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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3101/2021

JTAPI/741/2023 du 29.06.2023 ( AMENAG ) , REJETE

REJETE par ATA/237/2024

Descripteurs : CONSTATATION DE LA NATURE FORESTIÈRE;NOTION DE FORÊT;PROTECTION DE LA FORÊT;FONCTION DE LA FORÊT
Normes : LFo.1; LForêts.2.al1; Cst.9
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3101/2021 AMENAG

JTAPI/741/2023

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 29 juin 2023

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Pascal PETROZ, avocat, avec élection de domicile

 

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE - OCAN

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______ est propriétaire de la parcelle n° 1______ de la commune de B______ (ci-après: la commune), sise en zone de développement industriel et artisanal, laquelle se superpose à la zone agricole préexistante.

2.             Dans le cadre de la procédure de modification des limites de la zone industrielle C______ (ci-après: C______), il a été demandé au département du territoire (ci-après: le département), soit pour lui l'office cantonal de l'agriculture et de la nature (ci-après: OCAN), courant 2018, de se déterminer quant à la nature forestière des boisés situés sur les parcelles nos 2______, 1______, 3______, 4______ et 5______ de la commune, localisées dans la C______.

Les trois premières avaient fait l'objet d'un arrêt de l'ancien tribunal administratif du 24 mai 2005 (ATA/355/2005), lequel a infirmé leur nature forestière.

3.             Le 3 juin 2021, l'OCAN a publié dans la Feuille d'avis officielle (ci-après: FAO) quatre requêtes en constatation de la nature forestière concernant les parcelles nos 2______, 1______, 3______, 4______ et 5______.

4.             Par courrier du même jour, l'OCAN a informé M. A______ de la publication des requêtes nos 6______et 7______, lui impartissant un délai de trente jours pour faire valoir ses observations.

5.             Par courrier du 9 juillet 2021, sous la plume de son conseil, M. A______ a indiqué à l'OCAN qu'il s'opposait à la constatation de la nature forestière s'agissant des deux requêtes précitées, au motif que le protocole y afférent avait lui-même admis que les fonctions qualitatives de la forêt n'étaient pas significatives. De plus, il déplorait l'approche contradictoire de l'État de Genève qui, bien que déployant des efforts dans le cadre de cette procédure, entendait réaliser un projet de remplacement de cette prétendue portion de forêt par de l'asphalte.

6.             Par décisions simultanées du 16 juillet 2021, l'OCAN a constaté la nature forestière des peuplements boisés présents sur les parcelles nos 2______, 1______, 3______, 4______ et 5______. Chaque décision était accompagnée de son protocole ainsi que d'un plan situant les différents boisés :

-          le protocole n° 6______retenait que le boisé du secteur 1 (parcelle nos 2______, 1______, 3______, 4______ et 5______) était constitué à 95% d'espèces d'arbres indigènes (chêne, saule et feuillus divers) et à 5% d'espèces d'arbres étrangers (robinier), que l'âge du peuplement était supérieur à trente ans, que le degré de couvert atteignait 80%, sans étage intermédiaire, mais avec un sous-bois naturel. Concernant les fonctions forestières, l'inspecteur avait jugé la fonction « structure paysagère » comme étant « très importante » et celle de « biodiversité » comme « significative ». Les fonctions de « protection », de « récréation » et de « production » avaient été jugée comme de « peu d'intérêt ». Dans la partie « commentaire », l'inspecteur indiquait qu'il s'agissait d'un petit massif forestier rattaché au Bois de D______ par une coulisse de gros arbres accompagnée d'un riche sous-bois au Sud. Le solde du massif était constitué d'arbres d'âge variable (entre 30 et 120 ans) avec un sous-bois diversifié. Il était précisé que cette structure forestière était un élément marquant du paysage ;

-          le protocole n° 7______ retenait que le boisé du secteur 2 (parcelles nos 1______ et 2______) était constitué à 100% d'espèces d'arbres indigènes (peuplier, saule, bouleau, chêne, charme et feuillus divers), que l'âge du peuplement était supérieur à 15 ans, que le degré de couvert atteignait 95%, qu'il n'existait pas d'étage intermédiaire et que le sous-bois était relativement faible au vu de la très forte densité du peuplement principal. Concernant les fonctions forestières, l'inspecteur avait jugé la fonction « structure paysagère » comme étant « très importante » et celle de « biodiversité » comme « significative ». Les fonctions de « protection », de « récréation » et de « production » avaient été jugées comme de peu d'intérêt. Dans la partie « commentaire », l'inspecteur indiquait qu'il s'agissait d'un jeune boisement composé en partie d'espèce indigènes arbustives. Il était souligné que le massif forestier marquait fortement le paysage et était composé d'une lisière de qualité à l'Est ;

-          le protocole n° 8______ retenait que le boisé du secteur 3 (parcelles n° 3______) était constitué à 80% d'espèces d'arbres indigènes (peuplier, saule et frêne) et à 20% d'espèces d'arbres étrangers (robinier), que l'âge du peuplement était supérieur à 15 ans, que le degré de couvert atteignait 80%, sans étage intermédiaire mais avec un sous-bois naturel. Des containers et diverses baraques étaient présentes en bordure Nord du boisé. Concernant les fonctions forestières, l'inspecteur avait jugé la fonction « structure paysagère », de « biodiversité » et de « protection » comme étant « significative ». Les fonctions de « récréation » et de « production » avaient été jugées comme de « peu d'intérêt ». Dans la partie « commentaire », l'inspecteur relevait que la composition forestière, issue d'une végétation spontanée, se situait sur un talus raide et instable (remblai) et jouait un rôle important dans sa stabilisation ;

-          le protocole n° 9______ retenait que le boisé du secteur 3 (parcelles nos 3______ et 4______) était constitué à 10% d'espèces d'arbres indigènes (chêne, frêne et cerisier) et à 90% d'espèces d'arbres étrangers (robinier), que l'âge du peuplement était supérieur à 40 ans et que le degré de couvert atteignait 80%, sans étage intermédiaire mais avec un sous-bois naturel. Concernant les fonctions forestières, l'inspecteur avait jugé la fonction « structure paysagère », de « biodiversité » et de « protection » comme étant « significative ». Les fonctions de « récréation » et de « production » avaient été jugées comme de « peu d'intérêt ». Dans la partie « commentaire », l'inspecteur indiquait qu'il s'agissait d'une coulisse forestière composée principalement de robiniers, laquelle était fonctionnellement rattachée au massif du bois de D______ ;

7.             Ces quatre décisions ont été publiées dans la FAO du 19 juillet 2021 et notifiées personnellement aux propriétaires concernés. En particulier, M. A______ s'est vu notifier par courrier du 16 juillet 2021 les décisions nos 6______et 7______. L'OCAN l'informait que ses observations, en plus d'être tardives, ne remettaient pas en cause la nature des boisés litigieux.

8.             Par acte du 14 septembre 2021, sous la plume de son conseil, M. A______ (ci-après : le recourant) a formé recours contre les décisions de constatation de la nature forestière 6______à 9______ auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après: tribunal), concluant, à titre préalable, à ce que IIOCAN soit condamné à compléter les différents protocoles liés aux décisions litigieuses en indiquant les surfaces et les largeurs des boisés considérés et à ce qu'un transport sur place soit ordonné. À titre principal, il concluait à l'annulation des décisions litigieuses, sous suite de frais et dépens.

Les critères quantitatifs et qualitatifs de la notion de forêt n'étaient pas respectés. L'OCAN avait subdivisé l'ensemble du secteur en fonction des caractéristiques des peuplements boisés. Si un relevé et un protocole étaient joints à chaque décision à titre de motivation, les plans en question ne faisaient aucunement état de la surface des boisés considérés, ni de leur largeur, rendant difficilement vérifiables les valeurs requises pour qu'une surface boisée soit reconnue comme forêt, raison pour laquelle un complément d'instruction était sollicité.

Par ailleurs, l'ensemble des boisés considérés ne présentait pas une structure particulièrement marquée. Ces derniers constituaient une prolongation du bois de D______, comme cela ressortait d'ailleurs des protocoles 6______ et 9______, respectivement des images aériennes. De surcroît, même en présence de ces critères quantitatifs, les critères qualitatifs pouvaient être décisifs pour la qualification de forêt. En l'espèce les différents protocoles laissaient apparaitre que les fonctions protectrice, sociale et économique n'étaient pas réalisées. En outre, il n'était nullement mis en évidence que les boisés considérés visaient à préserver le milieu vital de la faune et de la flore sauvages et à protéger les habitats convenant particulièrement bien à certaines biocénoses ou certaines espèces. Quant aux critères de récréation (social) et de production (économique), l'ensemble des protocoles retenaient que les boisés en question étaient de « peu d'intérêt », exception faite du protocole au dossier n8______ qui retenait le critère social comme étant « significatif ». Plus encore, le critère social était d'autant plus inexistant qu'il était question d'une zone industrielle. Aussi, compte tenu de l'importance donnée aux critères qualitatifs et au vu de la composition du tribunal de céans, il convenait d'ordonner un transport sur place afin qu'il soit constaté d'une part que les boisés considérés ne présentaient pas une structure particulièrement marquée objectivement distincte d'un simple cordon boisé, et d'autre part, que les critères qualitatifs n'étaient pas significatifs. À toutes fins utiles, le protocole n° 8______ mentionnait que les espèces indigènes ne représentaient que 80% du boisé, respectivement 10% s'agissant du protocole no 9______. Dans ces circonstances, l'OCAN avait mésusé de son pouvoir d'appréciation dans la détermination des fonctions forestières.

Le secteur concerné était situé en « zone industrielle à densifier », selon le plan directeur cantonal 2030 (ci-après: PDCn 2030). Par ailleurs, ce plan, ainsi que le plan directeur communal, semblaient prévoir que la route E______ devait faire l'objet d'une étude pour un élargissement. Le périmètre concerné était compris dans le développement du barreau routier de F______, lequel prévoyait précisément une densification des zones industrielles. Dès lors, on ne comprenait pas bien pourquoi l'OCAN déployait autant d'énergie dans la constatation de la nature forestière du site en question alors que l'Etat de Genève semblait vouloir remplacer définitivement cette prétendue portion de forêt par de l'asphalte. Il était à se demander s'il n'était pas question d'une tentative de l'État de Genève de constater la nature forestière du périmètre en question à la seule fin d'en diminuer la valeur vénale et, partant, de réduire une éventuelle indemnisation en cas d'expropriation pour l'élaboration du projet routier. De toute évidence, l'État agissait de manière contradictoire et contraire à la bonne foi.

9.             Par courrier du 2 décembre 2021, l'OCAN a répondu au recours.

Le recourant était propriétaire de la parcelle no 1______ de la commune de B______, ce qui lui conférait a priori la qualité pour recourir contre les deux constats de nature forestière portant sur les boisés sis sur sa parcelle. En revanche, les décisions nos 8______ et 9______ portaient sur des boisés situés sur les parcelles nos 3______ et 4______ : le boisé du secteur 4 longeait la limite parcellaire séparant lesdites parcelles, à l'opposé de la parcelle du recourant, et le boisé du secteur 3 se trouvait au milieu de la parcelle no 3______, à plus de 20 m de distance de la parcelle du recourant. Dans l'arrêt ATA/355/2005, la qualité pour recourir avait été reconnue aux recourants car la distance fixée par l'art. 11 al. 1 la loi sur les forêts du 20 mai 1999 (LForêts - M 5 10) entre les constructions et la lisière de forêt était à l'époque de 30 m et, la limite de leur parcelle se trouvant à moins de 30 m du boisement concerné, leurs droits, notamment à bâtir, étaient affectés par la décision de constatation de la nature forestière. Or, depuis le 1er janvier 2017, la distance prévue à l'art. 11 al. 1 LForêts avait été réduite à 20 m. Dès lors que la parcelle du recourant se trouvait à plus de 20 m des boisés des secteurs nos 3 et 4, les décisions en constatation de la nature forestière nos 8______ et 9______ n'affectaient pas ses droits. Par conséquent, aucun intérêt digne de protection ne pouvait lui être reconnu, raison pour laquelle ces deux décisions ne lui avaient pas été notifiées personnellement. Ainsi, son recours contre ces deux décisions était irrecevable.

S'agissant de la demande de transport sur place, l'OCAN s'en remettait à l'appréciation du tribunal.

Au fond, il convenait uniquement d'examiner la nature forestière des décisions nos 6______et 7______.

Celles-ci établissaient que les boisés des secteurs nos 1 et 2 possédaient une fonction de structure paysagère « très importante » et une fonction de biodiversité « significative ». Dès lors que ces critères qualitatifs étaient remplis de manière aussi évidente, les critères quantitatifs passaient au second plan, ce qui expliquait que la surface et la largeur des boisés n'étaient pas mentionnées dans les protocoles en constatation de la nature forestière. En effet, les critères qualitatifs étaient déterminants pour attribuer la nature forestière à un boisé, ce que le recourant admettait dans son recours. Le complément d'instruction et la largeur des boisés étaient dès lors sans pertinence. Par ailleurs, le raisonnement selon lequel les fonctions protectrice, sociale et économique n'étaient pas réalisées en l'espèce ne pouvait être suivi. En effet, les protocoles attestaient de la fonction paysagère « très importante » des boisements, ainsi que de leur fonction significative en matière de biodiversité. Le fait que certaines fonctions étaient considérées comme de « peu d'intérêt » ne diminuait en rien la qualité des autres fonctions, ce qui avait conduit l'inspecteur cantonal à constater la nature forestière des boisés. En outre, le recourant ne démontrait pas en quoi la valeur attribuée aux diverses fonctions était erronée. Il se contentait de relever que certaines fonctions avaient été considérées comme de peu d'intérêt et semblait oublier, lorsqu'il avançait qu'il n'était pas mis en évidence que les boisés visaient à préserver le milieu vital de la faune et de la flore sauvages, que les deux protocoles attribuaient à la fonction « biodiversité » une valeur « significative ». De surcroît, la fonction sociale ne pouvait être exclue au simple motif qu'un boisement allait se situer en partie en zone industrielle. Comme l'avait déjà jugé l'ancien tribunal administratif, la fonction sociale d'un boisé pouvait au contraire être majorée lorsqu'il se situait en zone industrielle.

Concernant un éventuel conflit entre l'ATA/355/2005 et les nouvelles décisions de constatation de la nature forestière contestées, l'art. 10 al. 2 LFo prévoyait que lors de l'élaboration ou la révision d'un plan d'affectation, une constatation de nature forestière devait être ordonnée là où les zones à bâtir confinaient ou allaient confiner à la forêt. Les limites de la forêt devaient être fixées sur la base de la constatation « ayant force de chose jugée ». Le jugement rendu en 2005 ne faisait qu'annuler une décision de nature forestière rendue par le département. Aucune limite forestière n'avait été établie de manière fixe. Etant donné que plus de 15 ans s'étaient écoulés depuis ce jugement, et afin de prendre en compte l'évolution des boisés sur ces terrains, un nouveau constat de nature forestière devait être effectué dans le cadre de la procédure de modification des limites de la C______. Le jugement de 2005 ne pouvant avoir pour effet de bloquer la dynamique de la forêt, il en résultait que les boisés visés par la précédente procédure et conquis par la végétation forestière étaient devenus de plein droit assujettis au régime forestier, quelle que soit leur affectation antérieure.

S'agissant du second grief, l'hypothèse du recourant ne reposait sur aucun fondement. À toutes fins utiles, lors de la constatation de la nature forestière d'un boisé, l'inspecteur cantonal des forêts ne procédait à aucune pondération des intérêts privés ou publics. De surcroît, comme le montrait le jugement de 2005, l'OCAN maintenait sa position depuis 2002, puisqu'il considérait déjà que les boisés litigieux étaient de nature forestière. Or, à cette époque, le barreau routier de F______ n'était pas envisagé, ce qui démontrait que l'OCAN n'agissait pas dans le dessein que lui prêtait le recourant.

10.         Par courrier du 3 janvier 2022, le recourant a répliqué.

Après consultation du SITG, le boisé faisant l'objet de la décision 8______ se situait en partie à moins de 20 m de distance de la parcelle no 1______. Il était erroné de soutenir que cette décision n'aurait aucune incidence sur ses droits à bâtir au regard de l'art. 11 al. 1 LForêts. Par ailleurs, dans l'ATA/355/2005, les recourants avaient un intérêt digne de protection à ce que leurs droits, notamment à bâtir, ne soient pas affectés par les limites de la lisière imposées par la législation visant la protection des forêts. La restriction des droits à bâtir n'était ainsi pas le seul élément justifiant de la qualité pour agir. Concernant le boisé objet de la décision 9______, bien qu'il soit situé à plus de 20 m de sa parcelle, celui-ci avait tout de même un intérêt digne de protection à contester cette décision. Dans le cadre d'une analyse plus globale et factuelle, il disposait en effet d'un intérêt à ce que la C______ puisse être densifiée conformément au PDCn 2030. Or, l'entrée en force de la décision 9______ allait être de toute évidence un obstacle majeur à une telle densification de zone.

Au fond, s'agissant des critères quantitatifs, il persistait dans sa demande de complément d'instruction relative aux mesures de surfaces des boisés considérés. En outre, en se concentrant sur la décision 8______, le boisé concerné ne pouvait être qualifié de forêt d'un point de vue quantitatif, dès lors que sa largeur était a priori inférieure à 12 m et que sa surface avoisinait les 500 m2.

S'agissant des critères qualitatifs, il se référait intégralement à ses précédentes écritures, relevant toutefois que dans le jugement de 2005, la présence de « masses boisées d'origine diverses accompagnées d'une végétation naturelle spontanée implantée sur des remblais ayant été créés lors du développement sauvage de la zone industriel » avait été relevé. Il n'était ainsi pas question d'une structure marquée importante au sens de la jurisprudence. Par ailleurs, il avait été aussi relevé que « le juge délégué n'[avait] pas pu constater lors du transport sur place que les peuplements incriminés visaient à préserver le milieu vital de la faune et de la flore sauvages et à protéger les habitats convenant particulièrement bien à certaines biocénoses ou à certaines espèces ». Or cela n'avait pas changé, Tous les protocoles joints aux quatre décisions retenaient encore aujourd'hui que les boisés présentaient des fonctions de protection de « peu d'intérêts » ou « significative ».

11.         Par courrier du 25 janvier 2022, l'OCAN a dupliqué, persistant dans ses conclusions et observations précédentes.

L'OCAN contestait que le boisé objet de la décision 8______ se situait à moins de 20 m de la parcelle du recourant. La mesure devait se prendre à partir du tracé de la lisière forestière. Il en découlait que le boisé objet de la décision 8______ [recte: 8______] se trouvait à plus de 20 m de la parcelle du recourant.

Ensuite, il ne démontrait pas au regard de quel autre élément que la restriction des droits à bâtir, un intérêt spécial devait lui être reconnu pour recourir contre les décision 8______ et 9______ [recte: 8______ et 9______]. À toutes fins utiles, l'intérêt d'un administré à la bonne application du PDCn 2030 ne revêtait pas un caractère spécial puisque ce plan liait uniquement les autorités. Dès lors que les droits à bâtir du recourant n'étaient pas affectés par ces décisions et que celui-ci n'invoquait aucun autre droit à l'aune duquel il pouvait jouir d'un intérêt spécial à recourir, la qualité pour recourir contre ces deux décisions ne pouvait lui être reconnue.

12.         Par courrier du 15 mars 2022, le tribunal a sollicité de l'OCAN la production des trois décisions de constatation de nature forestière du 20 décembre 2022 et les protocoles y afférent, ayant conduit au prononcé de l'arrêt ATA/355/2005 du 24 mai 2005.

13.         Le 24 mars 2022, l'OCAN a transmis au tribunal les pièces demandées, précisant que seul le boisé objet de la décision 6______était concernée par la procédure ATA/355/2055, les autres boisés litigieux n'ayant pas fait l'objet de procédures judiciaires.

14.         Le 12 mai 2022, le tribunal a procédé à un transport sur place.

Débutant par le boisé n° 2, l'OCAN a attiré l'attention du tribunal sur la présence du peuplement principal, qui se définissait par la hauteur des individus, d'un diamètre permettant de considérer qu'ils avaient au moins une vingtaine d'années et qu'ils avaient dû être plantés quelque temps après le remblai illégal. Le fait qu'il s'agissait de plantation se comprenait notamment par le fait que les arbres poussaient selon un certain alignement et qu'il s'agissait d'espèces qui n'avaient vraisemblablement pas pu apparaître spontanément.

On observait également que depuis l'époque de la précédente constatation de nature forestière, ce n'était plus seulement la lisière Est mais également la lisière Ouest qui étaient devenues intéressantes. Par lisière, on entendait la partie dynamique de la forêt, par laquelle celle-ci avançait éventuellement et qui se caractérisait par une strate arbustive.

Le conseil du recourant a relevé qu'il paraissait peu vraisemblable qu'il s'agît d'arbres plantés volontairement, d'une part parce que lors du transport sur place effectué par le tribunal administratif à l'époque, il avait été constaté qu'il s'agissait de peuplement spontané et d'autre part parce qu'il paraissait peu vraisemblable que l'auteur d'une « décharge illégale » ait planté des arbres par-dessus.

L'OCAN a ajouté qu'il ne s'agissait pas d'une zone ayant fait l'objet des constatations du tribunal administratif à l'époque. De manière générale la Suisse manquait de bois morts dans les forêts. L'attention du tribunal a été attirée sur l'existence sur le sol d'une végétation comme le lierre forestier qui était typique de la forêt.

Le tribunal s'est ensuite déplacé dans le peuplement n° 2 et, à la demande du recourant, a constaté l'existence de deux spécimens qui avaient l'air un peu plus secs, voire morts.

L'OCAN a indiqué que ce genre d'élément n'était pas contradictoire avec l'existence d'une forêt et que cela pouvait même représenter un avantage sur le plan biologique.

L'architecte du recourant a exposé qu'on pouvait se demander si la plantation éventuelle des arbres à l'époque n'avait pas pour fonction de séparer la zone artisanale de la zone agricole.

Selon l'OCAN, on pouvait fortement hésiter à appeler cela un cordon compte tenu de la profondeur atteinte par cette partie du peuplement. On aurait d'avantage affaire à un cordon dans le peuplement n° 4. Cela dit, le préopinant avait sans doute raison et il s'agissait probablement de créer un écran végétal.

Le tribunal s'est déplacé au milieu de la parcelle n° 1______.

Sur question du tribunal, l'OCAN a indiqué qu'il évaluait la hauteur des spécimens les plus élevés du peuplement que le tribunal venait de quitter à environ 15 m.

Le tribunal s'est ensuite déplacé du côté du peuplement n° 1 dans l'ouverture située à proximité de la parcelle n° 5______.

L'OCAN a attiré l'attention du tribunal sur le fait que l'ouverture en question était en train de se refermer.

Le recourant a précisé que concernant les grands chênes qui bordaient la parcelle n° 5______, ils étaient en réalité implantés à l'intérieur de ce chemin auquel ils ne laissaient plus qu'une largeur d'environ 80 cm.

Sur question du conseil du recourant, l'OCAN a expliqué que la clairière dans laquelle se trouvait le tribunal était vraisemblablement entretenue, raison pour laquelle il n'y poussait pas de nouveaux arbres et qu'en ce qui concernait le repeuplement progressif de l'ouverture qui venait d'être évoquée, c'était une autre question puisqu'à cet endroit, il n'y avait probablement pas d'entretien.

Le tribunal a observé en arrivant à cet emplacement la présence de quelques arbres nettement plus âgés, au sujet desquels l'OCAN a expliqué qu'il s'agissait probablement d'arbres autrefois isolés, tels que certains saules dont la présence s'expliquait par la nature marécageuse du terrain, et qui avaient petit à petit été entourés par des arbres plus jeunes.

Sur question du tribunal, l'OCAN a indiqué que l'on trouvait probablement une avifaune représentant une trentaine d'espèces, mais qu'il n'y avait effectivement pas de fonction protectrice spécifique, en particulier en ce qui concernait par exemple la protection contre les avalanches. La forêt pouvait avoir d'autres fonctions protectrices, telles que celle d'éponge. Cela dit, il était exact qu'aucune analyse spécifique concernant la faune et la flore présentes dans ces lieux n'avait été entreprise. Il reconnaissait que sur toute leur longueur, les peuplements nos 3 et 4 avaient à certains points une largeur inférieure à 12 m.

Le tribunal s'est enfin déplacé à l'embranchement de la route du E______ et du chemin G______ afin d'examiner la structure paysagère représentée par le peuplement.

Un délai au 3 juin a été imparti aux parties pour fournir leurs observations sur le transport sur place.

15.         Le 3 juin 2022, le recourant a transmis ses observations.

L'OCAN avait reconnu que les peuplements nos 3 et 4 avaient une largeur inférieure à 12 m sur toute leur longueur, avec pour corollaire que l'un des critères quantitatifs de l'art. 2 al. 1 LForêts n'était pas réalisé. Le procès-verbal devait être corrigé afin de supprimer la mention « à certains points » (p. 3).

Si l'OCAN était d'avis que les individus boisés du peuplement principal avaient été plantés quelques temps après le remblai illégal de 1988, dans son arrêt ATA/355/2005, le Tribunal administratif avait retenu que « l'on était en présence de masses boisées d'origines diverses accompagnées d'une végétation naturelle spontanée implantées sur des remblais ayant été créés lors du développement sauvage de la zone industrielle sise au Nord-Ouest des parcelles ». Il n'avait d'ailleurs pas été relevé que de nombreux individus auraient été plantés postérieurement au transport sur place du 9 décembre 2004, ce d'autant que les arbres en questions avaient une vingtaine d'années selon l'OCAN.

Les orthophotos de 2005 à 2020 démontraient que les lisières Est et Ouest, à l'instar de la masse boisée dans son ensemble, n'avaient pas évolué, notamment par rapport aux limites parcellaires. Il ne ressortait pas des orthophotos que la clairière à proximité de la parcelle n° 5______ était en train de se refermer, hormis une infime progression proche de la parcelle n° 2______.

Les fonctions qualitatives n'avaient pas évolué depuis 2005 et l'OCAN n'avait pas procédé à une analyse technique. Rien ne permettait ainsi d'affirmer que la fonction biologique des peuplements nos 3 et 4 était significative, étant précisé que les fonctions de protection, de récréation et de production avaient été qualifiées de peu d'intérêt. Les fonctions forestières étaient ainsi inexistantes.

16.         Le 9 juin 2022, l'OCAN a demandé au tribunal de procéder à la modification de la page 3 du procès-verbal du transport sur place, en particulier à ce que le mot « reconnais » soit modifié par « confirme » (dernier para.).

17.         Le 2 septembre 2022, sur demande du tribunal, l'office de l'urbanisme (ci-après: OU) a apporté des éclaircissements concernant le barreau routier de F______ et le projet H______ et a produit des documents relatifs à l'état d'avancement des mesures d'aménagement du territoire envisagées pour ce secteur.

Trois des quatre parcelles sur lesquelles se situaient les surfaces boisées objets des décisions de constatation de nature forestière avaient été incorporées en 2010 dans un avant-projet de plan directeur de zone de développement industriel et artisanal (ci-après: PDZI). Les surfaces boisées concernées ne faisaient alors pas l'objet de décisions de constatation de nature forestière et n'étaient pas cadastrées. Ce premier avant-projet de PDZI avait été mis en suspens avant l'enquête publique en raison du projet de barreau routier qui était alors à l'étude, puis abandonné.

Un deuxième avant-projet de PDZI avait été élaboré sur le site en 2017, englobant le futur barreau routier dans son périmètre et les quatre biens-fonds précités. L'avant-projet prévoyait de défricher certaines surfaces boisées, qui ne faisaient toujours pas l'objet de constats de nature forestière et n'étaient pas cadastrées. Suite aux observations de plusieurs associations environnementales, ce second avant-projet de PDZI avait été suspendu afin de mener une concertation sur ce secteur, laquelle s'est déroulée en 2018. Il avait également été abandonné.

Les parcelles concernées faisaient actuellement l'objet d'une troisième version d'avant-projet de PDZI (ci-après: PDC______) dont le périmètre ne comprenait que la tranchée couverte du futur barreau routier. Son périmètre avait été réduit par rapport à la version précédente afin d'extraire de son périmètre la majorité du barreau routier et de tenir compte des décisions de constatation de nature forestière précitées. Il ne prévoyait plus en l'état de défrichements, contrairement à la version de 2017. En parallèle, un avant-projet de modification des limites de zones avait été élaboré en septembre 2021, qui prévoyait de classer en zone de bois et forêts les parcelles sur lesquelles se situaient les surfaces boisées objets des décisions de constatation de nature forestière. Cet avant-projet de modification de zone, de même que l'avant-projet de PDC______ précité, étaient actuellement en suspens dans l'attente de la délivrance des autorisations de construire relatives au barreau routier de F______, afin de connaître avec précision les emprises définitives de ce dernier. Une fois celles-ci stabilisées, cet avant-projet de PDC______ devrait encore être modifié en raison du probable déplacement du giratoire du barreau routier au nord, sur la route H______ plutôt qu'au sud comme l'indiquait la version actuelle. Cela n'aurait toutefois aucune conséquence sur les surfaces boisées précitées.

Les trois versions d'avant-projet de PDZI étaient jointes en annexe, de même que l'avant-projet de plan de modification des limites de zones précité. La dernière version ne prévoyait plus aucun défrichement.

18.         Le 20 septembre 2022, le recourant a transmis ses observations sur le courrier de l'OU du 2 septembre 2022.

L'enquête technique interne du département portant sur la troisième version de l'avant-projet était similaire à l'image directrice de 2020 produite dans le fascicule explicatif de la commune.

Les plans relatifs à la troisième version de l'avant-projet de PDZI démontraient l'existence d'une route de desserte projetée sur les parcelles nos 3______, 1______, 2______ et 10______. Les boisés considérés s'avéraient totalement éventrés par celle-ci ainsi que pour une zone affectée à de l'équipement public, tout particulièrement en ce qui concernait le boisé objet des décisions 6______et 7______. En outre, la zone de développement industrielle et artisanale projetée venait totalement s'accoler aux boisés considérés. Ces éléments étaient en contradiction avec la fonction protectrice d'une forêt.

19.         Le 27 septembre 2022, l'OCAN a transmis ses observations sur le courrier de l'OU du 2 septembre 2022

Ce courrier confirmait que l'élaboration, en 2017, du deuxième avant-projet de PDZI sur le site englobant le Barreau routier de F______ dans son périmètre et les quatre bien-fonds objets des décisions de constatation de la nature forestière litigieuse avaient rendu nécessaire de statuer sur les boisés concernés et de délimiter la forêt.

Les relevés de terrain avaient été effectués en février 2018 par un technicien de l'OCAN, rattaché au service des forêts, accompagné d'un géomètre officiel. L'avant-projet de PDZI de 2017 ayant été abandonné, les décisions de constatation de la nature forestière avaient finalement été rendues en juillet 2021 en lien, d'une part, avec la troisième version d'avant-projet de PDZI et, d'autre part, avec l'avant-projet de modification des limites de zones élaboré en septembre 2021 par l'OU. La nature des boisés concernés était indéterminée avant l'engagement de ces procédures d'affectation. Les décisions litigieuses rendues en juillet 2021 permettraient à l'OU d'inscrire la forêt dans les plans d'affectation et de délimiter la zone des bois et forêts.

L'autorité forestière n'avait jamais statué sur les boisés objets des décisions 7______ à 9______, lesquels ne faisaient pas partie de l'objet du litige tranché par l'ancien Tribunal administratif le 24 mai 2005. Concernant la décision 6______, le constat de nature forestière n'avait pas été effectué en lien avec une procédure d'affectation mais dans un contexte différent, qui n'avait pas pour effet de créer une délimitation fixe de la forêt. L'élément déclencheur qui avait provoqué l'ouverture d'une procédure de constatation de la nature forestière était la conservation de la forêt, à savoir le constat de remblais illégaux en forêt, créés lors du développement sauvage de la zone industrielle sis au Nord-Ouest des parcelles en cause.

Un tel constat de nature forestière n'avait pas d'effet contraignant par rapport à la dynamique de la forêt. En l'absence de limites d'aires forestières ou non dans un plan d'affectation, il convenait d'ouvrir une procédure de constatation de la nature forestière lors de l'édiction des plans d'affectation. Le moment décisif pour établir la situation de fait était celui où l'autorité forestière statuait, soit en l'occurrence en 2021, sans être en particulier liée par le jugement de 2005 qui reposait sur un constat effectué en 2002.

20.         Le 20 octobre 2022, l'OCAN s'est déterminé sur les observations du recourant du 20 septembre 2022.

Il a produit un plan permettant de lire en superposition l'étendue actuelle des boisés sur le périmètre concerné et la situation future ressortant du PDZIA n° 11______, dans sa version du 19 septembre 2021, un plan sur lequel figurait la dimension de chacun des boisés avec indication des endroits les plus larges, respectivement les plus étroits, ainsi que leur surface totale, et un rapport du service cantonal de la biodiversité relatif à la valeur biologique des surfaces forestières constatées. Ce rapport confirmait que ces surfaces possédaient une valeur biologique significative en formant une mosaïque de milieux forestiers attractive pour la faune, relevant notamment la présence du chevreuil et rossignol philomène, espèces typiques des lisières forestières de qualité, ainsi que de la salamandre tachetée dans les milieux forestiers proches du nant de D______.

Dans le cadre d'une décision de constatation de la nature forestière, les autorités et les tribunaux ne devaient pas procéder à une pondération des intérêts privés ou publics prépondérants. La décision ne devait se fonder que sur la notion de forêt et l'appréciation des critères quantitatifs et qualitatifs prévus par la législation forestière. Il n'y avait aucune place pour l'application du principe de la proportionnalité et le moment décisif était celui où l'autorité forestière statuait. La zone industrielle planifiée et le barreau routier projeté avec leurs conséquences sur la conservation de la forêt ne devaient pas être pris en compte.

Les fonctions de structure paysagère et de biodiversité avaient été qualifiées de « significatif » à « très important » pour chacun des boisements concernés. De plus, les critères quantitatifs minimaux étaient satisfaits pour les boisés nos 1, 2 et 4. Concernant le boisé n° 3, lequel n'atteignait certes pas tous les critères quantitatifs, celui-ci remplissait une fonction protectrice importante de stabilisation du talus, en plus des fonctions de structure paysagère et de biodiversité qualifiées de significatives, de sorte qu'il devait également être qualifié de forêt.

21.         Le 22 décembre 2022, le tribunal a informé les parties qu'une suspension de la procédure fondée sur l'art. 14 LPA pourrait se justifier dans l'attente de la finalisation du barreau routier de F______.

22.         Le 18 janvier 2023, le recourant s'est déterminé sur le courrier de l'OCAN du 20 octobre 2022.

Ne pas prendre en compte le barreau routier projeté en plein centre du boisé litigieux, ainsi que la zone industrielle adjacente, était contraire au principe de la bonne foi, lequel pouvait primer le résultat de la constatation de la nature forestière après une pesée des intérêts en présence.

Au surplus, il s'en rapportait à justice quant à une éventuelle suspension de la procédure.

23.         Le 26 janvier 2022, l'OCAN a transmis ses observations sur les déterminations du recourant du 18 janvier 2023.

La suspension de la procédure n'était pas justifiée. La qualification des boisés en tant que forêt ou non ne dépendait pas de la finalisation du projet de construction du barreau routier, lequel constituait l'un des éléments déclenchant la nécessité de clarifier la nature de boisés. À l'inverse, la finalisation du projet de barreau routier dépendait du sort de la présente procédure.

24.         Le 15 février 2023, le recourant a transmis ses observations finales.

25.         Le détail des écritures et des pièces produites sera repris dans la partie « En droit » en tant que de besoin.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l'espèce, contre les décisions prises par le département en application de la LForêts (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 LForêts).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             S'agissant de la qualité pour recourir du recourant, elle est contestée par l'autorité intimée.

4.             À teneur de l'art. 60 let. a et b LPA, les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée et toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée, sont titulaires de la qualité pour recourir (ATA/186/2019 du 26 février 2019 ; ATA/1159/2018 du 30 octobre 2018 ; ATA/661/2018 du 26 juin 2018).

L'intérêt digne de protection implique que le recourant soit touché de manière directe, concrète et dans une mesure et avec une intensité plus grandes que la généralité des administrés, répondant ainsi à l'exigence d'être particulièrement atteint par la décision. L'intérêt invoqué, qui peut être un intérêt de fait, doit se trouver dans un rapport étroit, spécial et digne d'être pris en considération avec l'objet de la contestation (arrêts du Tribunal fédéral 1C_56/2015 consid. 3.1 ; 1C_152/2012 consid. 2.1 ; ATA/1218/2015 du 10 novembre 2015 ; François BELLANGER/Thierry TANQUEREL, Le contention administratif, éd. 2013, pp. 115-116). Le lien de connexité est clair lorsque le recourant est l'un des destinataires de la décision. Si le recourant est un tiers, il devra démontrer l'existence d'une communauté de fait entre ses intérêts et ceux du destinataire. Par exemple, le voisin d'un fonds pourra recourir si la décision concernant ce fonds lui cause un préjudice réel, car il est suffisamment proche de celui-ci pour risquer de subir les nuisances alléguées (François BELLANGER/Thierry TANQUEREL ; op. cit., pp. 115-116).

5.             De jurisprudence constante, il est admis que les voisins de parcelles faisant l'objet d'une décision de constatation de la nature forestière peuvent avoir un intérêt personnel, dépassant celui de l'ensemble des administrés, à ce que cette décision soit annulée ou modifiée, et que la qualité pour recourir contre une telle décision doit leur être reconnue (ATA/28/2006 du 17 janvier 2006; ATA/355/2005 du 24 mai 2005; ATA/327/2005 du 10 mai 2005).

6.             En l'espèce, les boisés concernés par les décisions 6______et 7______ sont localisés sur la parcelle n° 1______ appartenant au recourant. Il est donc évident que ce dernier dispose de la qualité pour recourir concernant ces deux décisions. Concernant les décisions 8______ et 9______, les boisés concernés sont situés sur la parcelle n° 3______, adjacente à celle du recourant. Dans cette mesure, on peut admettre que le recourant dispose d'un intérêt personnel à ce que les décisions qu'il conteste soient annulées, dès lors que les différents peuplements boisés identifiés font partie du même boisement en tant que prolongation du bois de D______ et forment ainsi un tout. Dans cette mesure, la qualité pour recourir contre l'ensemble de ces décisions doit lui être reconnue.

7.             Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA). Il n'en résulte toutefois pas que l'autorité est libre d'agir comme bon lui semble, puisqu'elle ne peut pas faire abstraction des principes constitutionnels régissant le droit administratif, notamment la légalité, la bonne foi, l'égalité de traitement, la proportionnalité et l'interdiction de l'arbitraire (ATA/366/2013 du 11 juin 2013 consid. 3a et la référence citée).

8.             Il ne faut par ailleurs pas perdre de vue que les instances de recours ne peuvent annuler la décision du département que si celle-ci emporte une violation de la loi ; si plusieurs interprétations sont soutenables, le juge n'a pas à substituer sa propre appréciation à celle de l'autorité de première instance (ATA/629/2008 du 16 décembre 2008, consid. 11).

9.             À titre préliminaire, le recourant sollicite du tribunal qu'il ordonne la production de pièces complémentaires relatives aux surfaces des peuplements boisés concernés.

Or, dans le cadre de la procédure, l'OCAN a transmis un plan « mesures des constats de nature forestière », du 17 octobre 2022, sur lequel figure la dimension de chacun des boisés ainsi que leur surface totale respective.

Dans cette mesure, la demande d'instruction complémentaire du recourant est devenue sans objet.

10.         Concernant la question d'une éventuelle suspension de la procédure dans l'attente de la finalisation du barreau routier de F______, au sens de l'art. 14 LPA, lequel prévoit que lorsque le sort d'une procédure administrative dépend de la solution d'une question de nature civile, pénale ou administrative relevant de la compétence d'une autre autorité et faisant l'objet d'une procédure pendante devant ladite autorité, la suspension de la procédure administrative peut, le cas échéant, être prononcée jusqu'à droit connu sur ces questions, le tribunal estime qu’il n’existe pas de motif justifiant la suspension de la présente procédure sur cette base, le litige pouvant être tranché sans délai. En effet, comme il sera exposé en détail ci-après, la question de la nature forestière d'un peuplement boisé s'effectue suite à un examen objectif des caractéristiques du boisé en question, sans prise en compte des intérêts publics ou privés, notamment en lien avec des projets d'aménagements routiers voisins à venir.

11.         Au fond, le recourant fait valoir un abus du pouvoir d’appréciation du département au motif que les boisements concernés ne pourraient être considérés comme une forêt.

12.         La loi fédérale sur les forêts du 4 octobre 1991 (loi sur les forêts, LFo - RS 921.0) a pour but général la protection des forêts, notamment la conservation de l'aire forestière (art. 1 et 3 LFo).

13.         Par « forêt », on entend toutes surfaces couvertes d'arbres ou d'arbustes forestiers à même d'exercer des fonctions forestières. Leur origine, leur mode d'exploitation et la mention au registre foncier ne sont pas pertinents (art. 2 al. 1 LFo). Ne sont pas considérés comme forêts les groupes d'arbres ou d'arbustes isolés, les haies, les allées, les jardins, les parcs et les espaces verts (art. 2 al. 3 LFo) (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1A_232/2006 du 10 avril 2007, considérant 2.2).

14.         Dans le cadre fixé par le Conseil fédéral, les cantons peuvent préciser la largeur, la surface et l'âge minimaux que doit avoir un peuplement sur une surface conquise par la forêt ainsi que la largeur et la surface minimales que doit avoir un autre peuplement pour être considérés comme forêt. Si le peuplement en question exerce une fonction sociale ou protectrice particulièrement importante, les critères cantonaux ne sont pas applicables (art. 2 al. 4 LFo). Selon l'art. 1 ordonnance sur les forêts du 30 novembre 1992 (OFo - RS 921.01), les cantons précisent les valeurs requises pour qu'une surface boisée soit reconnue comme forêt, dans les limites suivantes : a. surface comprenant une lisière appropriée : 200 à 800 m2 ; b. largeur comprenant une lisière appropriée : 10 à 12 m ; c. âge du peuplement sur une surface conquise par la forêt : 10 à 20 ans.

15.         Les critères quantitatifs que les cantons peuvent fixer, dans les limites de l'art. 1 al. 1 OFo, servent à clarifier la notion qualitative de forêt posée par le droit fédéral. Sauf circonstances particulières, la nature forestière doit être reconnue lorsque les critères quantitatifs sont satisfaits, de sorte que ces derniers constituent des seuils minimaux. On ne peut cependant nier la qualité de forêt du simple fait que ces seuils ne sont pas atteints (ATF 125 II 440 consid. 3 ; arrêt 1A.13/2005 du 24 juin 2005 consid. 4.2). A l'inverse, même en présence de ces critères quantitatifs, les critères qualitatifs peuvent être décisifs pour la qualification de forêt (arrêts du Tribunal fédéral 1A.141/2001 du 20 mars 2002 consid. 4.1 publié in ZBl 104/2003 p. 380 et résumé in RDAF 2004 I 734; 1A.225/2005 du 17 octobre 2006 consid. 6.3). Dans cette appréciation, il n'y a pas lieu de procéder à une pondération des intérêts privés ou publics (ATF 124 II 85 consid. 3 et les références citées).

16.         À Genève, la législation sur les forêts précise que sont considérés comme forêts les peuplements boisés présentant toutes les caractéristiques qualitatives d'une forêt, exerçant une fonction forestière qui sont, en principe, âgés d'au moins quinze ans, s'étendent sur une surface d'au moins 500 m² et ont une largeur minimale de 12 m, lisière appropriée comprise (art. 2 al. 1 LForêts).

17.         La LFo et la LForêts n'énumèrent pas les caractéristiques nécessaires pour pouvoir qualifier une aire boisée de forêt. Selon l'exposé des motifs relatif à l'art. 2 al. 3 let. a LForêts, sont exclus du régime forestier les éléments de paysage ne présentant pas une structure marquée par la présence de diverses strates ou étages, caractérisant un peuplement forestier (Mémorial du Grand Conseil, 1997, p. 606 ss). Par ailleurs, sont également considérés comme forêt les cordons boisés situés au bord de cours d'eau (art. 2 al. 2 let. c LForêts) qui assurent la protection des berges et soulignent le paysage de façon marquée, remplissant ainsi l'une des fonctions forestières dont il est question à l'art. 1 let. c de la loi fédérale (let. c) (Mémorial des séances du Grand Conseil 1997 4/I610).

Du point de vue qualitatif, les fonctions de la forêt sont au nombre de trois, d'importance équivalente : la fonction protectrice, sociale et économique. Pour être qualifié de forêt, il suffit que le peuplement concerné apparaisse apte à assumer une ou quelques-unes des tâches de l'aire forestière (JdT 1998 I 501, consid. 3d.cc).

Une forêt exerce une fonction protectrice lorsqu'elle protège la population ou des valeurs matérielles contre des catastrophes naturelles. Elle exerce une fonction économique lorsque la matière première que représente le bois est exploitée (FF 1988 III pp. 157 ss, 172). Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, un peuplement remplit une fonction sociale lorsqu'en raison de sa structure, de sa nature et de sa configuration, il offre à l'homme une zone de délassement, lorsque, par sa forme, il structure le paysage, lorsqu'il offre une protection contre les influences nuisibles telles que le bruit ou les immissions, lorsqu'il assure des réserves en eau d'un point de vue tant qualitatif que quantitatif, ou encore lorsqu'il procure un milieu vital irremplaçable aux animaux sauvages ainsi qu'aux plantes de l'endroit (arrêt du Tribunal fédéral 1A.225/2005 du 17 octobre 2006 et les références citées).

L'énumération de ces fonctions n'est pas exhaustive et ne reflète pas non plus un ordre de valeur ; la loi ne fixe pas de hiérarchie des fonctions, celle-ci dépend au contraire des conditions concrètes déterminantes pour chaque surface de forêt (Hans-Peter JENNI, Pour que les arbres ne cachent pas la forêt : un guide à travers la nouvelle législation sur les forêts, in cahier de l'environnement, n° 210, OFEFP 1994, ad art. 2 al. 3, p. 31).

Sont également considérées comme forêt, les surfaces ne répondant pas aux critères quantitatifs définis à l'art. 2 al. 1 LForêts, pour autant qu'elles remplissent des fonctions forestières importantes (art. 2 al. 2 let. a LForêts).

Ne peuvent ainsi être considérés comme une forêt les groupes ou alignements d'arbres isolés, les haies, les allées, les jardins, les parcs et les espaces verts (art. 2 al. 3 LFo, art. 2 al. 3 let. a et c LForêts).

18.         Selon la doctrine et la jurisprudence, ce qui distingue les jardins, les espaces verts et les parcs des surfaces conquises spontanément par la forêt, c'est le fait qu'ils ont été plantés volontairement, sur la base de raisonnements horticoles, et qu'ils comprennent souvent des essences exotiques, sans que ce soit toutefois une condition absolue. Mais ces lieux servent à la détente et apportent de la verdure dans les zones urbanisées. Ils ont donc un rapport direct avec l'habitat et avec certains biens-fonds, tant dans l'espace qu'en raison de leur fonction. Il faut que ces éléments soient identifiables objectivement, lorsqu'on examine si une surface est une forêt ou non. Un peuplement qui s'est installé spontanément et a été simplement toléré, par exemple après un changement de propriétaire, ne peut pas être éliminé parce qu'il dérange, sous prétexte qu'il s'agit d'un jardin (ATF 113 Ib 357 ; RDAF 1999 I 601 ; ATF 98 Ib 364 ; arrêts du Tribunal fédéral 1A.141/2001 et 1A.143/2001 du 20 mars 2002 résumés in VLP/ASPAN 11/2002 ; Hans-Peter JENNI, op. cit., ad art. 2 al. 3, p. 36).

19.         Selon le Tribunal fédéral, en principe, l'autorité forestière compétente pour procéder à une constatation de la nature forestière au sens de l'art. 10 LFo doit se fonder sur la situation effective du terrain au moment où elle statue. Dans certaines circonstances, l'existence d'une forêt peut toutefois être admise malgré l'absence de boisement, en particulier lorsqu'il apparaît qu'un défrichement a eu lieu sans autorisation ; en effet, la suppression du couvert forestier sans autorisation de défricher ne modifie pas le caractère forestier du terrain concerné ; le moment déterminant pour évaluer la nature du boisement n'est alors plus celui de la décision de première instance. L'intérêt à la conservation de la forêt est reconnu de plein droit pour les surfaces d'où la forêt a été éliminée sans autorisation ; celles-ci sont assujetties à l'obligation de reboiser où elle compte et elles continuent ainsi d'appartenir à l'aire forestière (arrêt du Tribunal fédéral 1C_228/2019 du 29 avril 2020 consid. 2.1.1 et les références citées). Dans le cas qui lui était soumis, le Tribunal fédéral a confirmé que la manière de fixer la limite de la forêt par l'autorité administrative était conforme à la législation et la jurisprudence en la matière alors qu'elle avait tenu compte tant de la situation antérieure pour s'écarter de la nature de gazon du sol que de la situation actuelle en se référant aux arbres d'essences forestières encore présents dans le secteur litigieux (ibidem, consid. 2.2.2 in fine).

20.         La nature forestière est « dynamique, et seul le constat de terrain permet de décider où se situe la vraie limite forestière » (Groupement des ingénieurs forestiers de Genève, Forêts genevoises : évocation d'un passé récent, Lausanne 2011, p. 45).

21.         La nature forestière est constatée dans le cadre d'une procédure formelle. En application de l'art. 4 LForêts, il appartient à l'inspecteur des forêts de décider si un bien-fonds doit être ou non considéré comme forêt.

La procédure est détaillée par le règlement d'application de la loi sur les forêts du 22 août 2000 (RForêt - M 5 10.01). Les décisions de constatation de la nature forestière sont publiées dans la FAO et comportent l'indication des délais et voies de recours (art. 9 al. 1 RForêts).

22.         La décision de constatation de la nature forestière indique si une surface boisée ou non boisée est considérée comme forêt et en donne les coordonnées (art. 12 al. 1 OFo). Elle indique sur un plan la situation et les dimensions de la forêt ainsi que la situation des immeubles touchés (art. 12 al. 2 OFo).

23.         Selon une jurisprudence bien établie, la juridiction de recours observe une certaine retenue pour éviter de substituer sa propre appréciation à celle des commissions de préavis, pour autant que l’autorité inférieure suive l’avis de celles-ci. Elles se limite à examiner si le département ne s'est pas écarté sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l'autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d'émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/896/2021 du 31 août 2021 consid. 4d ; ATA/155/2021 du 9 février 2021 consid. 7c et 10e ; ATA/1311/2020 du 15 décembre 2020 consid. 7d ; ATA/724/2020 du 4 août 2020 consid. 3e ; ATA/1098/2019 du 25 juin 2019 consid. 2e).

24.         En l'espèce, concernant le caractère contraignant de l'arrêt ATA/355/2005, la décision qu'il concernait n'avait trait qu'au périmètre du boisé n° 1. Il ne saurait ainsi être retenu sans autre que cet arrêt déploierait ses effets également sur les boisés nos 2, 3 et 4. En outre, il ne faut pas perdre de vue que les constatations de l'OCAN ont été réalisée à plus de 15 ans d'intervalle, ce qui laisse présumer que la situation est susceptible d'avoir évoluée. En effet, lors du transport sur place du 12 mai 2022, le tribunal a constaté que depuis la constatation de la nature forestière objet de l'arrêt ATA/355/2005, la lisière Est mais également la lisière Ouest du boisé n° 2 ont avancé et sont devenues « intéressante ». En outre, la hauteur du boisé n° 1 a été évaluée à environ 15 m et l'ouverture précédemment constatée au niveau de celui-ci est progressivement en train de se refermer. Il est ainsi manifeste que la situation a évolué entre le précédent constat de la nature forestière réalisé en 2002, et ceux objets du présent recours, réalisés en 2018. Par ailleurs, la comparaison des orthophotos produites par le recourant démontre cette évolution, notamment au niveau de la couronne des arbres et de leur implantation, recouvrant au fil du temps les espaces vierges et agrandissant la lisière de la forêt, notamment au niveau de l'ouverture précédemment constatée au niveau du boisé n° 1. En effet, à titre exemplatif, sur l'orthophoto de 2019, cette ouverture a presque entièrement disparu.

Il convient donc d'examiner la situation avant tout en fonction des caractéristiques actuelles des peuplements boisés concernés.

25.         À cet égard, il ne faut pas perdre de vue que les instances de recours ne peuvent annuler la décision du département que si celle-ci emporte une violation de la loi. Si plusieurs interprétations sont soutenables, le juge n'a pas à substituer sa propre appréciation à celle du département, dans la détermination du rôle paysager, de la biodiversité, de protection, de récréation et de production que peuvent assumer les groupements d'arbres faisant partie d'une procédure en constatation de la nature forestière, si cette appréciation n'emporte pas une violation manifeste de la loi.

26.         En l'occurrence, il ressort des protocoles accompagnant ainsi que du plan « mesures des constats de nature forestière » du 17 octobre 2022 produit par l'OCAN que la surface des boisés nos 1, 2 et 4 est supérieure à 500 m2, que leur largeur dépasse les 12 m, sauf en quelques endroits sur les peuplements nos 3 et 4, et que l'âge du peuplement est estimé à au moins 15 ans. Partant, les caractéristiques quantitatives d'une forêt au sens de l’art. 2 al. 1 LForêts sont remplies pour ces boisés. Par contre, concernant le boisé n° 3, sa surface est inférieure à 500 m2, ce qui fait qu’une des caractéristiques quantitatives d’une forêt au sens de l’art. 2 al. 1 LForêts n’est pas remplie, ce que reconnait l'autorité intimée. Cependant, comme l’a retenu la jurisprudence citée et comme le prévoit d'ailleurs l'art. 2 al. 2 let. a LForêts, on ne peut pas nier la qualité de forêt du simple fait que les seuils minimaux des critères quantitatifs ne sont pas atteints.

Il reste dès lors à déterminer si les critères qualitatifs sont remplis.

Suite aux constats effectués en 2018, les fonctions forestières des peuplements boisés concernés ont été réévaluées, respectivement évaluées pour la première fois. Concernant les boisés nos 1 et 2, l'inspecteur de l'OCAN a jugé la fonction « structure paysagère » comme étant « très importante », celle de « biodiversité » comme « significative » et celles de « protection », de « récréation » et de « production » comme de « peu d'intérêt ». S'agissant des boisés nos 3 et 4, les fonctions de « structure paysagère », de « biodiversité » et de « protection » ont été qualifiées de « significative » et celles de « récréation » et de « production » comme de « peu d'intérêt ». En outre, dans la partie « commentaire » de chacun des protocoles, la structure forestière particulièrement marquante de ces différents peuplements boisés est relevée, précisant en substance qu'il s'agissait de structures marquantes du paysage, avec un sous-bois diversifié. Il appert ainsi que plusieurs fonctions forestières de ces peuplements boisés présentent une certaine intensité, allant de « significatif » à « très important », étant précisé que conformément à la jurisprudence précitée, il n'est pas nécessaire que tous les critères qualitatifs d'une forêt présentent un intérêt forestier fort pour qu'un peuplement boisé soit considéré comme une forêt. Par ailleurs, si l'OCAN a reconnu à l'occasion du transport sur place du 12 mai 2022 ne pas avoir procédé à une analyse spécifique de la faune et de la flore, il ressort cependant du rapport « valeur biologique des surfaces forestières des constats 6______, 7______, 8______, 9______/B______ parcelles nos 1______ et 3______ » du service de la biodiversité du 20 octobre 2022, que les boisés concernés créent une mosaïque de milieux forestiers attractive pour la faune et que plusieurs espèces d'animaux typique des lisières forestières (chevreuil, rossignol philomène et la salamandre tachetée) utilisent ce secteur, de sorte que le rapport conclu à une valeur biologique « significative ». Cet élément expose ainsi que les boisés litigieux procurent un milieu vital pour certaines espèces vivant en forêt.

Au vu de ce qui précède, aucun élément ne permet de remettre en cause l’appréciation de l’inspecteur de forêts sur laquelle le département s’est fondé pour rendre ses décisions - spécialiste en la matière - concernant les peuplements boisés qu’il a considéré comme forêts.

27.         Le recourant prétend ensuite que la décision querellée violerait le principe général de la bonne foi, et que celui-ci primerait dès lors sur les constatations portant sur la nature forestière des peuplements boisés concernés.

28.         D'après la jurisprudence du Tribunal fédéral, la question de la bonne foi doit être examinée lors de la constatation de la nature forestière d'un peuplement. Si les conditions posées à la protection de la bonne foi sont réunies, le propriétaire peut exiger que sa parcelle soit considérée comme non boisée, quand bien même elle remplirait les critères pour la reconnaître comme forêt au sens de la législation forestière (arrêts 1A.225/2005 du 17 octobre 2006 consid. 5.1 ; 1A.8/2004 du 17 décembre 2004 consid. 4.6 paru à la ZBl 107/2006 p. 53, 1A.208/2001 du 16 juillet 2002 consid. 4.1 publié in ZBl 104/2003 p. 496 et 1A.107/1996 du 25 février 1997 consid. 4a publié in ZBl 99/1998 p. 126).

29.         Valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 Cst., exige que l'administration et les administrés se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l'administration doit s'abstenir de toute attitude propre à tromper l'administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d'une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_341/2019 du 24 août 2020 consid. 7.1).

À certaines conditions, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 141 V 530 consid. 6.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_626/2019 du 8 octobre 2020 consid. 3.1 ; 2C_136/2018 du 24 septembre 2018 consid. 3.2). Conformément au principe de la confiance, qui s'applique aux procédures administratives, les décisions, les déclarations et comportements de l'administration doivent recevoir le sens que l'administré pouvait raisonnablement leur attribuer en fonction des circonstances qu'il connaissait ou aurait dû connaître (arrêt du Tribunal fédéral 1P.292/2004 du 29 juillet 2004 consid. 2.1 ; ATA/1299/2019 du 27 août 2019 consid. 3d).

Le droit à la protection de la bonne foi peut également être invoqué en présence simplement d'un comportement de l'administration, notamment en cas de silence de l'autorité dans une situation de fait contraire au droit, susceptible d'éveiller chez l'administré une attente ou une espérance légitime (ATF 129 II 361 consid. 7.1). Entre autres conditions, l'autorité doit être intervenue à l'égard du citoyen dans une situation concrète et celui-ci doit avoir pris, en se fondant sur les promesses ou le comportement de l'administration, des dispositions qu'il ne saurait modifier sans subir de préjudice (arrêt du Tribunal fédéral 9C_628/2017 du 9 mai 2018 consid. 2.2).

La précision que l'attente ou l'espérance doit être « légitime » est une autre façon de dire que l'administré doit avoir eu des raisons sérieuses d'interpréter comme il l'a fait le comportement de l'administration et d'en tirer les conséquences qu'il en a tirées. Tel n'est notamment pas le cas s'il apparaît, au vu des circonstances, qu'il devait raisonnablement avoir des doutes sur la signification du comportement en cause et se renseigner à ce sujet auprès de l'autorité (ATF 134 I 199 consid. 1.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_138/2015 du 6 août 2015 consid. 5.1).

30.         L'inclusion d'une surface boisée dans une zone à bâtir ne signifie pas encore qu'il ne s'agit pas d'une forêt, sauf si elle est intervenue au terme d'une procédure conforme aux art. 10 ss LFo dans laquelle la nature non forestière de celle-ci a été constatée. Aussi, le fait qu'une parcelle était affectée en 5e zone de construction avant l'entrée en vigueur de la loi fédérale sur les forêts du 4 octobre 1991 ne constitue pas une assurance concrète qu'il ne s'agit pas d'une forêt (arrêt 1A.214/1990 du 19 août 1992 consid. 3b/aa paru à la ZBl 94/1993 p. 174; arrêt 1A.208/2001 du 16 juillet 2002 consid. 4.2 paru in ZBl 104/2003 p. 496; arrêt 1A.13/2005 du 24 juin 2005 consid. 4.8 in fine). Il n'en demeure pas moins que, selon les circonstances, pareille affectation peut être de nature à convaincre un propriétaire de son droit (ATF 108 Ib 377 consid. 3c p. 387; arrêt 1A.8/2004 du 17 décembre 2004 consid. 4.6 paru à la ZBl 107/2006 p. 54). 

31.         En l'espèce, le recourant prétend que le principe de la bonne foi serait violé dans la mesure où le département aurait une attitude contradictoire en souhaitant, d'une part, préserver la forêt, tout en prévoyant sa destruction dans le cadre de la réalisation du barreau routier de F______, d'autre part. Il s'appuie notamment sur le fait que la modification des limites de zone projetée en vue de réaliser le PDZI et englobant le futur barreau routier, nécessiterait le défrichement des peuplements boisés concernés.

Or, s'il est certes vrai que les deux précédentes versions d'avant-projet du PDZI et la réalisation du barreau de F______ incorporaient les peuplements boisés concernés, nécessitant ainsi leur défrichement, comme l'admet l'OU dans son courrier du 2 septembre 2022, il ressort des explications de cette autorité ainsi que des éléments du dossier, notamment le plan n° 12______ du 19 septembre 2021, que la troisième version de l'avant-projet de PDZI porte sur un périmètre réduit par rapport aux versions précédentes, afin de tenir notamment compte des décisions de constatation de nature forestière litigieuses et ne prévoit plus de défrichement au niveau des peuplements boisés concernés. Au contraire, il est prévu que les parcelles sur lesquelles se situent ces derniers soient classées en zone des bois et forêts. Au surplus, l'OU a précisé que si cette troisième version d'avant-projet était actuellement en suspens dans l'attente de la détermination des emprises définitives du barreau routier de F______, dans le cadre des procédures d'autorisation de construire y afférentes à venir, celles-ci n'auront aucune conséquence sur lesdits peuplements, de sorte que leur substance sera préservée. À cet égard, si le recourant estime certes que cette planification est inopportune, dans la mesure où le projet du barreau routier de F______ viendrait s'accoler aux peuplements boisés considérés, cette problématique est cependant exorbitante au présent litige, lequel ne concerne que la nature forestière desdits boisés et non la procédure de planification relative au PDZI.

Par ailleurs, s'il est vrai que la nature forestière des parcelles nos 2______, 1______, 3______, concernant le peuplement boisé n°1, avait été infirmée par la chambre administrative en 2005 (ATA/355/2005), ce qui avait certes pu conforter le recourant dans le fait que l'ensemble des boisés concernés n'étaient pas soumis à la législation forestière, il convient cependant de garder à l'esprit, comme développé précédemment, que la situation a évolué entre 2002 et 2018 et que l'examen de la nature forestière s'effectue à un moment spécifique et se base uniquement sur des éléments identifiables de manière objective, permettant d'affirmer ou non l'existence d'une forêt, soit sur les critères quantitatifs et qualitatifs examinés plus haut, ne laissant ainsi pas place à une pesée des intérêts en présence, tant publics que privés, notamment financiers.

Au vu de ce qui précède, le recourant ne saurait exciper des règles de la bonne foi pour s'opposer aux décisions attaquées.

32.         En tous points mal fondé, le recours sera rejeté.

33.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 1'400.- ; il est partiellement couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 14 septembre 2021 par Monsieur A______ contre la décision du département du territoire du 19 juillet 2021 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 1'400.-, lequel est partiellement couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Olivier BINDSCHEDLER TORNARE, président, Julien PACOT et Saskia RICHARDET VOLPI, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’à l’office fédéral de l’environnement.

 

Genève, le

 

La greffière