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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2188/2016

ATA/626/2016 du 19.07.2016 ( FPUBL ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2188/2016-FPUBL

" ATA/626/2016

 

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 19 juillet 2016

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

Mme A______
représentée par Me Christian Fischele, avocat

contre

DÉPARTEMENT DES FINANCES



Attendu, en fait, que :

1. Par décision du 30 mai 2016, déclarée exécutoire nonobstant recours, le Conseiller d’État en charge du département des finances (ci-après : DF) a résilié les rapports de service liant l’État de Genève et Mme A______, pour motif fondé, – soit insuffisance des prestations et inaptitude à remplir les exigences du poste – avec effet au 31 août 2016.

Engagée le 1er mai 2001 en qualité de commise administrative 2 avec statut d’auxiliaire et affectée à l’office des poursuites et faillites (ci-après : OPF),
Mme A______ avait poursuivi sa carrière au sein de ce service jusqu’à atteindre la fonction de cheffe de secteur de la comptabilité au 1er novembre 2010. Son statut était alors celui de fonctionnaire, acquis le 1er mai 2004. Jusqu’en 2013, les évaluations dont elle avait fait l’objet était globalement bonnes, avec des mentions isolées d’amélioration à apporter dans la gestion de situations délicates ou dans le domaine des négociations.

Les motifs ayant amené à la résiliation des rapports de service lui avaient été communiqués par sa hiérarchie, notamment lors d’un entretien de service sous forme écrite du 30 novembre 2015. Une procédure de reclassement avait été ouverte mais n’avait pas abouti.

2. Par acte du 29 juin 2016, Mme A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée. Elle a conclu à l’annulation de celle-ci et à ce que sa réintégration soit ordonnée dans son poste ou un poste équivalent, avec effet ex tunc s’agissant de son traitement. En cas de refus de réintégration, l’État de Genève devait être condamné à lui verser vingt-quatre mois de son dernier traitement. Il n’existait aucun motif fondé de résiliation des rapports de service. À supposer que l’on puisse retenir un des reproches qui lui étaient adressés, soit une violation du secret de fonction, cela n’était pas de nature à justifier son licenciement.

Elle sollicitait une comparution personnelle des parties, la production de nombreuses pièces et l’audition de dix témoins.

Enfin, elle demandait la restitution de l’effet suspensif à son recours. Il ressortait du dossier qu’aucun élément ne justifiait la résiliation des rapports de service, de sorte que sa réintégration pouvait être ordonnée. Si l’effet suspensif n’était pas restitué, elle se verrait privée, pour toute la durée de la procédure, de la possibilité de travailler à son poste, alors même que, selon toute vraisemblance, elle remplissait les conditions d’une réintégration.

3. Le 11 juillet 2016, le DF a conclu au rejet de la demande de restitution de l’effet suspensif. L’intérêt public au bon fonctionnement de l’administration l’emportait sur l’intérêt privé allégué par Mme A______ de continuer à occuper un poste dans lequel elle ne donnait pas satisfaction, sa contestation à cet égard constituant le fond du litige.

4. La détermination du DF a été transmise à Mme A______ le 12 juillet 2016 et les parties ont été informées que la cause était gardée à juger sur effet suspensif.

Considérant, en droit, que :

1. Aux termes de l’art. 66 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA – E 5 10), sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (al. 1) ; toutefois, lorsque aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (al. 3).

2. Les décisions sur mesures provisionnelles sont prises par le président ou le vice-président de la chambre administrative ou, en cas d’empêchement de ceux-ci, par un autre juge (art. 21 al. 2 LPA et art. 7 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 septembre 2010).

3. L’autorité peut d’office ou sur requête ordonner des mesures provisionnelles en exigeant au besoin des sûretés (art. 21 al. 1 LPA).

4. Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles - au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) - ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/1244/2015 du 17 novembre 2015 consid. 2 ; ATA/1110/2015 du 16 octobre 2015 consid. 3 ; ATA/997/2015 du 25 septembre 2015 consid. 3).

Elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (arrêts précités). Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (Isabelle HÄNER, op. cit., p. 265).

5. L'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405).

6. Lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1).

7. Pour effectuer la pesée des intérêts en présence qu’un tel examen implique, l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités).

8. a. L'autorité compétente peut résilier les rapports de service du fonctionnaire pour un motif fondé. Elle motive sa décision. Elle est tenue, préalablement à la résiliation, de proposer des mesures de développement et de réinsertion professionnels et de rechercher si un autre poste au sein de l'administration cantonale correspond aux capacités de l'intéressé. Les modalités sont fixées par règlement (art. 21 al. 3 LPAC).

Aux termes de l’art. 22 LPAC, il y a motif fondé lorsque la continuation des rapports de service n'est plus compatible avec le bon fonctionnement de l'administration, soit notamment en raison de l'insuffisance des prestations (let. a), l'inaptitude à remplir les exigences du poste (let. b), la disparition durable d'un motif d'engagement (let. c).

b. Peut recourir à la chambre administrative de la Cour de justice pour violation de la loi tout membre du personnel dont les rapports de service ont été résiliés
(art. 31 al. 1 LPAC).

c. La LPAC a été modifiée le 16 octobre 2015, avec entrée en vigueur de la novelle le 19 décembre 2015.

Depuis cette date (ATA/347/2016 du 26 avril 2016 consid. 11), si la chambre administrative de la Cour de justice retient que la résiliation des rapports de service ne repose pas sur un motif fondé, elle ordonne à l’autorité compétente la réintégration (art. 31 al. 2 LPAC). Si la chambre administrative de la Cour de justice retient que la résiliation des rapports de service est contraire au droit, elle peut proposer à l’autorité compétente la réintégration (art. 31 al. 3 LPAC).

9. En l’espèce, la recourante est soumis à la LPAC dans sa teneur modifiée du
19 décembre 2015. Sa réintégration est donc possible si la chambre de céans retient que la fin des rapports de service ne repose pas sur un motif fondé.

10. Sur la base des éléments figurant au dossier, la résiliation des rapports de service est intervenue à l’issue d’une période de deux ans au cours de laquelle l’intéressée a fait l’objet de critiques relatives à son comportement managérial, a dû s’expliquer sur une erreur de passage d’ordre comptable, a eu plusieurs entretiens avec sa hiérarchie au sujet de ses pratiques professionnelles et d’un entretien de service, en la forme écrite en raison de l’incapacité de travailler dans laquelle
Mme A______ s’est trouvée du 14 février 2014 jusqu’au 1er novembre 2015, date à laquelle elle a repris son activité professionnelle dans une affectation nouvelle temporaire au taux de 50 %. Prima facie, on ne peut retenir d’entrée de cause que le licenciement ne reposerait sur aucun motif fondé, le seul fait que
Mme A______ en nie l’existence étant insuffisant pour admettre que son recours a d’emblée de fortes chances de succès. De nombreux faits étant litigieux, une instruction comportant des enquêtes sera nécessaire, la recourante ayant d’ailleurs elle-même demandé l’audition de dix témoins.

Mme A______ allègue comme dommage irréparable le fait de ne plus pouvoir travailler à son poste pendant la durée de la procédure, alors qu’elle remplit les conditions d’une réintégration. C’est anticiper sur le résultat de l’instruction et, dans cette mesure, se confond avec les conclusions au fond, ce qui n’est pas admissible.

Par ailleurs, l’intérêt privé de la recourante à conserver son activité professionnelle doit céder le pas à l’intérêt public à la préservation des finances de l’État, conformément à la jurisprudence constante de la chambre administrative (ATA/471/2016 du 6 juin 2016 et les références citées). Aucun élément du dossier ne permet de retenir que Mme A______ aurait la capacité de rembourser les traitements perçus en cas de confirmation de la décision querellée, alors que l’État de Genève serait à même de verser les montants qui seraient mis à sa charge en cas d’issue favorable pour la recourante, et cela même si la cause pouvait être tranchée rapidement.

11. Au vu de ce qui précède, la restitution de l’effet suspensif sera refusée.

Le sort des frais sera réservé jusqu’à droit jugé au fond.

 

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

refuse de restituer l’effet suspensif au recours de Mme A______ contre la décision du département des finances du 30 mai 2016 ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision, en copie, à Me Christian Fischele, avocat de la recourante, ainsi qu'au département des finances.

 

 

Le vice-président :

 

 

 

J.-M. Verniory

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :