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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1424/2016

ATA/1442/2017 du 31.10.2017 ( FORMA ) , REJETE

Descripteurs : FORMATION PROFESSIONNELLE ; HAUTE ÉCOLE SPÉCIALISÉE ; ÉCOLAGE ; FRANCE ; DOMICILE
Normes : LPA.46; LPA.47; LPA.54; LPA.57; LPA.59; LPA.60; LPA.62; .5; LIP.7; LIP.47; aRES.15
Résumé : Légalité de l'écolage annuel de CHF 16'182.- pour le suivi du module complémentaire santé facturée à une étudiante domiciliée hors du canton, en l'occurrence en France. Le principe de la taxation fondé sur le critère du domicile se justifie en raison de l'assujettissement à l'impôt finançant les cours de formation litigieux. La quotité de la taxe n'est pas contestable la direction générale de l'enseignement secondaire II étant fondée à se référer à la convention intercantonale réglant la fréquentation d'une école située dans un autre canton que celui de domicile, par substitution de motifs. Motifs d'irrecevabilité du recours interjeté auprès de la direction générale de l'enseignement secondaire II.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1424/2016-FORMA ATA/1442/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 31 octobre 2017

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Damien Chervaz, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA CULTURE ET DU SPORT



EN FAIT

1) Madame A______, née le ______ 1994, de nationalité française et domiciliée à Seynod, en France, est titulaire d’un baccalauréat français et a intégré le module complémentaire-santé dispensé par la Haute école de santé (ci-après : HEdS) en août 2013 pour l’année scolaire 2013-2014.

2) Par courrier du 3 septembre 2013, la HEdS a confirmé à Mme A______ son inscription au module en question, lui rappelant que les personnes considérées comme non contribuables genevois étaient tenues de payer le montant de CHF 16'182.- pour la taxe de cours.

3) Le 28 octobre 2013, la HEdS a établi une facture de CHF 16'332.- au nom de la précitée, comprenant les frais annuels 2013-2014 inhérents au module complémentaire santé par CHF 16'182.- et au matériel d’enseignement par CHF 150.-.

Mme A______ a souscrit un échelonnement de paiement avec la HEdS, effectuant sept versements, pour un montant total de CHF 14'760.-.

4) Le 26 mai 2014, la Tribune de Genève a publié un article de presse remettant en cause l’écolage de la HEdS de CHF 16'182.-.

5) Par acte du 25 juin 2014, Mme A______ a recouru contre cette facture du 28 octobre 2013 auprès de la direction de la haute école spécialisée de Genève (ci-après : HES-SO Genève), concluant à la nullité, subsidiairement à l’annulation de celle-ci. Elle sollicitait son admission au module complémentaire contre le paiement d’une taxe de CHF 500.- par semestre.

La direction de la HEdS n’avait pas la compétence pour rendre la décision entreprise qui violait les principes de la légalité, de la proportionnalité et de l’égalité de traitement.

6) Parallèlement, par acte du 25 juin 2014, Mme A______ a saisi la direction de la HEdS d’une demande de reconsidération de la taxation du 28 octobre 2013, concluant à sa nullité, invoquant les mêmes motifs que ceux développés dans son recours.

7) Par décision du 10 juillet 2014, la direction générale de la HES-SO Genève a transmis le recours de Mme A______ à la direction générale du département de l’instruction publique, de la culture et du sport, enseignement secondaire II (ci-après : DGES II), pour raison de compétence, affirmant que le module complémentaire-santé n’était pas de niveau HES. La direction de la HES-SO a par ailleurs refusé d’entrer en matière sur la demande de reconsidération, aucun grief soulevé par Mme A______ ne constituant un motif à une telle demande.

8) Par décision du 26 août 2014, sur demande de Mme A______, la direction de la HES-SO Genève a rendu une décision formelle constatant son incompétence, suite à la requête de Mme A______ d’obtenir une décision formelle.

Le module complémentaire-santé n’était pas de niveau HES, la précitée n’était pas inscrite dans une filière de formation HES.

9) Par deux actes séparés du 26 septembre 2014, Mme A______ a recouru auprès de la Commission intercantonale de recours HES-SO (ci-après : la commission) et auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision du 26 août 2014, concluant à ce que la cause soit renvoyée à la direction générale de la HES-SO Genève, compétente pour se déterminer sur le recours interjeté le 25 juin 2014.

Le module complémentaire santé était de niveau tertiaire si bien que la voie de recours auprès de la direction HES-SO Genève lui était ouverte.

10) Par décision du 10 décembre 2015, la commission a déclaré irrecevable le recours de Mme A______ du 26 septembre 2014.

Les modules complémentaires dispensés par la HEdS étaient de niveau tertiaire B, si bien que la DGES II était compétente pour connaître du recours de Mme A______.

11) Par courrier du 25 janvier 2016, Mme A______ a retiré son recours déposé auprès de la chambre administrative contre la décision d’irrecevabilité de la direction de la HES-SO du 26 août 2014 et accepté la compétence de la DGES II pour traiter de son recours du 25 juin 2014.

12) Par décision du 12 avril 2016, la DGES II est entrée en matière, rejeté le recours du 25 juin 2014 de Mme A______ contre la décision de taxation du 28 octobre 2013 et confirmé la taxe scolaire de CHF 16'182.-.

La loi déléguait valablement au Conseil d’État la compétence de fixer les conditions d’admission dans l’enseignement secondaire II, celui-ci pouvant en conséquence valablement imposer le paiement de l’écolage comme exigence d’admission, en respect du principe de la légalité. La convention intercantonale applicable fixait le coût de la formation pour une formation professionnelle à plein temps, soit un montant de CHF 16'182.- par année.

La garantie de la gratuité ne concernait que l’enseignement de base et non pas l’année passerelle propédeutique en question, si bien que le paiement de l’écolage ne constituait pas une restriction au droit à un enseignement de base, le principe de la proportionnalité étant ainsi respecté.

Le canton de Genève avait soumis à des conditions de domicile – et non pas liées à l’origine – l’admission dans les établissements de l’enseignement secondaire II, les personnes ne remplissant pas ces normes d’admission étaient soumises au paiement de l’écolage. Mme A______ se trouvait ainsi dans une situation différente des personnes n’étant pas soumises à la taxe d’écolage si bien que l’égalité de traitement était garantie.

13) Le 4 mai 2016, Mme A______ a saisi la chambre administrative d’un recours contre la décision précitée, concluant à l’annulation de la décision de la DGES II, au constat de sa nullité, à la fixation d’une taxe semestrielle de CHF 500.- et au versement d’une indemnité de procédure.

La décision entreprise violait son droit d’être entendu puisqu’elle n’examinait pas le défaut de compétence de la HEdS qui ne pouvait pas agir comme organe du département de l’instruction publique de la culture et du sport (ci-après : DIP) pour rendre la décision contestée du 28 octobre 2013, grief que la recourante avait invoqué dans son recours.

Elle reprenait en substance les griefs invoqués dans son recours du 25 juin 2014.

14) Par observations du 31 mai 2016, la DGES II a conclu au rejet du recours, reprenant l’argumentation exposée dans sa décision du 12 avril 2016.

15) La recourante ne s’étant pas manifestée dans le délai qui lui a été imparti pour un éventuel exercice de son droit à la réplique, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur la légalité de la taxe de CHF 16'182.- requise de la recourante domiciliée en France, pour le suivi du module complémentaire-santé dispensé par la HEdS pour l’année scolaire 2013-2014.

3) La DGES II est entrée en matière sur le recours interjeté devant elle sans analyser la question de la recevabilité.

4) Il convient ainsi tout d’abord d’examiner si ladite facture constitue une décision susceptible de recours.

a. Au sens de l’art. 4 al. 1 LPA, sont considérées comme des décisions les mesures individuelles et concrètes prises par l’autorité dans les cas d’espèce fondées sur le droit public fédéral, cantonal ou communal et ayant pour objet de créer, de modifier ou d’annuler des droits et des obligations (let. a), de constater l’existence, l’inexistence ou l’étendue de droits, d’obligations ou de faits (let. b), de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou des obligations (let. c). Ce n’est pas la forme de l’acte qui est déterminante, mais son contenu et ses effets (ATA/509/2016 du 14 juin 2016 consid. 4c ; ATA/15/2016 du 12 janvier 2016 consid. 2a).

b. Selon l’art. 57 LPA, sont susceptibles d’un recours, les décisions finales (let. a), les décisions par lesquelles l’autorité admet ou décline sa compétence
(let. b), les décisions incidentes, si elles peuvent causer un préjudice irréparable ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (let. c), ainsi que les lois constitutionnelles, les lois et les règlements du Conseil d’État (let.d).

Le recours n’est pas recevable contre les mesures d’exécution des décisions (art. 59 let. b LPA). L’interdiction d’attaquer les mesures d’exécution vise à soustraire au contrôle juridictionnel les actes qui, sans les modifier ni contenir d’éléments nouveaux, ne servent qu’à assurer la mise en œuvre de décisions exécutoires au sens de l’art. 53 al. 1 let. a LPA. Le contrôle incident de ces dernières s’avère par conséquent exclu (ATA/654/2017 du 13 juin 2017 ; ATA/974/2014 du 9 décembre 2014 consid. 2b et les arrêts cités). La notion de «  mesures » à laquelle se réfère le texte légal s’interprète largement et ne comprend pas seulement les actes matériels destinés à assurer l’application de décisions, mais également toutes les décisions mettant ces dernières en œuvre (ATA/974/2014 précité).

c. En l’espèce, la HEdS a notifié une décision à la recourante par courrier du 3 septembre 2013, confirmant son inscription au module en question et indiquant le montant de l’écolage par CHF 16'182.-. La facture du 28 octobre 2013 de la HEdS - seule visée par la recourante - ne constitue qu’une mesure d’exécution de la décision d’admission, seule cette dernière pouvant faire l’objet d’un recours quant au principe et à la quotité de la taxation.

Le recours du 25 juin 2014 auprès de la DGES II était irrecevable pour ce motif déjà.

5) Il convient dans un deuxième temps d’analyser la recevabilité du recours introduit devant la DGES II sous l’angle du délai de recours.

a. Selon l’art. 62 al. 1 let. a et b LPA, le délai de recours contre une décision finale ou une décision en matière de compétence est de trente jours. Il court dès le lendemain de la notification de la décision (art. 62 al. 3 1ère phr. LPA).

Les délais de recours fixés par la loi sont des dispositions impératives de droit public. Ils ne sont, en principe, pas susceptibles d’être prolongés (art. 16 al. 1 1ère phr. LPA), restitués ou suspendus, si ce n’est par le législateur lui-même. Celui qui n’agit pas dans le délai prescrit est forclos et la décision en cause acquiert force obligatoire (SJ 2000 I 22 consid. 2 p. 24 ; ATA/774/2016 du 13 septembre 2016 et les références citées).

Les écrits doivent parvenir à l’autorité ou être remis à son adresse à un bureau de poste suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse au plus tard le dernier jour du délai avant minuit (art. 17 al. 4 LPA).

Les cas de force majeure sont réservés, conformément à l’art. 16 al. 1 2ème phr. LPA. Tombent sous cette notion, les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d’activité de l’intéressé et qui s’imposent à lui de façon irrésistible (SJ 1999 I 119 ; ATA/512/2016 du 14 juin 2016 et les références citées).

b. Les décisions doivent être désignées comme telles, motivées et signées, et indiquer les voies et délais de recours (art. 46 al. 1 LPA). Une notification irrégulière ne peut entraîner aucun préjudice pour les parties (art. 47 LPA ; ATA/766/2016 du 13 septembre 2016).

Le principe général du droit rappelé à l’art. 47 LPA découle des règles de la bonne foi, qui imposent des devoirs tant à l’autorité dans la conduite d’une procédure (ATF 123 II 231 consid. 8b) qu’à l’administré (arrêt du Tribunal fédéral 2C_318/2009 du 10 décembre 2009 consid. 3.3). On peut et doit attendre d’un justiciable en désaccord avec une décision dépourvue de l’indication des voies de droit qu’il se renseigne sur ses possibilités de recours auprès d’un avocat ou de l’autorité qui a statué, conformément aux règles de la bonne foi. À défaut, la décision entre en force passé un certain délai, même si une disposition légale prévoyait expressément l’obligation de porter la mention des voies de droit (ATF 121 II 72 consid. 2a ; ATA 119 IV 330 consid. 1c ; arrêt du Tribunal fédéral 2P.83/2006 du 5 septembre 2006 consid. 4.4 et la jurisprudence citée). Il y a donc lieu d’examiner, d’après les circonstances du cas concret, si la partie intéressée a réellement été induite en erreur par l’irrégularité de la notification et a, de ce fait, subi un préjudice ou si elle a agi dans un délai raisonnable (ATA/755/2015 du 28 juillet 2015 consid. 1b confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_664/2015 du 13 juin 2016 ; ATA/3/2014 du 7 janvier 2014 consid. 2 ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 355 et la jurisprudence citée).

c. En l’espèce, la facture litigieuse ne comporte ni la mention de décision, ni l’indication des voies et délais de recours, contrairement aux exigences posées par l’art. 46 LPA. La recourante n’invoque toutefois pas avoir été empêchée de s’opposer au paiement de celle-ci en raison de l’absence de la mention des voies de droit et n’a pas contesté la décision d’admission indiquant le montant de l’écolage dû.

C’est près d’une année plus tard, suite à la parution de l’article de la Tribune de Genève du 26 mai 2014 que la recourante a contesté la facture litigieuse. Or, cet article n’est pas de nature à faire courir un nouveau délai de recours.

Vu ce qui précède, le recours du 25 juin 2014 était irrecevable également en raison de sa tardiveté.

6) Sous l’angle de la recevabilité, se pose encore la question de l’intérêt actuel de la recourante.

a. Aux termes de l’art. 60 al. 1 LPA dans sa teneur au 9 septembre 2013, ont qualité pour recourir les parties à la procédure ayant abouti à la décision attaquée (let. a), ainsi que toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée (let. b). Les let. a et b de cette disposition doivent se lire en parallèle. Ainsi, le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s’il était partie à la procédure de première instance (ATA/425/2017 du 11 avril 2017 ; ATA/901/2016 du 25 octobre 2016).

Selon la jurisprudence, le recourant doit avoir un intérêt pratique à l’admission du recours, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage, de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 138 II 162 consid. 2.1.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_152/2012 du 21 mai 2012 consid. 2.1 ; ATA/461/2017 du 25 avril 2017).

Un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l’annulation de la décision attaquée (ATF 138 II 42 consid. 1 ; 137 I 23 consid. 1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_495/2014 du 23 février 2015 consid. 1.2 ; ATA/461/2017 précité). La condition d’un intérêt actuel fait défaut en particulier lorsque, la décision attaquée a été exécutée et a sorti tous ses effets (ATF 125 I 394 consid. 4 ; 120 Ia 165 consid. 4.2 ; 136 II 101 consid. 1.1 ; ATA/461/2017 précité).

b. En l’occurrence, la recourante s’est acquittée de la facture litigieuse presque dans son intégralité au moyen d’un échelonnement de paiement négocié. La contestation de celle-ci étant intervenue environ un an plus tard, l’existence d’un intérêt actuel au recours est douteuse. Cette question peut toutefois souffrir de demeurer indécise, vu les considérants qui précèdent et qui suivent.

7) La recourante invoque la nullité de la mesure d’exécution, soit de la facture du 28 octobre 2013 pour cause d’incompétence de la HEdS.

a. La nullité absolue d'une décision peut être invoquée en tout temps devant toute autorité et doit être constatée d'office. Elle ne frappe que les décisions affectées des vices les plus graves, manifestes ou du moins facilement reconnaissables et pour autant que sa constatation ne mette pas sérieusement en danger la sécurité du droit. Sauf dans les cas expressément prévus par la loi, il ne faut admettre la nullité qu'à titre exceptionnel, lorsque les circonstances sont telles que le système d'annulabilité n'offre manifestement pas la protection nécessaire (ATF 130 II 249 consid. 2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_354/2015 du 21 janvier 2016 consid. 4.1). Des vices de fond d'une décision n'entraînent qu'exceptionnellement sa nullité. Entrent avant tout en considération comme motifs de nullité l'incompétence fonctionnelle et matérielle de l'autorité appelée à statuer, ainsi qu'une erreur manifeste de procédure (ATF 129 I 361 consid. 2.1 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_354/2015 du 21 janvier 2016 consid. 4.1 ; ATA/677/2017 du 20 juin 2017).

b. Au sens de l’art. 54 al. 1 LPA, les autorités administratives exécutent ou font exécuter leurs propres décisions.

8) Pour déterminer si la facture litigieuse serait nulle pour défaut de compétence de la HEdS, il convient dans un premier temps de déterminer les dispositions applicables, notamment ratione temporis.

a. En matière de droit intertemporel, le nouveau droit s’applique en principe à toutes les situations qui interviennent depuis son entrée en vigueur (ATA/125/2016 du 9 février 2016 consid. 5 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 132 n. 403). Selon les principes généraux, sont applicables, en cas de changement de règles de droit, les dispositions en vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques (ATF 137 V 105 consid. 5.3.1). Ainsi, le droit à une rente consécutive au décès d’un assuré doit être examiné au regard du droit en vigueur au moment du décès de celui-ci et non pas au regard des conditions d’une ancienne réglementation remplacée par de nouvelles normes (ATF 137 V 105 précité consid. 5.3.2). En revanche, si la législation change après la réalisation de l’état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques, la situation doit rester réglée selon l’ancien droit (ATF 136 V 24 consid. 4.3). Sont réservées les dispositions éventuelles du droit transitoire prescrivant un régime juridique qui s’écarte de ces principes (ATA/386/2017 du 4 avril 2017).

b. En l’espèce, la taxation litigieuse datant du 28 octobre 2013, il convient de se référer à la législation en vigueur à cette date.

9) Selon les art. 4 de la convention intercantonale sur la HES-SO du 26 mai 2011 (ci-après : la convention HES-SO) et 2 de la loi cantonale sur les hautes écoles spécialisées (LHES-GE - C 1 26), état au 1er janvier 2013, la HES-SO dispense un enseignement de niveau tertiaire universitaire axé sur la pratique et qui s’inscrit prioritairement dans le prolongement d’une formation professionnelle de base. Les formations sont sanctionnées par un diplôme de Bachelor et de Master HES-SO. L’offre comprend également des études postgrades et de perfectionnement professionnel avec les titres y relatifs.

Aux termes de l’art. 5 al. 2 let. a de la loi fédérale sur les hautes écoles spécialisées (aLHES - RS 414.71), état au 1er janvier 2013, les conditions d’admission aux études dans une haute école spécialisée en cycle Bachelor dans le domaine de la santé sont stipulées par décision de l’assemblée plénière de la Conférence suisse des directeurs cantonaux de la santé pour la formation en santé dans le cadre des hautes écoles spécialisées. Selon le profil HES du domaine de la santé du 13 mai 2004, établi par l’assemblée plénière de ladite Conférence, les élèves titulaires d’une maturité gymnasiale ou d’une maturité reconnue par la confédération, qui n’ont pas de formation préalable spécifique dans le domaine de la santé, doivent accomplir des modules complémentaires préalables en vue d’être admis en cycle Bachelor.

Selon les Directives d’admission en Bachelor dans le domaine Santé HES-SO, version du 21 octobre 2011, les candidats doivent remplir les conditions générales d’admission liées aux titres spécifiques ou non spécifiques, aux aptitudes personnelles pour les personnes concernées et respectivement aux conditions de régulations pour les filières concernées (art. 3). Les titulaires des titres de formation non spécifiques au domaine de la santé ont accès à la formation Bachelor moyennant la validation de modules complémentaires équivalents à une année d’expérience du monde du travail avant l’entrée en Bachelor (art. 6 al. 1). Les titulaires de titres étrangers d’études secondaires reconnus comme équivalents doivent suivre les modules complémentaires équivalents à une année d’expérience du monde du travail (art. 10 al. 2). Les modules complémentaires équivalents à une année d’expérience du monde du travail doivent être validés avant l’entrée en formation Bachelor et font l’objet d’une attestation (art. 6 al. 2). Les modalités pédagogiques et organisationnelles des modules complémentaires équivalents à une année d’expérience du monde du travail font l’objet de dispositions d’application (art. 6 al. 3).

D’après le site internet d’information du secrétariat d’État à la formation à la recherche et à l’innovation SEFRI (http:// www.sbfi.admin.ch/ diploma/ 01800/ 01808/ index.html?lang=fr) et le site du canton de Genève (http:// ge.ch/ formation/ degre-tertiaire), dans le système éducatif suisse, le degré tertiaire A désigne le domaine des hautes écoles, comprenant les hautes écoles universitaires et les hautes écoles spécialisées. Les hautes écoles spécialisées délivrent des diplômes Bachelor et Master, les universités des Bachelor, des Master et des doctorats. En règle générale, les conditions d’accès sont les suivantes : apprentissage avec maturité professionnelle (hautes écoles spécialisées) ou maturité gymnasiale (hautes écoles universitaires). Le degré tertiaire B désigne le domaine de la formation professionnelle supérieure, comprenant les écoles supérieures et les examens professionnels et professionnels supérieurs. La formation professionnelle supérieure est ouverte aux personnes qui ont suivi la formation professionnelle initiale (arrêt du 10 décembre 2015 de la commission intercantonale de recours HES-SO 2014.9 consid. 1g).

10) En l’occurrence, l’enseignement suivi par la recourante dans le cadre des modules complémentaires santé, équivalant à une année d’expérience dans le monde du travail, constitue une condition d’accès à la formation Bachelor dans le domaine Santé HES-SO et donc un prérequis à l’admission à une filière de formation HES, si bien que le module précité ne saurait relever du degré tertiaire A, lié aux dispositions applicables à la HES-SO mais au degré tertiaire B, correspondant à une formation professionnelle supérieure.

11) a. Au sens de l’art. 62 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, état au 3 mars 2013 (Cst. – RS 101), l’instruction publique est du ressort des cantons.

Selon l’art. 7 let. d de la loi sur l’instruction publique du 6 novembre 1940 (LIP - C 1 10) état au 22 juin 2013, l’instruction publique comprend notamment le degré tertiaire, soit en particulier le tertiaire ne relevant pas des hautes écoles, régi par la LIP (notamment le degré tertiaire B) (arrêt du 10 décembre 2015 de la commission intercantonale de recours HES-SO 2014.9 consid. 1g).

La direction et l’administration de l’instruction publique appartiennent au Conseil d’État et, sous la surveillance de ce corps, au département chargé de l’instruction publique (art. 1 LIP).

Les conditions d’admission, de promotion et, aux degrés secondaire II et tertiaire, d’obtention des titres, sont fixées ou précisées par voie réglementaire (art. 47 al. 1 LIP). Les taxes scolaires sont fixées par règlement. Les conditions d’exonération pour les élèves qui suivent des formations du niveau secondaire II et des formations professionnelles supérieures sont définies dans le règlement de l’enseignement secondaire, du 14 octobre 1998 (art. 50 al. 1 et 2 let. b LIP).

Aux termes de l’art. 15 du Règlement de l’enseignement secondaire du 14 octobre 1998, état au 3 juin 2013 (aRES - C 1 10.24) figurant au chapitre II intitulé « enseignement secondaire postobligatoire ou enseignement secondaire II et formations subséquentes Cursus de l’élève et de l’apprenti », sont admis dans l’enseignement secondaire postobligatoire : les élèves qui remplissent la condition de domicile au sein du canton (al. 1). Sont réservées notamment les personnes qui remplissent les conditions particulières d’admission dans une filière professionnelle ou spécifique pour adultes (al. 2 let. d). Les élèves ne remplissant pas les conditions des alinéas 1 et 2 peuvent être admis dans l’enseignement secondaire postobligatoire dans la limite des places disponibles et pour autant qu’ils s’acquittent du coût de leur formation prévu par les conventions (al. 3). À titre exceptionnel, un élève non domicilié dans le canton peut être admis dans une école pour des motifs impérieux et avec l’accord préalable de la direction générale de l’enseignement secondaire postobligatoire (al. 4).

b. Sur le principe de la taxation, il n’est pas critiquable de prévoir le paiement d’une taxe pour les personnes domiciliées hors du canton, le critère du domicile étant objectif pour des raisons d’assujettissement à l’impôt finançant les cours de formation litigieux.

c. S’agissant de la quotité de ladite taxe, par substitution de motif, la DGES II se réfère à la convention intercantonale réglant la fréquentation d’une école située dans un canton autre que celui de domicile du 20 mai 2005 (ci-après : la convention intercantonale) - entrée en vigueur dès le début de l’année suivant sa ratification (art. 13 de la convention intercantonale) – prévoyant la fixation d’une contribution cantonale de CHF 17'480.- pour les formations complémentaires à plein temps.

Ce montant de CHF 17'480.- est supérieur à celui litigieux de CHF 16'182.-, si bien que la quotité de la taxe réclamée n’est pas contestable, en ce qu’elle est légèrement inférieure à ce que prévoit la convention.

d. Selon le règlement d’études des modules complémentaires santé de la HEdS pour l’année académique 2013-2014 du 10 septembre 2013 (ci-après : règlement HEdS), applicable notamment aux élèves admis aux modules complémentaires – considérés comme élèves de la HEdS – la HEdS est compétente pour prélever la taxe annuelle (art. 1, 18 et 21 du règlement HEdS).

La compétence de la direction de la HEdS pour l’établissement de la facture litigieuse n’est ainsi pas contestable.

Partant, le grief en nullité sera rejeté.

12) Compte tenu de ce qui précède, le recours sera rejeté, les motifs de la juridiction de céans se substituant à ceux de la décision querellée.

13) Vu l’issue du litige, il ne sera pas mis d’émolument à la charge de la recourante, qui est au bénéfice de l’assistance juridique (art. 13 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 LPA).

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 4 mai 2016 par Madame A______ contre la décision du département de l’instruction publique, de la culture et du sport du 12 avril 2016 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité ;

dit que conformément aux art. 82 ss. de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF – RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Damien Chervaz, avocat de la recourante, ainsi qu'au département de l'instruction publique, de la culture et du sport.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Thélin, Mmes Krauskopf, et Junod, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

K. De Lucia

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :