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Décisions | Chambre civile

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C/12451/2021

ACJC/1246/2023 du 26.09.2023 sur JTPI/12678/2022 ( OO ) , CONFIRME

Normes : CC.641; CO.58
En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/12451/2021 ACJC/1246/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 26 SEPTEMBRE 2023

Entre

1) Monsieur A______, domicilié ______ (GE);

2) Madame B______, domiciliée ______ (GE);

3) Madame C______, domiciliée ______ (GE);

4) Madame D______, domiciliée ______ (GE);

5) Monsieur E______, domicilié ______ (GE);

6) Madame F______, domiciliée ______ (GE)

appelants d'un jugement rendu par la 14ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 25 octobre 2022, comparant tous six par Me Mathis KERN, avocat, BYRNE-SUTTON BOLLEN KERN, rue Agasse 45, 1208 Genève, en l'Étude duquel ils font élection de domicile,

et

Madame G______, domiciliée ______ [VD], intimée, comparant par Me Pierre BANNA, avocat, BANNA & QUINODOZ, rue Verdaine 15, case postale 3015, 1211 Genève 3, en l'Étude duquel elle fait élection de

Le présent arrêt est communiqué aux parties par plis recommandés du 26 septembre 2023.

 


domicile.

EN FAIT

A.           Par jugement JTPI/12678/2022 du 25 octobre 2022, le Tribunal de première instance a débouté F______, E______, D______, A______, B______ et C______ de toutes leurs conclusions (chiffre 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 2'640 fr., les a compensés avec les avances de frais fournies par F______, E______, D______, A______, B______ et C______ et les a mis à leur charge, conjointement et solidairement (ch. 2), condamné F______, E______, D______, A______, B______ et C______, conjointement et solidairement, à payer à G______ le montant de 3'000 fr. TTC au titre de dépens (ch. 3) et a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

B.            a. Par acte du 28 novembre 2022 à la Cour de justice, F______, E______, D______, A______, B______ et C______ ont formé appel de ce jugement, qu’ils ont reçu le 27 octobre 2022, concluant à l’annulation du dispositif de celui-ci et, cela fait, principalement, à ce qu’il soit fait interdiction à G______ et à tout autre propriétaire éventuel de la parcelle n° 1______ de la commune de H______ [GE] d’utiliser la parcelle n° 2______ de H______, constituant le chemin 3______, de manière excessive en y engendrant un trafic routier de plus de six véhicules en moyenne en provenance de la parcelle n° 1______, notamment dans la mesure induite par le construction projetée sur la parcelle n° 1______ de H______, selon autorisation de construire du 15 septembre 2020 dans le dossier DD 4______ et de toute autre manière constituant une aggravation notable de l’usage qu’elle en fait à ce jour; en particulier, interdire à G______ et à tout autre propriétaire éventuel de la parcelle n° 1______ de la commune de H______ d’entreprendre tout projet de construction de bâtiment sur cette parcelle ayant pour conséquence vraisemblable un usage excessif de la parcelle n° 2______ de la commune de H______, en engendrant un trafic routier de plus de six véhicules en moyenne sur le chemin 3______ de H______ en provenance de la parcelle n° 1______, sous suite de frais et dépens.

Subsidiairement, ils ont conclu au renvoi de la cause à l’instance inférieure pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Ils ont produit un chargé de pièces (n. 1 à 20), lesquelles ont toutes été produites devant le Tribunal, ainsi que le jugement entrepris (n. 21).

b. Par réponse du 8 février 2023, G______ a conclu, principalement, à ce qu’il soit dit et constaté qu’elle ne possède pas la légitimation passive, et subsidiairement, au rejet de l’appel et à la confirmation du jugement, sous suite de frais et dépens.

c. F______, E______, D______, A______, B______ et C______ ont répliqué le 18 avril 2023, persistant dans leurs conclusions d’appel.

d. G______ a dupliqué le 2 mai 2023. Elle a persisté dans ses conclusions et conclu, pour le surplus, à l’irrecevabilité de la réplique de ses adversaires, pour cause de tardiveté.

e. Les parties ont été avisées par plis du 2 juin 2023 de ce que la cause était gardée à juger.

f. Le 29 août 2023, F______, E______, D______, A______, B______ et C______, se fondant sur un arrêt du Tribunal fédéral du 7 juillet 2023 rejetant le recours qu’ils avaient formé contre l’arrêt du 31 mai 2022 de la Chambre administrative de la Cour de justice (n. 22) et des extraits du Registre foncier mis à jour (n. 23), ont formé des conclusions nouvelles superprovisionnelles et provisionnelles, reprenant leurs conclusions au fond, lesquelles ont fait l'objet d'une taxation complémentaire. Des observations et une pièce nouvelle ont encore été déposées à la Cour le 22 septembre 2023.

C.           Les faits pertinents suivant ressortent de la procédure :

a. Le chemin 3______, sis sur la commune de H______ [GE] et formant la parcelle n° 2______, est un chemin privé desservant l’ensemble du quartier sur la voie publique, soit les vingt-six parcelles qui le bordent, lesquelles sont accessibles depuis le chemin par une dizaine d’accès privés.

b. Le chemin 3______ ne comporte pas de trottoir, est accessible en voiture uniquement par son extrémité ouest, depuis le chemin 5______, et se termine à l’est par un chemin pédestre, non goudronné, lequel débouche sur le chemin 6______ en terrain privé.

c. F______ et E______ sont propriétaires de la parcelle n° 7______ de la commune de H______, sise en zone 5 à l’adresse no. ______ chemin 3______.
d. D______ est propriétaire de la parcelle n° 8______ de la commune de H______, sise en zone 5 à l’adresse no. ______ chemin 3______.

e. A______ et B______ sont propriétaires de la parcelle n° 9______ de la commune de H______, sise en zone 5 à l’adresse no. ______ chemin 3______.
f. C______ est propriétaire de la parcelle n° 10_____ de la commune de H______, sise en zone 5 à l’adresse no. ______ chemin 3______.

g. G______ est propriétaires des parcelles adjacentes n° 1______ et n° 11_____ de la commune de H______, sises en zone 5 à l’adresse no. ______ chemin 3______.

La parcelle n° 1______ d’une surface de 3'970 m2 abrite une maison d’habitation à un logement; elle est la seconde parcelle desservie par le chemin 3______ et se situe entre les premiers 40 et 90 mètres dudit chemin, après son débouché sur [le chemin] 5______, soit la voie publique.

La parcelle n° 11_____ d’une surface de 866 m2 est vierge de toute construction et n’est pas située directement au bord du chemin 3______.

h. En tant que propriétaires de leurs parcelles, les susnommés sont également copropriétaires pour un vingt-sixième de la parcelle n° 2______, laquelle constitue une dépendance des fonds dominants correspondants, débouchant sur le chemin.

i. G______ a conclu, en date du 28 septembre 2018, un contrat de vente à terme en faveur de I______ SA portant sur les parcelles n° 1______ et n° 11_____, l’entrée en jouissance devant avoir lieu au plus tard le 27 septembre 2023, et lui concédant un droit d’emption jusqu’au 27 octobre 2023.

A teneur du contrat, l’acquisition des deux parcelles par I______ SA n’est subordonnée à aucune condition quelconque, en particulier pas à l’obtention préalable d’une autorisation de construire. G______ s’est engagée à signer à première réquisition toutes pièces, plans et requêtes nécessaires à l’obtention de l’autorisation de construire et à ne pas faire directement ou indirectement opposition à l’entrée en force de cette autorisation. Elle a également donné à I______ SA tous pouvoirs et procurations pour signer, à cet effet, les requêtes, actes et pièces.

j. I______ SA a sollicité auprès du Département du territoire, le 17 mai 2019, une autorisation de construire sur la parcelle n° 1______, après démolition de la villa existante, un habitat groupé sur trois niveaux hors sol comportant dix-huit logements d’une surface brute de plancher totale de 2'319, 75 m2, répondant à un standard de très haute performance énergétique, avec garage souterrain pour vingt-sept voitures et cinq motos, pour un indice d’utilisation du sol de 48%.

Pour réaliser ce projet, les droits à bâtir de la parcelle n° 11_____ devaient être reportés sur la parcelle n° 1______, de sorte qu’une restriction correspondante a été inscrite au Registre foncier. G______ a signé la demande d’autorisation de construire.

k. Dans le cadre de l’instruction de cette demande, le Service de l’air, du bruit et des rayonnements non ionisants (SABRA) a émis un préavis favorable, sous conditions. Il a notamment relevé que le trafic induit par l'exploitation du bâtiment projeté ne serait pas en mesure d’engendrer une perception du bruit plus importante, de sorte que les exigences de l’article 9 OPB étaient respectées. En outre, s’agissant du bruit routier, des avions, des trains et des stands de tir, les valeurs limites d’immission du degré de sensibilité attribuées aux parcelles en cause étaient respectées, les exigences de l’art. 31 al. 1 OPB étant ainsi remplies.

Un préavis favorable a également été émis par l’Office cantonal des transports, sans observations.

A la demande de la commune de H______ [GE], laquelle avait émis un préavis défavorable, I______ SA a remis au Département du territoire, une attestation finale établie par un notaire, lequel indiquait avoir reçu mandat irrévocable de la part de I______ SA d’instrumenter un acte de constitution de deux servitudes de passage public en lien avec les parcelles n° 1______ et n° 11_____, l’une sur les chemins en « Y » pour respecter les itinéraires piéton et vélos et l’autre, pour tous véhicules, de deux mètres de largeur sur la parcelle n° 1______ le long du chemin 3______, pour assurer la bonne circulation des nouveaux flux de trafic. Il était prévu, concernant cette seconde servitude, que I______ SA supporterait les frais nécessaires en vue de rendre cette servitude effective sur toute sa longueur, si la commune devait procéder à l’élargissement de la route.

l. L’autorisation de construire DD 4_____ a été accordée le 15 septembre 2020.
m. I______ SA a requis de la société J______, l’établissement d’une étude de circulation, laquelle a été rendue le 30 novembre 2020.

Cette étude conclut que l’aménagement existant et planifié du chemin 3______ garantit l’accessibilité routière au projet. Au début du chemin, les recommandations des normes VSS ne sont pas intégralement respectée, que l'axe soit considéré comme une route d'accès ou un chemin d'accès. Cependant les accotements, espaces libres et nombreux accès sur ce chemin permettent d'assurer les rares cas de croisement. Ce chemin reste très étroit et il est possible que, ponctuellement, quelques difficultés liées à la circulation soient inévitables, ce qui est commun dans ce type de configuration de quartier. Cette route est praticable pour le trafic lié à l'utilisation du bien-fonds et des autres parcelles et n'expose pas ses usagers à des dangers excessifs. Ainsi ce chemin, bien qu'étroit mais non sinueux, permet à tous les véhicules usuels de gagner la ou les parcelles desservies par celui-ci en respectant les règles de prudence qu'imposent les prescriptions de la circulation routière. L'accessibilité est suffisante car elle présente des conditions de commodité et de sécurité (visibilité, trafic) tenant compte des besoins de la construction projetée et cela même si, en raison du faible accroissement prévisible du trafic, la circulation devient moins aisée et exige des usagers une prudence accrue.

Le projet de construction s'accompagne par ailleurs d'un élargissement du chemin sur une longueur d'environ 14 mètres et faisant passer la largeur de 3,45 à 5,45 mètres. Cet élargissement n'est pas possible sur l'intégralité de la longueur de la parcelle en raison de plusieurs arbres à conserver. Cependant une servitude de passage pour les véhicules motorisés de 2 mètres de largeur existe déjà sur la parcelle n° 12_____ (début du chemin 3______) pour élargir la route.

Le trafic journalier augmentera de 150-210 déplacements motorisés par jour à 270-330 et de 20-25 déplacements motorisés par heure et à l’heure de pointe du soir à 35-40. A l'heure de pointe (du matin et du soir), la génération de trafic est estimée à 15 déplacements motorisés par heure, deux sens confondus, ce qui correspond à une voiture toutes les 4 minutes.

n. Par jugement JTAPI/1238/2021 du 8 décembre 2021, le Tribunal administratif de première instance a rejeté le recours des copropriétaires riverains au nombre desquels figuraient F______ et E______, D______, A______, B______ et C______.

S'agissant du chemin 3______, il a retenu qu'il servait déjà de voie d'accès à diverses habitations et que, même si sa largeur n'était pas idéale, il était utilisé de manière stable depuis de nombreuses années, rien ne laissant penser, à ce stade, que la circulation y serait particulièrement importante et aucun élément concret ne permettait de retenir qu'elle y serait problématique ou que le croisement de véhicules n'y serait pas possible. Il n'apparaissait ainsi pas que cette voie serait insuffisamment équipée pour accueillir l'accroissement de trafic- au demeurant mesuré- devant résulter de l'adjonction des logements supplémentaires envisagés, accompagnés de 27 places supplémentaires de parking pour voitures, par rapport à la situation actuelle. L'OCT, instance spécialisée en matière de circulation routière, n'avait pas émis la moindre réserve et n'avait formulé aucune remarque en terme de nuisances et difficultés de circulation. Ce chemin rectiligne offrait apparemment une bonne visibilité à ses usagers et était actuellement emprunté quotidiennement par des véhicules. La création de quelques logements supplémentaires n'était pas de nature à bouleverser la situation, ce d'autant plus que l'une de ses portions serait élargie de 2 mètres à la hauteur du projet pour faciliter le croisement des véhicules. Le fait qu'il soit dépourvu de trottoir, ce qui ne posait pas de problème particulier à l'heure actuelle, n'y changeait rien. Les normes édictées par l'union des professionnels suisses de la route (VSS) étaient des normes techniques privées, qui ne constituaient pas des normes de droit et ne liaient en principe pas les autorités. Elles ne devaient pas être appliquées de manière trop rigide et systématique. Il convenait de relativiser les effets de la construction projetée sur la circulation. Si manifestement les usagers du chemin 3______ seront sans doute invités à circuler avec une prudence accrue, il ne pouvait être retenu que les logements litigieux constitueraient une source importante de nuisances et induiraient un trafic supplémentaire incompatible avec les caractéristiques du quartier.

o. Par arrêt ATA/581/2022 du 31 mai 2022, la Chambre administrative de la Cour de justice a rejeté le recours des mêmes copropriétaires riverains.

S'agissant du chemin 3______, elle a souligné qu'avec le projet de construction, le chemin serait partiellement élargi en face du n° ______, devant le n° ______, offrant une largeur de 5,45 mètres, le rendant ainsi conforme à la norme VSS pour permettre le croisement de deux voitures sur une route d'accès. Par endroit, la largeur resterait toujours inférieure à 4 mètres et le principe de l'attente lorsqu'un véhicule circule déjà sur le tronçon à 3 mètres de largeur ne serait pas modifié. Il fallait en outre prendre en compte le fait qu'il s'agissait d'une voie de desserte en impasse empruntée presque uniquement par les habitants du chemin. De plus, deux places d'évitement supplémentaires étaient prévues sur la parcelle concernée, le long du chemin, à son point le plus étroit, dans les 80 premiers mètres, s'ajoutant au premier élargissement existant déjà à la hauteur du chemin d'accès aux n° ______ et ______ du chemin 3______.

p. Les copropriétaires riverains susvisés ont recouru auprès du Tribunal fédéral contre l’arrêt de la Chambre administrative de la Cour de justice.

q. Par acte déposé le 22 juin 2021 en conciliation au Tribunal de première instance, non-concilié le 22 septembre 2021, et introduit le 11 janvier 2022, F______ et E______, D______, A______, B______ et C______ ont formé une action négatoire et en prévention des troubles à l’encontre de G______, sous suite de frais et dépens.

Ils ont conclu à ce qu’il soit fait interdiction à G______ et à tout autre propriétaire éventuel de la parcelle n° 1______ de la commune de H______ d’utiliser la parcelle n° 2______ de H______, constituant le chemin 3______ de H______, de manière excessive en y engendrant un trafic routier de plus de six véhicules en moyenne en provenance de la parcelle n° 1______, notamment par la mesure induite par la construction projetée sur la parcelle n° 1______ de H______ selon autorisation de construire du 15 septembre 2020 dans le dossier DD 4______ et de toute autre manière constituant une aggravation notable de l’usage qu’elle en fait à ce jour et en particulier à ce qu’il lui soit fait interdiction, ainsi qu’à tout autre propriétaire éventuel de la parcelle n° 1______ de la commune de H______, d’entreprendre tout projet de construction de bâtiment sur cette parcelle ayant pour conséquence vraisemblable un usage excessif de la parcelle n° 2______ de la commune de H______, en engendrant un trafic routier de plus de six véhicules en moyenne sur le chemin 3______ de H______ en provenance de la parcelle n° 1______.

r.
Dans son mémoire de réponse du 5 mai 2022, G______ a conclu à ce qu’il soit dit et constaté qu’elle ne possédait pas la légitimation passive, subsidiairement, à ce que la cause soit suspendue jusqu’à droit connu dans la cause administrative n° A/13_____/2020, et, plus subsidiairement encore, au déboutement de toutes les conclusions de ses adversaires.

s. Le Tribunal a tenu une audience le 13 septembre 2022, lors de laquelle il a procédé à l’audition des parties. A______ a expliqué que le projet prévoyait l’élargissement du chemin 3______ au niveau de la parcelle de G______. Il s’agissait également de la partie du chemin qui se trouvait devant chez lui.

B______ a exposé qu’a priori les habitants du futur immeuble ne devraient pas circuler sur la partie du chemin qui n’était pas devant cet immeuble. Il serait possible de croiser sur la partie du chemin devant le futur immeuble puisque le chemin serait élargi. Il ne serait toutefois pas possible d’élargir entre le n° ______ et le n° ______, dès lors qu’il y avait des arbres et que ce tronçon faisait partie de la parcelle n° 2______.

G______ a fait valoir que des travaux de réaménagement du carrefour entre le chemin 3______ et la 5______ étaient prévus et qu’ils résoudraient peut-être le problème. B______ a indiqué que les travaux avaient eu lieu et qu’ils n’avaient pas modifié la situation. G______ a exposé qu’elle n’avait pas discuté des projets de construction de l’acheteur sur la parcelle. La faisabilité du projet n’avait pas d’incidence sur le prix de vente. Si elle refusait de signer les requêtes d’autorisation de construire, elle pensait que l’acheteur pourrait se délier du contrat. Si l’acheteur ne payait pas le prix, il ne deviendrait pas propriétaire. Toutefois, l’autorisation de construire ne lui serait pas transférée. Si l’acheteur se voyait refuser l’autorisation de construire, il pourrait refuser de payer le prix mais cela serait étonnant compte tenu des acomptes versés. Il était vrai qu’il pourrait se voir refuser les crédits nécessaires au paiement du prix.

La cause a été gardée à juger à l’issue de l’audience.

D.           Dans son jugement, le Tribunal a retenu que G______ disposait de la légitimation passive, laquelle appartenait au propriétaire du fonds, dans le cadre de l’action fondée sur l’art. 679 CC, soit à la précitée, I______ SA n’étant titulaire ni d’un droit réel restreint, ni d’un droit personnel. S’agissant de l’action négatoire de l'art. 641 CC, la qualité pour défendre appartenait non seulement à l’auteur du trouble mais également à toute personne qui la favorisait. A teneur du contrat de vente, G______ s’étant engagée à signer à première réquisition toutes pièces, plans et requêtes nécessaires à l’obtention de l’autorisation de construire et à ne pas faire directement ou indirectement opposition à l’entrée en force de cette autorisation, et ayant effectivement signé la demande d’autorisation de construire, elle avait favorisé le trouble futur dont les demandeurs alléguaient qu’ils seraient victimes.

S’agissant de l’application de l’art. 679 CC, le Tribunal a constaté que le projet immobilier aurait effectivement un impact sur le nombre de véhicules empruntant le chemin 3______ et induirait une augmentation des immissions en provenance de la parcelle n° 2______. Cependant, il a retenu que celles-ci ne sauraient être qualifiées d’excessives en se fondant sur des critères objectifs. L’étude produite par F______, E______, D______, A______, B______ et C______ les démontrait que l’aménagement existant et planifié du chemin 3______ garantissait l’accessibilité routière au projet et aux autres parcelles. Le trafic journalier augmenterait certes de 150-210 déplacements motorisés par jour à 270-330 déplacements motorisés par jour et de 20-25 déplacements motorisés par heure, à l’heure de pointe du soir, à 35-40. Cette augmentation n’était certes pas à minimiser. Malgré le fait que les parcelles se situaient en zone villa, le trafic n’y était pas interdit, ni limité et une telle augmentation ne saurait être qualifiée d’excessive au sens du droit civil, étant précisé qu’elle était licite selon les normes administratives puisque les autorités administratives compétentes, dont la SABRA, avaient donné un préavis favorable au projet de construction. Ainsi, aux heures de pointe le trafic routier passerait d’une voiture toutes les 2 à 3 minutes à une voiture toutes les 1 à 2 minutes. Il ne s’agirait aucunement d’une véritable route accueillant le trafic routier comme l’alléguaient F______, E______, D______, A______, B______ et C______, étant encore précisé que les véhicules de la nouvelle construction ne circuleraient que sur les premiers 80 mètres environ du chemin et ce, uniquement quelques secondes devant chaque parcelle.

Concernant l’action négatoire fondée sur l’art. 641 CC, l’argumentaire de F______, E______, D______, A______, B______ et C______ devait être rejeté. Si certes, la construction de l’immeuble projeté implique que l’un des 26 copropriétaires utilisera plus fortement le chemin 3______ que les autres propriétaires de villas mitoyennes ou individuelles, la limite de l’usage que peut faire l’un des copropriétaires est qu’elle se fasse dans une mesure compatible avec le droit des autres, de sorte que ceux-ci ne soient pas entravés dans leur droit à l’utilisation de la chose. Or, F______, E______, D______, A______, B______ et C______ n’avaient pas démontré qu’ils seraient entravés dans leur droit à l’utilisation de la chose. Bien que le juge civil ne soit pas lié par l’appréciation des autorités administratives sur la problématique de l’accès suffisant à une propriété, cette notion étant différente de celle de l’entrave à l’utilisation de la chose, les moyens à leur disposition sont identiques, soit en particulier l’étude de J______ produite par F______, E______, D______, A______, B______ et C______. Celle-ci retient effectivement que le trafic routier augmentera, mais conclut toutefois que l’aménagement existant et planifié du chemin 3______ garantit l’accessibilité routière au projet ainsi qu’aux autres parcelles, même si la circulation devient moins aisée et exige des usagers une prudence accrue. Ainsi, le Tribunal a retenu que, malgré le fait que la circulation serait moins aisée, l’usage que fera le propriétaire de la parcelle n° 1______ avec une construction prévue de 18 logements n’entraverait pas les autres copropriétaires de la parcelle n° 2______ dans leur droit à l’utilisation de celle-ci.

Le parallèle effectué par F______, E______, D______, A______, B______ et C______ avec la jurisprudence liée aux servitudes ne leur était d’aucun secours, une jurisprudence du Tribunal fédéral plus récente que celle sur laquelle ils se sont appuyée ayant, quant à elle, retenu que, tant qu’il n’y avait pas de changement d’affectation, une utilisation plus importante du fonds grevé par le fonds dominant était admissible. Le Tribunal fédéral a considéré qu’il fallait n’admettre qu’avec retenue une aggravation inadmissible et se baser sur ce que les parties à la servitude avaient raisonnablement envisagé à l’époque de sa constitution. En lien avec cette jurisprudence, était ainsi déterminant le fait que les copropriétaires, lors de la création de l’immeuble dépendant, n’avaient pas exclu les possibilités de construction future sur les parcelles et partant de l’utilisation faite de l’immeuble dépendant, ce notamment par la mise en place d’un règlement d’utilisation et d’administration afin de prévoir une limitation de son usage. Le fait que les droits à bâtir de la parcelle n° 11_____ aient été ajoutés à ceux de la parcelle n° 1______ ne modifiait pas cette analyse. En effet, le nombre de véhicules circulant sur le chemin 3______ n’aurait pas été sensiblement différent si l’indice d’utilisation au sol de la parcelle n° 1______ avait été respecté. La surface brute de plancher aurait alors été au maximum de 1'905 m2 (3'970 m2 x 0,48) soit l’équivalent de 15 logements (en considérant une surface moyenne de 128 m2, telle que dans le projet actuel (2'319 m2 / 18 logements). A considérer 1,5 véhicule par logement, cela aurait abouti à 22 à 23 places de parc pour voiture au lieu de 27 que contient le projet actuel. En considérant que, si le projet avait prévu des logements plus petits que la moyenne de 128 m2 par logement, en respectant l’indice d’utilisation au sol de la parcelle n° 1______, un nombre supérieur de places de parc aurait pu être prévu. F______, E______, D______, A______, B______ et C______ avaient ainsi failli à démontrer que le projet de construction sur la parcelle n° 1______ serait constitutif d’un trouble.

EN DROIT

1.             1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC), dans les causes patrimoniales dont la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).
L'action négatoire tendant à l'interdiction de causer une atteinte est de nature patrimoniale (arrêt du Tribunal fédéral
5A_732/2008 du 14 juillet 2009 consid. 1). La valeur litigieuse relative aux restrictions légales à la propriété foncière se détermine de la même manière que dans les contestations portant sur l'existence d'une servitude (arrêt du Tribunal fédéral 5A_653/2019 du 28 octobre 2019 consid. 1.1.1.1). Elle correspond au dommage résultant de l'usurpation (BOHNET, Actions civiles, Volume I, 2ème éd., 2029, n. 11).

1.2 En l'espèce, au vu des dernières conclusions de première instance, soit notamment l'interdiction faite à l'intimée d'entreprendre tout projet de construction, la valeur litigieuse est largement supérieure à 10'000 fr.

La voie de l'appel est par conséquent ouverte.

1.3 L'appel, déposé dans le délai légal de trente jours et répondant aux exigences de forme ci-après est par conséquent recevable (art. 311 CPC). Le mémoire de réponse est également recevable pour avoir été déposé dans le délai et la forme prescrits par la loi (art. 312 CPC). Tel n'est cependant pas le cas de la réplique des appelants, laquelle a été déposée le 18 avril 2023, alors que le délai venait à échéance le 17 avril 2023, premier jours utile après la suspension des délais pendant les féries judiciaires (art. 145 al. 1 let. b et 312 al. 1 CPC), le délai initial échéant le 15 mars 2023 pour répliquer, ayant été reporté au 5 avril 2023, à la demande des appelants.

1.4 La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC). En particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en lien avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

1.5 La maxime des débats et le principe de disposition sont applicables (art. 55 al. 1 et 58 al. 1 CPC).

2.             2.1.1 Selon l'article 317 al. 1 CPC, les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont pris en compte dans le cadre d'un appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard et s'ils ne pouvaient être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise.

Tant que la phase des délibérations en appel n'a pas débuté, des faits et moyens de preuve qui surviennent jusqu'au début de cette phase peuvent encore être introduits au procès, aux conditions de l'art. 317 al. 1 CPC (arrêt du Tribunal fédéral 5A_701/2016 du 6 avril 2017 consid. 6.4).

A l'inverse, les parties ne peuvent plus invoquer des faits ou moyens de preuve nouveaux, même si les conditions de l'art. 317 al. 1 CPC sont remplies, à partir du moment où le tribunal d'appel commence les délibérations. La phase de délibérations commence dès la clôture des débats, si le tribunal d'appel en a ordonné ou, en l'absence de débat, dès que le tribunal d'appel a formellement notifié les parties que la cause était gardée à juger (arrêt du Tribunal fédéral 4A_619/2015 du 29 mai 2016 consid. 2.2.3 à 2.2.6).

2.1.2 Le Tribunal peut rejeter tant la requête de mesures superprovisionnellles que de mesures provisionnelles dans la même décision, sans entendre au préalable la partie adverse, lorsque celles-ci sont manifestement irrecevables ou infondées (art. 253 a contrario). Dans un tel cas, le juge ne cite pas les parties à l'audience.
2.2 En l'espèce, les appelants ont déposé le 29 août 2023, soit plus de deux mois après que la cause ait été gardée à juger, l'arrêt 1C_396/2022 rendu le 7 juillet 2023 par la 1ère Cour de droit public du Tribunal fédéral, ainsi qu'un extrait actualisé du Registre foncier, de sorte que ces pièces sont irrecevables, puisqu'elles ont été introduites après que la phase de délibération ait débutée. Il en va ainsi de même des conclusions superprovisionnelles et provisionnelles prises à l'appui de ces pièces nouvelles irrecevables, ce que la Cour peut constater d'emblée, sans citer les parties à une audience.

Quoi qu'il en soit, et indépendamment de la question de leur recevabilité, le présent arrêt rendu sur le fond, rend sans objet lesdites conclusions.

Les déterminations et la pièce nouvelle déposées le 22 septembre 2022 par les appelants sont également irrecevables. Il en va de même du courrier et de la pièce adressés pour information à la Cour par l'intimée le 30 août 2023.

3.             L'intimée, qui n'a pas formé appel joint dès lors que le jugement lui était favorable, considère que le Tribunal a retenu à tort qu'elle disposait de la légitimation passive.

3.1.1 L'intimé peut lui aussi, sans introduire d'appel joint, présenter des griefs dans sa réponse à l'appel, si ceux-ci visent à exposer que malgré le bien-fondé des griefs de l'appelant, ou même en s'écartant des constats et du raisonnement juridique du jugement de première instance, celui-ci est correct dans son résultat. L'intimé à l'appel peut ainsi critiquer dans sa réponse les considérants et les constats du jugement attaqué qui pourraient lui être défavorables au cas où l'instance d'appel jugerait la cause différemment (arrêt du Tribunal fédéral 4A_258/2015 du 21 octobre 2015 consid. 2.4.2 et les réf. cit.; ACJC/1140/ 2017 du 5 septembre 2017 consid. 3.4; ACJC/1600/2019 du 1er novembre 2019 consid. 1.4; ACJC/97/2020 du 14 janvier 2020 consid. 1.4).
3.1.2 En principe, seule est légitimée comme partie au procès celle qui est personnellement titulaire d'un droit ou contre laquelle personnellement un droit est exercé. Le défaut de légitimation active ou passive entraîne le rejet de l'action (ATF 138 III 537 concid. 2é2é1; 130 III 417 consid. 3.1; 126 III 59 consid. 1a).
A teneur de l'art. 641 al. 1 CC, le propriétaire d'une chose a le droit d'en disposer librement dans les limites de la loi. La propriété confère ainsi à son titulaire la maîtrise totale et exclusive sur la chose; le propriétaire a le droit d'en user, d'en jouir et d'en disposer, matériellement et juridiquement (STEINAUER, Les droits réels, Tome I, 2012, p. 356 n° 1002 et 1004).

En règle générale, l'inscription au Registre foncier est nécessaire pour l'acquisition de la propriété foncière (art. 656 al. 1 CC). Celle-ci s'acquiert par contrat (par exemple vente ou donation), par l'effet d'une disposition à cause de mort, par occupation (art. 658 CC) ou prescription notamment (art. 661et 662 CC).

La qualité pour défendre à l'action négatoire revient à l'auteur de l'atteinte (ou perturbateur). Il peut s'agir tant de la personne qui cause elle-même l'atteinte que de celles à qui l'atteinte peut être imputée d'une autre manière, par exemple parce qu'elles tolèrent l'atteinte, la provoquent ou l'encouragent, ou encore la rendent possible ou la favorisent (FOËX, Commentaire romand, Code civil II, 2016, ad art. 641 n. 38).

3.2 En l'espèce, l'intimée est seule inscrite au Registre foncier comme propriétaire, respectivement copropriétaire, tant des parcelles sur lesquelles la construction litigieuse est projetée, que de celle qui constitue le chemin 3______. Le contrat de vente à terme qu'elle a conclu n'y change rien, cet évènement n'étant pas encore advenu, la vente ne devenant définitive, pour autant que les conditions auxquelles elle est assortie soient réalisées, qu'à partir du 27 septembre 2023.

Au surplus, l'intimée a participé en signant les autorisations de construire et l'ensemble des documents administratifs à favoriser l'atteinte qui lui est reprochée, de sorte que la qualité pour défendre est également admise sur cette base.

C'est ainsi à raison que le Tribunal a retenu que l'intimée disposait de la légitimation passive.

4.             Les appelants font grief au Tribunal d'avoir fait une mauvaise application de l'art. 641 CC.

Ils ne se prévalent plus de l'action en prévention du trouble, prévue par l'art. 679 CC.

4.1.1 Selon l'art. 641 CC, le propriétaire d'une chose a le droit d'en disposer librement, dans les limites de la loi (al. 1); il peut la revendiquer contre quiconque la détient sans droit et repousser toute usurpation (al. 2).

Pour être bien fondée, l'action négatoire nécessite la réunion des conditions suivantes : le demandeur doit être propriétaire d'une chose, celle-ci doit faire l'objet d'un trouble direct, actuel ou imminent, en lien de causalité avec un comportement ou une abstention du défendeur et enfin être illicite (Bohnet, Actions civiles, Volume I, 2ème éd., 2019, n. 26 ss §41; Foëx, Commentaire romand, Code civil II, 2016, n. 39 à 46 ad art. 641 CC; Steinauer, Les droits réels, tome I, 5ème éd., 2012, n. 1028 ss; Steinauer, Les droits réels, tome II, 4ème éd., 2012, n. 1896).

Un trouble est une "atteinte à la maîtrise de son droit" (arrêt du Tribunal fédéral 5A_325/2011 du 14 novembre 2011 consid. 2.1.1). Cette atteinte peut être matérielle, telle une construction qui empiète sur le fonds d'autrui (ATF 131 III 505 in SJ 2006 I 169; Foëx, op. cit., n. 40 ad art. 641 CC; Steinauer, op. cit., tome I, n° 1034). La construction peut être située en partie sur le fonds du constructeur et en partie sur le fond du voisin. Elle peut également être entièrement construite sur le fonds du constructeur, mais empiéter par une saillie, un balcon ou un toit dans le volume aérien du fond voisin. Ces situations peuvent exister dès la construction, mais elles peuvent se produire également subséquemment, par exemple, si le propriétaire de deux bâtiments contigus construit une ou plusieurs pièces qui empiètent d'un bâtiment sur l'autre, puis vend l'un des bâtiments (ATF 127 III 10 in JdT 2001 I 111; Steinauer, op. cit., tome II, n. 1643).

L'action négatoire n'est ouverte que si le trouble est direct, à savoir qu'il ne résulte pas de l'exercice du droit de propriété sur le fond voisin (ATF 111 II 24 in JdT 1986 I 162; arrêt du Tribunal fédéral 5C.137/2004 du 17 mars 2005 consid. 2.2; Foëx, op. cit., n. 42 ad art. 641 CC; Steinauer, op. cit., tome I, n. 1035).

Le trouble de la propriété est illicite si ni le droit privé, ni le droit public, n'imposent au propriétaire de le tolérer (arrêt du Tribunal fédéral 5A_639/2010 du 7 mars 2011 consid. 2.1). En d'autres termes, par illicéité, il faut comprendre que l'atteinte ne doit être autorisée ni par la loi ni par le propriétaire (Foëx, op. cit., n. 46 ad art. 641 CC). Les motifs justificatifs fondés sur la loi sont l'existence d'un droit de passage directement établi par le droit cantonal, d'un droit d'accès sur le fonds d'autrui au sens des art. 699 à 701 CC ou du droit d'usage d'une source au sens de l'art. 709 CC (Bohnet, op. cit., n. 30 §41; Steinauer, op. cit., tome I, n. 1037).

Lorsque ces conditions sont réunies, le demandeur peut exiger qu'il soit fait interdiction au défendeur de causer le trouble (Foëx, op. cit., n. 50 ad art. 641 CC; Steinauer, op. cit., tome I, n. 1041).

La preuve du titre de propriété, de l'existence du trouble, de son caractère direct et actuel ou imminent et du lien de causalité incombe au propriétaire. Le défendeur a, quant à lui, la charge de prouver que le trouble n'est pas illicite (Foëx, op. cit., n. 39 et 47 ad art. 641 CC).

L'action négatoire n'est pas soumise à une condition de temps: elle est par nature imprescriptible et peut donc être intentée en tout temps, sous réserve de l'abus de droit (art. 2 al. 2 CC; ATF 111 II 24 consid. 2b in JdT 1986 I 62; 107 II 134 consid. 3c in JdT 1982 I 462; Bohnet, op. cit., n. 33 §41). Selon les circonstances, il peut être abusif d'intenter l'action négatoire pour exiger la cessation d'un trouble que le demandeur a tolérée durant longtemps, par exemple si le défendeur a acquis une position digne de protection dans l'intervalle et était fondé à se fier de bonne foi à l'inaction durable du propriétaire (Foëx, op. cit., n. 48 ad art. 641 CC; Steinauer, op. cit., tome I, n. 1040).

La cessation du trouble peut être ordonnée même si l'inconvénient subi par le demandeur en raison de l'atteinte paraît mineur par rapport aux frais qui devront être engagés par le défendeur pour y mettre fin (arrêt du Tribunal fédéral 5A_11/2015 du 13 mai 2015 consid. 4.3.2.1). L'abus de droit résultant notamment d'une disproportion grossière des intérêts en cause est réservée. Il ne doit cependant être admis qu'avec une grande retenue et, dans le doute, le droit formel doit être protégé; plus le droit formel revêt un caractère absolu, plus l'abus de droit doit être admis restrictivement. Cela vaut en particulier pour un droit absolu comme la propriété. L'abus de droit a ainsi été admis dans ce domaine en présence d'une petite construction qui empiétait de 2 à 5 cm ou, s'agissant d'un mur illicite érigé immédiatement devant un second mur, pour sa part conforme au droit (arrêts du Tribunal fédéral 5A_11/2015 du 13 mai 2015 consid. 4.3.2.1; 5A_655/2010 du 5 mai 2011 consid. 2.2.1; Bohnet, op. cit., n. 28a et 32 §41; Foëx, op. cit., n. 51 ad art. 641 CC).

4.1.2 Le copropriétaire troublé dans sa maîtrise de l'objet par de tiers ou un autre copropriétaire dispose également de l'action négatoire (Steinauer, op. cit., tome I, n.  n. 1738). La qualité pour agir à cet égard est reconnue à chaque copropriétaire, indépendamment de l'éventuelle acceptation du trouble par d'autres, en vertu de l'art. 648 al. 1 CC qui prévoir que chaque copropriétaire peut veiller aux intérêts communs et jouit de la chose et en use dans la manière compatible avec le droit des autres (Bohnet, op. cit.,§ 40 n. 19).

4.2 En l'espèce, il n'est pas contesté que les appelants sont chacun propriétaires de leur parcelle située le long du chemin 3______ et d'un droit correspondant de 1/26ème sur la parcelle n° 2______ (parcelle de dépendance), à l'instar de l'intimée.
Les appelants soutiennent que le projet de construction de l'immeuble de
18 logements sur les parcelles de l'intimée augmenterait le trafic routier de telle sorte qu'il violerait le principe d'égalité dans l'usage de la parcelle de dépendance et entraverait les copropriétaires actuels du chemin dans l'utilisation de celui-ci.
En l'état, chacun des copropriétaires du chemin privé a le droit de l'utiliser de manière identique, notamment pour accéder à sa propriété. Aucune limitation d'usage de ce chemin n'est inscrite au Registre foncier. Ainsi, même des personnes non propriétaires peuvent emprunter ledit chemin sans se voir opposer une interdiction de l'emprunter. Si certes, la construction projetée est de nature à accroitre l'usage dudit chemin par les nouveaux occupants, lesquels seront au nombre de 18 ménages au lieu d'un seul, cet accroissement de l'usage concerne uniquement une portion d'environ 80 mètres, à hauteur de l'embranchement du chemin privé avec le chemin public. Il ne peut ainsi être retenu, comme le soutiennent les appelants de manière peu convaincante, que la charge sur la parcelle en copropriété serait augmentée par 18 puisque l'accroissement de la circulation ne concerne que le début du chemin privé constituant ladite parcelle, et non l'entier de celle-ci. Il n'apparaît ainsi pas, de manière évidente, que le principe d'égalité dans l'usage de ladite parcelle serait violé. De même, pourrait-on ainsi soutenir que l'utilisation du chemin par le propriétaire de la parcelle situé au bout de celle-ci serait accrue par rapport à celui qui habite au début du chemin et l'utilise moins, ce qui apparaît d'emblée absurde. Ce grief sera rejeté.

De même, il ne peut être retenu que la construction projetée entraverait l'usage du chemin qu'en font les propriétaires des autres parcelles desservies par ce chemin. En effet, l'accroissement de la circulation sur la première centaine de mètres au début du chemin, n'est pas de nature à entraver l'utilisation des autres usagers du chemin sur l'ensemble de sa longueur, les occupants de la construction nouvelle n'étant pas censés avoir besoin de rouler sur la totalité du chemin pour accéder à leur logement, mais ne l'emprunteront que sur une courte distance uniquement. Les appelants rappellent que le chemin est étroit, dépourvu de trottoirs et sans issue, ce qui rend d'ores et déjà la circulation difficile et la possibilité de faire demi-tour sur le chemin, compliquée. Cet argument n'est pas convaincant pour retenir une entrave à leur usage puisque cet état de fait est préexistant et que la circulation engendrée par la nouvelle construction ne concernera que la première centaine de mètres du chemin. Par ailleurs, un aménagement, soit un élargissement du chemin, est prévu devant l'entrée de la parcelle de l'intimée, ce qui permettra de faciliter la circulation au seul endroit névralgique. Si certes, un élargissement du chemin 3______ serait souhaitable pour améliorer la circulation d'ores et déjà difficile sur celui-ci, les appelants rappellent qu'un accord de l'ensemble des copropriétaires serait nécessaire, ce qu'ils semblent tenir pour peu probable. Peu importe, puisque cet élargissement du chemin privé servirait plus aux propriétaires des parcelles actuelles qu'aux usagers des parcelles devant recevoir le nouvel immeuble, un élargissement suffisant étant prévu sur la parcelle propriété de l'intimée qui se trouve en bordure du chemin 3______. L'accessibilité des parcelles des appelants et des autres propriétaires desservis par le chemin 3______ demeure donc inchangée. Si certes, l'étude J______ précise que le trafic routier augmenterait sur le chemin une fois la construction réalisée en passant de 150-210 déplacements motorisés à 270-330 déplacements en moyenne, cette augmentation n'est pas de nature à entraver les autres propriétaires dans leur propre accès à leur domicile respectif, dès lors que cette circulation d'une part, se situe au début du chemin uniquement et, d'autre part, sera étalée tout au long de la journée, certes avec une légère augmentation aux heures de pointe, qui n'est cependant pas de nature à entraver les appelants dans l'accès à leur domicile, qui sera toujours possible.
Quant aux spéculations des appelants sur la possibilité d'une augmentation de trafic si d'autres propriétaires longeant le chemin devaient également se lancer dans un projet de constructions de plusieurs logements, elle n'a pas lieu d'être dans le cadre du présent appel.

Ainsi, c'est à bon droit, que le Tribunal a retenu que les conditions de l'action négatoire de l'art. 641 CC n'étaient pas réunies en l'espèce, de sorte qu'il ne pouvait être fait interdiction à l'intimée d'utiliser sa parcelle dans la mesure projetée, sur cette base.

5.             Les appelants plaident devant la Cour l'aggravation de la responsabilité pesant sur les copropriétaires sur la base de l'art. 58 CO, soit la responsabilité du propriétaire de l'ouvrage, en raison de la construction projetée.

5.1.1 Le Code de procédure civile part du principe que le procès doit se conduire entièrement devant les juges de première instance. A ce stade, chaque partie doit exposer l'état de fait de manière soigneuse et complète et amener tous les éléments propres à établir les faits jugés importants. La procédure d'appel n'a pas pour but de compléter le procès de première instance en permettant aux parties de réparer leurs propres carences, mais de contrôler et corriger le jugement de première instance à la lumière des griefs formulés à son encontre (ATF 142 413 consid, 2.2.2; arrêts du Tribunal fédéral 4A_334/2012 du 16 octobre 2012 consid. 3.1; 4A_303 du 17 octobre 2018 consid. 3.2).

La présentation d'une motivation juridique nouvelle ne tombe pas sous le coup de l'art. 317 al. 1 CPC et peut sans autre être faite en appel, ce qui découle du principe selon lequel le juge applique le droit d'office (arrêt du Tribunal fédéral 4A_519/2011 du 28 novembre 2011 consid. 2.1). Encore faut-il qu'elle s'inscrive dans le cadre de faits constatés dans la décision attaquée (ou qui auraient dû l'être). De surcroît, le principe de la bonne foi doit être respecté (ATF 130 III 28 consid. 4.4; arrêts du Tribunal fédéral 2C_128/2016 du 7 avril 2017 consid. 3; 4A_303/2018 du 17 octobre 2018 consid. 3.2).

5.1.2 En vertu de l'art. 58 CO, le propriétaire d'un bâtiment ou de tout autre ouvrage répond du dommage causé par des vices de construction ou par le défaut d'entretien.

Pour avoir la qualité d'ouvrage, un objet doit donc premièrement être rattaché au sol, directement ou indirectement, durablement ou provisoirement. Le Tribunal fédéral a considéré qu'une route pouvait être considéré comme un ouvrage. L'objet doit en second lieu être le résultat d'un travail humain (WERRO/ PERRITAZ, in Commentaire romand, Code des obligations I, 2021, ad art. 58 n. 8 et 9).

Le propriétaire d'ouvrage n'encourt de responsabilité que si le dommage trouve sa cause dans un vice de construction ou un défaut d'entretien. Le premier représente un défaut initial et le second un défaut subséquent. Constitutif d'illicéité, le défaut consiste dans l'absence de sécurité à laquelle on est raisonnablement en droit de s'attendre compte tenu de l'usage auquel l'ouvrage est destiné. Celui-ci doit satisfaire aux exigences objectives que tout ouvrage similaire devrait remplir dans des circonstances identiques (WERRO/PERRITAZ, op. cit., ad art. 58 n. 16).

Un ouvrage est en principe défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité requise pour l'usage auquel il est destiné. Le propriétaire ne doit dès lors prévenir que les risques normaux et il n'a pas besoin d'éliminer tout dommage imaginable (WERRO/PERRITAZ, op. cit., ad art. 58 n. 17).

5.2 En l'espèce, la motivation nouvelle des appelants sur la base de l'art. 58 CO sera admise, puisqu'elle s'inscrit dans le cadre de faits allégués devant le premier juge. Les appelants ne démontrent cependant pas que l'ouvrage, tel qu'il est prévu, ne respecterait pas les normes de sécurité adaptées à ce type de construction. La question de l'accessibilité et de la sécurité de la voie d'accès qu'ils soulèvent a, comme le relève à juste titre l'intimée, été sérieusement analysée par les autorités administratives et judiciaires compétentes dans le cadre de la procédure d'octroi de l'autorisation de construire et de la procédure de recours devant la Chambre administrative de la Cour de justice. L'Office cantonal des transports (OCT), autorité spécialisée en matière de circulation, n'a émis aucune réserve et a donné un préavis favorable, sans émettre la moindre observation ou solliciter de modification, dans le cadre de l'instruction de la procédure d'autorisation de construire. Le rapport J______ a conclu que le chemin 3______ était une route de desserte praticable pour le trafic lié à l'utilisation de l'ouvrage projeté et des autres parcelles, sans exposer les usagers à des dangers excessifs. Il a relevé que l'accessibilité y était suffisante, le chemin tenant compte des conditions de commodité et de sécurité en termes de visibilité et de trafic, en prenant en considération l'accroissement prévisible de la circulation induite par les nouvelles constructions. Le Tribunal administratif de première instance et la Chambre administrative de la Cour de justice ont également retenu dans leurs décisions respectives que le chemin 3______ serait suffisamment équipé et offrirait une sécurité suffisante à ses usagers, en cas d'accroissement du trafic suite à la construction projetée. Le chemin, de configuration rectiligne offrait une bonne visibilité aux conducteurs, aucun accident n'avait été à déplorer dans un passé récent. La création de nouveaux logements n'était pas susceptible de modifier ce constat, ce d'autant qu'une portion du chemin sera élargie de 2 mètres, portant la largeur du chemin à 5,45 mètres, à la hauteur de la construction projetée, ce qui faciliterait le croisement des véhicules.

Ainsi, il ne peut être retenu que l'ouvrage serait défectueux, toutes les normes étant respectées dans sa réalisation, ni qu'il entraînerait un risque accru d'engager la responsabilité des propriétaires du chemin, uniquement en raison de l'accroissement de la circulation que la construction de l'immeuble va inévitablement entraîner, ce cependant dans une limite admissible et sur une portion limitée du chemin.

Le grief des appelants sera rejeté.

6.             Les appelants soutiennent encore que le projet de construction constitue une aggravation illicite de la charge qui pèse sur le chemin en copropriété par le fait que la construction projetée, en sus d'épuiser les droits à bâtir de la parcelle n° 1______, y ajoute encore les droits à bâtir de la parcelle n°11_____, qui n'a aucun droit sur le chemin.

Le Tribunal a rejeté l'argumentaire en retenant, sur ce point, que le nombre de véhicules circulant sur le chemin 3______ n'aurait pas été sensiblement différent si l'indice d'utilisation au sol de la parcelle n° 1______ avait été respecté. La surface brute de plancher aurait alors été au maximum de 1'905 m2 (3'970 m2 x 0.48) soit l'équivalent de 15 logements si l'on considère une surface moyenne de 128 m2, telle que dans le projet actuel. A considérer 1.5 véhicules par logement, cela aurait abouti à 22 à 23 places de parc pour voiture, au lieu de 27 que contient le projet actuel. Si le projet avait prévu des logements plus petits que la moyenne de 128 m2 par logement, en respectant l'indice d'utilisation au sol de la parcelle n° 1______, un nombre supérieur de places de stationnement aurait pu être prévu, de sorte que l'argument soulevé par les appelants devait être rejeté, ceux-ci n'ayant pas démontré que le projet de construction serait constitutif d'un trouble.

Force est de constater que, dans leur mémoire d'appel, les appelants n'ont pas contesté le raisonnement du Tribunal qui a estimé que le transfert des droits à bâtir de la parcelle n° 11_____ sur la parcelle n° 1______ n'impacterait pas de façon conséquente le nombre de véhicules qui pourront circuler sur le chemin 3______. Les appelants se contentent dans leur appel de soutenir que ledit transfert serait illicite, pour ne pas avoir requis et obtenu l'accord de tous les copropriétaires. Or, selon le répertoire des règles et pratiques concernant la consultation et la tenue du Registre foncier, sur lequel se fondent les appelants, la réunion d'un immeuble principal ayant des droits sur une dépendance avec un autre immeuble qui ne disposerait pas de tels droits, doit être admise moyennant l'apport de la preuve de l'absence d'aggravation notable de la charge. Comme exposé supra, et comme l'a démontré le raisonnement non contesté du Tribunal, le report des droits à bâtir pour la construction projetée n'aggrave pas de manière notable la charge.

Ainsi, le grief sera rejeté.

7.             Le jugement sera ainsi entièrement confirmé.

8.             Les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 2'900 fr. (art. 95, 98 et 101 al. 1 CPC; art. 2, 13, 17, 35 RTFMC).

Dans la mesure où ils succombent entièrement, les frais d'appel seront mis à la charge des appelants (art. 106 al. 1 CPC), et compensés avec les avances effectuées par ces derniers, lesquels restent entièrement acquises à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Ils seront également condamnés à verser, conjointement et solidairement, des dépens en faveur de l'intimée de 3'000 fr.


* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 28 novembre 2022 par F______, E______, B______, A______, D______ et C______ contre le jugement JTPI/12678/2022 rendu le 25 octobre 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/12451/2021.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 2'900 fr., les met, conjointement et solidairement, à la charge de F______, E______, B______, A______, D______ et C______ et les compense avec les avances versées par ces derniers, lesquelles restent acquises à l'Etat de Genève.

Condamne F______, E______, B______, A______, D______ et C______ à verser, conjointement et solidairement, à G______ la somme de 3'000 fr.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Sandra CARRIER, greffière.

 

La présidente :

Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE

 

La greffière :

Sandra CARRIER

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.