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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1481/2017

ATA/622/2017 du 31.05.2017 ( FPUBL ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1481/2017-FPUBL ATA/622/2017

"

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 31 mai 2017

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Robert Assaël, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE LA SÉCURITÉ ET DE L'ÉCONOMIE



Attendu, en fait, que :

1. Monsieur A______, né en 1984, a été engagé le 1er mai 2010 par l’État de Genève en qualité d’assistant de sécurité publique 3 auprès de la section diplomatique de la police de la sécurité internationale, devenue la police internationale (ci-après : PI). Il a été nommé fonctionnaire le 1er mai 2012, transféré ensuite, le 1er janvier 2014, à la police judiciaire, auprès de la brigade de lutte contre les migrations, devenue la brigade des renvois (ci-après : BRE). Dès le 1er juillet 2015, il a occupé la fonction d’assistant de sécurité publique 4 (ci-après : ASP 4) auprès de la BRE.

2. Le 30 mars 2016, M. A______ a fait l’objet d’un entretien de collaboration au cours duquel sa hiérarchie lui a fait des remarques concernant l’exécution de son travail et son comportement, notamment de son manque de respect envers ses supérieurs. L’intéressé a contesté ces reproches dans un courrier du 7 avril 2016.

3. Par courrier du 22 avril 2016, Madame B______, collaboratrice à l’office de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a confirmé le contenu de l’entretien qu’elle avait eu avec Monsieur C______, lieutenant à la police.

M. A______ l’avait sollicitée sexuellement, à plusieurs reprises et contre sa volonté. L’intéressé l’avait également invitée dans son bureau pour lui montrer sans son consentement un film pornographique qu’il visionnait. Il avait, à cette occasion, eu des mots et une attitude déplacés.

4. Le 24 juin 2016, M. A______ a eu un entretien d’évaluation. Ses efforts dans l’exécution de ses tâches ont été salués par sa hiérarchie qui l’a invité à continuer sur cette voie. Celle-ci lui a également recommandé de procéder à son autocritique et de rechercher le compromis au lieu d’entretenir de vaines polémiques.

5. Par décision du 31 août 2016, le conseiller d’État en charge du département de la sécurité et de l’économie (ci-après : DSE) a confirmé l’intéressé dans ses fonctions d’ASP 4, suite à l’entretien d’évaluation précité.

6. Par note du 27 septembre 2016, Monsieur D______, capitaine au sein de la police, s’occupant de la section migration de la PI, a informé la commandante de la police (ci-après : la commandante), que l’inspection générale de police (ci-après : IGS) procédait à une enquête sur les personnes figurant dans des vidéos enregistrées par M. A______, afin de confirmer leur présence et leur éventuel accord pour être filmés.

L’intéressé avait, notamment dans les salles d’audition et dans les véhicules de service, pris des vidéos de certaines interventions et perquisitions.

7. Par courrier du 12 octobre 2016, le directeur général de l’OCPM a fait état à la commandante d’un « comportement déviant d’un agent de renvoi de la BRE ».

M. A______, avait, le 28 septembre 2016, téléphoné à un collaborateur de l’OCPM lui demandant de le contacter si un requérant d’asile, Monsieur E______, se présentait au guichet du service asile et départs (ci-après : SAD), afin de l’interpeller. Celui-là n’avait pas été trouvé au foyer le 26 septembre 2016, le jour prévu pour son renvoi. Selon l’intéressé, M. E______ était recherché pour une affaire pénale. M. A______ avait téléphoné à nouveau quelques instants plus tard pour aviser le SAD de la venue de M. E______ pour le renouvellement de son attestation de délai de départ, pourtant encore valable jusqu’au 3 octobre 2016. Questionné sur la raison de sa présence, même si son attestation était encore valable, M. E______ a montré spontanément à son interlocuteur un numéro d’appel de l’OCPM figurant dans la liste des appels de son téléphone portable à partir duquel il avait été invité à se présenter au guichet du SAD. Il avait été arrêté à sa sortie de l’OCPM, avait été placé en détention administrative, le 30 novembre 2016, et libéré le 3 octobre 2016 par jugement du Tribunal administratif de première instance.

8. Le 19 octobre 2016, l’IGS a sollicité et obtenu du Procureur général un « n’empêche » pour transmettre à la commandante une note de synthèse pour l’informer de l’état d’avancement de la procédure pénale ouverte contre M. A______.

L’intéressé avait nié le harcèlement sexuel à l’égard de Mme B______. Il avait également nié avoir détenu de la pornographie sur son ordinateur. Pourtant, l’analyse de celui-ci avait confirmé l’existence de plusieurs films pornographiques. M. A______ avait en outre affirmé, au sujet des vidéos enregistrées des interventions, avoir obtenu l’accord de ses collègues et des autres protagonistes. Ces images étaient destinées, selon lui, à lui permettre d’améliorer sa manière de travailler. Pourtant, la plupart des personnes filmées avaient affirmé l’avoir été à leur insu.

9. Par note interne du 21 octobre 2016, M. D______ a informé les collaborateurs de la BRE au sujet de la décision du même jour de l’affectation provisoire de M. A______ au service asile et rapatriement (ci-après : SARA) en raison d’une enquête en cours à son encontre. L’intéressé s’est opposé à cette affectation provisoire, le 25 octobre 2016, et a produit une liste de signatures de soutien de certains de ses collègues qui souhaitaient le voir revenir travailler au sein de la BRE.

10. Du 25 octobre 2016 au 11 décembre 2016, M. A______ a été en incapacité de travail. Dans un courrier du 9 décembre 2016, il a informé sa hiérarchie vouloir reprendre son travail à 50 % au sein de la BRE dès le 12 décembre 2016.

11. Le 23 décembre 2016, la commandante a informé le conseiller d’État en charge du DSE des manquements reprochés à M. A______.

12. Par courriers des 6 et 21 mars 2017, le DSE a demandé au Procureur général de lui indiquer si une procédure pénale était pendante contre l’intéressé et les infractions qui lui étaient éventuellement reprochées. Il a aussi demandé de pouvoir consulter le dossier.

13. Par courrier du 27 mars 2017, le Procureur général a informé le DSE qu’une procédure pénale était ouverte contre M. A______ pour pornographie, abus d’autorité et violation simple des règles de la circulation routière. Il a transmis certains documents du dossier, celui-ci n’étant pas encore consultable dans son intégralité. D’autres collaborateurs de la police étaient également concernés par l’enquête.

14. Par courrier du 29 mars 2017, le conseiller d’État en charge du DSE a informé M. A______ de son intention de le suspendre et de supprimer son traitement. Il l’a autorisé à consulter son dossier, le 3 avril 2017. Le 7 avril 2017, l’intéressé s’est opposé à la mesure envisagée.

15. Par arrêté du 12 avril 2017, exécutoire nonobstant recours, le conseiller d’État précité a ordonné l’ouverture d’une enquête administrative à l’encontre de M. A______, confiant celle-ci à Monsieur F______. Il a également ordonné sa suspension provisoire et la suppression de son traitement avec effet immédiat.

16. Le 25 avril 2017, l’intéressé a requis la récusation de M. F______. Le DSE a rejeté cette demande le 18 mai 2017.

17. Par acte expédié le 24 avril 2017, M. A______ a formé recours contre l’arrêté précité auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), en concluant à son annulation.

18. Par acte séparé expédié le 25 avril 2017, M. A______ a requis de la chambre administrative la restitution de l’effet suspensif à son recours.

Aucun intérêt public ne s’opposait à cette restitution. Le DSE qui connaissait déjà la dénonciation de Mme B______, celle de l’OCPM et l’existence des vidéos enregistrées pendant son service, ne l’avait pas suspendu, mais seulement déplacé temporairement au SARA, le 21 octobre 2016. La décision à rendre sur effet suspensif n’était pas susceptible d’anticiper le jugement définitif ou à rendre illusoire le procès au fond. Par ailleurs, l’arrêté attaqué l’empêchait de subvenir à l’entretien de sa famille.

19. Le 5 mai 2017, le DSE a conclu à l’irrecevabilité de la demande de restitution de l’effet suspensif, le cas échant, à son rejet.

L’arrêté attaqué ne causait pas de préjudice irréparable à l’intéressé. Celui-ci pouvait percevoir des indemnités chômage ou, le cas échéant, des prestations d’aide sociale. Sa situation financière et familiale était connue du DSE au moment de la décision querellée. L’intérêt public de l’État à la bonne marche du service concerné était prépondérant par rapport à celui privé de l’intéressé de continuer à exercer son activité professionnelle et de percevoir son traitement. L’octroi de l’effet suspensif ne mettrait pas un terme au litige.

20. La chambre de céans a communiqué les observations du DSE à M. A______.

21. Le 29 mai 2017, M. A______ a transmis à la chambre administrative une nouvelle pièce, à savoir l'avis de licenciement, pour raisons économiques, de sa compagne.

22. Sur ce, la cause a été gardée à juger sur effet suspensif.

Considérant, en droit, que :

1. Aux termes de l’art. 66 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (al. 1) ; toutefois, lorsqu’aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (al. 3).

2. Les décisions sur mesures provisionnelles sont prises par le président ou le vice-président de la chambre administrative ou, en cas d’empêchement de ceux-ci, par un autre juge (art. 21 al. 2 LPA et art. 7 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 septembre 2010).

3. L’autorité peut d’office ou sur requête ordonner des mesures provisionnelles en exigeant au besoin des sûretés (art. 21 al. 1 LPA).

4. Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) – ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/59/2017 du 24 janvier 2017 consid. 4 ; ATA/955/2016 du 9 novembre 2016 consid. 4 ; ATA/1244/2015 du 17 novembre 2015 consid. 2).

Elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (arrêts précités). Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (Isabelle HÄNER, op. cit., p. 265).

5. L'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405).

6. Lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1).

7. Pour effectuer la pesée des intérêts en présence qu’un tel examen implique, l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités).

8. a. Aux termes de l’art. 39 al. 1 de la loi sur la police du 9 septembre 2014 (LPol - F 1 05), dans l’attente du résultat de l’enquête administrative ou de l’issue de la procédure pénale, l’autorité compétente peut suspendre le membre du personnel auquel est reprochée une faute de nature à compromettre la confiance ou l’autorité qu’implique l’exercice de sa fonction. La suspension peut entraîner la suppression de toute prestation à la charge de l’État (al. 2). À l’issue de l’enquête administrative, il est veillé à ce que l’intéressé ne subisse aucun préjudice autre que celui qui découle de la décision finale. Une décision de révocation avec effet immédiat peut cependant agir rétroactivement au jour de l’ouverture de l’enquête administrative (al. 3). À teneur de l’art. 17 al. 2 du règlement général sur le personnel de la police du 16 mars 2016 (RGPPol - F 1 05.07), en cas de suspension impliquant une suppression de traitement, le chef du département est seul compétent.

b. À teneur de l’art. 57 let. c LPA, sont susceptibles d’un recours, les décisions incidentes, si elles peuvent causer un préjudice irréparable ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse, les décisions incidentes, si elles peuvent causer un préjudice irréparable ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse.

9. En l’occurrence, le conseiller d’État en charge du DSE a ordonné l’ouverture d’une enquête administrative contre M. A______, a suspendu ce dernier et supprimé son traitement en attendant le résultat de cette enquête, suite aux reproches portant sur le comportement de l’intéressé à l’égard d’une collaboratrice de l’OCPM qui se plaint d’un harcèlement sexuel et d’un requérant d’asile auquel il aurait tendu un piège pour son arrestation ainsi que sur des vidéos enregistrées durant son service et impliquant ses collègues dont certains affirment n’avoir pas donné leur consentement à ces enregistrements.

La décision attaquée est une décision incidente susceptible de recours, la question de savoir si elle cause un préjudice irréparable à l’intéressé ou si l’admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse étant examinée ci-après en rapport avec les mérites de la demande de restitution de l’effet suspensif.

Le recourant allègue comme dommage irréparable le fait de ne plus pouvoir exercer son activité et toucher son traitement pendant la durée de l’enquête administrative, alors que, selon lui, les conditions de sa suspension ne sont pas réalisées. Accéder à la demande de restitution de l’effet suspensif de l’intéressé équivaudrait à anticiper sur le résultat de l’instruction de son recours, dans la mesure où cette prétention se confond avec la conclusion au fond, qui tend à l’annulation de la décision attaquée, et par conséquent qu’il soit autorisé à poursuivre son activité professionnelle et à percevoir ainsi son traitement, ce qui n’est pas admissible (ATA/626/2016 du 19 juillet 2016 consid. 10).

Par ailleurs, l’intérêt privé du recourant à conserver son activité professionnelle et de continuer à percevoir son traitement doit céder le pas à l’intérêt public à la préservation des finances de l’État, conformément à la jurisprudence constante de la chambre administrative (ATA/955/2016 précité consid. 9 ; ATA/471/2016 du 6 juin 2016 et les références citées). Aucun élément du dossier ne permet de retenir que celui-ci aurait la capacité de rembourser les traitements perçus au cas où l’enquête administrative ordonnée aboutirait à sa révocation avec effet immédiat, prononcée rétroactivement à l’ouverture de l’enquête, alors que l’État de Genève serait à même de verser les montants qui seraient mis à sa charge en cas d’issue qui serait favorable à l’intéressé.

L’admission de la demande de restitution de l’effet suspensif de l’intéressé ne mettrait en outre pas immédiatement un terme au litige qui l’oppose à son employeur. L’enquête administrative ordonnée permettra de déterminer si les reproches qui lui sont adressés sont fondés ou non. En l’état, le fait que l’intéressé en nie l’existence est insuffisant pour admettre a priori que ceux-ci seraient infondés.

10. Au vu de ce qui précède, la restitution de l’effet suspensif sera refusée, le sort des frais étant réservé jusqu’à droit jugé au fond.

 

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

refuse de restituer l’effet suspensif au recours ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF – RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision, en copie, à Me Robert Assaël, avocat du recourant, ainsi qu'au département de la sécurité et de l'économie.

 

 

 

Le président :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :