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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2062/2016

ATA/1111/2017 du 18.07.2017 sur JTAPI/1365/2016 ( LCI ) , REJETE

Recours TF déposé le 14.09.2017, rendu le 13.12.2017, REJETE, 1C_474/2017
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2062/2016-LCI ATA/1111/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 18 juillet 2017

3ème section

 

dans la cause

 

SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE A______
représentée par Me Patrick Blaser, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'ÉNERGIE

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 décembre 2016 (JTAPI/1365/2016)


EN FAIT

1) a. La Société immobilière A______ (ci-après : la société) est propriétaire de la parcelle no 1______ du cadastre de la commune de B______, d’une surface de 58'527 m2, située en zone villas.

Sur ce terrain sont édifiés une habitation à un logement ayant pour adresse le C______, des bureaux situés au D______ ainsi qu’une serre et divers autres bâtiments de moindre importance.

b. Cette parcelle est concernée par le plan directeur de quartier 2______ « D______ », adopté par le Conseil d’État le 23 mars 2005 (ci-après : PDQ).

Elle est intégrée dans le projet structurant appelé « E______ », lequel tend à créer une large allée arborée destinée à la mobilité douce entre la route de F______, l’Organisation J______ (ci-après : J______) et le village de G______. Entre ces deux derniers points, le tracé idéal passe en lisière des bois, au bas du parc de H______, pour atteindre le jardin du I______et les serres de G______ (cf. rapport final d’étude du PDQ, p. 60 ss, en particulier p. 78, disponible à l’adresse http://ge.ch/amenagement/pdq-jardin-des-nations).

2) Le 25 mars 2015, le département de l’aménagement, du logement et de l’énergie (ci-après : DALE ou le département) a délivré à la société, à sa demande, une autorisation définitive de construire lui permettant la création d’aménagements extérieurs tels que étang, bassin d’agrément, ruisseau, merlons et portail.

Les plans visés ne varietur mettaient en évidence une bande de terrain le long de la limite sud-est de la parcelle, hachurée en vert et portant la mention « Cours des Nobel ».

La condition no 7 de l’autorisation de construire prévoyait que « l’inscription de la servitude de passage par le E______devra être inscrite au registre foncier avant l’ouverture du chantier ».

3) Le 23 juillet 2015, la société a transmis au DALE un avis d’ouverture de chantier. Le début des travaux était prévu le 27 juillet 2015 et la fin des travaux le 4 juillet 2016.

4) Le 31 août 2015, le DALE a accusé réception de cet avis.

La société devait se prononcer dans les dix jours sur la condition no 7 de l’autorisation de construire, qui était rappelée.

5) Le 16 octobre 2015, dans le délai prolongé, la société s’est déterminée. L’autorisation de construire portait sur divers aménagements extérieurs, lesquels étaient indépendants les uns des autres. La société avait fait le choix de n’entreprendre à bref délai que les travaux nécessaires, soit l’édification d’un merlon et du portail d’entrée.

Ce portail permettait de sécuriser l’accès à la propriété ; le merlon ouest visait à protéger cette dernière du projet de construction existant sur les parcelles voisines. Ces travaux n’avaient pas de liens avec le E______.

La société reprendrait contact avec le département pour discuter de la suite envisageable à donner à cette autorisation de construire.

6) Le 5 février 2016, le DALE, après avoir requis la détermination du service des préavis et instruments, a maintenu sa position. La servitude aurait dû être inscrite avant l’ouverture du chantier et la preuve de son inscription devait être transmise dans les trente jours.

7) Le 10 mars 2016, la société a relevé que la position de la direction de la planification directrice cantonale et régionale (ci-après : PDCR) était surprenante. Le projet de voie structurante du D______ avait été intégré dans le cadre d’une autre autorisation de construire, sur un chemin déjà existant longeant sa propre parcelle. La réalisation de cette autorisation, portant le no DD ______, était déjà très avancée. Si la servitude était inscrite sur le terrain de la société, deux voies structurantes parallèles seraient créées.

8) Par décision du 16 mars 2016, le département a infligé à l’avocat de la société une amende administrative de CHF 500.-. Aucune réponse n’avait été donnée au courrier du 5 février 2016. Les documents demandés concernant l’inscription de la servitude devaient être remis dans un délai de trente jours.

9) Le 18 mars 2016, la société s’est déterminée : l’amende avait été infligée à son conseil et non à elle-même. Elle s’était déterminée dans le délai qui lui avait été accordé.

10) Au cours de cette période, les parties ont échangé des courriers électroniques.

11) Le 18 mai 2016, le département a annulé l’amende de CHF 500.- adressée au conseil de la société. Une nouvelle amende, de la même somme, était infligée à la société.

Elle devait fournir les documents demandés dans un délai de trente jours.

Les voie et délais de recours étaient indiqués.

12) Le 20 juin 2016, la société a saisi le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) d’un recours contre la décision précitée. Cette dernière devait être annulée. Le TAPI devait donner acte à la société qu’elle renonçait à la création d’un bassin d’agrément, d’un ruisseau et d’un étang.

Le projet de voie verte structurante prévue par le PDQ avait été abandonné lors de l’adoption d’une loi modifiant la limite de la zone. Le nouveau plan, n3______, qui remplaçait le plan no 2______, ne faisait plus mention d’une quelconque zone de verdure ni même d’une voie structurante. L’autorisation délivrée à la parcelle voisine imposait la création d’une servitude de passage public à pied et à vélo le long cette dernière, à la limite avec celle de la société.

Rien ne permettait au département d’imposer une telle servitude à une personne demandant une autorisation de construire. De plus, elle était devenue sans objet et n’avait pas à être inscrite.

13) Par jugement du 22 décembre 2016, le TAPI a rejeté le recours et confirmé la décision litigieuse.

Les dispositions légales en vigueur ne prévoyaient pas expressément la possibilité d’imposer une servitude de passage à un propriétaire ; une telle mesure était toutefois admissible selon la doctrine. La condition litigieuse était directement en lien avec un PDQ en vigueur, lequel n’avait pas été touché par la modification de zone mentionnée par la société.

La condition no 7 n’était pas nulle, ni subordonnée à la réalisation par la société de tous les aménagements autorisés.

Le département était fondé à exiger l’inscription de ladite servitude, dès lors que le chantier avait été ouvert.

L’amende devait être annulée : elle sanctionnait le non-respect de l’ordre donné le 5 février 2016, lequel avait été nommément donné au conseil de la société et non à cette dernière.

14) Le 1er février 2017, la société a saisi la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) d’un recours contre le jugement précité.

La condition no 7 violait le principe de la légalité et celui de l’égalité de traitement.

Reprenant l’historique du PDQ 2______ et du E______, auquel la elle avait fait opposition, la société relevait que, dans le cadre de l’adoption de la modification de zone 3______, un juriste de l’administration et un conseiller d’État avaient relevé que la servitude de passage prévue sur la parcelle de la société poserait un problème d’expropriation, sans que ce passage ait une utilité réelle.

Sur la parcelle voisine, une autorisation de construire dix-neuf villas avait été accordée, prévoyant la création d’une servitude similaire. Toutefois, son inscription n’avait pas été exigée préalablement à l’ouverture du chantier.

La condition no 7 était radicalement nulle, dès lors qu’elle violait le principe de la légalité, de l’égalité de traitement, de la garantie de la propriété et de la proportionnalité. De plus, et en tout état, la société avait renoncé à ladite autorisation.

15) Le 3 mars 2017, le département a conclu au rejet du recours. La société n’avait pas renoncé à exécuter l’autorisation de construire, puisque certains travaux devaient être réalisés. La condition litigieuse n’était pas nulle et respectait les principes mentionnés par la recourante.

16) Le 7 avril 2017, la société a exercé son droit à la réplique. Seul le portail et le merlon avaient été exécutés, tous les autres travaux prévus, soit la construction d’un étang, d’un bassin d’agrément et d’un ruisseau ne devant plus l’être. Or, le portail était à plus de 200 m du passage prévu pour le E______ alors que les aménagements auxquels il était renoncé étaient beaucoup plus proches. Un transport sur place démontrerait cela.

De plus, l’autorisation de construire était devenue caduque et la plaque avait été renvoyée au département. Au surplus, la société reprenait, voire développait, les éléments qu’elle avait exposés antérieurement concernant la nullité de la condition no 7, la violation du principe de la légalité, de l’égalité de traitement, de la garantie de la propriété, et de la proportionnalité.

17) Sur quoi, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) La société sollicite préalablement un transport sur place.

a. Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes (arrêts du Tribunal fédéral 2C_545/2014 du 9 janvier 2015 consid. 3.1), de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 138 I 154 consid. 2.3.3 p. 157). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 136 I 229 consid. 5.2 p. 236).

Le droit d'être entendu ne contient pas non plus d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l'issue du litige (ATF 138 I 232 consid. 5.1 p. 237).

b. En l’espèce, le dossier contient suffisamment de documents pour permettre à la chambre administrative de trancher le litige – qui soulève des questions principalement juridiques – en toute connaissance de cause.

En conséquence, il ne sera pas donné suite à cette requête.

3) a. Le droit administratif connaît le principe de la force et de l’autorité de la chose décidée. Une décision, rendue par une autorité devient définitive à l’échéance du délai de recours, dès lors qu’aucun recours n’a été interjeté. Dès ce moment, elle a acquis la force de chose décidée (ATA/685/2016 du 16 août 2016 et les références citées). Une décision entrée ainsi en force ne peut plus être remise en question à moins que l’autorité décisionnaire ne la reconsidère, ce qu’elle ne peut ou ne doit faire qu’aux conditions de l’art. 48 LPA.

b. En l’espèce, la condition no 7 de l’autorisation de construire n’a pas été contestée devant le TAPI dans le délai de recours. La société ne soutient pas qu’il existe un motif de reconsidération, et n’a pas saisi le DALE d’une demande en ce sens fondée sur l’art. 48 LPA. En conséquence, l’autorisation de construire délivrée, et sa condition no 7, ont acquis l’autorité de la chose décidée.

4) Selon l’art. 4 al. 1 LPA, sont considérées comme des décisions les mesures individuelles et concrètes prises par une autorité au sens de l’art. 1 LPA dans les cas d’espèce fondés sur le droit public fédéral, cantonal ou communal et ayant pour objet de créer, de modifier ou d’annuler des droits et des obligations (let. a), de constater l’existence, l’inexistence ou l’étendue de droits, d’obligations ou de faits (let. b), de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou des obligations (let. c). Les décisions doivent être désignées comme telles, motivées et signées, et indiquer les voies et délais de recours (art. 46 al. 1 LPA). L’absence de décision injustifiée malgré une mise en demeure ou le retard à statuer d’une autorité est assimilé à une décision (art. 4 al. 4 LPA).

En l’occurrence, le courrier du DALE du 18 mai 2016 ne constitue une décision, au sens de l’art. 4 LPA, que dans la mesure où il inflige un amende à la société.

L’exigence de déposer les documents démontrant l’inscription de la servitude exigée par la condition no 7, en force, ne faisait que rappeler cette dernière. Il s’agit en effet d’une mesure d’exécution d’une décision en force, qui ne peut faire l’objet d’un recours (art. 59 let. b LPA).

5) La société soutient que la condition no 7 est nulle.

a. La nullité absolue d'une décision peut être invoquée en tout temps devant toute autorité et doit être constatée d'office. Elle ne frappe que les décisions affectées des vices les plus graves, manifestes ou du moins facilement reconnaissables et pour autant que sa constatation ne mette pas sérieusement en danger la sécurité du droit. Sauf dans les cas expressément prévus par la loi, il ne faut admettre la nullité qu'à titre exceptionnel, lorsque les circonstances sont telles que le système d'annulabilité n'offre manifestement pas la protection nécessaire (ATF 130 II 249 consid. 2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_354/2015 du 21 janvier 2016 consid. 4.1). Des vices de fond d'une décision n'entraînent qu'exceptionnellement sa nullité. Entrent avant tout en considération comme motifs de nullité l'incompétence fonctionnelle et matérielle de l'autorité appelée à statuer, ainsi qu'une erreur manifeste de procédure (ATF 129 I 361 consid. 2.1 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_354/2015 du 21 janvier 2016 consid. 4.1).

b. En l’espèce, le reproche fait par la société à la condition litigieuse ne répond pas aux exigences rappelées ci-dessus. Ainsi que l’a relevé le TAPI, l’insertion dans une autorisation de construire d’une clause accessoire ne nécessite pas une base légale expresse, laquelle est effectivement inexistante en droit genevois.

De plus, la condition no 7, qui vise à créer une servitude, est en force, et n’a pas été annulée ou abrogée ultérieurement. La modification de zone adoptée par le Grand Conseil le 20 septembre 2013 exclut expressément la parcelle de la société (cf. rapport du projet de loi [ci-après : PL] 10'502A, p. 47 et 48, consulté le 3 juillet 2017 à l’adresse http://ge.ch/grandconseil/data/texte/PL10502A.pdf).

L’insertion, dans une autorisation de construire obtenue par un propriétaire voisin, d’une condition quasi identique démontre qu’une telle clause n’a rien d’exceptionnel. Le fait que, dans ladite autorisation, le moment de l’exigence n’a pas été précisé n’est pas de nature à modifier l’analyse qui vient d’être faite. Il en va de même de l’argument selon lequel la servitude imposée aux voisins rendrait inutile l’exécution de la condition no 7. La répartition entre les propriétaires voisins de l’effort demandé permet le respect du principe de l’égalité de traitement.

6) La société soutient avoir renoncé à exécuter l’autorisation de construire, ce qui ne permettrait plus au DALE d’exiger le respect de la condition no 7. Toutefois, le dossier démontre que tel n’est pas intégralement le cas. L’autorisation, qui n’a pas été contestée, est devenue définitive et exécutoire. L’ouverture du chantier a été annoncée et certains éléments de ce dernier, soit le merlon et le portail d’entrée, ont été effectivement réalisés.

Dans ces circonstances, l’autorisation a été partiellement exécutée, et l’exigence, par l’autorité, du respect de la condition no 7, qui a force de chose décidée, ne prête pas le flanc à la critique.

7) Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

8) Un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 1er février 2017 par la Société immobilière A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 décembre 2016 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge de la Société immobilière
A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Patrick Blaser, avocat de la recourante, au département de l'aménagement, du logement et de l'énergie ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Junod, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. Balzli

 

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :