023 (pièce 14a) ainsi que sa traduction (pièce 14b).

e. D______ a renoncé à dupliquer.

f. B______ a dupliqué le 26 juin 2023, persistant dans ses conclusions.

Elle a allégué des faits nouveaux et produit des pièces nouvelles, soit un jugement du 6 juin 2023 du Tribunal de première instance de E______ (pièce 27a) et sa traduction (pièce 27 b), ainsi qu'un extrait du site internet du pouvoir judiciaire grec relatif à ce jugement (pièce 28a) et sa traduction (pièce 28b).

g. Par avis du 17 juillet 2023, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C.           Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. B______ est une ressortissante grecque née le ______ 1934. Elle est la mère de C______. Toutes deux sont domiciliées à E______ (Grèce).

b. Le 16 janvier 2007, B______, son mari F______ et A______, ressortissante grecque née le ______ 1961, ont ouvert un compte joint nominatif auprès de D______, succursale de Genève (relation n° 2______).

A teneur des "conditions régissant les comptes joints solidaires" figurant dans le "document de base relation de compte/dépôt", chacun des cotitulaires avait le droit de disposer seul et sans restriction des valeurs déposées et des avoirs existants; il pouvait en particulier les nantir, donner toute instruction et approbation de quelque sorte que ce soit ainsi que donner procuration à des tiers. Par ailleurs, le droit suisse était applicable et le for judiciaire exclusif se situait à Genève.

c. A partir du 14 juin 2015, la relation n° 2______ s'est poursuivie avec D______ (ci-après : D______ ou la Banque).

d. Par jugement n° 3______/2017 du 27 juin 2017, le Tribunal de première instance de E______ a institué une "tutelle complète" en faveur de B______, devenue "incapable de gérer ses affaires et d'agir en personne pour tout acte juridique", et nommé C______ en qualité de tutrice, y compris pour la période allant de la publication du jugement jusqu'au jugement définitif. La supervision de la tutrice a été confiée à un conseil de surveillance de trois membres.

e. F______ est décédé le ______ 2018.

La relation bancaire n° 2______ s'est alors poursuivie avec B______ et A______.

f. Par courrier du 22 janvier 2019, C______ a requis de D______ la transmission de l'intégralité des relevés de compte de la relation n° 2______ pour les dix dernières années. Elle souhaitait ainsi pouvoir "déterminer le type de retraits ayant eu lieu et préserver d'éventuels délais de prescription […] pour protéger le patrimoine de Madame B______", dans la mesure où certains virements avaient été effectués "en violation crasse des règles établies entre les cotitulaires, manifestement suite à l’état de faiblesse de Madame B______".

g. Par courriel du 30 janvier 2019, A______, précisant être une avocate spécialisée en droit bancaire, a informé D______ que selon le droit grec, applicable à la relation de tutelle, le tuteur ne pouvait pas avoir accès à des données couvertes par le secret bancaire. En sa qualité de cotitulaire du compte, elle priait donc D______ de bien vouloir lui confirmer qu'aucune information ne serait communiquée à la tutrice de B______.

h. Le 1er février 2019, D______ a répondu à C______ qu'elle était liée par son devoir de confidentialité à l'égard de la cotitulaire du compte s'agissant des relevés de compte antérieurs à sa nomination, son mandat de tutrice selon le jugement n° 3______/2017 ne lui permettant pas d'y avoir accès "sans autre formalité". Seuls les relevés de compte pour la période du 27 juin 2017 au 31 décembre 2018 lui étaient ainsi remis.

i. Le 15 avril 2019, D______ a informé A______ qu'elle avait communiqué à C______ les relevés de compte susmentionnés.

j. Par jugement n° 1______/2019 du 12 septembre 2019, la Justice de Paix de E______ a, sur requête de C______, autorisé cette dernière, en sa qualité de tutrice de B______, à prendre connaissance des relevés du compte n° 2______ portant sur les dix dernières années, afin d'examiner le type de retraits d'argent effectués.

Selon la Justice de Paix de E______ et le conseil de surveillance de la tutrice, le refus de D______ de donner accès aux relevés bancaires sollicités portait atteinte aux intérêts financiers de B______, dans la mesure où sa tutrice n'était pas en mesure de gérer sa fortune.

A______ n'a pas pris part à cette procédure.

k. Par courrier du 3 décembre 2019, B______ et C______, se fondant sur le jugement n° 1______/2019, ont à nouveau requis de D______ la transmission des relevés de mouvements de compte de la relation bancaire n° 2______ pour les dix dernières années.

l. Par courriel du 12 décembre 2019 à D______, A______, invoquant derechef le secret bancaire, s'est opposée à ce qu'il soit donné suite à cette requête. Par ailleurs, il était nécessaire de faire reconnaître en Suisse la décision sur laquelle se fondait C______, dont elle-même n'avait pas connaissance et requérait la transmission.

m. Par courrier du 20 décembre 2019, la Banque a indiqué à B______ et C______ que compte tenu de son devoir de confidentialité à l'égard de la cotitulaire du compte joint, elle ne pouvait donner suite "sans autre formalité" au jugement n° 1______/2019. La décision étrangère devait préalablement faire l'objet d'une procédure de reconnaissance et d'exequatur contradictoire par-devant un tribunal suisse.

n. Par certificat n° 4______/22-07-2020 du 22 juillet 2020, le greffier de la Justice de paix de E______ a certifié qu'au 21 juillet 2020, aucun recours ordinaire ou extraordinaire n'avait été introduit à l'encontre du jugement n° 1______/2019.

o. Le 17 décembre 2020, la Banque a transmis à A______ le jugement
n° 1______/2019.

p. Le 23 décembre 2020, A______ a déposé, auprès de la Justice de Paix de E______, une requête en tierce opposition visant à faire annuler le jugement n° 1______/2019, reprenant en substance les arguments invoqués à l'égard de D______.

q. Par courriels du 24 décembre 2020, A______ a informé D______ du dépôt de cette requête et réitéré son opposition à la transmission par la Banque des informations et documents requis.

D.           a. Par action en reddition de compte et en remise de documents du 21 octobre 2020, déclarée non conciliée le 14 janvier 2021 et introduite devant le Tribunal le 22 janvier 2021, B______, représentée par sa tutrice, a requis la reconnaissance du jugement n° 1______/2019 du 12 septembre 2019 et conclu, notamment, à ce que D______ soit condamnée à lui fournir dans les trente jours tous les relevés bancaires (y compris les relevés de portefeuille) de la relation n° 2______ depuis le 1er octobre 2009, subsidiairement tous les relevés bancaires (y compris les relevés de portefeuille) de la relation n° 2______ du 20 octobre 2010 au 27 juin 2017 et depuis le 1er janvier 2019, ainsi que les relevés de portefeuille du 27 juin 2017 au 31 décembre 2018.

b. Dans sa réponse du 19 avril 2021, D______ a conclu au déboutement de B______ et dénoncé l'instance à A______.

A l'appui de ses conclusions, la Banque a fait valoir que B______ n'avait pas démontré à satisfaction de droit qu'il n'existait aucun motif de refus de reconnaissance d'une décision étrangère au sens de l'art. 27 LDIP. Selon elle, le jugement n° 1______/2019 portait atteinte à la sphère privée de la cotitulaire du compte, qui n'avait du reste pas pris part à la procédure ayant abouti à cette décision, et aucune pesée des intérêts n'avait été effectuée.

c. Le 5 mai 2021, A______ a déposé une requête en intervention accessoire auprès du Tribunal, que celui-ci a admise par ordonnance du 2 juin 2021.

d. Le 30 juillet 2021, A______ s'est déterminée et a conclu à ce que B______ soit déboutée de toutes ses conclusions.

En substance, elle a exposé n'avoir eu connaissance du jugement n° 1______/2019 qu'au mois de décembre 2020. Elle avait alors déposé, dans la foulée, une requête en tierce opposition – qui n'était soumise à aucun délai – à l'encontre de cette décision, qui consacrait selon elle une violation de l'article 1681 du code civil grec, disposant que "les effets de la représentation légale commen[çaient] à courir à partir de la date de la publication de la décision". Par ailleurs, ce jugement ne précisait pas le point de départ de la période de dix ans durant laquelle C______ était autorisée à consulter les relevés de compte.

Le jugement n° 1______/2019 ne pouvait être reconnu en Suisse, dès lors qu'elle n'avait pas pu faire valoir ses droits dans le cadre de la procédure y relative (art. 27 al. 2 let. b LDIP). Par ailleurs, le certificat du 22 juillet 2020 n'indiquait pas que ce jugement était définitif et revêtu de l'autorité de chose jugée (art. 25 let. b LDIP). Cette décision n'était en tout état pas définitive dans la mesure où une procédure en tierce opposition était pendante.

A______ a produit une traduction des art. 583, 586 et 590 du code de procédure civile grec, prévoyant notamment que si une personne n'avait pas participé ou n'avait pas été convoquée à un acte judiciaire ou extrajudiciaire qui lui causait un préjudice ou mettait en péril ses intérêts légitimes, elle pouvait exercer une opposition contre cet acte (art. 583); cette requête pouvait être formée contre une décision définitive (art. 586); si la tierce opposition était fondée, le tribunal annulait ou, selon les circonstances, déclarait la décision attaquée sans effet à l'égard du tiers requérant, la décision restant en vigueur entre les parties initiales sauf en cas de droit indivisible (art. 590).

e. Par jugement n° 1281/2021 du 21 juillet 2021, la Justice de paix de E______ a "rejeté comme irrecevable" la requête en tierce opposition déposée par A______, au motif que cette requête était dirigée contre C______ "individuellement" et non en sa qualité de tutrice de B______.

En tête de ce jugement figurait la mention "copie électronique exacte signée numériquement 20.09.2021 12:22".

f. Le 28 septembre 2021, A______ a informé le Tribunal qu'elle avait déposé, le 22 septembre 2021, une nouvelle requête en tierce opposition, tendant à ce que le jugement n° 1______/2019 de la Justice de Paix de E______ soit annulé.

g. Par réplique du 30 septembre 2021, B______ s'est déterminée sur l'écriture de A______ du 30 juillet 2021.

Selon elle, l'affirmation selon laquelle le droit grec n'autorisait pas l'accès à des documents avant l'instauration de la tutelle ne trouvait aucun fondement juridique. Par ailleurs, selon le commentaire de l'art. 586 du code de procédure civile grec, la tierce opposition ne constituait pas une voie de recours mais une action indépendante. L'art. 589 du même code précisait en outre que cette procédure ne suspendait pas le caractère exécutoire du jugement attaqué. Enfin, les jugements rendus par la juridiction gracieuse produisaient, dans leur principe, leurs effets juridiques dès leur publication (art. 763 du code de procédure civile grec).

Elle a produit la traduction des textes légaux précités.

h. Lors de l'audience du 10 novembre 2021, le Tribunal a tenu des débats d'instruction, au cours desquels les parties se sont notamment accordées sur l'application de la procédure ordinaire au présent litige.

i. Par courrier du 22 décembre 2021, A______ a informé le Tribunal qu'une audience de débat contradictoire avait eu lieu le 16 décembre 2021 devant la Justice de paix de E______ dans le cadre de la procédure en tierce opposition (allégué 29).

j. Par courrier du 3 mars 2022, B______ a conclu à l'irrecevabilité des allégués 26, 28 et 29 de A______, tous trois relatifs au dépôt de la deuxième requête en tierce opposition.

k. Par jugement n° 5______/2022 du 12 avril 2022, la Justice de Paix de E______ a, au terme d'un débat contradictoire, "rejeté en tant qu'irrecevable" la nouvelle requête en tierce opposition formée par A______.

La Justice de Paix de E______ a, en substance, retenu que tout tiers disposant d'un intérêt légitime pouvait exercer une requête en tierce opposition à l'encontre de jugements rendus dans le cadre d'une procédure gracieuse. Dans la mesure où le secret bancaire n'était pas opposable aux personnes habilitées de par la loi à avoir connaissance des comptes bancaires du client, tel que le mandataire d'une personne mise sous tutelle, A______, invoquant une atteinte au secret bancaire, ne disposait pas d'un tel intérêt.

l. Par ordonnance du 2 juin 2022, le Tribunal a imparti un délai au 21 juin 2022 à D______ et A______ pour se déterminer sur ce fait nouveau et un délai au 15 juillet 2022 pour le dépôt de plaidoiries finales écrites.

m. Aux termes de ses plaidoiries finales du 3 juin 2022, A______ a persisté dans ses conclusions.

n. Dans ses "déterminations" du 21 juin 2022, elle a allégué avoir formé, le 16 juin 2022, appel à l'encontre du jugement n° 5______/2022 devant le Tribunal de première instance de E______, de sorte que ce jugement, qui consacrait selon elle une violation du secret bancaire et du droit grec, n'était pas définitif.

o. Dans le cadre de ses plaidoiries finales écrites du 15 juillet 2022, B______ a persisté dans ses conclusions. Elle a, en sus, conclu à l'irrecevabilité des déterminations de A______ du 21 juin 2022, déposées selon elle en lien avec des nova potestatifs tardifs, et relevé que la précitée n'avait pas requis la suspension du caractère exécutoire du jugement n° 1______/2019.

p. Aux termes de ses plaidoiries finales écrites du 15 juillet 2022, D______ a persisté dans ses conclusions.

q. Dans le cadre d'une écriture du 15 juillet 2022, A______ a prié le Tribunal de bien vouloir se référer à ses plaidoiries finales écrites du 3 juin 2022 et à ses déterminations du 21 juin 2022.

r. Par ordonnance du 15 août 2022, la cause a été gardée à juger.

E.            Dans le jugement querellé, le Tribunal a notamment retenu que les allégués 26, 28 et 29, ainsi que les déterminations de l'intervenante accessoire du 21 juin 2022 étaient recevables, dès lors qu'ils avaient été invoqués sans retard compte tenu des circonstances.

La Justice de paix de E______ était l'autorité compétente pour rendre le jugement n° 1______/2019, la Grèce étant l'Etat de résidence habituelle de B______, et aucun recours ordinaire ou extraordinaire n'avait été introduit à l'encontre de cette décision au 21 juillet 2020. La requête en tierce opposition, qui n'était soumise à aucun délai, visait une décision définitive de la juridiction gracieuse, qui, dans certaines circonstances, restait en vigueur entre les parties initiales même en cas d'admission de la tierce opposition. Il s'agissait d'une action indépendante qui ne suspendait pas le caractère exécutoire, respectivement définitif, de la décision attaquée au sens des art. 586 et 589 du code de procédure civile grec. D______ et A______ ne faisaient pas état de dispositions de droit grec qui prévoiraient qu'une requête en tierce opposition suspendrait l'entrée en force de chose jugée du jugement attaqué ou lui ôterait son caractère définitif, étant précisé que A______ n'avait pas allégué avoir requis l'effet suspensif. Dans ces conditions, il convenait de retenir que le jugement n° 1______/2019 ne faisait l'objet d'aucun recours ordinaire ou extraordinaire, respectivement qu'il était définitif conformément à l'art. 25 let. b LDIP. Aucun élément ne permettait par ailleurs de retenir que le jugement n° 1______/2019 serait manifestement incompatible avec l'ordre public suisse, ce que la Banque et A______ ne prétendaient au demeurant pas. Les arguments de ces dernières, en tant qu'ils critiquaient le jugement au fond, étaient dépourvus de pertinence, dans la mesure où ce jugement ne pouvait faire l'objet d'une révision au fond (art. 27 al. 3 LDIP), étant rappelé qu'il n'appartenait pas au juge suisse d'apprécier la manière dont le juge étranger avait appliqué son droit. L'intervenante accessoire n'apportait par ailleurs pas la preuve de ce qu'elle aurait dû être entendue dans le cadre de la procédure. Au contraire, la Justice de paix de E______, en possession des documents idoines, avait connaissance du fait que la requête portait sur un compte bancaire détenu conjointement par A______ et n'avait pas jugé utile de l'entendre. Le jugement n°1______/2019 du 12 septembre 2019 devait donc être reconnu en Suisse.

Ce jugement autorisant la tutrice à accéder aux relevés bancaires sollicités, y compris pour une période antérieure à sa nomination, et la demande d'accès n'apparaissant pas contraire aux règles de la bonne foi, il convenait d'y faire droit.

F.            Les faits pertinents suivants ressortent pour le surplus de la procédure d'appel :

a. Suite à l'appel formé par A______ contre le jugement n° 5______/2022 du 12 avril 2022, le Tribunal de première instance de E______, par acte du 17 juin 2022, a fixé une audience qui se tiendra le 21 novembre 2025.

b. Le 19 janvier 2023, A______ a déposé une requête auprès du Tribunal de première instance de E______ tendant à suspendre le caractère exécutoire du jugement n° 1______/2019 en attendant qu'il soit statué sur son appel formé le 16 juin 2022 contre le jugement n° 5______/2022.

c. Par jugement n° 6______/2023 du 6 juin 2023, le Tribunal précité a rejeté la requête d'effet suspensif de A______ au motif que son appel était dénué de chances du succès.

EN DROIT

1.             1.1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et incidentes de première instance, dans les causes non patrimoniales ou dont la valeur litigieuse, au dernier état des conclusions devant l'autorité inférieure, est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC).

Une demande de reddition de compte, fondée sur la loi (art. 400 CO) ou sur un contrat, poursuit un but d'ordre économique lorsqu'elle tend à l'obtention de renseignements susceptibles de fournir le fondement d'une contestation civile de nature pécuniaire (arrêts du Tribunal fédéral 4A_288/2012 du 9 octobre 2012 consid. 1, non publié aux ATF 138 III 728; 5A_479/2008 du 11 août 2009 consid. 3.2; ATF 126 III 445 consid. 3.b). Il est dès lors admis d'apprécier la valeur litigieuse en fonction des prétentions pécuniaires auxquelles les renseignements ou documents requis peuvent servir de fondement (arrêts du Tribunal fédéral 4A_640/2016 du 25 septembre 2017 consid. 1; 5A_695/2013 du 15 juillet 2014 consid. 7.2). Le demandeur est toutefois dispensé d'en chiffrer exactement la valeur litigieuse (ATF 127 III 396 consid. 1b/cc; arrêts du Tribunal fédéral 5A_918/2014 du 17 juin 2015 consid. 1; 5A_479/2008 du 11 août 2009 consid. 3.2 et les références citées).

1.1.2 En l'espèce, la production des relevés bancaires litigieux est requise en vue d'exercer d'éventuelles actions civiles tendant à protéger le patrimoine de B______. Bien qu'il ne soit en l'état pas possible de déterminer précisément la valeur litigieuse, les parties se sont mises d'accord sur l'application de la procédure ordinaire au présent litige, ce qui suppose que la valeur litigieuse est supérieure ou égale à 30'000 fr. Partant, la voie de l'appel est ouverte.

1.2 B______ soutient que l'appel serait irrecevable au motif que l'appelante aurait toujours agi en qualité d'intervenante accessoire dépendante – et non en qualité d'intervenante accessoire indépendante –, de sorte qu'elle ne pourrait former d'appel sans que la partie principale en faveur de laquelle elle intervenait ait elle-même formé appel.

1.2.1 Aux termes de l'art. 74 CPC, qui règle l'intervention accessoire, quiconque rend vraisemblable un intérêt juridique à ce qu'un litige pendant soit jugé en faveur de l'une des parties peut en tout temps intervenir à titre accessoire et présenter au tribunal une requête d'intervention à cet effet.

L'intervenant peut accomplir tous les actes de procédure compatibles avec l'état du procès qui sont utiles à la partie principale dont il soutient la cause; il peut notamment faire valoir tous les moyens d'attaque et de défense ainsi qu'interjeter recours (art. 76 al. 1 CPC). Les actes de l'intervenant ne sont pas considérés s'ils contredisent les déterminations de la partie principale (art. 76 al. 2 CPC).

L'intervention accessoire est dépendante si le jugement est uniquement exécutable entre les parties principales, mais n'a qu'un effet réflexe envers l'intervenant accessoire, qui se le verra opposer dans une procédure ultérieure (ATF 142 III 629 consid. 2.3.3). Ainsi, la caution intervient aux côtés du débiteur principal dans le procès intenté par le créancier parce qu'elle craint qu'il ne se défende mal; le vendeur intervient dans le procès en revendication que l'acheteur s'est vu intenter par un tiers quant à la chose livrée; le fabriquant d'un produit défectueux participe aux côté du vendeur au procès en dommages-intérêts intenté par l'acheteur (ACJC/1881/2019 du 17 décembre 2019 consid. 1.2.1; Hohl, Procédure civile, Tome I, 2016, n. 999 à 1002, p. 168 et la référence citée). L'intervention accessoire dépendante ne peut en particulier pas introduire un recours, lorsque la partie principale s'oppose au recours ou a accepté le jugement, en manifestant expressément ou par actes concluants le refus de déposer un acte de recours (ATF 142 III 271 consid. 1.3; 138 III 537 consid. 2.2.2).

L'intervention accessoire est dite indépendante lorsque le jugement rendu entre les parties principales a un effet direct, en vertu du droit matériel, entre l'intervenant et la partie adverse (Hohl, op. cit., n. 1013, p. 169). Un cas typique d'intervention accessoire indépendante se présente lorsque l'actionnaire de la société anonyme est touché directement par une décision de l'assemblée générale des actionnaires. Dans ce cas, le jugement a un effet direct sur la situation de l'actionnaire (ATF
142 III 629 consid. 2.3.4; Hohl, op. cit., n. 1015, p. 170). La particularité de l'intervenant accessoire indépendant est de pouvoir agir à l'encontre de la volonté de la partie qu'il soutient, car le jugement touche directement sa situation juridique de manière importante. Il peut ainsi interjeter recours/appel indépendamment, et même contre la volonté, de la partie qu'il assiste (ATF 142 III 629 consid. 2.3.2 à 2.3.4; Heinzmann/Demierre, Petit commentaire, Code de procédure civile, 2020, n. 17 ad art. 76 CPC; Hohl, op. cit., n. 1022, p. 170).

1.2.2 Le titulaire d'un compte bancaire a un droit aux renseignements sur ses propres comptes. Ce droit est expressément garanti par l'art. 400 al. 1 CO qui prévoit que le mandataire est tenu, à la demande du mandant, de lui rendre en tout temps compte de sa gestion et de lui restituer tout ce qu'il a reçu de ce chef, à quelque titre que ce soit (GUGGENHEIM, Les contrats de la pratique bancaire, 5ème éd. 2014, p. 156).

L'obligation de rendre compte est limitée aux opérations concernant le rapport de mandat. Le mandataire doit informer le mandant de manière complète et véridique et lui remettre tous les documents concernant les affaires traitées dans l'intérêt de son cocontractant, sauf les documents purement internes (études préalables, notes, etc.). En matière bancaire, le client a intérêt à être informé, notamment, de tous les faits nécessaires pour déterminer si la banque a exécuté le contrat avec diligence et si elle s'en est tenue aux instructions. Les renseignements fournis doivent couvrir tous les éléments permettant au client de comprendre les opérations effectuées et d'être éclairé sur les éventuelles erreurs du mandataire (arrêt du Tribunal fédéral 4A_436/2020 du 28 avril 2022 consid. 5 et les références citées).

Le compte joint est un compte bancaire ayant deux ou plusieurs titulaires. Dans le cadre d'un compte joint comportant une clause de solidarité active, comme c'est le cas en l'espèce, chacun des titulaires bénéficie de tous les droits d'un titulaire, qu'il peut exercer seul, sans le concours des autres titulaires, même s'il n'est pas l'ayant droit économique des valeurs déposées (LOMBARDINI, Droit bancaire suisse, 2ème éd. 2008, p. 338 et 339; GUGGENHEIM, op. cit., p. 531).

L'obligation de la banque de garder le secret vis-à-vis des tiers ne se déduit pas du secret bancaire, mais du contrat passé avec le client, ainsi que du droit de celui-ci à la protection de sa sphère privée (arrêt du Tribunal fédéral 4A_522/2018 du 18 juillet 2019 consid. 4.5.2).

1.2.3 Selon l'art. 398 CC, une curatelle de portée générale est instituée lorsqu'une personne a un besoin d'aide très important, par exemple en raison d'une perte durable de la capacité de discernement (al. 1). Cette curatelle couvre tous les domaines de l'assistance personnelle, de la gestion du patrimoine et des rapports juridiques avec les tiers (al. 2).

En droit suisse, le curateur chargé de la gestion du patrimoine d'une personne sous curatelle doit administrer les biens confiés avec diligence; la loi lui confère également le pouvoir d’effectuer les actes juridiques liés à la gestion (art. 408 CC). Il est le représentant légal de la personne sous curatelle pour les questions patrimoniales. A ce titre, il peut exercer le droit aux renseignements de la personne concernée. En particulier, il peut demander aux banques et institutions d'assurances les informations nécessaires sur les comptes, dépôts et assurances de la personne concernée, et avoir accès aux pièces. Si l'exécution de ses fonctions l'exige, il peut également demander des informations relatives à la période précédant sa nomination (art. 10 de l'ordonnance sur la gestion du patrimoine dans le cadre d'une curatelle ou d'une tutelle [OGPCT]; cf. ég. MEIER, Droit de la protection de l'adulte, 2ème éd. 2022, p. 552; AUBERT/BERNASCONI et al., Le secret bancaire suisse, 3ème éd. 1998, p. 123 et 373). La banque ne peut donc pas refuser de renseigner le curateur, notamment en invoquant le secret bancaire (art. 47 LB) (HERZIG, Les fiduciaires, banques et assurances dans le droit de protection des adultes, in TREX 2015, p. 358 ss, 362).

Lorsque la personne sous curatelle (tutelle) est domiciliée à l'étranger, la question de l'étendue des pouvoirs du curateur (tuteur) vis-à-vis de la banque doit être examinée selon le droit applicable, soit selon le droit du domicile de la personne concernée (cf. art. 35 et 85 LIDP; LOMBARDINI, op. cit., p. 332; AUBERT/BERNASCONI et al., op. cit., p. 123).

1.2.4 En l'espèce, le jugement entrepris autorise D______ à communiquer à B______ – ainsi qu'à sa tutrice qui la représente – les relevés bancaires du compte joint dont l'appelante est cotitulaire pour la période allant du 20 octobre 2010 jusqu'à ce jour.

Dans le cadre de la procédure en tierce opposition qu'elle a initiée devant les tribunaux grecs, l'appelante soutient que la Justice de paix de E______ aurait méconnu le droit grec en autorisant la tutrice de B______ à avoir accès aux relevés bancaires pour une période antérieure à sa nomination. En tant que le jugement attaqué autorise D______ à divulguer à l'intimée, par l'intermédiaire de sa tutrice, des informations relevant de la sphère privée de l'appelante, il y a lieu de retenir que cette décision la touche directement dans sa situation juridique. Aussi, en tant qu'intervenante accessoire indépendante, l'appelante est habilitée à faire appel de ce jugement sans le concours de la partie (principale) qu'elle soutient.

1.3 Pour le surplus, l'appel a été interjeté dans le délai utile de trente jours, compte tenu des féries judiciaires de fin d'année (art. 311 al. 1, 142 al. 1 et 3, 143 al. 1 et 145 al. 1 let. c CPC) et selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131 et 311 CPC).

Il est ainsi recevable.

1.4 Par souci de clarté, B______ sera désignée ci-après comme l'intimée et D______ comme la Banque.

2.             Les parties allèguent des faits nouveaux et produisent des moyens de preuve nouveaux à l'appui de leurs écritures respectives.

2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b).

Il faut distinguer les vrais nova des faux nova. Les vrais nova sont des faits et moyens de preuve qui ne sont apparus qu'après la clôture des débats principaux de première instance. En principe, ils sont toujours admissibles dans la procédure d'appel, s'ils sont invoqués ou produits sans retard dès leur découverte. Les faux nova sont les faits et moyens de preuve qui existaient déjà au moment de la clôture des débats principaux de première instance. Leur admission en appel est restreinte en ce sens qu'ils sont écartés si, la diligence requise ayant été observée, ils auraient déjà pu être invoqués ou produits en première instance. Celui qui invoque des faux nova doit notamment exposer de manière détaillée les raisons pour lesquelles il n'a pas pu invoquer ou produire ces faits ou moyens de preuves en première instance (ATF 143 III 42 consid. 5.3 in SJ 2017 I 460 et les références citées).

La recevabilité de nova dont la survenance dépend de la volonté des parties (nova potestatifs) s'apprécie selon qu'ils auraient pu ou non être présentés auparavant en faisant preuve de la diligence requise (ATF 146 III 416 consid. 5.3).

2.2 En l'espèce, la requête d'effet suspensif du 19 janvier 2023 et sa traduction (pièces 13a et 13b) sont postérieures au moment où la cause a été gardée à juger par le Tribunal et ont été produites sans retard à l'appui de l'appel. Il ne s'agit ainsi pas de faux nova. L'appelante aurait certes pu solliciter cet effet suspensif plus tôt, en tant que cette démarche dépendait de sa seule volonté, comme le soulève l'intimée. Les procédures judiciaires entraînant un certain coût, l'appelante n'avait toutefois pas de raison de le faire jusque-là, la Banque ayant clairement indiqué qu'elle refuserait de remettre les relevés de compte litigieux à l'intimée tant que le jugement grec n°1______/2019 du 12 septembre 2019 n'aurait pas été reconnu et déclaré exécutoire en Suisse. Il ne peut donc être reproché à l'appelante d'avoir manqué de diligence en déposant cette requête en janvier 2023, suite au prononcé du jugement entrepris, et non en première instance déjà. Partant, ses pièces 13a et 13b sont recevables, de même que les faits y afférents.

Les pièces 25a, 25b, 26a et 26b de l'intimée – relatives à l'audience d'appel fixée le 21 novembre 2025 dans le cadre de la procédure en tierce opposition initiée par l'appelante en Grèce – sont antérieures à la mise en délibération en première instance. Leur production n'a toutefois été rendue nécessaire que par le dépôt de l'appel, l'appelante ayant sollicité, à titre préalable, la suspension de la présente procédure dans l'attente qu'une décision soit rendue par les juridictions d'appel grecques. Dans ces conditions et dès lors que ces pièces ont été produites sans retard avec la réponse, elles sont recevables, de même que les faits y relatifs.

Les pièces 14a et 14b de l'appelante, qui font suite à une audience du 8 février 2023 en Grèce, sont postérieures à la mise en délibération par le premier juge et ont été produites sans retard à l'appui de la réplique, de sorte qu'elles sont recevables, ainsi que les faits y afférents.

Les pièces 27a, 27b, 28a et 28b de l'intimée relatives à un jugement du 6 juin 2023 sont également postérieures au moment où la cause a été gardée à juger par le Tribunal et ont été produites sans retard avec la duplique. Elles sont ainsi recevables, de même que les faits y relatifs.

3.             L'appelante conclut préalablement à la suspension de la présente procédure jusqu'à droit jugé dans la procédure d'appel en tierce opposition intentée en Grèce contre le jugement n° 5______/2022 rendu le 12 avril 2022 par la Justice de paix de E______.

3.1 Selon l'art. 126 al. 1 CPC, le tribunal peut ordonner la suspension de la procédure si des motifs d'opportunité le commandent. La procédure peut notamment être suspendue lorsque la décision dépend du sort d'un autre procès.

La suspension peut intervenir d'office ou sur requête en tout état de cause, à savoir dès la conciliation jusqu'à et y compris en instance de recours (Haldy, in Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd. 2019, n. 8 ad art. 126 CPC et les références citées).

La suspension doit répondre à un besoin réel et être fondée sur des motifs objectifs dès lors qu'elle contrevient à l'exigence de célérité de la procédure, imposée par les art. 29 al. 1 Cst. et 124 al. 1 CPC. Elle ne saurait être ordonnée à la légère, les parties ayant un droit à ce que les causes pendantes soient traitées dans des délais raisonnables. Elle ne peut être ordonnée qu'exceptionnellement et l'exigence de célérité l'emporte en cas de doute. Le juge bénéficie d'un large pouvoir d'appréciation en la matière (arrêt du Tribunal fédéral 4A_683/2014 du 17 février 2015 consid. 2.1 et les références citées).

3.2 En l'espèce, le fait que l'appelante n'a sollicité la suspension de la procédure qu'au stade de l'appel n'est pas déterminant, dans la mesure où celle-ci peut être requise en tout temps et peut également être ordonnée d'office. Il convient ainsi d'entrer en matière sur sa conclusion préalable et d'examiner s'il se justifie de suspendre la procédure.

En l'occurrence, l'appelante a initié une procédure en tierce opposition à l'encontre du jugement grec n° 1______/2019 dont l'exequatur est requise en Suisse. Cette procédure en est au stade de l'appel auprès des autorités grecques compétentes et une décision en faveur de l'appelante pourrait annuler ledit jugement – en vertu de l'art. 590 du code de procédure civile grec –, ce qui aurait une influence certaine sur l'issue de la présente procédure.

Cela étant, l'audience d'appel en Grèce a été fixée en novembre 2025, à savoir dans deux ans, et l'on ignore quand la décision sur appel pourra être rendue par les autorités grecques à la suite de celle-ci. Par ailleurs, le Tribunal de première instance de E______ a refusé de suspendre le caractère exécutoire du jugement n° 1______/2019 dans l'attente de la décision sur appel au motif que celui-ci était dénué de chances de succès. Dans ces conditions, il n'apparaît pas justifié de suspendre la présente procédure pendant une durée d'au minimum deux ans – et ainsi aller à l'encontre du principe de célérité – dans l'attente d'une décision qui, de l'avis des autorités grecques, ne permettrait sans doute pas à l'appelante d'obtenir l'annulation du jugement dont l'exequatur est ici demandée. Partant, la conclusion préalable de l'appelante sera rejetée.

4.             L'appelante reproche au Tribunal d'avoir reconnu en Suisse le jugement n° 1______/2019 rendu le 12 septembre 2019 par la Justice de paix de E______.

4.1 Il n'est pas contesté que la requête en reconnaissance de ce jugement grec doit être examinée à l'aune des art. 25 à 32 LDIP, ce jugement ayant été rendu avant l'entrée en vigueur en Grèce de la Convention de la Haye du 13 janvier 2000 sur la protection internationale des adultes (art. 50 CLaH 2000).

4.1.1 Selon l'art. 25 LDIP, une décision étrangère est reconnue en Suisse si la compétence des autorités judiciaires ou administratives de l'État dans lequel la décision a été rendue était donnée (let. a), si la décision n'est plus susceptible de recours ordinaire ou si elle est définitive (let. b) et s'il n'y a pas de motif de refus au sens de l'art. 27 LDIP (let. c).

La loi ne définit pas le "recours ordinaire". Il s'agit en général d'un moyen entraînant un nouvel examen complet du litige, tant en fait qu'en droit. Interjeté en temps utile, un tel recours suspend normalement, dans la mesure des conclusions prises, l'entrée en force de chose jugée (Bucher, in Commentaire romand, Loi sur le droit international privé, 2011, n. 15 ad art. 25 LDIP).

D'après le texte légal, il est possible de reconnaître une décision qui fait l'objet d'un recours extraordinaire. Il semble cependant que la finalité de l'art. 25 lit. b LDIP commande une réponse négative lorsque l'autorité compétente a accordé l'effet suspensif à un tel recours (Bucher, op. cit., n. 17 ad art. 25 LDIP).

La décision est également reconnue et exécutée si elle est définitive. Cette condition alternative vise à compléter l'art. 25 let. b LDIP pour les cas où aucun recours ordinaire empêchant la décision de devenir efficace n'est possible dans l'Etat d'origine. Une décision est définitive lorsqu'elle met fin à la procédure et produit ses effets dans les relations juridiques entre les parties. C'est la décision qui doit être définitive et non nécessairement le règlement du rapport juridique litigieux. Certains auteurs considèrent que le critère du caractère définitif vise en particulier les décisions de la juridiction gracieuse, qui ne seraient pas revêtues de la force de chose jugée; elles ne seraient pas susceptibles d'un "recours ordinaire" du fait de l'éventualité d'une modification ultérieure. Ces décisions peuvent cependant faire normalement l'objet d'un recours ordinaire et elles entrent en force. En revanche, leur autorité de la chose jugée peut être limitée dans le temps, mais celle-ci n'est pas déterminante sous l'angle de l'art. 25 let. b LDIP (Bucher, op. cit., n. 20 et 21 ad art. 25 LDIP).

4.1.2 En vertu de l'art. 27 al. 1 LDIP, la reconnaissance d'une décision étrangère doit être refusée en Suisse si elle est manifestement incompatible avec l'ordre public suisse (al. 1). La reconnaissance d'une décision doit également être refusée si une partie établit notamment : a. qu'elle n'a été citée régulièrement, ni selon le droit de son domicile, ni selon le droit de sa résidence habituelle, à moins qu'elle n'ait procédé au fond sans faire de réserve ou b. que la décision a été rendue en violation de principes fondamentaux ressortissant à la conception suisse du droit de procédure, notamment que ladite partie n'a pas eu la possibilité de faire valoir ses moyens (al. 2). Au surplus, la décision étrangère ne peut faire l'objet d'une révision au fond (al. 3).

La sauvegarde de l'ordre public de l'Etat requis peut ainsi porter sur le fond du litige (ordre public "matériel"; art. 27 al. 1 LDIP) ou sur les aspects fondamentaux de la procédure (ordre public "procédural"; art. 27 al. 2 LDIP) (Bucher, op. cit., n. 1 et 2 ad art. 27 LDIP).

La réserve de l'ordre public doit permettre au juge de ne pas apporter la protection de la justice suisse à des situations qui heurtent de façon choquante les principes les plus essentiels de l'ordre juridique, tel qu'il est conçu en Suisse. En tant que clause d'exception, la réserve de l'ordre public s'interprète de manière restrictive; il en va spécialement ainsi en matière de reconnaissance et d'exécution des jugements étrangers, où sa portée est plus étroite que pour l'application directe du droit étranger; la reconnaissance constitue la règle, dont il ne faut pas s'écarter sans de bonnes raisons (ATF 143 III 51 consid. 3.3.2 et les citations; arrêt du Tribunal fédéral 5A_697/2017 précité consid. 3.1). L'ordre public s'apprécie, de surcroît, par rapport au résultat auquel aboutit la reconnaissance du jugement étranger, et non au regard du contenu de la loi étrangère. La reconnaissance de la décision étrangère, en raison de son contenu, ne doit ainsi pas aboutir à un résultat fondamentalement opposé à la conception suisse du droit (arrêts du Tribunal fédéral 5A_697/2017 précité consid. 3.1 et les références citées; 5A_604/2009 du 9 novembre 2009 consid. 4.2.2.1).

Une décision est contraire à l'ordre public matériel lorsqu'elle viole des principes fondamentaux du droit matériel au point de ne plus être conciliable avec l'ordre juridique et le système de valeurs déterminants (ATF 138 III 322 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_697/2017 du 5 mars 2018 consid. 3.1).

4.2 En l'espèce, il n'est pas contesté que le jugement n° 1______/2019 de la Justice de paix de E______ du 12 septembre 2019 a été rendu par l'autorité compétente, la Grèce étant l'Etat de résidence habituelle de l'intimée.

4.2.1 L'appelante fait valoir (i) qu'elle a fait usage de la procédure en tierce opposition à l'encontre de ce jugement, laquelle constituerait une voie de droit ordinaire prévue par le droit de procédure grec permettant aux personnes touchées par une décision de la remettre en question, (ii) qu'aucune décision définitive n'aurait été rendue à cet égard et (iii) que l'admission de sa tierce opposition pourrait conduire à l'annulation du jugement du 12 septembre 2019, ce qui lui ôterait son caractère définitif.

En premier lieu et contrairement à ce que soutient l'intimée, les faits en lien avec la seconde procédure en tierce opposition, soit les allégués 26, 28 et 29 de l'appelante ainsi que son écriture du 21 juin 2022, ne sont pas irrecevables. Si le dépôt de cette procédure dépendait effectivement de la seule volonté de l'intimée, elle y a procédé quelques jours après avoir reçu le jugement déclarant sa première requête irrecevable. Le dépôt de la seconde requête ne saurait ainsi être considérée comme tardif, de même que l'invocation de ce fait nouveau cinq jours plus tard.

Le grief de l'appelante est néanmoins infondé. En effet et comme retenu à bon droit par le premier juge, la tierce opposition vise une décision définitive, laquelle peut dans certaines circonstances demeurer en vigueur entre les parties initiales même en cas d'admission de la tierce opposition (art. 590 du code de procédure civile grec). Il s'agit d'une action indépendante et non d'une voie de recours, qui ne suspend pas le caractère exécutoire du jugement attaqué (art. 586, commentaire y relatif, et 589 du code de procédure civile grec), étant précisé que la requête de l'appelante tendant à obtenir la suspension du caractère exécutoire de cette décision a été rejetée. Par ailleurs, l'appelante n'a pas établi que la tierce opposition en suspendrait l'entrée en force de chose jugée ou lui ôterait son caractère définitif. Quand bien même l'art. 590 du code de procédure civile grec prévoit que le jugement grec pourrait être annulé si la tierce opposition était considérée comme fondée, il n'en demeure pas moins que la procédure y relative ne suspend pas son caractère exécutoire ni son caractère définitif dans l'intervalle; l'appelante ne critique du reste pas le jugement attaqué sur ce point. Au vu de ce qui précède, le Tribunal était fondé à retenir que le jugement n° 1______/2019 ne faisait l'objet d'aucun recours ordinaire ou extraordinaire, respectivement qu'il était définitif – s'agissant d'une décision de la juridiction gracieuse –, tel que requis par l'art. 25 let. b LDIP.

4.2.2 Il convient d'examiner si la reconnaissance de ce jugement irait à l'encontre de l'ordre public suisse au sens de l'art. 27 LDIP.

4.2.2.1 L'appelante se prévaut tout d'abord d'une contrariété à l'ordre public matériel en tant que le jugement grec porterait atteinte à la protection de sa sphère privée. Or, sur le principe, l'on ne discerne pas pourquoi l'intimée, par le biais de la tutrice qui lui a été désignée par les autorités grecques compétentes, ne pourrait pas avoir accès à ses propres relevés bancaires, alors qu'elle y aurait librement accès si elle ne faisait pas l'objet d'une mesure de tutelle (cf. supra consid. 1.2.2), cela sans que le droit à la protection de la sphère privée de l'autre titulaire du compte joint (i.e. l'appelante) puisse y faire obstacle. A cela s'ajoute qu'en droit suisse, le curateur chargé de la gestion du patrimoine d'une personne sous curatelle peut avoir accès aux relevés bancaires de son protégé, y compris pour la période antérieure à sa nomination (cf. supra consid. 1.2.3). Au vu de ce qui précède, la reconnaissance du jugement n° 1______/2019 ne saurait être considérée comme manifestement contraire à l'ordre public matériel suisse.

4.2.2.2 L'appelante fait ensuite valoir que dans la mesure où elle n'a pas participé à la procédure ayant mené au jugement n° 1______/2019, son droit d'être entendu n'aurait pas été respecté. Il serait dès lors contraire à l'ordre public procédural de reconnaître ce jugement, à tout le moins avant de connaître l'issue de la procédure en tierce opposition au cours de laquelle elle avait pu faire valoir ses droits procéduraux pour la première fois.

Ce grief est infondé. En effet, l'appelante n'établit pas, conformément à l'art. 27 al. 2 let. b LDIP, qu'elle aurait dû être invitée à se déterminer dans le cadre de la procédure en protection de l'adulte ayant abouti au jugement n° 1______/2019 si celle-ci avait été menée en Suisse. Cela apparaît douteux au regard des larges pouvoirs conférés au curateur chargé de gérer le patrimoine d'une personne sous curatelle, rappelés ci-avant, et du fait que chaque titulaire d'un compte joint peut exercer seul son droit aux renseignements vis-à-vis de la banque, sans le concours des autres titulaires, qui ne sauraient s'y opposer en invoquant leur sphère privée. En tout état, l'appelante a pu faire valoir son droit d'être entendue dans le cadre de sa tierce opposition, laquelle a été rejetée par la Justice de paix de E______. Elle a certes fait appel de cette décision devant le Tribunal de première instance de E______. Cet appel semble toutefois dénué de chances de succès selon l'appréciation de cette dernière autorité. Dans ces conditions, l'ordre public procédural ne saurait faire obstacle à la reconnaissance du jugement n° 1______/2019.

4.2.2.3 Enfin, l'appelante soutient que l'ordre public procédural ne pourrait admettre qu'une décision qui peut encore être annulée par une voie de droit ordinaire puisse être reconnue et exécutée en Suisse. Or, comme examiné ci-avant, la tierce opposition n'est pas une voie de droit ordinaire et n'a pas pour effet de suspendre le caractère exécutoire et définitif du jugement n° 1______/2019, ni sa force de chose jugée. De plus, faute d'être susceptible d'un recours ordinaire, ce jugement peut être reconnu conformément à l'art. 25 let. b LDIP, de sorte qu'on ne saurait y voir une contrariété à l'ordre public procédural pour ce motif. Enfin, le Tribunal de première instance de E______ ayant estimé que la procédure d'appel était dénuée de chances de succès, il n'apparaît pas que le jugement n° 1______/2019 pourrait être annulé par cette autorité.

4.2.3 En définitive, les conditions de la reconnaissance du jugement n° 1______/2019 rendu le 12 septembre 2019 par la Justice de paix de E______ sont remplies, de sorte que le Tribunal était fondé à le reconnaître en Suisse. Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.

4.3 L'appelante reproche enfin au Tribunal d'avoir donné à un tiers (i.e. la tutrice de l'intimée) un accès complet à des informations bancaires la concernant, lesquelles seraient protégées tant par le contrat la liant à la banque que par sa sphère privée, sans motiver les raisons et la proportionnalité de l'octroi d'un accès aussi étendu.

Or – outre le fait que le cotitulaire d'un compte joint (cas échéant son curateur) peut exercer son droit aux renseignements vis-à-vis de la banque, sans que la protection de la sphère privée de l'autre cotitulaire lui soit opposable (cf. supra consid. 1.2.2, 1.2.3 et 4.2.2.1) – cet accès a été donné par la Justice de paix de E______ dans son jugement n° 1______/2019 du 12 septembre 2019, dont le Tribunal s'est contenté de prononcer l'exequatur, dans la mesure où les conditions de sa reconnaissance étaient remplies. Il n'avait ainsi pas à examiner cette question mais uniquement à exécuter ce jugement, étant précisé qu'il n'appartient pas au juge requis de procéder à une révision au fond de la décision étrangère (art. 27 al. 3 LDIP). Dans ces conditions, aucune violation de l'art. 28 CC ne peut lui être reprochée.

4.4 En définitive, l'appel, infondé, sera rejeté.

5.             Les frais judiciaires d'appel, arrêtés à 2'400 fr. (art. 17 et 35 RTFMC), seront mis à la charge de l'appelante, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC), et compensés avec l'avance de frais qu'elle a versée, acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Les dépens d'appel seront également mis à la charge de l'appelante (art. 106 al. 1 CPC) et fixés de manière différenciée pour les intimées, au vu du travail non comparable fourni par leurs avocats respectifs, soit une réponse de 20 pages et une duplique de 6 pages pour l'intimée, en comparaison avec une réponse de 6 pages pour la Banque, laquelle s'en est pour le surplus rapportée à justice. L'appelante sera ainsi condamnée à verser 3'600 fr., débours compris, à l'intimée, la TVA n'étant pas comprise au vu de son domicile à l'étranger, et 800 fr., débours et TVA compris, à la Banque (art. 84, 85 et 90 RTFMC; art. 20, 23, 25 et 26 LaCC).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 23 janvier 2023 par A______ contre le jugement JTPI/14382/2022 rendu le 5 décembre 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/21086/2020.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 2'400 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l'avance de frais fournie, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ à verser 3'600 fr. à B______ et 800 fr. à D______ à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Nathalie RAPP, présidente; Madame Sylvie DROIN, Monsieur
Jean REYMOND, juges; Madame Sandra CARRIER, greffière.

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.