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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1503/2013

ATA/525/2013 du 27.08.2013 ( PRISON ) , ADMIS

Descripteurs : ; ÉTABLISSEMENT PÉNITENTIAIRE ; DÉTENTION(INCARCÉRATION) ; MESURE DISCIPLINAIRE ; INTÉRÊT ACTUEL ; DROIT D'ÊTRE ENTENDU ; COMPARUTION PERSONNELLE ; DÉCISION ; VICE DE PROCÉDURE ; COMPÉTENCE ; AUTORITÉ ; NULLITÉ
Normes : LPA.60.al1.letb; Cst.29.al2; LOPP.1.al3; RRIP.42; RRIP.45.leth; RRIP.47.al5
Résumé : Le placement en cellule forte pour dix jours au plus étant de la compétence du directeur général de l'office cantonal de la détention, sur proposition du directeur de la prison de Champ-Dollon, ce dernier ne pouvait pas prendre lui-même la décision de placer le recourant pendant dix jours en cellule forte. Cette compétence ne pouvait pas être déléguée au directeur de la prison, étant donné que ni la LOPP ni le RRIP ne prévoient une telle possibilité. L'échange de courriels entre le directeur de la prison et la directrice générale de l'office est insuffisant pour fonder une délégation de compétence relative au placement en cellule forte au-delà d'une durée de cinq jours, malgré les problèmes de disponibilité et de célérité invoqués. La décision attaquée ayant été prise par une autorité incompétente, sa nullité doit être constatée et le recours déclaré irrecevable.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1503/2013-PRISON ATA/525/2013

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 27 août 2013

 

dans la cause

 

Monsieur C______
représenté par Me Arnaud Moutinot, avocat

contre

PRISON DE CHAMP-DOLLON



EN FAIT

1) Monsieur C______, ressortissant portugais né le ______ 1980, est détenu à la prison de Champ-Dollon (ci-après : la prison) depuis le 29 janvier 2013.

2) Il ressort du rapport établi le 8 avril 2013 par un responsable de secteur de la prison à l’attention du directeur de celle-ci, que le même jour à 12h15, trente détenus, dont M. C______, ont refusé de rentrer en cellule, se plaignant de la surpopulation carcérale. Après avoir reçu des injonctions de la part du personnel de surveillance, une partie des détenus restés dans le couloir a réintégré les cellules. Douze détenus, dont M. C______, ont toutefois refusé d’obéir et sont restés dans le couloir. Ils ont tapé contre les portes des cellules avec des couvercles de boilles à eau, barricadé la porte de sécurité de quartier avec des bancs et une boille à eau, cassé des chevalets, pris les morceaux de ceux-ci pour les coincer dans les barreaux de la porte de sécurité de quartier et ouvert la porte d’une salle fermée à clé pour en sortir une table, des bancs, des chevalets et un baby-foot pour continuer à se barricader. A 14h00 et à 14h10, le personnel de surveillance a répété en vain les injonctions de réintégrer les cellules. Le directeur de la prison en a fait de même à 15h00, sous la menace de l’intervention des forces de l’ordre. Les intéressés, dont M. C______, n’ayant pas obtempéré, la police est intervenue dans l’unité concernée en forçant la porte de sécurité de quartier derrière laquelle les détenus s’étaient barricadés.

3) Selon le constat établi le 8 avril 2013 par un sous-chef de la prison, les dégâts matériels liés à la mutinerie du même jour causés par les douze détenus, dont M. C______, se sont élevés à CHF 2'928,30.

4) Par courriel du 8 avril 2013 à 18h38, le directeur de la prison a transmis à la directrice générale de l’office cantonal de la détention (ci-après : l’office) les rapports établis à la suite des incidents survenus l’après-midi même. Tout ou partie des douze détenus de l’unité étaient susceptibles d’être placés en cellule forte pour une durée supérieure à cinq jours. Il la priait de lui confirmer qu’il pouvait, dans ce cas, agir sur délégation de sa part.

5) Par courriel du même jour à 18h40, la directrice générale de l’office a confirmé au directeur de la prison qu’il pouvait agir sur sa délégation.

6) Par décision du 9 avril 2013, le directeur de la prison, a ainsi notifié une punition à M. C______ en raison d’un refus d’obtempérer et de trouble à l’ordre de l’établissement. L’intéressé devait passer dix jours en cellule forte, du 8 avril 2013 à 15h25 au 18 avril 2013 à 15h25. M. C______ avait été entendu le 9 avril 2013 à 11h20. La décision lui avait été notifiée le même jour oralement à 11h25 et par écrit à 18h30.

La décision était exécutoire immédiatement, nonobstant recours, et pouvait être portée dans les trente jours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative).

7) Par acte posté le 10 mai 2013, M. C______, représenté par un avocat, a recouru auprès de la chambre administrative contre la décision précitée, concluant « avec suite de frais et dépens » notamment à son annulation et au constat de « l’illégalité de la sanction d’ores et déjà effectuée ».

Son droit d’être entendu avait été violé : la décision querellée n’était pas motivée ; elle avait été prise par le directeur de la prison, alors que l’autorité compétente était le directeur général de l’office. De plus, la décision violait le principe de la proportionnalité, puisque le placement en cellule forte pour dix jours constituait la sanction la plus sévère, alors que les faits l’ayant motivée n’étaient pas décrits.

8) Le 31 mai 2013, le directeur de la prison a conclu au rejet du « recours avec suite de frais ».

Il avait respecté le droit d’être entendu de M. C______, celui-ci ayant été informé des faits reprochés et des motifs fondant la décision et ayant eu l’occasion de s’exprimer préalablement au prononcé de la sanction. L’intéressé avait pu comprendre que cette dernière était due au fait qu’il avait participé à un refus collectif de réintégrer les cellules. Il était en particulier reproché à M. C______ d’avoir transporté un banc vers la porte de sécurité de quartier.

Les règles de compétence n’avaient pas été violées, la directrice générale de l’office ayant délégué au directeur de la prison, par courriel du 8 avril 2013, – pour des questions de disponibilité et de célérité – l’audition du détenu, l’établissement formel de la décision et sa notification.

La sanction respectait le principe de la proportionnalité. L’intéressé ne contestait pas avoir participé à la mutinerie du 8 avril 2013. L’incident avait été « d’une violence encore jamais connue à la prison » et avait nécessité la mobilisation des forces de sécurité et de secours extérieures considérables, celles-ci ayant dû user de la force pour accéder à l’unité concernée en enfonçant la porte d’entrée derrière laquelle les détenus s’étaient barricadés. L’après-midi du 8 avril 2013, le fonctionnement de la prison avait été perturbé. Les prestations courantes n’avaient pas pu être dispensées à l’ensemble des détenus. Les importants dégâts matériels causés avaient empêché la tenue des repas en commun les jours suivants. Au vu du comportement de M. C______, la nature et la quotité de la sanction étaient justifiées. Vu la gravité de la mutinerie, leurs auteurs avaient été dénoncés au Ministère public.

9) Le 3 juin 2013, le juge délégué a transmis copie de l’écriture précitée à M. C______ et a imparti aux parties un délai au 14 juin 2013 pour formuler toute requête complémentaire. La cause serait ensuite gardée à juger en l’état du dossier, l’instruction étant terminée.

10) Par décision du 6 juin 2013, la vice-présidente du Tribunal civil a admis M. C______ au bénéfice de l’assistance juridique avec effet au 28 mai 2013 et a commis un avocat pour la procédure de recours auprès de la chambre administrative.

11) Le 14 juin 2013, M. C______, assisté d’un avocat, a persisté dans les termes et conclusions de son recours. Il contestait formellement les faits relatés par l’autorité intimée et sollicitait, « dans la stricte mesure où [la chambre administrative] l’estimerait nécessaire, son audition dans le cadre d’une comparution personnelle ».

12) Le 21 juin 2013, le juge délégué a transmis copie du courrier précité à l’autorité intimée et a informé les parties que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable sous cet angle (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 17 al. 3 et 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. Aux termes de l'art. 60 al. 1 let. b LPA, ont qualité pour recourir toutes les personnes qui sont touchées directement par une décision et ont un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée.

b. Selon la jurisprudence, le recourant doit avoir un intérêt pratique à l'admission du recours, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage, de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 121 II 39 consid. 2 c/aa p. 43 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1A.47/2002 du 16 avril 2002, consid. 3 ; ATA/307/2013 du 14 mai 2013 ; ATA/759/2012 du 6 novembre 2012 ; ATA/188/2011 du 22 mars 2011 ; ATA/146/2009 du 24 mars 2009).

c. Un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l’annulation de la décision attaquée (ATF 135 I 79 consid. 1 p. 81 ; 128 II 34 consid. 1b p. 36 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C_133/2009 du 4 juin 2009 consid. 3 ; H. SEILER, Handkommentar zum Bundesgerichtsgesetz [BGG], Berne 2007, n. 33 ad art. 89 LTF p. 365 ; K. SPUHLER / A. DOLGE / D. VOCK, Kurzkommentar zum Bundesgerichtsgesetz [BGG], Zurich/St-Gall 2006, n. 5 ad art. 89 LTF p. 167). L’existence d’un intérêt actuel s’apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours ; s’il s’éteint pendant la procédure, le recours, devenu sans objet, doit être simplement radié du rôle (ATF 125 V 373 consid. 1 p. 374 ; 118 Ib 1 consid. 2 p. 7 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C_76/2009 du 30 avril 2009 consid. 2 ; ATA/175/2007 du 17 avril 2007 consid. 2a ; ATA/915/2004 du 23 novembre 2004 consid. 2b) ou déclaré irrecevable (ATF 123 II 285 consid. 4 p. 286 ss ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C_69/2007 du 11 juin 2007 consid. 2.3 ; ATA/307/2013 du 14 mai 2013 ; ATA/192/2009 du 21 avril 2009 ; ATA/640/2005 du 27 septembre 2005).

d. Il est toutefois renoncé à l’exigence d’un intérêt actuel lorsque cette condition de recours fait obstacle au contrôle de la légalité d’un acte qui pourrait se reproduire en tout temps, dans des circonstances semblables, et qui, en raison de sa brève durée ou de ses effets limités dans le temps, échapperait ainsi toujours à la censure de l’autorité de recours (ATF 135 I 79 précité ; 131 II 361 consid. 1.2 p. 365 ; 128 II 34 précité ; Arrêt du Tribunal fédéral 6B_34/2009 du 20 avril 2009 consid. 3 ; ATA/307/2013 du 14 mai 2013 ; ATA/418/2012 du 3 juillet 2012 consid. 2d ; ATA/365/2009 du 28 juillet 2009).

e. En l’espèce, le recourant a été placé immédiatement en cellule forte pour une durée de dix jours. Considérant la brièveté du placement en cellule forte, la chambre administrative, lorsque le recourant est encore en détention au moment du prononcé de l’arrêt, fait abstraction de l’exigence d’un intérêt actuel, faute de quoi les sanctions administratives infligées aux détenus de la prison de Champ-Dollon échapperaient au contrôle de la chambre administrative (ATA/439/2013 et ATA/441/2013 du 30 juillet 2013). Le recourant dispose d'un intérêt digne de protection à recourir contre la sanction prononcée contre lui, dont la légalité doit pouvoir faire l’objet d’un contrôle en vertu de la jurisprudence du Tribunal fédéral précitée, nonobstant l’absence d’intérêt actuel, puisque cette sanction a déjà été exécutée, dans la mesure où cette situation pourrait encore se présenter (ATA/307/2013 du 14 mai 2013 ; ATA/183/2013 du 19 mars 2013 et la jurisprudence citée).

Le recours est donc recevable.

3) Le recourant sollicite une audience de comparution personnelle des parties, « dans la stricte mesure où [la chambre administrative] l’estimerait nécessaire ».

a. Selon la jurisprudence fondée sur l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend pour l’intéressé celui d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b ; 127 III 576 consid. 2c ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C_424/2009 du 6 septembre 2010 consid. 2). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 131 I 153 consid. 3 ; Arrêts du Tribunal fédéral 2C_58/2010 du 19 mai 2010 consid. 4.3 ; 4A_15/2010 du 15 mars 2010 consid. 3.2 et les arrêts cités ; ATA/432/2008 du 27 août 2008). Ce droit constitutionnel n’implique pas une audition personnelle de l’intéressé, celui-ci devant simplement disposer d’une occasion de se déterminer sur les éléments propres à influer sur l’issue de la cause (art. 41 LPA ; Arrêt du Tribunal fédéral 1P.651/2002 du 10 février 2002 consid. 4.3 et les arrêts cités ; ATA/755/2012 du 6 novembre 2012 ; ATA/301/2012 du 15 mai 2012).

b. En l’espèce, le recourant a eu l’occasion de se déterminer par écrit devant la juridiction de céans. Le dossier étant complet, la chambre administrative dispose des éléments nécessaires pour statuer sans donner suite à la demande d'audition présentée par l’intéressé.

4) Le litige porte sur la décision du 9 avril 2013 du directeur de la prison de placer le recourant dix jours en cellule forte, l’intéressé considérant que ladite décision doit être annulée.

5) Le droit disciplinaire est un ensemble de sanctions dont l'autorité dispose à l'égard d'une collectivité déterminée de personnes, soumises à un statut spécial ou qui, tenues par un régime particulier d'obligations, sont l'objet d'une surveillance spéciale. Il permet de sanctionner des comportements fautifs - la faute étant une condition de la répression - qui lèsent les devoirs caractéristiques de la personne assujettie à cette relation spécifique, lesquels en protègent le fonctionnement normal. Il s'applique aux divers régimes de rapports de puissance publique, et notamment aux détenus. Le droit disciplinaire se caractérise d'abord par la nature des obligations qu'il sanctionne, la justification en réside dans la nature réglementaire des relations entre l'administration et les intéressés. L'administration dispose d'un éventail de sanctions dont le choix doit respecter le principe de la proportionnalité (P. MOOR / E. POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 142 à 145 et la jurisprudence citée).

6) a. Le statut des personnes incarcérées à la prison est régi par l’art. 1 al. 3 de la loi sur l’organisation et le personnel de la prison du 21 juin 1984 (LOPP - F 1 50), ainsi que par le règlement sur le régime intérieur de la prison et le statut des personnes incarcérées du 30 septembre 1985 (RRIP - F 1 50.04).

b. Un détenu doit respecter les dispositions du RRIP, les instructions du directeur général de l’office, ainsi que les ordres du directeur et des fonctionnaires de la prison (art. 42 RRIP). Il doit en toutes circonstances adopter une attitude correcte à l’égard du personnel de la prison, des autres personnes incarcérées et des tiers (art. 44 RRIP). Il lui est notamment interdit de troubler l’ordre et la tranquillité de la prison (art. 45 let. h RRIP).

7) Si un détenu enfreint le RRIP, une sanction proportionnée à sa faute, ainsi qu’à la nature et à la gravité de l’infraction, lui est infligée (art. 47 al. 1 RRIP). Avant le prononcé de la sanction, le détenu doit être informé des faits qui lui sont reprochés et être entendu (art. 47 al. 2 RRIP). Selon l’art. 47 al. 3 RRIP, le directeur est compétent pour prononcer les sanctions suivantes : a) suppression de visite pour quinze jours au plus ; b) suppression des promenades collectives ; c) suppression d’achat pour quinze jours au plus ; d) suppression de l’usage des moyens audiovisuels pour quinze jours au plus ; e) privation de travail ; f) placement en cellule forte pour cinq jours au plus. Ces sanctions peuvent se cumuler (art. 47 al. 4 RRIP).

Le directeur général de l’office peut ordonner, sur proposition du directeur de la prison, le placement en cellule forte pour dix jours au plus (art. 47 al. 5 RRIP). En d’autres termes, le prononcé des sanctions plus sévères que celles énoncées à l’art. 47 al. 3 RRIP sont de la compétence du directeur général de l’office (ATA/536/2009 du 27 octobre 2009).

8) Il est des cas où les vices affectant une décision sont si graves et si évidents qu'ils empêchent celle-ci d'avoir une existence - et donc des effets - quelconques. La décision nulle est censée n'avoir jamais existé. L'écoulement des délais de recours non utilisés n'a aucun effet guérisseur. Une décision nulle n'a que l'apparence de la décision. La nullité renverse ainsi la présomption de validité des décisions formellement en force. La possibilité de la nullité d'une décision crée une grande insécurité juridique. La nullité ne peut être admise qu'exceptionnellement. Elle n'est reconnue que si le vice dont la décision est entachée est particulièrement grave, s'il est manifeste ou du moins facilement décelable, et si en outre, la constatation de la nullité ne met pas sérieusement en danger la sécurité du droit. Ces conditions sont cumulatives et elles ont pour conséquence que la nullité n'est que très rarement admise. Par ailleurs, des vices de fond n'entraînent que très exceptionnellement la nullité d'une décision alors que de graves vices de procédure, ainsi que l'incompétence qualifiée, fonctionnelle ou matérielle, de l'autorité qui a rendu la décision sont des motifs de nullité (ATF 132 II 21 consid. 3.1 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C_270/2011 du 29 août 2011 consid. 5.1 ; ATA/107/2013 du 19 février 2013 consid. 7 ; ATA/773/2011 du 20 décembre 2011 consid. 2 et les références citées ; T. TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, n. 908 ss). Enfin, la nullité d'une décision peut être constatée en tout temps et d'office par n'importe quelle autorité, y compris en instance de recours (ATF 136 II 415 consid. 1.2 ; 132 II 342 consid. 2.1). En cas de constat de nullité, le recours n'a pas ou plus d'objet, ce qui conduit en principe à son irrecevabilité (ATF 136 II 415 consid. 1.2 ; ATA/412/2013 du 2 juillet 2013 consid. 7).

9) En l’espèce, par courriel du 8 avril 2013, le directeur de la prison a prié la directrice générale de l’office de lui confirmer qu’il pouvait, à la suite de la mutinerie qui avait eu lieu le même jour, prendre des sanctions en agissant sur délégation de sa part, ce que la directrice a confirmé par courriel du même jour.

Le 9 avril 2013, le directeur de la prison, sur délégation de la directrice en question, a décidé que M. C______ devait passer dix jours en cellule forte, du 8 avril 2013 à 15h25 au 18 avril 2013 à 15h25, en raison d’un refus d’obtempérer et de trouble à l’ordre de l’établissement. Le recourant a déjà subi la sanction administrative qui lui a été infligée.

A teneur de l’art. 47 al. 5 RRIP, le placement en cellule forte pour dix jours au plus est de la compétence du directeur général de l’office, sur proposition du directeur de la prison. Ni la LOPP ni le RRIP ne prévoient la possibilité pour le directeur général de l’office de déléguer la compétence précitée au directeur de la prison. Dans ces circonstances, admettre le contraire viderait l’art. 47 al. 5 RRIP de son sens, dans la mesure où les sanctions plus importantes que celles figurant à l’art. 47 al. 3 RRIP sont de la compétence du directeur général de l’office (ATA/536/2009 du 27 octobre 2009). A cet égard, l’échange de courriels entre le directeur de la prison et la directrice générale de l’office est insuffisant pour fonder une délégation de compétence relative au placement en cellule forte au-delà d’une durée de cinq jours, malgré les problèmes de disponibilité et de célérité invoqués.

Par conséquent, le directeur de la prison n’était pas compétent pour prendre la décision litigieuse. Tout au plus pouvait-il proposer à la directrice générale de l’office de placer le recourant en cellule forte pour une durée maximale de dix jours, mais il ne pouvait pas prendre cette décision lui-même, même sur délégation de la directrice générale de l’office.

10) La décision attaquée a ainsi été prise par une autorité incompétente, ce qui constitue un vice particulièrement grave au sens de la jurisprudence précitée.

11) La nullité de la décision querellée sera donc constatée mais le recours déclaré irrecevable.

12) Etant donné cette issue, il n'est pas nécessaire de trancher d'autres points de droit.

13) Aucun émolument ne sera perçu, la procédure étant gratuite (art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée au recourant, à la charge de l’Etat de Genève (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

constate la nullité de la décision du directeur de la prison de Champ-Dollon du 9 avril 2013 ;

déclare irrecevable le recours interjeté le 10 mai 2013 par Monsieur C______ contre la décision du directeur de la prison de Champ-Dollon du 9 avril 2013 ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à Monsieur C______, à la charge de l’Etat de Genève ;

dit que, conformément aux art. 78 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière pénale ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Arnaud Moutinot, avocat du recourant, au directeur de la prison de Champ-Dollon, ainsi qu’à la directrice de l’office cantonal de la détention, pour information.

Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Hurni et Mme Junod, MM. Dumartheray et Verniory, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :