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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2605/2016

ATA/749/2018 du 18.07.2018 sur JTAPI/1364/2016 ( DOMPU ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 13.09.2018, rendu le 13.09.2019, ADMIS, 1C_451/2018
Descripteurs : DOMAINE PUBLIC ; USAGE COMMUN ACCRU ; AUTORISATION OU APPROBATION(EN GÉNÉRAL) ; AUTONOMIE COMMUNALE ; POUVOIR D'APPRÉCIATION ; MANIFESTATION ; LIBERTÉ DE MANIFESTATION ; LIBERTÉ DE RÉUNION ; LIBERTÉ D'EXPRESSION ; INTÉRÊT PUBLIC ; PROPORTIONNALITÉ ; REPRÉSENTATION EN PROCÉDURE ; DROIT D'ÊTRE ENTENDU ; ABSENCE D'INDICATION DES VOIES DE DROIT ; MOTIVATION DE LA DÉCISION ; PRINCIPE DE LA BONNE FOI ; APPAREIL D'ENREGISTREMENT SONORE ; TRACT ; OBJET DU LITIGE ; MOTIVATION ; MOYEN DE DROIT
Normes : LPA.9.al1; LPA.60.al1.leta; LPA.60.al1.letb; Cst.29.al2; LPA.41; LPA.46.al1 1ère phrase; LPA.47; LREC.7; LPA.64.al2; LAC.82; LDPu.17; CEDH.10; CEDH.11; LPA.61; Cst.16; Cst.22; Cst.36; LDPu.12; LDPu.13.al1; LDPu.15; LDPu.19; RUDP.1.al2; RUDP.1.al3; RTP.7; Cst.5.al3; Cst.9; ROAC.5.al1.letf.ch4; Cst-GE.26; LPA.65.al2 1ère phrase
Résumé : Recours d'une association contre une décision lui accordant le droit d'organiser sur le domaine public une mise en scène représentant des individus couchés en sous-vêtements maculés en rouge représentant des animaux abattus. L'association considère que ses libertés de réunion et d'expression sont violées du fait que la décision a été accordée « à titre d'essai » et qu'elle pourrait être retirée sur-le-champ en cas de plaintes. Par ailleurs, et selon elle, on ne pouvait pas lui demander de déposer une nouvelle demande pour l'usage d'appareils amplifiant le son. Enfin, et toujours selon elle, on ne pouvait pas lui interdire de sortir de périmètre dévolu et de distribuer des tracts. Recours partiellement admis uniquement en ce que les recourantes ne devaient pas déposer une nouvelle demande auprès du département pour l'usage d'un moyen d'amplification sonore.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2605/2016-DOMPU ATA/749/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 18 juillet 2018

 

dans la cause

ASSOCIATION A______

et

Madame B______
représentées par Monsieur D______, mandataire

contre

VILLE DE GENÈVE - SERVICE DE LA SÉCURITÉ ET DE L'ESPACE PUBLICS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 décembre 2016 (JTAPI/1364/2016)


EN FAIT

1. L'Association A______ (ci-après : l'association) est une association sans but lucratif qui a pour but principal notamment de promouvoir la protection de la dignité et du bien-être des animaux en créant un débat de société qui remet en question l'exploitation animale et le spécisme, ce dernier étant défini comme l'idéologie qui considère que la vie et les intérêts des animaux peuvent être négligés, uniquement parce qu'ils sont d'une autre espèce.

2. Le 22 juin 2016, au moyen du « Service en ligne des manifestations pour un événement de divertissement public communal ou d'importance cantonale », Madame B______, membre de l'association, a complété une requête en ligne en vue de l'organisation d'une manifestation au nom de l'association.

La demande visait l'autorisation de tenir en date du 13 août 2016, de 15h00 à 17h00 à la rue du Marché, place du Molard, une manifestation non payante de type « représentation » intitulée « C______ ». Cette action réunirait cinq personnes au maximum assises à une table. Elles tiendraient des panneaux illustrant un animal, les mains barbouillées de peinture rouge. À leurs pieds, au maximum dix personnes couchées en sous-vêtements (ou combinaison), représentant des animaux morts pour la consommation alimentaire, barbouillées de peinture rouge. Autour de la table, au maximum dix personnes tiendraient des banderoles, panneaux, affiches, et cinq à six personnes informeraient les personnes qui le demanderaient. Les organisateurs souhaitaient également pouvoir utiliser un micro ou mégaphone afin de diffuser un message explicatif de la scène. Le message d'une durée maximum de cinq minutes passerait toutes les quinze à vingt minutes environ. Le but était d'interpeler les passants sur la consommation de viande et non pas de choquer. Il était encore précisé que cette action avait déjà été organisée à Lausanne le 28 mai 2016 sur la place de la Palud. Elle avait reçu un très bon accueil et réveillé la curiosité des passants.

3. Le même jour, Mme B______ a reçu, par courriel, un accusé de réception de la demande.

Dans le cadre du service en ligne des manifestations, sa demande avait été transmise au secrétariat des domaines d'activités, au service du commerce (aspects festifs) - « Tenue de stands et buvettes / Musique » et au service de la sécurité et de l'espace publics (ci-après : SSEP) de la ville de Genève (ci-après : la ville). Ceux-ci lui adresseraient directement ou séparément les décisions relevant de leur compétence.

4. Le 23 juin 2016, le SSEP a accusé réception de la demande selon le timbre humide apposé en première page.

5. Le 29 juin 2016, par courriel, Mme B______ s'est adressée au SSEP pour donner suite à l'appel téléphonique qu'elle avait eu le jour même avec un collaborateur de ce service. La demande que ce dernier avait adressée à l'association pour que l'événement soit déplacé aux abords de la poste du Mont-Blanc était acceptée.

6. Le 13 juillet 2016, par courriel, Mme B______ s'est enquise auprès du SSEP des suites données à sa demande.

7. Le 14 juillet 2016, par courriel, Mme B______ a sollicité la gratuité de l'utilisation du domaine public pour l'événement relatif à sa demande, au vu du caractère à but non lucratif de l'association.

8. Par décision du 14 juillet 2016, la ville, soit pour elle le SSEP, a autorisé l'association, à titre précaire, à tenir un « Stand de sensibilisation à la consommation de viande » le samedi 13 août 2016 de 14h00 à 17h00, montage/démontage inclus.

L'autorisation consistait en l'utilisation du domaine public « par l'installation d'une mise en scène où des individus aux mains barbouillées de rouge sont devant une table surplombant des individus couchés en sous-vêtements maculés en rouge représentant des animaux abattus ». Cette permission était accordée à titre d'essai. Si la mise en scène devait susciter des plaintes et heurter la sensibilité d'un certain public, elle pourrait être retirée sur-le-champ, sans préjuger d'une nouvelle décision en cas de demande similaire ultérieure. Cette permission pouvait être retirée pour de justes motifs, notamment si l'intérêt général l'exigeait. Elle était révocable si le bénéficiaire ne se conformait pas aux dispositions légales ou aux conditions fixées.

S'agissant des conditions spécifiques de l'autorisation, « les piétons ne devront pas être importunés ou se sentir contraints de répondre ou de participer d'une manière quelconque à une discussion à laquelle ils ne souhaiteraient pas prendre part. Par ailleurs en aucun cas, ils ne seront incités, directement ou indirectement, à se déporter sur la chaussée ; leur libre circulation ne devra pas être entravée. Les membres de l'association présents à l'intérieur de la surface octroyée ne [doivent] en aucune manière déambuler aux alentours pour apostropher les passants. Les participants ne déborderont pas du périmètre alloué. L'usage d'appareils amplifiant le son est interdit, sauf dérogation expresse du Département de la sécurité et de l'économie qu'il vous appartient de solliciter et d'obtenir. Si d'autres groupements devaient obtenir l'autorisation d'occuper un emplacement à proximité du vôtre, il vous appartiendrait de prendre toutes les dispositions utiles pour que votre présence conjointe ne soit pas préjudiciable à l'ordre public. La tranquillité publique devra être garantie en tout temps ».

La demande de gratuité des montants dus pour la mise à disposition du domaine public avait été soumise au magistrat en charge du SSEP. Celui-ci l'avait avalisée en accordant à l'association la gratuité des taxes d'empiètement, y compris l'émolument.

Un plan de localisation des stands était joint à la décision.

9. Par acte du 4 août 2016 adressé à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), l'association et Mme B______, représentées par Monsieur D______, ont recouru contre la décision susmentionnée.

La chambre administrative était invitée, sur mesures superprovisionnelles, à annuler cette décision, à autoriser l'action du 13 août 2016 avec la possibilité d'utiliser un moyen d'amplification sonore et sans indication d'un éventuel retrait « sur-le-champ » à la suite de simples plaintes, subsidiairement, à autoriser l'action du 13 août 2016 avec la possibilité d'utiliser un moyen d'amplification sonore et sans indication d'un éventuel retrait « sur-le-champ » à la suite de simples plaintes, avec conditions et charges fixées par le juge, plus subsidiairement, à ce qu'il soit constaté que la décision attaquée était illicite et violait la liberté d'expression des recourantes, à ce qu'il soit constaté que quelques membres de l'association avaient le droit de distribuer des tracts à but idéal lors de l'action du 13 août 2016 dans les limites de l'usage commun du domaine public, « subsidiairement », à ce que les recourantes soient autorisées à organiser une distribution de tracts à but idéal lors de l'action du 13 août 2016, et enfin à ce que les frais et dépens soient mis à la charge de l'autorité inférieure. Les mêmes conclusions étaient prises pour le cas où il serait statué par voie de mesures provisionnelles, et à nouveau pour le cas où il serait statué par voie de mesures ordinaires.

Les recourantes ont précisé que, par courriel du 15 juillet 2016, le SSEP avait adressé la décision litigieuse mentionnant les coordonnées personnelles « de la recourante » à vingt et un destinataires, services ou collaborateurs de la ville ou de l'État de Genève. Mme B______ figurait en copie de ce courriel.

10. Le 5 août 2016, la présidence de la chambre administrative a transmis le recours au Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) comme objet de sa compétence.

11. Le 8 août 2016, à la suite d'une demande du TAPI sur les qualifications de M. D______ pour représenter l'association et Mme B______, celui-ci a précisé, documents à l'appui, avoir obtenu sa licence en droit à l'université de Lausanne en 1990, avoir ensuite travaillé comme greffier pour le Tribunal du district de Morges, ainsi que pour le Tribunal des baux du canton de Vaud de 1991 à 1993, comme secrétaire juriste pour l'office d'instruction pénale de l'arrondissement de la Côte de 1994 à 1995, puis après plusieurs années passées dans l'enseignement, travailler depuis 2006 à raison de 10 à 20 % comme juriste auprès de la fondation « E______ » ainsi qu'auprès de l'association.

12. Par décision sur mesures préprovisionnelles et mesures provisionnelles du 11 août 2016 (DITAI/460/2016), le TAPI a rejeté la demande de mesures préprovisionnelles et de mesures provisionnelles et réservé la suite et les frais de la procédure.

13. Le 13 août 2016, la manifestation s'est tenue comme prévu et aucun débordement nécessitant une intervention des forces de l'ordre n'a eu lieu.

14. Le 19 septembre 2016, la ville a, sur le fond du litige, conclu au rejet du recours, à la confirmation du bien-fondé de la décision rendue le 14 juillet 2016, sauf à lui donner acte de ce que les mentions « à titre d'essai » et « être retirée sur le champ » étaient superfétatoires, dès lors que ces facultés étaient conférées par la législation applicable.

15. Le 7 octobre 2016, l'association et Mme B______ ont répliqué, persistant dans leurs conclusions. Elles ont complété leur argumentation.

16. Le 1er novembre 2016, le SSEP a dupliqué, persistant dans ses conclusions.

17. Par jugement du 22 décembre 2016, le TAPI a rejeté le recours de l'association et de Mme B______.

Malgré le fait que la manifestation avait déjà eu lieu, le recours était recevable, puisque la même situation pouvait se reproduire à l'avenir.

Le SSEP ne pouvait pas s'abstenir de mentionner dans sa décision les voies et délais de recours, ce procédé étant contraire à la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10). En outre, il ne lui appartenait pas de juger lui-même de l'utilité de ces indications ni de la probabilité d'un recours contre ses propres décisions. Cependant, les recourantes avaient interjeté recours dans le délai légal, de sorte que ce manquement n’entraînait aucune conséquence juridique.

La décision attaquée contenait tous les éléments nécessaires à sa compréhension, étant précisé que l'autorité intimée avait justifié le fait d'interdire aux membres de l'association de sortir du périmètre et d'utiliser un mégaphone sans autorisation expresse du département de la sécurité et de l'économie
(ci-après : DSE ou le département) pour une raison de tranquillité publique. Les recourantes en avaient d'ailleurs parfaitement compris la teneur, puisqu’elles avaient motivé de manière complète leur recours et leurs observations subséquentes. La décision du 14 juillet 2016 était ainsi suffisamment motivée et le droit d’être entendues des recourantes n’avait pas été violé.

Les recourantes semblaient voir une restriction à leurs libertés dans le fait qu'elles entendaient organiser une « action » et qu'elles s'étaient vues autoriser à tenir un « Stand d'information ». En réalité, le libellé de l'autorisation n'avait pas d'incidence sur le contenu de l'action ni sur l'étendue des libertés exercées par ses participants. Il s'agissait d'examiner comment ces dernières devaient concrètement s'exercer en termes de nombre de participants, de surface occupée, de moyens d'information du public, etc. À ce titre, c'étaient les réductions imposées par l'autorité sur ces paramètres qui constituaient des restrictions aux libertés. Au demeurant, l'autorisation contestée résumait la mise en scène prévue à savoir une « Utilisation du domaine public par l'installation d'une mise en scène où les personnes aux mains barbouillées de rouge sont devant une table surplombant des individus couchés en sous-vêtements maculés en rouge représentant des animaux abattus ». Le fait que des policiers eussent pu se montrer empruntés au sujet de la portée de l'autorisation n'était pas en soi un critère pour retenir l'existence de restrictions aux libertés fondamentales, ce d'autant qu'ils avaient finalement laissé l'action se poursuivre.

L'intérêt actuel du grief relatif aux termes « à titre d'essai » et
« sur-le-champ » paraissait douteux. En effet, lorsqu'une autorité mettait en garde un administré sur les conséquences possibles de ses futurs actes et énonçait, même de manière erronée, les mesures qu'elle pourrait être amenée à prendre, on n'avait affaire ni à une décision (par exemple sous forme d'interdiction), ni à un acte déployant des effets matériels ou juridiques, de sorte que les critères des art. 4 et 4A LPA n'étaient pas réunis et qu'une contestation par la voie du recours n'était pas ouverte à ce stade, mais ultérieurement, au moment où l'autorité mettait, le cas échéant, sa menace exécution. De plus, le SSEP, lorsqu’il statuait sur une requête en autorisation de manifester, disposait d’un large pouvoir d’appréciation d’assortir sa décision positive de conditions et de charges. La permission était assortie en l'occurrence de la condition suivante « Si la mise en scène devait susciter des plaintes et heurter la sensibilité d'un certain public, elle pourra être retirée sur le champ ». La question de savoir si des plaintes représentaient un juste motif permettant de retirer la permission sur-le-champ au sens de l'art. 19 de la loi sur le domaine public du 24 juin 1961 (LDPu - L 1 05) ne pourrait être tranchée qu'en fonction d'une situation concrète, ce qui rejoignait les considérations précédentes au sujet de l'intérêt actuel du grief. Ainsi, des plaintes isolées révélant une sensibilité excessive, ou au contraire des plaintes nombreuses liées à des scènes choquantes, conduiraient selon les cas à une réaction légitime ou illégitime de l'autorité. Les recourantes se méprenaient enfin en soutenant que seuls des intérêts publics pouvaient permettre le retrait de la permission, l'art. 19 LDPu permettant également un retrait sur la base de justes motifs, étant précisé que le principe de la proportionnalité devrait être analysé au cas par cas. Ainsi, la mention y relative reprenait ce que codifiait la loi à cet égard.

La décision contestée n'interdisait pas aux manifestants de distribuer des tracts, mais seulement de sortir du périmètre qui leur avait été attribué pour ce faire, leur laissant la possibilité de distribuer des tracts dans ledit périmètre. Les recourantes n'avaient d'ailleurs mentionné ni dans leur demande en ligne ni ultérieurement leur volonté de distribuer des tracts aux passants. En tout état de cause, la législation pertinente ne soumettait pas expressément à autorisation la distribution de tracts sur la voie publique. Il convenait donc d'examiner si ce comportement entrait de manière plus générale dans le cadre des activités entraînant un usage accru soumis à autorisation, puisque les art. 13 al. 1 LDPu et 56 al. 1 de la loi sur les routes du 28 avril 1967 (LRoutes - L 1 10) soumettaient de manière générale au régime d'autorisation toute utilisation du domaine public qui excédait l'usage commun. Dans sa jurisprudence (JTAPI/526/2012 du 19 avril 2012), le TAPI avait retenu que la distribution de tracts commerciaux sur la voie publique, sans recours à aucune installation, ne pouvait pas être qualifiée d'usage accru du domaine public et ne devait pas faire l'objet d'une autorisation sous cet angle. En l'occurrence, il n'était pas contesté que l'interdiction de sortir du périmètre dévolu à l'action des recourantes, les empêchant notamment de distribuer des tracts, constituait une restriction de leur liberté d'expression. Toutefois, cette interdiction, ayant pour but de chercher à éviter « l'envahissement » des voies publiques, représentait un but d'intérêt public. Toutes sortes de milieux associatifs, se vouant par exemple à des activités de nature idéale ou politique, étaient également présentes dans la vie de la cité et devaient pouvoir bénéficier d'un espace d'expression. Il convenait que chacun trouve une place, mais pour autant, le public devait aussi pouvoir bénéficier du domaine public comme d'un espace de délassement, sans se voir en tous lieux et en permanence sollicité. Il restait par conséquent à examiner si la décision respectait le principe de la proportionnalité. À ce titre, la limitation imposée par le SSEP ne rendait pas la circulation des idées des recourantes impossible puisqu'elles gardaient l'opportunité de distribuer les tracts aux passants sans sortir du périmètre qui leur avait été dévolu ou de les poser sur une table afin que les personnes intéressées puissent venir se servir. En tout état de cause, aucune autre mesure n'aurait permis d'atteindre le but recherché, étant précisé que les mesures proposées par les recourantes soit ne permettaient pas de s'assurer efficacement du respect de l'ordre et de la tranquillité publics, soit, par un effet de dispersion, allaient précisément à l'encontre du but d'intérêt public poursuivi par la décision litigieuse. Dès lors, la condition imposée par la décision de ne pas sortir du périmètre déterminé ne violait pas la liberté d'expression des recourantes.

L'utilisation d'un mégaphone relevant d'un usage accru du domaine public, sa soumission à autorisation était exigée, ce que les recourantes ne contestaient pas. Selon le formulaire en ligne (disponible sur http://ge.ch/demarches/media/e-demarches/files/GuichetManif/Demande-Manifestation_Formulaire-Principal.pdf, consulté pour la dernière fois le 22 novembre 2016) « en aucun cas, la commune recevant [la] demande ne peut se substituer aux autres autorités concernées. En conséquence, celles-ci [...] adresseront directement et séparément les autorisations relevant de leur compétence ». Le formulaire suscité renvoie à des annexes à remplir pour certaines autorisations du ressort d'autorité tierces (par exemple utilisation d'une montgolfière, diffusion de musique, etc.). Il ne ressortait cependant pas du formulaire qu'une annexe ait été prévue pour une demande d'utilisation d'un mégaphone. Les recourantes avaient donc été informées par l'autorité intimée de leur devoir d'interpeler le DSE à ce sujet. Une telle mesure, à savoir la soumission à une nouvelle autorisation par le DSE, était proportionnée dans la mesure où le droit des recourantes d'utiliser un mégaphone n'était pas refusé, mais dépendait de la décision du DSE. Ne constituait pas non plus une restriction à leur liberté d'expression l'obligation faite aux recourantes de déposer séparément auprès du DSE une nouvelle demande pour utiliser un mégaphone.

18. Par acte du 1er février 2017, l'association et Mme B______, sous la plume de M. D______, ont interjeté recours auprès de la chambre administrative contre le jugement précité, concluant à sa réformation en tant qu'il soit constaté que la décision du SSEP du 14 juillet 2016 est illicite et viole leur liberté d'expression, « sous suite de frais et dépens ».

Contrairement à ce qu'avait retenu le TAPI, la violation de l'art. 46 LPA avait engendré un préjudice, dans la mesure où les recourantes avaient dû recourir à un juriste afin de savoir si la décision du 14 juillet 2016 était attaquable et dans quel délai. De plus, elles n'avaient pas tout de suite contacté ce juriste, si bien qu'il en avait résulté un préjudice affectant la qualité du recours, ainsi que probablement le jugement attaqué. Par ailleurs, une telle violation non sanctionnée faisait perdre aux recourantes la confiance qu'elles avaient dans l'administration. La violation de l'art. 46 LPA était un motif d'annulation de la décision du 14 juillet 2016, ainsi que du constat de son illicéité.

La décision du 14 juillet 2016 n'était pas motivée. Leur droit d'être entendues était violé sur ce point. L'absence de motivation était d'autant plus injustifiable que Mme B______ avait accepté par gain de paix de déplacer le lieu de l'action à un endroit moins fréquenté. Elle ne s'attendait donc pas à trouver autant de restrictions et conditions dans l'autorisation. La phrase « La tranquillité publique devra être garantie en tout temps » ne constituait pas une motivation, mais une condition supplémentaire. De plus, les écritures du SSEP en cours de procédure n'avaient pas fourni de motivation suffisante concernant les atteintes alléguées. Les recourantes n'avaient par ailleurs jamais été entendues par le SSEP au sujet des conditions et restrictions avant la décision. Enfin, le TAPI, qui ne jouissait pas du même pouvoir d'examen que le SSEP, ne pouvait pas considérer que la violation du droit d'être entendu avait été réparée devant lui.

Le fait d'indiquer dans la décision du 14 juillet 2016 qu'elle était accordée « à titre d'essai » et qu'elle pourrait être retirée si certaines personnes heurtées s'en plaignaient violait les libertés de réunion et d'expression. N'importe qui pourrait se plaindre auprès de la police et ainsi mettre à néant la garantie de ces libertés. De plus et compte tenu de cette condition, les recourantes n'avaient pas osé exprimer totalement leur message. Elles avaient utilisé beaucoup moins de colorant rouge sur les participants que ce qui avait été prévu, afin d'éviter de choquer quelqu'un. Des mesures moins incisives auraient été possibles, telle qu'une phrase indiquant que l'autorisation pourrait être retirée si cela s'avérait nécessaire pour sauvegarder un intérêt public prépondérant, comme la sécurité publique ou la défense de l'ordre public. Le SSEP aurait également pu instruire certains policiers, lesquels auraient expliqué aux éventuelles personnes heurtées que la démocratie et la liberté d'expression nécessitaient que ce genre de manifestation puisse avoir lieu. Une telle mesure aurait été bien plus proportionnée. Ce grief était clairement actuel, en ce sens que la condition faisait partie de la décision attaquée. De plus, les recourantes souhaitaient organiser d'autres actions similaires sans avoir la pression que l'autorisation puisse être retirée en cas de plaintes de certaines personnes. Enfin, la liberté de réunion et d'expression étaient protégées par la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101). Aussi important que puisse être l'art. 19 LDPu, il ne pouvait pas créer d'exceptions à l'application de la CEDH.

Le refus d'autoriser l'utilisation d'un moyen d'amplification sonore pour faire passer un message à l'aide d'un discours constituait une ingérence dans l'exercice de la liberté d'expression. L'exigence supplémentaire de déposer une nouvelle demande d'autorisation au DSE constituait également une ingérence supplémentaire disproportionnée, puisque le service concerné aurait pu être informé directement à la suite de la demande d'autorisation via le service en ligne. De plus, le SSEP avait la compétence de transmettre la demande au département. Un courriel (celui du 15 juillet 2016) avait d'ailleurs été envoyé à deux personnes du DSE par le SSEP et il aurait été possible de préciser qu'une réponse était attendue de leur part concernant le moyen d'amplification sonore. La ville ne possédait aucune base légale pour restreindre cette liberté. Aucun intérêt public n'avait été invoqué. D'autres mesures moins incisives auraient été possibles (pauses entre chaque intervention par exemple et transmission automatique de la demande à tous les départements concernés).

Le refus d'autoriser les participants à la manifestation de sortir du périmètre de l'action pour distribuer des tracts à but idéal aux passants constituait une ingérence à la liberté d'expression. La ville ne possédait aucune base légale pour restreindre cette liberté. Aucun intérêt public n'avait été invoqué. La protection de la tranquillité publique et « l'envahissement » n'étaient pas listés dans les intérêts publics de l'art. 10 § 2 CEDH. L'interdiction de distribuer des tracts allait au contraire à l'encontre de l'intérêt public à l'information et à l'échange d'idées essentiel à une société démocratique. C'était plutôt l'interdiction de distribuer des tracts qui pouvait être source d'attroupements inutiles à cause des divers piétons restant sur place. D'autres mesures moins incisives auraient été possibles (distribution de tracts à but idéal sans discussion, de manière éparpillée, limitation du nombre de personnes chargée de la distribution par exemple).

Le recours était également signé par Monsieur E______ pour l'association.

19. Le 7 février 2017, le TAPI a produit son dossier sans formuler d'observations.

20. Le 10 mars 2017, la ville a conclu au rejet du recours, à la confirmation du bien-fondé du jugement du TAPI du 22 décembre 2016 et, partant, de la décision du SSEP du 14 juillet 2016, sauf à lui donner acte de ce que les mentions « à titre d'essai » et « être retirée sur le champ » étaient superfétatoires et n'avaient pas de raison d'être, dès lors que ces prérogatives étaient conférées par la législation applicable, « sous suite de frais ».

La ville n'avait pas précisé les voies et délai de recours, dès lors que le SSEP avait fait droit au jour et à l'horaire désirés et que l'endroit avait finalement été désigné par le fruit du dialogue entre Mme B______ et le collaborateur du service en charge de traiter la demande. Elle n'aurait toutefois pas dû s'abstenir de les indiquer, ce dont elle priait la chambre administrative de bien vouloir prendre acte. Les recourantes ayant jugé opportun de saisir la chambre administrative, à l'encontre du jugement du TAPI, lequel indiquait les voies et délai de recours, ce grief antérieur, pour purement théorique qu'il était, puisqu'il ne les avait pas empêchées de saisir la justice avant la tenue de la manifestation, ne saurait être réitéré par-devant cette juridiction.

S'agissant des termes « à titre d'essai » et « être retirée sur le champ », ils pouvaient être retranchés de la décision au 14 juillet 2016, dès lors que la loi prévoyait ces possibilités.

Il était dans l'ordre des choses d'engager les participants à respecter un périmètre, dans le but d'éviter que le public soit importuné ou happé dans une discussion sans son consentement. Il ne s'agissait pas d'un formalisme extrême ou d'une condition extraordinaire. La ville se devait de prendre en compte une sensibilité médiane et de prendre les mesures de précaution utiles visant à éviter de troubler l'ordre public.

Il n'y avait pas matière à grief dans le fait d'avoir communiqué les termes et conditions de la permission aux services administratifs et policiers potentiellement concernés, tous astreints au secret de fonction, sans que l'on puisse conclure à une violation de la loi sur l’information du public, l’accès aux documents et la protection des données personnelles du 5 octobre 2001 (LIPAD - A 2 08).

Mme B______ avait été dûment rendue attentive au fait que l'usage d'un mégaphone devait faire l'objet d'une autorisation spécifique, plus exactement d'une dérogation accordée par le DSE. En effet, un tel usage pouvant conduire à des troubles de l'ordre public, c'était cette autorité qui était à même de se déterminer sur ce point. Les recourantes devaient donc relancer le DSE dans l'intervalle entre le 14 juillet 2016, date de la délivrance de la permission, et le samedi 13 août 2016, date à laquelle devait se tenir la manifestation, aux fins d'avoir une détermination quant à la faculté ou non d'utiliser un mégaphone. À défaut de l'avoir fait, elles étaient présumées avoir renoncé à l'usage d'un mégaphone.

21. Le 13 mars 2017, le juge délégué a accordé aux recourantes un délai au 10 avril 2017 pour répliquer.

22. Les recourantes n'ayant pas répliqué, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées par courrier du juge délégué du 12 juillet 2017.

23. Le 17 mars 2018, les recourantes ont souhaité connaître la date à laquelle se prononcerait la chambre administrative sur leur recours.

24. Le 19 mars 2018, le juge délégué a répondu aux recourantes qu'il n'était malheureusement pas possible de leur communiquer une date à laquelle l'arrêt serait rendu.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces points de vue (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. c LPA).

2. Les parties, à moins qu’elles ne doivent agir personnellement ou que l’urgence ne le permette pas, peuvent se faire représenter par un conjoint, un ascendant ou un descendant majeur, respectivement par un avocat ou par un autre mandataire professionnellement qualifié (ci-après : MPQ) pour la cause dont il s’agit (art. 9 al. 1 LPA).

a. Par cette disposition, reprise de la loi genevoise instituant un code de procédure administrative du 6 décembre 1968, le législateur cantonal a manifesté son intention de ne pas réserver le monopole de représentation aux avocats en matière administrative, dans la mesure où un nombre important de recours exige moins de connaissances juridiques que de qualifications techniques. L’art. 9 LPA n’a pas pour but de permettre la représentation et l’assistance des parties par tout juriste qui n’est pas titulaire du brevet d’avocat, mais repose sur le constat que certaines personnes, qui ont des qualifications techniques dans certains domaines, comme les architectes ou les comptables, sont à même de représenter avec compétence leur client dans le cadre de procédures administratives, tant contentieuses que non contentieuses (Mémorial des séances du Grand Conseil 1968, p. 3027 ; ATA/558/2015 du 2 juin 2015 consid. 2 et les arrêts cités).

L’aptitude à agir comme MPQ doit être examinée de cas en cas, au regard de la cause dont il s’agit, ainsi que de la formation et de la pratique de celui qui entend représenter une partie à la procédure. Il convient de se montrer exigeant quant à la preuve de la qualification requise d’un mandataire aux fins de représenter une partie, dans l’intérêt bien compris de celle-ci et de la bonne administration de la justice, surtout en procédure contentieuse (ATF 125 I 166 consid. 2b/bb p. 169 ; ATA/463/2018 du 8 mai 2018 consid. 2a et l'arrêt cité). Pour recevoir cette qualification, le mandataire doit disposer de connaissances suffisantes dans le domaine du droit dans lequel il prétend être à même de représenter une partie (ATA/558/2015 précité consid. 2).

b. En l'espèce, il ne ressort pas du jugement attaqué que le TAPI aurait vérifié la qualité de MPQ de M. D______.

Toutefois, par courrier du 8 août 2016, M. D______ a indiqué, documents à l'appui, avoir obtenu sa licence en droit à l'université de Lausanne en 1990, avoir ensuite travaillé comme greffier pour le Tribunal du district de Morges, ainsi que pour le Tribunal des baux du canton de Vaud de 1991 à 1993, comme secrétaire juriste pour l'office d'instruction pénale de l'arrondissement de la Côte de 1994 à 1995, puis après plusieurs années passées dans l'enseignement, travailler depuis 2006 à raison de 10 à 20 % comme juriste auprès de la fondation « Mouvement F______ » ainsi qu'auprès de l'association.

Force est de constater que les pièces produites permettent de conclure que M. D______ dispose de connaissances suffisantes pour représenter avec compétence les recourantes dans le cadre de la présente procédure.

3. Dans la mesure où M. D______ représente valablement les recourantes, soit l'association et Mme B______, la problématique de la légitimité de M. E______ à également signer l'acte de recours du 1er février 2017 peut souffrir de rester indécise.

4. Le jugement du TAPI expose de manière complète les dispositions légales relatives à la qualité pour recourir des recourantes (art. 60 al. 1 let. a et b LPA) et la jurisprudence applicable en l'espèce. Il suffit d'y renvoyer.

En l'occurrence, la manifestation a eu lieu le 13 août 2016. Toutefois, la chambre de céans partage l'appréciation du TAPI, en ce sens qu'une même situation pourrait à nouveau se présenter lors d'une nouvelle demande de manifestation formulée par les recourantes. Il convient dès lors de faire abstraction de l'exigence de l'intérêt actuel et de leur reconnaître la qualité pour recourir.

Par ailleurs, l'association dispose de la personnalité juridique, puisqu'elle est constituée en association (art. 1 des statuts). De plus, elle a pour but notamment de promouvoir la protection de la dignité et du bien-être des animaux en créant un débat de société qui remet en question l'exploitation animale et le spécisme, ce dernier étant défini comme l'idéologie qui considère que la vie et les intérêts des animaux peuvent être négligés, uniquement parce qu'ils sont d'une autre espèce (art. 3 des statuts). Enfin, elle a un intérêt pratique à ce que la chambre de céans examine la conformité au droit de la décision du 14 juillet 2016 qui la concerne directement. S'agissant de Mme B______, il n'est pas contesté qu'elle est membre de l'association et que c'est elle qui s'est chargée de la procédure ayant abouti à la décision précitée.

Le recours est donc recevable.

5. Dans le corps de leur mémoire de recours, les recourantes proposent l'audition des parties pour établir certains faits.

a. Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes (ATF 137 IV 33 consid. 9.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_265/2016 du 23 mai 2016 consid. 5.1 et les arrêts cités).

Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 136 I 229 consid. 5.2 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; 131 I 153 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_119/2015 du 16 juin 2015 consid. 2.1 ; 2C_481/2013 du 30 mai 2013 consid. 2.1 ; ATA/1347/2017 du 3 octobre 2017 consid. 2a ; ATA/643/2016 du 26 juillet 2016 et les arrêts cités).

Par ailleurs, le droit d’être entendu n’implique pas une audition personnelle de l’intéressé, celui-ci devant simplement disposer d’une occasion de se déterminer sur les éléments propres à influer sur l’issue de la cause (art. 41 LPA ; ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_5/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3 et les arrêts cités ; ATA/465/2017 du 25 avril 2017 consid. 4a).

b. En l'espèce, les recourantes ont pu se déterminer dans le cadre de leur recours, ainsi que produire un certain nombre de pièces. La chambre de céans estime être suffisamment renseignée sur les éléments pertinents du litige, pour le trancher, sans devoir procéder à l'audition des parties.

La requête sera écartée.

6. Dans un premier grief, les recourantes soutiennent avoir subi un préjudice du fait que la décision du 14 juillet 2016 ne comporte pas les voies et délai de recours.

a. Selon l'art. 46 al. 1 1ère phr. LPA, les décisions doivent être désignées comme telles, motivées et signées, et indiquer les voies et délais de recours.

Une notification irrégulière ne peut entraîner aucun préjudice pour les parties (art. 47 LPA).

b. Le principe général du droit rappelé à l’art. 47 LPA découle des règles de la bonne foi, qui imposent des devoirs tant à l’autorité dans la conduite d’une procédure (ATF 123 II 231 consid. 8b) qu’à l’administré (arrêt du Tribunal fédéral 2C_318/2009 du 10 décembre 2009 consid. 3.3). On peut et doit attendre d’un justiciable en désaccord avec une décision dépourvue de l’indication des voies de droit qu’il se renseigne sur ses possibilités de recours auprès d’un avocat ou de l’autorité qui a statué, conformément aux règles de la bonne foi. Il y a donc lieu d’examiner, d’après les circonstances du cas concret, si la partie intéressée a réellement été induite en erreur par l’irrégularité de la notification et a, de ce fait, subi un préjudice ou si elle a agi dans un délai raisonnable (ATA/1442/2017 du 31 octobre 2017 consid. 5b ; ATA/755/2015 du 28 juillet 2015 consid. 1b confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_664/2015 du 13 juin 2016 ; ATA/3/2014 du 7 janvier 2014 consid. 2 ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 355 et la jurisprudence citée).

c. Le Tribunal de première instance est compétent pour statuer sur les demandes en réparation du tort moral à la suite d'un acte illicite d'une autorité publique ou de ses agents (art. 7 de la loi sur la responsabilité de l'État et des communes du 24 février 1989 - LREC - A 2 40).

d. En l'espèce et comme le précise la jurisprudence précitée, bien que la décision du 14 juillet 2016 ne comporte pas les voies et délai de recours, les recourantes étaient tenues de se renseigner sur leurs possibilités de recours auprès d'un avocat ou d'un juriste, conformément aux règles de la bonne foi. Ce qu'elles ont d'ailleurs fait en consultant M. D______, qui est par ailleurs leur juriste, selon le courrier du 8 août 2016 figurant au dossier. Elles ont ainsi pu interjeter recours en temps utile, la chambre administrative ayant transmis l'écriture au TAPI conformément à l'art. 64 al. 2 LPA.

En outre, les recourantes ne sauraient être suivies lorsqu'elles soutiennent qu'elles n'ont pas pu développer leur argumentation dans le cadre de leur recours du 3 août 2016. En effet et même si cela devait être le cas, elles ont encore pu compléter et affiner leurs arguments dans le cadre de leur réplique du 7 octobre 2016.

Enfin et s'agissant de la perte de confiance dans l'administration de la ville, la chambre administrative n'est pas compétente pour statuer sur les demandes en réparation d'un prétendu tort moral découlant d'un éventuel acte illicite d'une autorité publique ou de ses agents. De plus, la chambre de céans n'est pas une autorité de surveillance de la ville (cf. art. 82 de la loi sur l’administration des communes du 13 avril 1984 - LAC - B 6 05), mais uniquement une autorité de recours, au demeurant liée par l'objet du litige tel que résultant de la décision attaquée (arrêt du Tribunal fédéral 8C_197/2016 du 9 décembre 2016 consid. 3.1 ; ATA/311/2017 du 21 mars 2017 consid. 6).

Les recourantes n'ayant subi aucun préjudice procédural résultant de l’absence d’indication des voies et délai de recours dans la décision du 14 juillet 2016, leur grief est mal fondé.

7. Les recourantes estiment que la décision du 14 juillet 2016 n'est pas motivée, qu'elles n'ont pas été entendues à propos des conditions et des restrictions avant la prise de décision et que le TAPI ne pouvait pas considérer que la violation du droit d'être entendu avait été réparé devant lui.

a. Le droit d’être entendu implique pour l’autorité de motiver sa décision, ce que rappelle l'art. 46 al. 1 1ère phr. LPA.

Selon la jurisprudence, il suffit que l’autorité mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l’ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l’intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l’attaquer en connaissance de cause. L’autorité n’a pas l’obligation d’exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués, mais peut au contraire se limiter à l’examen des questions décisives. La motivation peut d’ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 142 II 154 consid. 2.1 et 4.2 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_12/2017 du 23 mars 2018 consid. 3.3.1). La violation du droit d’être entendu peut être réparée lorsque la partie lésée a la possibilité de s’exprimer devant une autorité de recours jouissant d’un plein pouvoir d’examen (ATA/1569/2017 du 5 décembre 2017 consid. 3c et les références citées).

b. Le droit d'être entendu, garanti par les art. 29 al. 2 Cst. et 41 LPA, sert non seulement à établir correctement les faits, mais constitue également un droit indissociable de la personnalité garantissant à un particulier de participer à la prise d'une décision qui touche sa position juridique. Il comprend, en particulier, le droit pour la personne concernée de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, celui de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision, celui d'avoir accès au dossier, celui de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos. En tant que droit de participation, le droit d'être entendu englobe donc tous les droits qui doivent être attribués à une partie pour qu'elle puisse faire valoir efficacement son point de vue dans une procédure (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 129 II 497 consid. 2.2 et les références citées). L'étendue du droit de s'exprimer ne peut pas être déterminée de manière générale, mais doit être définie au regard des intérêts concrètement en jeu. L'idée maîtresse est qu'il faut permettre à une partie de pouvoir mettre en évidence son point de vue de manière efficace
(ATF 111 Ia 273 consid. 2b ; 105 Ia 193 consid. 2b/cc).

c. En l'occurrence, la décision du 14 juillet 2016 justifie les conditions spécifiques de l'autorisation par la nécessité de garantir en tout temps la tranquillité publique. Bien que cette motivation soit brève et que cette notion soit générale, le détail des conditions spécifiques permet de comprendre les raisons des restrictions, en ce sens que c'est pour sauvegarder cette tranquillité publique que, par exemple, il leur a été interdit d'apostropher les passants ou d'entraver leur libre circulation. Les recourantes ont d'ailleurs saisi la portée de la motivation, puisqu'elles ont pu faire valoir différents griefs par-devant le TAPI puis
par-devant la chambre de céans contre la décision du 14 juillet 2016. On ne saurait dès lors retenir que celle-ci ne satisfait pas à l'exigence de motivation requise.

S'agissant du fait que le SSEP n'aurait pas entendu les recourantes au sujet des conditions et restrictions, il ressort des allégations des parties qu'au moins un échange téléphonique a eu lieu entre Mme B______ et le collaborateur chargé d'instruire la demande. Certes, cet échange a porté sur la date et le lieu de la manifestation. Toutefois, la notion de tranquillité publique avait déjà été abordée, puisque la rue du Marché avait été exclue par le collaborateur, lequel avait expliqué à Mme B______ que les commerçants ne souhaitaient pas avoir ce type d'actions devant leurs magasins. Par ailleurs, l'art. 17 LDPu prévoit clairement que l’autorité qui accorde une permission ou qui octroie une concession en fixe les conditions, si bien qu'elle était en droit de prévoir des conditions spécifiques.

Enfin, le jugement attaqué ne retient pas que la violation alléguée du droit d'être entendues des recourantes aurait été réparée devant lui. Les recourantes font une mauvaise lecture des considérants du jugement. Il est certes exposé dans le jugement querellé que « La jurisprudence admet que la violation du droit d’être entendu peut être réparée devant une instance de recours disposant du même pouvoir d’examen que l’autorité intimée » (fin du consid. 8a). Toutefois, dans la subsomption, il n'apparaît pas, d'une part, qu'une violation de ce droit aurait été retenue et, d'autre part, qu'elle aurait été réparée par la procédure menée par-devant le TAPI (consid. 8b).

Le grief est mal fondé.

8. Les recourantes soutiennent que la décision du 14 juillet 2016 viole leur liberté de réunion et d'expression en prévoyant que l'autorisation est accordée « à titre d'essai » et qu'elle pourrait être retirée si certaines personnes heurtées s'en plaignaient. De plus, au vu de ce risque, elles n'avaient pas pu exprimer totalement leur message. Elles conservaient un intérêt actuel à contester les conditions faisant partie de la décision précitée. Enfin, il fallait un intérêt public tel que celui prévu par les art. 10 § 2 et 11 § 2 CEDH pour restreindre la liberté d'expression et la liberté de réunion.

a. Selon l’art. 61 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (al. 1 let. a), pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (al. 1 let. b). Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2).

b. L'art. 16 Cst. consacre les libertés d'opinion et d'information (al. 1) en garantissant à chacun le droit de former, d'exprimer et de répandre librement son opinion (al. 2).

L'art. 22 Cst. garantit la liberté de réunion (al. 1), toute personne ayant le droit d'organiser des réunions et d'y prendre part ou non (al. 2).

Selon la jurisprudence fédérale, sont considérées comme des réunions au sens de cette disposition les formes les plus diverses de regroupements de personnes dans le cadre d'une organisation déterminée, dans le but, compris dans un sens large, de former ou d'exprimer mutuellement une opinion (ATF 132 I 256 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_225/2012 du 10 juillet 2013 consid. 3.3). Quant aux art. 11 CEDH (en relation avec l'art. 10 CEDH) et 21 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, conclu à New York le 16 décembre 1966 (Pacte ONU II - RS 0.103.2), ils garantissent notamment le droit de toute personne à la liberté de réunion et à la liberté d'association (§ 1), et offrent des garanties comparables (ATF 132 I 256 consid. 3). L'exercice de ces droits est toutefois soumis aux restrictions qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (art. 11 § 2 1ère phr. CEDH ; art. 36 Cst.).

La jurisprudence déduit ainsi des libertés de réunion et d'opinion un droit conditionnel à un usage accru du domaine public pour les manifestations avec appel au public (ATF 138 I 274 consid. 2.2.2). Un tel droit peut être soumis à une procédure d'autorisation dans le cadre de laquelle l'autorité doit tenir compte d'une part des intérêts des organisateurs à pouvoir se réunir et s'exprimer et, d'autre part, à l'intérêt de la collectivité et des tiers à limiter les nuisances, et en particulier à prévenir les actes de violence (ATF 127 I 164 consid. 3 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_225/2012 précité consid. 3.3).

c. Malgré son rôle autonome et la spécificité de sa sphère d’application, la liberté de réunion doit s’examiner à la lumière de la liberté d’expression, car la protection des opinions et la liberté de les exprimer constitue l’un des objectifs premiers de cette liberté (ATF 111 Ia 322 consid. 6a ; ACEDH Stankov et Organisation macédonienne unie Ilinden c. Bulgarie du 2 octobre 2001, Rec. 2001-IX, req. nos 29221/95 et 29225/95, § 85 ss ; ACEDH Djavit An c. Turquie du 20 février 2003, req. n° 20652/92, § 39). Toutefois, lorsque la décision attaquée statue spécifiquement sur le droit des personnes de se réunir, il n’y a pas lieu de considérer la question séparément sous l’angle de la liberté d’expression (ACEDH Maestri c. Italie du 17 février 2004, Rec. 2004-I, req. n° 39748/98, § 23 ; Djavit An précité, § 39 ; ATA/714/2011 du 22 novembre 2011 consid. 3c).

d. Les libertés de réunion et d'expression, à l’instar des autres droits fondamentaux, n’ont pas valeur absolue et peuvent être restreintes aux conditions de l’art. 36 Cst., qui exige que les restrictions à son exercice reposent sur une base légale, soient justifiées par un intérêt public ou par la protection d’un droit fondamental d’autrui et, selon le principe de proportionnalité, se limitent à ce qui est nécessaire et adéquat à la réalisation des buts d’intérêt public poursuivis (ATF 137 IV 313 consid. 3.3.1; 136 IV 97 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_335/2013 du 10 octobre 2013 consid. 3.3).

e. L'utilisation du domaine public communal est régie par la LDPu, par le règlement du 21 décembre 1988 concernant l'utilisation du domaine public (RUDP - L 1 10.12) ainsi que, notamment, par la LRoutes.

f. Selon l'art. 12 LDPu, chacun peut, dans les limites des lois et des règlements, utiliser le domaine public conformément à sa destination et dans le respect des droits d’autrui.

Aux termes de l'art. 13 LDPu, l'établissement de constructions ou d'installations permanentes ou non permanentes sur le domaine public, son utilisation à des fins industrielles ou commerciales ou toute autre occupation de celui-ci excédant l'usage commun sont subordonnés à une permission (al. 1).

Les permissions sont accordées par l’autorité cantonale ou communale qui administre le domaine public (art. 15 LDPu).

Selon l'art. 19 LDPu, les permissions sont délivrées à titre précaire (al. 1). Elles peuvent être retirées sans indemnité pour de justes motifs, notamment si l’intérêt général l’exige (al. 2). Elles sont révocables sans indemnité si le bénéficiaire ne se conforme pas aux dispositions légales ou aux conditions fixées (al. 3).

L’art. 1 al. 2 RUDP, reprenant, dans sa teneur du 27 janvier 1999, la jurisprudence fédérale en la matière prévoit que, dans les limites de la loi et le respect des conditions liées à l’octroi de la permission, les particuliers disposent d’un droit à l’utilisation du domaine public excédant l’usage commun si aucun intérêt prépondérant ne s’y oppose. Ce droit est conditionnel, conformément à la jurisprudence, en ce sens qu’il n’est reconnu que dans les limites de la loi et moyennant le respect des conditions liées à l’octroi de la permission. Il ne doit en outre aller à l’encontre d’aucun intérêt prépondérant. L’art. 1 al. 3 RUDP précise que l’autorité compétente tient compte des intérêts légitimes du requérant, de ceux des autres usagers du domaine public et des voisins, de ceux découlant des concessions ou droits d’usage exclusif ainsi que du besoin d’animation de la zone concernée (ATA/147/2012 du 20 mars 2012 consid. 9a ; ATA/63/2012 du 31 janvier 2012).

g. D'après la doctrine, l'art. 19 al. 1 LDPu constitue un simple rappel du principe général de révocabilité des décisions administratives, qui fait fondamentalement appel à une pesée d'intérêts entre la bonne application du droit objectif et l'intérêt à la sécurité du droit et à la protection de la bonne foi (Thierry TANQUEREL, Les instruments de mise à disposition du domaine public, in Le domaine public, Genève 2004, p. 120). Une telle analyse se fonde sur une interprétation systématique de l'art. 19 LDPu. En effet, l'art. 19 al. 2 LDPu indique que les permissions peuvent être retirées sans indemnité pour de justes motifs, notamment si l'intérêt général l'exige. Cette disposition fait donc clairement allusion à une pesée des intérêts. En précisant que le retrait se fera sans indemnité, elle ne fait en outre que rappeler le principe selon lequel une autorisation d'utilisation du domaine public ne crée pas de droits acquis pour son bénéficiaire. L'art. 19 al. 3 LDPu, qui consacre le retrait sans indemnité en cas de non-respect des conditions de l'autorisation, va dans le même sens. Il n'y a donc pas lieu de penser que le bénéficiaire d'une autorisation d'usage accru du domaine public risque d'avantage un retrait de celle-ci à Genève que dans les cantons dont la loi ne mentionne pas la précarité de ladite autorisation (Thierry TANQUEREL,
op. cit., p. 120 et 121 ; ATA147/2012 précité consid. 9c).

h. Selon la jurisprudence cantonale, l’art. 15 LDPu constitue une base légale suffisante pour limiter les libertés (ATA/1348/2017 du 3 octobre 2017 consid. 5 confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 2C_975/2017 du 15 mai 2018, et les arrêts cités).

En matière de gestion du domaine public communal, plus particulièrement dans l’octroi ou le refus de permissions d’utilisation excédant l’usage commun, les communes genevoises jouissent, en vertu du droit cantonal, d’une importante liberté d’appréciation (arrêts du Tribunal fédéral 2C_118/2008 du 21 novembre 2008 consid. 4.3 ; 2P.69/2006 du 5 juillet 2006 consid. 2.2 ; 2P.107/2002 du 28 octobre 2002 consid. 2.2 ; ATA/596/2015 du 9 juin 2015 consid. 6b ; ATA/1348/2017 précité consid, 5 ; ATA/646/2014 du 19 août 2014).

Dans ce cadre, il est dans la nature des choses que les questions d’ordre culturel, d’aménagement du territoire, d’esthétique et de besoins du consommateur local entrent en considération dans la pondération des intérêts en présence (arrêt du Tribunal fédéral 2C_819/2014 du 3 avril 2015 consid. 5.2). Cela étant, la pratique administrative en matière d’autorisation ne doit pas vider de leur substance les droits fondamentaux, en particulier le principe d’égalité de traitement, ni de manière générale, ni au détriment de certains citoyens
(ATF 121 I 279 consid. 2a).

i. En l'occurrence, dans la mesure où il s'agissait de la première demande formulée par les recourantes ayant pour objet ce type d'action, le terme « à titre d'essai » pouvait raisonnablement s'imposer.

Par ailleurs, force est de constater que l'art. 19 al. 1 LDPu prévoit que la permission d'occupation du domaine public excédant l'usage commun est délivrée à titre précaire, terme rappelant, selon la doctrine précitée, le principe général de révocabilité de ladite permission. En outre, le fait que la permission puisse être retirée si certaines personnes heurtées s'en plaignent constitue la mise en application de l'art. 19 al. 2 LDPu.

La question de savoir si d'éventuelles plaintes constituent un juste motif au sens de l'art. 19 al. 2 LDPu peut souffrir de rester indécise, dans la mesure une telle analyse se justifierait à l'aune d'une situation concrète, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, puisque d'une part la manifestation a déjà eu lieu et que d'autre part elle s'est déroulée sans plaintes. En tout état de cause, les art. 11 § 2
1ère phr. CEDH et 36 Cst. permettent de restreindre la liberté de réunion pour sauvegarder tant l'intérêt public que les droits et libertés d'autrui.

Enfin et contrairement à ce que soutiennent les recourantes, il aurait été disproportionné d'instruire des policiers pour qu'ils expliquent aux éventuelles personnes heurtées l'objectif de la manifestation. On ne saurait en effet attendre de policiers en fonction qu'ils prennent part, d'une façon ou d'une autre, à l'action de sensibilisation prévue par les recourantes.

Les griefs seront écartés.

9. Les recourantes considèrent que leur liberté d'expression a été violée par le refus d'autorisation du moyen d'amplification sonore. Par ailleurs, l'exigence du dépôt d'une nouvelle demande auprès du DSE est disproportionnée.

a. En droit conventionnel, cette garantie découle de l’art. 10 § 1 CEDH, qui dispose que toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et celle de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui (art. 10 § 2 CEDH).

b. Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (ci-après : CourEDH), la liberté d’expression constitue l’un des fondements essentiels d’une société démocratique, l’une des conditions primordiales de son progrès et de l’épanouissement de chacun. Elle vaut non seulement pour les « informations » ou « idées » accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent : ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et l’esprit d’ouverture sans lesquels il n’est pas de « société démocratique » (ACEDH Gerger c. Turquie du 8 juillet 1999, req. n° 24919/94, § 46 ; ATA/321/2010 du 11 mai 2010 consid. 17).

c. Selon l'art. 7 du règlement concernant la tranquillité publique du 8 août 1956 (RTP - F 3 10.03) en vigueur jusqu'au 1er janvier 2018, date de l'entrée en vigueur du règlement sur la salubrité et la tranquillité publiques du 20 décembre 2017 (RSTP - E 4 05.03), toute diffusion parlante ou musicale, transmise au moyen d’un appareil quelconque sur la voie publique ou de manière à être entendu de la voie publique était interdite, sauf autorisation du DSE.

Selon la jurisprudence, l’utilisation de haut-parleurs dans la rue doit être considérée comme relevant de l’usage accru au sens de l'art. 13 al. 1 LDPu (ATA/510/2010 du 3 août 2010 consid. 7).

d. Ancré aux art. 5 al. 3 et 9 Cst. et valant pour l’ensemble de l’activité étatique, le principe de la bonne foi exige que l’administration et les administrés se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l’administration doit s’abstenir de tout comportement propre à tromper l’administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d’une incorrection ou insuffisance de sa part. À certaines conditions, le citoyen peut ainsi exiger de l’autorité qu’elle se conforme aux promesses ou assurances qu’elle lui a faites et ne trompe pas la confiance qu’il a légitimement placée dans celles-ci. Entre autres conditions, l’administration doit être intervenue à l’égard de l’administré dans une situation concrète et celui-ci doit avoir pris, en se fondant sur les promesses ou le comportement de l’administration, des dispositions qu’il ne saurait modifier sans subir de préjudice (ATF 131 II 627 consid. 6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_779/2015 du 8 août 2016 consid. 12.2 et les références citées).

e. Le site internet de la ville (disponible sur http://www.ville-geneve.ch/demarches-administratives/manifestation/ consulté le 27 juin 2018) renvoie au guichet universel manifestations sur le site web de l'État de Genève (consultable sur https://www.ge.ch/demander-autorisation-manifestation). La demande peut être effectuée en ligne au moyen du service e-démarches mis en place par l'État de Genève ou au moyen d'un formulaire à compléter.

f. En l'occurrence, l'utilisation d'un moyen d'amplification sonore, plus particulièrement d'un micro ou d'un mégaphone, relève de l'usage accru du domaine public et partant soumis à autorisation du DSE (art. 7 RTP).

Les recourantes, au moyen du service e-démarches mis en place par l'État de Genève, ont complété, en ligne, leur demande de manifestation qui se présente notamment sous forme de questions. Ce document ne contient pas de questions relatives à l'utilisation d'un moyen d'amplification sonore. Dans le descriptif complémentaire de la demande, elles ont toutefois précisé souhaiter pouvoir utiliser un micro ou un mégaphone afin de diffuser un message explicatif de la scène.

Le 22 juin 2016, les recourantes ont reçu, par courriel, un accusé de réception de la demande. Il y est précisé que leur demande a été transmise au secrétariat des domaines d'activités, au service du commerce (« Tenue de stands et buvettes / Musique ») et au SSEP de la de la ville. Ceux-ci leur adresseront directement ou séparément les décisions relevant de leur compétence.

Force est de constater qu'il ressort de ce courriel que leur demande a été transmise à un service du DSE (art. 5 al. 1 let. f ch. 4 du règlement sur l'organisation de l'administration cantonale du 11 décembre 2013 - ROAC -
B 4 05.10 dans sa teneur au 15 mai 2016), étant précisé que le RTP ne précise pas quel service au sein du DSE est chargé de traiter une telle demande. Il en découle qu'en application du principe de la bonne foi tel que rappelé ci-dessus, les recourantes étaient en droit d'attendre une décision de la part du DSE sans qu'elles doivent renouveler leur demande. Ce d'autant plus qu'il est précisé dans ledit courriel précité « (…) nous avons transmis votre demande aux services mis en évidence dans le tableau ci-dessous. Ceux-ci vous adresseront directement ou séparément les décisions relevant de leur compétence ».

Le grief est admis exclusivement en tant que les recourantes ne devaient pas déposer une nouvelle demande auprès du DSE pour l'usage d'un moyen d'amplification sonore.

Toutefois cela ne signifie pas que les recourantes auraient pu bénéficier d'un micro ou d'un mégaphone pour leur manifestation. Le DSE, usant de son pouvoir d'appréciation, aurait examiné si les conditions étaient réalisées, notamment eu égard au message que les recourantes souhaitaient diffuser.

Il n'appartient cependant pas à la chambre de céans d'examiner, à ce stade, si les conditions étaient réalisées et si les intéressées auraient pu bénéficier d'un moyen d'amplification sonore, sous peine de violer prématurément le pouvoir d'appréciation de l'autorité compétente.

10. Les recourantes soutiennent que leur liberté d'expression a été violée par l'interdiction de sortir du périmètre alloué et de distribuer des tracts aux passants.

a. La distribution de tracts - qui ne revêt aucun caractère commercial - entre dans le champ d’application de la liberté d’expression garantie par l’art. 16 Cst., l’art. 26 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00) et l’art. 10 CEDH. En effet, selon la jurisprudence constante de la CourEDH, la liberté d’expression constitue l’un des fondements essentiels d’une société démocratique, l’une des conditions primordiales de son progrès et de l’épanouissement de chacun. Sous réserve de l’art. 10 § 2 CEDH, elle vaut non seulement pour les « informations » ou les « idées » accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent : ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et l’esprit d’ouverture sans lesquels il n’est pas de « société démocratique » (ACEDH CICAD c. Suisse, du 7 juin 2016,
req. n° 17676/09, § 44 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_9/2012 du 7 mai 2012 consid. 2.1 ; Andreas KLEY/Esther TOPHINKE, in Bernhard EHRENZELLER et al. [éd.], Die schweizerische Bundesverfassung -
St. Galler Kommentar, vol. 1, 3ème éd., 2014, ad art. 16 Cst. n. 6 s ; Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. II, 3ème éd., 2013, n. 558 ; ATA/79/2017 du 31 janvier 2017 consid. 2).

b. En l'espèce et comme l'a retenu à juste titre le TAPI, il ne ressort pas de la décision du 14 juillet 2016 qu'il était interdit aux recourantes de distribuer des tracts. Il leur était loisible de le faire dans le périmètre alloué.

La décision précitée retient cependant que les recourantes ne peuvent pas « déborder » de ce périmètre pour interagir avec les piétons, ce qui constitue en effet une restriction à leur liberté d'expression.

Toutefois, la jurisprudence cantonale (ATA/1348/2017 précité consid. 5) admet que l'art. 15 LDPu constitue une base légale suffisant pour limiter les libertés, de sorte que cette restriction repose sur une base légale. Par ailleurs, la restriction a pour but d'éviter un attroupement susceptible d'entraver la libre circulation des passants. En outre, les piétons sont en droit de ne pas participer à une discussion qu'ils n'auraient pas sollicitée. En ce sens, la restriction repose sur un intérêt public au sens de l'art. 36 Cst.. Enfin, les recourantes conservent leur droit d'exercer leur liberté (que ce soit par la distribution de tracts ou par le biais de discussions) dans le périmètre alloué, soit deux fois 6m2 (2m x 3m), selon le plan annexé à la décision ce qui n'est pas négligeable. De plus, cette limitation est nécessaire et adéquate à la réalisation du but d’intérêt public poursuivi. Les mesures proposées par les recourantes (distribution de tracts sans discussion, sans créer d'attroupement, distribution de manière éparpillée ou limitation du nombre de personnes distribuant les tracts) n'auraient pas permis de sauvegarder l'intérêt public poursuivi.

Le grief est rejeté.

11. Enfin, les recourantes semblent reprocher au SSEP d'avoir transmis la décision litigieuse mentionnant les coordonnées personnelles de Mme B______ à vingt et un destinataires, services ou collaborateurs de la ville ou de l'État de Genève.

a. Selon l'art. 65 al. 2 1ère phr. LPA, l’acte de recours contient l’exposé des motifs ainsi que l’indication des moyens de preuve.

b. L’objet du litige est principalement défini par l’objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu’il invoque. L’objet du litige correspond objectivement à l’objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 p. 365 ss ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/902/2015 du 1er septembre 2015 consid. 3b). La contestation ne peut excéder l’objet de la décision attaquée, c’est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l’autorité inférieure s’est prononcée ou aurait dû se prononcer. L’objet d’une procédure administrative ne peut donc pas s’étendre ou qualitativement se modifier au fil des instances, mais peut tout au plus se réduire dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés. Ainsi, si un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, il ne peut pas prendre, dans son mémoire de recours, des conclusions qui sortent du cadre des questions traitées dans la procédure antérieure (ATA/902/2015 précité consid. 3b ; ATA/744/2014 du 23 septembre 2014 consid. 2a ; ATA/336/2014 du 13 mai 2014 consid. 4a).

c. En l'occurrence, l'acte de recours ne contient aucun développement juridique sur cette question sauf la référence aux art. 4 let. b et 35 al. 2 LIPAD, ce qui n'est clairement pas suffisant. Par ailleurs, le grief est exorbitant à l'objet du litige lequel consistait à déterminer la conformité au droit de la décision du 14 juillet 2016. Cela étant, la diffusion de la décision précitée aux services administratifs de la ville et de l'État de Genève et polices municipales potentiellement concernés se justifiait, dans la mesure où ces acteurs pouvaient être de futurs interlocuteurs dans le cadre de l'organisation ou la tenue de la manifestation prévue le 13 août 2016.

Le grief est irrecevable.

12. Compte tenu de ce qui précède, le recours sera très partiellement admis. Le jugement attaqué sera annulé, uniquement en tant qu'il retient que les recourantes devaient déposer une nouvelle demande auprès du DSE pour l'usage d'un moyen d'amplification sonore. Il sera rejeté pour le surplus.

13. Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 300.- sera mis à la charge des recourantes, prises conjointement et solidairement, qui succombent à l'exception d'un point mineur (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée aux recourantes, dans la mesure où il ne ressort pas du dossier qu'elles auraient engagé des frais par rapport au mandat conféré à M. D______ (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 1er février 2017 par l'Association A______ et Madame B______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 décembre 2016 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 décembre 2016, en tant qu'il retient que l'Association A______ et Madame B______ devaient déposer une nouvelle demande auprès du département de la sécurité et de l'économie pour l'usage d'un moyen d'amplification sonore ;

le confirme pour le surplus ;

met à la charge de l'Association A______ et Madame B______, prises conjointement et solidairement, un émolument de CHF 300.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur D______, mandataire des recourantes, à la Ville de Genève - le service de la sécurité et de l'espace publics, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Junod, présidente, M. Thélin, Mme Krauskopf, M. Pagan, Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. Mazza

 

 

la présidente siégeant :

 

 

Ch. Junod

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

la greffière :