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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1694/2023

ATA/1335/2023 du 12.12.2023 ( EXPLOI ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1694/2023-EXPLOI ATA/1335/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 12 décembre 2023

 

dans la cause

 

A______ SA recourante
représentée par Me Nathalie BORNOZ, avocate

contre

OFFICE CANTONAL DE L'INSPECTION ET DES RELATIONS DU TRAVAIL intimé

 



EN FAIT

A. a. A______ Sàrl a pour but la fourniture de conseils et services ainsi que le courtage dans le domaine des assurances, la finance, l’immobilier, la fiscalité, les ressources humaines et la gestion de patrimoine et toutes activités en qualité d'apporteur d'affaires dans ces mêmes domaines ainsi que l'achat, vente et location de containers. Elle a été inscrite au registre du commerce du canton de Genève le 17 juillet 2017 et avait son siège route B______ ______, puis route C______ ______ dès le 25 mars 2020. Le 23 novembre 2021, elle a changé sa raison sociale en D______ Sàrl. Elle a été radiée d’office du registre du commerce de Genève le 31 août 2022 par suite du transfert de son siège à E______.

b. A______ SA (ci-après : A______) a pour but la fourniture de conseils et de services ainsi que le courtage dans les domaines des assurances, de la finance, de l'immobilier, de la fiscalité, des ressources humaines et de la gestion de patrimoine et toutes activités en qualité d'apporteur d'affaires dans ces mêmes domaines. Elle avait son siège route C______ ______ et était inscrite au registre du commerce du canton de Genève du 22 décembre 2021 au 31 août 2022. Depuis le 31 août 2022, elle a son siège allée de F______ ______ à E______ et est inscrite au registre du commerce du canton de Vaud.

c. Le 3 février 2022, l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci‑après : OCIRT) a annoncé à D______ Sàrl procéder à un contrôle systématique du respect du salaire minimum, auquel elle était soumise dès lors qu’elle employait des travailleurs accomplissant habituellement leur travail dans le canton, et lui a réclamé un certain nombre d’informations et de documents, notamment le taux d’activité de chaque employé, le mode de calcul des salaires et d’enregistrement de la durée du travail.

d. Le 28 février 2022, A______ a remis au guichet de l’OCIRT : une liste des collaborateurs comprenant 54 noms, dont 42 avec la mention « sur appel », quatre avec la mention « commission » et huit avec des taux fixes entre 50 et 100% ; des relevés d’« analyses », « conseils » et « RDV suivi » pour des employés désignés par leurs prénoms de novembre 2020 à janvier 2022 ; la déclaration des salaires versés par l’employeur et des déductions sociales pour 44 personnes et pour l’année 2021.

Une note explicative de G______, administrateur de A______, accompagnait les documents. Elle indiquait qu’un certain nombre de collaborateurs disposaient « d’un contrat à la tâche ou pièce (sur appel) ». Leur secteur fonctionnant à la commission, ils avaient dans un premier temps pensé ne pas être concernés par le salaire minium. Après avoir été interpellés par l’OCIRT, ils avaient consulté un cabinet juridique, qui leur avait affirmé qu’ils y étaient soumis. Ils avaient établi un tableau récapitulatif des heures de travail effectuées avec précision du taux horaire pour chacun des collaborateurs, calculé en fonction du salaire perçu après versement des commissions. Deux collaborateurs, H______ et I______, se situaient en-dessous du seuil et étaient signalés en rouge. Les autres noms en rouge, soit J______, K______, L______, M______, N______ et O______, correspondaient à des prises de fonction récentes (fin 2021). Dans leur secteur, les commissions pouvaient être versées deux à trois mois après la prise d’activité. En ce qui concernait le fonctionnement de l’entreprise, dans le tableau de calcul des heures individuelles, une analyse, soit le premier rendez-vous de découverte des besoins du client, durait une heure, un rendez-vous de conseil, soit de proposition de contrat, durait 30 minutes, la réalisation d’une déclaration durait deux heures, les rendez-vous de suivi du client étaient également nécessaires et duraient 30 minutes. Ils avaient également calculé le temps de transport en tenant compte du fait que 60% des rendez-vous étaient effectués au domicile du client et engendraient 30 minutes de transport.

e. Le 22 mars 2022, l’OCIRT a réclamé à G______ les contrats de travail en vigueur avant novembre 2020 pour treize employés. Le salaire minimum n’était pas respecté pour seize employés. L’OCIRT restait dans l’attente du rattrapage des salaires minimaux. Pour 2020 et 2021, les calculs pouvaient être faits sur l’année. Dès le 1er janvier 2022, le salaire minimal devait être garanti chaque mois.

Les heures de travail sans conclusion d’un contrat n’avaient pas été décomptées. La durée totale du travail hebdomadaire semblait être de 40 voire 42 heures. Le respect du salaire minimum devait être calculé sur la base d’un plein-temps.

L’OCIRT attendait les fiches de salaire de février et mars 2022 pour l’ensemble du personnel. Dès avril 2022, un relevé des heures de travail effectuées comme mentionné devait être mis en place. L’OCIRT attendait les avenants aux contrats indiquant la durée effective du travail pour un plein-temps et la garantie du versement du salaire minimum chaque mois. Avec une durée réelle du temps de travail de 40 heures hebdomadaires, le salaire minimum n’était pas respecté pour quatorze employés.

f. Le 20 avril 2022, la FIDUCIAIRE P______ SA (ci-après : la fiduciaire) a remis de nouveaux documents.

À compter du 1er janvier 2022, tout le personnel de D______ Sàrl avait été repris par A______, détenue à 100% par D______ Sàrl.

Les nouveaux contrats de travail en vigueur depuis le 1er novembre 2020 avaient été établis pour correspondre exactement aux prestations de travail effectuées (contrats à la tâche et non à plein temps).

Un tableau récapitulatif pour 2020 et 2021 indiquait les heures de travail, le salaire total et le taux horaire calculés pour chacun des collaborateurs. Le même calcul avait été fait pour les collaborateurs arrivés à fin 2021 ou partis en 2021 et encore rémunérés en 2022, les commissions étant souvent versées deux à quatre mois après la conclusion du contrat.

Les suppléments à payer avaient été calculés et l’accord de l’OCIRT était attendu pour procéder aux paiements de régularisation des salaires.

Une commission était versée uniquement à la suite de la conclusion d’un contrat. En revanche, toutes les heures de travail, y compris les heures réalisées sans conclusion de contrat, étaient prises en compte dans les tableaux des heures présentés. Les contrats de travail conclus étaient à la tâche. Les collaborateurs n’avaient pas de nombre d’heures fixes, leurs heures variaient fortement de mois en mois. Les salariés n’étaient pas employés à plein temps.

Pour chaque salarié, les heures de travail ainsi que les commissionnements étaient récapitulés. Dès le 1er mai 2022, un suivi des heures hebdomadaires serait effectué.

g. Le 9 mai 2022, l’OCIRT a indiqué à G______ que les contrats antérieurs à novembre 2022 indiquaient une durée hebdomadaire du travail de 40 heures. Dès novembre 2022 et l’introduction du salaire minimum, cette durée hebdomadaire n’apparaissait plus sur les nouveaux contrats.

Les rattrapages étaient à nouveau détaillés par employé et devaient être traités séparément pour 2020, 2021 et 2022, un surplus de salaire durant une année ne pouvant compenser un rattrapage durant une autre.

Huit nouveaux employés avaient été engagés en janvier 2022 et leurs contrats et leurs rattrapages salariaux devaient être produits.

L’OCIRT prenait note que les heures travaillées sans conclusion de contrats étaient prises en compte dans les décomptes présentés et réservait sa position sur ce point.

Le même jour, l’OCIRT a complété sa demande par une question sur un employé.

h. Le 13 juin 2022, la fiduciaire a fourni les informations sur l’employé et les tableaux des rattrapages salariaux pour 2020, 2021 et 2022 sans compensation, les contrats de travail des nouveaux collaborateurs de 2022, les heures travaillées par collaborateur de janvier à mai 2022, les fiches de salaire de tout le personnel pour avril et mai 2022, la preuve des régularisations et les avenants aux contrats de travail suite à la mise en place d’un salaire fixe (avance sur commissions) dès mai 2022.

i. Entre les mois de mars et mai 2022, l’OCIRT a écrit à plusieurs anciens employés de A______, leur expliquant procéder à un contrôle et leur demandant de compléter et lui retourner un formulaire recensant la durée hebdomadaire du travail en heures pendant les rapports de travail.

j. Le 27 juin 2022, l’OCIRT a indiqué à G______ avoir compris des documents reçus que A______ avait mis en place un avenant aux contrats de travail par lequel elle assurait un salaire minimum de CHF 2'000.- indemnités vacances comprises. Celui-ci correspondait donc à une durée de travail de 18.31 heures ou 19.83 heures vacances comprises. L’avenant ne permettait pas de garantir un salaire minimum durant les vacances. Un avenant prévoyant le versement du salaire minimum douze fois l’an devait être mis en place. Il était étonnant que l’ensemble des conseillers effectue un faible temps partiel. Le salaire garanti devait correspondre à la durée du travail effectivement effectuée par les employés. Des précisions et des documents manquants étaient réclamés.

L’OCIRT avait recueilli le témoignage d’anciens employés de la société mentionnant une durée effective du travail en moyenne trois fois plus élevée que ce que l’entreprise déclarait. Par la mise en place d’une durée du travail sous forme de forfaits selon différentes tâches, l’entreprise avait sous‑estimé la durée du travail hebdomadaire. Les écarts par employé étaient détaillés. Les nombreux témoignages démontraient que le salaire minimum n’était pas respecté par l’entreprise. Les nouveaux contrats mis en place en novembre 2020 avaient pour but d’occulter la durée du travail hebdomadaire afin d’échapper à l’application du salaire minimum. Un relevé des heures correspondant à la réalité des heures effectuées devait être mis en place.

Il était pris note des rattrapages effectués. Les rattrapages supplémentaires à faire par employé qui pouvaient être calculés étaient détaillés, pour un total de CHF 135’938.89.

k. Le 22 juillet 2022, sous la plume d’une avocate, A______ s’est plainte de l’attitude peu transparente, voire contraire à la bonne foi, de l’OCIRT, qui avait remis en cause le consensus atteint sur les rattrapages et les modifications contractuelles après avoir recueilli à son insu des témoignages sur lesquels elle n’avait pas été appelée à se déterminer, ce qui violait son droit d’être entendue et l’interdiction de l’arbitraire. Elle demandait à consulter l’intégralité du dossier dès le 18 août 2022 et à se déterminer jusqu’au 30 septembre 2022.

l. Le 3 août 2022, l’OCIRT a transmis à A______ les courriers adressés aux anciens employés et les éventuels rappels, les questionnaires sur la durée hebdomadaire du travail ainsi que les réponses et d’éventuels autres documents transmis.

Il complétait par ailleurs ses calculs des rattrapages pour trois anciennes employées, en fonction de leurs témoignages.

Il attendait la détermination de A______ jusqu’au 10 septembre 2022.

m. Le 6 septembre 2022, A______ a demandé la prolongation du délai au 20 octobre 2022 pour se déterminer.

n. Le même jour, elle s’est adressée au directeur de l’OCIRT pour demander la récusation de l’inspecteur en charge du dossier.

Celui-ci avait par ses agissements passablement mis à mal son droit d’être entendue, le principe de la bonne foi et le secret de fonction, et il n’hésitait pas à porter atteinte à son image.

Dans les courriers adressés aux employés et anciens employés, il avait clairement suggéré que les conditions de travail appliquées ne seraient pas conformes au droit, affirmant : « Par le système de rémunération mis en place par l’entreprise, les salaires mensuels versés ne concernent que des commissions. Ces commissions sont uniquement versées sur des contrats d’assurance, des produits financiers et des financements hypothécaires qui ont été conclus avec la clientèle. Ainsi, il semblerait que le travail effectué sans réalisation de contrat avec le client n’est ni décompté ni payé ». De telles assertions reposaient sur une constatation incomplète et biaisée des faits, dès lors qu’elle n’avait jamais pu s’expliquer de façon circonstanciée sur les demandes de clarification qui lui avaient été adressées. On pouvait se demander comment les employés pouvaient se souvenir précisément de leur temps de travail deux ans après les faits. Les échanges de correspondance montraient que loin de se conformer à la neutralité exigée de lui, l’inspecteur, en violation du secret de fonction, s’était mué en représentant des employés. Il avait en effet indiqué par exemple le 9 mai 2022 à un employé : « J’ai bien reçu votre courrier pour lequel je vous remercie également. Dans un premier temps, il s’agit d’effectuer un rattrapage salarial selon les heures de travail annoncées par l’entreprise. Dans un deuxième temps, je confronterai l’entreprise avec le relevé des heures que vous avez transmis. Pour l’instant, il faut être patient ». Ces propos pouvaient être tenus par un syndicaliste, non un fonctionnaire soumis à un devoir d’impartialité et de dignité. La formulation avait été reprise dans d’autres courriers. Il avait remis à une employée une pièce bancaire transmise par A______ contenant des informations soumises à une stricte confidentialité. Ces échanges apportaient la preuve d’une connivence inadmissible entre l’inspecteur et des personnes non parties à la procédure, la transmission de pièces couvertes par le secret de fonction et l’élaboration avec ces tiers d’une stratégie en deux temps visant à « surenchérir » sur des rattrapages salariaux en leur faveur.

Copie du courrier était adressée à la Conseillère d’État en charge du département car de tels agissements mettaient en danger les bonnes relations que l’État devait entretenir avec les employeurs domiciliés dans le canton.

o. Le 6 octobre 2022, le directeur de l’OCIRT a rejeté, comme infondée, la demande de récusation.

p. Le 20 octobre 2022, A______ s’est déterminée sur les courriers de l’OCIRT des 27 juin et 3 août 2022.

La procédure était entachée d’irrégularités : défaut d’impartialité de l’administration avec un employeur qui s’était toujours montré prêt à collaborer ; élaboration d’une stratégie en deux temps destinés à « surenchérir » sur les rattrapages de salaire consentis à l’aide de « déclarations » recueillies à l’étranger de manière illicite car en-dehors de toute entraide internationale, en amont des rattrapages ou parallèlement à ceux-ci.

Sans préjudice du caractère inexploitable des preuves recueillies, elle était en conformité avec les exigences légales.

Ses travailleurs étaient au bénéfice d’un contrat de travail sur appel improprement dit rémunéré par des commissions dont une part de 8.33% représentait l’indemnité vacances. Il n’y avait pas lieu de payer en sus une part de vacances. La rémunération de CHF 2'000.- stipulée dans les contrats avait été conçue en se fondant sur les moyennes d’heures de travail mensuelles passées des employés et permettait de s’assurer définitivement que ceux-ci perçoivent le salaire minimum genevois en fonction de leur temps de travail effectif. Dans les faits, les commissions versées dépassaient presque systématiquement le salaire minimum genevois voire le salaire médian du canton. En pratique, il n’était jamais arrivé qu’un employé prenne ses quatre semaines de vacances d’affilée. Les commissions comprenaient de toute façon la part du salaire afférente aux vacances.

Elle produisait des pièces complémentaires concernant ses employés.

Les déclarations d’heures de travail recueillies par l’OCIRT auprès de 17 de ses anciens employés étaient dénuées de valeur probante. Les renseignements fournis ne reposaient sur aucun titre établissant la véracité des heures alléguées. Il était irréaliste que ceux-ci aient pu établir un décompte final des mois voire des années après les faits. Le caractère fantaisiste ou tout au moins imprécis ressortait des déclarations. Plusieurs employés avaient fait précéder les indications du signe « ≈ » ou de la mention « environ ». Le fait pour certains d’avoir indiqué le même nombre d’heures pour chaque semaine montrait que leur déclaration était improvisée de toutes pièces. La quantité de travail variait forcément, dans un système de travail sur appel improprement dit, en fonction de la demande et de la disponibilité, pour ne pas dire de la disposition, des employés.

Elle avait analysé de manière approfondie les déclarations de quatorze des 17 anciens employés contactés de manière illicite par l’OCIRT et produisait : un tableau de synthèse résumant pour chacun d’eux le nombre d’heures alléguées dans les déclarations, le nombre de rendez-vous qu’elle avait fournis et le nombre des rendez-vous effectués ; des extraits pour chacun d’eux du logiciel interne de prise de rendez-vous clients par lequel elle leur proposait des missions, qu’ils étaient libres d’accepter, et dont les nombres leur étaient partant favorables ; les tableaux des heures effectives accomplies par chaque employé résultant de la procédure standardisée, selon laquelle chaque employé faisait chaque semaine avec son responsable le bilan du nombre des tâches (analyse, conseil, suivi, préparation, formation, transport et bilan) accomplies la semaine précédente, auxquelles correspondait un nombre d’heures travaillées, tableau qui recensait également le nombre de rendez-vous avec les clients réellement effectués et le nombre de contrats conclus. Les décomptes étaient signés par les travailleurs selon une pratique instaurée depuis juin 2022. Ces sources constituaient les seuls éléments à la fiabilité objective faisant foi des heures de travail accomplies.

L’essentiel de l’activité des employés se concentrait sur les rendez-vous avec les clients. Le temps de travail dévolu aux activités administratives était réduit. Cela résultait du fait qu’elle faisait usage d’un logiciel interne qui automatisait le traitement des données. En amont de chaque rendez-vous, ce logiciel générait une check-list des documents nécessaires au conseiller, que celui-ci transmettait au client. Une régularité sur plusieurs semaines dans le nombre d’heures accomplies était impossible en pratique. Elle ne correspondait pas à la volonté des employés, le travail sur appel improprement dit étant conçu pour leur garantir la maîtrise de leur temps libre et de travailler quand ils le souhaitaient.

Elle contestait l’intégralité des heures de travail hebdomadaires annoncées dans les décomptes remis par des anciens employés habitant au surplus à l’étranger et contactés sans droit par l’OCIRT. Ils avaient majoré, fréquemment de manière démesurée, le nombre d’heures accomplies au regard des missions proposées ou du temps déclaré lors du bilan. Ils étaient allés jusqu’à déclarer des heures travaillées durant des périodes où ils ne pouvaient travailler. L’OCIRT avait pris le parti de n’interroger que des employés domiciliés à l’étranger, sauf deux exceptions, et avait ainsi obtenu des décomptes en violation du droit international.

Q______ déclarait avoir travaillé en décembre 2020 alors qu’aucune mission ne lui avait été proposée durant ce mois. R______ avait déclaré des heures travaillées entre le 21 décembre 2020 et le 3 janvier 2021, alors que l’entreprise était fermée. S______ avait indiqué 45 heures de travail hebdomadaire du 18 janvier au 4 juillet 2021, ce qui n’était pas vraisemblable et alors que la première semaine était dédiée à la formation à raison de 28 heures hebdomadaires et qu’elle ne lui avait plus proposé de mission en juin 2021, son activité durant ce mois s’étant limitée à finir des déclarations d’impôts. Selon le décompte de V______, il aurait travaillé 12 heures par jour, ce qui faisait fi de sa première semaine de formation et de ce qu’aucune mission ne lui avait plus été proposée à compter de juin 2021. T______ et U______ avaient déclaré des heures travaillées du 2 au 13 août 2021, alors que l’entreprise était fermée. H______ avait indiqué des heures de travail en octobre 2021, alors qu’elle ne lui avait plus confié de mission dès fin septembre 2021. I______ indiquait systématiquement 45 heures de travail hebdomadaire, des chiffres invraisemblables faisant fi de la semaine de formation et de ce qu’aucune mission n’avait été proposée par l’entreprise en octobre 2021. W______ invoquait une prétendue présence obligatoire 8 heures par semaine, incompatible avec le contrat de travail. X______ avait avancé des centaines d’heures de travail mensuelles de manière aléatoire. Y______ avait allégué 40 heures de travail durant la première semaine, alors que sa formation initiale n’avait pas dépassé 36 heures hebdomadaires et il avait déclaré des heures pour les semaines du 2 au 13 août, alors que l’entreprise était fermée. Z______ avait suivi une formation initiale de 28 heures, en contradiction avec les 40 heures déclarées pour sa première semaine de travail, et des heures entre le 27 et le 31 décembre 2021, alors que l’entreprise était fermée. Le décompte de AA______ ne tenait pas compte de la fermeture de l’entreprise du 2 au 6 août 2021. La première semaine de travail de AB______ n’avait compté que 28 heures de formation, et non 40 heures de travail comme déclaré. J______ prétendait avoir accompli 298 heures de travail en mars 2022, soit près de 14 heures par jour, alors qu’elle avait déclaré 78.9 heures à l’entreprise pour 53 rendez-vous. Elle n’avait pu effectuer aucun travail en mai 2022, dès lors qu’elle était libérée de son obligation de travailler durant son délai de congé. AC______ avait fourni des chiffres en contradiction flagrante avec le nombre de ses rendez-vous.

Elle produisait les fiches de salaire pour tous ses employés pour juin, juillet et août 2022 ainsi que leurs décomptes de temps de travail pour l’année en cours jusqu’en août 2022, établis selon la méthode exposée.

Contrairement à ce que laissait entendre AD______, le travail administratif était bien pris en compte dans l’établissement des décomptes de temps de travail. La régularité des heures déclarées, 30 par semaine, était invraisemblable vu la nature de la relation contractuelle et sans corrélation avec les rendez-vous proposés.

Les rattrapages demandés ne correspondaient pas à la réalité et elle ne pouvait entrer en matière à leur sujet. Aucun accord international liant la Suisse à AE______ ne permettait de récolter les données. La Suisse avait refusé de ratifier la Convention européenne du 15 mars 1978 sur l’obtention à l’étranger de preuves en matière administrative, de sorte que toute récolte de données à l’étranger requérait de procéder par la voie diplomatique ou consulaire. Les fiches de données avaient été obtenues en violation du droit international public et l’ensemble des renseignements recueillis de cette manière était inexploitable.

q. Le 2 décembre 2022, l’OCIRT a adressé à A______ un avertissement avec droit d’être entendu avant le prononcé d’une sanction.

Le registre des heures de travail devait fournir au moins le décompte des heures quotidiennes effectives. Le pointage des heures de travail n’avait pas été mis en place. L’entreprise ne s’était pas mise en conformité.

Le versement d’un montant garanti de CHF 2'000.- par mois contenant la part vacances correspondait selon le salaire minimum à une durée hebdomadaire du travail de 18.31 h. Les avenants ne garantissaient pas le respect du salaire minimum au-delà de cette durée. Ils devaient être liés à la durée effective du travail résultant du pointage qu’elle refusait de mettre en place et qui seul permettait de refléter objectivement la quantité réelle de travail déployée par ses employés. En outre, 30 employés avaient effectué plus de 79.35 h mensuelles, correspondant à l’activité rémunérée par CHF 2'000.- au salaire horaire minimum.

L’affirmation selon laquelle les commissions versées procuraient aux employés un salaire presque toujours supérieur au salaire minimum n’était qu’une pétition de principe. La plupart des employés n’avaient perçu aucun salaire au début de leur engagement, pendant une période pouvant s’étendre jusqu’à cinq mois. Le rattrapage de CHF 42'585.85 d’ores et déjà effectué par l’entreprise pour 22 employés était basé sur des décomptes d’heures calculés par l’entreprise sous forme de moyenne. C’était en outre sans compter les rattrapages à venir basés sur la réalité du labeur des employés.

Les demandes adressées aux anciens employés en AE______ étaient conformes au droit international public.

Le cœur du problème créé par l’entreprise était le recours à la quantification moyenne des tâches, déconnectée de la réalité du travail effectué par les employés, ainsi qu’en témoignaient largement les anciens employés. Seul le pointage des heures de travail effectuées permettait la mise au jour de la durée réelle du travail. L’absence de pointage ne pouvait être acceptée. Les contrats conclus avant novembre 2020 mentionnaient une durée hebdomadaire du travail de 40 heures. Dès l’introduction du salaire minimum le 1er novembre 2020, l’entreprise avait modifié les contrats en retirant toute référence à une quelconque durée hebdomadaire du travail. Cela apparaissait comme une manœuvre qui avait pour but d’éluder la norme impérative sur le salaire minimum.

Les témoignages des anciens employés étaient nécessaires. L’OCIRT ne pouvait se contenter de la seule conviction de A______. Il avait été tenu compte des remarques à leur propos dans la limite de leur vraisemblance (formation, fermeture de l’entreprise). La multitude des déclarations convergeait sur la divergence importante avec les temps de travail indiqués par A______. Suivaient des calculs et ajustements pour 20 employés.

D’ici au 10 janvier 2023, A______ devait mettre en place un relevé des heures de travail en bonne et due forme, soit le pointage des heures de travail, ainsi qu’une garantie salariale conforme au salaire minimum et en lien avec les heures de travail réalisées, conformément au pointage des heures. Elle devait par ailleurs fournir dans le même délai les justificatifs des rattrapages mentionnés et les relevés des heures de travail ainsi que les fiches de salaire de septembre à décembre 2022.

Dans le même délai, A______ pouvait produire des observations. Elle était passible d’une amende et les frais de contrôle pouvaient être mis à sa charge

r. Le 8 décembre 2022, A______ a demandé à consulter le dossier et requis une prolongation du délai au 3 février 2023 au moins. Le dernier courrier de l’OCIRT laissait entendre que celui-ci avait recueilli de nouvelles déclarations.

s. Le 3 février 2023, A______ s’est déterminée.

Les irrégularités qu’elle avait dénoncées étaient ignorées. L’OCIRT n’avait pas mis fin à la connivence créée avec certains anciens employés. Il avait notamment continué de renseigner J______ et AD______ sur la conduite de son instruction et sur la position de A______, sans se soucier de son devoir d’impartialité et en laissant se créer la conviction chez celles-ci que l’OCIRT procédait pour leur compte au recouvrement de prétendues créances salariales. La chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) avait désavoué à plusieurs reprises le parti-pris de l’OCIRT pour les employés (ATA/1190/2018 du 6 novembre 2018 et ATA/806/2018 du 7 août 2018).

Aucun crédit ne semblait accordé à ses déclarations alors qu’elle avait pleinement collaboré dès le début. Au lieu de reconnaître sa diligence, l’OCIRT prétendait décrédibiliser ses déclarations pourtant étayées par des pièces.

Le traité invoqué par l’OCIRT portait sur la notification d’actes et était inapplicable s’agissant de recueillir des preuves. L’OCIRT devait procéder par la voie diplomatique ou consulaire. L’ensemble des données recueillies en AE______ était inexploitable.

L’OCIRT, qui avait pourtant admis que les déclarations étaient fausses car elles ne tenaient pas compte des formations, des vacances et de jours de fermeture de l’entreprise, persistait à croire sur parole les anciens employés. Les déclarations n’étaient pas étayées de pièces, elles étaient postérieures aux faits de mois voire d’années, elles émanaient de personnes intéressées financièrement et étaient manifestement fausses s’agissant des formations, de la fermeture de l’entreprise et en ce qui concernait le nombre des heures vu la régularité rigide des horaires avancés.

Un relevé des heures signé des deux parties n’était pas exigible. Les décomptes probants résultat des tableaux de synthèse, des extraits du logiciel interne de prise de rendez-vous et des tableaux des heures effectives de travail accomplies, qu’elle avait produit, étaient conformes aux exigences légales.

L’ancien système comptable enregistrait les déclarations fiscales réalisées par les employés sur une base annuelle, ce qui empêchait de les attribuer à un mois précis et avait parfois conduit à leur imputation au dernier mois de la relation contractuelle.

Elle produisait les décomptes hebdomadaires des heures signés par chaque collaborateur selon la pratique instaurée depuis juin 2022.

Les forfaits horaires avaient été fixés selon le cours ordinaire des choses et l’expérience générale de la vie. Ils avaient été acceptés à l’époque par les employés et aucun acteur de la branche ne les remettrait en cause.

La garantie de CHF 2'000.- visait à compenser les périodes où les employés ne percevaient que de faibles commissions. Ces dernières étaient versées de manière régulière et dépassaient presque systématiquement le salaire minimum voire le salaire médian du canton. La garantie tenait compte des heures accomplies dont la quotité était consignée de manière rigoureuse et en temps réel. Elle tenait compte de la réalité du travail et de la méthode de rémunération que l’OCIRT passait délibérément sous silence. Le raisonnement de ce dernier visait à proscrire le travail sur appel improprement dit, dès lors qu’il n’était pas compatible avec le salaire minimum. Or celui-ci était licite de sorte que l’attitude de l’OCIRT consacrait une violation du droit civil fédéral.

Elle détaillait le cas d’anciens employés dont tous les rattrapages avaient été effectués et toutes les heures prestées rémunérées. Les déclarations des trois managers ne pouvaient être extrapolées aux autres employés, vu leur devoir de fidélité leur imposant de fournir des prestations plus importantes que la norme en usage dans l’entreprise. Les trois managers étaient au surplus devenus des concurrents directs de A______, ce qui relativisait la crédibilité de leurs déclarations.

Elle avait dû citer en justice AB______ pour violation de l’interdiction de faire concurrence .

Les collaborateurs présents dans l’entreprise avaient eu connaissance de la procédure, qui avait déstabilisé A______, laquelle avait transféré ses activités dans le canton de Vaud le 1er septembre 2022, avec une équipe réduite par les dommages collatéraux de l’instruction de l’OCIRT. L’OCIRT n’exerçait plus d’autorité sur A______ depuis le 1er septembre 2022.

Elle rejetait les exigences de l’OCIRT du 2 décembre 2022 et contestait devoir des frais en lien avec l’obtention de preuves illicites. Elle regrettait de n’avoir pas été prise au sérieux alors qu’elle avait pleinement collaboré et payé les rattrapages dus. Jamais elle n’avait pu bénéficier d’un traitement équitable.

t. Le 19 février 2023, A______ a produit la preuve du paiement du montant encore dû à AA______.

Elle était très éprouvée par la fuite de ses employés et la concurrence déloyale qu’elle subissait (fichiers de clients utilisés ; partenariats rompus). Elle avait à cœur de respecter le droit du travail et même si elle avait pu commettre des erreurs à une époque où elle était conseillée par une fiduciaire, elle avait fait les rattrapages et modifié les contrats. Elle espérait que le dossier pourrait se clore rapidement.

u. Par décision du 18 avril 2023, l’OCIRT a infligé à A______ une amende administrative de CHF 30'000.-, mis à sa charge un émolument de CHF 100.- et des frais de contrôle de CHF 16'650.- et réservé les procédures de contrôle et de mise en conformité au droit public.

Les contrats avaient été modifiés en novembre 2020 au vu de l’entrée en vigueur des dispositions sur le salaire minimum. Les anciens contrats prévoyaient un engagement à raison de 40 heures par semaine. A______ avait unilatéralement établi les forfaits de novembre 2020 à mars 2022 en attribuant une moyenne de temps aux différentes tâches de travail possibles au sein de l’entreprise : 1 h pour l’analyse d’un dossier, 1 h pour un conseil, 2 h pour une déclaration fiscale, 8 h par mois pour la formation, 2 h par mois pour les bilans, 30’ par rendez-vous auprès des clients pour le temps de transport.

Afin de pouvoir établir la durée effective du travail, l’OCIRT s’était adressé à 20 anciens conseillers sur le nombre d’heures effectué durant la période du contrôle. Tous les conseillers avaient déclaré une durée effective près de trois fois supérieure aux heures indiquées par A______.

Le 27 juin 2022, il lui avait réclamé un rattrapage supplémentaire de CHF 135'576.99 et la mise en place d’un système de registre horaire conforme à la législation.

Le 3 août 2022, il lui avait réclamé un rattrapage supplémentaire de CHF 34'217.27 après avoir entendu trois nouveaux employés, réajustant le rattrapage total à CHF 169'794.26 pour 17 conseillers, et demandé à nouveau la mise en place de relevés d’heures pour l’avenir.

Le 2 décembre 2022, tenant compte des heures de formation durant la première semaine des rapports de service, des périodes de fermeture de l’entreprise (vacances des employés) et des commissions supplémentaires versées à des conseillers après la fin des rapports de travail, il avait effectué des corrections dans les rattrapages pour un total de – CHF 20'601.62. Les rattrapages s’élevaient à CHF 149'192.64 pour 17 conseillers. Le registre des heures de travail depuis avril 2022 n’avait toujours pas été mis en place.

Compte tenu de la détermination de A______ et du dernier rattrapage versé, l’OCIRT avait constaté une sous-enchère totale de CHF 190'887.21 pour 31 employés sur un total de 60 personnes occupées dans l’entreprise. Des rattrapages avaient été effectués pour CHF 42'847.48 en faveur de 22 conseillers et un rattrapage de CHF 148'039.73 restait dû pour 17 autres conseillers.

A______ n’avait procédé qu’à une régularisation partielle, avait toujours refusé de mettre en place un registre des heures et ne garantissait pas le versement du salaire minimum, ce qui constituait une mauvaise collaboration.

Le contrôle avait nécessité 111 heures d’analyse et de rédaction, et l’importance du travail s’expliquait par le nombre important d’employés visés – 60 – et les nombreuses pièces produites, qui avaient dû être comparées aux déclarations et éléments recueillis. Le total des heures se décomposait en 6 h de lecture et analyse des courriers de l’entreprise, 7 h de rédaction et analyse des courriers des conseillers, 83 heures d’analyse des documents transmis par l’entreprise et 15 h de rédaction des courriers de l’OCIRT.

B. a. Par acte remis au greffe le 17 mai 2023, A______ a recouru auprès de la chambre administrative contre cette décision, concluant au constat de sa nullité et de celle de la facture qui l’accompagnait. Subsidiairement, ces décisions devaient être annulées. Plus subsidiairement, le montant de l’amende et des frais de contrôle devaient être réduits. Préalablement, l’OCIRT devait être invité à produire son dossier complet et la comparution personnelle des parties et l’audition de témoins devaient être ordonnées.

La forme du travail sur appel improprement dit et la rémunération sous forme de commissions sur les affaires conclues auxquelles s’ajoutait une part de vacances de 8.33% constituaient la norme dans le domaine du courtage en assurances. Ses employés se connectaient quand et d’où ils voulaient au logiciel interne qui leur proposait des rendez-vous avec des clients et ils étaient libres de refuser les missions.

La rémunération était fixée sur la base d’un benchmark faisant partie intégrante du contrat de travail et fixant le taux de commissionnement par produit d’assurance.

Afin d’enregistrer le nombre d’heures de travail effectives de chaque employé, un bilan des tâches accomplies la semaine précédente était établi chaque semaine depuis la création de l’entreprise, entre chaque collaborateur et son responsable. À chaque tâche correspondait un nombre d’heures travaillées. Depuis mai 2022, les décomptes étaient systématiquement signés par les collaborateurs.

Toutes les heures de travail, y compris celles réalisées sans conclusion de contrats, étaient prises en compte dans les tableaux des heures qu’elle avait présentés à l’OCIRT.

La décision violait le droit international public. La collecte de preuves devait passer par la voie diplomatique. Les décomptes des employés résidant en AE______ avaient été obtenus de manière illicite et devaient être écartés de la procédure.

Son droit d’être entendue avait été violé. Elle n’avait pu poser la moindre question aux employés auprès desquels des décomptes avaient été sollicités. La décision querellée ne contenait aucune précision quant aux employés, aux montants individuels et à la période temporelle lors de laquelle des sous-enchères seraient intervenues, alors qu’elle s’était prononcée à plusieurs reprises sur la situation individuelle de chaque employé.

La décision violait la présomption d’innocence et reposait sur une constatation arbitraire des faits. Elle avait fourni sans tarder toutes les explications et les pièces requises. Les déclarations des anciens employés avaient été recueillies des mois ou des années après les faits. Elles faisaient état de durées très régulières, vraisemblablement afin de prétendre à des rattrapages salariaux importants que l’OCIRT avait indiqué aux anciens employés établir pour leur compte, si ce n’était uniquement pour déstabiliser A______ en tant que concurrente de l’entreprise pour laquelle les anciens employés travaillaient entre-temps. Les déclarations pouvaient avoir été influencées par le présupposé de départ de l’OCIRT annoncé en tête de ses communications, lequel laissait entendre à tort que la rémunération par commission était interdite, ce qui violait la présomption d’innocence. L’OCIRT n’avait requis aucun rattrapage pour plusieurs anciens employés, ce qui contredisait l’hypothèse d’une sous-enchère systématique. L’OCIRT aurait dû ne prendre en compte que les pièces produites par A______. À supposer que les déclarations fussent exploitables, l’OCIRT aurait dû mettre A______ au bénéfice du doute compte tenu des contradictions résultant de l’instruction. Il ne pouvait en tout cas soutenir que la multitude devait primer.

Les faits avaient été constatés de manière inexacte. L’OCIRT lui reprochait l’absence de mise en place d’un registre des heures effectivement travaillées. Or, elle avait toujours suivi en temps réel la durée du travail au sein de l’entreprise, à travers une procédure interne d’établissement des heures de travail accomplies sur déclaration des employés, corroborée au besoin grâce au logiciel de prise de rendez‑vous, alors qu’un tel contrôle était notoirement difficile dans le cadre du travail sur appel improprement dit. Elle avait mis en place dès le début de la procédure de contrôle une garantie salariale sous forme d’avance sur commission, dont le montant avait été établi de manière empirique, compte tenu que les commissions étaient versées régulièrement et dépassaient presque systématiquement le salaire minimum genevois voire plutôt le salaire médian genevois.

Le principe de la bonne foi avait été violé. L’OCIRT avait confirmé le 9 mai 2022 le montant des rattrapages à opérer, qu’elle avait immédiatement honorés, soit CHF 42'585.86. Alors que la régularisation devait s’achever avec ces rattrapages, l’OCIRT avait recueilli des déclarations d’anciens employés sans l’en informer et leur avait même transmis des pièces bancaires relatives aux rattrapages effectués. L’OCIRT l’avait incitée à produire les pièces déterminantes puis à effectuer des rattrapages pour mieux la contraindre ensuite à augmenter ceux-ci sur la base des déclarations recueillies de manière illégale, ce qui constituait un comportement déloyal.

La décision était arbitraire. Les violations graves et répétées du droit international et de procédure suisse dont elle était affectée heurtaient le sentiment de justice et d’équité, dans la mesure où la décision prononçait la sanction la plus lourde envers un employeur qui avait toujours eu pour souci de réparer ses erreurs, qui avait répondu sans réserve aux sollicitations de l’OCIRT et qui avait démontré avoir intégralement rétabli une situation conforme au droit.

La sanction était disproportionnée. Seul un écart de CHF 42’847.48 par rapport aux prescription applicables pouvait lui être reproché. Elle avait immédiatement procédé aux rectifications requises. Elle s’était trouvée dans une erreur sur l’illicéité pour avoir cru de bonne foi ne pas être soumise au respect du salaire minimum en raison de son mode de rémunération, ce que lui avait confirmé sa protection juridique.

Il ne pouvait être question d’indemniser l’OCIRT pour du travail d’analyse portant pour l’essentiel sur des pièces obtenues en violation du droit international public.

b. Le 22 juin 2023, l’OCIRT s’est plaint que la recourante déclarait ne produire de pièces que relativement à la preuve des circonstances factuelles essentielles et demandait à la chambre administrative d’inviter l’OCIRT à produire tout son dossier. Une telle manière de procéder ne répondait pas au devoir de collaboration que la loi imposait à la recourante. Un bref délai devait lui être imparti pour produire toutes les pièces dont elle disposait, à défaut de quoi son recours devrait être déclaré irrecevable.

c. Le 23 juin 2023, le juge délégué a invité l’OCIRT à produire ses observations et une copie complète de son dossier.

d. Le 6 juillet 2023, l’OCIRT a conclu au rejet du recours et produit une copie complète de sa procédure ainsi que quatre pièces nouvelles.

Le benchmark produit par la recourante n’indiquait rien sur la durée effective du travail. Seul était déterminant le salaire minimum, dont le contrôle supposait de calculer la rémunération horaire et donc de connaître les heures effectivement travaillées. Rien dans les documents produits par la recourante n’attestait de la durée effective du travail. La fixation abstraite et globale de la durée du travail n’était pas conforme aux règles sur le salaire minimum cantonal, même si elle avait l’accord des employés. Les premiers rattrapages avaient été acceptés en vue et non à titre de règlement définitif. L’appel à la patience ne dénotait aucune sympathie mais invitait les travailleurs à se garder de toute précipitation. Les pièces bancaires étaient des ordres bancaires non encore transmis, soumis aux employés pour savoir s’ils avaient été exécutés. L’OCIRT avait de bonnes raisons de croire que la nature effective du travail avait peu changé avec les modifications successives des contrats. La recourante n’alléguait pas un changement de l’organisation du travail. La présence souhaitée à la place de travail plaidait pour une durée hebdomadaire du travail régulière. On ne discernait pas en quoi les heures déclarées par l’employeur seraient plus fiables que celles déclarées par les travailleurs. Les remarques formulées par la recourante avaient été prises en compte et l’OCIRT avait modifié ses conclusions. C’était la confrontation des déclarations des travailleurs aux documents fournis par l’employeuse qui permettait d’en stabiliser la valeur probante. L’identité des travailleurs avait été établie très tôt et on ne pouvait prétendre l’ignorer.

Les employés contactés étaient des frontaliers, qui devaient bénéficier des mêmes conditions de travail et de la même protection que les résidents suisses. Les courriers adressés en AE______ ne comportaient pas de conséquences légales mais requéraient des informations. Le siège de l’entreprise était à Genève, les employés travaillaient dans le canton mais aussi dans la zone frontalière. Le salaire minimum bénéficiait aux travailleurs actifs dans le canton, indépendamment de leur domicile. Les informations devaient pouvoir être recueillies en zone frontalière pour vérifier le respect de la loi. Si les preuves devaient être considérées comme obtenues de manière illégale, l’intérêt public à la manifestation de la vérité en vue de l’application du salaire minimum qui visait à combattre la pauvreté devait l’emporter sur l’intérêt privé de l’entreprise.

Le nombre des travailleurs concerné était élevé, la sous-enchère était importante, la collaboration n’avait pas été aussi optimale que le prétendait la recourante, qui avait refusé de mettre en place un enregistrement du nombre d’heures effectives alors qu’il s’agissait d’une obligation légale. Ces éléments appelaient une sanction sévère. Les frais de contrôle étaient parfaitement justifiés.

Les faits avaient été établis de façon exacte et sans arbitraire. Aucune des pièces fournies par la recourante n’avait la valeur probante que celle-ci lui attribuait. Les tableaux des heures n’avaient pas été signés par les employés et les bilans hebdomadaires établis dès mai 2022 ne contenaient rien à propos des heures effectives de travail. L’OCIRT avait expliqué à la recourante que ces pièces laissaient subsister des doutes.

Le salaire minimum était fixé par heure de travail effectuée, soit le temps effectivement passé au travail et non le travail (tâche, pièce, mission, rendez-vous, etc.) accompli. La majorité des contrats-type de travail avec salaire minimum retenaient la durée effective du travail. En droit fédéral, les registres et pièces à fournir par l’employeur devaient comporter notamment les durées quotidienne et hebdomadaire du travail effectivement fourni. Le salaire minimum s’accommodait mal d’une fixation globale et abstraite de la durée du travail.

e. Le 24 août 2023, la recourante a persisté dans ses conclusions et son argumentation.

Les quatre pièces nouvelles produites par l’OCIRT (tableau « détail des heures et salaires des employés », tableau « détail des infractions », « liste des travailleurs » et capture d’écran d’une offre d’emploi sur un site inconnu) tendaient à réparer le défaut de motivation de la décision attaquée, ne constituaient aucunement des éléments de preuve des infractions reprochées et visaient à compléter a posteriori l’état de fait, de sorte qu’elles devaient être déclarées irrecevables. Il en allait de même de l’argumentation sur les anciens contrats de travail, sur lesquels elle n’avait jamais été appelée à se déterminer.

L’OCIRT n’avait émis aucune réserve sur ses déclarations et explications durant l’instruction. Elle mettait en cause sa probité en soulevant des doutes sur l’existence d’une procédure de bilan avant mai 2022. Une instruction équitable aurait dû la conduire à interroger ses employés, y compris actuels, sur cette question. L’OCIRT avait affiché de l’hostilité à son endroit.

f. Le 25 août 2023, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

g. Il sera revenu en tant que de besoin dans la partie en droit sur les arguments et pièces des parties.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             La recourante conclut à titre préalable à sa comparution personnelle et à l’audition de témoins.

2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit ne s'étend qu'aux éléments pertinents pour l'issue du litige et n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

2.2 En l’espèce, la recourante s’est vu offrir l’occasion de déployer son argumentation et de faire valoir toute pièce utile devant l’OCIRT puis la chambre de céans. Elle n’indique pas quels éléments supplémentaires utiles à la solution du litige qu’elle n’aurait pu produire par écrit son audition serait susceptible d’apporter. En particulier, elle n’indique pas sur quoi son audition ou l’audition des témoins devraient porter et ne désigne aucun témoin. Elle ne demande en particulier pas que soient entendus les anciens employés. La chambre de céans dispose d’un dossier complet et la procédure est en état d’être jugée.

Il ne sera pas donné suite à la demande d’actes d’instruction.

3.             Dans un premier grief, d’ordre formel, la recourante se plaint d’une violation du droit international public. L’intimé ne pouvait selon elle solliciter les déclarations des employés domiciliés en AE______ sans passer par l’entraide. Celles-ci seraient partant inexploitables et devraient être écartées de la procédure.

3.1 Qu’elle soit administrative ou judiciaire, l’entraide vise à surmonter l’obstacle de la souveraineté étatique. Il est communément admis en droit international public que chaque État détient une sphère exclusive de pouvoir sur le territoire et la population qui le constituent. Subséquemment, un État ne peut exercer son autorité sur le territoire et la population d’un autre État sans le consentement de celui-ci. Dans le cadre de l’entraide internationale, et dans le but de lever l’obstacle de la souveraineté, se noue une relation d’État à État, dont les rapports sont régis par le droit international, notamment par la source la plus abondante de celui-ci : les traités. La procédure d’entraide est ouverte par l’État requérant qui demande à l’État requis de lui fournir des personnes, des informations, des renseignements qui ne peuvent être obtenus qu’avec le concours de l’État requis, parce que les personnes ou les données en question se trouvent sous la juridiction de cet État (Robert ZIMMERMANN, Entraide administrative et entraide judiciaire en matière pénale : délimitations, points de contact, convergences et divergences, in : Étienne POLTIER/Anne-Christine FAVRE/Vincent MARTENET, L’entraide administrative, évolution ou révolution, 2019, p. 12).

La doctrine distingue notification à l’étranger et établissement de faits s’étant produits à l’étranger.

3.2 La notification porte sur les décisions administratives étrangères ou à l’étranger. La Suisse a ratifié le 4 juin 2019 la Convention Conseil de l’Europe n° 94 du 24 novembre 1977 sur la notification à l’étranger des documents en matière administrative (convention n° 94 - RS 0.172.030.5), laquelle est entrée en vigueur pour elle le 1er octobre 2019.

Selon le message du Conseil fédéral du 30 août 2017 à l’appui de la ratification des conventions n° 94 et n° 100, en principe, les décisions destinées aux personnes qui se trouvent à l’étranger doivent en l’absence de convention leur être notifiées par la voie diplomatique ou consulaire. La voie postale n’est admise que pour de simples communications sans effet juridique (FF 2017 5594).

3.3 La Suisse a signé en 1978 mais n’a pas ratifié la Convention du Conseil de l’Europe n° 100 du 15 mars 1978 sur l’obtention à l’étranger d’informations et de preuves en matière administrative (convention n° 100 - FF 2016 5631).

Celle-ci prévoit que les États contractants s’engagent à se fournir des informations concernant leur droit, leurs règlements et leurs usages en matière administrative (art. 13) et des informations de fait dont ils disposent en matière administrative et à délivrer des expéditions, des copies ou des extraits de documents administratifs (art. 14) lorsque la demande en est faite dans un intérêt administratif par une autorité de l’État requérant. Lorsque la demande est faite dans un intérêt administratif par une autorité de l’État requérant, les États contractants s’engagent à y donner suite par des enquêtes ou toute autre procédure, selon les formes prévues ou admises par la législation ou les usages de l’État requis et sans employer de moyens de contrainte (art. 15). Une juridiction administrative ou toute autorité qui exerce des fonctions juridictionnelles en matière administrative dans l’un des États contractants peut, conformément aux dispositions de la législation dudit État, demander par commission rogatoire à l’autorité centrale d’un autre État contractant de faire procéder par l’autorité compétente à une mesure d’instruction, à condition qu’une telle procédure soit admise pour le cas d’espèce dans l’État requis (art. 19 § 1). L’autorité qui procède à l’exécution d’une commission rogatoire applique son droit interne en ce qui concerne les formes à suivre et les moyens de contrainte à appliquer (art. 20 § 1). Toutefois, il est déféré à la demande de l’autorité requérante tendant à ce qu’il soit procédé suivant une forme déterminée lorsque celle-ci n’est pas incompatible avec la loi et les usages de l’État requis, notamment en ce qui concerne la communication aux parties intéressées de la date et du lieu où il sera procédé à la mesure requise (art. 20 § 2). La commission rogatoire n’est pas exécutée pour autant que la personne qu’elle vise invoque une dispense ou une interdiction de déposer établies : (a) soit par la loi de l’État requis ; (b) soit par la loi de l’État requérant et spécifiées dans la commission rogatoire ou, le cas échéant, attestées par l’autorité requérante à la demande de l’autorité requise (art. 20 § 3).

Le rapport explicatif du Conseil de l’Europe de la convention n° 100, du 15 mars 1978 (accessible en ligne à l’adresse https://rm.coe.int/16800ca440) précise que la commission rogatoire porte sur le mandat donné à une autorité étrangère par une juridiction administrative ou une autorité exerçant des fonctions juridictionnelles en matière administrative, de procéder en ses lieu et place à des mesures d'instruction, notamment l'audition de témoins ou d'experts, la prestation de serment, etc. (§ 60 p. 13).

Le message du Conseil fédéral du 30 août 2017 à l’appui de la ratification des conventions n° 94 et n° 100 évoque les moyens de preuve (pièces, allégués, témoignages et autres) qui se trouvent en Suisse (FF 2017 5595). Il précise que par enquêtes, la convention entend par exemple l’inspection locale, un constat administratif ou des informations sur un comportement déterminé (FF 2017 5608).

3.4 En matière administrative, la question de savoir quels sont les moyens de preuve admis relève de la procédure administrative, régie en principe, devant les autorités cantonales, par le droit cantonal, sous réserve de dispositions de droit fédéral (ATF 139 II 7 consid. 5 résumé in SJ 2013 I 179).

Le Tribunal fédéral déduit du droit à un procès équitable l’interdiction de principe d’utiliser des preuves acquises illicitement (ATF 139 II 7 précité ; 136 V 117 consid. 4.2.2). L’exclusion de tels moyens n’est toutefois pas absolue, le juge devant opérer une pesée des intérêts en présence (ATF 131 I 272 consid. 4). Ces règles sont également applicables aux procédures régies par la maxime inquisitoire, telle la présente procédure (art. 19 LPA, qui parle à tort de maxime d'office ; ATA/1138/2022 précité consid. 5a et les références citées).

3.5 En l’espèce, l’OCIRT s’est adressé, selon la recourante, à 18 de ses anciens travailleurs domiciliés en AE______ par pli simple ou par courriel.

Il ressort par ailleurs des pièces produites par l’intimé que plusieurs autres anciens travailleurs (H______, Z______, AF______) ont reçu le courrier de l’OCIRT en Suisse.

Le courrier de l’OCIRT indique qu’il procède à un contrôle du respect du salaire minimum. Il précise que le contrat transmis par l’employeur ne mentionne pas la durée hebdomadaire du travail. Il demande au destinataire d’indiquer son horaire de travail effectif sur un formulaire.

Ce courrier constitue une simple invitation (« nous vous demandons de bien vouloir nous retourner le document annexé » ; « nous vous remercions de bien vouloir nous répondre »). Il en va de même des rappels.

Il ne comporte ni n’évoque de conséquences juridiques, ni ne modifie la situation juridique de son destinataire, étant observé que le travailleur qui entend réclamer le paiement d’heures de travail doit former une demande par-devant le Tribunal des Prud’hommes. Il ne se présente pas comme une décision et ne mentionne ni voies ni délais de recours. Il ne constitue pas une décision.

Les informations qu’il vise à recueillir ne sont pas en possession de l’État français (« informations de fait dont » les parties à la Convention n° 100 « disposent en matière administrative ; art. 14), mais du destinataire. Le courrier ne requiert pas le « témoignage » du destinataire, nonobstant le choix terminologique impropre de l’intimé dans ses écritures, mais de simples informations, sous la forme d’une déclaration écrite, étant précisé que l’OCIRT n’est pas une autorité qui peut entendre de témoins selon l’art. 28 al. 1 LPA (infra, consid. 4). Il n’exerce aucune contrainte, les destinataires étant libres de ne pas répondre et leur réponse comme leur silence n’emportant aucune conséquence sur leurs droits.

Les informations requises portent sur des faits s’étant produits en Suisse, dans le cadre d’une relation de travail entre une société de droit suisse et ses anciens travailleurs – frontaliers –, ce dernier fait ressortant de manière non équivoque du domicile français des travailleurs. Elles devaient se trouver en Suisse et auraient dû être recueillies et fournies par l’employeur, que la loi astreint, comme il sera vu plus loin, à la tenue d’un décompte des heures effectives.

Si l’intimé avait convoqué par pli simple ou courriel les anciens travailleurs pour les entendre en Suisse, au lieu de leur demander – vraisemblablement par pragmatisme – des indications écrites par la voie postale, sa démarche se serait inscrite dans le cadre de la convention n° 94, si bien que le mode de communication et les informations recueillies en Suisse, y compris en y complétant le cas échéant le formulaire, n’auraient été affectés d’aucun vice.

La question de savoir si la demande d’informations, objet des critiques de la recourante aurait dû être accomplie par la voie diplomatique pourra souffrir de rester indécise. En effet, en toute hypothèse, les preuves auraient également pu être recueillies de manière licite par l’intimé en convoquant, par pli simple à leur adresse française, les anciens travailleurs dans ses bureaux à Genève pour les entendre ou leur soumettre le formulaire à compléter. Elles auraient d’ailleurs également pu être collectées auprès de l’employeur genevois, si celui-ci avait déféré aux demandes de l’OCIRT et s’était conformé à ses obligations.

Il reste à déterminer le sort qui devrait être réservé aux formulaires versés à la procédure, en procédant à une pesée des intérêts.

L’intimé peut être suivi lorsqu’il fait valoir l’intérêt prépondérant à la découverte de données que la recourante devait détenir mais n’a pas transmis, s’agissant de l’application d’une loi ayant pour objectif de lutter contre la pauvreté. Le Tribunal fédéral, examinant une loi neuchâteloise similaire sur le salaire minimum, a estimé qu’elle instaurait un « filet de sécurité » (ATF 143 I 403 consid. 7.7). La chambre constitutionnelle de la Cour de justice a retenu à propos de la loi genevoise que l’instauration d’un salaire minimum visait à lutter contre la pauvreté à Genève et enrayer le phénomène des travailleurs pauvres, en leur permettant de vivre de leur emploi sans devoir recourir à l’aide sociale (ACST/35/2021 du 21 octobre 2021 consid. 8). La chambre de céans a relevé que l’institution du salaire minimum visait à combattre la pauvreté, favoriser l’intégration sociale et contribuer ainsi au respect de la dignité humaine (ATA/666/2021 du 29 juin 2021 consid. 3a). L’art. 7 Cst. - prévoit que la dignité humaine doit être respectée et protégée. L’art. 12 Cst. prévoit que quiconque est dans une situation de détresse et n’est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d’être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine. Cette disposition consacre la garantie des besoins humains élémentaires afin de prévenir un état de mendicité indigne de la condition humaine. Par conséquent, lorsqu’elle trouve à s’appliquer, il ne saurait être question de la restreindre (Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, 2006, n. 1520). L’art. 14 al. 1 de la constitution genevoise du 14 octobre 2012 (Cst‑GE – A 2 00) prévoit que la dignité humaine est inviolable. L’art. 212 al. 2 Cst‑GE charge l’État notamment de combattre les causes de la pauvreté.

Il n’est pas douteux que ces dispositions poursuivent un objectif fondamental, consistant à protéger une qualité constitutive de l’être humain, soit sa dignité.

En l’espèce, l’établissement par l’OCIRT de l’horaire de travail effectif des travailleurs de la recourante vise à s’assurer que celle-ci respecte le salaire minimum imposé par la loi. L’établissement des faits a donc pour but, pour l’OCIRT, de s’assurer que la dignité humaine des travailleurs a été respectée. Cet intérêt peut d’autant plus être considéré comme prépondérant, par rapport à celui de la recourante à voir le cas échéant écarter les formulaires complétés, que celle-ci n’a pas respecté son obligation d’informer complètement l’OCIRT, comme il sera vu plus loin. Aussi, s’il fallait admettre que les pièces ont été recueillies de manière illicite, la pesée des intérêts en présence justifierait qu’elles soient conservées à la procédure.

Le grief sera écarté.

4.             Dans un second grief d’ordre formel, la recourante se plaint de la violation de son droit d’être entendue. L’OCIRT avait procédé à son insu à la récolte de preuves. Elle n’en avait pas été informée et n’avait pas été invitée à exercer son droit à une audition contradictoire des anciens employés. La décision attaquée ne décrivait par ailleurs pas avec la précision requise l’état de fait qui lui était imputé. Enfin, des pièces nouvelles de l’OCIRT devaient être retirées de la procédure.

4.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 Cst, le droit d’être entendu comprend le droit pour les parties de faire valoir leur point de vue avant qu’une décision ne soit prise, de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur la décision, d’avoir accès au dossier, de participer à l’administration des preuves, d’en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 146 IV 218 consid. 2.3).

4.2 Le droit d’être entendu implique également le devoir pour l’autorité de motiver sa décision. Selon la jurisprudence, il suffit que l’autorité mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l’ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l’intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l’attaquer en connaissance de cause. L’autorité n’a pas l’obligation d’exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à l’examen des questions décisives pour l’issue du litige (ATF 145 IV 99 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_582/2021 du 21 février 2023 consid. 3.1).

4.3 Une décision entreprise pour violation du droit d'être entendu n'est en principe pas nulle, mais annulable (ATF 136 V 117 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_5/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3). La réparation du droit d'être entendu en instance de recours n'est possible que lorsque l'autorité dispose du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure (ATF 138 I 97 consid. 4.16.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_533/2012 du 12 septembre 2013 consid. 2.1). Elle dépend aussi de la gravité et de l'étendue de l'atteinte portée au droit d'être entendu et doit rester l'exception (ATF 126 I 68 consid. 2) ; elle peut cependant se justifier en présence d'un vice grave lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 137 I 195 consid. 2.3.2 ; 136 V 117 consid. 4.2.2.2). La possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de cette violation. La partie lésée doit pouvoir faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu'elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/711/2020 du 4 août 2020 consid. 4b).

4.4 Selon l’art. 28 al. 1 LPA, lorsque les faits ne peuvent être éclaircis autrement, les autorités suivantes peuvent au besoin procéder à l’audition de témoins : le Conseil d’État, les chefs de départements et le chancelier (let. a) ; les autorités administratives qui sont chargées d’instruire des procédures disciplinaires (let. b) ou les juridictions administratives (let. c). L’art. 42 al. 1 LPA prévoit que les parties ont le droit de participer à l’audition des témoins, à la comparution des personnes ordonnées par l’autorité ainsi qu’aux examens auxquels celle-ci procède.

4.5 Dans un cas portant sur l’audition par l’OCIRT de chauffeurs d’une plateforme de diffusion de courses, la chambre de céans a retenu que les chauffeurs n’ayant pas été entendus par une autorité au sens de l’art. 28 al. 1 LPA, ils ne pouvaient être considérés comme des témoins. L’OCIRT n’était en conséquence pas tenu de convier les recourantes aux auditions des chauffeurs. Cela étant, les procès-verbaux de ces auditions avaient été adressés aux recourantes avant le prononcé de la décision et celles-ci n’avaient pas sollicité l’audition des chauffeurs par la chambre administrative. En outre, si tant est qu’il fallût admettre une violation de leur droit d’être entendues, celle-ci avait été réparée devant la chambre administrative, les recourantes ayant pu se déterminer sur ces auditions devant celle-ci, étant relevé que la chambre administrative disposait d’une pleine cognition en fait et en droit (ATA/1151/2020 du 17 novembre 2020 consid. 4bb). Le même raisonnement a été appliqué plus récemment à l’audition par l’OCIRT d’employés de maison et de voisins dans un cas de respect des conditions du contrat-tYpe de travail de l’économie domestique (ATA/1268/2023 du 24 novembre 2023 consid. 4).

Saisi d’un recours contre l’ATA/1151/2020, le Tribunal fédéral a relevé que l'argument tiré de l'absence de la qualité de témoin n'était pas forcément décisif, dès lors que pouvait exister un droit de participer à l'audition de personnes appelées à fournir des renseignements par exemple. Cela étant, la jurisprudence retenait notamment, en procédure fédérale, qu'il n'y avait pas de violation du droit d'être entendu lorsque la partie avait eu la possibilité de prendre connaissance du procès‑verbal des auditions et de se déterminer à ce sujet (arrêt 1C_534/2010 du 1er mars 2011 consid. 3.2). Le recourant ne démontrait pas que le droit de procédure cantonal genevois offrirait des garanties plus étendues. Les recourantes avaient reçu les procès-verbaux des auditions ; elles avaient pu se prononcer avant que la décision ne soit rendue puis dans le cadre du recours devant la chambre administrative. Elles auraient pu du reste demander l'audition des chauffeurs devant la chambre administrative, ce qu'elles n'avaient pas fait. Dans ces conditions, leur droit d'être entendues avait été respecté. En tant que les recourantes soulignaient, particulièrement dans leur réplique, que les témoignages des chauffeurs n'étaient pas probants, leur critique relevait de l'appréciation des preuves et non du droit d'être entendues (arrêt du Tribunal fédéral 2C_34/2021 du 20 mai 2022 consid. 4.2.2).

4.6 En l’espèce, le raisonnement précité au sujet de l’audition des chauffeurs de plateformes peut être transposé à la collecte des données par les formulaires remplis par les anciens travailleurs dans la présente procédure.

L’OCIRT n’était pas tenu de faire participer la recourante à leur audition, sous forme écrite ou orale.

Cela étant, il a annoncé à la recourante sa démarche auprès des anciens travailleurs le 27 juin 2022 puis produit tous les formulaires dûment remplis par les employés le 3 août 2022 durant l’instruction de la décision, ainsi que, à nouveau, avec sa réponse devant la chambre de céans. La recourante possédait toutes les informations lorsqu’elle a recouru. Elle n’a demandé explicitement ni dans son recours ni dans sa réplique l’audition contradictoire des anciens employés. S’il fallait admettre une violation de son droit d’être entendue, celle-ci aurait été réparée au plus tard devant la chambre de céans, dès lors qu’elle a pu se déterminer sur ces auditions devant celle-ci.

Le grief sera écarté.

4.7 La recourante reproche à l’OCIRT d’avoir violé également son droit d’être entendue en ce qu’il ne décrit aucunement avec la précision requise l’état de fait qui lui est imputé et ne contient aucune précision quant aux employés, les montants individuels et la période temporelle des sous-enchères.

Elle ne peut être suivie. L’OCIRT a chiffré dans sa décision la sous-enchère salariale à un total de CHF 190’887.21 correspondant à 31 employés pour la période de novembre 2020 à mai 2022. Il a décrit son mécanisme et comment il avait découvert celui-ci. Les chiffres de la sous-enchère salariale suspectée, ventilés par employé, avaient été soumis au fur et à mesure de leur découverte à la recourante (courriers de l’OCIRT des 9 mai, 27 juin, 3 août et 2 décembre 2022), ce que la décision rappelle. Dès le 3 août 2022, la recourante possédait une copie des formulaires. La recourante a eu l’occasion, déjà devant l’OCIRT, de discuter point par point la sous-enchère salariale reprochée pour chaque employé. Elle a saisi cette occasion et a adressé à plusieurs reprises à l’OCIRT des critiques détaillées, employé par employé, en relation notamment avec les périodes de formation, les vacances et les périodes de fermeture de l’entreprise ainsi que des critiques générales concernant le mode de collecte de l’information et la crédibilité des anciens employés. L’intimé a pris en compte ces critiques et a à plusieurs reprises modifié ses calculs en faveur de la recourante.

Le grief sera écarté.

4.8 La recourante demande enfin que soient retirées de la procédure les pièces 1 à 4 nouvelles. Selon elle, en les produisant avec ses observations, l’OCIRT aurait tenté de compléter a posteriori l’état de fait de la décision attaquée et partant de dévier de l’objet du litige. Dans le même ordre d’idées, l’OCIRT aurait tiré argument des contrats de travail existant avant l’introduction du salaire minimum sans l’inviter à s’exprimer à leur sujet.

4.9 L'objet du litige est principalement défini par l'objet du recours, les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu'il invoque. L'objet du litige correspond objectivement à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/242/2020 du 3 mars 2020 consid. 2a). L'objet d'une procédure administrative ne peut donc pas s'étendre ou qualitativement se modifier au fil des instances, mais peut tout au plus se réduire dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés. Ainsi, si un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, il ne peut pas prendre, dans son mémoire de recours, des conclusions qui sortent du cadre des questions traitées dans la procédure antérieure (ATA/1628/2019 du 5 novembre 2019 consid. 2b).

4.10 Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. comporte celui de s'exprimer avant qu'une décision soit rendue (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 144 I 11 consid. 5.3). Une partie à un procès doit pouvoir prendre connaissance de toute observation ou pièce soumise au tribunal et se déterminer à son propos, que celle‑ci contienne ou non de nouveaux éléments de fait ou de droit, et qu'elle soit ou non concrètement de nature à influer sur le jugement à rendre. En ce sens, il existe un véritable droit à la réplique qui vaut pour toutes les procédures judiciaires (ATF 133 I 98 consid. 2.1 ; 133 I 100 consid. 4.3 ss ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_225/2019 du 27 juin 2019 consid. 2.1).

Lorsqu'une partie se voit communiquer par le juge une écriture ou des pièces nouvelles, il lui appartient, si elle souhaite s'exprimer à leur sujet, de faire spontanément usage de son droit de réplique ; si elle s'en abstient, elle est censée y avoir renoncé après l'écoulement d'un délai raisonnable (ATF 133 I 98 consid. 2.2 ; 132 I 42 consid. 3.3.3 - 3.3.4).

4.11 En l’espèce, le litige a pour objet la décision de l’intimé infligeant à la recourante une amende administrative, un émolument et des frais de contrôle pour non-respect du salaire minimum.

Les pièces « nouvelles » produites par l’OCIRT avec ses observations portent sur les faits pertinents pour la solution du litige, soit les employés concernés, le détail de leurs horaires et de leurs salaires et les infractions retenues ainsi qu’une offre d’emploi portant sur la même activité. En produisant ces pièces, l’OCIRT n’apparaît pas avoir cherché à compléter l’objet du litige ni à s’en écarter.

Cela étant, le détail des heures de travail et des salaires des employés (pièce 1) ainsi que les infractions retenues (pièce 2) apparaissent comme des synthèses de données soumises antérieurement par l’OCIRT à la recourante. Une liste des employés (pièce 3) se trouvait déjà dans le dossier (classeur 1 pp. 753-754) produit par l’intimé. Il sera vu plus loin que la capture d’écran d’une offre d’emploi de courtier en assurances à temps plein et pour une durée indéterminée est sans pertinence pour l’issue du litige, qui peut être tranché à la lumière de la loi sur l'inspection et les relations du travail du 12 mars 2004 (LIRT - J 1 05) et sans qu’il soit besoin de déterminer si les contrats « mixtes » introduits par la recourante constituent ou non la norme dans la profession.

La recourante a eu tout loisir de se déterminer sur ces pièces et de les critiquer au stade de la réplique.

La recourante se plaint encore de ne pas avoir été invitée à s’exprimer sur les anciens contrats de travail. Elle ne peut être suivie. L’OCIRT lui avait réclamé le 22 mars 2022, les contrats de travail en vigueur avant novembre 2020. Le 20 avril 2022, elle avait expliqué que les nouveaux contrats de travail en vigueur depuis le 1er novembre 2020 avaient été établis pour correspondre exactement aux prestations de travail effectuées (contrats à la tâche et non à plein temps). Le 9 mai 2022, l’OCIRT lui avait fait observer que les contrats antérieurs à novembre 2022 indiquaient une durée hebdomadaire du travail de 40 heures. La recourante ne soutient pas pour le surplus qu’elle aurait ignoré que la modification à son initiative de la plupart des contrats de travail lors de l’entrée en vigueur du salaire minimum pouvait être déterminante pour évaluer le respect de ce dernier.

Le grief sera écarté.

5.             La recourante se plaint de la violation du principe de la présomption d’innocence et d’une constatation arbitraire des faits. L’intimé avait accordé à tort une force probante accrue aux déclarations d’anciens employés, recueillies bien après les faits, fondées sur aucune pièce probante et comportant des contradictions et des incohérences reconnues par l’OCIRT. L’OCIRT avait enfin agi de façon déloyale.

5.1 La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle le juge établit les faits d’office (art. 19 LPA), sans être limité par les allégués et les offres de preuves des parties. Dans la mesure où l'on peut raisonnablement exiger de l’autorité qu’elle les recueille, elle réunit ainsi les renseignements et procède aux enquêtes nécessaires pour fonder sa décision. Elle apprécie les moyens de preuve des parties et recourt s’il y a lieu à d'autres moyens de preuve (art. 20 LPA). Mais ce principe n’est pas absolu, sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA). Celui-ci comprend en particulier l’obligation des parties d’apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d’elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l’absence de preuves (ATF 128 II 139 consid. 2b ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_454/2017 du 16 mai 2018 consid. 4.1 ; 2C_524/2017 du 26 janvier 2018 consid. 4.2 ; ATA/880/2021 du 31 août 2021 consid. 3a et les références citées).

5.2 En procédure administrative, tant fédérale que cantonale, la constatation des faits est gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves (art. 20 al. 1 2ème phr. LPA ; ATF 139 II 185 consid. 9.2 ; 130 II 482 consid. 3.2 ; ATA/573/2015 du 2 juin 2015). Le juge forme ainsi librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées, et ce n'est ni le genre, ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (ATA/880/2021 précité consid. 3b ; ATA/1162/2015 du 27 octobre 2015 consid. 7)

5.3 En matière de sanctions administratives ou de mesures administratives équivalant à des sanctions pénales, le principe de la présomption d’innocence (in dubio pro reo) s’applique. Garantie par l'art. 32 al. 1 Cst. et l'art. 6 § 2 CEDH, celle-ci porte à la fois sur la répartition du fardeau de la preuve dans le procès pénal, d'une part, et sur la constatation des faits et l'appréciation des preuves, d'autre part. En tant que règle sur le fardeau de la preuve, elle signifie, au stade du jugement, que le fardeau de la preuve incombe à l'accusation et que le doute doit profiter à l'accusé. Comme règle sur l'appréciation des preuves, elle est violée lorsque le juge, qui s'est déclaré convaincu, aurait dû éprouver des doutes quant à la culpabilité de l'accusé au vu des éléments de preuve qui lui étaient soumis. Dans cette mesure, elle se confond avec l'interdiction générale de l'arbitraire, prohibant une appréciation reposant sur des preuves inadéquates ou sans pertinence (arrêt du Tribunal fédéral 1C_274/2012 du 11 mars 2013 consid. 3.1 et les références citées).

5.4 L’art. 22 LPA prévoit que les parties sont tenues de collaborer à la constatation des faits dans les procédures qu’elles introduisent elles-mêmes, dans celles où elles y prennent des conclusions indépendantes ainsi que dans les autres cas prévus par la loi.

Selon l’art. 39M LIRT, l’OCIRT et l'inspection paritaire des entreprises sont compétents pour contrôler le respect par les employeurs des dispositions sur le salaire minimum (al. 1). Tout employeur doit pouvoir fournir en tout temps à l'office ou à l'inspection paritaire un état détaillé des salaires versés à chaque travailleur et du nombre correspondant d'heures de travail effectuées (al. 2).

5.5 En l’espèce, la recourante ne peut être suivie lorsqu’elle affirme qu’elle a pleinement collaboré avec l’OCIRT en vue de l’établissement des faits.

Elle a, certes, remis le 28 février 2022 une liste des collaborateurs, des relevés d’« analyses », « conseils » et « RDV suivi » par employé de novembre 2020 à janvier 2022 ainsi que la déclaration des salaires versés par l’employeur et des déductions sociales pour 44 personnes en 2021. Elle a ensuite produit, le 20 avril 2022, un tableau récapitulatif pour 2020 et 2021 indiquant les heures de travail, le salaire total et le taux horaire calculés pour chacun des collaborateurs ainsi que, pour chaque salarié, un récapitulatif des heures de travail ainsi que des commissionnements. Elle a fourni, le 13 juin 2022, les tableaux des rattrapages salariaux pour 2020, 2021 et 2022 sans compensation, les contrats de travail des nouveaux collaborateurs de 2022, les heures travaillées par collaborateur de janvier à mai 2022, les fiches de salaire de tout le personnel pour avril et mai 2022 ainsi que la preuve des régularisations et les avenants aux contrats de travail suite à la mise en place d’un salaire fixe (avance sur commissions) dès mai 2022. Ce n’est qu’après que l’OCIRT lui avait annoncé le 27 juin 2022 avoir interpellé d’anciens travailleurs puis lui eut remis le résultat de ces interpellations et après qu’elle se fût plainte auprès de l’OCIRT de la démarche et eût demandé la récusation de l’enquêteur que la recourante a, le 20 octobre 2022, critiqué de manière détaillée les éléments soumis par l’OCIRT.

À aucun moment, cependant, la recourante n’a fourni à l’OCIRT les décomptes détaillés par employé des heures de travail effectives que celui-ci lui réclamait.

Elle affirme, certes, que les indications et les pièces qu’elle a fournies étaient susceptibles de démontrer les heures effectivement travaillées. Toutefois, ainsi qu’il sera vu plus loin, elle s’est limitée à exposer et documenter le système de décompte forfaitaire qu’elle avait mis en place, lequel ne permet pas ce calcul.

Elle reproche à l’OCIRT de ne pas avoir tenu compte des informations qu’elle a fournies. Il ressort cependant de la procédure que l’intimé a pris en compte toutes les indications et les pièces produites, et a même corrigé ses calculs, mais a maintenu qu’elles ne suffisaient pas pour répondre à sa demande portant sur les heures de travail effectives. Les faits allégués et établis par la recourante n’ont ainsi été ni écartés ni ignorés par l’OCIRT. C’est leur portée parmi un ensemble de preuves qui a été appréciée par l’intimé d’une manière que conteste la recourante. La présente espèce diffère sous cet angle du cas évoqué par la recourante et jugé dans l’arrêt ATA/806/2018 du 7 août 2018, où l’OCIRT s’était fondé exclusivement sur les déclarations des employés domestiques, sans tenir compte des contradictions ou des rétractations, et avait écarté une photographie et les données d’un système d’alarme.

La recourante reproche à l’OCIRT de s’être fondé exclusivement sur les déclarations des travailleurs. Il a été démontré qu’il n’en était rien. La recourante reproche à l’OCIRT d’avoir accordé à ces déclarations une force probante excessive. Or, il a été établi que l’OCIRT a corrigé le calcul des heures de travail effectives sur la base des critiques émises par la recourante. L’OCIRT s’est également fondé sur d’autres indices, comme par exemple le remplacement, au moment même de l’entrée en vigueur du salaire minimum, de contrats de travail à temps fixe et le plus souvent plein, d’une durée de 40 h par semaine, par des contrats « mixtes » prévoyant exclusivement « un salaire à la commission selon tabelles remises par l’employeur (benchmark) ». L’OCIRT a également pris en compte le fait que la recourante avait admis d’emblée ne pas respecter le salaire minimum.

La recourante reproche à l’OCIRT d’avoir tenu compte de déclarations établies longtemps après les faits. À elle seule, cette circonstance, qui résulte de la difficulté de l’OCIRT à obtenir les informations de la recourante, ne permet pas de retenir que les déclarations seraient inexactes et dénuées de toute force probante.

La recourante se plaint que la très grande part des déclarations des employés fait état de durées de travail extrêmement régulières. Or, il ressort des pièces que les durées varient d’un employé à un autre, et que plusieurs employés ont déclaré des durées fréquemment ou occasionnellement variables d’une semaine à l’autre (Q______, R______, T______, H______, U______, X______, Y______, Z______, AG______, AH______, AA______, AB______, AJ______). Certains ont mentionné une approximation (R______, U______, AG______, AH______, AK______, J______). D’autres ont mentionné une formation (T______, AB______), des vacances (I______, Z______, AH______, AI______, J______) ou la fermeture de l’entreprise (AA______, J______). Certains enfin n’ont pas indiqué de chiffres dans le formulaire (W______). Plusieurs employés ont en outre ajouté des explications, parfois détaillées, sur leur emploi du temps et l’organisation du travail (AA______, AK______, AH______, AL______). Quoi qu’il en soit, une durée stable n’apparaît pas contradictoire avec le régime qui prévalait jusqu’à l’entrée en vigueur du salaire minimum, et qui prévoyait un horaire de 40 h de travail hebdomadaires.

La recourante suspecte que les déclarations aient pu être influencées par les courriers de l’OCIRT. Les explications de l’OCIRT sur le cadre de son intervention, soit la vérification du respect du salaire minimum, apparaissent toutefois légitimes. La mention d’un salaire à la commission correspond à ce que stipulait le nouveau contrat proposé par la recourante à ses employés. La mention qu’une partie des heures effectivement travaillées auraient pu n’être ni décomptées ni payées explicite la demande de précisions sur les heures effectivement ouvrées. La recourante se plaint que l’OCIRT aurait suggéré que le courtage réglé par le droit privé serait implicitement qualifié d’illicite par l’OCIRT. En réalité, ce dernier appliquait la LIRT, dont la recourante ne conteste pas la constitutionnalité.

La recourante critique en définitive la portée accordée par l’OCIRT aux déclarations des employés. Elle reconnait toutefois elle-même que l’OCIRT a corrigé ses calculs et n’a exigé aucun rattrapage pour plusieurs employés, ce qui suggère que l’OCIRT a pondéré les déclarations de façon nuancée.

La recourante conclut qu’elle aurait dû être mise au bénéfice du doute. Elle perd de vue que les informations et pièces qu’elle a fournies ne permettaient en aucun cas d’établir le décompte des heures effectivement travaillées, pour ce simple motif qu’elles reposaient sur des décomptes prenant en compte les contrats d’assurance conclus et calculant pour chacun d’eux des heures forfaitaires de travail.

Ses arguments relatifs au suivi constant de l’activité de ses employés, notamment par le biais du logiciel de prise de rendez-vous, ne lui sont d’aucun secours, dès lors que ce suivi porte uniquement sur le mode de rémunération forfaitaire stipulé par le contrat. Le fait qu’il soit difficile d’établir le temps de travail lorsqu’il s’attache à des tâches spécifiques n’exonère pas la recourante de son obligation, en qualité d’employeur, de décompter le temps de travail effectif de chaque employé. Le fait que les commissions effectivement versées aux employés puissent dépasser systématiquement le salaire minimum voire le salaire médian du canton est sans pertinence, dès lors qu’en l’absence d’horaire effectivement consigné, il est impossible de vérifier le respect du salaire minimum.

La recourante fait valoir qu’elle a procédé sans attendre à des rattrapages. Cette réaction, si elle doit être mise à son crédit, ne résout pas la question de l’absence de décompte des heures effectives, indispensable pour établir l’existence et l’ampleur d’une éventuelle sous-enchère salariale. La recourante a effectivement payé à certains employés des rattrapages, mais ceux-ci ne comblaient pas la différence avec le salaire dû faute pour elle d’avoir établi le nombre total d’heures effectivement ouvrées.

La recourante reproche enfin à l’OCIRT d’avoir agi de manière déloyale, en l’incitant à payer des rattrapages dans un premier temps et en lui laissant croire qu’elle se mettrait ainsi en règle, tout en recueillant des données auprès des employés dans le but de pouvoir élever ensuite de nouvelles prétentions, exorbitantes.

Elle ne peut être suivie. Il ressort de la procédure que l’OCIRT s’est efforcé de comprendre dans un premier temps le mode de rémunération et de fonctionnement de la recourante, puis a rendu celle-ci attentive à ses carences, notamment en matière d’enregistrement des horaires effectifs de travail, avant de lui réclamer des données et la mise en place d’un décompte effectif, qu’il n’a jamais obtenus. Faute pour la recourante de se conformer à ses obligations, l’OCIRT n’avait d’autre choix que de tenter de compléter les données manquantes en se tournant vers les cocontractants de cette dernière, soit ses employés. Ce comportement n’a rien de déloyal. La transmission d’ordres de débit aux fins de vérifier si les rattrapages avaient été payés ne procède pareillement d’aucune déloyauté.

5.6 Finalement, la recourante évoque l’art. 39K LIRT consacré au salaire minimum, pour réaffirmer que l’établissement des heures effectives n’est pas aisé. Ce faisant, elle ne discute pas l’obligation que l’art. 39M al. 2 LIRT impose à tout employeur, dans le cadre du contrôle du respect du salaire minimum, de pouvoir fournir en tout temps à l'OCIRT ou à l'inspection paritaire un état détaillé des salaires versés à chaque travailleur et du nombre correspondant d'heures de travail effectuées. Or, il s’agit là du cœur du litige, puisque l’OCIRT réclame un décompte des heures effectives pour sa vérification et la recourante objecte que son système de calcul forfaitaire est légal et permet de déterminer l’horaire.

La chambre de céans observe préalablement que l’art. 39M al. 2 LIRT est dépourvu d’ambiguïté : le contrôle du respect du salaire horaire nécessite la connaissance des heures effectivement ouvrées, dont l’établissement incombe à l’employeur.

C’est à celui qui met en place le système (in casu : la rémunération à la commission combinée avec le système de forfaits) de subir les conséquences s’il ne parvient pas à prouver le salaire horaire.

En effet, les forfaits sont fixés par la recourante, qui a affirmé qu’une analyse, soit le premier rendez-vous de découverte des besoins du client, durait une heure, qu’un rendez-vous de conseil, soit de proposition de contrat, durait 30 minutes, que la réalisation d’une déclaration durait deux heures, que les rendez-vous de suivi du client étaient également nécessaires et duraient 30 minutes et a arrêté le temps de transport en tenant compte du fait que 60% des rendez-vous étaient effectués au domicile du client et engendraient 30 minutes de transport.

Ce calcul doit permettre, selon la recourante, de déterminer que les commissions versées, divisées par le nombre d’heures forfaitaires, respectent le salaire minimum. Or, la commission n’est due, selon le contrat, qu’en cas de conclusion, de sorte que le système de computation forfaitaire exclut le travail accompli sans résultat, ce qui rend impossible de procéder à la vérification par application d’une règle de trois (total commissions / total heures effectives ≥ salaire horaire minimum).

La recourante, qui rémunérait ses employés avec un salaire fixe pour un horaire de 40 h par semaine jusqu’à l’entrée en vigueur du salaire minimum, ne soutient pas qu’elle aurait alors eu des difficultés à déterminer le temps de travail de ses employés, ni que son activité se serait transformée depuis.

Elle n’explique par ailleurs pas pourquoi elle a modifié les contrats au moment même où entrait en vigueur le salaire minimum et introduit un décompte forfaitaire qui a eu d’emblée pour effet de diminuer la rémunération de la plupart des employés – sinon par une adaptation rendue nécessaire par les réalités de l’activité –, mais sans démontrer, ni expliquer devant la chambre de céans, en quoi le modèle précédent aurait été inadapté. Force est ainsi de constater que le changement a eu pour effet d’empêcher le décompte des heures effectives, ce qui était de nature à faire naître le soupçon que le changement de régime contractuel aurait pu être dicté par la volonté de se soustraire au salaire minimum et au contrôle de son respect.

Il résulte de tous ces éléments que, sur la base des éléments fournis par la recourante et par les employés et compte tenu du changement de régime contractuel coïncidant avec l’entrée en vigueur du salaire minimum, l’OCIRT était fondé à conclure, conformément au droit et sans excès ni abus de son pouvoir d’appréciation, que la plupart des employés occupés au courtage des contrats avaient des horaires effectifs supérieurs à ceux allégués par la recourante et ont, compte tenu de la rémunération stipulée, subi une sous‑enchère salariale selon la LIRT.

6.             La recourante soutient que la sanction serait disproportionnée et que l’OCIRT ne saurait prétendre à une rémunération pour l’activité de collecte illégale de données en AE______.

6.1 Les amendes administratives prévues par la législation cantonale sont de nature pénale. Leur quotité doit ainsi être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/991/2016 du 22 novembre 2016 consid. 6a ; ATA/810/2016 du 27 septembre 2016 consid. 4a et la référence citée). En vertu de l'art. 1 al. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG - E 4 05), les dispositions de la partie générale du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) s'appliquent à titre de droit cantonal supplétif, ce qui vaut également en droit administratif sous réserve de celles qui concernent exclusivement le juge pénal (notamment les art. 34 ss, 42 ss, 56 ss, 74 ss, 106 al. 1 et 3 et 107 CP). Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût‑ce sous la forme d'une simple négligence. L’autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d’une sanction doit également faire application des règles contenues aux art. 47 ss CP ; principes applicables à la fixation de la peine), soit tenir compte de la culpabilité de l’auteur et prendre en considération, notamment, les antécédents et la situation personnelle de ce dernier (art. 47 al. 1 CP ; ATA/651/2022 du 23 juin 2022 consid. 14d et les arrêts cités).

La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47 al. 2 CP ; ATA/651/2022 précité consid. 14d et les arrêts cités).

Il doit être également tenu compte, en application de l'art. 106 al. 3 CP, de la capacité financière de la personne sanctionnée (ATA/651/2022 précité consid. 14f et la référence citée ; Michel DUPUIS/Laurent MOREILLON/Christophe PIGUET/Séverine BERGER/Miriam MAZOU/Virginie RODIGARI [éd.], Code pénal - Petit commentaire, 2e éd., 2017, n. 6 ad. art. 106 CP). Sont pris en considération la nature, la gravité et la fréquence des infractions commises dans le respect du principe de proportionnalité (art. 5 al. 2 Cst. ; ATA/651/2022 précité consid. 14e et les arrêts cités).

L'administration doit faire preuve de sévérité afin d'assurer le respect de la loi et jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour infliger une amende. La juridiction de céans ne la censure qu'en cas d'excès. Enfin, l'amende doit respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst. ; ATA/991/2016 précité consid. 6a).

6.2 L’art. 39N al. 1 LIRT prévoit que lorsqu'un employeur ne respecte pas le salaire minimum, l’OCIRT peut prononcer une amende administrative de CHF 30'000.- au plus. Ce montant maximal de l'amende administrative peut être doublé en cas de récidive. Selon l’al. 2 de la même disposition, l’OCIRT peut également mettre les frais de contrôle à la charge de l'employeur.

6.3 En l’espèce, l’OCIRT a fixé le montant de l’amende à CHF 30'000.-.

Il a pris en compte la durée de la sous-enchère (de novembre 2020 à mai 2022), son l’ampleur (env. CHF 190'000.-, et non les rattrapages effectivement versés de CHF 42'847.- comme allégué par la recourante) et le nombre (31) de travailleurs touchés, soit environ la moitié de l’effectif de l’entreprise. Il a pris en compte le fait que la recourante n’a procédé qu’à une mise en conformité partielle malgré ses demandes répétées et n’a notamment versé qu’une partie des rattrapages sans mettre en place un système de comptage des heures effectives. La faute retenue est lourde. Cette pondération n’est pas critiquable.

L’OCIRT a également tenu compte de la mauvaise collaboration de la recourante, pour n’avoir pas mis en place un registre des heures et une garantie du versement du salaire minimum. Ce paramètre se confond toutefois, et risque de s’additionner, avec celui du défaut de mise en conformité. S’il peut certes être reproché à la recourante d’avoir volontairement pratiqué la sous-enchère salariale – et probablement, mais l’OCIRT ne l’invoque pas, d’avoir mis en place à cet effet une organisation nouvelle lors de l’entrée en vigueur du salaire minimum – puis omis de mettre en place un système de comptage efficace, il ne peut lui être reproché au titre de la mauvaise collaboration d’avoir, une fois fournies toutes les données produites par son nouveau système, défendu la conformité de celui-ci avec la loi.

Il suit de là que si le principe d’une sanction est acquis, la quotité de celle-ci apparaît excessive au regard de la faute commise. Le recours sera partiellement admis sur ce point et l’amende sera réduite à CHF 20'000.‑.

S’agissant des frais de contrôle, de CHF 16'650.-, ceux-ci ont été établis à satisfaction de droit par l’OCIRT. La recourante ne démontre pas que le temps consacré à l’instruction aurait en réalité été inférieur aux chiffres avancés par l’OCIRT. Le volume, l’importance et la complexité des informations et des pièces fournies par la recourante à l’intimé qui occupent pas moins de sept classeurs fédéraux ainsi que les réponses articulées fournies par l’OCIRT à la recourante, permettent de tenir pour établi que le travail d’analyse a nécessité de l’OCIRT le nombre d’heures (83) que celui-ci a allégué. Il n’y a pas lieu de retrancher les 7 h d’analyse des déclarations et explications des employés, dès lors que celles-ci sont maintenues à la procédure.

7.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 2’000.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe dans une large mesure (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 500.- lui sera allouée, à la charge de l'État de Genève (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 17 mai 2023 par A______ SA contre la décision de l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail du 18 avril 2023 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

fixe à CHF 20'000.- le montant de l’amende administrative ;

confirme pour le surplus la décision du 17 mai 2023 ;

met à la charge de A______ SA un émolument de CHF 2'000.- ;

alloue à A______ SA une indemnité de procédure de CHF 500.-, à la charge de l’État de Genève ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Nathalie BORNOZ, avocate de la recourante, ainsi qu'à l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Cédric-Laurent MICHEL, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Valérie LAUBER, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

la greffière :

 

 

 C/19734/2021 demande retirée le 22.09.2022 (!)