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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3763/2019

ATA/648/2022 du 23.06.2022 ( FPUBL ) , REJETE

Descripteurs : CONDITION DE RECEVABILITÉ;INTÉRÊT DIGNE DE PROTECTION;HARCÈLEMENT PSYCHOLOGIQUE;PROTECTION DE LA PERSONNALITÉ;DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE;FONCTIONNAIRE;INTERPRÉTATION(SENS GÉNÉRAL)
Normes : Cst.29.al2; LPA.34; LPA.60.al1.letb; aRPPers.22.al1; aRPPers.22.al6; aREGAP.109
Résumé : Compte tenu du fait que la personne mise en cause a quitté ses fonctions auprès de la Ville de Genève, la recourante ne dispose en principe plus d’un intérêt digne de protection concernant la constatation de l’atteinte à sa personnalité justifiant la poursuite de la procédure administrative. Cependant, vu les circonstances exceptionnelles du cas d’espèce, en particulier la durée de la procédure et l’ancienneté des faits, il y a lieu d’examiner si la recourante a subi une atteinte à sa personnalité. Tel n’est pas le cas. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3763/2019-FPUBL ATA/648/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 23 juin 2022

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Romain Jordan, avocat

contre

VILLE DE GENÈVE

et

Monsieur B______
représenté par Me Philippe Eigenheer, avocat



EN FAIT

1) a. Madame A______ a été engagée par la Ville de Genève (ci-après : la ville) en tant que secrétaire dès le 1er mai 1997, puis en tant que collaboratrice scientifique dès le 1er juillet 2001 au sein du Musée d’ethnographie. Dès le 1er novembre 2008, elle a occupé un poste de médiatrice culturelle aux Musées d’art et d’histoire, puis à partir du 1er septembre 2009 à la Bibliothèque de Genève
(ci-après : BGE) sous la responsabilité directe du directeur, soit, à partir du 1er octobre 2012, Monsieur B______. Cette fonction était précédemment exercée par Monsieur C______.

b. Dès le 1er mai 2000, Mme A______ a été nommée fonctionnaire.

Il ressort des différents entretiens d'évaluation entre 2005 et 2012 que Mme A______ a régulièrement rencontré des difficultés relationnelles avec ses supérieurs hiérarchiques et ses collègues, sans que la qualité de son travail ne soit remise en question.

2) Du 15 octobre 2013 au 7 septembre 2015, Mme A______ a été en incapacité de travail totale pour cause de maladie.

3) Par certificat médical du 5 février 2014, la docteure D______, médecin généraliste FMH, titulaire de droits acquis en psychiatrie et psychothérapie, a certifié suivre Mme A______ chaque semaine depuis le 5 janvier 2014. Celle-ci présentait les symptômes d’un état de stress post-traumatique. Au vu de sa situation personnelle, il était hautement probable que celui-ci soit dû à des modifications récentes de ses conditions de travail ou à sa situation professionnelle. Mme A______ n'avait jamais présenté ce type de symptômes auparavant et n'avait jamais souffert de maladie psychiatrique ni de trouble mental.

4) Le 19 février 2014, Mme A______ a informé le conseiller administratif en charge du département de la culture et du sport (ci-après : DCS ou le département) de la ville être en arrêt maladie en raison d’une situation professionnelle conflictuelle et caractérisée par des dénigrements et des harcèlements dont elle était victime. Avant de saisir la direction des ressources humaines (ci-après : DRH) de la ville d’une plainte, elle demandait à être entendue personnellement, les faits exposés constituant un cas de harcèlement moral. La responsable de l’unité psychologie du travail de la DRH lui avait conseillé d’accepter le nouveau cahier des charges proposé par M. B______, lequel était en rupture complète avec le précédent cahier des charges et les compétences pour lesquelles elle avait été engagée comme médiatrice culturelle. La DRH lui avait déconseillé de déposer une plainte pour atteinte à la personnalité et harcèlement.

5) Le 6 mars 2014, Mme A______ a pris contact avec le responsable des ressources humaines (ci-après : RH) du département, afin de connaître la procédure à entreprendre pour partir en vacances du 17 au 26 mars 2014.

Par certificat médical du 3 mars 2014, son médecin-traitant avait confirmé qu'elle était en mesure de quitter la Suisse pour se rendre à l'étranger durant cette période, le voyage présentant des fins thérapeutiques.

6) Le 21 mars 2014, Mme A______ est intervenue à un colloque intitulé « The N______ Symposium » (ci-après : le colloque) à l'université de Harvard à Boston (ci-après : Harvard), en tant que « curator Ville de Genève », tel que cela figurait sur le programme de la manifestation.

7) Le 3 avril 2014, le conseiller administratif du DCS a invité Mme A______ à rencontrer la directrice dudit département et M. B______ afin de trouver une solution adéquate au différend. Sur la base d’une note élaborée par cette dernière jointe à cette lettre, il ne percevait pas de faits constitutifs de dénigrement ni de harcèlement moral. M. B______ avait réorienté la politique de médiation de la BGE à son arrivée, ce qui l’avait obligé à faire des arbitrages en fonction des disponibilités financières. Il était ainsi nécessaire d’adapter le cahier des charges de Mme A______, dans le respect de ses compétences.

8) Le 14 avril 2014, le conseiller administratif du DCS a transmis à Mme A______ la note du 7 mars 2014, rédigée par Madame E______, responsable de l’unité psychologie du travail de la DRH, au sujet de son courrier du 19 février 2014. Ni ladite responsable, ni Madame F______, psychologue du travail, n’avaient déconseillé à l’intéressée de déposer une plainte pour atteinte à la personnalité. Elles avaient reçu M. B______ le 10 janvier 2014 afin d’avoir son point de vue sur la problématique soulevée par Mme A______ lors des entretiens individuels de celle-ci avec Mme F______ les 15 octobre 2013, 21 novembre 2013 et 9 janvier 2014. M. B______ avait proposé un nouveau cahier des charges que Mme F______ avait transmis à Mme A______ par courriel du 16 janvier 2014 en vue de leur prochain entretien du 23 janvier 2014. Lors de cet entretien, cette dernière avait indiqué à Mmes F______ et E______ que le nouveau cahier des charges ne lui convenait pas et qu’elle ne voulait plus travailler avec M. B______.

9) Le 17 avril 2014, Mme A______ a informé le conseiller administratif du DCS du prochain dépôt d’une plainte auprès de la DRH. Elle était toujours disposée à discuter d’une solution adéquate d’entente avec le département et à rencontrer la directrice.

Selon le certificat médical joint de la Dresse D______ du 16 avril 2014, confirmant celui du 19 février 2014, elle ne pouvait être mise en présence de son directeur mais devait être représentée par son avocat.

La patiente ayant mis en relation ses troubles et ses nouvelles conditions de travail, la praticienne lui avait demandé de pouvoir en vérifier l'exactitude. Elle avait trouvé dans son dossier personnel un exemple de comportement destiné à déstabiliser une employée jusqu'ici considérée comme un excellent élément d'une équipe professionnelle, ainsi que la preuve du harcèlement dont elle était victime depuis le départ de son ancien directeur.

10) Le 1er mai 2014, Mme A______ a déposé une plainte en matière d’atteinte à la personnalité auprès de la DRH en raison de plusieurs comportements de M. B______ qu’elle qualifiait de harcèlements moraux. Elle concluait au constat des atteintes à sa personnalité, à l’ouverture d’une enquête, ainsi qu’à l’obtention de deux pièces, qui lui ont été transmises le 10 juin 2014.

11) Le 19 juin 2014, Mme A______ a rencontré un psychologue du travail à la DRH afin d’évaluer la situation.

12) Le 3 juillet 2014, la directrice de la DRH a préavisé négativement la demande d’ouverture d’une enquête pour atteinte à la personnalité.

Les agissements relevés dans la plainte et lors de l'entretien ne constituaient pas des attaques personnelles abusives visant à agresser directement Mme A______ ou la mettre en état d'infériorité, ne s'étaient pas produits de manière systématique, constante et répétée, et ne l'avaient pas mise dans une situation désespérée, de contrainte et sans aucune issue possible.

13) Le 11 juillet 2014, Mme A______ a contesté le préavis précité auprès du Conseil administratif de la ville (ci-après : le CA) et conclu à l’ouverture d’une enquête.

14) Le 14 août 2014, un nouveau certificat médical de la Dresse D______ du 30 juillet 2014 a été transmis au CA. Elle confirmait sa dernière attestation, en constatant que ni une expertise médicale ni un contrôle auprès du médecin-conseil n’avaient été demandés par l’employeur.

15) Le 20 août 2014, le CA a refusé d'ordonner l’ouverture d’une enquête pour atteinte à la personnalité à l’encontre de M. B______, en faisant siens les motifs énoncés dans le préavis.

Mme A______ a recouru le 19 septembre 2014 auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision (cause A/2856/2014). Le CA a révoqué ladite décision le 6 octobre 2014 et ordonné l’ouverture d’une enquête pour atteinte à la personnalité. Le recours étant devenu sans objet, la chambre administrative a rayé la cause du rôle par décision du 8 octobre 2014.

16) Le 20 octobre 2014, la DRH a informé Mme A______ que l’enquête pour atteinte à la personnalité était confiée à Monsieur G______, avocat.

17) Les 26 novembre, 4, 8, 10 et 17 décembre 2014, ce dernier a entendu les parties, assistées de leurs conseils, ainsi que plusieurs collaborateurs de la BGE, soit Monsieur H______, chargé de communication de la BGE, Madame I______, bibliothécaire, Madame J______, administratrice, Madame K______, assistante de direction, Madame L______, assistante de direction, et Monsieur M______, conservateur.

Au terme de cette dernière audition, l'enquêteur a informé les parties de la fin de l’enquête.

18) Après avoir reçu Mme A______ le 15 décembre 2014, le médecin conseil de la ville a constaté, dans un rapport du 17 décembre 2014, que son incapacité de travail était médicalement justifiée et en lien avec un problème relationnel au travail. Celle-ci devait être réévaluée en mars 2015.

19) Dans son rapport du 10 février 2015, l'enquêteur a conclu à l’absence d’atteinte à la personnalité de Mme A______ de la part de M. B______.

Les entretiens avaient fait l’objet de procès-verbaux. L’enquêteur avait assuré aux six témoins qu'aucune des parties ne recevrait copie de ceux-ci. Il avait renoncé à entendre Mme F______. Cette dernière n’avait été le témoin direct d’aucun fait antérieur à l’incapacité de travail de Mme A______.

Le rapport reprenait les dix comportements que l'intéressée reprochait à M. B______, en les analysant au regard des éléments recueillis au cours de l'enquête. Mme A______ était consciente des tensions existant entre les conservateurs et elle, avant l'arrivée de M. B______. À l'origine de ces difficultés, plusieurs causes avaient été évoquées par les témoins : jalousie des conservateurs en raison de l'importance du budget initialement alloué au projet N______, défaut de légitimité de M. C______ qui avait nommé Mme A______ en qualité de directrice, maladresses de communication commises par Mme A______ avec certains conservateurs, etc.

L'enquête n'avait pas établi que Mme A______ avait appris de la bouche de M. B______ l'existence d'une dénonciation anonyme qui avait donné lieu à un rapport de M. C______ le 25 avril 2012. En revanche, cette dénonciation s'était inscrite dans l'atmosphère de dénigrement interne dont l'exposition N______ faisait l'objet, déjà avant l'arrivée de M. B______. Il n'était pas établi que ce dernier avait régulièrement fait référence à cette dénonciation entre le 1er octobre 2012 et le 15 octobre 2013. Il avait cependant cherché à rassurer Mme A______ dans sa réponse à son courriel du 21 décembre 2012. Contrairement à son engagement en ce sens, il ne lui avait toutefois pas transmis le dossier la concernant.

Si M. B______ avait décidé d'annuler la publication sur N______, le sentiment désagréable que Mme A______ alléguait avoir éprouvé à l'annonce de cette annulation n'avait pas pu être objectivé. Elle ne l'avait exprimé ni par écrit, ni par oral aux témoins entendus. M. B______ avait exposé que la première réaction de Mme A______ avait été de comprendre cette décision d'annulation. Jusqu'au dépôt de sa plainte, Mme A______ ne lui en avait plus reparlé. M. B______ avait justifié sa décision d'annulation de la publication par l'intérêt de la ville. Aucun indice rendait vraisemblable que, immédiatement après son arrivée à la direction de la BGE, il avait cherché à faire du tort à Mme A______ en annulant la publication précitée, en invoquant des motifs qu'il savait ne pas être conformes à la vérité. Il l'avait alors soutenue, notamment dans le cadre du conflit qui l'opposait à des conservateurs. Lorsqu’il avait demandé à Mme A______ de lui remettre une copie de son manuscrit, les parties ne s'étaient pas comprises.

Mme A______ reprochait également à son supérieur d'avoir annulé deux projets d'exposition qu'elle préparait depuis plusieurs années. La fragilité du premier projet était connue de Mme I______ et de Mme A______ – dont l'investissement avait été modeste – depuis l'été 2012. L'annulation du second projet avait attristé Mme A______ qui y était attachée. Un témoin avait confirmé que ce projet était cher et que M. B______ était confronté à des restrictions budgétaires. Si ces annulations avaient pu placer Mme A______ dans une situation inconfortable à l'égard de tiers ou de partenaires, il n'apparaissait pas que M. B______ les avait décidées dans le but de lui nuire.

Il n'apparaissait pas que Mme A______ eût été désignée au poste de coordinatrice de la cellule communication sans discussion préalable. Elle n'avait effectivement pas de compétences en matière de communication, mais avait demandé et suivi des cours pour les acquérir. Après avoir été nommée à ce poste, Mme A______ avait exprimé une gêne à l'égard d'un collègue spécialisé dans la communication. Cette gêne s'était transformée en soulagement lorsque ce collègue lui avait assuré qu'il n'aurait jamais voulu être nommé à ce poste. Si Mme A______ avait exprimé son incompréhension à l'égard de cette nomination, elle n'avait en revanche jamais exprimé – à l'époque – avoir vécu cette nomination comme une attaque personnelle.

C'était à sa demande et après en avoir discuté avec Mme K______ que Mme A______ s'était vu confier la responsabilité du planning des huissiers. M. B______ ne lui avait pas fait interdiction de demander aide et conseil à Mme K______. Les deux femmes avaient néanmoins effectivement collaboré en cachette. Cet aspect était lié au fait que la responsabilité du planning représentait un travail compliqué, que Mme A______ avait finalement d'énormes difficultés et que toutes deux y avaient consacré beaucoup de temps. Seuls les plannings des mois de mai et juin 2013 avaient été préparés avec le soutien de Mme K______, Mme A______ ayant préparé celui du mois de juillet 2013 seule.

La réunion du 9 octobre 2013, convoquée la veille, avait pour but de faire le point sur l'état d'avancement d'un projet d'exposition. Mme A______ et M. M______ s'y attendaient, de sorte qu'ils l'avaient préparé avant d'être convoqués. Lors de leur séance de préparation du 7 octobre 2013, ils avaient convenu que Mme A______ préparerait un document résumant les tâches déjà accomplies et celles à accomplir. Après la présentation de ce document, les reproches avaient été principalement adressés à Mme A______, M. B______ le considérant comme insuffisant. Il n'avait alors pas été insultant, mais avait employé un ton vif. Il avait congédié Mme A______ et M. M______ en les invitant sèchement à se remettre au travail. M. M______ avait été choqué de la manière avec laquelle Mme A______ et lui avaient été congédiés. Le lendemain de cette séance, Mme A______ avait envoyé à M. B______ un courriel lui exprimant son sentiment d'avoir été « punie commune une écolière ». Ce dernier lui avait répondu qu'il regrettait le sentiment de punition qu'elle avait ressenti et qu'il était disposé à discuter avec elle de leur façon de collaborer.

La réunion du 15 octobre 2013 n'avait pas été organisée à l'initiative de Mme J______. Quelques jours avant cette séance, Mme A______ avait demandé à la rencontrer. Mme A______ lui avait alors fait part de ce qu'elle n'arrivait pas à répondre aux objectifs de M. B______, notamment parce qu'elle n'était pas sûre de les avoir compris. Sans exprimer le sentiment d'être harcelée par M. B______, Mme A______ avait fait part de sa surcharge. L'audition de toutes les personnes ayant participé à cette séance n'avait pas établi son déroulement avec précision. Cette réunion avait principalement consisté en un échange, parfois vif, entre M. B______ et Mme A______ au sujet des différents dossiers dont elle avait la charge. Aucun témoin n'avait confirmé que M. B______ aurait interrompu Mme A______ en lui disant « taisez-vous, restez polie ». Tous les témoins avaient confirmé que, lors de cette séance, Mme A______ avait exprimé le souhait de ne plus être en charge d'une exposition. Au terme de cette séance, personne n'avait constaté que Mme A______ aurait fait un malaise ou été particulièrement choquée. Plus tard dans la journée, Mme A______ avait envoyé un courriel à Mme K______, exprimant le fait que cette séance avait été psychologiquement éprouvante.

L'enquête n'avait pas établi que l'annulation de la demande d'évaluation de fonction de Mme A______ avait été faite par M. B______.

L'état de santé de Mme A______ n'avait jamais été mis en doute.

Selon l'enquête, Mme A______ était une femme dynamique et sensible à la fois, n'acceptant pas facilement la critique et ayant besoin de reconnaissance. Elle avait également été décrite comme une femme ayant tendance à percevoir comme une attaque personnelle tout avis qui ne serait pas conforme au sien. À l'arrivée de M. B______, le compte de Mme A______ présentait un solde d'heures supplémentaires et de vacances important. Il lui avait été demandé de l'éponger entre la fin de l'année 2012 et l'été 2013, raison pour laquelle elle avait été souvent absente pendant cette période. Jusqu'à la fin de l'été 2013, Mme A______ et M. B______ entretenaient d'excellentes relations. À partir de la fin de l'été 2013 jusqu'à son arrêt maladie, Mme A______ avait commencé à exprimer des doléances à l'endroit de celui-ci.

Seuls trois des comportements de M. B______ constatés par l'enquête étaient susceptibles de révéler l'existence d'une atteinte à la personnalité et d'un harcèlement psychologique, à savoir :

-          s'agissant de la dénonciation anonyme, constatant que ses propos n'étaient pas suffisants pour rassurer Mme A______, M. B______ aurait dû lui transmettre le rapport rédigé le 25 avril 2012 par M. C______. Ce manquement ne pouvait toutefois être qualifié de comportement hostile destiné à nuire, ce d'autant moins qu'il s'inscrivait dans une période où les parties entretenaient de bonnes relations et que Mme A______ était soutenue par son supérieur dans le différend qui l'opposait à des conservateurs. Il s'agissait donc d'une simple erreur de management ;

-          le comportement adopté par M. B______ lors de la réunion du 9 octobre 2013. Vu la réaction de M. M______ à ses propos, il pouvait être retenu que la manière avec laquelle M. B______ avait congédié ses deux collaborateurs avait été excessive, à tout le moins inadéquate. Ce comportement ne pouvait néanmoins être considéré comme un agissement hostile destiné à porter atteinte à la personnalité de Mme A______. Il n'était pas exceptionnel dans les relations de travail et n'avait pas visé uniquement Mme A______ ;

-          la manière dont Mme A______ avait été convoquée pour la réunion du 15 octobre 2013, soit quelques secondes avant le début de celle-ci : si cette réunion s'était ensuite déroulée normalement et que Mme A______ avait pu répondre aux reproches qui lui étaient adressés par M. B______, le défaut de convocation préalable avait initialement déstabilisé et placé Mme A______ dans une situation d'infériorité. Le problème de convocation n'était toutefois pas imputable à M. B______. Si cette séance avait été organisée à l'initiative de Mme J______ à la suite d'un entretien qu'elle avait eu avec Mme A______, l'enquête n'avait pas établi qui était en charge de l'informer de la séance du 15 octobre 2013. M. B______ n'était donc pas responsable de la situation dans laquelle Mme A______ avait été placée. Même si la responsabilité aurait pu être imputée à M. B______, cet agissement aurait constitué un acte isolé, insuffisant pour retenir l'existence d'un harcèlement psychologique.

20) Le 3 mars 2015, le CA a transmis le rapport d’enquête à Mme A______, en l'informant qu’il n’entendait pas donner suite à sa plainte. Un délai au 13 mars 2015 lui était imparti pour formuler ses observations et indiquer si elle sollicitait une audition par une délégation devant lui.

21) Par courriers des 12 et 13 mars 2015, Mme A______ a transmis ses observations. Elle a sollicité des mesures d’instruction complémentaires (audition de Mme F______, psychologue DRH, et de M. C______, examen du caractère avantageux ou non pour la ville du contrat de publication entre une université canadienne et la BGE, réaudition de Mme K______ entendue par l’enquêteur) et son audition par une délégation du CA.

Étaient jointes plusieurs pièces, soit des courriels échangés avec Mme F______ les 8 octobre 2013 et 16 janvier 2014, ainsi que des messages adressés à Mme K______ entre décembre 2012 et septembre 2013.

22) a. Par décision du 15 avril 2015, le CA a déclaré l’enquête close, renoncé à auditionner Mme A______, fait siennes les conclusions du rapport d’enquête et retenu que les faits dénoncés par l'intéressée à l’encontre de M. B______ n’étaient pas constitutifs d’une atteinte à la personnalité.

b. Mme A______ a recouru le 15 mai 2015 auprès de la chambre administrative contre cette décision, en concluant à son annulation et au renvoi de la cause au CA pour complément d'enquête conformément à ses réquisitions de preuves (cause A/1586/2015).

c. Le 17 août 2015, Mme A______ a présenté sa démission, demandant qu’elle soit acceptée pour le 30 septembre 2015. Conformément aux certificat médicaux joints, elle recouvrait sa capacité de travail à partir du 7 septembre 2015. Compte tenu des préjudices qu'elle avait subis, elle ne souhaitait pas reprendre son poste auprès de la BGE.

d. Par arrêt du 6 septembre 2016 (ATA/747/2016), la chambre administrative a constaté la nullité de la décision du 15 avril 2015, déclaré irrecevable le recours de Mme A______ et renvoyé la cause à la ville pour nouvelle décision dans le respect du droit d’être entendu des parties.

La ville avait violé le droit d’être entendue de Mme A______ en refusant son audition par le CA, cette dernière n’ayant de plus pas eu accès aux procès-verbaux d’audition des témoins par l’enquêteur ni bénéficié d’une communication du contenu essentiel de ces derniers. Le renvoi de la cause à la ville ne constituait pas une vaine formalité, ni un allongement inutile de la procédure, vu la large liberté d’appréciation du CA pour trouver une issue acceptable pour toutes les parties impliquées. Le fait que l’intéressée n’était plus membre du personnel de la ville était un facteur susceptible de limiter le choix des mesures de résolution du désaccord, mais n’empêchait pas les parties de discuter et de rechercher une issue au litige, autre que celle de la confrontation devant une autorité judiciaire.

23) a. Le 2 novembre 2016, la ville a transmis à Mme A______ et M. B______ les procès-verbaux d’audition des témoins par l’enquêteur.

b. Le 18 novembre 2016, M. B______ a indiqué ne pas avoir d’observations à formuler.

c. Le 15 décembre 2016, Mme A______ a formulé ses observations. Elle a persisté dans ses précédentes conclusions et sollicité un complément d’enquête (audition de Mme F______, de M. C______ et des conservateurs ou
ex-conservateurs, examen du caractère avantageux ou non pour la ville du contrat de publication concernant N______, réaudition de Mme K______ entendue par l’enquêteur), la désignation d’un nouvel enquêteur et son audition par le CA. Elle était à disposition pour une discussion en vue de la recherche d’une solution amiable.

Étaient notamment joints les documents suivants :

-                 ses courriels à M. C______ du 15 novembre 2012 et à M. B______ du 21 décembre 2012, s'inquiétant du contenu de la dénonciation concernant le financement du projet N______ ;

-                 la réponse de M. B______ du 21 décembre 2012 lui indiquant qu'il lui communiquerait le dossier relatif à ladite dénonciation, en précisant « par ailleurs, je ne vous ai pas caché que je ne comprenais pas que vous ayez entraîné M. C______ à signer un projet d'édition à l'étranger où nous assumions tous les frais à 100 %, alors que la politique de la ville est de soutenir le monde de l'édition genevois. C'est pourquoi [il avait] décidé de présenter ce dossier au DCS pour recevoir son aval sur cet accord. Le DCS [lui avait] alors donné mandat de l'annuler, ce qu'[il avait] fait » ;

-                 un courriel de Mme F______ du 16 janvier 2014 indiquant notamment au sujet de l'évaluation de la fonction de Mme A______ que M. B______ l'avait arrêtée « début 2013 estimant qu'[elle] ne la mérit[ait] pas. Nous lui avons fait remarquer qu'il ne vous avait pas tenue au courant et que cela [était] une erreur de sa part ».

En complément à cette écriture, Mme A______ a remis le 12 janvier 2017, une attestation d'un professeur de l'université de Laval au Canada, démontrant « l'intérêt et la valeur scientifiques de la publication prévue » sur N______, ainsi que « la qualité de [son] travail ».

d. Le 22 février 2017, Mme A______ a été entendue par une délégation du CA.

e. Par courrier du 14 mars 2017, M. B______ s'est plaint auprès du CA de la parution d'un article de presse le 6 février 2017 le mettant en cause dans la dégradation du climat de travail au sein de la BGE, lequel avait été diffusé par Mme A______ auprès de certaines de ses connaissances.

Mme A______ a reconnu avoir envoyé ledit article à plusieurs personnes, dans une perspective de « solidarité » du personnel de la BGE.

f. Le 23 août 2017, Mme A______ a demandé qu'une suite positive soit donnée à son courrier du 15 décembre 2016, ainsi qu'à ses demandes de complément d’enquête et de désignation d’un nouvel enquêteur. La procédure était restée inactive depuis son audition par le maire, lors de laquelle ce dernier n’avait pas voulu engager la discussion d’une solution amiable.

g. Le 6 septembre 2017, la ville lui a répondu que, compte tenu de sa démission, le CA n'entendait pas entrer en matière sur ses demandes.

24) Par acte du 25 septembre 2017, Mme A______ a recouru auprès de la chambre administrative pour déni de justice contre ce courrier, en concluant à son annulation, à la constatation de son caractère illicite, ainsi qu'au renvoi de la cause au CA pour qu’il donne suite à ses demandes d’administration de preuves du 15 décembre 2016.

25) À la demande de la ville, la chambre administrative a suspendu la procédure le 24 novembre 2017 et l’a reprise le 6 avril 2018, vu l'absence de solution amiable.

26) Le 31 mars 2018, M. B______ a quitté ses fonctions.

27) Par arrêt du 13 novembre 2018 (ATA/1210/2018), la chambre administrative a déclaré irrecevable le recours précité (cause A/3939/2017).

La décision attaquée était une décision incidente, qui n'était susceptible de recours uniquement si elle pouvait causer un préjudice irréparable ou si l'admission du recours pouvait conduire immédiatement à une décision finale qui permettait d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse. Or, aucune des deux hypothèses de l'art. 57 let. c de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) n'était réalisée.

Le recours pour déni de justice était également déclaré irrecevable, faute pour l’intéressée d'avoir mis en demeure la ville de rendre une décision.

28) a. Parallèlement, la direction du département a informé Mme A______ le 18 juin 2014, qu'elle envisageait de prononcer un avertissement à son encontre en raison de sa participation en tant que « curator Ville de Genève » au colloque à Harvard.

b. Un entretien a eu lieu le 3 juillet 2014, en présence de Madame O______, directrice du département, et un responsable RH.

c. Par arrêt du 8 octobre 2019 (ATA/1477/2019), la chambre administrative a rejeté le recours de Mme A______ contre la décision du CA du 15 septembre 2014, confirmant l'avertissement (cause n° A/3024/2014).

En ne soutenant pas être intervenue auprès de l'organisateur de la conférence pour supprimer la mention « curator Ville de Genève », Mme A______ avait à tout le moins laissé donner l'apparence d'y représenter la ville. Elle avait alors présenté des travaux dont la réalisation avait notamment été rendue possible par le soutien de la ville et dans le cadre de son emploi en tant que fonctionnaire. En sus de l'accord de ses médecins, elle devait disposer de celui de sa hiérarchie pour accomplir des tâches professionnelles durant ses vacances. En agissant de la sorte, Mme A______ avait violé ses devoirs de service. L'avertissement était justifié.

Cette procédure avait été suspendue à la demande des parties jusqu'à l'issue de la procédure ouverte pour atteinte à la personnalité.

29) Par courrier du 19 décembre 2018, Mme A______ a persisté à solliciter de la ville qu'il soit procédé aux mesures d'instruction demandées le 15 décembre 2016.

30) À la demande de la ville, Mme A______ et M. B______ ont confirmé leur souhait d'être entendus par le CA. Mme A______ maintenait ses demandes d'instruction complémentaire, en relevant que le groupe de confiance, désormais existant, était compétent. M. B______ s'y opposait.

31) Les 17 avril et 29 mai 2019, ont eu lieu les auditions de M. B______ et Mme A______ par le CA.

32) Par courrier du 21 août 2019, le nouveau conseil de Mme A______ a demandé à pouvoir consulter l'intégralité de son dossier.

33) Le 23 août 2019, la ville a accédé à sa requête, le dossier étant à sa disposition pour consultation le 28 août 2019.

34) Par décision du 4 septembre 2019, le CA a retenu l'absence d'atteinte à la personnalité de Mme A______, en refusant de donner suite à ses offres de preuves.

Concernant les actes d'instruction complémentaires demandés, la ville avait déjà confirmé à maintes reprises que ceux-ci ne portaient pas sur des preuves pertinentes. L'audition de Mme F______ et M. C______ devait être écartée, faute pour ceux-ci d'avoir été les témoins directs des relations entre Mme A______ et M. B______. La réaudition de Mme K______ n'apporterait aucun élément nouveau. Les explications de Mme A______ quant à l'audition des conservateurs étaient peu convaincantes et soulevaient de nombreuses interrogations. La demande de désignation d'un nouvel enquêteur était tardive et ne reposait sur aucun élément laissant douter de l'impartialité de celui-ci. Vu l'historique du dossier, l'examen du caractère désavantageux ou non d'un contrat de publication n'apparaissait pas pertinent, M. B______ n'ayant pas participé à la négociation de celui-ci. Dans son courrier du 19 décembre 2018, Mme A______ n'apportait pas de nouveaux éléments mettant en cause le contenu du rapport d'enquête du 10 février 2015. Or, vu l'ensemble des pièces du dossier, aucun élément ne rendait nécessaires les auditions demandées, ni ne permettait de mettre en doute l'impartialité de l'enquêteur. Dans son arrêt du 13 novembre 2018, la chambre administrative avait d'ailleurs déclaré irrecevable le recours de Mme A______ en lien avec lesdites offres de preuve.

Il appartenait exclusivement à l'enquêteur d'établir si l'état de fait dénoncé mettait en évidence une atteinte à la personnalité. En l'espèce, celui-ci avait conclu à l'absence d'une atteinte à la personnalité de Mme A______. Aucun élément concret et sérieux ne permettait de mettre en doute le contenu et les conclusions du rapport d’enquête. Ainsi, la ville les faisait siens.

Les rapports de travail entre Mme A______ et la ville ayant pris fin le 30 septembre 2015, le délai de nonante jours pour saisir le groupe de confiance était échu. Il ne pouvait donc plus être saisi par Mme A______.

35) Par acte du 7 octobre 2019, Mme A______ a recouru auprès de la chambre administrative contre la décision précitée, en concluant à son annulation, au renvoi de la cause à la ville pour la désignation d'un nouvel enquêteur et à ce qu'il soit donné suite à ses demandes d'administration de preuves complémentaires. Préalablement, elle demandait qu'il soit ordonné à la ville de produire l'intégralité de son dossier. Subsidiairement, elle sollicitait l'audition des parties et de témoins, ainsi que le constat d'une atteinte à sa personnalité.

Son droit d'être entendu, en particulier celui à la réplique, et celui à l'administration des preuves avaient été violés. La ville avait attendu moins de cinq jours ouvrables après la consultation du dossier par son conseil le 28 août 2019 pour notifier sa décision. La ville aurait dû attendre au moins dix jours avant de statuer. Elle avait aussi refusé de procéder à l'administration des preuves complémentaires sollicitées, soit l'audition de témoins, alors qu'elles étaient nécessaires à l'établissement des faits. La ville aurait dû y donner suite d'autant plus que plusieurs articles de presse parus en 2017 corroboraient sa position.

Le rapport d'enquête se fondait en grande partie sur les déclarations de témoins, qui n'avaient pas été préalablement exhortés à dire la vérité, en violation de l'art. 34 LPA. Ils avaient ainsi pu penser que leurs déclarations ne seraient pas vérifiées.

La ville avait nié à tort l'existence d'une atteinte à sa personnalité. Les éléments rassemblés dans le cadre de l'enquête auraient dû la conduire à constater le comportement abusif, dénigrant, hostile, voire violent de M. B______ à son égard, de manière constante pendant un an. La position de la ville était d'autant plus choquante qu'elle faisait abstraction des plaintes adressées par vingt autres collaborateurs à l'unité de psychologie du travail en lien avec le comportement agressif de M. B______, cette situation ayant nécessité l'intervention de la Cour des comptes et de l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT).

Était notamment joint un article de presse du 11 avril 2017 intitulé « La Cour des comptes enquête sur la bibliothèque de Genève ».

36) La ville a conclu, principalement, à l'irrecevabilité du recours et, subsidiairement, à son rejet. Préalablement, elle sollicitait l'appel en cause de M. B______.

Mme A______ ne disposait pas ou plus d'un intérêt digne de protection. M. B______ ayant quitté l'administration municipale, se posait la question de savoir si les investigations demandées par Mme A______ pouvaient encore être poursuivies. Conformément à la jurisprudence, si la personne contre laquelle la plainte était déposée n'était plus en fonction, il n'était plus possible de faire constater la violation des devoirs de service et de lui infliger une sanction. Aucune autre mesure n'était susceptible de remédier à une éventuelle atteinte à la personnalité, dès lors que tant l'auteur présumé que la prétendue victime avaient quitté l'administration municipale. L'objectif poursuivi par la procédure d'investigation ne pouvait plus être rempli. Mme A______ ne pouvant se prévaloir d'un intérêt digne de protection en lien avec ses demandes d'administration de preuves complémentaires, son recours devait être déclaré irrecevable pour ce motif également. L'action en constatation de droit étant subsidiaire à l'action condamnatoire et Mme A______ ne prouvant pas disposer d'un intérêt majeur à l'obtention du constat qu'elle sollicitait ou n'être pas en mesure de déposer une action condamnatoire, son recours visant à ce qu'il soit constaté une atteinte à sa personnalité était irrecevable.

Mme A______ était ainsi forclose à solliciter des mesures d'instruction complémentaires et la nomination d'un nouvel enquêteur. Le délai de péremption de nonante jours dès la cessation des rapports de service était largement échu. Vu l'écoulement du temps, il n'était plus possible d'élucider, avec certitude, les circonstances précises des événements décrits par Mme A______, faits datant de 2012 ou 2013. Depuis le départ de Mme A______, la situation de la BGE avait notablement changé. Dans ce contexte, reprendre des investigations sur des faits anciens ne manquerait pas de fragiliser la situation au détriment de la BGE. En toute hypothèse, il n'était pas nécessaire d'effectuer des actes d'instruction complémentaires ni de nommer un nouvel enquêteur. Les auditions effectuées en 2014 par l'enquêteur étaient complètes et claires quant à l'absence d'une quelconque atteinte à la personnalité de Mme A______.

Le délai de notification de la décision querellée résultait d'une requête expresse de la part de Mme A______ du 19 décembre 2018, ce qui avait conduit la ville à se positionner sur ses diverses demandes tout au long de la procédure, après avoir respecté son droit d'être entendue. Mme A______ avait reçu une copie de toute la correspondance échangée avec M. B______. Elle n'avait pas sollicité la possibilité de déposer de nouvelles observations. Après la consultation du dossier du 28 août 2019, le conseil de Mme A______ n'avait demandé aucune copie ni interpellé la ville. Le délai de dix jours invoqué par Mme A______ n'était fondé sur aucune base légale.

Les auditions requises par Mme A______ n'étaient pas pertinentes.

Depuis qu'elle avait eu accès aux procès-verbaux le 3 novembre 2016, Mme A______ n'avait jamais remis en cause la probité des témoins. Elle n'exposait aucun argument démontrant que les procès-verbaux des témoins auditionnés par l'enquêteur comporteraient un vice. Au vu de la jurisprudence en la matière, il n'y avait pas lieu de les écarter, même si les témoins n'avaient pas été exhortés. Ils les avaient signés et Mme A______ avait pu s'exprimer sur le contenu. Rien ne permettait de soutenir que la ré-audition de tous les témoins aboutirait à un résultat différent.

Alors que Mme A______ soutenait que le rapport d'enquête était vicié et ne pouvait fonder la décision entreprise, elle prétendait que l'enquête devait conduire la ville à constater l'atteinte à sa personnalité. Au vu des éléments objectifs ressortant de l'enquête et des témoignages, dont celui de Mme K______, confidente de Mme A______, l'enquêteur et la ville ne pouvaient parvenir qu'à la conclusion qu'aucune atteinte à la personnalité de l'intéressée ne pouvait être reprochée à M. B______. Ni la Cour des comptes ni l'OCIRT n'avaient examiné spécifiquement les relations de travail entre Mme A______ et M. B______. Les plaintes des vingt collaborateurs avaient été déposées le 6 février 2017, soit trois ans et demi après que Mme A______ ait été arrêté pour cause de maladie. Le règlement relatif à la protection de la personnalité du 2 mai 2018 (LC 21 152.36 ; ci-après : le règlement), entré en vigueur le 1er novembre 2018, ne s'appliquait pas en l'espèce. En cas contraire, Mme A______ ne pourrait en déduire aucun droit, compte tenu de la péremption.

Mme A______ concluait à la nomination d'un nouvel enquêteur sans formuler aucun grief quant au refus de la ville à cet égard. Cela étant, elle avait déjà démontré que les accusations formulées par Mme A______ à l'encontre de l'enquêteur n'étaient pas crédibles.

Dans le cadre de ses précédents postes, Mme A______ avait déjà rencontré des tensions relationnelles à l'égard de sa hiérarchie et de ses collègues de travail. C'était la conjonction des difficultés personnelles de Mme A______ (incapacité à se plier à des modes de collaboration initiés par d'autres et insuffisances dans l'accomplissement des missions confiées) qui avaient entraîné sa déstabilisation, et non pas une prétendue volonté de M. B______ de porter atteinte à sa personnalité.

37) Dans sa réplique, Mme A______ a relevé que, tout en prétendant que le nouveau règlement municipal relatif à la protection de la personnalité n'était pas applicable, l'intimée se prévalait d'une prétendue analogie entre l'art. 22 de l'ancien règlement relatif à la protection de la personnalité à l'État de Genève du 18 juin 2008, en vigueur jusqu'au 31 mars 2013 (aRPPers), et l'ancien art. 100 du statut du personnel de la ville du 31 décembre 2010 (LC 21 151 ; ci-après : le statut). Toutefois, le premier tendait à établir une violation de son devoir de service par l'auteur, alors que le second visait à faire constater l'existence ou non d'une atteinte à la personnalité de la victime. Conformément à la jurisprudence, la constatation de l'atteinte à la personnalité était un préalable nécessaire à l'obtention ultérieure d'une réparation supplémentaire.

La ville avait conduit la procédure administrative avec un manque de diligence. Elle restait valable même si M. B______ avait perdu son emploi, dès lors que le but de la procédure était la constatation ou non d'une atteinte à sa personnalité. Sa démission n'enlevait pas non plus un intérêt pratique et juridique à faire valoir ses droits. La ville ne pouvait invoquer la lenteur et le retard de cette procédure alors qu'elle en était responsable.

La précipitation du CA à rendre la décision querellée, dans une affaire qui durait alors depuis cinq ans et demi et dont il résultait pour la ville un dossier de onze classeurs fédéraux, avait manifestement pour but d'entraver une réflexion de son conseil et elle en vue de prendre les dispositions sur la suite de la procédure.

Son précédent conseil avait déjà sollicité, dans son courrier du 15 décembre 2016, l'audition et la réaudition de plusieurs témoins, ainsi que la désignation d'un nouvel enquêteur. Dans son recours du 25 septembre 2017, elle avait détaillé sa motivation à cette fin. Elle avait renouvelé ses demandes dans son courrier du 19 décembre 2018. Le refus du CA de donner suite à ses demandes n'était pas fondé sur une réfutation des motifs qu'elle avait avancés, mais sur des affirmations de faits inexacts et des prétextes.

Contrairement à ce que soutenait la ville, la nouvelle réglementation s'appliquait à la procédure en cours à partir du 1er novembre 2018, de sorte qu'elle devait être transmise au groupe de confiance. Certains éléments d'atteintes à la personnalité étaient alors déjà établis. Ainsi, M. B______ lui avait fait croire qu'une plainte avait été déposée contre elle, en lui promettant de lui remettre le dossier. En réalité, la plainte consistait en un téléphone anonyme et le dossier ne lui avait jamais été remis. Il était également faux de prétendre qu'il l'aurait défendue auprès des conservateurs. M. B______ avait aussi décidé d'arrêter toute évaluation de sa fonction pour prétendue témérité de sa part, en le lui cachant, l'empêchant ainsi de contester cette décision. Les pièces du dossier démontraient la volonté de M. B______ de lui nuire et son mépris à son égard. Il était donc absurde de prétendre qu'il entretenait d'excellentes relations avec elle au printemps 2013. Le traumatisme qu'elle avait subi du fait des mauvais traitements infligés par M. B______ était relevé par ses médecins-traitants.

Étaient notamment joints les documents suivants :

-                 un certificat médical du docteur P______, médecin interne FMH, du 15 janvier 2020, indiquant que Mme A______ était en arrêt de travail du 6 mai au 1er septembre 2009 ;

-                 une copie du rapport n° 133 de la Cour des comptes du mois de janvier 2018, portant sur la gouvernance de la BGE ;

-                 une copie de la note de M. C______ du 25 avril 2012 relative à la « dénonciation spontanée concernant l'exposition N______ » ;

-                 un certificat de travail de la Ville de Neuchâtel du 31 octobre 2019, indiquant que Mme A______ y avait travaillé en qualité de responsable de la nouvelle entité des médiateurs urbains du 1er octobre 2015 au 31 octobre 2019, en décrivant ses activités et compétences. Elle entretenait d'excellentes relations avec les partenaires, ses supérieurs hiérarchiques et ses collègues.

38) Par décision du 3 mars 2020 (ATA/237/2020), la chambre administrative a ordonné l'appel en cause de M. B______, avec l'accord des parties.

39) M. B______ a également conclu au rejet du recours. Subsidiairement, il sollicitait sa comparution personnelle.

Durant toute la procédure qui avait duré plusieurs années, la recourante avait eu, à de nombreuses reprises, l'occasion de se déterminer sur les différents actes d'instruction de la ville et sur les constats effectués par cette dernière. La recourante avait encore été entendue par la ville le 29 mai 2019. Le fait qu'elle avait consulté un nouveau conseil était insuffisant pour admettre que son droit d'être entendu n'avait pas été respecté, vu les nombreux échanges effectués dans le cadre de ce dossier. À la suite de la remise du rapport d'enquête administrative, la recourante n'avait pas demandé l'audition des conservateurs. Elle n'avait formulé cette demande que plus d'une année plus tard. Les éléments du dossier montraient que l'audition des conservateurs n'était pas pertinente. Quand bien même la recourante faisait valoir que les témoins n'auraient pas été valablement entendus par l'enquêteur, elle ne sollicitait la réaudition que de certains d'entre eux. L'enquêteur avait expliqué avoir instruit l'affaire sur la base du dossier transmis par la ville. La recourante disposait donc de l'intégralité du dossier soumis à l'enquêteur, à l'exception des témoignages, transmis par la suite. Elle n'avait aucunement demandé à pouvoir consulter le dossier dans le délai de dix jours qui lui avait été imparti après la remise du rapport d'enquête.

Au surplus, il se référait aux conclusions de l'enquêteur. Mme A______ lui reprochait essentiellement des manquements dans sa manière de communiquer. Toutefois, elle faisait elle-même preuve de difficultés à cet égard.

40) Mme A______ a derechef maintenu sa position.

Elle avait sollicité l'audition des conservateurs aussitôt qu'elle avait été informée du fait que ceux-ci n'avaient pas entendu M. B______ la défendre, mais que ce dernier l'avait dénigrée tant dans son travail que dans sa personnalité. Elle sollicitait la production par la ville des factures relatives au coût de l'exposition N______ à New-York. Pour affirmer que M. B______ l'avait soutenue auprès des conservateurs, l'enquêteur s'était exclusivement fondé sur les déclarations de celui-ci, sans procéder à aucune autre vérification. Le contenu du message de M. B______ du 21 décembre 2012 était faux et elle offrait de le prouver par l'audition des conservateurs.

41) La ville s'en est rapporté quant au contenu des écritures de M. B______.

42) Le 7 septembre 2020, a eu lieu une audience de comparution personnelle des parties.

Mme A______ a indiqué être employée de la Ville de Carouge depuis le 1er décembre 2019. M. B______ a déclaré être à la recherche d'un emploi. La ville a confirmé avoir remis l'intégralité du dossier de Mme A______.

La ville a confirmé que les pièces produites le 14 novembre 2019 constituaient le dossier administratif complet de Mme A______. Elle avait produit l'ensemble des pièces en sa possession, sans qu'un tri n'ait été fait. Le CA avait suivi l'ensemble de procédures concernant Mme A______ et eu accès aux mêmes pièces qu'elle.

Les parties ont envisagé la possibilité de faire une médiation.

43) La chambre administrative a suspendu la procédure le 13 octobre 2020, en vue d’une médiation.

44) Vu l'échec de celle-ci, la procédure a été reprise et une audience de comparution personnelle des parties s’est tenue le 25 mars 2022. M. B______ était excusé, ayant quitté la Suisse pour vivre à l'étranger.

a. Mme A______ a expliqué qu'elle n'avait eu ni soutien ni accompagnement de la part de M. B______ dans ses projets. Il n'était pas intéressé par ceux-ci. Elle se souvenait d'une remarque qu'il avait faite au conservateur hors sa présence et qui la lui avait rapportée, à savoir qu'elle ne pourrait pas « toujours fonctionner sur la séduction car elle allait vieillir ».

b. La ville a précisé qu'elle n'entendait pas se déterminer sur la question de savoir si les collaborateurs concernés par certaines pièces du dossier avaient été informés du fait que leurs courriels étaient produits dans la procédure. Après la reddition du rapport de l'enquêteur, la ville n'avait plus eu de contact avec celui-ci à ce sujet, hormis le règlement de ses frais.

Les parties n'avaient pas d'éléments nouveaux à apporter au dossier. Elles ont ainsi été informées que la cause était gardée à juger, y compris sur la question de l’opportunité de procéder aux actes d'instruction complémentaires sollicités.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a LPA ; art. 104 du statut).

2) À titre liminaire, il convient de déterminer le droit applicable au présent litige.

a. En règle générale, s'appliquent aux faits dont les conséquences juridiques sont en cause, les normes en vigueur au moment où ces faits se produisent (Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. 1, 3ème éd., 2012, p. 184 n. 2.4.2.3). La rétroactivité d'une disposition légale est contraire aux principes de la sécurité et de la prévisibilité du droit. Elle n'est admise qu'exceptionnellement par la jurisprudence, qui exige, entre autres conditions, qu'elle figure dans une base légale claire (ATF 116 Ia 207 ; 104 Ib 157 ; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, op. cit., p. 200 n. 2.4.3.1).

b. Jusqu’au 1er novembre 2018, les litiges concernant la protection de la personnalité, en particulier le harcèlement psychologique et le harcèlement sexuel, étaient réglés par les anciens art. 34, 77 et 100 du statut, ainsi que les art. 82 et 109 du règlement d'application du statut du 14 octobre 2009 (LC 21 152.0 - REGAP).

Ces articles ont été modifiés ou abrogés à la suite de l’entrée en vigueur le 1er novembre 2018 du règlement. Au chapitre des dispositions finales et transitoires, les art. 33 ss du règlement ne prévoient aucune disposition transitoire, hormis l'entrée en vigueur de celui-ci le 1er novembre 2018 (art. 34 du règlement).

En outre, selon l'art. 21 al. 2 let. c du règlement, dans tous les cas, la demande d’ouverture de l’investigation ne peut être présentée au-delà de nonante jours après la cessation des rapports de travail.

c. In casu, la plainte à l'origine de la présente procédure a été déposée par la recourante auprès de la DRH le 1er mai 2014. Elle a quitté ses fonctions auprès de la ville, le 30 septembre 2015.

Au vu de ce qui précède, il convient d'appliquer au cas d'espèce les dispositions du statut avant l'entrée en vigueur du règlement.

3) Préalablement, la recourante sollicite l'apport du dossier de la ville, une audience de comparution personnelle des parties et l'audition ou la réaudition de douze témoins. Elle allègue que certaines auditions nécessaires auraient été omises par l'enquêteur ou aurait eu lieu sans qu'ils soient assermentés.

a. Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes (ATF 137 IV 33 consid. 9.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_265/2016 du 23 mai 2016 consid. 5.1 et les arrêts cités), de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 II 218 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_58/2018 du 29 juin 2018 consid. 3.1 et les arrêts cités). Le droit de faire administrer des preuves suppose que le fait à prouver soit pertinent, que le moyen de preuve proposé soit nécessaire pour constater ce fait et que la demande soit présentée selon les formes et délais prescrits par le droit cantonal (ATF 119 Ib 492 consid. 5b/bb).

Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_487/2017 du 5 juillet 2018 consid. 2.1).

b. Selon l'ancien art. 109 REGAP, le CA notifie par écrit l'ouverture de l'enquête à la personne mise en cause et à la partie plaignante, avec indications des motifs (al. 1). La liste des personnes en charge des enquêtes internes est rendue publique et les deux sexes sont équitablement représentés (al. 2). La ou les personnes chargées de l'enquête reçoivent la partie plaignante à l'extérieur de l'administration (al. 3). Les personnes appelées à témoigner dans le cadre de l'enquête sont assurées de ne subir aucune forme de représailles du fait de leur témoignage (al. 4). À l'issue de l'enquête, la ou les personnes chargées de la conduite rendent un rapport constatant l'existence ou non d'un cas d'atteinte aux droits de la personnalité à la direction des ressources humaines qui en informe immédiatement le CA (al. 5). Les frais de l'enquête sont à la charge de la ville (al. 6).

c. Selon l’art. 34 LPA, après avoir invité le témoin à déclarer : ses nom, prénoms, date de naissance, profession et demeure (let. a) ; s’il est parent ou allié de l’une des parties, à quel degré (let. b) ; s’il est employeur ou salarié de l’une des parties (let. c) ; s’il est créancier ou débiteur de l’une des parties (let. d) ; s’il y a quelques autres relations avec l’une de celles-ci (let. e), la personne chargée de procéder à l’audition exhorte le témoin à dire toute la vérité et rien que la vérité et, le cas échéant, le rend attentif aux sanctions que l’article 307 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) attache au faux témoignage.

Cette disposition n'est pas une simple règle de forme : la validité de l'audition en dépend. Une audition de témoin qui ne respecte pas ces exhortations sera écartée de la procédure. La nullité ne peut en effet être prononcée pour violation de l'art. 34 LPA. Les dispositions de la LPA sur l'audition de témoin constituent un aspect du droit d'être entendu n'allant pas plus loin que les garanties de l'art. 29 al. 2 Cst. Toutefois, lorsque l'autorité n'entend pas formellement, mais conformément aux règles qui lui sont applicables, une personne en qualité de témoin – et donc n'exhorte pas et ne lui rappelle pas la teneur de l'art. 307 CP – le procès-verbal d'audition demeure valable et l'autorité peut se fonder dessus pour statuer (Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, n. 450 et s. ad art. 34 LPA, et les références citées, notamment ATA/105/2015 du 6 octobre 2015 consid. 5).

Par ailleurs, en procédure administrative, la constatation des faits est gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves, qui signifie que le juge forme librement sa conviction, en analysant la force probante des preuves administrées, dont ni le genre, ni le nombre n'est déterminant, mais uniquement la force de persuasion (art. 20 al. 1 LPA ; ATA/109/2021 du 2 février 2021 consid. 12b).

d. En l'espèce, tous les documents relatifs à cette procédure ont été transmis à la recourante. Le nouveau conseil de celle-ci a pu prendre connaissance du dossier dans son intégralité le 28 août 2019, selon sa demande. La ville a, de plus, confirmé, lors de l'audience de comparution personnelle des parties du 7 septembre 2020, avoir produit la totalité des pièces en sa possession, sans qu'il n'y ait eu aucun tri de celles-ci. Rien ne permet de douter de cette indication, la recourante n’apportant d’ailleurs pas d’éléments laissant penser qu’elle serait erronée. La chambre de céans dispose donc d'un dossier complet, à savoir celui dont les parties ont également connaissance. Dans le cadre de la procédure de recours, l'intimée a derechef produit le dossier en question. En outre, les parties ont été entendues par l'enquêteur, le CA, ainsi que par la chambre de céans. Il a ainsi été fait droit aux conclusions de la recourante à cet égard.

Quant à la réaudition des six témoins, force est de constater que, conformément à l'ancien art. 109 al. 4 REGAP, l'enquêteur a assuré lesdites personnes qu'elles ne subiraient aucune forme de représailles du fait de leur témoignage, en leur indiquant notamment que leurs déclarations ne seraient pas transmises aux parties. Il a ainsi respecté les règles applicables à l'enquête. À cela s'ajoute qu'aucun élément ne permet de remettre en question la crédibilité des témoignages concernés, ce d'autant plus que les témoins ont relu et signé le procès-verbal de leurs déclarations. Il n'y a donc pas lieu de les remettre en question, ni de mettre en doute l'impartialité de l'enquêteur pour ce motif.

S'agissant de l'audition des six témoins sollicitée, la recourante n'invoque aucun nouvel argument susceptible de les justifier, tandis que le dossier comporte tous les éléments nécessaires relatifs aux faits qu'elle invoque. En effet, les parties ont pu se déterminer à plusieurs reprises, de même que produire toutes les pièces utiles, en particulier, divers échanges de courriels et certificats médicaux. Ainsi, il n'apparaît pas que les témoignages en question seraient susceptibles d'apporter des éléments supplémentaires, essentiels à la résolution du litige. Cette considération se justifie d'autant plus que, in casu, les faits datent de presque dix ans. Compte tenu de l'écoulement du temps, la précision, la réalité et par conséquent la valeur probante des éventuels témoignages apparaîtraient toutes relatives, voire incertaines.

Dans ces circonstances, la chambre administrative ne procédera pas à la réaudition de six témoins ni à l'audition de six témoins, dans la mesure où de tels actes d'instruction ne sont pas de nature à influer sur l'issue du litige et où elle dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer en connaissance de cause.

4) Principalement, le litige porte sur l'absence de constatation d'une violation de la part de M. B______ de ses devoirs de service, constitutive d'un harcèlement psychologique ou d'une atteinte à la personnalité à l’égard de la recourante.

5) La personne mise en cause ne travaillant désormais plus au service de l'administration municipale de la ville depuis son départ le 31 mars 2018, il convient en premier lieu d'examiner la recevabilité du recours.

a. A qualité pour recourir toute personne touchée directement par une décision et qui a un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée (art. 60 al. 1 let. b LPA). Le recourant doit avoir un intérêt pratique à l’admission du recours, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage, de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 138 II 162 consid. 2.1.2 ; 137 II 30 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_343/2014 du 21 juillet 2014 consid. 2.2 ; ATA/640/2016 du 26 juillet 2016 ; ATA/300/2016 du 12 avril 2016). Un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l’annulation de la décision attaquée, exigence qui s’apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours (ATF 138 II 42 consid. 1 ; 137 I 296 consid. 4.2 ; 137 I 23 consid. 1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_892/2011 du 17 mars 2012 consid. 1.2). Il est toutefois renoncé à cette exigence lorsque cette condition fait obstacle au contrôle de la légalité d’un acte qui pourrait se reproduire en tout temps, dans des circonstances semblables, et qui, en raison de sa brève durée ou de ses effets limités dans le temps, échapperait ainsi toujours à la censure de l’autorité de recours (ATF 140 III 92 consid. 1 ; 140 IV 74 consid. 1.3.3 ; ATA/640/2016 précité ; ATA/286/2016 du 5 avril 2016 ; ATA/686/2014 du 26 août 2014).

b. Les membres du personnel ont droit à la protection de leur personnalité (ancien art. 77 al. 1 du statut). L'employeur veille au respect de ce droit, notamment en matière de harcèlement psychologique et de harcèlement sexuel (ancien art. 77 al. 2 du statut). Les supérieures et supérieurs hiérarchiques sont tenus d'examiner avec diligence toutes plaintes relatives à l'atteinte à la personnalité d'un ou d'une membre du personnel et de prendre des mesures pour faire cesser l'atteinte. L'art. 100 du statut est réservé (ancien art. 77 al. 6 du statut).

À teneur de l'ancien art. 100 du statut, les litiges concernant la protection de la personnalité, en particulier le harcèlement psychologique ou sexuel, qui n'ont pas pu être réglés au sein d'un service ou d'un département, peuvent faire l'objet d'une plainte auprès de la DRH. Pour le personnel de la DRH, la plainte est déposée auprès de la direction générale (al. 1). L'autorité qui reçoit la plainte prend toutes les mesures propres à faire cesser l'atteinte, sans délai (al. 2). Si l'atteinte persiste et sur demande de la personne plaignante, le CA, sur préavis de la DRH ou du directeur général ou de la directrice générale de la ville, ouvre immédiatement une enquête (al. 3). La procédure d'enquête vise à établir l'existence ou non d'un cas d'atteinte à la personnalité et, le cas échéant, à proposer des mesures aptes à y remédier (al. 4). La personne mise en cause et la personne plaignante ont la qualité de parties à la procédure d'enquête. La DRH les informe qu'elles peuvent chacune se faire assister par un conseil de leur choix lors des auditions dans le cadre de l'enquête (al. 5). Après consultation des organisations représentatives du personnel, le CA désigne les personnes chargées des enquêtes. La ou les personnes chargées des enquêtes sont externes à l'administration et sont aptes, par leurs compétences et leurs expériences professionnelles, à exercer cette fonction, à laquelle elles sont formées spécifiquement (al. 6). L'enquête doit être diligentée dans un délai qui, en principe, ne doit pas dépasser trente jours (al. 7). Le CA communique, à bref délai, sa décision à la personne mise en cause et à la personne plaignante. Cette décision peut faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative (al. 8). Les sanctions disciplinaires et les autres mesures à l'égard de la ou des personnes responsables d'une atteinte à la personnalité sont réservées (al. 9).

À titre de comparaison, le règlement reprend en grande partie cette disposition en la précisant en plusieurs articles. En particulier, l'actuel art. 20 du règlement prévoit que la procédure d’investigation a pour but d’établir les faits et de déterminer si les éléments constitutifs d’une atteinte à la personnalité sont réalisés ou non.

En outre, selon l'actuel art. 32 du règlement, dès réception du rapport définitif, le CA dispose d’un délai de soixante jours pour entendre les parties et leur notifier une décision motivée, par laquelle il constate l’existence ou non d’une atteinte à la personnalité et son auteur ou son autrice (al. 1). Sa décision peut être contestée auprès de la chambre administrative (al. 2). Vis-à-vis de l’auteur ou de l’autrice d’un harcèlement ou d’une atteinte à la personnalité, le CA peut prendre toute mesure utile ou sanction en application du statut (al. 3). La personne plaignante est informée des décisions prises par le CA à la suite des faits dénoncés (al. 4). Dès la prise des décisions ou mesures utiles visées aux al. 1 et 3, le CA informe le groupe de confiance de leur existence ; à l’expiration du délai de recours de trente jours, il lui en adresse par ailleurs une copie intégrale, en mentionnant si ces décisions ou mesures ont fait ou non l’objet d’un recours (al. 5). La loi sur la responsabilité de l'État et des communes du 24 février 1989 (LREC - A 2 40), de même que les procédures judiciaires engagées par la personne plaignante à l’égard de la personne mise en cause, sont réservées (al. 6).

Le licenciement est contraire au droit notamment s'il ne repose pas sur un motif objectivement fondé. Est considéré comme objectivement fondé tout motif dûment constaté démontrant que les rapports de services ne peuvent pas se poursuivre en raison d'un manquement grave ou répété aux devoirs de service (ancien art. 34 al. 2 let. b du statut).

c. Dans un ATA/110/2018 du 6 février 2018, la chambre administrative a retenu que l'interprétation littérale de l'art. 22 al. 1 aRPPERS imposait de considérer que celui-ci visait expressément la constatation de la violation ou de la non-violation des devoirs de service, sans devoir y substituer la constatation d’une atteinte à la personnalité. Les interprétations systématique et littérale de cette disposition confirmaient son texte, compte tenu de la modification apportée par le nouveau RPPers en son art. 30 al. 1, consistant à remplacer la constatation de la violation ou de la non-violation des devoirs de service par la constatation de l’existence ou non d’une atteinte à la personnalité et son auteur. Compte tenu de l'application de l'aRPPERS au litige et du départ à la retraite des personnes mises en cause, le recourant ne disposait plus d'un intérêt actuel, de sorte que son recours était irrecevable.

Cet arrêt a été confirmé par le Tribunal fédéral (arrêt 8C_246/2018 du 16 janvier 2019), la chambre administrative pouvant considérer que la réglementation de l'art. 22 aRPPers ne visait qu'à sanctionner une violation des devoirs de service, ce qui supposait que le fonctionnaire soit encore en fonction au moment du prononcé de la sanction. En outre, le Tribunal fédéral a écarté toute violation du droit d'accès au juge consacré par les art. 29a Cst. et 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) et de l'interdiction du déni de justice prohibé par les art. 29 al. 1 Cst. et 6 CEDH. Même s'il était admis que le recourant avait la possibilité, en vertu du droit cantonal de procédure, de recourir contre la décision querellée, il n'aurait pu obtenir de la chambre administrative qu'une décision en constatation. Or, l'action en constatation de droit est subsidiaire à l'action condamnatoire ou à l'action formatrice. Seules des circonstances exceptionnelles conduisent à admettre l'existence d'un intérêt digne de protection à la constatation de droit lorsqu'une action en exécution est ouverte. Un litige doit en principe être soumis au juge dans son ensemble par la voie de droit prévue à cet effet. Le créancier qui dispose d'une action condamnatoire ne peut en tout cas pas choisir d'isoler les questions juridiques pour les soumettre séparément au juge par la voie d'une action en constatation de droit. En cas de procédure d'investigation, celle-ci sert à l'établissement des faits en vue de la prise d'une sanction administrative, voire d'un renvoi, prononcés par l'autorité compétente à l'encontre de l'auteur d'un harcèlement ou d'une atteinte à la personnalité. C'est la raison pour laquelle l'art. 22 al. 6 aRPPers réservait expressément, pour les prétentions des personnes plaignantes, l'application de la LREC, de même que les procédures judiciaires à l'encontre de la personne mise en cause. La pratique montrait d'ailleurs que des demandes étaient de plus en plus fréquemment formées par des collaborateurs ou ex-collaborateurs pour lesquels une atteinte à la personnalité avait été préalablement constatée, sur la base d'une investigation menée par le groupe de confiance. La loi offrait donc à la partie lésée, sur la base de l'art. 22 al. 6 aRPPers, une garantie suffisante de l'accès au juge (consid. 6.3 et les références citées).

d. Ainsi, la chambre civile de la Cour de justice (ci-après : la chambre civile) s'est prononcée à plusieurs reprises sur des actions en responsabilité dirigées contre l'État de Genève, fondées sur des actions en réparation du tort moral résultant de la constatation d'une atteinte à la personnalité (ACJC/498/2017 du 28 avril 2017 ; ACJC/253/2012 du 24 février 2012 ; ACJC/1449/2004 du 23 novembre 2004).

En particulier, dans son arrêt ACJC/498/2017 précité, la chambre civile a constaté que l'action en réparation du tort moral n'était pas prescrite et renvoyé le dossier au Tribunal civil de première instance pour examen au fond du litige. L'intéressé, ancien fonctionnaire de police, invoquait une atteinte à sa personnalité, confirmée par un rapport du Groupe de confiance, rendu peu avant sa démission. Compte tenu du contexte, l'État de Genève avait refusé de sanctionner l'un de deux auteurs de l'atteinte à la personnalité. Le second ne l'avait pas été, car il avait quitté ses fonctions avant la remise dudit rapport.

e. La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, le juge recherchera la véritable portée de la norme au regard notamment de la volonté du législateur, telle qu'elle ressort notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, en particulier de l'intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales (interprétation systématique ; ATF 140 II 202 consid. 5.1). Appelé à interpréter une loi, le juge ne privilégie aucune de ces méthodes, mais s'inspire d'un pluralisme pragmatique (ATF 139 IV 270 consid. 2.2).

Le juge est en principe lié par un texte clair et sans équivoque. Ce principe n'est toutefois pas absolu, dès lors que le texte d'une norme peut ne pas correspondre à son sens véritable. L'autorité qui applique le droit ne peut ainsi s'en écarter que s'il existe des motifs sérieux de penser que sa lettre ne correspond pas en tous points au sens véritable de la disposition visée. De tels motifs sérieux peuvent résulter des travaux préparatoires, du fondement et du but de la prescription en cause, de même que de sa relation avec d'autres dispositions (ATF 138 II 557 consid. 7.1). En dehors du cadre ainsi défini, des considérations fondées sur le droit désirable ne permettent pas de s'écarter du texte clair de la loi, surtout si elle est récente (ATF 118 II 333 consid. 3e).

f. In casu, tant l'ancien droit applicable que le nouveau règlement prévoient que la procédure d'investigation a pour but d'établir ou non l'existence d'une atteinte à la personnalité. Ainsi, contrairement à l'art. 22 al. 1 aRPPers, l'enquête administrative ne vise pas expressément la constatation de la violation ou de la non-violation des devoirs de service.

Cependant, l'ancien art. 100 al. 9 du statut réserve les sanctions disciplinaires et les autres mesures à l'égard de la ou des personnes responsables d'une atteinte à la personnalité. De même, l'art. 32 al. 3 du règlement se réfère à toute mesure utile ou sanction que le CA peut prendre en application du statut à l'égard de l'auteur d'un harcèlement ou d'une atteinte à la personnalité. Au surplus, l'art. 32 al. 6 du règlement renvoie à la LREC.

La comparaison de ces dispositions démontre, comme le rappelle le Tribunal fédéral dans son arrêt précité, que, dans l'hypothèse où la procédure d'investigation aboutirait à la constatation d'une atteinte à la personnalité, les conséquences seraient les mesures et sanctions prises par l'autorité publique à l'encontre de l'employé auteur. Ainsi, quand bien même la procédure d'investigation ou l'enquête administrative tend à établir l'existence ou non d'une atteinte à la personnalité, celle-ci aboutit à la sanction ou non de la personne mise en cause. Le fait que la constatation ne porte pas sur une violation ou non des rapports de service ne modifie pas la finalité de l'enquête administrative. Le fait que l'application de la LREC soit réservée confirme cette approche.

Il en résulte que la recourante ne bénéficie, a priori, désormais plus d'un intérêt actuel au recours, compte tenu du fait que M. B______ a quitté ses fonctions en 2018. À cela s'ajoute que la recourante elle-même n'y travaille plus non plus. Ainsi, aucune des deux personnes concernées par l'enquête administrative ouverte le 6 octobre 2014 ne travaille au service de la ville. Cette dernière n'est donc plus en mesure de prendre une quelconque mesure disciplinaire ou organisationnelle. D'ailleurs, les conclusions de la recourante visent principalement la constation d'une atteinte à sa personnalité. Son recours devrait ainsi être déclaré irrecevable.

Il convient, toutefois, comme l’a relevé le Tribunal fédéral dans l’arrêt susmentionné, d'examiner si des circonstances exceptionnelles justifient néanmoins d'entrer en matière.

Les faits visés par la plainte de la recourante du 1er mai 2014 datent de 2012 et 2013. Depuis le refus du CA du 20 août 2014 d'ordonner l'ouverture d’une enquête, la chambre de céans a d'ores et déjà rendu pas moins de quatre arrêts concernant les mêmes parties, dont un constatant que le recours contre la décision précitée était devenu sans objet du fait de la nouvelle décision du CA du 6 octobre 2014 et un autre constatant une violation du droit d'être entendu de la recourante par la ville (défaut de transmission des procès-verbaux des témoins entendus par l'enquêteur). La durée particulièrement longue de cette procédure depuis le dépôt de la plainte le 1er mai 2014 ne saurait ainsi être imputée au seul comportement de la recourante. Presque quatre années se sont écoulées entre le dépôt de la plainte et la départ de M. B______ de ses fonctions auprès de la ville. Malgré la notification de l'arrêt de la chambre de céans le 13 novembre 2018, ce n'est que le 4 septembre 2019 que le CA a rendu la décision querellée.

Par conséquent, vu les circonstances exceptionnelles précitées et l'ancienneté des faits visés ayant généré plusieurs recours par-devant la chambre de céans, il y a lieu de considérer que le présent recours demeure recevable.

6) Au fond, la recourante invoque l'existence d'une atteinte à sa personnalité de la part de M. B______, laquelle aurait été niée à tort, sur la base d'un rapport d'enquête insuffisant.

a. Le harcèlement sexuel constitue une atteinte à la personnalité. Est considéré comme harcèlement sexuel toute conduite se manifestant une ou plusieurs fois par des paroles, des actes ou des gestes à connotation sexuelle, unilatéraux et non désirés, qui sont de nature à porter atteinte à la dignité ou à l'intégrité physique ou psychique de la personne, à détériorer le climat de travail ou à mettre en péril son emploi (ancien art. 77 al. 3 du statut). Le harcèlement psychologique constitue une atteinte à la personnalité. Est considéré comme harcèlement psychologique toute conduite abusive d'une ou plusieurs personnes qui vise à agresser ou à mettre en état d'infériorité un ou une membre du personnel, de manière constante et répétée (ancien art. 77 al. 4 du statut).

b. La notion de protection de la personnalité de l'agent public et l'obligation qui en découle pour l'employeur est typiquement un concept dont la portée et la valeur matérielle sont identiques en droit public et en droit privé (Valérie DÉFAGO GAUDIN, Conflits et fonctions publiques : Instruments, in Jean-Philippe DUNAND/Pascal MAHON [éd.], Conflits au travail. Prévention, gestion, sanctions, 2015, p. 156). Il incombe à l'employeur public, comme à l'employeur privé (art. 328 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse [CO, Code des obligations - RS 220]), de protéger et respecter la personnalité du travailleur. L'employeur protège et respecte, dans les rapports de travail, la personnalité du travailleur (art. 328 al. 1 CO). Cette obligation comprend notamment le devoir de l'employeur d'agir dans certains cas pour calmer une situation conflictuelle et de ne pas rester inactif (ATF 137 I 58 consid. 4.2.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_340/2009 du 24 août 2009 consid. 4.3.2 ; 1C_245/2008 du 2 mars 2009 consid. 4.2 ; 1C_406/2007 du 16 juillet 2008 consid. 5.2). En particulier, il ne doit pas stigmatiser, de manière inutilement vexatoire et au-delà du cercle des intéressés, le comportement d'un travailleur (ATF 137 III 303 consid. 2.2.2 ; 130 III 699 consid. 5.2).

c. Selon la définition donnée par la jurisprudence qui vaut pour les relations de travail fondées tant sur le droit privé que sur le droit public, le harcèlement psychologique, communément appelé « mobbing », se définit comme un enchaînement de propos et/ou d'agissements hostiles, répétés fréquemment pendant une période assez longue, par lesquels un ou plusieurs individus cherchent à isoler, marginaliser, voire exclure une personne sur son lieu de travail. II n'y a pas harcèlement psychologique du seul fait qu'un conflit existe dans les relations professionnelles, ni d'une mauvaise ambiance de travail, ni du fait qu'un membre du personnel serait invité – même de façon pressante, répétée, au besoin sous la menace de sanctions disciplinaires ou d'une procédure de licenciement – à se conformer à ses obligations résultant du rapport de travail, ou encore du fait qu'un supérieur hiérarchique n'aurait pas satisfait pleinement et toujours aux devoirs qui lui incombent à l'égard de ses collaborateurs. Il résulte des particularités du mobbing que ce dernier est généralement difficile à prouver, si bien qu'il faut savoir admettre son existence sur la base d'un faisceau d'indices convergents, mais aussi garder à l'esprit qu'il peut n'être qu'imaginaire, sinon même être allégué abusivement pour tenter de se protéger contre des remarques et mesures pourtant justifiées (arrêts du Tribunal fédéral 8C_787/2015 du 4 novembre 2016 consid. 3.2.2 ; 2P.207/2002 du 20 juin 2003 consid. 4.2 et les références citées ; ATA/728/2016 du 30 août 2016 consid. 8). La victime est souvent placée dans une situation où chaque acte pris individuellement peut être considéré comme supportable alors que l'ensemble des agissements constitue une déstabilisation de la personnalité, poussée jusqu'à l'élimination professionnelle de la personne visée (arrêt du Tribunal fédéral 4D_72/2017 du 19 mars 2018 consid. 8.2).

Le harcèlement psychologique, appelé aussi mobbing, ne saurait ainsi résulter d'un seul acte hostile ou de quelques comportements isolés, même si ces derniers causent un préjudice ou constituent une véritable atteinte à la personnalité du travailleur. Selon le Tribunal fédéral, il n'est pas arbitraire de considérer qu'un seul acte hostile, ni même deux, ne suffisent pas à former un tel enchaînement, partant un harcèlement psychologique (arrêt du Tribunal fédéral 2P.207/2002 précité consid. 4.3.2).

d. En l'occurrence, la recourante se plaint d'une atteinte à sa personnalité de la part de M. B______. Elle n'apporte cependant aucun élément susceptible de remettre en cause le rapport d'enquête du 10 février 2015, alors que celui-ci a examiné chacun des comportements reprochés par l'intéressée.

En particulier, le seul courriel de Mme F______ du 16 janvier 2014 produit par la recourante au sujet de l'évaluation de sa fonction ne saurait suffire à remettre en question les autres éléments retenus. D'une part, il n'apparaît pas qu'en tant que psychologue du travail, Mme F______ disposait des compétences nécessaires dans le cadre du processus d'évaluation de la fonction de la recourante. D'autre part, l'enquêteur a examiné ce point parmi les dix comportements reprochés à M. B______ par la recourante. Il est parvenu à la conclusion que l'enquête n'avait pas établi qu'il avait demandé l'annulation de la demande d'évaluation de la fonction de la recourante. À cet égard, il a relevé, au début de son rapport d'enquête, que Mme F______ n'avait été le témoin direct d'aucun fait antérieur à l'incapacité de travail de la recourante. Or, celle-ci a débuté le 15 octobre 2013 et le courriel précité datant du 16 janvier 2014 indique que M. B______ aurait arrêté le processus d'évaluation de la fonction de la recourante au début de l'année 2013. De plus, cette pièce était déjà jointe à la plainte de la recourante du 1er mai 2014, de sorte qu'elle figurait au dossier soumis à l'enquêteur, tel qu'il l'a lui-même mentionné dans son rapport d'enquête (ch. 7 p. 3 s.). Il en avait donc connaissance lors de l'analyse des faits concernés.

Par ailleurs, sur la totalité des dix comportements invoqués par la recourante et analysés par l'enquêteur, seuls trois auraient été susceptibles de révéler l'existence d'une atteinte à la personnalité. Parmi ceux-ci, étaient retenus l'absence de transmission du rapport de M. C______ du 25 avril 2012 concernant la dénonciation anonyme, le comportement adopté par M. B______ lors de la réunion du 9 octobre 2013 et la manière dont la recourante a été convoquée pour la réunion du 15 octobre 2013. Il ressort de l'examen de chacun de ceux-ci par l'enquêteur que des circonstances entourant ces événements les expliquent. S'ils peuvent ainsi apparaître quelque peu inadéquats, il n'en demeure pas moins qu'ils ne sauraient être sortis de leur contexte. Ainsi, les faits en question étant antérieurs au 15 octobre 2013, ils ne sauraient davantage être appréciés au regard d'un audit de la BGE effectué par la Cour des comptes entre 2017 et 2018, basé sur des dénonciations de citoyens effectuées en 2016 et une demande du conseiller administratif en charge du DCS du 22 mars 2017. Cela étant, le rapport n° 133 du mois de janvier 2018 y relatif fait état de dysfonctionnements généraux, susceptibles d'être en partie attribués au comportement de M. B______ avec tout le personnel globalement. Ces éléments corroborent ceux pris en considération par l'enquêteur s'agissant du comportement de M. B______ lors de la réunion du 9 octobre 2013, à savoir que celui-ci ne pouvait être considéré comme un agissement hostile destiné à porter atteinte à la personnalité de la recourante, dans la mesure où il ne la visait pas uniquement.

Au vu de ce qui précède, force est de constater que les conclusions du rapport d'enquête du 10 février 2015 sont fondées et que rien ne permet de retenir que la recourante aurait fait l'objet d'une atteinte à sa personnalité de la part de M. B______ au sens de la loi et de la jurisprudence sus-rappelées.

En conséquence, le CA n'a pas mésusé de son pouvoir d'appréciation en considérant, se fondant le rapport d'enquête, qu'aucune atteinte à la personnalité de la recourante ne pouvait être retenue.

Le laps de temps écoulé entre la consultation du dossier le 28 août 2019 et la notification de la décision le 4 septembre 2019 ne saurait être considéré comme étant non conforme à l’art. 100 al. 8 du statut. Au terme d’une instruction de plus de cinq ans après le dépôt de la plainte de la recourante, le CA a notifié sa décision après avoir entendu les parties les 17 avril et 29 mai 2019. Sous peine d'un éventuel abus de droit, la recourante ne saurait invoquer la nouvelle constitution de son conseil le 21 août 2019, soit au terme de la procédure, pour se prévaloir d'un allongement injustifié de celle-ci, alors qu'elle a été assistée d'un avocat dès le début et qu'elle a valablement pu faire valoir ses droits par-devant la chambre de céans.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

7) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA), de même qu'une indemnité de procédure de CHF 1'000.- allouée à M. B______, représenté par son conseil, qui y a conclut (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 7 octobre 2019 par Madame A______ contre la décision de la Ville de Genève du 4 septembre 2019 ;

 

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Madame A______ ;

alloue à Monsieur B______ une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à la charge de Madame A______ ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Romain Jordan, avocat de la recourante, à la Ville de Genève, ainsi qu'à Me Philippe Eigenheer, avocat de l'appelé en cause.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mmes Krauskopf, Payot Zen-Ruffinen, Lauber et McGregor, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. Mazza

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le la greffière :