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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3854/2011

ATA/773/2011 du 20.12.2011 ( MARPU ) , ADMIS

Descripteurs : ; MARCHÉS PUBLICS ; NULLITÉ ; ADJUDICATION(MARCHÉS PUBLICS) ; PROCÉDURE D'ADJUDICATION ; COMPÉTENCE ; MAIRE ; FORME ET CONTENU ; SIGNATURE
Normes : LPA.69.al1
Parties : MICHEL CONA SA / COMMUNE DE CONFIGNON, FONDATION D'INTERET PUBLIC COMMUNAL POUR LE LOGEMENT A CONFIGNON, ENTREPRISE BELLONI SA
Résumé : Une décision d'adjudication de marché public, pour lequel il n'est pas contesté que la fondation ayant publié l'appel d'offres est le réel pouvoir adjudicateur, est nulle et n'engage pas la fondation si elle a été signée par une autorité incompétente, soit en l'espèce par le maire et le conseiller administratif délégué aux constructions.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3854/2011-MARPU ATA/773/2011

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 20 décembre 2011

 

 

dans la cause

 

MICHEL CONA S.A.
représentée par Me Cédric Berger, avocat

contre

COMMUNE DE CONFIGNON, intimée

et

FONDATION D’INTÉRÊT PUBLIC COMMUNAL POUR LE LOGEMENT À CONFIGNON, appelée en cause
représentées par Me Bertrand Reich, avocat

et

ENTREPRISE BELLONI S.A., appelée en cause

 



EN FAIT

1. Le 6 juin 2011, la Fondation d'intérêt public communal pour le logement à Confignon (ci-après : la fondation) a fait publier dans la Feuille d'Avis Officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) et sur le site Internet www.simap.ch un appel d'offres pour des travaux de construction, intitulé « Cressy + immeubles de logements pour personnes âgées ».

Le marché public était en procédure ouverte ; l'appel d'offres publié indiquait qu'il n'était pas soumis à l'accord GATT/OMC du 15 avril 1994 sur les marchés publics (AMP - RS 0.632.231.422) ni aux traités internationaux. Le marché était divisé en lots ; le lot n° 10 était libellé comme suit : « Vocabulaire commun des marchés publics CPV : 45211200 - Travaux de construction de logements-foyers - CFC : 271 - Plâtrerie ». Le délai de clôture pour le dépôt des offres venait à échéance le 6 juillet 2011 ; le mandataire du pouvoir adjudicateur était le bureau d'architectes VVR Architectes S.A. (ci-après : VVR), à Thônex. Le dossier pouvait être obtenu sur le site www.simap.ch.

2. Michel Cona S.A. (ci-après : Michel Cona ou la société) est une société anonyme sise à Genève, dont le but est l'exploitation d'une entreprise de gypserie-peinture, pose de papiers peints, carrelages et décoration ainsi que tous travaux s'y rattachant.

Le 4 juillet 2011, elle a soumis une offre pour le lot n° 10, pour un montant total net toutes taxes comprises de CHF 449'575,10.

3. Le 1er novembre 2011, le mandataire du pouvoir adjudicateur, soit pour lui Monsieur Antoine Girasoli, architecte associé de VVR, a procédé à l'évaluation des offres. A l'issue de l'analyse multicritères, l'offre de Belloni S.A. (ci-après : Belloni) recevait 352.0 points, celle de Michel Cona 333.3 points, celle d'Entegra S.A. (ci-après : Entegra) 328.3 points, celles des 5 autres entreprises ayant soumissionné et étant classées recevant entre 32.1 points et 197.4 points.

4. Le 20 octobre 2011, la commune de Confignon (ci-après : la commune) a informé Belloni de sa décision de lui attribuer le lot n° 10 du marché, CFC 271.00.

Le même jour, elle a informé de leur éviction les autres soumissionnaires, dont Michel Cona. La lettre adressée à celle-ci était signée, « pour la Commune de Confignon » et sur papier à en-tête de cette dernière, par Monsieur Dinh Manh Uong, maire, et Madame Sylvie Jay, conseillère administrative déléguée aux constructions.

La lettre indiquait en outre qu'un recours dûment motivé contre la décision pouvait être interjeté dans les dix jours dès notification auprès du Tribunal administratif.

5. Par acte posté le 3 novembre 2011, Michel Cona a interjeté recours contre la décision précitée auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI).

La société concluait préalablement à l'octroi de l'effet suspensif au recours et à l'autorisation de prendre connaissance des soumissions de Belloni et d'Entegra, et principalement à l'annulation de la décision d'adjudication du 20 octobre 2011 et à la constatation que la soumission (recte : le marché) devait lui être attribuée.

Elle était convaincue que l'entreprise Belloni avait été, volontairement ou non, favorisée par VVR en raison des rapports que ce dernier entretenait avec Belloni, voire des bonnes expériences qu'il avait eues avec cette dernière. L'autorité adjudicatrice avait ainsi abusé de son pouvoir d'appréciation. Elle avait de plus commis une inégalité de traitement, car Michel Cona devait avoir des notes au moins équivalentes à Entegra aux critères 2 et 3, soit respectivement la capacité à respecter les délais d'exécution et les références et l'expérience.

6. Par jugement sur compétence du 10 novembre 2011, le TAPI a déclaré le recours irrecevable, et transmis le dossier à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) pour raison de compétence.

7. Le 16 novembre 2011, le juge délégué a appelé en cause la fondation et Belloni, et leur a imparti, ainsi qu'à la commune, un délai pour se déterminer sur effet suspensif ainsi que sur la compétence de la commune en tant qu'autorité adjudicatrice.

8. Le 2 décembre 2011, la commune et la fondation ont présenté des observations conjointes et ont conclu au rejet de la demande d'effet suspensif.

S'agissant du pouvoir adjudicateur, il ne faisait pas de doute qu'il s'agissait de la fondation et non de la commune, seule la première devant être partie à la procédure. La décision d'adjudication avait bien été prise par la fondation, qui avait validé le classement des offres récapitulé dans le tableau établi par son mandataire. En revanche, cette décision avait été notifiée par la commune, sous la double signature de deux conseillers administratifs, dont l'un, Mme Jay, était également présidente de la fondation. La décision avait donc été notifiée à tort sur un papier à en-tête de la commune. Il n'en résultait toutefois aucun préjudice pour quiconque, et il n'y avait dès lors pas lieu de sanctionner cette irrégularité. Dans le cas contraire, il en résulterait une nouvelle notification de la décision attaquée, cette fois par la fondation, ce qui entraînerait un nouveau recours ; l'économie de procédure et la saine gestion des deniers publics commandait donc de ne pas invalider la décision d'adjudication.

9. A ce jour, Belloni n'a pas présenté d'observations.

10. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile et transmis à la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 64 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Selon la jurisprudence, les décisions entachées d'un vice sont généralement annulables. Ce n'est qu'exceptionnellement qu'un vice peut frapper une décision de nullité. Une décision est nulle lorsque le défaut dont elles est affectée est particulièrement grave et manifeste, ou du moins aisément reconnaissable, et que le constat de nullité ne porte pas atteinte à la sécurité du droit. Les motifs de nullité qui entrent en ligne de compte sont notamment l'incompétence fonctionnelle ou matérielle de l'autorité qui a statué, ou de graves erreurs procédurales (ATF 132 II 21 consid. 3.1 et les références citées ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C_270/2011 du 29 août 2011 consid. 5.1). La nullité d'une décision doit être constatée d'office par toute autorité, et peut l'être également en procédure de recours (ATF 136 II 415 consid. 1.2 ; 132 II 342 consid. 2.1).

3. En l'espèce, la décision attaquée a été rendue par la commune. Non seulement elle a été rédigée sur le papier à en-tête de cette dernière, mais elle a de surcroît été signée « au nom de la commune » par le maire et le conseiller administratif délégué aux constructions.

En ce qui concerne la fondation, qui a publié l'appel d'offres et dont il n'est pas contesté qu'elle soit le réel pouvoir adjudicateur, elle est dotée, de par l'art. 1 al. 2 de la loi concernant la constitution de la fondation d'intérêt public communal pour le logement à Confignon, du 31 janvier 2003 (loi 8710 - PA 568.00), de la personnalité juridique. Selon l'art. 16 ch. 1 de ses statuts, ratifiés par l'art. 2 de ladite loi, la fondation est valablement engagée vis-à-vis des tiers par la signature collective à deux du président et du vice-président, ou de l'un d'eux avec celle d'un ou plusieurs membres du Conseil spécialement désignés à cet effet. Or, en application de l'art. 8 des statuts, le conseil de fondation ne comprend qu'un seul membre de l'exécutif communal, soit en l'occurrence Mme Jay depuis le 1er juin 2011. Le maire, M. Uong n'étant pas membre du conseil de fondation (cf. aussi http://www.confignon.ch/fr/viepolitique/fondation/ ?amt_id=4581), les signatures apposées sur la décision querellée ne pouvaient engager valablement la fondation.

On ne saurait dès lors admettre que la décision attaquée émanait de la bonne autorité mais qu'elle aurait simplement été notifiée sous un en-tête erroné.

4. La décision attaquée a ainsi été émise par une autorité incompétente. La chambre administrative ne peut que constater sa nullité, constat qui ne porte pas atteinte à la sécurité juridique.

Le fait que l'erreur procédurale n'ait pas entraîné de préjudice importe peu ; quant au principe d'économie de procédure, il ne saurait remédier à un vice aussi flagrant. De surcroît, malgré l'art. 69 al. 1 LPA qui interdit en principe à la juridiction de recours de statuer ultra petita, il y a lieu de constater d'office la nullité d'une décision, conformément à la jurisprudence fédérale déjà citée.

5. Le présent arrêt rend sans objet les conclusions de la recourante concernant l'effet suspensif.

6. Vu l'issue du litige, et eu égard à l'art. 87 al. 1 LPA dans sa nouvelle teneur dès le 27 septembre 2011, il ne sera pas perçu d'émolument. Faute de conclusions en ce sens, il ne sera pas alloué d'indemnité à la recourante (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 3 novembre 2011 par Michel Cona S.A. contre la décision de la commune de Confignon du 20 octobre 2011 ;

au fond :

l'admet ;

constate la nullité de la décision d'adjudication du 20 octobre 2011 ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d'indemnité ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public :

si la valeur estimée du mandat à attribuer n’est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;

s’il soulève une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Cédric Berger, avocat de la recourante, à Me Bertrand Reich, avocat de la commune de Confignon et de la Fondation d'intérêt public communal pour le logement à Confignon, ainsi qu’à Belloni S.A.

Siégeants : Mme Hurni, présidente, M. Thélin, Mme Junod, MM. Dumartheray et Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

C. Derpich

 

la présidente siégeant :

 

 

E. Hurni

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :