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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1915/2012

ATA/1083/2016 du 20.12.2016 ( AIDSO ) , REJETE

Descripteurs : ABUS DE DROIT; ASSISTANCE PUBLIQUE; PRESTATION D'ASSISTANCE; PRINCIPE DE LA BONNE FOI; RESTITUTION(EN GÉNÉRAL)
Normes : CST.12 ; LIASI.1.al.1 ; LIASI.2 ; LIASI.8.al1 ; LIASI.9.al1 ; LIASI.32.al1 ; LIASI.33.al1 ; LIASI.36.al1.3 ; LIASI 42.al1 ; LIASI.60.al1 ; LPA.14
Résumé : La LIASI impose un devoir de collaboration et de renseignement. Le formulaire d'engagement signé lors de la demande de l'aide financière concrétise cette obligation en exigeant du demandeur de donner immédiatement et spontanément tout renseignement et toute pièce nécessaire à l'établissement de sa situation personnelle, familiale et économique en Suisse et à l'étranger. Cacher des informations à l'hospice général constitue une violation de cette obligation et la prestation obtenue dans ces conditions est perçue indûment. Elle peut faire l'objet d'un remboursement. La restitution à un caractère solidaire et conjoint pour les époux qui les ont perçues, même après leur divorce.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1915/2012-AIDSO ATA/1083/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 20 décembre 2016

2ème section

 

dans la cause

 

Madame A______
Monsieur B______

représentés par Me Raphaël Cristiano, avocat

contre

HOSPICE GÉNÉRAL



EN FAIT

1) Madame A______, née en 1960, et son époux, Monsieur B______, né en 1959, tous deux de nationalité portugaise, sont domiciliés à Genève depuis septembre 2003. Ils ont un fils, C______, né en 1992, qui, au moment des faits, était en formation.

2) Dès le 1er novembre 2003, le centre d’action sociale (ci-après : le CAS) de Saint-Jean a mis les époux A______, suite à la demande de l’épouse, au bénéfice des prestations d’aide financière.

Mme A______ attendait une réponse à sa demande de prestations de l’assurance-invalidé (AI) déposée en décembre 2002 et avait, depuis le 17 mai 2003, épuisé ses indemnités perte de gain. Sa famille ne parvenait pas à subsister avec le seul salaire de son époux qui travaillait comme comptable.

3) Les 27 novembre 2003, 2 juin 2005, 7 février 2006, 24 mars 2006, 19 mars 2007, 17 avril 2008 et 18 mars 2009, les époux A______ ont conjointement signé le document « Mon engagement en demandant une aide financière à l’Hospice général (ci-après : hospice) ».

Ils s’engageaient à donner immédiatement et spontanément à l’hospice toutes les pièces nécessaires à l’établissement de leur situation personnelle, familiale et économique en Suisse et à l’étranger, notamment leur revenu ; à informer sur tout nouveau fait de nature à entraîner la modification du montant de leurs prestations d’aide financière, et à communiquer toute modification de leur situation personnelle, familiale et économique, en Suisse et à l’étranger. Ils s’engageaient aussi à rembourser à l’hospice toute prestation exigible.

4) Les 27 juillet 2005, 4 mai 2006, 19 mars 2007, 17 avril 2008 et 18 mars 2009, les époux A______ ont complété et signé des « Demandes de prestations d’aide financière, subside de l’assurance-maladie ou d’aide à la gestion des revenus périodiques ».

Les époux avaient fait état d’un compte postal auprès de Postfinance et d’un compte bancaire auprès de la Banque cantonale de Genève (BCGE), ouverts au nom de Mme A______. M. B______, quant à lui, avait, en 2009, déclaré un compte ouvert auprès de l’Union des banques suisses (UBS). Il avait en outre indiqué travailler à 100 % auprès de la boulangerie « D______ », à Genève.

5) Selon les déclarations des époux, M. B______ n’a jamais accompagné son épouse aux divers entretiens avec l’assistance sociale de l’hospice en charge de leur famille.

a. Mme A______ prenait avec elle les documents à signer par les époux et les rendait à son rendez-vous suivant. Elle remettait également à chaque visite des décomptes de salaire de son époux. D’après les décomptes remis, celui-ci avait un salaire brut de CHF 3'300.-, soit un salaire net de CHF 2'794.30, de 2003 à 2008, et de CHF 3'400.-, soit un salaire net de CHF 2'884.15, dès le 1er janvier 2009.

b. Selon des extraits du compte UBS de M. B______, celui-ci avait reçu sur ce compte des montants de CHF 3'450.-, le 2 septembre 2003, de CHF 3'450.-, le 3 octobre 2003, et de CHF 3'750.-, le 24 octobre 2003, provenant respectivement de Monsieur E______, propriétaire de la boulangerie « D______ », et de la société fiduciaire F______ SA qui gérait les comptes de celle-là.

6) Le 18 août 2008, lors de l’entretien au cours duquel Mme A______ a informé l’assistante sociale que son époux suivait des cours de comptabilité dans un établissement privé, financés à hauteur de CHF 10'000.- par l’employeur de ce dernier, celle-ci lui a demandé de lui remettre le contrat de travail de son époux.

7) Le 21 août 2008, le service des enquêtes de l’hospice a, à la demande de la direction de l’aide sociale, effectué un contrôle informatique dans les différents registres publics au sujet de la situation des époux A______.

a. Selon les résultats de cette enquête partielle, les intéressés ne figuraient ni dans le registre du commerce ni dans le registre foncier. Ils n’étaient pas non plus inscrits comme chômeurs à l’office cantonal de l’emploi. M. B______ était inscrit au service cantonal des véhicules comme propriétaire d’une voiture automobile. Le couple était inscrit au registre des contribuables ordinaires de l’administration fiscale cantonale. Ils étaient détenteurs d’un permis d’établissement délivré par l’office cantonal de la population et des migrations.

b. M. B______ avait déclaré, en 2007, un salaire brut de CHF 39'600.-. La même année, les époux avaient perçu chacun une allocation au logement de CHF 2'250.-, un subside d’assurance-maladie de CHF 960.-, et leur fils avait perçu un subside d’assurance-maladie de CHF 1'200.-.

8) Le 22 septembre 2008, à l’issue d’un entretien du, l’assistante sociale a invité Mme A______ à demander à son époux de prendre contact avec l’hospice, sans délai. M. B______ a, suite à cette demande, téléphoné le 9 octobre 2008 à l’assistante sociale.

Il avait commencé une formation en comptabilité qui serait financée en partie par un prêt de CHF 4'750.- consenti par son frère, Monsieur J______ , résidant à Lausanne. Il devait rembourser son frère au moyen des prestations d’études auxquelles il pensait avoir droit.

9) a. Par décision du 4 novembre 2008, le service des allocations d’études et d’apprentissage (ci-après : SAEA) a accordé à M. B______ une somme de CHF 2'375.- de frais d’écolage, le solde devant être versé à la fin de la formation.

b. Par deux nouvelles décisions du 5 octobre 2009 et du 12 octobre 2010, le SAEA a octroyé à l’intéressé une aide financière respectivement de CHF 1'425.- et de CHF 950.-.

10) a. Par décision du 21 novembre 2008, le SAEA a, suite à la demande de son père, octroyé à C______, une allocation pour études de CHF 5'620.-, pour l’année scolaire 2008/2009, en sus de CHF 460.- de frais de matériel.

L’aide financière devait être versée à l’hospice selon un ordre de paiement du 3 novembre 2008. M. B______ devait signaler tout revenu brut familial dépassant le barème de CHF 52'385.- et tout fait nouveau de nature à modifier la décision.

b. La décision d’allocation pour études a été renouvelée le 9 novembre 2009, dans les mêmes conditions, pour un montant de CHF 6'646.- couvrant l’année scolaire 2009/2010.

11) Le 16 mars 2009, l’assistante sociale a, par téléphone, invité M. B______ à se présenter à un rendez-vous d’entretien en compagnie de son épouse et à produire son contrat de travail.

L’intéressé avait déclaré ne pas pouvoir se libérer pour un entretien dans la mesure où il travaillait jusque tard dans la soirée.

12) Selon les déclarations de M. B______ confirmées par son employeur et la société fiduciaire F______ SA , entre 2008 et 2009, il avait perçu sur ses comptes ouverts auprès de la BCGE et de l’UBS, en plus de son salaire, des provisions destinées à effectuer des achats de marchandises auprès des fournisseurs de la boulangerie-pâtisserie « D______ ».

13) Le 14 mai 2009, Mme A______, a, lors d’un entretien, déclaré à l’assistante sociale que son époux recevait l’argent de son employeur en mains propres.

14) Le même jour, le CAS a saisi le service des enquêtes pour mener une « enquête au besoin » au sujet de la situation des époux A______, au vue des zones d’ombre entourant leur droit aux prestations d’aide financière.

15) Par courrier du 16 juin 2009, valant avertissement, l’assistante sociale a sommé les époux A______ de produire la copie du contrat de travail de ce dernier et leur a fixé un délai au 25 juin 2009.

16) Le 25 juin 2009, Mme A______ a remis à l’assistante sociale un contrat de travail de son époux, signé le 18 juin 2009 et remplaçant un « contrat de travail oral et tacite liant les parties depuis le 1er avril 2002 ».

Selon le contrat produit, M. B______ travaillait en qualité d’aide comptable/employé. Ses tâches étaient la tenue de la comptabilité générale, la facturation et le contrôle des débiteurs. La durée hebdomadaire de son activité était de trente-deux heures, soit un taux d’activité de 80 %. Son salaire brut mensuel était de CHF 3'400.-, soit un salaire net de CHF 2'884.15, et son lieu de travail se situait dans les locaux de la société fiduciaire F______ SA .

17) Les 29 septembre 2009 et 25 mars 2010, le service des enquêtes de l’hospice a procédé à l’audition des époux A______.

18) Le 1er avril 2010, Mme A______ a annoncé à son assistante sociale que le couple renonçait à l’aide financière de l’hospice, son époux s’étant installé comme indépendant.

19) Le 23 avril 2010, le service des enquêtes a livré les résultats de son enquête sur la situation financière des époux A______.

a. Mme A______ avait reçu de l’office AI une rente pour une période allant du 1er mars 2002 au 30 septembre 2002. Ainsi, elle avait droit à CHF 766.- de rente-invalidité pour elle-même, CHF 307.- de rente pour enfant, et CHF 230.- de rente complémentaire pour l’époux. Celle-ci avait en outre, le 3 juin 2009, déposé une nouvelle demande de prestations AI qui était en cours d’examen.

b. M. B______ était employé à 80 % auprès de la boulangerie-pâtisserie « D______ » depuis le 1er avril 2002 à raison d’un salaire mensuel net de CHF 2'884.15. Le relevé des cotisations sociales mentionnait un salaire annuel de CHF 39'600.-, de 2003 à 2007. Cependant, des relevés du compte bancaire de l’intéressé ouvert à la BCGE faisaient état d’un salaire mensuel de CHF 4'700.-. Sur ce compte, M. B______ avait versé, d’avril 2008 à septembre 2009, une somme de CHF 20'400.-. Des débits pour un montant total de CHF 4'800.- avaient été effectués en faveur de comptes ouverts au Portugal auprès de la Banco Espirito Santo Lisboa, le 30 octobre 2008, et de la Banco BPI SA à Porto, le 30 août 2008. En 2007, les époux A______ avaient été imposés sur un revenu de CHF 29'127.-, et de CHF 27'642.-, en 2008. Sur le compte de M. B______ ouvert à l’UBS, étaient versés les allocations familiales et les remboursements de l’assurance-maladie. Une partie du salaire de ce dernier était créditée sur son compte ouvert à la BCGE.

Sur le compte de Mme A______ ouvert à la BCGE, avaient été versés, entre le 3 juillet 2009 et le 25 mars 2010, les montants de CHF 9'121.- et CHF 2'470.- d’intérêts moratoires, soit CHF 11'591.-, par la Caisse de compensation Hotela. Sur le compte Postfinance de l’épouse étaient versées les allocations de logement. En outre, Mme A______ avait versé sur ce dernier compte, entre le 1er octobre 2007 et le 4 septembre 2009, une somme de CHF 20'930.-.

20) Par courrier du 16 décembre 2011, le CAS de Saint-Jean a envoyé aux époux A______ une demande de restitution de CHF 101'398.20 de prestations indûment perçues.

a. Les intéressés avaient reçu une aide financière du 1er novembre 2003 au 31 mars 2010. Ils avaient signé le document « Mon engagement en demandant une aide financière à l’Hospice général » par lequel ils s’étaient engagés à tout mettre en œuvre pour améliorer leur situation sociale et financière. Depuis le début de l’aide financière, M. B______ avait fourni à l’hospice ses fiches de salaires mensuels provenant de son employeur « D______ » mentionnant un salaire net mensuel variant entre CHF 2'794.30 à CHF 2'884.15.

Selon le rapport du service des enquêtes du 23 avril 2010, les revenus annuels déclarés de M. B______ auprès de la caisse cantonale AVS s’élevaient, pour la période de janvier 2003 à décembre 2007, à CHF 39'600.-. Néanmoins, lors de l’audition des époux A______ du 29 septembre 2009 et 25 mars 2010, ce service avait découvert des comptes bancaires et postaux non déclarés sur lesquels figuraient diverses ressources financières couvrant les périodes de janvier à septembre 2008. M. B______ avait perçu de son employeur des salaires mensuels nets compris entre CHF 4'700.- et CHF 9'400.- durant la période d’octobre 2008 à septembre 2009.

b. Les intéressés avaient volontairement caché des informations importantes permettant de fixer avec exactitude le montant de leur droit aux prestations d’aide sociale financière. La totalité de l’aide octroyée devait être remboursée dans la mesure où l’hospice ne pouvait pas avoir accès à l’intégralité des documents bancaires ou postaux des époux A______ depuis le 1er novembre 2003.

c. L’hospice se réservait le droit de déposer une plainte pénale contre les époux A______.

21) Par acte expédié le 20 janvier 2012, les époux A______ ont formé opposition contre cette demande de restitution, en concluant à son annulation.

a. M. B______ avait régulièrement transmis à l’hospice ses fiches de salaire mensuelles. Les sommes versées sur le compte bancaire de l’intéressé correspondaient à son salaire et à des provisions destinées aux achats de marchandise pour le compte de son employeur. Ils n’avaient pas eu l’intention de cacher des informations importantes à l’hospice.

b. Les intéressés ont produit à l’appui de leur opposition plusieurs extraits de comptes couvrant la période de l’aide financière perçue, les récapitulatifs, feuilles de compte et quittance relatifs aux années 2003 à 2010, en signe de leur bonne foi et de la transparence.

22) Par décision du 22 mai 2012, le directeur général de l’hospice a rejeté l’opposition.

M. B______ avait en réalité touché en 2004 et 2005, un salaire mensuel de CHF 4'300.-, de 2006 à mars 2007, CHF 4'500.-, dès mars 2007, CHF 4'700.-. Il avait communiqué à l’hospice des salaires inférieurs. Des sommes cachées ponctuellement créditées sur son compte à la BCGE auraient dû être prises en considération pour déterminer le montant des prestations d’aide financière. Mme A______ n’avait pas non plus annoncé à l’hospice le montant perçu de la Caisse de compensation Hotela. Les époux A______ avaient ainsi enfreint leur obligation de renseigner de manière réitérée.

23) Par acte expédié le 22 juin 2012, les époux A______ ont recouru contre cette décision sur opposition auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), en concluant à son annulation.

M. B______ avait transmis régulièrement à l’hospice ses fiches de salaire mensuelles. Il avait ainsi collaboré en fournissant les renseignements nécessaires pour établir son droit aux prestations d’aide sociale financière. Les versements effectués par son employeur comprenaient son salaire et un surplus destiné à régler l’achat des marchandises pour le compte de la boulangerie. Son contrat de travail ne spécifiait pas quelles étaient ses tâches dans le cadre de son activité professionnelle. Il pouvait dès lors être chargé d’effectuer les achats de la boulangerie. Son lieu de travail se trouvait certes dans les locaux de la société fiduciaire F______ SA . Toutefois, le contrat de bail avait été signé par la boulangerie « D______ ». L’intéressé n’avait reçu aucun treizième salaire en 2008.

Ils n’avaient pas eu l’intention de se soustraire à leur obligation de renseigner l’hospice. M. B______ n’avait pas pu se présenter aux entretiens en raison de son travail et de sa formation suivie en parallèle à son activité professionnelle. Mme A______ n’avait pas eu la volonté de dissimuler le versement de la caisse de compensation Hotela.

24) Le 17 juillet 2012, l’hospice a déposé une plainte pénale contre les époux A______ pour infraction à la législation sur l’aide sociale individuelle et pour escroquerie.

Les intéressés avaient volontairement dissimulé des éléments de leurs revenus et de leur fortune, afin de percevoir, du 1er novembre 2003 au 31 mars 2010, de manière indue, une somme totale de CHF 101'398.20.

25) Le 15 août 2012, l’hospice a conclu au rejet du recours des époux A______ du 22 juin 2012 et à la confirmation de sa décision contestée.

M. B______ avait touché des salaires supérieurs à ceux annoncés en 2004, 2005, 2006, 2007, 2008 et 2009. Les pièces produites relatives aux achats de la boulangerie n’apportaient pas la preuve du versement d’une provision à l’intéressé destinée au paiement des fournisseurs de son employeur. Les débits du compte UBS de M. B______ correspondaient à des dépenses privées et non à celles de la boulangerie. Il n’y avait pas de concordance entre les retraits sur son compte BCGE et les dépenses de la boulangerie. Les intéressés avaient déclaré seulement en 2008, la formation suivie par l’époux depuis 2006. Ils n’avaient pas fait état des aides financières privées ou du SAEA perçues pour cette formation ou celle de leur fils. Ils avaient enfreint leur obligation de renseigner.

26) Le 11 octobre 2012, le juge délégué a procédé à une audience de comparution personnelle et d’enquêtes.

a. Les époux A______ contestaient le principe de restituer l’aide financière perçue et les montants mis à leur charge. L’époux s’occupait de tout ce qui était en rapport avec l’aide sociale, son épouse étant d’accord avec lui. Il ne s’était pas présenté aux entretiens en raison de son travail. Son épouse n’était pas au courant de toutes ses activités. Elle ne pouvait ainsi pas renseigner l’hospice en particulier sur son travail. Elle n’avait pas compris ce qui figurait dans les documents de demande d’intervention de l’hospice. Il lui était arrivé de ne pas comprendre les exigences de l’assistante sociale, les entretiens ayant lieu en français. Elle avait demandé une fois à une amie de l’accompagner pour lui expliquer la situation. Elle avait apporté tous les documents demandés.

b. Selon l’assistante sociale en charge des époux A______, le document de l’engagement de collaboration avait été remis en français avec une copie en portugais. Elle avait rencontré l’épouse tous les mois, les entretiens ayant lieu en français. Néanmoins, l’assistante administrative en charge du dossier des époux A______ à l’hospice étant d’origine portugaise, était sollicitée pour traduction en cas de besoin. Elle-même n’avait pas rencontré M. B______. En 2007, l’épouse avait sollicité la compagnie d’une amie portugaise parlant le français en raison d’un problème précis de remboursement de séances de physiothérapie.

c. Par décision sur le siège du juge délégué, la procédure a été suspendue pendant la durée de la procédure pénale consécutive à la plainte pénale de l’hospice du 17 juillet 2012 contre les époux A______.

27) Par ordonnance pénale du 15 janvier 2013, le ministère public a condamné les époux A______, pour escroquerie, à une peine pécuniaire de septante jours-amendes, a fixé le montant du jour-amende respectivement à CHF 70.- pour l’époux et à CHF 30.- pour l’épouse, les a mis au bénéfice d’un sursis et a fixé le délai d’épreuve à trois ans.

a. Dès janvier 2003, des fonds étaient régulièrement envoyés au Portugal par le biais du compte de M. B______ ouvert auprès de l’UBS, déclaré à l’hospice seulement en 2009. Les quittances produites ne permettaient pas de conclure au versement des provisions d’achat à M. B______ par son employeur ou la société fiduciaire F______ SA . Même si leurs revenus ne pouvaient pas être chiffrés de manière exacte, ils étaient, au regard des pièces du dossier, au-delà de ceux déclarés. Les intéressés avaient dissimulé à l’hospice leurs véritables ressources financières. Ils l’avaient astucieusement induit en erreur, en lui dissimulant le montant réel de leur revenu pour un total de CHF 101'398.20, se procurant ainsi un avantage illicite.

b. Les époux A______ ont formé opposition contre cette ordonnance pénale au ministère public qui a rendu une nouvelle ordonnance sur opposition et renvoyé le dossier au Tribunal pénal.

28) Par jugement du 11 décembre 2014, le Tribunal de police a condamné les époux A______, pour escroquerie, à une peine pécuniaire de cent cinquante jours-amendes à CHF 35.- le jour-amende, avec sursis durant trois ans.

a. Les époux A______ avaient dissimulé de façon concertée entre eux, des revenus dont la quotité n’était toutefois pas arrêtée. Ils avaient fait preuve de tromperie astucieuse dans la mesure où l’hospice qui travaille sur la base d’un rapport de confiance particulier avec les personnes nécessiteuses n’avait pas à se méfier particulièrement d’eux. S’agissant de la période pénale, celle-ci était intervenue de façon certaine à tout le moins dès 2006 au vu des montants qui avaient pu être adressés au Portugal. En revanche, elle n’était pas établie avec suffisamment de certitude pour la période précédente.

b. Les intéressés ont appelé de ce jugement auprès de la chambre pénale d’appel et de révision de la Cour de justice.

29) Par arrêt 20 juillet 2015, devenu définitif, la chambre pénale d’appel et de révision de la Cour de justice a confirmé le jugement du Tribunal de police.

Les époux A______ n’avaient pas satisfait à leur obligation de renseigner. Ils avaient certes déclaré certains des revenus de l’époux. Toutefois, ils avaient tu d’autres entrées d’argent. Ils avaient dissimulé certains de leurs comptes pendant plusieurs années. Entre 2006 et 2008, ils avaient rapporté sur des formulaires deux relations bancaires seulement au lieu des quatre ouvertes en leurs noms respectifs. M. B______ avait perçu des salaires supérieurs à ceux déclarés, soit CHF 4'300.- entre avril et décembre 2005, à CHF 4'500.- entre février 2006 et février 2007 et à CHF 4'700.-, à compter de mars 2007. Les salaires versés à l’intéressé l’étaient par son employeur « D______ » à raison de 80 % sur le compte UBS, l’autre 20 % sur le compte dissimulé à la BCGE par la société fiduciaire F______ SA . Mme A______ avait caché à l’hospice la somme perçue de la Caisse de compensation Hotela.

30) Le 8 octobre 2015, l’hospice a requis de la chambre de céans la reprise de la procédure de recours en persistant dans ses conclusions.

31) Par décision du 14 octobre 2015, le juge délégué a prononcé la reprise de la procédure. Il a, le même jour, dans un courrier séparé, requis des époux A______ d’indiquer si, au vu de l’arrêt de la chambre pénale d’appel et de révision, ils persistaient dans leur recours.

32) Le 30 octobre 2015, les époux A______ ont persisté dans les conclusions de leur recours et ont requis leur audition pour faire « lumière sur les tableaux justificatifs établis ».

33) Le 23 novembre 2015, les époux A______, s’exprimant au sujet de la procédure pénale, ont une nouvelle fois persisté dans les conclusions de leur recours du 22 juin 2012, ont requis leur audition et celle de Messieurs E______ et G______, dans la mesure où ces derniers « pourront confirmer que les versements effectués sur le compte de la BCGE étaient constitués en partie de provisions pour les achats de la boulangerie ».

L’hospice ne s’était pas assuré de la présence d’un interprète lors des entretiens de l’assistante sociale avec Mme A______. Celle-ci s’était du reste bornée à remettre à l’assistante sociale les documents requis qui avaient été réunis par son époux. Les provisions versées pour l’achat de marchandises de l’employeur étaient attestées par la société fiduciaire F______ SA , l’employeur et l’intéressé. Le Tribunal de police n’avait pas remis en question ces acomptes versés à l’intéressé. Le salaire de M. B______, à l’exclusion de la part d’acomptes, avait dûment été déclaré à l’administration fiscale cantonale et à la caisse de compensation AVS par son employeur qui versait sa cotisation sur la base du montant déclaré. Les autorités cantonales n’avaient pas formulé d’objections à ce sujet. Les provisions versées par l’employeur ne constituaient pas, selon les témoins entendus par le Tribunal de police et les pièces produites, une rémunération en sus du salaire fixe. Les intéressés n’étaient ainsi pas tenus de déclarer ces acomptes dans la mesure où ceux-ci n’étaient pas considérés comme un revenu supplémentaire.

La période pénale ne pouvait pas s’étendre sur une période antérieure à 2006.

34) Le 27 novembre 2015, le juge délégué a informé les parties avoir reçu, suite à sa requête du 6 novembre 2015, le dossier de la procédure pénale, de sorte que les éléments de celle-ci seraient, le cas échéant, utilisés dans la procédure administrative. Les réquisitions de preuves des parties seraient traitées dans l’arrêt à rendre.

35) Ensuite de quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 52 de la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 - LIASI - J 4 04 ; art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Dans leur courrier du 23 novembre 2015, les recourants ont requis leur propre audition et celle de MM. E______ et G______ .

a. Le droit de faire administrer des preuves découlant du droit d’être entendu garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) n’empêche pas l’autorité de mettre un terme à l’instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d’une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu’elles ne pourraient l’amener à modifier son opinion (arrêts du Tribunal fédéral 2C_235/2015 du 29 juillet 2015 consid. 5 ; 2C_1073/2014 du 28 juillet 2015 consid. 3.1). Le droit d’être entendu ne comprend pas le droit d'être entendu oralement (arrêt du Tribunal fédéral 1C_551/2015 du 22 mars 2016 consid. 2.2) ni celui d'obtenir l’audition de témoins (ATF 130 II 425 consid. 2.1 p. 428 ; ATA/356/2016 du 26 avril 2016).

b. En l’espèce, la chambre administrative a un dossier comportant les auditions de MM. E______ et G______ du 9 octobre 2014 par le Tribunal de police. Par ailleurs, elle a, le 11 octobre 2012, procédé à l’audition des recourants. De nouvelles auditions pour faire « lumière sur les tableaux justificatifs établis » ou « confirmer que les versements effectués sur le compte de la BCGE étaient constitués en partie de provisions pour les achats de la boulangerie » ne sont pas à même d’apporter des éléments nouveaux pertinents par rapport aux constatations ressortant du dossier.

Le dossier étant complet et permettant de se prononcer sur le litige en connaissance de cause, il ne sera dès lors pas donné suite aux auditions requises.

3) Le litige porte sur la demande de restitution de l’aide sociale perçue par les usagers à titre de membre du groupe familial durant la période du 1er novembre 2003 au 31 mars 2010.

4) Aux termes de l’art. 12 Cst., quiconque est dans une situation de détresse et n’est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d’être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine.

Ce droit à des conditions minimales d’existence fonde une prétention des justiciables à des prestations positives de l’État. Il ne garantit toutefois pas un revenu minimum, mais uniquement la couverture des besoins élémentaires pour survivre d’une manière conforme aux exigences de la dignité humaine, tels que la nourriture, le logement, l’habillement et les soins médicaux de base. L’art. 12 Cst. se limite, autrement dit, à ce qui est nécessaire pour assurer une survie décente afin de ne pas être abandonné à la rue et réduit à la mendicité (ATF 142 I 1 consid. 7.2.1 p. 5 ss ; 136 I 254 consid. 4.2  p. 258 ss; 135 I 119 consid. 5.3 p. 123 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_9/2013 du 16 mai 2013 consid. 5.1 ; ATA/878/2016 du 18 octobre 2016 ; ATA/761/2016 du 6 septembre 2016).

5) À teneur de l’art. 60 al. 1 LIASI, cette loi s’applique dès son entrée en vigueur à toutes les personnes bénéficiant de prestations prévues par l’ancienne loi sur l’assistance publique du 19 septembre 1980 (aLAP - J 4 05 ; ATA/239/2015 du 3 mars 2015 ; ATA/1024/2014 du 16 décembre 2014).

En l’espèce, dès lors que les recourants bénéficiaient des prestations financières au moment de l’entrée en vigueur de la LIASI, celle-ci s’applique à la présente cause en vertu de l’art. 60 al. 1 LIASI précité.

6) a. En droit genevois, la LIASI et son règlement d’exécution du 25 juillet 2007 (RIASI - J 4 04.01) concrétisent l’art. 12 Cst. (ATA/878/2016 et ATA/761/2016 précités), tout en allant plus loin que ce dernier. La LIASI a pour but de prévenir l’exclusion sociale et d’aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel (art. 1 al. 1).

b. Les prestations de l’aide sociale individuelle sont l’accompagnement social, des prestations financières et l’insertion professionnelle (art. 2 LIASI). La personne majeure qui n’est pas en mesure de subvenir à son entretien ou à celui des membres de la famille dont il a la charge a droit à des prestations d’aide financière. Celles-ci ne sont pas remboursables sous réserve notamment de leur perception indue (art. 8 al. 1 et 2 LIASI). Elles sont subsidiaires à toute autre source de revenu (art. 9 al. 1 LIASI).

7) a. Le demandeur ou son représentant légal doit fournir gratuitement tous les renseignements nécessaires pour établir son droit et fixer le montant des prestations d'aide financière (art. 32 al. 1 LIASI). La LIASI impose ainsi un devoir de collaboration et de renseignement. Le bénéficiaire ou son représentant légal doit immédiatement déclarer à l’hospice tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations d’aide financière qui lui sont allouées ou leur suppression (art. 33 al. 1 LIASI ; ATA/239/2015 et ATA/1024/2014 précités).

b. Le document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l'hospice général » concrétise cette obligation de collaborer en exigeant du demandeur qu'il donne immédiatement et spontanément à l'hospice tout renseignement et toute pièce nécessaire à l'établissement de sa situation personnelle, familiale et économique tant en Suisse qu'à l'étranger (ATA/239/2015 précité ; ATA/368/2010 du 1er juin 2010).

8) a. Selon l’art. 14 LPA, lorsque le sort d’une procédure administrative dépend de la solution d’une question de nature civile, pénale ou administrative relevant de la compétence d’une autre autorité et faisant l’objet d’une procédure pendante devant ladite autorité, la suspension de la procédure administrative peut, le cas échéant, être prononcée jusqu’à droit connu sur ces questions. La règle précitée a pour corollaire que lorsque le complexe de fait soumis au juge administratif a fait l’objet d’une procédure pénale, le juge administratif est en principe lié par le jugement pénal (ATA/239/2015 précité ; ATA/553/2014 du 17 juillet 2014).

b. En matière de circulation routière notamment, le juge administratif ne peut s’éloigner du jugement pénal que s’il est en mesure de fonder sa décision sur des constatations de fait que le juge pénal ne connaissait pas ou qu’il n’a pas pris en considération, s’il existe des preuves nouvelles dont l’appréciation conduit à un autre résultat, si l’appréciation à laquelle s’est livré le juge pénal se heurte clairement aux faits constatés, ou si ce dernier n’a pas élucidé toutes les questions de droit (arrêt du Tribunal fédéral 1C_87/2009 du 11 août 2009 consid. 2.1 ; ATA/239/2015 précité ; ATA/23/2015 du 6 janvier 2015).

9) a. En l’espèce, l’hospice a fondé sa décision de demande de restitution de l’aide sociale financière perçue par les recourants notamment sur le fait que ces derniers ont déclaré des revenus de l’époux inférieurs à ceux que celui-ci percevait en réalité et ont tu les prestations d’assurance-invalidité versées à l’épouse.

L’enquête pénale menée par le ministère public a permis d’établir que le recourant a perçu des salaires variant entre CHF 4'300.- et CHF 4'700.- durant la période située entre 2006 et 2010. Elle a aussi confirmé le versement de la prestation d’assurance-invalidité octroyée par la Caisse de compensation Hotela, sur le compte postal de la recourante. Elle a également mis en lumière que les provisions alléguées par les recourants destinées à l’achat des marchandises de l’employeur de l’époux n’étaient pas crédibles.

D’autres éléments non déclarés par les recourants notamment des versements d’importantes sommes d’argent sur des comptes ouverts au Portugal ont été également confirmés par l’enquête pénale, étant précisé que les intéressés ont informé l’hospice, entre 2006 et 2008, uniquement sur deux de leurs quatre comptes bancaires ouverts en Suisse.

b. S’agissant de la période pénale qui n’était pas établie avec certitude pour la période antérieure à 2006, selon le Tribunal de police, les éléments figurant dans le dossier permettent à la chambre de céans de s’écarter des constatations faites à ce sujet par le juge pénal, en ce qui concerne la période de restitution à prendre en considération dans le cadre de la présente procédure.

En effet, l’obligation des recourants de donner à l’hospice tous les éléments utiles au calcul des prestations auxquelles ils avaient droit a pris naissance dès l’introduction de la demande d’aide sociale financière par la recourante, en novembre 2003. Or, il ressort des extraits bancaires produits par les recourants que l’époux a perçu entre septembre et décembre 2003, sur son compte ouvert à l’UBS, déclaré à l’autorité intimée en 2009, des sommes d’argent variant entre CHF 3'450.- et 3'750 versées par MM. E______ et G______ , montants qui étaient supérieurs au salaire net mensuel déclaré de 2'794.30 à CHF 2'884.15 du recourant. Durant les années 2004 et 2005, les pièces produites au dossier confirment également que le recourant avait un revenu mensuel de CHF 4'300.- supérieur à son salaire net déclaré de 2'794.30 à CHF 2'884.15. Les recourants n’ont pas annoncé à l’hospice ces éléments utiles lors de leurs engagements de collaboration et demandes successives des prestations financières.

Malgré leurs dénégations et les documents produits à l’appui de leurs allégations, les intéressés n’ont pas réussi à démontrer que la différence entre le salaire net de l’époux et les montants versés sur ses comptes bancaires constituaient des provisions destinées à l’achat des marchandises de son employeur. Il paraît ainsi que c’est dès leur première demande d’aide financière, le 27 novembre 2003, que les recourants n’ont pas satisfait à leur obligation d’informer l’hospice au sujet des revenus de leur groupe familial. L’allégation que Mme A______ ne comprenait pas ce qui lui était demandé ne peut être suivie dans la mesure où les premiers documents qui lui ont été remis, ce qu’elle ne conteste pas, comportaient une traduction en portugais. Par ailleurs, son époux, d’après leurs propres déclarations, qui préparait tous les documents à remettre à l’assistante sociale n’a pas allégué ni prouvé qu’il aurait rencontré des difficultés à comprendre les documents en français qui lui étaient remis par son épouse.

c. En ne fournissant pas à l’hospice les informations sur leurs vrais revenus qui lui auraient permis d’établir leur situation financière et familiale réelle dès leur première demande de novembre 2003, les recourants ont manqué à leur obligation de collaborer et de renseigner sur leur condition économique et personnelle.

Le principe de la restitution de l’intégralité de l’aide financière perçue doit dès lors être retenu.

10) a. Toute prestation qui a été touchée sans droit est considérée comme étant perçue indûment (art. 36 al. 1 LIASI ; ATA/239/2015 et ATA/1024/2014 précités).

b. Toute prestation obtenue en violation de l’obligation de renseigner l’hospice est une prestation perçue indûment (ATA/239/2015 et ATA/1024/2014 précités ; ATA/127/2013 du 26 février 2013 ; ATA/54/2013 du 29 janvier 2013).

c. En l’espèce, les recourants ont caché à l’hospice les faits susmentionnés qui pouvaient permettre de vérifier leur situation réelle. Ils ont ainsi failli à leur obligation de renseigner. Partant, les prestations d’aide financière leur ont été versées indûment.

11) Les recourants soutiennent que la période de restitution ne peut pas aller au-delà de la période pénale retenue par le juge pénal. Ils contestent ainsi devoir l’intégralité des sommes versées du 1er novembre 2003 au 31 mars 2010.

a. Toute prestation perçue indûment peut faire l’objet d’un remboursement. La restitution peut être réclamée si le bénéficiaire, sans avoir commis de faute ou de négligence, n’est pas de bonne foi (art. 36 al. 3 LIASI).

b. Celui qui a déjà encaissé des prestations pécuniaires obtenues en violation de son obligation de renseigner est tenu de les rembourser selon les modalités prévues par la LIASI qui concrétisent tant le principe général de la répétition de l'enrichissement illégitime que celui de la révocation, avec effet rétroactif, d'une décision administrative mal fondée (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 168 ss), tout en tempérant l'obligation de rembourser en fonction de la faute et de la bonne ou mauvaise foi du bénéficiaire (ATA/239/2015 et ATA/1024/2014 précités).

Il convient toutefois d’apprécier, au cas par cas, chaque situation pour déterminer si l’entier des prestations, ou seulement une partie de celles-ci, a été perçu indûment et peut faire l’objet d’une demande de remboursement (ATA/127/2013 précité).

c. En l'espèce, il a été retenu dans les considérants précédents que les recourants ont caché la réalité de leurs revenus dès la signature de l’engagement de collaboration du 27 novembre 2003. Partant, c'est sans droit qu'ils ont perçu les prestations financières à partir du 1er novembre 2003. Le fait que certaines preuves des faits retenus dans la décision attaquée ont été découvertes après la décision de demande de restitution du 16 décembre 2011 n’y change rien. Les manquements à l’obligation de renseigner relevés étaient suffisants pour permettre à l’hospice de demander le remboursement de l’intégralité des prestations d'aide financière dans la mesure où les intéressés n’ont pas donné notamment, malgré les sollicitations de celui-ci, le contrat de travail de l’époux avant la sommation de juin 2009, ont caché la réalité de certaines de leurs relations bancaires jusqu’en 2009 et que le recourant ne s’est jamais présenté aux entretiens mensuels permettant la mise à jour de leur situation financière.

Ce grief sera ainsi écarté.

12) a. Le bénéficiaire de bonne foi n’est tenu au remboursement, total ou partiel, que dans la mesure où il ne serait pas mis de ce fait dans une situation difficile (art. 42 al. 1 LIASI).

b. En matière d’assistance publique, les bénéficiaires des prestations d’assistance sont tenus de se conformer au principe de la bonne foi dans leurs relations avec l’administration, notamment en ce qui concerne l’obligation de renseigner prévue par la loi, sous peine d’abus de droit. Si l’usager n’agit pas de bonne foi, son attitude doit être sanctionnée et les décisions qu’il a obtenues en sa faveur peuvent être révoquées en principe en tout temps. Violer le devoir de renseigner est contraire à la bonne foi (ATA/239/2015 et ATA/1024/2014 précités).

c. En l'espèce, les recourants ont caché à l’hospice des informations nécessaires à l'établissement de leur situation personnelle et financière. En l’occurrence, ils n’ont pas annoncé notamment les salaires réels de l’époux et les prestations de l’assurance-invalidité perçues par l’épouse. Ces manquements, qui se sont déroulés sur une période de plusieurs années, de novembre 2003 à mars 2010, excluent la condition de la bonne foi.

Dans la mesure où les recourants ont ainsi reçu indûment l’aide sociale en violation de leur devoir de renseigner, ils étaient manifestement de mauvaise foi. L’hospice était donc fondé à leur réclamer le remboursement des montants encaissés et d’en exclure une remise totale ou partielle.

13) L'action en restitution se prescrit par cinq ans, à partir du jour où l’hospice a eu connaissance du fait qui ouvre le droit au remboursement. Le droit au remboursement s'éteint au plus tard dix ans après la survenance du fait (art. 36 al. 5 LIASI ; ATA/1024/2014 précité).

En l’espèce, l’hospice a pris connaissance des faits reprochés aux recourants lors de la remise des résultats de l’enquête complète du 23 avril 2010, étant précisé que l’enquête partielle du 21 août 2008 n’était qu’un contrôle informatique dans les registres publics qui n’avait pas investigué sur la situation financière des recourants. Dans la décision du 16 décembre 2011 et celle sur opposition du 22 mai 2012, l’hospice a demandé le remboursement des sommes perçues entre le 1er novembre 2003 et le 31 mars 2010.

La demande de remboursement respecte dès lors le délai de prescription de cinq ans à compter de la connaissance des faits. En tout état, le délai de cinq serait également respecté, même en prenant comme point de départ, la remise de l’enquête partielle du 21 août 2008.

14) Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours.

Vu la nature du litige, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée aux recourants, qui succombent (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 22 juin 2012 par Madame A______ et Monsieur B______ contre la décision sur opposition de l’Hospice général du 22 mai 2012 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Raphaël Cristiano, avocat des recourants, ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :