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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3475/2019

ATA/1740/2019 du 03.12.2019 ( DIV ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3475/2019-DIV ATA/1740/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 3 décembre 2019

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Fabienne Fischer, avocate

contre

DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA FORMATION ET DE LA JEUNESSE



EN FAIT

1) a. Monsieur A______ a été engagé le 1er septembre 2009 par le département de l'instruction publique, de la culture et du sport, devenu ensuite le département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci-après : DIP) en qualité de maître en formation puis comme stagiaire en responsabilité et enfin en qualité de chargé d'enseignement avec une activité de doyen dès le 1er septembre 2011. Il a été nommé fonctionnaire le 1er septembre 2012 dans la fonction de maître enseignant professionnel.

b. Le 1er août 2013, il a été promu en qualité de directeur d'établissement du B______ (ci-après : B______), poste colloqué en classe 26, promotion qui lui conférait la qualité de cadre supérieur. Il a été confirmé à ce poste le 15 janvier 2015.

À ce titre, il était le supérieur hiérarchique des collaborateurs de son établissement, à savoir notamment une soixantaine d'enseignants. Son cahier des charges mentionnait en particulier la gestion de l'établissement et des ressources humaines, dans le respect des dispositions légales, réglementaires et administratives. Il était notamment chargé, dans le domaine RH, de la gestion des absences et du suivi de la carrière des membres du personnel en assurant la qualité de leur travail et le soutien nécessaire dans les missions qui leur étaient confiées.

2) Madame C______ a été engagée par le même département le 1er septembre 2012 en qualité de maîtresse en formation d'enseignement professionnel puis a été nommée fonctionnaire le 1er septembre 2016. Elle exerce son activité au sein de l'B______ depuis 2012.

3) M. A______ a effectué l'entretien d'évaluation et de développement personnel de Mme C______ en 2016. Il mentionnait comme appréciation générale que cette dernière était « une collaboratrice consciencieuse et investie dans son travail », qui savait « fixer un cadre de travail favorisant l'apprentissage et le développement des compétences des stagiaires ».

4) Par courriel du 14 mars 2018, l'assistante de direction de l'B______ a fait savoir à Mme C______ que Monsieur D______ et M. A______ souhaitaient la rencontrer au sujet de son état de fatigue qui les préoccupait. Une réunion s'est ainsi tenue le 21 mars 2018.

5) Par courrier du 27 mai 2018, les doyennes et doyens de l'B______ ont fait part à Monsieur E______, directeur général de l'enseignement secondaire (ci-après : le directeur général), de leurs inquiétudes au sujet de Mme C______. Ils mentionnaient plus précisément qu'il ne leur semblait, en l'état, plus envisageable de l'intégrer de manière harmonieuse au sein d'une équipe de formation sans provoquer des dysfonctionnements ayant des impacts non négligeables sur certains collaborateurs et apprentis. Ils souhaitaient qu'elle trouve une nouvelle affectation hors de leur établissement à la rentrée prochaine. En outre, ils précisaient qu'un déplacement de Mme C______ leur paraissait également relever du devoir de protection de la personnalité, responsabilité de l'employeur, tant de la personnalité de Mme C______ que de celle de M. A______.

6) a. Le 11 juin 2018, M. A______ a rempli une demande d'évaluation au service de santé de l'État (ci-après : SPE) en tant que responsable hiérarchique de Mme C______. Le motif était « avis sur l'aptitude au poste ou à la fonction et sur les restrictions d'aptitude éventuelles ». Il était mentionné que cette dernière était partie une semaine en vacances et avait prétexté des maux de ventre à son retour ; ses collègues avaient « des soupçons de dépression ». Sous la rubrique « La problématique de santé actuelle a-t-elle déjà été la cause de difficultés professionnelles antérieures ? », il était précisé « Son comportement très agressif et border line a été relevé par de nombreuses personnes (direction, RHDGES II, collègues). Très peu de collègues souhaitent travailler avec elle. Les discussions professionnelles tournent systématiquement au conflit ». Était joint le suivi des absences de Mme C______, mentionnant quarante jours d'absence pour la période du 11 juin 2015 au 11 juin 2018.

b. Le même jour, le SPE a demandé que lui soit remis le certificat médical de Mme C______, ce à quoi la direction a répondu qu'il était manquant.

7) Par courrier du 21 août 2018, le médecin du travail a informé les RH que, suite à la demande d'évaluation médicale du 11 juin 2018, il avait reçu Mme C______ le 20 août 2018. Aucun argument médical ne lui permettait de remettre en question l'aptitude de cette collaboratrice à sa fonction ; elle ne présentait ni limitation fonctionnelle ni restriction d'aptitude.

8) Par courrier du 27 août 2018 à M. A______, Mme C______ lui a reproché de ne pas avoir échangé avec elle avant de déposer une demande d'évaluation, précisant qu'elle ne comprenait pas « le lien fait entre son état de santé en fin d'année résultant d'épisodes sévères de maladie et son aptitude au poste ». Elle reprenait point par point les éléments évoqués dans ladite demande et insistait sur le fait que le terme « borderline » s'apparentait à un diagnostic psychiatrique et laissait penser qu'elle avait des troubles mentaux. Elle concluait à ce que le formulaire de demande d'évaluation ne figure pas dans son dossier personnel et demandait son retrait.

9) Le 20 septembre 2018, Mme C______ a déposé une plainte pénale auprès du Ministère public pour diffamation, à l'encontre de M. A______. Elle faisait valoir que ce dernier avait émis des propos diffamatoires dans sa demande d'évaluation au SPE, en mentionnant notamment « son comportement très agressif et border line » qui avait été relevé par de nombreuses personnes.

10) Le 1er novembre 2018, une séance d'accompagnement à la reprise a eu lieu en présence de Mme C______, de M. A______ et de membres du SPE et des RH, lors de laquelle la demande d'évaluation a été évoquée.

11) Le 7 février 2019, une audience de confrontation s'est tenue par devant le Ministère public. M. A______, entendu en qualité de prévenu, était assisté de son avocate. À la fin de ladite audience, la procédure a été suspendue pendant trois mois « afin que les parties puissent entamer les discussions afin de trouver une solution à l'amiable ». L'instruction a été reprise le 17 juin 2019.

12) Suite à la convocation de Mme C______ par le directeur général, afin d'évoquer la plainte pénale qu'elle avait déposée, une rencontre a eu lieu le 19 mars 2019, lors de laquelle M. A______ a accepté de lui adresser une lettre d'excuses pour l'emploi du terme « borderline » et de demander le retrait du formulaire dans son dossier. Aucun arrangement n'a toutefois été accepté par cette dernière.

13) Par courrier du 7 juin 2019, le directeur général a écrit au Ministère public, l'informant que M. A______ avait accepté d'adresser une lettre d'excuses à Mme C______ et demandé le retrait de la demande d'évaluation de son dossier personnel, demande que lui-même avait acceptée. Toutefois, comme elle n'avait pas retiré sa plainte pénale, il se retrouvait « dans une impasse ».

14) Par courrier du 11 juin 2019, M. A______ a sollicité auprès de la conseillère d'État en charge du DIP la prise en charge de ses frais d'avocat en vertu de l'art. 14A du règlement d'application de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 24 février 1999 (RPAC - B 5 05.01) ; il agissait dans le cadre « d'un conflit entre une collaboratrice attaquant un supérieur hiérarchique agissant par délégation de l'employeur » et non d'un conflit personnel. Il a joint deux factures de son conseil.

15) Par décision du 19 août 2019, ladite conseillère d'État a refusé, l'État ne prenant pas en charge les honoraires d'avocat dans le cadre d'une procédure initiée par un membre du personnel contre un autre membre du personnel, en vertu de l'art. 14A al. 3 RPAC.

16) Par acte déposé le 19 septembre 2019, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), concluant à l'annulation de la décision querellée, au constat que les honoraires d'avocat dans le cadre de la défense de ses intérêts dans la procédure pénale étaient pris en charge par l'État et à la condamnation de l'autorité intimée aux frais comprenant une indemnité de procédure.

Toutes les conditions de l'art. 14A RPAC étaient remplies, de sorte qu'aucune raison ne justifiait que l'État ne prenne pas en charge le travail de l'avocat. La demande de prise en charge des honoraires s'inscrivait dans le cadre d'une procédure pénale initiée par une collaboratrice à l'encontre de M. A______ et lui-même n'était pas « un autre collaborateur » au sens de l'art. 14A RPAC mais « une personne, chargée de par ses fonctions, de mettre en oeuvre les obligations de l'État employeur ». En effet, le recourant était, dans le cadre de ses fonctions de directeur de l'B______, tenu de remplir certaines obligations de l'État employeur vis-à-vis de ses collaborateurs, son cahier des charges mentionnant qu'il était tenu d'assurer, notamment, l'évaluation régulière des collaborateurs et la prise de mesures en cas de prestation insuffisante de la part de l'un d'entre eux ainsi que la gestion de leurs absences, leur suivi personnel et la qualité de leur travail. En l'espèce, confronté au comportement alertant de Mme C______, il avait été dans l'obligation de proposer des actions de protection de sa santé, à défaut de quoi l'État employeur n'aurait pas rempli ses obligations. C'était donc conformément à son cahier des charges, en qualité de représentant de l'État, qu'il avait rempli le formulaire de demande d'évaluation au SEP et l'avait envoyé aux ressources humaines pour validation. À ce titre, il ne pouvait donc se voir opposer l'art. 14A al. 3 RPAC. Le législateur n'avait pas pu vouloir que cette disposition trouve à s'appliquer dans un tel cas, car il serait contraire aux devoirs de l'État que la personne chargée de mettre en oeuvre ses obligations renonce à agir, de crainte d'engager sa responsabilité personnelle. Enfin, il en allait du devoir de l'État de protéger sa personnalité et de ne pas lui laisser endosser personnellement la responsabilité d'actes effectués dans le cadre de ses fonctions ; de plus, l'art. 2B al. 2 de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05) prévoyait que les mesures devaient être prises pour faire cesser toute atteinte à la personnalité. Dans le cas d'espèce, en se retrouvant prévenu dans une procédure pénale initiée par Mme C______ et en devant se faire assister d'un avocat, il avait subi une atteinte à sa personnalité et la protection de cette dernière passait par l'assistance de l'État dans la procédure pénale initiée à son encontre.

17) Le 25 octobre 2019, le DIP a répondu, concluant au rejet du recours.

Le texte de l'art. 14A al. 3 RPAC était parfaitement clair. Il n'était pas contestable que le recourant était un membre de l'administration cantonale et il en était de même de la collaboratrice qui avait porté plainte contre lui, qui était employée dans le même département. La disposition précitée réglait la situation les concernant et le raisonnement de M. A______, tendant à expliquer qu'il avait mis en oeuvre les obligations de l'État employeur ce qui le dédouanerait de ses actes, ne pouvait être suivi. Le DIP n'avait pas à se prononcer sur la plainte pénale et constatait qu'il était effectivement regrettable qu'une autre solution « à l'interne » n'ait pas été trouvée ; il ne pouvait toutefois prendre parti ni pour l'un ni pour l'autre de ses collaborateurs, ce qui était « tout l'enjeu de l'art. 14A al. 3 RPAC ». Enfin, la plainte pénale déposée par Mme C______ n'était pas propre à mettre en péril l'indépendance de M. A______, eu égard à la jurisprudence en la matière. S'agissant de l'interprétation faite par le recourant de la prétendue volonté du législateur quant à l'adoption de la disposition querellée, elle se heurtait au texte clair de la loi, qui prévoyait que les honoraires d'avocat liés à une procédure initiée contre lui par un autre membre du personnel n'étaient pas pris en charge ; en remplissant le formulaire de demande d'évaluation auprès du SPE avec des formulations maladroites, selon son propre aveu, il ne pouvait être admis qu'il avait rempli correctement son obligation de protection de la santé à l'égard de ses collaborateurs.

18) Dans sa réplique, le recourant a persisté dans son argumentation. L'autorité intimée se bornait à constater que le sens littéral de l'art. 14A al. 3 RPAC était clair, ce qui ne laissait pas place à l'interprétation. Toutefois, il y avait également lieu de prendre en compte le contexte de cette disposition, afin de déterminer s'il devait être appliqué au cas de M. A______, attaqué en justice par une enseignante de son établissement. Le recourant assumait la responsabilité d'alerter les RH d'une situation qui le préoccupait et de transmettre les éléments permettant à ces derniers d'apprécier la situation, avant transmission au SPE. Or, si le « filtre » des RH avait été prévu, c'était parce que le cadre supérieur engagé dans l'opérationnel ne pouvait pas maîtriser les finesses du domaine RH ; en opérant comme prévu, le « filtre RH » aurait dû permettre de corriger le vocabulaire peut-être inadéquat employé par le recourant. Il en résultait que c'était bien l'État, dans son rôle d'employeur, qui était visé par la plainte pénale formée par Mme C______ et non M. A______ à titre personnel, de sorte que l'on ne se trouvait pas dans la situation visée par l'art. 14A al. 3 RPAC, à savoir une procédure entre deux collaborateurs.

19) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Travaillant comme directeur d'établissement au sein de l'instruction publique, le recourant, fonctionnaire, est notamment soumis aux dispositions de la LPAC, du RPAC et du règlement relatif à la protection de la personnalité à l'État de Genève du 12 décembre 2012 (RPPers - B 5 05.10).

3) Les conclusions du recourant, basées sur l'art. 14A RPAC, visent à la prise en charge, par l'État, des honoraires de l'avocate qu'il a mandatée pour le défendre dans le cadre d'une procédure pénale pour diffamation dirigée contre lui et initiée par une collègue.

4) a. En vertu de l'art. 2B LPAC, il est veillé à la protection de la personnalité des membres du personnel, notamment en matière de harcèlement psychologique et de harcèlement sexuel (al. 1). Des mesures sont prises pour prévenir, constater et faire cesser toute atteinte à la personnalité (al. 2).

b. S'agissant des devoirs du personnel, les membres du personnel sont tenus au respect de l'intérêt de l'État et doivent s'abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice (art. 20 RPAC).

L'art. 21 RPAC prévoit que les membres du personnel se doivent, par leur attitude d'entretenir des relations dignes et correctes avec leurs supérieurs, leurs collègues et leurs subordonnés ; de permettre et de faciliter la collaboration entre ces personnes (let. a), d'établir des contacts empreints de compréhension et de tact avec le public (let. b) et de justifier et de renforcer la considération et la confiance dont la fonction publique doit être l'objet (let. c).

Les membres du personnel se doivent de remplir tous les devoirs de leur fonction consciencieusement et avec diligence (art. 22 al. 1 RPAC).

Selon l'art. 23 RPAC, les membres du personnel chargés de fonctions d'autorité sont tenus, en outre, d'organiser le travail de leur service (let. a), de diriger leurs subordonnés, d'en coordonner et contrôler l'activité (let. b) de veiller à la réalisation des tâches incombant à leur service (let. c), d'assurer l'exécution ou la transmission des décisions qui leur sont notifiées (let. d), d'informer leurs subordonnés du fonctionnement de l'administration et du service (let. e) et enfin, de veiller à la protection de la personnalité des membres du personnel (let. f).

c. L'art. 3 al. 1 du règlement sur les cadres supérieurs de l'administration cantonale du 22 décembre 1975 (RCSAC - B 5 05.03) précise que les fonctions de cadre supérieur exigent de leurs titulaires, outre la préoccupation constante des intérêts de l'État et l'accomplissement des devoirs généraux liés à l'exercice de la fonction publique, le maintien d'un haut niveau de qualification et un sens élevé de la mission confiée.

d. Selon la doctrine, l'État a une obligation de protection vis-à-vis de son personnel, qui ne doit pas se comprendre comme un simple pendant de l'art. 328 de la loi fédérale complétant le code civil suisse du 30 mars 1911 (Livre cinquième : Droit des obligations - CO - RS 220), mais plutôt comme celui du devoir de fidélité de l'agent public vis-à-vis de l'État. La collectivité doit ainsi notamment protéger la personnalité du fonctionnaire contre des attaques injustifiées (Fritz LANG, Das Zürcher Personalgesetz vom 27. September 1998 in Peter HELBLING et Tomas POLEDNA, Personalrecht des öffentlichen Dienstes, Bern, 1999, p. 73).

5) Le recourant soutient qu'il a agi en tant que représentant de l'État employeur en remplissant le formulaire de demande d'évaluation au SPE et qu'il ne saurait donc être considéré comme « un autre membre du personnel » contre lequel un membre du personnel aurait initié la procédure.

6) a. Selon l'art. 14A al. 1 RPAC, les frais de procédure et honoraires d'avocat effectifs à la charge d'un membre du personnel en raison d'une procédure de nature civile, pénale ou administrative initiée contre lui par des tiers pour des faits en relation avec son activité professionnelle sont pris en charge par l'État pour autant que, cumulativement : le membre du personnel concerné ait obtenu au préalable l'accord du chef du département ou de la personne déléguée par lui quant à ladite prise en charge (let. a) ; le membre du personnel n'ait pas commis de faute grave et intentionnelle (let. b) ; la procédure ne soit pas initiée par l'État lui-même (let. c).

L'al. 2 de la même disposition énonce que les frais de procédure et honoraires d'avocat effectifs liés à une procédure initiée par un membre du personnel en relation avec son activité professionnelle sont également pris en charge pour autant que, cumulativement : le membre du personnel concerné ait obtenu au préalable l'accord du chef du département ou de la personne déléguée par lui, quant à la procédure à intenter (let. a) ; le membre du personnel n'ait pas commis de faute grave et intentionnelle (let. b) ; la procédure ne soit pas dirigée contre l'État (let. c).

Enfin, selon l'art. 14A al. 3 RPAC, les frais de procédure et honoraires d'avocat liés à une procédure initiée par un membre du personnel contre un autre membre du personnel ne sont pas pris en charge.

b. Il y a lieu de relever que l'art. 14A RPAC a été totalement modifié le 31 août 2016. Si les al. 1 et 2 n'ont fait l'objet que de modifications peu importantes, l'al. 3 a été ajouté, avec entrée en vigueur le 1er septembre 2016.

c. Les modalités de la prise en charge, notamment les tarifs appliqués et le renvoi à une directive ont été expressément prévus (art. 14A al. 4 à 9 RPAC).

7) a. En ce qui concerne la prise en charge des honoraires d'avocat pour les collaborateurs de l'État, le Tribunal fédéral a confirmé que celle d'un magistrat faisant l'objet d'une procédure pénale pour des actes commis dans l'exercice de ses fonctions répondait au souci de préserver l'indépendance du juge et le préserver de pressions de la part de justiciables. Cette protection ne s'étendait pas aux fonctionnaires cantonaux, dont le risque d'atteinte à l'indépendance était sensiblement moins élevé. En cas d'attaque injustifiée, ceux-ci bénéficiaient de l'appui de leur hiérarchie au sein de pouvoir exécutif et ne se trouvaient pas isolés face à des tentatives de déstabilisation (arrêt du Tribunal fédéral 2P.96/2006 du 27 juillet 2006).

b. Dans le cas d'un fonctionnaire qui avait intenté une action contre l'État pour le paiement de ses honoraires d'avocat, la chambre administrative a déclaré l'action irrecevable au motif que la prétention n'avait pas de fondement de droit public. Elle a considéré que le droit cantonal ne prévoyait pas la possibilité d'une prise en charge par l'État des frais de la défense d'un fonctionnaire poursuivi d'office, dans le cadre d'une procédure pénale. Ce silence du législateur ne constituait pas une lacune qualifiée, la doctrine ne prévoyant pas non plus une telle obligation (ATA/88/2006 du 14 février 2006). Cet ATA a été confirmé par le Tribunal fédéral (arrêt du Tribunal fédéral 2P.96/2006 du 27 juillet 2006).

8) L'art. 14A al. 1 RPAC traite des procédures initiées contre un membre du personnel par un tiers alors que l'al. 2 examine celles déposées par un membre du personnel.

Dans un arrêt du 13 décembre 2016 (ATA/1040/2016) rendu sous l'empire de l'aRPAC, la chambre administrative a relevé que cette distinction, systématique, démontrait la volonté du législateur de distinguer les deux situations et par voie de conséquence de ne pas inclure « les membres du personnel » dans la notion de « tiers ». Elle retenait, en outre, que c'était à juste titre que « le DIP relev[ait] que, s'inscrivant dans le RPAC et concernant par définition le personnel de l'administration cantonale, un « tiers » ne [pouvait] être qu'une personne non membre de l'administration ». Ainsi, il fallait entendre comme « tiers », une personne extérieure à l'administration.

Dans ce même arrêt, il était encore relevé que la loi applicable au moment où était intervenue la décision ne tranchait pas la question d'une prise en charge des honoraires et frais d'avocat du défendeur dans le cas d'un conflit interpersonnel. En revanche, l'État avait mis en place le mécanisme de résolution de litige par le groupe de confiance dans le but que ses collaborateurs n'aient pas à recourir aux services d'avocats, précisément pour apaiser ce type de conflits. La chambre administrative a alors précisé qu'« il avait par ailleurs été également relevé par ladite jurisprudence que le souhait du législateur était de restreindre la prise en charge des honoraires d'avocat aux seuls fonctionnaires qui seraient touchés dans leur indépendance par une action d'un justiciable. Le législateur a[vait] voulu préciser cela en adoptant le nouvel al. 3 de l'art. 14A RPAC (...), lequel énon[çait] clairement que les frais de procédure et honoraires d'avocat liés à une procédure initiée par un membre du personnel contre un autre membre du personnel n['étaient] pas pris en charge par l'État ».

9) En l'espèce, la chambre administrative constate que l'introduction du nouvel art. 14A al. 3 RPAC a clarifié la situation du paiement des honoraires d'avocat liés à une procédure « initiée par un membre du personnel contre un autre membre du personnel », en l'excluant de manière explicite. En présence d'un texte parfaitement clair, il ne saurait y avoir de place pour une interprétation, étant rappelé que la loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale) et que ce n'est que si le texte n'est pas absolument clair et que plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, que le juge recherchera la véritable portée de la norme au regard notamment de la volonté du législateur, telle qu'elle ressort notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, en particulier de l'intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales (interprétation systématique ; ATF 140 II 202 consid. 5.1).

En outre, la disposition en cause n'est pas contraire à la LPAC, et s'inscrit dans l'exercice de la compétence de la conduite de l'administration qui revient au Conseil d'État selon l'art. 106 al. 1 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00).

En conséquence, dans la mesure où le recourant est un fonctionnaire du DIP, soit un membre de l'administration cantonale, il ne saurait être considéré comme un « tiers ». Le fait qu'il occupe le poste de directeur et ait un lien hiérarchique - avec le devoir de faire face à certaines obligations - à l'égard de la fonctionnaire ayant déposé plainte contre lui n'y change rien, étant précisé que les termes utilisés dans la demande d'évaluation auprès du SPE comporte, comme il l'admet, des formulations maladroites qui ne sont imputables qu'à lui-même. À cela s'ajoute que les faits ayant entraîné l'ouverture d'une procédure pénale ne sont pas propres à mettre en péril l'indépendance du recourant.

Les griefs soulevés par le recourant sont par conséquent infondés.

10) Enfin, la chambre administrative relève que le recourant ne soutient pas ne pas avoir pu obtenir une indemnité pour ses frais d'avocat dans le cadre de la procédure pénale, laquelle est toujours en cours. En effet, plusieurs dispositions peuvent entrer en ligne de compte, qui pourraient lui permettre d'obtenir une participation à ses honoraires d'avocat, en particulier :

- l'art. 427 du Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (RS 312.0 - CPP), traitant des « Frais à la charge de la partie plaignante et du plaignant », qui prévoit notamment que les frais de procédure causés par les conclusions civiles de la partie plaignante peuvent être mis à la charge de celle-ci dans les cas visés par les al. 1 et 2 de ladite disposition ;

- l'art. 432 CPP, traitant des « Prétentions à l'égard de la partie plaignante et du plaignant », qui prévoit que le prévenu qui obtient gain de cause peut demander à la partie plaignante une juste indemnité pour les dépenses occasionnées par les conclusions civiles (al. 1) ou que, lorsque le prévenu obtient gain de cause sur la question de sa culpabilité et que l'infraction est poursuivie sur plainte, la partie plaignante ou le plaignant (...) peut être tenu d'indemniser le prévenu pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure.

11) Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

12) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 19 septembre 2019 par Monsieur A______ contre la décision du département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse du 19 août 2019 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Monsieur A______ un émolument de CHF 500.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Fabienne Fischer, avocate du recourant, ainsi qu'au département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, MM. Thélin, Pagan et Verniory, Mme Cuendet, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :