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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4237/2019

ATA/711/2020 du 04.08.2020 ( AIDSO ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4237/2019-AIDSO ATA/711/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 4 août 2020

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

HOSPICE GÉNÉRAL

 



EN FAIT

1) Monsieur A______, né en 1964, ressortissant italien, est au bénéfice d'un permis d'établissement, dont le délai de contrôle est arrivé à échéance le 31 août 2019.

2) L'intéressé a bénéficié d'une aide financière de l'Hospice général (ci-après : l'hospice) entre le 1er octobre 2000 et le 30 juin 2010 pour un montant total de CHF 136'153.50.

Il a été mis fin à ladite aide financière car le bénéficiaire avait caché à l'hospice qu'il vivait en concubinage en France voisine, qu'il disposait d'une part de copropriété dans un immeuble et d'une assurance-vie et qu'il tirait des revenus réguliers provenant de la prostitution.

3) a. Le 30 juillet 2010, l'hospice a déposé une plainte pénale à l'encontre de M. A______ en raison des faits précités.

b. Par arrêt de la chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice du 11 septembre 2012 (AARP/1______), M. A______ a été condamné en dernier lieu à une peine pécuniaire de cent quatre-vingts jours amende pour escroquerie (envers l'hospice) et lésions corporelles simples.

4) a. Le 5 janvier 2018, M. A______ a sollicité à nouveau des prestations d'aide financière de l'hospice, au moyen du formulaire idoine, en indiquant notamment qu'il ne percevait de revenu ni d'une activité salariée ni d'une activité indépendante, qu'il n'avait pas de comptes bancaires et qu'il n'avait pas d'assurance-vie.

Le même jour, il a également signé le document intitulé « mon engagement en demandant une aide financière à l'Hospice général » (ci-après : « mon engagement »), aux termes duquel il s'engageait à donner immédiatement et spontanément à l'hospice tout renseignement et toute pièce nécessaires à l'établissement de sa situation financière et à l'informer de tout fait nouveau de nature à entraîner la modification des prestations versées. Il prenait également acte du fait qu'au cas où il ne respecterait pas la loi, l'hospice se réservait le droit de réduire ou de supprimer ses prestations d'aide financière.

b. M. A______ a perçu une aide financière de la part de l'hospice à compter du 1er janvier 2018.

5) Lors d'un entretien le 13 février 2018, le précité a indiqué à son assistant social qu'il avait ouvert un compte auprès de B______.

6) Le 21 mai 2019, le service des enquêtes de l'hospice a établi un rapport d'enquête concernant M. A______.

a. Lors de l'enquête domiciliaire effectuée le 8 avril 2019, l'inspecteur avait remarqué une grande quantité de vêtements de marques de luxe.

b. Lors de son audition du même jour, l'intéressé avait indiqué être titulaire de plusieurs comptes, dont il ressortait de l'examen de ceux-ci les éléments suivants :

-       un compte auprès de B______, dont le solde s'élevait à CHF 33.55 au 8 avril 2019. Hormis un crédit sur son propre compte de CHF 100.- le 14 mars 2018, seuls des versements de l'hospice étaient constatés ;

-       un compte auprès de C______, dont le solde s'élevait à CHF 121.74 au 8 avril 2019. Un versement de CHF 11'420.- de la part de « A______ » avait été comptabilisé le 5 juin 2018 ;

-       un deuxième compte auprès de C______, dont le solde s'élevait à CHF 6'203.85 au 8 avril 2019. Quatre versements de CHF 20'000.- chacun de la part de « A______ » avaient été comptabilisés les 3 juillet, 10 août, 20 novembre 2018 et 24 janvier 2019 ;

-       une carte prepaid D______, dont le solde s'élevait CHF 0.- au 15 avril 2019 et pour laquelle aucun mouvement susceptible d'influencer le dossier n'avait été constaté ;

-       une seconde carte prepaid D______, dont le solde s'élevait EUR 9.52 au 15 avril 2019 et pour laquelle un versement de EUR 100.- avait été effectué le 19 janvier 2018.

c. En sus des comptes annoncés par l'intéressé, le rapport d'enquête faisait état d'un compte bancaire non déclaré par ce dernier lors de l'audition auprès de « E______ » (ci-après : E______) dont le solde s'élevait à EUR 496.40 au 9 mai 2019, et pour lequel M. A______ s'engageait à faire parvenir dans les plus brefs délais les extraits bancaires à compter du 1er juin 2017.

Il était également mentionné que le service des successions de l'administration fiscale cantonale avait informé l'hospice que M. A______ avait été imposé sur un avoir successoral de CHF 221'723.- en 2011. Lors de son audition, l'intéressé avait indiqué que cet argent avait été « récupéré » par l'office des poursuites (ci-après : OP), sans toutefois produire de justificatifs. Il avait également déclaré que son père lui versait environ EUR 2'000.- par année.

Selon la brigade des moeurs, M. A______ était par ailleurs inscrit en tant que travailleur du sexe depuis le 6 décembre 2017. L'intéressé avait indiqué lors de son audition avoir été tenancier du salon « K______ » de 2005 à 2009, mais ne plus avoir travaillé depuis. Il n'expliquait pas de quelle manière il avait vécu jusqu'à sa demande d'aide financière en janvier 2018.

L'intéressé avait en outre indiqué lors de son audition avoir été propriétaire d'un tiers d'une maison jumelée à F______, laquelle avait été vendue en 2016. Le 25 avril 2019, M. A______ avait remis à l'hospice l'acte de vente relatif à ce bien.

Enfin, lors de son audition, M. A______ avait indiqué qu'il avait eu une assurance-vie auprès de G______. Cette dernière était nantie au motif d'un prêt hypothécaire, et l'OP avait récupéré l'assurance suite au décès de sa mère en 2013. L'enquêteur a mentionné dans le rapport qu'il était dans l'attente d'informations des assurances H______ et I______.

7) Par décision du 23 juillet 2019, déclarée exécutoire nonobstant opposition, l'hospice a mis un terme aux prestations d'aide financière octroyées à M. A______ avec effet immédiat dès le 30 juin 2019 (sic), confirmant ce qui lui avait été annoncé par téléphone le 11 juillet 2019.

Il avait déclaré, dans la demande de prestations qu'il avait signée le 5 janvier 2018, ne pas travailler, ne pas avoir d'assurance-vie et ne pas avoir de compte bancaire ouvert ou clôturé dans les douze derniers mois à son nom. Il avait par la suite informé l'hospice de l'ouverture d'un compte auprès de B______. Or, le rapport d'enquête avait mis en évidence le fait qu'il était inscrit en tant que travailleur du sexe depuis le 6 décembre 2017, qu'il avait des revenus importants versés sur un compte postal et qu'il avait indiqué avoir eu des assurances-vie auprès de G______, de H______ et de I______, sans toutefois transmettre aucun document lui permettant de vérifier que celles-ci n'étaient plus éligibles pour un éventuel rachat.

L'hospice se réservait par ailleurs le droit de lui réclamer les prestations d'aide sociale indument perçues et de déposer une plainte pénale à son encontre.

8) Par courrier daté du 29 août 2019, M. A______ a indiqué former opposition contre la suspension des prestations d'aide financière. Le rapport d'enquête contenait des éléments inexacts, lesquels demandaient à être réexaminés. Il sollicitait dès lors la reprise des prestations tant qu'aucune décision définitive ne serait « rendue juridiquement ».

9) Par décision du 17 octobre 2019, le directeur général de l'hospice a rejeté l'opposition de M. A______, tout comme sa demande de restitution de l'effet suspensif, et a confirmé la décision de fin des prestations du 23 juillet 2019.

Il n'avait pas déclaré à l'hospice qu'il était inscrit à la brigade des moeurs. Il exerçait une activité indépendante, ce qui l'excluait du cercle des bénéficiaires. En sus, il avait caché des éléments de fortune, soit le fait qu'il était titulaire de trois assurances-vie ainsi que de trois comptes bancaires, dont en particulier un compte postal sur lequel des sommes extrêmement importantes avaient été créditées à plusieurs reprises et qui le plaçait en dehors des barèmes d'intervention de l'hospice. Il avait violé de manière grave son obligation de renseigner en cachant délibérément des informations importantes sur sa situation professionnelle et financière, qui le privaient de tout droit.

Ayant signé le document intitulé « mon engagement » et ayant déjà fait l'objet d'une condamnation pénale par le passé, il ne pouvait ignorer qu'il était tenu de renseigner l'hospice de tous les éléments relatifs à sa situation financière et professionnelle. Il avait donc agi intentionnellement, et c'était dès lors à juste titre que l'hospice avait mis fin à son droit aux prestations d'aide financière à compter du 30 juin 2019.

10) Par courrier du 11 novembre 2019, M. A______ a sollicité auprès de l'hospice une copie de l'intégralité de son dossier, et notamment du document signé le 5 janvier 2018 intitulé « mon engagement ».

11) Le 15 novembre 2019, l'hospice a accusé réception de la demande de l'intéressé et lui a indiqué que la date ainsi que les informations relatives à sa demande lui seraient communiquées prochainement.

12) Par acte mis à la poste le 15 novembre 2019, M. A______ a interjeté recours contre la décision précitée par-devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) en concluant, préalablement, à ce que son dossier lui soit transmis et à ce que l'audition des parties soit ordonnée, principalement, à l'annulation des décisions de l'hospice des 23 juillet et 17 octobre 2019, à ce qu'il soit ordonné à l'hospice de lui verser des prestations financières avec effet rétroactif au 23 juillet 2019, à ce que l'hospice soit condamné en tous les frais et à ce qu'une indemnité de procédure lui soit accordée.

Lorsqu'il avait signé le document intitulé « mon engagement », aucune information ne lui avait été fournie et aucune condition n'avait été mentionnée concernant celui-ci. On lui avait uniquement demandé de le signer en lui expliquant qu'il s'agissait d'une simple formalité pour l'ouverture de son dossier.

Les vêtements de luxe qu'il possédait ne constituaient pas des achats récents mais dataient d'une quinzaine d'années. Il avait de bonne foi expliqué à l'inspecteur qu'il était inscrit à la brigade des moeurs depuis 2006 car il avait aidé sa compagne à s'établir dans le milieu de la nuit et ne s'était pas désinscrit. Il n'avait jamais caché cette information. Dans la rapport d'enquête, il lui était reproché d'avoir reçu sur son compte postal de grosses sommes d'argent en euros en 2018. Sa mère était décédée en 2016 et il avait dû régulariser sa situation précaire, soit une dette d'environ CHF 70'000.-, ainsi que régler les frais concernant le transport funéraire et les divers frais y relatifs. Il n'avait en aucun cas gardé ces sommes d'argent pour ses propres besoins. Il avait par ailleurs informé l'inspecteur qu'il détenait un compte commun avec sa mère auprès de la E______ sur lequel il restait une faible somme d'argent. Il avait fait parvenir « l'attestation concernant [son] avoir en compte pour l'année 2019 » et non pas sa situation totale depuis les dernières années car cela aurait nécessité un certain temps d'attente. L'hospice prétendait qu'il n'avait jamais fourni ce document alors qu'il avait clos son dossier avant d'attendre de recevoir des informations de sa part. Il était « consterné » de constater que l'hospice retenait qu'il disposait de trois assurances-vie. Il n'avait eu qu'une seule assurance-vie auprès de J______, laquelle était une police nantie sur l'hypothèque de la maison de sa mère qui avait été vendue en 2016. Il n'avait jamais touché d'argent de la part de cette assurance-vie. Il n'avait jamais conclu d'assurance auprès de H______ ou I______. Il souhait dès lors savoir d'où provenaient ces informations, lesquelles n'étaient clairement pas motivées.

La décision se basait ainsi sur des faits incomplets ou inexacts. Il demandait que ces faits soient rectifiés et que sa situation patrimoniale soit clarifiée, car il ne disposait pas des avoirs allégués par le service des enquêtes.

La décision sur opposition, tout comme celle du 23 juillet 2019, violait son droit d'être entendu. Il avait sollicité l'accès à son dossier mais n'avait pas encore pu l'obtenir, de sorte qu'il ne disposait pas de toutes les pièces requises pour exercer valablement ces droits. De plus, les explications qu'il avait fournies concernant les importants versements bancaires n'avaient pas été prises en considération, et il n'avait pas pu s'expliquer avant qu'une décision ne soit rendue. Aucune preuve formelle n'avait été fournie concernant les assurances dont il était prétendument bénéficiaire. Il tenait à rappeler qu'aucune information ne lui avait été transmise lorsqu'il avait signé « en toute bonne foi » le document le liant à l'hospice.

Il sollicitait l'accès à son dossier dans les meilleurs délais afin de pouvoir fournir tout renseignement utile et collaborer avec l'autorité. Il souhaitait pouvoir s'exprimer sur les faits retenus dans le rapport d'enquête et pouvoir apporter, lors d'une audience, toute preuve utile pour contester ces faits, notamment s'agissant des avoirs bancaires qui avaient transité sur ses comptes pour régulariser une dette.

13) Par courrier du 5 décembre 2019, l'hospice a proposé à M. A______ de venir consulter son dossier le 12 décembre 2019 dans ses locaux, en présence d'une assistante sociale.

14) Par courrier du 20 décembre 2019, l'hospice a proposé un nouveau rendez-vous à l'intéressé le 9 janvier 2020 pour la consultation de son dossier, compte tenu de son empêchement pour la précédente date proposée.

15) Dans ses observations du 9 janvier 2020, l'hospice a conclu au rejet du recours et à la confirmation de la décision attaquée.

L'hospice a repris l'argumentation de sa décision litigieuse, selon laquelle le recourant avait violé son obligation de renseigner en cachant des informations importantes sur sa situation professionnelle et économique. L'hospice ignorait encore quelle était la véritable situation financière du recourant. Il ne savait toujours pas d'où provenaient les sommes importantes qui avaient été versées sur les comptes postaux en 2018 et 2019, l'intéressé se bornant à indiquer qu'il les avait dépensées dans le cadre de la succession de sa mère, notamment pour des frais de transport mortuaire, ce qui était peu vraisemblable dès lors que le décès de cette dernière était survenu en 2011. Il ne savait toujours pas ce qui figurait sur le compte auprès de la E______, M. A______ n'ayant fourni qu'un relevé pour la période allant du 15 avril au 9 mai 2019. Enfin, sa situation au regard des assurances-vie n'était toujours pas claire.

Le droit de consulter le dossier avait été respecté puisqu'il avait été fait droit à sa demande.

16) Par courrier du 13 janvier 2020, la chambre administrative a transmis les observations de l'hospice au recourant, en lui indiquant que les pièces pouvaient être consultées au greffe sur demande préalable.

17) Par courrier du même jour, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 28 février 2020 pour formuler toutes observations ou requêtes complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger en l'état du dossier.

18) Le 26 février 2020, le recourant a indiqué qu'en raison de son mauvais état de santé depuis le début de l'année, il ne pouvait compléter son « dossier ». Il sollicitait un délai supplémentaire d'au moins deux mois pour ce faire.

19) Par courrier du 27 février 2020, la chambre de céans a prolongé au 3 avril 2020 le délai accordé aux parties pour produire leurs écritures, délai qui a par la suite été automatiquement prorogé au 15 mai 2020 en raison de la crise sanitaire.

20) Le recourant ne s'est pas manifesté dans le délai initial ni dans celui prolongé.

 

 

 

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le recourant sollicite, au préalable, sa comparution personnelle et l'accès à son dossier.

a. Le droit d'être entendu, garanti par les art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 41 LPA, comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 129 II 497 consid. 2.2). Ce droit n'empêche cependant pas la juridiction saisie de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 136 I 229 consid. 5.2).

b. Le droit d'être entendu ne comprend pas le droit d'être entendu oralement (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_551/2015 du 22 mars 2016 consid. 2.2), ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 130 II 425 consid. 2.1).

c. En l'espèce, le recourant, qui n'a pas de droit à être entendu oralement, a pu se prononcer par écrit tant devant l'autorité intimée que devant la chambre de céans, qui dispose d'un dossier complet lui permettant de trancher le litige en toute connaissance de cause. Le recourant, qui expose vouloir s'exprimer sur « les faits retenus dans le rapport d'enquête », n'explique pas en quoi son audition permettrait d'apporter un quelconque élément décisif supplémentaire par rapport à des pièces ou des observations écrites. Le recourant n'a d'ailleurs pas fait usage de son droit à la réplique suite aux observations formées par l'hospice, alors même qu'il a sollicité une prolongation de délai pour ce faire.

Dans ces circonstances, il ne sera pas donné suite à sa demande de comparution personnelle devant la chambre administrative.

Le recourant a par ailleurs sollicité dans son recours que son dossier lui soit transmis. La chambre de céans a informé l'intéressé le 13 janvier 2020 que les pièces transmises par l'hospice pouvaient être consultées au greffe sur demande préalable. Le recourant n'a toutefois formé aucune demande dans ce sens.

3) Le litige porte sur la suppression à compter du 30 juin 2019 des prestations d'aide financière accordées au recourant, motivée par le fait que l'intéressé aurait violé son obligation de renseigner en cachant des informations importantes sur sa situation professionnelle et économique.

4) Dans un premier grief, le recourant reproche à l'hospice d'avoir violé son droit d'être entendu sur plusieurs points. Il avait requis l'accès à son dossier mais n'avait pas encore pu l'obtenir, de sorte qu'il ne disposait pas de toutes les pièces requises pour exercer valablement ces droits. De plus, les explications qu'il avait fournies concernant les importants versements bancaires n'avaient pas été prises en considération et il n'a pas pu s'expliquer avant qu'une décision ne soit rendue.

a. En tant que garantie générale de procédure, le droit d'être entendu consacré par l'art. 29 al. 2 Cst. permet au justiciable de consulter le dossier avant le prononcé d'une décision. En effet, la possibilité de faire valoir ses arguments dans une procédure suppose la connaissance préalable des éléments dont l'autorité dispose (ATF 126 I 7 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_66/2013 du 7 mai 2013 consid. 3.2.2 ; ATA/5/2015 du 6 janvier 2015).

Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., le droit d'être entendu comprend également le droit d'obtenir une décision motivée. L'autorité n'est toutefois pas tenue de prendre position sur tous les moyens des parties ; elle peut se limiter aux questions décisives. Il suffit, de ce point de vue, que les parties puissent se rendre compte de la portée de la décision prise à leur égard et, le cas échéant, recourir contre elle en connaissance de cause (ATF 129 I 232 consid. 3.2 ; 126 I 97
consid. 2). Savoir si la motivation présentée est convaincante est une question distincte de celle du droit à une décision motivée. Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision, le droit à une décision motivée est respecté, même si la motivation présentée est erronée (arrêt du Tribunal fédéral 4A.25/2007 du 25 mai 2007 consid. .3 ; ATA/1235/2018 du 20 novembre 2018 consid. 6a).

b. Une décision entreprise pour violation du droit d'être entendu n'est en principe pas nulle, mais annulable (ATF 136 V 117 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_5/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3). La réparation d'un vice de procédure en instance de recours et, notamment, du droit d'être entendu, n'est possible que lorsque l'autorité dispose du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure (ATF 138 I 97 consid. 4.16.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_533/2012 du 12 septembre 2013 consid. 2.1 ; ATA/666/2015 du 23 juin 2015 consid. 2b). Elle dépend toutefois de la gravité et de l'étendue de l'atteinte portée au droit d'être entendu et doit rester l'exception (ATF 126 I 68 consid. 2 et la jurisprudence citée) elle peut cependant se justifier en présence d'un vice grave lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 137 I 195 consid. 2.3.2 ; 136 V 117 consid. 4.2.2.2 ; ATA/666/2015 précité consid. 2b). En outre, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de cette violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu'elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/666/2015 précité consid. 2b).

c. En l'espèce, dans le cadre de son opposition du 29 août 2019, le recourant a pu faire valoir son point de vue s'agissant des éléments retenus par l'hospice pour justifier l'arrêt des prestations d'aide sociale. Avant cela, il avait été entendu le 9 avril 2019 dans le cadre de l'enquête menée par l'hospice. Il a ainsi pu exercer son droit d'être entendu avant la prise de décision du 17 octobre 2019. La décision attaquée expose par ailleurs de manière détaillée les faits qui lui sont reprochés. Bien que le recourant n'ait pu consulter son dossier auprès de l'hospice qu'après avoir formé son recours, il a tout de même pu se rendre compte de la portée de la décision litigieuse, comme cela ressort d'ailleurs de la teneur de son recours. Même à admettre une éventuelle violation du droit d'être entendu à cet égard, une telle violation aurait été réparée devant la chambre administrative, qui dispose d'un plein pouvoir de cognition en fait et en droit (art. 61 al. 1 LPA). Enfin, le recourant ne précise pas quelles sont les informations qu'il aurait fournies en lien avec les importants versements sur ses comptes bancaires et qui n'auraient pas été prises en considération par l'hospice. À teneur de l'opposition formée par le recourant, celui-ci n'a apporté aucune explication sur lesdits comptes, se limitant à indiquer que le rapport d'enquête contenait des éléments inexacts qui devaient être réexaminés.

Son grief sera dès lors écarté.

5) a. Aux termes de l'art. 12 Cst., quiconque est dans une situation de détresse et n'est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d'être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine. L'art. 39 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00) contient une garantie similaire.

b. En droit genevois, la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04) et son règlement d'exécution du 25 juillet 2007 (RIASI - J 4 04.01) concrétisent ces dispositions constitutionnelles, en ayant pour but de prévenir l'exclusion sociale et d'aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel (art. 1 al. 1 LIASI). Les prestations de l'aide sociale individuelle sont l'accompagnement social, des prestations financières et l'insertion professionnelle (art. 2 LIASI). La personne majeure qui n'est pas en mesure de subvenir à son entretien ou à celui des membres de la famille dont il a la charge a droit à des prestations d'aide financière. Celles-ci ne sont pas remboursables, sous réserve notamment de leur perception indue (art. 8 al. 1 et 2 LIASI). Elles sont subsidiaires à toute autre source de revenu (art. 9 al. 1 LIASI).

6) Le bénéficiaire est tenu de fournir tous les renseignements nécessaires pour établir son droit et fixer le montant des prestations d'aide financière. Il doit se soumettre à une enquête de l'hospice lorsque celui-ci le demande (art. 32 al. 1 et 3 LIASI). La LIASI impose ainsi un devoir de collaboration et de renseignement. Le bénéficiaire ou son représentant légal doit immédiatement déclarer à l'hospice tout fait nouveau de nature à entraîner une modification du montant des prestations qui lui sont allouées ou leur suppression (art. 33 al. 1 LIASI ; ATA/365/2020 du 16 avril 2020 consid. 4a ; ATA/1446/2019 du 1er octobre 2019 consid. 5a).

Le document intitulé « mon engagement en demandant une aide financière à l'hospice » concrétise cette obligation de collaborer en exigeant du demandeur qu'il donne immédiatement et spontanément à l'hospice tout renseignement et toute pièce nécessaires à l'établissement de sa situation économique (ATA/456/2020 du 7 mai 2020 consid. 6a ; ATA/93/2020 du 28 janvier 2020 consid. 3a).

7) L'art. 35 LIASI décrit six cas dans lesquels les prestations d'aide financière peuvent être réduites, suspendues, refusées ou supprimées.

Tel est notamment le cas lorsque le bénéficiaire ne répond pas ou cesse de répondre aux conditions de la loi (art. 35 al. 1 let. a LIASI) ou lorsqu'il ne s'acquitte pas intentionnellement de son obligation de collaborer telle que prescrite par l'art. 32 LIASI ou qu'il refuse de donner les informations requises au sens des art. 7 et 32 LIASI, donne des indications fausses ou incomplètes ou cache des informations utiles(art. 35 al. 1 let. c et d LIASI).

8) De jurisprudence constante, toute prestation obtenue en violation de l'obligation de renseigner l'hospice est une prestation perçue indûment (ATA/456/2020 précité consid. 5c ; ATA/365/2020 précité consid. 4 ; ATA/918/2019 du 21 mai 2019 consid. 2). Les bénéficiaires des prestations d'assistance sont tenus de se conformer au principe de la bonne foi dans leurs relations avec l'administration, notamment en ce qui concerne l'obligation de renseigner prévue par la loi, sous peine d'abus de droit. Si le bénéficiaire n'agit pas de bonne foi, son attitude doit être sanctionnée et les décisions qu'il a obtenues en sa faveur peuvent être révoquées en principe en tout temps. Violer le devoir de renseigner est contraire à la bonne foi (ATA/93/2020 précité consid. 3c). Il convient toutefois d'apprécier, au cas par cas, chaque situation pour déterminer si l'entier des prestations, ou seulement une partie de celles-ci, a été perçu indûment et peut faire l'objet d'une demande de remboursement (ATA/947/2018 du 18 septembre 2018 consid. 3d).

9) La suppression ou la réduction des prestations d'assistance doit être conforme au principe de la proportionnalité, imposant une pesée de l'ensemble des circonstances. Il faut prendre en considération la personnalité et la conduite du bénéficiaire des prestations, la gravité des fautes reprochées, les circonstances de la suppression des prestations ainsi que l'ensemble de la situation de la personne concernée (ATF 122 II 193 ; ATA/336/2020 du 7 avril 2020 consid. 6c ; ATA/357/2017 du 28 mars 2017 consid. 7c).

10) En l'espèce, en signant le formulaire de demande de prestations et le document « mon engagement », le recourant a attesté de ce que les informations qu'il avait fournies étaient exactes et complètes. Ses allégations selon lesquelles il n'avait reçu aucune explication concernant ce dernier document, qui ne lui avait été présenté que comme une simple formalité pour l'ouverture de son dossier, ne résistent pas à l'examen. D'une part, ce document, qu'il appartenait au recourant de lire consciencieusement avant de le signer, énumère clairement les droits et obligations de toute personne prétendant à une aide financière. D'autre part, le recourant a déjà fait l'objet en 2010 d'une procédure visant à mettre fin à ses prestations d'aide sociale au motif qu'il avait passé sous silence différents éléments, ce qui a d'ailleurs abouti à sa condamnation sur le plan pénal pour escroquerie. Le recourant ne saurait dès lors de bonne foi minimiser la portée de l'engagement écrit qu'il a signé et sa compréhension s'agissant de ce qu'il impliquait.

L'intimé reproche au recourant de ne pas avoir déclaré qu'il était inscrit à la brigade des moeurs, soit qu'il exerçait une activité indépendante ce qui l'excluait du cercle des bénéficiaires, et qu'il était titulaire de trois assurances-vie ainsi que de plusieurs comptes bancaires dont en particulier un compte postal sur lequel des sommes extrêmement importantes avaient été créditées.

À teneur des pièces au dossier, soit notamment le rapport d'enquête du
21 mai 2019 et les extraits des comptes postaux du recourant, ce dernier a bénéficié entre le 5 juin 2018 et le 24 janvier 2019 de cinq versements pour un total de CHF 91'420.-. Il n'est pas possible de déterminer si le recourant a également perçu des versements sur le compte ouvert auprès d'une banque italienne, durant la période pendant laquelle il bénéficiait de prestations de l'aide sociale, celui-ci n'ayant produit qu'un extrait de compte pour la période du
15 avril au 9 mai 2019, lequel affichait tout de même un solde créditeur de
EUR 496.40 au 9 mai 2019. S'agissant des trois comptes bancaires précités, le recourant ne conteste ni leur existence ni le fait que des versements importants ont été opérés sur ceux-ci, mais se borne à fournir des explications selon lesquelles il n'aurait pas utilisé les sommes d'argent concernées pour ses propres besoins, mais pour régler une dette de CHF 70'000.- de sa défunte mère ainsi que les frais de transport funéraire. Ce faisant, le recourant perd de vue que n'est pas déterminant en l'espèce l'utilisation faite des fonds, mais bien le fait qu'il n'ait déclaré ni ces versements ni même les comptes bancaires et postaux y relatifs.

Compte tenu de ces éléments, les questions de savoir si le recourant devait être qualifié d'indépendant au vu de son inscription à la brigade des moeurs en tant que travailleur du sexe et s'il est effectivement bénéficiaire d'assurances-vie non déclarées peuvent souffrir de rester indécises. Même en faisant abstraction de ces éléments, il doit être retenu que le recourant a, en n'informant pas l'hospice de l'existence des comptes et des versements précités, violé de manière grave son obligation de renseigner.

Dans ces conditions, c'est à juste titre que l'intimé a décidé de mettre un terme aux prestations du recourant au sens de l'art. 35 al. 1 let. a, c et d LIASI.

Enfin, la suppression desdites prestations avec effet au 30 juin 2019 apparaît proportionnée et adaptée au cas d'espèce, compte tenu de toutes les circonstances susmentionnées, et notamment du fait qu'il s'agit de la deuxième fois que le recourant cache des informations importantes à l'hospice. De plus, le recourant garde la possibilité de déposer une nouvelle demande de prestations d'aide financière auprès du centre d'action sociale de son quartier s'il ne parvient pas à faire face à ses besoins vitaux et s'il communique toutes les informations propres à établir de manière précise sa situation personnelle et financière.

Mal fondé, le recours doit être rejeté.

11) Vu la nature du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA et 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03), ni alloué d'indemnité de procédure, le recourant succombant (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 15 novembre 2019 par Monsieur A______ contre la décision sur opposition de l'Hospice général du 17 octobre 2019 ;

 

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est ni perçu d'émolument ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______ ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :