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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1083/2015

ATA/1162/2015 du 27.10.2015 ( EXPLOI ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1083/2015-EXPLOI ATA/1162/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 27 octobre 2015

2ème section

 

dans la cause

 

Madame et Monsieur A______
représentés par Me Roger Mock, avocat

contre

SERVICE DU COMMERCE



EN FAIT

1) Le 25 avril 2013, la direction du service du commerce (ci-après : SCom), rattachée au département des affaires régionales, de l’économie et de la santé devenu depuis lors le département de la sécurité et de l’économie (ci-après : le département) a délivré à Madame A______ une autorisation de vendre des boissons fermentées (vin, bière, cidre) et distillées (liqueurs, eaux de vie, alcopops) à l’emporter dans leurs emballages d’origine fermés et cachetés, à l’exclusion de tout débit sur le comptoir, pour le compte de cette dernière et de son époux, Monsieur A______, exploitant un tabac-épicerie à l’adresse ______, rue B______ à Genève.

L’autorisation d’exploiter était accordée sous les réserves et conditions du respect de l’interdiction de vendre à l’emporter des boissons alcoolisées entre 21h00 et 07h00.

La décision rappelait qu’en cas d’infraction, des sanctions administratives et/ou des amendes pouvant aller jusqu’à CHF 10'000.- pouvaient être prononcées à l’encontre des titulaires de l’autorisation et de son personnel.

2) Le 18 octobre 2013, le SCom a notifié aux exploitants un avertissement. La police municipale avait constaté le 11 septembre 2013 à 22h20 la vente à un client de l’épicerie-tabac d’une bouteille de vodka. Si d’aventure, il était à nouveau constaté une violation des prescriptions légales, le SCom procéderait à la fermeture de l’établissement avec apposition des scellés pour une durée maximale de quatre mois.

3) Le 25 octobre 2013, le SCom a notifié un nouvel avertissement aux exploitants de l’épicerie-tabac pour des faits antérieurs au précédent avertissement, soit pour des faits qui s’étaient déroulés le 6 juillet 2013 à 01h15 du matin et le 15 août 2013 à 22h55. Dans les deux cas, la police municipale avait constaté la vente d’alcool au-delà des horaires autorisés.

4) Le 13 juin 2014, le SCom a ordonné la fermeture de l’épicerie-tabac pour une durée d’une semaine, ceci avec effet immédiat. Le 7 mai 2014 à 22h30, la police municipale avait constaté, selon rapport du 8 mai 2014, que la vente de boissons alcoolisées fermentées était pratiquée en dehors des heures légales.

5) Cette décision n’a pas fait l’objet d’un recours et elle a été exécutée entre le vendredi 13 juin et le vendredi 20 juin 2014.

6) Le 22 décembre 2014, la police municipale a établi un rapport au sujet de la vente illicite de boissons alcooliques dans l’épicerie-tabac des époux A______. Le 18 décembre 2014 à 22h15, ses agents avaient constaté que deux jeunes femmes venaient d’acheter de l’alcool, soit cinq canettes de cinq décilitres de bière, dans le magasin de Mme et M. A______. Ils avaient effectué un contrôle auprès d’elles, les avaient identifiées et elles avaient admis l’achat de ces produits dans le commerce précité. Les agents s’étaient ensuite présentés sur le lieu de la vente et M. A______ avait reconnu les faits.

7) Le 4 février 2015, le SCom a écrit à Mme et M. A______.

Il leur demandait de se déterminer au sujet des faits consignés dans le rapport de la police municipale du 22 décembre 2014. Le SCom envisageait d’infliger une sanction et/ou de prononcer une mesure administrative. Il leur donnait la possibilité de se déterminer au sujet des faits d’ici au 17 février 2015.

8) Mme et M. A______ n’ont pas donné suite à l’invite du SCom précitée.

9) Par décision du 5 mars 2015, le SCom a ordonné la fermeture du commerce nommé « Tabac C______ » sis ______, rue B______ à Genève pour une durée de quatorze jours, soit du 25 avril 2015 à 14h30, au 6 mai 2015 à 14h.30.

La mesure était fondée sur le rapport d’infraction du 22 décembre 2014. L’infraction à la vente à l’emporter de boissons alcoolisées n’était pas la première commise par les époux A______. Ils étaient passibles de sanctions pour les faits du 18 décembre 2014, car ils ne pouvaient ignorer les horaires de vente légaux pour la vente de boissons alcoolisées.

10) Par courrier posté le 31 mars mais daté du 2 avril 2015 adressé à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), Mme et M. A______ ont interjeté un recours contre la décision de fermeture précitée, concluant à son annulation.

Le recours était déposé en urgence et ils sollicitaient un délai pour pouvoir le compléter. La décision n’était fondée que sur un seul constat d’infraction commise le 18 décembre 2014 à 22h15 et portant sur la vente de cinq cannettes de bière à deux jeunes femmes. Il y avait quatre dépanneurs dont le « Tabac C______ » sur l’avenue D______, ainsi que deux établissements du même type à la rue E______, sans compter ceux qui étaient exploités au boulevard F______, ainsi qu’à la rue G______. Il était dès lors pour le moins aléatoire d’affirmer que le contrôle effectué par la police municipale concernait forcément les recourants. Toute la famille A______ vivait grâce au produit de la vente des produits de leur commerce. L’obligation de fermer leur établissement pendant quatorze jours avait une conséquence économique hors de proportion avec l’infraction.

11) Le 1er avril 2015, le juge a imparti aux recourants un délai au 14 avril 2015 pour compléter leur recours.

12) Les recourants n’ayant pas fait usage de cette faculté, le SCom a répondu le 12 août 2015 en concluant à son rejet.

Les faits n’étaient pas contestés et avaient même été admis dans leurs observations préalables à la décision du 5 juin 2014.

L’existence de l’infraction et son imputation aux recourants résultait du rapport de police dont la valeur probante ne pouvait être, sur ce point, remise en question. Il en ressortait clairement que des clients sortant du commerce des recourants ayant confirmé aux policiers avoir acheté cinq cannettes de bière dans ce magasin.

La décision de fermeture respectait le principe de la proportionnalité. Les recourants avaient fait l’objet de deux avertissements et d’une mesure de fermeture, préalablement à celle-ci, pour des faits similaires.

13) Le 14 août 2015, les parties ont été avisées que l’instruction était close et un délai au 27 août 2015 leur a été imparti pour formuler toute requête complémentaire et aux recourants pour répliquer.

Sur ce, la cause a été gardée à juger le 4 septembre 2015.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) La vente à l’emporter de boissons alcooliques régie par la loi sur la vente à l'emporter des boissons alcooliques du 22 janvier 2004 (LVEBA - I 2 24).

3) La vente à l’emporter de boissons alcooliques dans des commerces est soumise à l’obtention préalable d’une autorisation délivrée par le département de la sécurité et de l’économie (ci-après : le département) (art. 5 al. 1 LVEBA).

4) La vente de boissons distillées à des mineurs est strictement interdite et celle de boissons fermentées l’est également à des mineurs de moins de seize ans (art. 4 al. 2 et 3 LVEBA).

5) En outre, la vente de boissons alcooliques à l’emporter est interdite de 21h.00 à 7h.00, indépendamment des dispositions de la loi sur les heures d’ouvertures des magasins du 15 novembre 1968 (LHOM I 1 05) (art. 11 al. 1 LVEBA), sauf dans les établissements autorisés au sens de la loi sur la restauration, le débit de boissons et l’hébergement du 17 décembre 1987 (LRDBH - I 2 21).

6) À teneur de l’art. 14 al. 2 LVEBA, le département peut procéder à la fermeture, avec l’apposition de scellés, pour une durée maximale de quatre mois, de tout commerce vendant des boissons distillées et fermentées à l’emporter dont l’exploitation perturbe ou menace gravement l’ordre public, notamment la sécurité et la tranquillité publiques, ou en dépit d’un avertissement, en cas de violation répétée des prescriptions. Le prononcé d’une amende pénale est réservé à l’art. 15 LVEBA.

7) On doit inférer des explications sibyllines des recourants qui évoquent un risque de confusion en raison de l’existence de nombreux commerces dans la rue où le leur se situe, qu’ils contestent les faits qui leur sont reprochés, la décision attaquée ayant été prononcée sur la base d’une constatation inexacte des faits pertinents par l’autorité intimée (art. 61 al. 1 let. b LPA).

a. La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle le juge établit les faits d’office (art. 19 LPA). Ce principe n’est pas absolu, sa portée étant restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA). Celui-ci comprend en particulier l’obligation des parties d’apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d’elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l’absence de preuves (arrêts du Tribunal fédéral 8C_1034/2009 du 28 juillet 2010 consid. 4.2 ; 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 3.3.2 ; ATA/573/2015 du 2 juin 2015 ; ATA/99/2014 du 18 février 2014).

b. En procédure administrative, tant fédérale que cantonale, la constatation des faits est gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves (art. 20 al. 1 2ème phr., LPA ; ATF 139 II 185 consid. 9.2 ; 130 II 482 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_668/2011 du 12 avril 2011 consid. 3.3 ; ATA/573/2015 précité ; ATA/716/2013 du 29 octobre 2013 ; ATA/538/2013 du 27 août 2013 ; ATA/426/2012 du 3 juillet 2012). Le juge forme ainsi librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées et ce n’est ni le genre, ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (ATA/573/2015 et ATA/716/2013 précités).

c. De jurisprudence constante, la chambre de céans accorde généralement une pleine valeur probante aux constatations figurant dans un rapport de police, établi par des agents assermentés (ATA/295/2015 du 24 mars 2015 ; ATA/1027/2014 du 16 décembre 2014 ; ATA/99/2014 précité ; ATA/818/2013 du 17 décembre 2013 ; ATA/757/2011 du 13 décembre 2011 ; ATA/532/2006 du 3 octobre 2006), sauf si des éléments permettent de s’en écarter.

d. En l’espèce, le rapport de la police municipale du 22 décembre 2014 ne prête pas à confusion. Il établit clairement que le 18 décembre 2014, trois agents de la police municipale ont constaté que deux jeunes femmes, qu’ils ont identifiées et qui ont admis les faits, étaient sorties du magasin des recourants à 22h15, soit en dehors des horaires de vente autorisés, où elles venaient d’acheter des boissons alcoolisées. Après les avoir contrôlées, les agents s’étaient rendus dans le magasin pour informer M. A______ qu’ils dressaient une contravention pour ces faits. La chambre administrative ne voit pas, au vu de la précision de leur rapport, qu’il y ait pu avoir un risque de confusion avec un autre dépanneur de l’avenue D______, comme cherchent à soutenir les recourants, sans réelle conviction puisqu’ils ne fournissent aucun élément à l’appui d’une telle thèse.

8) Les faits résultant du rapport de renseignements de la police municipale précité sont établis. Ils constituent une infraction à l’art. 11 LVEBA qui interdit la vente alcool à l’emporter au-delà de 21 h. Cette infraction autorisait le SCom à décider de la fermeture temporaire du magasin en application de l’art. 14 al. 2 LVEBA.

9) Les recourants considèrent que l’obligation qui leur est faite de fermer leur établissement pendant quatorze jours aurait une conséquence économique hors de proportion avec l’infraction qui leur est reprochée.

Selon l’art. 5 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), l’activité étatique doit respecter le principe de la proportionnalité. Le respect de cette obligation est d’autant plus important que la mesure est susceptible de restreindre les activités économiques du destinataire de la décision et de porter ainsi atteinte à sa liberté économique (art. 36 al. 3 Cst.) (ATA/769/2015 consid. 9b).

En l’espèce, la fermeture ordonnée est consécutive à trois précédentes mesures prises pour des faits similaires, qui ont conduit au prononcé de deux avertissements et d’un premier ordre de fermeture du commerce d’une durée d’une semaine. Elle n’est que d’une durée de deux semaines, alors que le SCom est autorisé à prononcer des mesures de fermeture pouvant aller jusqu’à quatre mois. La chambre administrative rappelle qu’une telle mesure n’a pas pour vocation de punir son destinataire, mais de l’amener à adopter, à l’avenir, un comportement conforme aux obligations inhérentes à tout titulaire d’une autorisation (ATA/769/2015 précité). Au vu des antécédents qui viennent d’être rappelés et de sa durée, la sanction administrative prononcée est conforme au principe de la proportionnalité et ne peut qu’être confirmée.

10) Le recours sera rejeté. Vu son issue, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge des recourants (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne leur sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 31 mars 2015 par Monsieur et Madame A______ contre la décision du service du commerce du 5 mars 2015 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de Monsieur et Madame A______, pris conjointement et solidairement ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Roger Mock, avocat des recourants, ainsi qu'au service du commerce.

Siégeants : Mme Junod, présidente, MM. Thélin et Dumartheray, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

la présidente siégeant :

 

 

Ch. Junod

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le la greffière :