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Décisions | Chambre civile

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C/3839/2020

ACJC/562/2022 du 26.04.2022 sur JTPI/8759/2021 ( OS ) , CONFIRME

Normes : LDP.8
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/3839/2020 ACJC/562/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du MARDI 26 AVRIL 2022

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______ (Pologne), appelante d'un jugement rendu par la 18ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 29 juin 2021, comparant par Me Nicolas POZZI, avocat, rue de la Croix-d'Or 10, 1204 Genève, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

et

B______ SA, sise ______ (GE), intimée, comparant par Me Nicolas BEGUIN, avocat, Aegis Partners LLC, rue du Général-Dufour 20, case postale, 1211 Genève 11, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/8759/21 du 29 juin 2021, reçu par A______ le 7 juillet 2021, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure simplifiée, a rejeté la demande en droit d'accès formée le 12 octobre 2020 par la précitée (chiffre 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 2'200 fr., compensés avec l'avance fournie par A______ et mis à la charge de cette dernière (ch. 2), condamné A______ à verser 2'000 fr. à B______ SA à titre de dépens (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

B. a. Par acte expédié le 6 septembre 2021 au greffe de la Cour de justice, A______ a formé appel contre ce jugement, dont elle a sollicité l'annulation.

Elle a conclu, sous suite de frais judiciaires et dépens, à ce que la Cour ordonne à B______ SA, sous la menace de la peine prévue par l'art. 292 CP, de lui remettre, dans un délai n'excédant pas trente jours, et indépendamment de leur enregistrement sous l'une ou l'autre relation bancaire, l'ensemble des documents physiques et fichiers informatiques se trouvant en sa possession qu'elle n'a pas déjà transmise à ce jour et qui contiennent une ou plusieurs donnée(s) personnelle(s) concernant feu C______, feu D______, feue E______ ou elle-même, et au nombre desquels figureraient, sans y être limités : les profils-client, les documents de base relatifs à toute relation bancaire encore ouverte à ce jour ou déjà clôturée, les extraits du système d'information utilisé par B______ SA, notamment la base de données de "Client Relationship Management", les rapports de visite enregistrés par B______ SA; les communications (correspondances, télécopies, emails, notes téléphoniques, ordres, transactions, instructions, etc.) entre B______ SA et elle-même, feu C______, feu D______, feue E______ ou l'un ou l'autre de leurs représentants, les communications entre B______ SA et tout autre tiers et les notes internes qui n'avaient pas été réservées à un usage strictement personnel.

Subsidiairement, elle a conclu à l'annulation du jugement entrepris et au renvoi de la cause au Tribunal de première instance pour nouvelle décision.

b. Par réponse expédiée le 15 novembre 2021, B______ SA a conclu, sous suite de frais judiciaires et dépens, au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions respectives.

d. Elles ont été informées par avis du 12 janvier 2022 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier :

a.a B______ SA (ci-après : B______ ou la Banque) est une société suisse inscrite au Registre du commerce du canton de Genève, ayant notamment pour but l'exploitation d'une banque.

a.b Sur son site internet, figure un document intitulé "Déclaration en matière de protection des données du groupe B______".

Il y est notamment indiqué, sous la question "Qui est responsable de vos données personnelles et qui pouvez-vous contacter?", que la Banque traite les informations et les données personnelles "vous concernant et/ou concernant toute personne qui vous est liée", soit "une personne ou une entité sur laquelle vous-même ou un tiers nous fournissez des informations et/ou dont nous avons connaissance d'une autre manière en lien avec notre Relation d'affaires ( ), soit notamment "(i) l'administrateur, le dirigeant ou l'employé d'une société, (ii) le trustee, le constituant (settlor) ou le protecteur (protector) d'un trust, (iii) le détenteur à titre fiduciaire (nominee) ou l'ayant droit économique d'un compte, (iv) le détenteur d'intérêts substantiels dans un compte, (v) le détenteur de contrôle, (vi) le bénéficiaire d'un paiement précis, (vii) le représentant ou l'agent (c.-à-d. la personne au bénéfice d'une procuration ou d'un droit d'information sur un compte), ou (viii) un employeur ou un sous-traitant".

b. A______, ressortissante polonaise et française, est née le ______ 1926 et est domiciliée en Pologne.

Selon un certificat médical daté du 17 février 2021, elle est, malgré son âge, "en plein contact verbal et logique". Elle communique de manière exhaustive sur son état général, surveille quotidiennement sa pression artérielle, fait attention à son état de santé et prend ses médicaments. Elle comprend par ailleurs parfaitement les informations fournies et est en mesure de les évaluer et de les sélectionner. Elle communique bien en matière médicale ou autres, prend ses propres décisions et exprime ses opinions.

c. A______ était l'épouse de C______ (décédé en 2005) et la mère de D______ (décédé en 2018) et de E______ (décédée en 2015).

Elle allègue être l'unique représentante de la famille C/D/E/F______ encore en vie.

d. A______ est en relation avec B______ depuis 1985, tout comme feu C______, feu F______ et feue E______, comme cela ressort des rapports de données personnelles établis par la Banque.

e. G______ [fondation] a été constituée à une date indéterminée.

Cette fondation est également cliente de B______.

Sur le formulaire T de la Banque signé le 21 janvier 2011, feu C______ est désigné en qualité de settlor de cette fondation. Les trois autres membres de la famille y sont désignés en qualité de premiers bénéficiaires ("first beneficiary(ies)").

f. Par courrier du 6 novembre 2012, A______, D______ et E______ ont informé la Banque qu'ils avaient pris la décision de faire don de leurs avoirs à la "G______" et sollicitaient par conséquent le transfert de tous leurs avoirs sur le compte de la fondation, puis la fermeture définitive de leur compte ("notre compte").

g. Le 11 décembre 2017, D______ a ouvert un compte 1______ auprès de B______, dont il était le titulaire et l’unique ayant droit à teneur du formulaire A.

A______ est au bénéfice d’une procuration générale sur ce compte depuis le 16 décembre 2017.

h. Le 21 décembre 2017, le compte sus-indiqué a été crédité de plusieurs montants versés par G______, soit 2'605'702 fr. 57, 707'470 fr. 42, 332'148,14 dollars américains, 367'082,63 euros et 29'364,33 livres sterling.

i. D______ est décédé le ______ 2018.

Le règlement de sa succession est litigieux. Les juridictions polonaises ont été saisies par A______ d'une action visant à exclure H______, instituée héritière par testament, de la succession pour cause d'indignité ("déclaration d'indignité d'hériter de D______").

Dans le cadre de ce litige, le Tribunal a été saisi en septembre 2020 de commissions rogatoires visant à ce que B______ transmette des informations en lien avec des coffres loués par D______, A______ faisant valoir que des documents importants, notamment des testaments, étaient susceptibles de s’y trouver et que ceux-ci permettraient de remettre en cause le testament dont se prévalait H______.

j. En décembre 2018, A______ a approché la Banque afin de recevoir une information complète concernant les relevés, transactions, instructions et formulaires d'ouvertures de compte la concernant directement (titulaire, co-titulaire, etc.) ou indirectement (bénéficiaire de fondation ou fiduciaire) et ayant trait à des comptes en banque ou à des compartiments de coffre-fort.

k. Par courrier du 9 décembre 2019 de son conseil zurichois, ayant pour objet « G______ / A______ / feu D______ », A______ a demandé à la Banque de rendre compte "pleinement et entièrement", que ce soit tant sous l'angle des dispositions du droit des successions que sous l'angle contractuel.

l. Par réponse du 20 décembre 2019, la Banque a indiqué que, après avoir reçu des informations des services compétents et procédé à des investigations, A______ était apparue en qualité de bénéficiaire d'une procuration générale sur la relation 1______ ouverte le 11 décembre 2017 au nom de D______, mais également en qualité d'héritière de feu C______, titulaire de la relation 2______ jusqu'à son décès survenu le ______ 2005. Il était précisé que suite au décès de D______, la première relation bancaire était poursuivie au nom de son hoirie; quant à la seconde, elle avait été clôturée le 28 décembre 2012.

B______ lui a alors transmis la documentation bancaire relative à ces deux relations, soit la documentation d'ouverture de compte signée par le titulaire, les états financiers annuels incluant les comptes courants pour la période portant sur les dix dernières années et la correspondance avec le client depuis 2009, à l'exclusion du "mass mailing" (adressé à tous les clients), tel qu'extraite des systèmes d'archivage de la banque.

En revanche, même à supposer que A______ ait été enregistrée comme bénéficiaire des avoirs déposés dans un compte ouvert au nom d'une entité tierce, la Banque considérait que l'intéressée n'était pas légitimée à obtenir des informations et documents y relatifs, ces derniers étant protégés par le secret bancaire.

m. Le 24 décembre 2019, A______, agissant par l'intermédiaire d'un conseil genevois, mandaté pour "l'assister dans les démarches qu'elle a[vait] entreprises auprès de [l'] établissement [bancaire] relativement aux relations d'affaires qu'elle-même et les membres de sa famille, aujourd'hui décédés, [avaient] entretenu ou entret[enaient] directement ou indirectement en [leurs] livres", a fait remarquer à B______ que la documentation transmise démontrait que la famille C/D/E/F______ détenait, ou avait détenu, directement ou indirectement, plusieurs relations bancaires, soit la relation 2______ – I______, la F______.

La documentation transmise soulevait par ailleurs de nombreuses questions. En particulier, A______ ne comprenait pas pourquoi la Banque avait accepté le formulaire A établi par D______ le 22 novembre 2017 à l'ouverture du compte 1______, sur lequel était indiqué que le précité était le seul ayant droit des avoirs logés sur ce compte alors que, le 21 décembre 2017, la totalité des avoirs de la G______ y avait été transférée.

Invoquant les règles en matière de protection des données, A______ a fait valoir son droit d'accès à toutes les données qui la concernaient et que la Banque avait traitées ou traitait encore, étant précisé que sa demande concernait également les données personnelles de son époux C______, de sa fille E______ et de son fils D______, ce qui était autorisé par l'art. 1 al. 7 OLPD. La documentation à fournir devait notamment comprendre les profils-clients la concernant et concernant les trois membres précités de sa famille, l'intégralité de la documentation de base concernant notamment les relations bancaires 2______ – I______, 1______ – Hoirie de D______ et 3______ – G______, tous les documents, enregistrements, informations, données la concernant et concernant les membres de sa famille qui figuraient dans le système d'information, dans la base de données "Client Relationship Management", dans les archives physiques ou électroniques de la banque qui concernaient les relations bancaires précitées, tous les rapports de visite enregistrés par l'établissement en relation avec ces trois relations bancaires, toute communication entre la banque et l'une ou l'autre des personnes physiques et morales précitées, toute communication entre la banque et tout tiers concernant les personnes physiques et morales précitées, toute information permettant d'établir sur une base annuelle le montant des rétrocessions ou rémunérations que la Banque avait perçues de tout tiers et/ou versées à tout tiers concernant les trois relations bancaires en question (étant précisé qu'elle se réservait expressément le droit d'en demander le remboursement) ainsi que toutes les notes internes concernant les personnes physiques et morales précitées qui n'étaient pas réservées à un usage strictement personnel.

Un délai au 20 janvier 2020 était imparti à B______ pour s'exécuter.

A______ a également demandé à la Banque de renoncer à la prescription « en relation avec toutes les prétentions liées directement ou indirectement à la gestion des avoirs logés sur les relations bancaires qui ont été maintenues ou qui le sont encore pour [son] compte en qualité de titulaire du compte, de bénéficiaire, de bénéficiaire économique voire encore de titulaire d’une procuration » afin de sauvegarder ses droits.

n.a Le 7 février 2020, la Banque a transmis des rapports concernant les données personnelles de A______ d’une part et celles des membres de sa famille, aujourd’hui décédés, d’autre part.

Elle ne pouvait en revanche donner suite à la demande de A______ de lui remettre les documents et informations concernant d’éventuelles relations en ses livres au nom d’une entité tierce dont elle serait bénéficiaire, sauf à être expressément déliée du secret bancaire. La Banque invitait dès lors l’intéressée à contacter directement les organes de la fondation en question.

Enfin, la Banque se renseignerait sur les éventuelles rétrocessions perçues en lien avec les comptes 2______ et 1______ dès qu’elle aurait collecté toutes les informations y relatives.

n.b Selon les rapports de données personnelles fournis, sur lesquels figurent les données personnelles de base (nom, domicile, nationalité, date de naissance et la date de création du rapport ainsi que la liste des relations actives), une seule relation demeurait active, soit celle relative au compte 1______.

o. A______ a, par requête du 18 février 2020 intitulée "Droit d'accès aux données selon la LPD", déposée en vue de conciliation, puis introduite le 12 octobre 2020 devant le Tribunal après échec de conciliation du 16 juin 2020, assigné B______, concluant à ce qu'il soit ordonné à la Banque, sous la menace de la peine prévue par l'art. 292 CP, de lui remettre, dans un délai n'excédant pas trente jours, et indépendamment de leur enregistrement sous l'une ou l'autre relation bancaire, l'ensemble des documents physiques et fichiers informatiques qui n'avaient pas encore été transmis et qui contenaient une ou plusieurs donnée(s) personnelle(s) la concernant ou concernant feu C______, feu D______ ou feue E______, soit notamment les profils-client, les documents de base relatifs à toute relation bancaire encore ouverte à ce jour ou déjà clôturée, les extraits du système d'information utilisé par B______, notamment la base de données de "Client Relationship Management", les rapports de visite enregistrés par B______, les communications entre B______ et les membres de la famille C/D/E/F______ ou l'un ou l'autre de leurs représentants, les communications entre B______ et tout tiers, et les notes internes qui n'avaient pas été réservées à un usage strictement personnel.

A l'appui de ses conclusions, elle a notamment fait valoir, sous un chapitre intitulé « Description de l’objet du litige », que les membres de la famille C/D/E/F______ avaient confié une part très importante de leurs avoirs à B______, avec laquelle ils avaient entretenu, depuis plus de trente ans, directement en qualité de titulaires ou indirectement en qualité d'ayants droit ou de bénéficiaires, une ou plusieurs relations d'affaires. Les relations avec la Banque s'étaient détériorées depuis qu'elle essayait de faire valoir ses droits suite au décès de son fils et certains éléments de fait mis en lumière dans ce contexte laissaient penser que la Banque n'avait pas géré les avoirs de la famille de manière irréprochable, notamment en relation avec le compte 1______.

p. Par réponse du 14 janvier 2021, B______ a conclu au rejet de la demande.

Elle a notamment fait valoir que la requête en droit d'accès était abusive, car l'accès aux documents sollicités visait principalement à apprécier l'exécution des obligations contractuelles par la Banque, ce qui était assimilable à une demande en reddition de comptes. Une telle demande n'était pas dictée par les droits de la personnalité de A______ (notamment la vérification de l'exactitude et des principes du traitement), mais par la collecte de moyens de preuve pour apprécier les chances de succès d'une éventuelle action civile, que ce soit contre la Banque ou contre des tiers. La requête visait également à obtenir certaines informations qui pouvaient être pertinentes dans le cadre de la procédure diligentée en Pologne, éludant ainsi les dispositions applicables en matière d'entraide judiciaire. Le but de la demande en droit d'accès était donc étranger à celui offert par la LPD.

q. Le 27 janvier 2021, A______ a déposé des déterminations spontanées ainsi qu'un bordereau de pièces.

Elle a notamment fait valoir que les rapports sur les données personnelles transmis par B______ n'incluaient aucune information en relation avec la qualité de settlor, d'ayant-droit économique, de bénéficiaire/beneficial owner/détenteur de contrôle d'une entité ou structure de l'un ou l'autre des membres de la famille C/D/E/F______, contrairement à ce que prévoyait la Déclaration publiée sur son site internet.

Elle a reproché également à la Banque de ne pas lui avoir fourni d’information concernant la carte de crédit J______ SA dont son fils était titulaire ainsi que la procuration générale qui lui avait été octroyée par elle-même et feue E______, produisant à l’appui de ses allégations des documents en lien avec la carte de crédit en question ainsi que deux procurations établies et signées par les précitées le 18 octobre 2012 en faveur de feu D______, lequel était autorisé à prendre toutes les décisions concernant leurs finances.

Selon elle, les documents communiqués par la Banque apportaient la preuve que cette dernière avait commis des erreurs lors de la collecte et du traitement des données personnelles des membres de la famille C/D/E/F______.

r. Lors de l'audience du Tribunal du 2 février 2021, A______ a produit un chargé de pièces complémentaires en lien avec la procédure en Pologne.

A l'issue de l'audience, le Tribunal a imparti un délai à B______ pour se déterminer sur la dernière écriture de A______.

s. Par déterminations du 26 février 2021, B______ a notamment conclu à l’irrecevabilité des déterminations du 27 janvier 2021 et persisté au surplus dans ses conclusions.

t. Lors de l'audience du Tribunal du 20 avril 2021, les parties ont plaidé, persistant dans leurs conclusions respectives.

u. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a estimé que A______ pouvait accéder à ses données personnelles ainsi que réclamer, non exhaustivement, les profils-clients, les documents de base, les rapports de visites, les communications ou encore les notes internes s'il n'était pas possible pour la Banque de dissocier les données personnelles de celle-ci du document sur lequel elles se trouvent.

Celle-ci s’estimait également légitimée à accéder aux données personnelles des membres de sa famille. Or, non seulement elle n’avait pas établi en être la seule représentante encore vie, mais il ressortait en outre de la procédure que son fils, feu F______, avait institué une héritière par testament, sans que l'on connaisse la qualité précise de cette personne par rapport au précité. Une procédure diligentée contre H______ en lien avec la succession de feu D______ était d'ailleurs pendante devant les juridictions polonaises.

S'agissant de ses motivations, A______ soutenait que les données dont elle demandait la transmission étaient susceptibles de jouer un rôle dans la procédure contre la Banque ou des tiers et surtout qu'elles seraient utiles pour vérifier dans quelle mesure la Banque avait géré ses relations bancaires directes et indirectes et celles des membres de sa famille. Plus précisément, elle cherchait à comprendre pourquoi la Banque avait permis l'enregistrement du formulaire A au seul nom de son fils, alors que tous les avoirs qui y avaient par la suite été transférés étaient détenus par la fondation de la famille dont elle était elle-même bénéficiaire. Selon A______, seul l'examen des documents dont la transmission était requise permettrait de vérifier si B______ avait failli à son obligation de l'enregistrer elle et/ou les autres membres de sa famille en qualité d'ayants droit économiques et bénéficiaires des avoirs qui avaient été transférés sur le compte de son fils.

De l'avis du Tribunal, ce qu'elle reprochait à la Banque et considérait illicite, c'était donc l'enregistrement incorrect dans ses livres du bénéficiaire économique des avoirs qui avaient été transmis sur un compte au seul nom de son fils. Sa demande ne visait dès lors pas à vérifier si le traitement de données opérées par la Banque était licite au sens de la LPD, ni si les données traitées étaient justes, ni si sa personnalité avait été lésée par ledit traitement. Ainsi, en se fondant sur la loi sur la protection des données pour obtenir exclusivement des informations destinées à une autre fin que de faire valoir les droits que lui confère cette loi, A______ commettait un abus de droit, qui ne pouvait être protégé. La demande était dès lors rejetée dans son ensemble (en tant qu'elle la concernait personnellement mais également en tant qu'elle concernait les autres membres de sa famille).

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est dirigé contre une décision finale (art. 308 al.1 let. a CPC), rendue dans le cadre d'un litige concernant le droit d'accès à des données personnelles (art. 8 LPD), soit une affaire de nature non pécuniaire (arrêt du Tribunal fédéral 4A_406/2014 du 12 janvier 2015 consid. 2.1 non publié in ATF 141 III 119).

Déposé en temps utile et selon la forme prescrite (art. 130, 131 et 311 CPC), il est recevable.

1.2 L'instance d'appel revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC), mais uniquement dans la limite des griefs suffisamment motivés qui sont formulés (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_111/2016 du 6 septembre 2016 consid. 5).

La procédure simplifiée est applicable (art. 15 al. 4 LPD et 243 al. 2 let. d CPC).

1.3 Dans le cadre d’un litige portant sur le droit d’accès, le juge établit les faits d’office (art. 247 al. 2 CPC).

La maxime inquisitoire simple (ou sociale) contraint le juge à interroger les parties et à les informer de leur devoir de collaborer à l'instruction et de fournir des preuves (ATF 139 III 13 consid. 3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 4A_79/2012 du 27 août 2012 consid. 4.3; 4A_360/2015 du 12 novembre 2015 consid. 4.2). Si des motifs objectifs conduisent le juge à soupçonner que les allégations et offres de preuve d’une partie sont lacunaire, il n’est pas lié par l’offre de preuve en question et a le devoir de rechercher lui-même des preuves pour autant qu’il ait connaissance, sur la base des déclarations des parties et/ou du dossier, de l’existence de moyens probatoire pertinents. Le juge peut de même inviter cette partie à compléter ses moyens, par exemple si les documents produits sont insuffisants (ATF 139 III 13 consid. 3.2; ATF 136 III 74 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_484/2011 du 2 novembre 2011 consid. 3.2 in JdT 2012 II 114). Toutefois, lorsque les parties sont représentées par un avocat, le tribunal peut et doit faire preuve de retenue, comme dans un procès soumis à la procédure ordinaire (ATF 141 III 569 consid. 2.3 et les références, 139 III 13 consid. 3.2 et les références).

2. La compétence ratione loci des juridictions genevoises (art. 129 et 130a LDIP, 2 CL, 20 let. d CPC) et l'application du droit suisse (art. 139 al. 1 et 3 LDIP) ne sont à juste titre pas litigieuses.

3. Invoquant une constatation inexacte des faits, l’appelante reproche au premier juge de ne pas avoir tenu compte des éléments présentés dans le cadre de ses déterminations spontanées du 27 janvier 2021.

3.1.1 Garanti aux art. 29 al. 2 Cst et 53 CPC, le droit d'être entendu comprend en particulier le droit pour le justiciable de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur la décision, d'avoir accès au dossier, de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur sujet (ATF 135 II 286 consid. 5.1; 135 I 187 consid. 2.20; 129 II 497 consid. 2.2).

Le droit d’être entendu comprend ainsi le droit des parties de se déterminer sur toute argumentation présentée au tribunal par la partie adverse, que celle-ci contienne ou non de nouveaux éléments de fait ou de droit, et qu’elle soit ou non concrètement susceptible d’influer sur le jugement à rendre. Il appartient aux parties, et non au juge, de décider si une prise de position ou une pièce nouvellement versée au dossier contient des éléments déterminants qui appellent des observations de leur part. Toute prise de position ou pièce nouvelle versée au dossier doit être communiquée aux parties pour leur permettre de décider si elles veulent ou non faire usage de leur faculté de se déterminer (ATF 146 III 97 consid. 3.4.1; 144 III 117 consid. 2; 139 I 189 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_964/2019 du 15 janvier 2020 consid. 3.1.3). Ce droit de réplique existe indépendamment du fait que le CPC prévoie ou non l’opportunité de prendre position sur l’argumentation de la partie adverse ou que le tribunal ordonne ou non un second échange d’écriture (ATF 146 III 97 consid. 3.4.2).

Le droit d'être entendu impose également au juge de motiver sa décision, afin que le destinataire puisse en saisir la portée et, le cas échéant, l'attaquer en connaissance de cause. Pour répondre à cette exigence, il suffit que le juge mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision (ATF 137 II 266 consid. 3.2; 136 I 229 consid. 5.2). Il n’a pas l’obligation d’exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à ceux qui, sans arbitraire, apparaissent pertinents (ATF 142 III 433 consid. 4.3.2; 141 IV 249 consid. 1.3.1; arrêts du Tribunal fédéral 5A_10/2021 du 1er juillet 2021 consid. 3.2.2 et 5A_19/2020 du 18 mai 2020 consid. 6). Il n’y a violation du droit d’être entendu que si l’autorité n’a pas satisfait à son devoir minimum d’examiner et de traiter les problèmes pertinents (ATF 135 III 670 consid. 3.3.1; 133 III 235 consid. 5.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_609/2012 du 12 septembre 2012 consid. 3.1). L’essentiel est que la décision indique clairement les faits qui sont établis et les déductions juridiques qui sont tirées de l’état de fait déterminant (ATF 142 II 154 consid. 4.2 ; 135 II 145 consid. 8.2). En revanche, l’autorité se rend coupable d’un déni de justice formel si elle omet de se prononcer sur des griefs qui présentent une certaine pertinence ou de prendre en considération des allégués et arguments importants pour la décision à rendre (ATF 143 III 65 consid. 5.2; 142 III 433 consid. 4.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_10/2021 précité).

Par exception au principe de la nature formelle du droit d’être entendu, la jurisprudence admet qu’une violation de ce principe est considérée comme réparée lorsque l’intéressé jouit de la possibilité de s’exprimer librement devant une autorité de recours disposant du même pouvoir d’examen que l’autorité précédente et pouvant ainsi contrôler librement l’état de fait et les considérations juridiques de la décision attaquée (ATF 133 I 201 consid. 2.2; 129 I 129 consid. 2.2.3; 127 V 431 consid. 3d/aa; 126 V 130 consid. 2b; arrêt du Tribunal fédéral 8C_104/2010 du 20 septembre 2010 consid. 3.2).

3.1.2 La procédure simplifiée régit notamment les litiges portant sur le droit d’accès aux données prévu par la loi fédérale du 19 juin 1992 sur la protection des données.

En procédure ordinaire, les parties ont deux fois la possibilité de s’exprimer sans limites. Il en va de même, par analogie, en procédure simplifiée. Cette jurisprudence a toutefois été développée pour les procédures dans lesquelles les parties se sont effectivement exprimées une première fois. Si le tribunal impartit un délai au défendeur pour déposer sa réponse, et que celui-ci déclare ne pas vouloir s'exprimer sur l'objet du procès, le tribunal n'est pas tenu de donner à nouveau au demandeur l'occasion de se déterminer. Il n'y a de droit de réplique que si la partie adverse se détermine sur la cause (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1) et le tribunal n'est pas obligé d'ordonner un second échange d'écritures (cf. art. 225 en lien avec art. 219 CPC; ATF 144 III 117 consid. 2.2 et les références, arrêt du Tribunal fédéral 5A_921/2017 du 16 juillet 2018 consid. 3.5).

Lorsque le juge doit établir les faits d’office, comme c’est le cas lors d’une procédure portant sur le droit d’accès aux données, le tribunal admet des faits et moyens de preuve nouveaux jusqu’aux délibérations (art. 229 al. 3 et 247 al. 2 CPC).

3.2 En l’espèce, en reprochant au premier juge de ne pas avoir tenu compte des éléments de fait et de preuve fournis dans le cadre de ses déterminations spontanées du 27 janvier 2021, l’appelante fait, en réalité, essentiellement grief au Tribunal d’avoir violé son droit d’être entendu.

Contrairement à ce que soutient l’intimée, l’écriture litigieuse, qui constitue une réplique, et son bordereau de pièces, déposés par l'appelante avant que la cause n'ait été gardée à juger par le Tribunal, sont recevables. Toutefois, l'appelante n'expose pas pour quels motifs les éléments exposés seraient de nature à influer sur le sort du litige, celle-ci se limitant à les reprendre tels quels dans la partie en fait de son appel et à soutenir que si le premier juge les avait examinés, il n'aurait pas retenu que la demande visait exclusivement à obtenir des informations destinées à une autre fin que de faire valoir les droits que lui conférait la LPD. En tout état, il résulte de ce qui suit (cf. consid. 4.2) que ces faits sont sans incidence sur l'issue du litige.

Pour le surplus, même à admettre une violation de son droit d’être entendu, celle-ci peut être réparée devant la Cour de céans, qui dispose d’un plein pouvoir d’examen en fait en droit et devant laquelle l’appelante a pu s’exprimer, de sorte qu’elle est sans conséquence.

Ce grief sera dès lors écarté.

4. L’appelante fait grief au Tribunal d’avoir rejeté la demande d’accès, en considérant que celle-ci avait été formulée à une autre fin que de faire valoir les droits que lui conférait la LPD, ce qui était constitutif d’un abus de droit.

Elle soutient exercer son droit d’accès aux données qui la concernent elle et les membres décédés de sa famille afin de contrôler que leur traitement a été effectué en conformité avec la loi.

4.1 La loi fédérale sur la protection des données du 19 juin 1992 (RS 235.1; ci-après LPD) vise à protéger la personnalité et les droits fondamentaux des personnes qui font l’objet d’un traitement de données (art. 1 LPD). En conformité de ce but, le droit d’accès selon l’art. 8 LPD sert en premier lieu à la protection de la personnalité. Il permet à la personne concernée de contrôler les données traitées figurant dans le fichier d’un tiers, afin de concrétiser dans la réalité le respect des principes du droit de la protection des données, comme la collecte des données par des procédés licites et conformes à la bonne foi, l’exactitude des données et leur traitement conforme au principe de la proportionnalité (ATF 138 III 425 consid. 5.3 in SJ 2013 I p. 81ss).

4.1.1 En vertu de l'art. 8 LPD, toute personne peut demander au maître d'un fichier si des données la concernant sont traitées (al. 1). Le maître du fichier doit lui communiquer: toutes les données la concernant qui sont contenues dans le fichier, y compris les informations disponibles sur l'origine des données (al. 2 let. a); le but et éventuellement la base juridique du traitement, les catégories de données personnelles traitées, de participants au fichier et de destinataires des données (al. 2 let. b).

Ce droit d’accès vise à faire valoir le respect de la personnalité. Il donne la possibilité à la personne dont les données sont traitées de vérifier si le traitement est conforme aux principes juridiques applicables (arrêt du Tribunal fédéral 4A_277/2020 du 18 novembre 2020 consid. 5.2).

4.1.2 Selon l'art. 9 LPD, le maître du fichier peut refuser ou restreindre la communication des renseignements demandés, voire en différer l'octroi, dans la mesure où une loi au sens formel le prévoit ou si les intérêts prépondérants d'un tiers l'exigent.

L'art. 47 LB ne règle pas le secret bancaire en tant que tel, mais il prévoit la sanction (pénale) en cas de violation de ce secret. La doctrine majoritaire est d'avis que
l'art. 47 LB fait en principe partie des bases légales formelles au sens de l'art. 9
al. 1 let. a LPD (ATF 141 III 119 consid. 5.1).

La preuve de l’existence d’un intérêt prépondérant à restreindre le droit d’accès incombe au maître du fichier (ATF 141 III 119 consid. 7.2, SJ 2015 I 353 et les références citées).

L’exercice du droit d’accès peut également être limité par l’interdiction de l’abus de droit (art. 2 al. 2 CC), en particulier lorsque le droit d’accès est utilisé dans un but étranger à la protection des données.

4.1.3 En règle générale, l’exercice du droit d'accès selon l'art. 8 LPD - donc la remise écrite d'information – ne dépend pas de la preuve d’un intérêt. Toutefois, lorsque le maître du fichier se prévaut d’un intérêt pour restreindre, refuser ou reporter l’octroi de l’accès, une pesée des intérêts devient nécessaire. Le requérant doit alors établir, d’une part, qu’il a un intérêt à demander accès aux renseignements visés et, d’autre part, que son intérêt l’emporte sur les intérêts invoqués par le maître du fichier (Rouiller/Epiney, Le droit d'accès, 2021, p. 8).

La prise en compte de l'intérêt du titulaire du droit d'accès joue également un rôle lorsqu'un abus de droit entre en considération (ATF 141 III 119 consid. 7.1.1, SJ 2015 I 353; ATF 138 III 425 consid. 5.4, SJ 2013 I 81; arrêt du Tribunal fédéral 1C_415/2019 du 27 mars 2020 consid. 3.1). Dans un tel cas, le requérant devra exposer son intérêt à accéder à ses données et démontrer ainsi que sa requête n’est pas abusive (Rouiller/Epiney, op. cit., p. 13).

L'existence d'un abus de droit (art. 2 al. 2 CC) doit être reconnue lorsque l'exercice du droit par le titulaire ne répond à aucun intérêt digne de protection, qu'il est purement chicanier ou, lorsque, dans les circonstances dans lesquelles il est exercé, le droit est mis au service d'intérêts qui ne correspondent pas à ceux que la règle est destinée à protéger, par exemple lorsque le droit d'accès n'est utilisé que pour nuire au débiteur de ce droit. Il faudrait aussi considérer comme contraire à son but et donc abusive l'utilisation du droit d'accès dans le but exclusif d'espionner une (future) partie adverse et de se procurer des preuves normalement inaccessibles, l’art. 8 LPD ne visant pas à faciliter l’obtention de preuves ou à interférer dans le droit de procédure civile. Ce serait ainsi le cas d'une requête qui ne constitue qu'un prétexte à une recherche indéterminée de moyens de preuve (« fishing expedition ») (ATF 141 III 119 consid. 7.1, SJ 2015 I 353; ATF 138 III 425 consid. 5.4-5.6 et 6.4, SJ 2013 I 81; ATF 147 III 139 consid. 1.7.2).

Dans les ATF 138 III 425 et 141 III 119, le Tribunal fédéral a nié l'existence d'un abus de droit, car un intérêt à pouvoir vérifier les données concernant le titulaire du droit d’accès, respectivement leur traitement par le maître du fichier, était reconnaissable. Plus récemment, le Tribunal fédéral a encore circonscrit la portée du droit d’accès sous l’angle de la loi sur la protection des données (cf. ATF 147 III 139 et arrêt du Tribunal fédéral 4A_277/2020 du 18 novembre 2020). Si la demande tendant à obtenir des données en vue d’une éventuelle action judiciaire contre le maître du fichier n’est pas constitutive d’un abus de droit, elle l’est en revanche lorsqu’elle vise exclusivement à en évaluer les chances de succès (ATF 138 III 425 consid. 5.6; arrêt du Tribunal fédéral 4A_277/2020 du 18 novembre 2020 consid. 5.4).

Ainsi, le Tribunal fédéral a admis le caractère abusif d’une demande d’accès dont le seul et réel but était de récolter des preuves en vue d’une éventuelle procédure. Le contenu (respectivement l’ampleur) de la demande en était d’ailleurs la preuve. En outre, les demandeurs n’alléguaient pas vouloir vérifier le respect des principes du traitement des données les concernant ou leur exactitude dans le but de faire valoir des prétentions fondées sur la LPD (arrêt du Tribunal fédéral 4A_277/2020 précité).

Il s’agit d’évaluer les circonstances de chaque cas d’espèce pour déterminer si un abus de droit doit être retenu (ATF 138 III 425 consid. 4.3).

4.2 En l’espèce, l'appelante a réclamé l'accès à de nombreux documents la concernant et concernant les membres décédés de sa famille à l'intimée, qui le lui a refusé en faisant valoir que la demande était abusive.

Le Tribunal a considéré que la demande de l’appelante ne visait pas à vérifier si le traitement de données opérées par l’intimée était licite au sens de la LPD, ni si les données traitées étaient justes ou encore si sa personnalité n’était pas lésée par ledit traitement et que, partant, en se fondant sur la LPD pour obtenir exclusivement des informations destinées à une autre fin que de faire valoir les droits que lui conférait cette loi, l’appelante commettait un abus de droit.

L’appelante fait valoir que sa demande d’accès ne vise pas exclusivement à obtenir des informations destinées à une autre fin que de faire valoir les droits prévus par la LPD puisqu’elle tend également à contrôler que le traitement de ses données et de celles des membres de sa famille ont été effectués en conformité avec la loi.

Or, il doit être considéré que cette seconde motivation n’a été formulée que pour justifier sa requête en droit d’accès.

En effet, l’appelante s’est initialement prévalue des règles du droit des successions et du droit contractuel lorsqu’elle a sollicité de l’intimée, le 9 décembre 2019, qu’elle rende compte « pleinement et entièrement ». Contrairement à ce que prétend l'appelante, ce courrier s'inscrit dans le même contexte que celui qui a donné lieu au courrier du 24 décembre 2019, dans lequel il est précisé que le conseil genevois a été mandaté par l'appelante pour l’assister dans les démarches entreprises auprès de l’intimée, et à la présente procédure. Son contenu ne peut dès lors être ignoré.

En outre, selon le courrier du 24 décembre 2019, la requête de l'appelante tendant à la production d’un grand nombre de documents la concernant elle et des membres de sa famille, qui invoquait les règles en matière de protection des données, était motivée par la découverte que des avoirs, précédemment déposés sur le compte de la fondation de la famille avaient été transférés sur un compte dont son défunt fils était le seul ayant droit économique à teneur du formulaire A.

Il apparaît dès lors qu’en formulant cette demande, l’appelante ne poursuivait pas un but de protection de ses données personnelles, mais visait plutôt à établir les faits entourant le transfert litigieux.

Cette conclusion est renforcée par le contenu, respectivement l'ampleur, de cette requête – par laquelle l'appelante souhaitait même récupérer des informations sur d’éventuelles rétrocessions perçues par la banque – ainsi que par la demande faite à l'intimée de fournir une déclaration de renonciation à se prévaloir de l'exception de prescription en relation avec d'éventuelles prétentions qu'elle pourrait faire valoir à l'encontre de l'intimée.

Lors de l’introduction de son action en justice, l’appelante a d'ailleurs motivé sa demande en soutenant que la communication des données requises était susceptible de jouer un rôle primordial dans des procédures qu’elle pourrait initier à l’encontre de l’intimée ou de tiers et qu’il s’agissait de vérifier dans quelle mesure l’intimée avait géré les relations bancaires qu’elle entretenait directement ou indirectement avec chacun des membres de la famille C/D/E/F______ dans l’intérêt de ces derniers, ce qui correspond au but premier d’une action en reddition de compte.

Ce n’est qu'en réponse aux arguments présentés par sa partie adverse, laquelle avait soulevé le caractère abusif de la demande en raison de son but, que l’appelante a soutenu que la documentation fournie par l’intimée mettait en lumière des erreurs dans le traitement des données par la banque. En effet, selon elle, les rapports de données personnelles fournis ne comportaient aucune mention des qualités de settlor, d’ayant-droit économique, de bénéficiaire, de beneficial owner et de personne détenant le contrôle, alors que la Déclaration figurant sur le site internet de l’intimée prévoyait que la banque traitait les informations y relatives. Les rapports ne comportaient pas non plus d’informations concernant les relations bancaires closes ou encore la procuration octroyée par elle-même et sa fille à feu D______. Or, il n'apparaît pas qu'elle ait requis de la Banque qu'elle corrige ces documents, qu'elle avait déjà en sa possession. Cette motivation semble ainsi avoir été formulée aux seules fins de justifier son action sous l'angle de la loi sur la protection des données.

Comme l’a relevé à juste titre le premier juge, ce que l’appelante reproche en réalité à l’intimée, c’est l’enregistrement de feu D______ en qualité de bénéficiaire économique des avoirs transférés depuis le compte de la fondation. Elle soutient à ce propos que seule l’analyse des documents sollicités lui permettrait de vérifier si l’intimée avait failli à son obligation de l’enregistrer elle et/ou les autres membres de sa famille en qualité d’ayant-droit économique et bénéficiaire des avoirs transférés sur le compte de son défunt fils. Or, elle dispose déjà de la documentation bancaire concernant ladite relation, laquelle inclut la correspondance avec le client depuis 2009. La demande, qui vise à récolter un grand nombre de pièces (notamment les profils-clients, les documents de base de toutes les relations bancaires ouvertes ou clôturées, les rapports de visite, les communications entre la banque et les membres de la famille ainsi qu’entre la banque et tout autre tiers, les notes internes qui n’ont pas été réservées à un usage strictement personnel) concernant plusieurs membres de la famille C/D/E/F______, apparaît ainsi avoir été déposée à des fins exploratoires.

Dès lors, quand bien même elle prétend poursuivre un but de protection des données, il résulte des éléments figurant à la procédure, notamment de la correspondance échangée par les parties, que la demande de l’appelante ne tend pas à vérifier le respect des principes du traitement des données la concernant et/ou concernant les membres de sa famille dans le but de faire valoir des prétentions fondées sur la LPD mais vise exclusivement à récolter des preuves afin d’évaluer les chances de succès d’une éventuelle action judiciaire contre l’intimée ou des tiers dans le cadre notamment de la succession litigieuse de son fils. Une telle démarche est abusive.

Au vu de ce qui précède, c’est donc à bon droit que le Tribunal a jugé la requête de l’appelante abusive en tant qu’elle la concernait et, a fortiori, en tant qu’elle concernait feu C______, feu D______ et feue E______.

Le jugement sera par conséquent confirmé.

5. A titre superfétatoire, la demande, en tant qu'elle vise à récupérer les données concernant feu C______, feu D______ et feue E______, doit également être rejetée au vu des considérants qui suivent.

5.1.1 La qualité pour agir (légitimation active) relève du droit matériel, de sorte qu’elle ressortit au droit privé fédéral s’agissant des actions soumises à ce droit (ATF 139 III 504 consid. 1.2; 133 III 180 consid. 3.4, JdT 2010 I 239; arrêt du Tribunal fédéral 4A_1/2014 du 26 mars 2014 consid. 2.3). Elle se détermine selon le droit au fond et son défaut conduit au rejet de l’action qui intervient indépendamment de la réalisation des éléments objectifs de la prétention litigieuse (ATF 126 III 59 consid. 1a; arrêt du Tribunal fédéral 4C.353/2004 du 29 décembre 2004 consid. 2.1). Cette question doit être examinée d’office et librement (ATF 126 III 59 consid. 1a; arrêt du Tribunal fédéral 4C.353/2004 précité).

5.1.2 Le titulaire du droit d'accès est la personne (physique ou morale) au sujet de laquelle les données personnelles sont traitées (art. 3 let. a et b, 8 al. 1 LPD), à qui appartient dès lors la légitimation active pour agir en justice dans ce cadre (Meier, Protection des données, 2011, n. 1112, p. 398).

Le droit d'accès aux données personnelles relevant des droits de la personnalité, il est non transmissible à cause de mort, non cessible et ne se prescrit pas (Meier, op. cit., 2011, n. 975, p. 364). La personnalité s'éteignant par la mort (art. 31 al. 1 CC), les données des personnes décédées ne devraient donc pas être régies par la LPD. Elles font néanmoins l'objet d’une disposition figurant dans l’ordonnance relative à la loi fédérale sur la protection des données du 14 juin 1993 (RS 235.11; ci-après OLPD). Ainsi, le proche qui demanderait à consulter le dossier d'une personne décédée auprès d'une personne privée pourrait se prévaloir de l'art. 1 al. 7 OLPD, à teneur duquel la consultation des données d'une personne décédée est accordée lorsque le requérant justifie un intérêt à la consultation et qu'aucun intérêt prépondérant de proches de la personne décédée ou de tiers ne s'y oppose. Un intérêt est établi en cas de proche parenté ou de mariage avec la personne décédée (Meier, op. cit., n. 343, p. 176). Une pesée des intérêts doit ainsi avoir lieu entre, d’une part, l’intérêt du requérant à obtenir les données de la personne décédée et, d’autre part, les intérêts de tiers ou de proches du défunt. Outre les intérêts prépondérants de tiers ou de proches de la personne décédée, l’intérêt du défunt devrait être pris en compte. Le secret professionnel ou médical, notamment, peut ainsi s’opposer au droit des descendants (Meier, op. cit., n. 1013-1014, p. 376-377; Rouiller/Epiney, Le droit d’accès, 2021, p. 17-18).

5.1.3 Une partie de la doctrine estime que l’art. 1 al. 7 OLPD est contraire à la loi et ne satisfait pas aux exigences constitutionnelles de base légale, dans la mesure où la LPD ne prévoit pas de droit d’accès pour les tiers (Maurer-Lambrou/Kunz, Basler Kommentar, Datenschutzgesetz, 2014, n. 6 ad art. 2; Hertig Pea, La protection des données personnelles médicales est-elle efficace ? Étude des moyens d’action en droit suisse, thèse, Bâle 2013, p. 119ss; Ruedin, Stämpfli Handkommentar, Datenschutzgesetz, Berne 2015, n. 28 ad art. 8; Belser/Epiney/Waldmann, Datenschutzrecht, 2011, p. 611; Peter, Das Datenschutzgesetz im Privatbereich, Zürcher Studium zum Privatrecht, 1994,
p. 217). D’autres voient plutôt dans ce droit non pas un droit d’accès à proprement parler, mais un droit sui generis de consultation d’un dossier, qui ne consiste pas en un droit du défunt se transmettant aux héritiers, mais en un droit propre des proches (Meier, op. cit, n. 1012-1014, p. 376-377; Eigenmann, Succession et secret, in Steinauer/Mooser/Eigenmann (éds), Journée de droit successoral 2019, Berne 2019, n. 90).

La jurisprudence fédérale a laissé la question ouverte, notamment dans l’ATF 140 V 464. Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral a néanmoins rappelé que l'article 8 LPD permettait uniquement à la personne concernée de consulter les informations la concernant et que ce droit d’accès n'était pas transmissible aux héritiers. En tout état, le droit à la protection des données ne s'appliquait que dans la mesure où il était mis au service des intérêts que la règle était destinée à protéger, soit, s'agissant de l'art. 8 LPD, de permettre à la personne concernée d'exercer ses autres droits en matière de protection des données. Cela valait également pour l'article 1 OLPD. Dans la mesure où la demande de la recourante tendait uniquement à la revendication d'un droit successoral, elle ne coïncidait pas avec l'objectif de la LPD. La recourante ne pouvait donc pas s'en prévaloir. Suivant ce constat, restait ouverte la question de savoir si l'article 1 al. 7 OLPD était légal (ATF 140 V 464
consid. 4.2, traduit in Revue de droit administratif et de droit fiscal des 3-4-5 septembre 2015, p. 285-287).

Le tribunal cantonal zurichois a quant à lui refusé à un fils, qui se prévalait de l'art. 1 al. 7 OLPD, d'accéder aux données de son père décédé, jugeant que cette disposition était contraire à la loi (arrêt de l'Obergericht de Zurich du 16 novembre 2016 rendu dans la cause NP160017-O/U consid. IV.2).

Le Conseil fédéral avait prévu, dans le cadre du projet de révision de la LPD, d’insérer un article portant sur l’accès aux données de personnes décédées. Cet article aurait précisé les conditions auxquelles le droit d’accès pouvait être accordé et ajouté notamment que l’intérêt du défunt devait être pris en compte. Cette disposition a cependant été supprimée par le Parlement dans la nouvelle LPD telle qu’adoptée en septembre 2020, celui-ci ayant estimé que la question était déjà suffisamment réglementée, notamment par le Code civil (Rouiller/Epiney, op. cit., p. 17-19 et les références citées; Communiqué de presse du 16 août 2019 de la Commission des institutions politiques "Réforme de la protection des données : Fin de l'examen du projet"; BO 2019 N 1805 et 1806). Il ressort du rapport explicatif que la consultation de données d'une personne décédée n'a pas non plus été reprise dans la nouvelle OLPD car, d'une part, régler cette question dans une ordonnance n'était pas adéquat et, d'autre part, le Parlement avait refusé d'introduire un projet d'article à ce sujet dans la nouvelle LPD (Révision totale de l’ordonnance relative à la loi fédérale sur la protection des données, rapport explicatif relatif à la procédure de consultation du 23 juin 2021, p. 11).

5.2 En l’espèce, l’appelante réclame la communication de nombreux documents dont dispose l’intimée à son sujet et au sujet de son défunt mari et de ses enfants prédécédés.

Si elle peut fonder, le cas échéant, ses prétentions la concernant sur le droit d’accès de l’art. 8 LPD, que ce soit en sa qualité de titulaire d’un compte, d’ayant droit économique, de titulaire d’une procuration ou autre, elle ne peut le faire s’agissant de ses proches, qui étaient seuls titulaires de ce droit, qui s’est définitivement éteint à leurs décès.

L’appelante s’estime légitimée à le faire en raison de son lien de parenté direct avec ceux-ci et reproche au premier juge d’avoir retenu qu’elle n’avait pas établi être la seule représentante de sa famille encore en vie sans l’avoir interpelée à ce sujet, violant ainsi la maxime inquisitoire sociale.

L’appelante, en tant que veuve et mère, rentre manifestement dans la définition de parents proches énoncés ci-dessus. Si l’art. 1 al. 7 OLPD pourrait lui permettre de consulter les données de feu C______, feu D______ et feue E______, reste que les intérêts des autres proches et tiers devraient être pris en compte. En l’occurrence, il ressort de la procédure que son fils aurait institué une héritière par testament et qu’une procédure est pendante en lien avec la succession de celui-ci, ce que l’appelante ne conteste pas. L’intérêt de l’héritière instituée, dont les liens avec le défunt ne sont pas connus, pourrait donc s’opposer à celui de l’appelante d’accéder aux informations bancaires sollicitées.

Quoi qu'il en soit, conformément à ce que considère une partie de la doctrine, il doit être considéré que l'art. 1 al. 7 OLPD est contraire à la loi, la LPD ne régissant pas l'accès aux données d'une personne décédée dans la mesure où le droit d'accès relève des droits de la personnalité, laquelle s'éteint par la mort. L'appelante ne peut dès lors s'en prévaloir pour justifier sa demande en tant qu'elle concerne des données des membres décédés de sa famille, soit des données qui ne lui sont pas propres.

Cette possibilité a d'ailleurs été écartée dans le cadre de la réforme du droit de la protection des données.

Ainsi, pour cette raison également, la demande, en tant qu'elle vise à récupérer les données concernant feu C______, feu D______ et feue E______, doit être rejetée.

6. Les frais judiciaires d’appel seront arrêtés à 2'000 fr. (art. 5, 18 et 35 RTFMC) et mis à la charge de l’appelante, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Ils seront entièrement compensés avec l’avance versée par cette dernière, qui reste acquise à l’Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Elle sera en outre condamnée à verser à l’intimée des dépens d’appel de 2'000 fr., débours et TVA compris (art. 84, 86 et 90 RTFMC; art. 25 et 26 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 6 septembre 2021 par A______ contre le jugement JTPI/8759/2021 rendu le 29 juin 2021 par le Tribunal de première instance dans la cause C/3839/2020.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d’appel à 2'000 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l’avance versée par cette dernière, qui reste acquise à l’Etat de Genève.

Condamne A______ à verser à B______ SA la somme de 2'000 fr. à titre de dépens d’appel.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président ; Monsieur Patrick CHENAUX, Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges ; Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.