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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/584/2016

ATA/991/2016 du 22.11.2016 ( EXPLOI ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 26.12.2016, rendu le 31.01.2017, REJETE, 2C_1181/2016
Descripteurs : PROSTITUTION ; MAISON DE PROSTITUTION ; SANTÉ ; SANCTION ADMINISTRATIVE ; AVERTISSEMENT(SANCTION) ; AMENDE ; CONSTATATION DES FAITS ; EXCÈS ET ABUS DU POUVOIR D'APPRÉCIATION ; PROPORTIONNALITÉ
Normes : Cst.29.al2; LPA.19; LPA.22; LProst.12.letb; LProst.12.letc
Résumé : Recours de la responsable d'un salon de massage contre une décision du département de la sécurité et de l'économie lui infligeant un avertissement et une amende pour violation de l'art. 12 let. b et c LProst. Dans la mesure où seule une violation de l'art. 12 let. c LProst est retenue par la chambre administrative, l'avertissement est confirmé mais le montant de l'amende est réduit. Admission partielle du recours.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/584/2016-EXPLOI ATA/991/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 22 novembre 2016

1ère section

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Dimitri Tzortzis, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE LA SÉCURITÉ ET DE L'ÉCONOMIE



EN FAIT

1.1) Madame A______ exploite le salon de massage B______ (ci-après : B______) à Genève.

2.2) Par décision du 29 novembre 2012, le département de la sécurité et de l’économie (ci-après : le département) lui a infligé un avertissement et une amende de CHF 1'000.- pour avoir proposé des prestations non protégées sur son site internet. Cette décision a été confirmée par la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative ; ATA/205/2014 du 1er avril 2014), puis par le Tribunal fédéral (arrêt du Tribunal fédéral 2C_490/2014 du 26 novembre 2014).

L’arrêt motivé du Tribunal fédéral a été notifié à l’intéressée le 10 décembre 2014.

3.3) Le 4 février 2015, suite à un contrôle, la brigade des mœurs, devenue entretemps la brigade de lutte contre la traite des êtres humains et la prostitution illicite (ci-après : la brigade), a établi un rapport au sujet du B______.

Mme A______ avait été informée le 20 janvier 2015 par téléphone du fait que le site internet du B______ proposait toujours certaines prestations à risques. Le 4 février 2015, seuls les termes se référant à des prestations à risques avaient été enlevés. Les prix n’avaient toutefois pas changé et une différence de prix existait pour des prestations devenues similaires. Par entretien téléphonique du même jour avec une personne du salon, la brigade avait été informée qu’il n’était plus possible de faire de la publicité pour certaines prestations mais que la différence de prix était due au fait que les prestations à risques étaient toujours proposées.

4.4) Le 11 février 2015, le département a écrit à Mme A______.

Il lui était reproché d’avoir, par les éléments figurant sur le site internet du B______, porté atteinte à l’ordre public, en particulier à la santé publique. Le département envisageait d’ordonner la fermeture temporaire de l’établissement pour une durée de un à six mois, de lui interdire d’exploiter tout autre salon pour une durée analogue, ainsi que de lui infliger une amende administrative.

5.5) Mme A______ a répondu le 27 février 2015, contestant l’intégralité du contenu du courrier précité.

6.6) Le même jour, elle a saisi le département d’une demande de récusation visant le collaborateur ayant signé le pli du 11 février 2015.

La décision du conseiller d’État en charge du département de rejeter cette requête a été confirmée par la chambre administrative (ATA/669/2015 du 23 juin 2015) puis par le Tribunal fédéral (arrêt du Tribunal fédéral 2C_629/2015 du 1er décembre 2015).

7) Par courrier du 18 août 2015, le département a informé Mme A______ qu’il entendait reprendre la procédure administrative ouverte à son encontre le 11 février 2015.

8.8) Mme A______ a répondu le 31 août 2015. Elle persistait à contester le fait d’avoir contrevenu à la législation applicable. Elle avait pris toutes les dispositions nécessaires aux fins d’empêcher toute atteinte à l’ordre public.

9.9) Le 30 septembre 2015, le département a réécrit à Mme A______.

Il avait omis de faire état, dans son précédent courrier, d’une nouvelle infraction qui lui avait été dénoncée par la brigade. Suite à un contrôle effectué au B______ le 10 mars 2015, la présence de Madame C______, de nationalité française, avait été constatée alors que celle-ci n’était pas enregistrée auprès de la brigade et n’était pas au bénéfice d’une autorisation valable.

10.10) Par courrier du 14 octobre 2015, Mme A______ a indiqué que, lors du contrôle, Mme C______ n’exerçait pas son activité au sein du B______, mais venait tout juste d’arriver à Genève. Elle contestait ainsi toute infraction à la loi.

11.11) Les 17 et 18 septembre 2015, la brigade a procédé à un contrôle du site internet du B______ et d’autres sites internet érotiques.

Le « menu des plaisirs » du B______ ne mentionnait plus de prestations à risques et il était désormais possible de lire sur ce site « Selon ordre du département de la sécurité nous devons mentionner sur ce site que tous les rapports sexuels sont couverts. Nous ne pourrons donc plus y mentionner des rapports oraux non protégés ». Toutefois, les prestations à risques du B______ figuraient toujours dans les annonces publiées sur d’autres sites internet, en particulier « D______ », « E______ » et « F______ » (ci-après : D______, E______ et F______).

12.12) Les 11 et 18 décembre 2015, la brigade a entendu Messieurs G______, responsable du site E______, et H______, courtier pour le site D______.

a. M. G______ a expliqué avoir lui-même crée en 2014 l’annonce pour le B______ sur E______ en reprenant le texte qui figurait sur la page d’accueil du site principal. Depuis lors, le texte n’avait subi aucune modification. En accord avec l’intéressée et en contrepartie de cette publication, M. G______ pouvait démarcher les travailleuses du B______.

b. M. H______ a indiqué avoir probablement repris le texte du site du B______ pour rédiger l’annonce sur le site D______ à la demande de l’intéressée. L’annonce était payée via un ordre permanent par la société propriétaire du B______.

13.13) Le 20 janvier 2016, le département a infligé un avertissement et une amende de CHF 4'000.- à Mme A______.

Il ressortait des constatations effectuées par la brigade dans son rapport du 4 février 2015, puis, des contrôles effectués le 17 et 18 septembre 2015, que Mme A______ n’avait manifestement pas pris toutes les mesures nécessaires aux fins d’empêcher toute atteinte à l’ordre public, et avait continué à violer la loi en faisant régulièrement paraître, dans les annonces de son salon, des prestations prohibées, et cela jusqu’au tout début de l’année 2016 (selon les toutes dernières informations de la brigade, les sites précités ne faisaient plus référence aux pratiques prohibées).

De plus, en ne prenant pas les mesures nécessaires pour faire en sorte que, même en son absence, Mme C______, qui se trouvait dans son établissement, soit dûment enregistrée auprès de la brigade et au bénéfice d’une autorisation de travail valable, Mme A______ avait violé la loi et la jurisprudence rendue en la matière.

Compte tenu du fait que l’intéressée s’était finalement résolue à modifier le texte des annonces concernant son salon et à ne plus mentionner des pratiques à risques, reconnaissant ainsi les infractions commises, le département renonçait, à titre tout à fait exceptionnel et sous l’angle du principe de la proportionnalité, à ordonner la fermeture temporaire du salon de massages dont elle était la responsable et à lui interdire d’exploiter tout autre salon pour une durée limitée, partant du principe que ce geste de clémence l’inciterait à adopter, à l’avenir, un comportement conforme à ses obligations.

14.14) Par acte du 22 février 2016, Mme A______ a recouru contre cette décision auprès de la chambre administrative, concluant à la constatation qu’aucun comportement fautif ne pouvait lui être reproché et à l’annulation de la décision. À titre préalable, elle a conclu à la production du procès-verbal de l’entretien téléphonique du 20 janvier 2015 et à celui rédigé lors du contrôle du B______ effectué le 10 mars 2015, ainsi qu’à l’audition des inspecteurs auteurs du rapport du 4 février 2015 et de Mesdames I______, J______ et K______.

Les faits avaient été constatés de manière inexacte. Mme C______ envisageait de commencer le métier de prostituée mais n’était pas encore en activité au moment du contrôle. Quant au texte de son site internet, celui-ci avait été modifié à compter du 18 décembre 2014 et les tarifs indiqués se rapportaient aux prestations effectuées selon les hôtesses qui décidaient elles-mêmes de leurs tarifs. Elles avaient été informées par l’intéressée du fait qu’il était interdit de faire de la publicité pour les pratiques à risques et les renseignements transmis par téléphone n’engageaient que l’hôtesse ayant répondu. Pour les annonces sur les autres sites internet, les textes avaient été repris de celui du B______ tels qu’ils apparaissaient à l’époque. L’intéressée ne se souvenait plus que certains sites avaient publié ces annonces et n’avait donc pas pensé à les faire modifier. Cet oubli ne pouvait lui être reproché et le département aurait dû à tout le moins attirer son attention sur ces annonces et la mettre en demeure de procéder aux modifications avant de rendre sa décision. Dès l’instant où l’intéressée avait su que de telles annonces existaient encore, elle avait immédiatement sollicité leur modification.

Ainsi, force était de constater que l’intéressée mettait tout en œuvre – en tant que responsable du B______ – afin de suivre à la lettre la législation en vigueur. La décision du département devait être annulée.

15.15) Dans ses observations du 23 mars 2016, le département a persisté dans ses conclusions.

Il a produit plusieurs pièces, dont un rapport de la brigade du 12 mars 2015 portant notamment sur le contrôle du 10 mars 2015.

16.16) Le 2 mai 2016, le juge délégué a entendu Monsieur L______, inspecteur principal adjoint, et Mme A______.

a. M. L______ a indiqué que Mme C______ était présente lors du contrôle du 12 mars 2015, habillée en tenue de ville. Au moment où ils avaient commencé à discuter, une travailleuse du salon les avait interrompus en disant « non mais toi tu viens d’arriver ; ça ne te concerne pas ». Deux jours plus tard, lorsqu’elle était venue s’inscrire, Mme C______ avait admis avoir passé la journée au salon, sans lui indiquer si elle avait reçu des clients.

b. Mme A______ a expliqué avoir reçu le jour en question Mme C______, qui voulait se prostituer pour la première fois, afin d’en discuter avec elle et de lui permettre de prendre sa décision en pleine connaissance de cause. Mme C______ était partie du salon en même temps qu’elle avant de revenir plus tard, ayant besoin d’une connexion internet. Mme C______ logeait dans un appartement dont Mme A______ disposait au troisième étage du même immeuble et où il n’y avait pas d’internet.

Elle a précisé avoir mandaté les sites internet F______ et D______, vers 2006-2008. Depuis lors, elle ne s’en était plus occupée sauf pour payer les factures qu’elle recevait. Le contenu du site du B______ était repris dans d’autres sites sans qu’elle soit au courant ou qu’elle ait donné d’instruction.

17.17) Par courrier du 19 mai 2016, le juge délégué a sollicité de l’autorité pénale compétente la transmission, en prêt, de la procédure P/1______7/2015.

Une contravention avait été prononcée à l’encontre de Mme A______ pour les faits du 10 mars 2015, en raison de la présence de Mme C______ au B______. En tant qu’employeur, il lui était reproché d’avoir contrevenu à l’obligation d’annonce d’un employé étranger.

Les pièces du dossier pénal versées à la présente procédure ont été transmises aux parties.

18.18) Il ressort notamment de la procédure P/1______7/2015 l’audition, par le Tribunal de police, de Mesdames A______ et I______.

a. Mme A______ a expliqué qu’après le 10 mars 2015, Mme C______ était allée à la brigade le 12 mars 2015 pour s’enregistrer. Elle était venue au salon le même jour travailler quelques heures puis n’était jamais revenue. Mme A______ n’avait plus de nouvelles d’elle et ne savait pas où elle se trouvait.

b. Présente lors du contrôle le 10 mars 2015 par la brigade, Mme I______ a confirmé que Mme C______ n’avait pas travaillé ce jour-là, précisant que lorsqu’une nouvelle fille arrivait au salon, elle lui faisait visiter le salon mais celle-ci n’avait pas le droit de travailler tant qu’elle n’était pas enregistrée à la brigade.

19.19) Le 13 juin 2016, le juge délégué a réentendu M. H______, qui a confirmé ses déclarations à la police. Il a toutefois été renoncé à l’audition d’un témoin s’agissant du site F______, aucune personne ne pouvant apporter de réponses précises.

20.20) Par courrier du 3 mai 2016, le département a produit une copie de la contravention dressée à l’encontre de Mme C______ le 12 mars 2015 et qui n’avait pas été contestée, ni payée, par celle-ci.

21.21) Par courrier du 12 mai 2016, Mme A______ a produit une copie du jugement du Tribunal de police du 11 mai 2016 dans le cadre de la procédure P/1______7/2015 l’acquittant de l’infraction de violation de l’obligation d’annonce d’un employé étranger, notamment à l’égard de Mme C______.

22.22) Tant le département, dans ses observations après enquêtes du 22 juin 2016, que Mme A______, par courrier du 20 juillet 2016, ont persisté dans leurs conclusions.

23.23) Sur quoi, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

24.24) Les arguments des parties seront repris en tant que de besoin dans la partie en droit ci-dessous.

EN DROIT

1.1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.2) La recourante sollicite préalablement la production du procès-verbal de l’entretien téléphonique du 20 janvier 2015 et de celui rédigé lors du contrôle du B______ effectué le 10 mars 2015. Elle demande également l’audition des inspecteurs auteurs du rapport du 4 février 2015 et de Mesdames I______, J______ et K______.

a. Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes et d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes (arrêts du Tribunal fédéral 2C_545/2014 du 9 janvier 2015 consid. 3.1 ; 2D_5/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3).

b. Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 136 I 229 consid. 5.2 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; 131 I 153 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_119/2015 du 16 juin 2015 consid. 2.1).

c. En l’espèce, l’autorité intimée a produit le rapport du 12 mars 2015 sollicité par la recourante et sur lequel elle a eu l’occasion se déterminer. M. L______, l’inspecteur auteur du rapport du 4 février 2015, a été auditionné et le procès-verbal d’audition de Mme I______ dans le cadre de la procédure P/1______7/2015 a également été versé à la présente procédure. Concernant l’autre inspecteur et Mesdames J______ et K______, l’audition de ces personnes n’est pas susceptible d’apporter d’éléments supplémentaires. De même, la production du procès-verbal de l’entretien téléphonique du 20 janvier 2015, pour autant qu’il en existe un, n’est pas nécessaire dans la mesure où son contenu ressort du rapport de police du 4 février 2015. La chambre administrative dispose ainsi d’un dossier complet lui permettant de trancher les griefs soulevés en toute connaissance de cause.

Il ne sera en conséquence pas donné suite aux autres requêtes de la recourante.

3.3) La recourante conteste que Mme C______ se soit livrée à la prostitution dans son salon lors du contrôle de police du 10 mars 2015. Elle conteste également que le texte de son site internet n’ait pas été modifié avant le mois de février 2015 et d’avoir intentionnellement continué à faire publier des annonces non modifiées sur d’autres sites internet. Elle invoque dès lors une constatation inexacte des faits pertinents par l’autorité intimée, comme le lui permet l’art. 61 al. 1 let. b LPA.

a. La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle le juge établit les faits d’office (art. 19 LPA). Ce principe n’est pas absolu, sa portée étant restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA). Celui-ci comprend en particulier l’obligation des parties d’apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d’elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l’absence de preuves (arrêts du Tribunal fédéral 8C_1034/2009 du 28 juillet 2010 consid. 4.2 ; 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 3.3.2 ; ATA/769/2015 du 28 juillet 2015 ; ATA/573/2015 du 2 juin 2015).

b. En procédure administrative, tant fédérale que cantonale, la constatation des faits est gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves (art. 20 al. 1, 2ème phr., LPA ; ATF 139 II 185 consid. 9.2 ; 130 II 482 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_668/2011 du 12 avril 2011 consid. 3.3 ; ATA/769/2015 précité ; ATA/573/2015 précité ; ATA/716/2013 du 29 octobre 2013 ; ATA/538/2013 du 27 août 2013). Le juge forme ainsi librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées et ce n’est ni le genre, ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (ATA/769/2015 et ATA/573/2015 précités).

c. De jurisprudence constante, la chambre de céans accorde généralement une pleine valeur probante aux constatations figurant dans un rapport de police, établi par des agents assermentés (ATA/769/2015 précité ; ATA/295/2015 du 24 mars 2015 ; ATA/1027/2014 du 16 décembre 2014 ; ATA/99/2014 précité ; ATA/818/2013 du 17 décembre 2013 ; ATA/757/2011 du 13 décembre 2011), sauf si des éléments permettent de s’en écarter.

d. En l’espèce, tant l’audition de la recourante que celle de Mme I______, laissent croire que Mme C______ n’exerçait pas encore son activité de prostituée le jour du contrôle, ce que l’audition de M. L______ n’a d’ailleurs pas permis de contredire. Dès lors et à teneur de l’ensemble du dossier, la chambre administrative retiendra que bien qu’elle se trouvait au salon le 10 mars 2015, Mme C______ n’avait pas encore commencé son activité ce jour-là.

e. En revanche, s’agissant de la modification du texte de son site internet, l’extrait du site « M______» produit par la recourante n’emporte pas conviction dans la mesure où ni la date ni le contenu de la modification du site du B______ n’y sont mentionnés. Il n’y a donc pas lieu de remettre en question les faits contenus dans le rapport de police du 4 février 2015. Quant à savoir si la recourante avait ou non intentionnellement omis de modifier les annonces publiées sur d’autres sites internet, cette question ressort de l’appréciation juridique des preuves et non pas de l’établissement des faits.

Le grief de constatation inexacte des faits sera dès lors écarté sur ces points.

4.4) Au fond, la recourante reproche au département d’avoir violé l’art. 12 let. b de la loi sur la prostitution du 17 décembre 2009 (LProst - I 2 49) et d’avoir abusé de son pouvoir d’appréciation s’agissant de la présence de Mme C______ au B______. Aucun comportement fautif ne pouvait lui être reproché.

a. À teneur de l’art. 12 let. b LProst, la personne responsable d'un salon a pour obligation de s'assurer que les personnes prostituées dans le salon ne contreviennent pas à la législation, notamment celle relative au séjour et au travail des étrangers. Selon l’art. 4 al. 1 LProst, toute personne qui se prostitue est tenue, préalablement au début de son activité, de se présenter personnellement à l’autorité compétente. Elle doit être majeure.

b. Il ressort des travaux préparatoires que l’obligation d’annonce ne doit pas se faire au moment où la prostituée ait simplement l’intention d’exercer son activité mais seulement préalablement au début de l’exercice de cette activité (Mémorial du Grand Conseil [MGC] 2009-2010/III A 2107).

c. En l’espèce, il est établi que Mme C______ n’avait pas encore commencé d’exercer l’activité de prostituée le 10 mars 2015. Elle s’est présentée à la brigade le 12 mars 2015 afin de s’enregistrer pour se prostituer ce même – et vraisemblablement seul – jour au sein du B______. Il ne peut dès lors être reproché à la recourante de ne pas avoir respecté l’art. 12 let. b LProst.

C’est ainsi à tort que le département a retenu une infraction à cet article et le recours sera admis sur ce point.

5.5) La recourante invoque également une violation de l’art. 12 let. c LProst et un abus du pouvoir d’appréciation par le département concernant les annonces publiées sur internet. Elle avait agi avec célérité et pris toutes les mesures nécessaires aux fins d’empêcher toute atteinte à l’ordre public.

a. La personne responsable d'un salon de massage doit y empêcher toute atteinte à l'ordre public, notamment à la tranquillité, à la santé, à la salubrité et à la sécurité publique (art. 12 let. c LProst).

b. Dans le cadre de l’application de cet article, la recourante a déjà été sanctionnée pour avoir proposé des actes sexuels non protégés sur son site internet (ATA/205/2014 du 1er avril 2014 et l’arrêt du Tribunal fédéral 2C_490/2014 précités).

Le Tribunal fédéral a jugé qu'il appartenait aux tenanciers de salons de massages de choisir les mesures adéquates visant à prévenir ou à faire cesser toute atteinte à l'ordre public, de même que de sensibiliser, d'aider ou d'obliger contractuellement une personne se prostituant et ses clients à prendre les dispositions de sécurité idoines, notamment pour éviter la diffusion d'infections sexuellement transmissibles (ATF 137 I 167 consid. 6.2 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_490/2014 précité consid. 3.2). En cas d'impossibilité d'exercer un contrôle décisif sur une situation à risque, l'obligation mise à charge des tenanciers se transformait ainsi en une obligation de moyens exigeant d'eux qu'ils déploient des efforts soutenus et sérieux (ATF 137 I 167 consid. 6.2).

c. En l’espèce, il ressort du dossier que les prestations à risques ont finalement été enlevées du site internet du B______ entre les 20 janvier et 4 février 2015, suite à l’interpellation de la brigade du 20 janvier 2015 et un peu plus d’un mois après que la recourante ait reçu la motivation de l’arrêt du Tribunal fédéral 2C_490/2014 précité.

S’agissant des annonces publiées pour le B______ sur D______, E______ et F______, il ressort du dossier que la recourante a sollicité leur publication et, en contrepartie, paie un abonnement (mensuel ou annuel) ou a convenu d’un arrangement avec les sites concernés.

Au vu de ces circonstances, il ne peut être retenu que la recourante ait pris les mesures adéquates ou déployé les efforts sérieux tels qu’exigés par l’art. 12 let. c LProst. D’une part, elle n’a pas agi avec la célérité requise, n’ayant pas procédé de son propre gré à la modification du site internet du B______ lorsque la motivation de l’arrêt du Tribunal fédéral lui a été notifiée en décembre 2014. D’autre part, les autres sites internet ont publié l’annonce du salon sur demande de la recourante qui leur devait une contre-prestation régulière. Dès lors, il pouvait raisonnablement être exigé de sa part la vérification de ces annonces afin d’entreprendre les démarches pour leur éventuelle modification, sans qu’une interpellation du département ne doive avoir lieu.

C’est ainsi à juste titre que le département a reproché à la recourante de ne pas avoir respecté l’art. 12 let. c LProst.

6.6) Selon l’art. 14 al. 1 let. d et al. 2 LProst, la personne responsable d’un salon de massage qui n’a pas respecté les obligations imposées par l’art. 12 LProst peut notamment faire l’objet d’un avertissement. Indépendamment du prononcé de cette mesure, l’autorité compétente peut infliger une amende administrative de CHF 100.- à CHF 50’000.- à toute personne ayant enfreint les prescriptions de la loi ou de ses dispositions d’exécution.

a. Les amendes administratives prévues par les législations cantonales sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut, au demeurant, aussi exister. C’est dire que la quotité de la sanction administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/810/2016 du 27 septembre 2016 consid. 4a et la référence citée). En vertu de l’art. 1 al. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG - E 4 05), les dispositions de la partie générale du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) s’appliquent à titre de droit cantonal supplétif, ce qui vaut également en droit administratif sous réserve de celles qui concernent exclusivement le juge pénal (notamment les art. 34 ss, 42 ss, 56 ss, 74 ss, 106 al. 1 et 3 et 107 CP). Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d’une simple négligence. Selon la jurisprudence constante, l’administration doit faire preuve de sévérité afin d’assurer le respect de la loi et jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour infliger une amende. La juridiction de céans ne la censure qu’en cas d’excès. Enfin, l’amende doit respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst. ; ATA/810/2016 précité consid. 4a et la référence citée).

b. En l’espèce et comme cela vient d’être examiné, la recourante n’a pas agi avec la célérité requise pour supprimer les prestations à risques du site internet du B______ et elle n’a pas pris toutes les mesures qui pouvaient raisonnablement être exigées d’elle pour s’assurer que les annonces du salon publiées à sa demande sur d’autres sites internet ne comportent pas de contenu illicite. Ce faisant, elle n’a pas respecté les obligations que lui impose la LProst dont le but est notamment d’assurer la mise en œuvre des mesures de prévention et promotion de la santé dans le milieu de la prostitution (art. 1 let. b), étant précisé par ailleurs qu’il ressort des travaux préparatoires de la LProst une volonté que les sanctions et amendes soient suffisamment dissuasives (MGC 2009-2010/III A 2093, 2098 et 2009 ; ATA/114/2015 du 27 janvier 2015 consid. 6). En infligeant un avertissement, soit la sanction la moins incisive prévue par la loi, le département n’a ainsi pas excédé son pouvoir d’appréciation.

Ceci étant, une fois avoir été interpellée, la recourante a dûment modifié le site internet du B______. Elle a également entrepris les démarches pour faire modifier les annonces sur les autres sites internet.

Compte tenu de ce qui précède et de la non violation de l’art. 12 let. b LProst, la chambre administrative considère que si l’avertissement se justifie, l’amende de CHF 4'000.- paraît disproportionnée par rapport à la faute commise. L’avertissement infligé à la recourante par le département le 20 janvier 2016 sera en conséquence confirmé et l’amende de CHF 4'000.- réduite à CHF 1’000.-.

7.7) Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis.

8.8) Vu l’issue du litige, un émolument – réduit à CHF 250.- – sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 500.- à la charge de l’État de Genève sera allouée à la recourante qui obtient partiellement gain de cause et qui y a conclu (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 22 février 2016 par Madame A______ contre la décision du département de la sécurité et de l'économie du 20 janvier 2016 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

annule la décision du département de la sécurité et de l’économie du 20 janvier 2016 en ce qu’elle inflige une amende de CHF 4'000.- à Madame A______ ;

réduit le montant de l’amende administrative infligée à Madame A______ à CHF 1’000.- ;

confirme pour le surplus la décision du département de la sécurité et de l’économie du 20 janvier 2016 ;

met un émolument de CHF 250.- à la charge de Madame A______ ;

alloue à Madame A______ une indemnité de procédure de CHF 500.- à la charge de l’État de Genève ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Dimitri Tzortzis, avocat de la recourante, ainsi qu'au département de la sécurité et de l'économie.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :