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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/764/2018

ATA/1288/2019 du 27.08.2019 sur JTAPI/808/2018 ( PE ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/764/2018-PE ATA/1288/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 27 août 2019

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Michel Celi Vegas, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________



Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 27 août 2018 (JTAPI/808/2018)



EN FAIT

1) a. Monsieur A______, né le ______ 1992, est ressortissant du Venezuela.

b. De juin 2003 à février 2008, il a séjourné illégalement sur le territoire suisse, en compagnie de sa mère, Madame B______. Durant cette période, il a été scolarisé dans le canton de Genève pour sa dernière année d'école primaire et durant le cycle d'orientation.

2) Le 29 février 2008, il est retourné vivre au Venezuela avec sa mère, avant de revenir séjourner en Suisse en septembre 2014.

3) a. Par demande reçue par l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) le 23 février 2015, M. A______ a requis l'octroi d'une autorisation de séjour pour cas de rigueur.

b. Par décision du 2 octobre 2015, l'OCPM a refusé de lui octroyer une autorisation de séjour et lui a imparti un délai au 2 décembre 2015 pour quitter le territoire suisse. Son renvoi au Venezuela était possible, licite et raisonnablement exigible.

c. Par jugement du 3 juin 2016, le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI) a rejeté le recours interjeté par M. A______ contre la décision du 2 octobre 2015.

Ce jugement a été confirmé par la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) par arrêt du 27 juin 2017 (ATA/1020/2017).

Le recours interjeté contre cet arrêt par M. A______ a été déclaré irrecevable par le Tribunal fédéral le 14 septembre 2017 (2C_765/2017).

4) Le 2 octobre 2017, l'OCPM a imparti à M. A______ un délai au 2 janvier 2018 pour quitter la Suisse, la décision du 2 octobre 2015 étant désormais exécutoire.

5) a. Le 9 novembre 2017, M. A______ a sollicité de l'OCPM la régularisation de sa situation dans le cadre de l'opération Papyrus (ci-après : Papyrus).

b. Le 16 novembre 2017, l'OCPM a refusé dite requête, l'intéressé n'ayant pas séjourné de manière continue à Genève durant dix ans. Il devait respecter le délai de départ au 2 janvier 2018.

c. Le 12 décembre 2017, M. A______ a prié l'autorité de bien vouloir reconsidérer sa demande, le courrier du 16 novembre 2017 n'indiquant pas les moyens de recours.

d. Par réponse du 14 décembre 2017, l'OCPM a informé l'intéressé que sa demande de régularisation de séjour sur la base de Papyrus du 9 novembre 2017 serait transmise au service compétent pour un examen approfondi. Elle était considérée comme une demande de reconsidération de la décision du 2 octobre 2015. Elle n'avait pas d'effet suspensif à teneur de la loi. M. A______ était tenu de quitter la Suisse dans le délai qui lui avait été imparti.

e. Le 30 janvier 2018, M. A______ a interjeté recours contre ce courrier. Ce recours a été déclaré irrecevable par le TAPI le 5 février 2018.

6) a. Par décision du 31 janvier 2018, déclarée exécutoire nonobstant recours, l'OCPM a refusé d'entrer en matière sur la demande de régularisation de séjour sur la base de Papyrus du 9 novembre 2017, considérée comme une demande en reconsidération.

Aucun fait nouveau et important au sens de l'art. 80 let. a et b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) n'avait été apporté et la situation M. A______ ne s'était pas modifiée de manière notable au sens de l'art. 48 al. 1 let. b LPA. L'intéressé ne remplissait pas les critères de l'opération Papyrus, son séjour n'ayant pas été continu.

Il devait quitter le territoire.

b. Par acte du 5 mars 2018, M. A______ a interjeté recours auprès du TAPI à l'encontre de cette décision.

Principalement, il a conclu à son annulation, à pouvoir se prononcer formellement sur sa demande de régularisation et au renvoi de la cause à l'OCPM pour instruction et nouvelle décision. Préalablement, il a sollicité la restitution de l'effet suspensif ou le prononcé de mesures provisionnelles afin d'être autorisé à rester en Suisse jusqu'à droit connu dans la présente procédure.

Il encourait un réel risque dans son pays d'origine, ce que confirmait son avocat au Venezuela selon lequel une procédure pénale irrégulière et contraire aux normes internationales avait eu lieu en 2014.

S'agissant de la demande de mesures provisionnelles, il réunissait les critères de l'opération Papyrus, étant bien intégré à Genève, disposant de revenus mensuels et ne percevant pas d'aide sociale. Il n'avait pas de condamnations pénales et n'avait été en prison au Venezuela qu'en raison de sa participation à diverses manifestations pacifiques d'étudiants. Il s'était installé à Genève du fait du risque pour sa vie, qu'il encourait encore au Venezuela. Son renvoi au Venezuela était contraire aux normes suisses et principes jurisprudentiels.

c. L'OCPM s'est opposé au prononcé de mesures provisionnelles.

d. Par décision du 20 mars 2018, le TAPI a rejeté la demande d'effet suspensif et/ou de mesures provisionnelles.

Permettre au recourant de séjourner et de poursuivre son activité lucrative à Genève jusqu'à droit jugé sur le recours reviendrait à faire d'emblée droit à sa demande et à rendre illusoire la procédure au fond. Le TAPI ne pouvait, par le biais de mesures provisionnelles, remettre en question, même de façon provisoire, le caractère exécutoire du renvoi de l'intéressé, cette question échappant à sa compétence et excédant l'objet du litige. La décision du 2 octobre 2015 étant définitive et exécutoire, il ne bénéficiait d'aucun statut légal en Suisse. Il n'avait pas donné suite à la dernière injonction de quitter le territoire dans un délai au 2 janvier 2018 au plus tard. Aussi, si des mesures provisionnelles étaient ordonnées, il obtiendrait le plein de ses conclusions sur le fond, ce que le législateur n'avait pas voulu.

7) Par arrêt du 8 mai 2018 (ATA/451/2018), la chambre administrative a rejeté le recours interjeté le 3 avril 2018 contre la décision du TAPI.

8) Par jugement du 27 août 2018, le TAPI a rejeté le recours.

L'intéressé ne pouvait valablement invoquer le fait qu'il ne s'était pas prévalu de l'opération Papyrus, les critères fondant cette dernière ayant déjà été examinés dans le cadre de l'examen sous l'angle du cas de rigueur dans une procédure précédente. Les modifications dont M. A______ pourrait se prévaloir implicitement (meilleures intégration et adaptation) ne découleraient que l'écoulement du temps que ce dernier avait mis à profit pour poursuivre son séjour en Suisse alors qu'il faisait l'objet d'une décision de renvoi depuis octobre 2015, devenue exécutoire suite à l'arrêt rendu par le Tribunal fédéral en septembre 2017. La situation de l'intéressé ne s'était pas modifiée de telle manière que la décision du 2 octobre 2015 doive être remise en cause. Partant, il ne s'agissait pas d'une modification notable des circonstances susceptibles de fonder la reconsidération de ladite décision. C'était donc à bon droit que l'OCPM avait refusé d'entrer en matière sur la demande de reconsidération de M. A______.

9) Par acte du 28 septembre 2018, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative contre le jugement précité. Il a conclu à l'annulation dudit jugement et de la décision de l'OCPM du 31 janvier 2018 et, cela fait, à ce qu'il soit autorisé à se prononcer formellement en ce qui concernait sa demande de régularisation selon le projet de régularisation au cas de rigueur ou Papyrus. La cause devait être renvoyée à l'OCPM pour instruction et nouvelle décision. Des conclusions subsidiaires en renvoi du dossier à l'OCPM afin qu'une nouvelle décision relative à sa demande lui permettant d'obtenir une autorisation de séjour étaient prises.

Le TAPI n'avait pas pris en compte des faits nouveaux. La situation au Venezuela s'était grandement détériorée comme le mentionnait le site du département fédéral des affaires étrangères (ci-après : DFAE). La situation de pénurie et des difficultés d'approvisionnement n'étaient pas résorbées. Le DFAE recommandait d'éviter les régions frontalières avec la Colombie en raison de risques accrus d'infractions violentes, voire d'enlèvements. De graves violations des droits de l'homme y étaient commises par les autorités étatiques. En conséquence, la situation au Venezuela s'était fortement dégradée depuis les élections du mois de mai 2018, soit postérieurement aux différentes décisions de justice, ce qui justifiait la demande de réexamen.

Sa situation personnelle en cas de retour au Venezuela était particulièrement risquée en raison de son implication dans les manifestations étudiantes entre 2013 et 2014, époque à laquelle il avait été emprisonné pour lesdites participations. Son conseil vénézuélien confirmait que sa détention pourrait être reconnue comme celle d'un prisonnier politique.

Les conditions de la demande en réexamen étaient en conséquence remplies.

S'en suivait qu'il convenait d'examiner si les conditions de l'opération Papyrus étaient remplies. Or, tel était le cas, ce que le recourant développait.

10) L'OCPM a conclu au rejet du recours.

Était produite copie d'un courriel du Secrétariat d'État aux migrations
(ci-après : SEM) précisant que la « Federführung Amérique » du SEM estimait que le renvoi au Venezuela était en principe exigible. Il y avait lieu cependant d'examiner au cas par cas les circonstances individuelles, telles que l'âge, la situation médicale, la formation professionnelle, l'activité lucrative, le réseau familial et social, etc. pour pouvoir exclure que la personne soit mise concrètement en danger par une exécution du renvoi. Cette pratique avait été confirmée dans plusieurs arrêts du Tribunal administratif fédéral.

11) Dans sa réplique, le recourant a insisté sur l'instabilité de la situation actuelle au Venezuela. La Suisse avait prononcé des sanctions contre le Venezuela le 28 mars 2018 en réaction aux violations des droits de l'homme et de la détérioration de l'état de droit et des institutions démocratiques dans le pays. Les mêmes constatations avaient été faites par le Haut-commissariat aux droits de l'homme de l'Organisation des Nations Unies (ci-après : HCDH). Dans son rapport publié le 22 juin 2018, le HCDH soulignait que le gouvernement était plus sélectif et détenait uniquement des personnes de l'opposition politique ou toute personne perçue comme une menace pour le gouvernement. Cela concernait particulièrement les étudiants, les activistes, les défenseurs des droits humains, les travailleurs des médias et les membres des forces armées. Depuis 2015, les forces de sécurité vénézuéliennes avaient procédé à plus de cinq cents exécutions extrajudiciaires. En qualité d'étudiant ayant été précédemment arrêté, le recourant était particulièrement vulnérable à ce genre de détention arbitraire. Depuis le début de la crise au Venezuela, trois millions de réfugiés et migrants avaient fui le pays en raison de la situation de chaos dans laquelle il se trouvait. L'avocat vénézuélien du recourant expliquait la promulgation de la loi constitutionnelle « contre la haine, pour la coexistence pacifique et de la tolérance », votée à l'unanimité par l'assemblée constituante nationale du Venezuela le 8 novembre 2017. Elle prévoyait des peines de vingt ans de prison, la fermeture des médias et des amendes sur les entreprises et les médias électroniques, entre autres sanctions, et était controversée. Elle avait été critiquée au Venezuela dont les détracteurs soulignaient qu'elle était conçue pour criminaliser les dissidents politiques. Le recourant avait été témoin de cette persécution arbitraire. Lors de sa détention, il avait subi de nombreuses menaces et humiliations. Craignant pour sa sécurité et sa vie, il avait décidé de fuir le pays dès sa sortie de prison. Il avait fui son pays pour trouver refuge en Suisse. Le risque était grand qu'il se voie à nouveau incarcéré arbitrairement et sans aucune garantie procédurale s'il devait retourner au Venezuela. Or, des cas de torture et de traitements inhumains et dégradants avaient été signalés dans les prisons vénézuéliennes.

Pour le surplus, il a persisté dans ses conclusions.

12) À la demande de la chambre administrative, le recourant a traduit la déclaration de son conseil vénézuélien, laquelle a été soumise à l'autorité intimée pour prise de position.

13) Par réponse du 10 avril 2019, l'OCPM a relevé que les dires du recourant quant à sa qualité d'opposant politique avaient déjà été pris en compte dans ses observations dans le cadre de la procédure contre leur décision initiale du 2 octobre 2015. S'agissant des renvois à destination du Venezuela, le SEM confirmait, selon un échange de courriels joints, que ceux-ci restaient exigibles.

14) Autorisé à répliquer, le recourant a insisté sur le caractère impossible de son retour au Venezuela.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a LPA).

2. L'objet du litige consiste à déterminer si le TAPI était fondé à confirmer le refus de l'intimé d'entrer en matière sur la demande de régularisation de séjour sur la base de l'opération Papyrus du 9 novembre 2017, considérée comme une demande de reconsidération.

3. Le recours devant la chambre administrative peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, ainsi que pour constatation inexacte des faits (art. 61 al. 1 LPA). En revanche, la chambre administrative ne connaît pas de l'opportunité d'une décision prise en matière de police des étrangers lorsqu'il ne s'agit pas d'une mesure de contrainte (art. 61
al. 2 LPA ; art. 10 al. 2 a contrario de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

4. Le 1er janvier 2019, est entrée en vigueur une modification de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20), devenue la LEI. En l'absence de dispositions transitoires, la règle générale prévaut selon laquelle les conséquences juridiques applicables sont celles en vigueur au moment où les faits pertinents se sont produits (ATA/316/2019 du 26 mars 2019 consid. 6 et les références citées).

Les faits de la présente cause s'étant intégralement déroulés avant le 1er janvier 2019, ils sont soumis aux dispositions de la LEI, dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2018, étant précisé que la plupart des dispositions de celle-ci sont demeurées identiques.

5. a. L'autorité administrative qui a pris une décision entrée en force n'est obligée de la reconsidérer que si sont réalisées les conditions de l'art. 48
al. 1 LPA.

Une telle obligation existe lorsque la décision dont la reconsidération est demandée a été prise sous l'influence d'un crime ou d'un délit (art. 80 let. a LPA) ou que des faits ou des moyens de preuve nouveaux et importants existent, que le recourant ne pouvait connaître ou invoquer dans la procédure précédente (art. 80 let. b LPA : faits nouveaux « anciens » ; ATA/159/2018 du 20 février 2018 consid. 3a et les arrêts cités).

Une telle obligation existe également lorsque la situation du destinataire de la décision s'est notablement modifiée depuis la première décision (art. 48 al. 1 let. b LPA). Il faut entendre par là des faits nouveaux « nouveaux », c'est-à-dire survenus après la prise de la décision litigieuse, qui modifient de manière importante l'état de fait ou les bases juridiques sur lesquels l'autorité a fondé sa décision, justifiant par là sa remise en cause (ATA/159/2018 précité consid. 3a et les arrêts cités). Pour qu'une telle condition soit réalisée, il faut que survienne une modification importante de l'état de fait ou des bases juridiques, ayant pour conséquence, malgré l'autorité de la chose jugée rattachée à la décision en force, que cette dernière doit être remise en question (ATA/36/2014 du 21 janvier 2014 consid. 2 ; ATA/811/2013 du 10 décembre 2013 consid. 2c). Bien que l'écoulement du temps et la poursuite d'une intégration socio-professionnelle constituent des modifications des circonstances, ces éléments ne peuvent pas non plus être qualifiés de notables au sens de l'art. 48 al. 1 let. b LPA lorsqu'ils résultent uniquement du fait que l'étranger ne s'est pas conformé à une décision initiale malgré son entrée en force (ATA/93/2019 du 29 janvier 2019 consid. 3a ; ATA/1314/2018 du 4 décembre 2018 consid. 2d).

b. Une demande de reconsidération ne doit pas permettre de remettre continuellement en cause des décisions entrées en force et d'éluder les dispositions légales sur les délais de recours (ATF 136 II 177 consid. 2.1 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, n. 1417). C'est pourquoi, en principe, l'administré n'a aucun droit à ce que l'autorité entre en matière sur sa demande de reconsidération, sauf si une telle obligation de l'autorité est prévue par la loi ou si les conditions particulières posées par la jurisprudence sont réalisées (ATF 120 Ib 42 consid. 2b ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 1417).

c. Saisie d'une demande de reconsidération, l'autorité examine préalablement si les conditions de l'art. 48 LPA sont réalisées. Si tel n'est pas le cas, elle rend une décision de refus d'entrer en matière qui peut faire l'objet d'un recours dont le seul objet est de contrôler la bonne application de cette disposition (ATF 117 V 8 consid. 2 ; 109 Ib 246 consid 4a ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 1430). Si lesdites conditions sont réalisées, ou si l'autorité entre en matière volontairement sans y être tenue, et rend une nouvelle décision identique à la première sans avoir réexaminé le fond de l'affaire, le recours ne pourra en principe pas porter sur ce dernier aspect. Si la décision rejette la demande de reconsidération après instruction, il s'agira alors d'une nouvelle décision sur le fond, susceptible de recours (Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 1431). Dans cette hypothèse, le litige a pour objet la décision sur réexamen et non pas la décision initiale (arrêts du Tribunal fédéral 2C_319/2015 du 10 septembre 2015 consid. 3 ; 2C_406/2013 du 23 septembre 2013 consid. 4.1 ; ATA/159/2018 précité consid. 3c).

6. En l'espèce, suite à la demande du 9 novembre 2017 d'examiner sa situation sous l'angle de Papyrus, l'autorité intimée a, dans un premier temps, refusé, puis a soumis le dossier pour instruction et nouvelle décision. Conformément à ce qui précède, le litige a en conséquence pour objet la décision sur réexamen.

a. Dans sa demande de reconsidération du 9 novembre 2017, le recourant ne fait valoir qu'un élément justifiant, selon lui, la reconsidération, à savoir la nouvelle pratique administrative liée à l'opération Papyrus.

Contrairement à ce que soutient le recourant, la mise en oeuvre du programme Papyrus ne constitue pas un fait nouveau au sens de l'art. 48 al. 1
let. b LPA (ATA/244/2019 du 12 mars 2019 consid. 4). Outre que cette mise en oeuvre a été initiée au mois de février 2017, à savoir alors que la décision du 23 février 2015 n'était pas définitive, elle ne constitue pas une modification du cadre juridique applicable à la situation des recourants.

Processus administratif simplifié de normalisation des étrangers en situation irrégulière à Genève, il n'emporte en particulier aucune dérogation aux dispositions légales applicables à la reconnaissance de raisons personnelles majeures justifiant la poursuite du séjour en Suisse (art. 50 al. 1 let. b et al. 2 LEI), pas plus qu'à celles relatives à la reconnaissance d'un cas individuel d'extrême gravité (art. 31 al. 1 de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 - OASA - RS 142.201), dont les critères peuvent entrer en ligne de compte pour l'examen desdites raisons personnelles majeures (ATA/584/2017 du 23 mai 2017 consid. 4c).

L'existence de l'opération Papyrus ne saurait ainsi justifier l'entrée en matière sur la demande de reconsidération.

b. Dans le cadre de ses recours des 3 mars 2018 et 3 avril 2018, l'intéressé invoque en sus sa détention qui « pourrait être reconnue comme celle d'un prisonnier politique ».

Or, pour autant qu'il soit recevable, cet élément avait été pris en compte dès la décision initiale de l'OCPM. Il n'est en conséquence pas nouveau.

c. En outre, l'écoulement du temps et la poursuite de l'intégration du recourant, bien que constituant des modifications des circonstances, ne peuvent être qualifiés de notables au sens de l'art. 48 al. 1 let. b LPA, dès lors qu'ils résultent uniquement du fait que celui-ci ne s'est pas conformé à la décision du 2 octobre 2015.

Au vu de ce qui précède, l'OCPM n'a pas violé la loi ni mésusé de son pouvoir d'appréciation en refusant d'entrer en matière sur la demande de reconsidération s'agissant du refus d'octroi d'un permis de séjour.

7. a. Tout étranger dont l'autorisation est refusée est renvoyé de Suisse (art. 64 al. 1 let. c LEI). La décision de renvoi est assortie d'un délai de départ raisonnable (art. 64d al. 1 LEI).

b. Les autorités cantonales peuvent toutefois proposer au SEM d'admettre provisoirement un étranger si l'exécution du renvoi ou de l'expulsion n'est pas possible, n'est pas licite ou ne peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 et
6 LEI). La portée de cette disposition étant similaire à celle de l'art. 14a de l'ancienne loi sur le séjour et l'établissement des étrangers du 26 mars 1931 (aLSEE), la jurisprudence rendue ou la doctrine éditée en rapport avec cette disposition légale reste d'actualité (ATA/505/2016 du 14 juin 2016 et les références citées).

c. L'exécution de la décision n'est pas licite lorsque le renvoi de l'étranger dans son État d'origine, dans son État de provenance ou dans un État tiers, est contraire aux engagements de la Suisse relevant du droit international (art. 83
al. 3 LEI). L'art. 83 al. 3 LEI vise notamment l'étranger pouvant démontrer qu'il serait exposé à un traitement prohibé par l'art. 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) ou l'art. 3 de la Convention du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Conv. torture - RS 0.105 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral [ci-après : TAF] E-7712/2008 du 19 avril 2011 consid. 6.1 ; ATA/981/2015 du 22 septembre 2015).

d. L'exécution de la décision ne peut être raisonnablement exigée si le renvoi ou l'expulsion de l'étranger dans son pays d'origine ou de provenance le met concrètement en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile ou de violence généralisée (art. 83 al. 4 LEI), cette disposition s'appliquant en premier lieu aux « réfugiés de la violence ». En revanche, les difficultés socio-économiques qui sont le lot habituel de la population locale, en particulier des pénuries de soins, de logement, d'emplois et de moyens de formation, ne suffisent pas en soi à réaliser une telle mise en danger (ATAF 2010/54 consid. 5.1 ; arrêt du TAF E-5092/2013 du 29 octobre 2013 consid 6.1 ; ATA/515/2016 du 14 juin 2016 consid. 6b).

e. En l'espèce, la détérioration de la situation politique au Venezuela n'est pas contestée. Celle-ci s'est péjorée au cours de la présente procédure, depuis le début de l'année 2018 en particulier.

Cette évolution de la situation du pays a été invoquée la première fois lors de la réplique du recourant sur mesures provisionnelles le 2 mai 2018. Elle a été détaillée dans le recours du 28 septembre 2018, citant notamment le site du DFAE selon lequel la situation politique et sociale était très tendue au Venezuela. Suite aux élections présidentielles du 20 mai 2018, les tensions politiques restaient fortes. L'insécurité juridique y était grande, les infractions et les crimes restant en général impunis. Gangrénée par la corruption, la police souffrait de l'inexpérience de ses effectifs et d'un manque de moyens financiers et de personnel. Le système judiciaire était inefficace. Il existait des cas de lynchage.

Interpellée, l'ambassade de Suisse à Caracas a, le 27 février 2019, indiqué qu'elle était d'avis qu'il n'était pas souhaitable en l'état de renvoyer au Venezuela des ressortissants de celui-ci.

Le SEM a, pour sa part, précisé le 21 février 2019 que le renvoi au Venezuela était en principe toujours exigible. Il y avait lieu cependant d'examiner au cas par cas les circonstances individuelles, tels l'âge, la situation médicale, la formation professionnelle, l'activité lucrative, le réseau familial et social notamment de l'intéressé, pour pouvoir exclure que celui-ci soit mis concrètement en danger par l'exécution d'un renvoi.

L'OCPM a conclu qu'au vu de ces informations, le renvoi restait exigible.

Il ressort des pièces versées au dossier, y compris de l'avis de l'autorité intimée, qu'après le dépôt de la demande de reconsidération le 12 décembre 2017 et la décision de refus d'entrer en matière du 31 janvier 2018, des faits nouveaux se sont produits modifiant de façon notable la situation du Venezuela et qu'il convient d'analyser, pour chaque décision de renvoi, si ceux-ci risquent d'influencer la sécurité notamment de la personne concernée. Ces faits nouveaux répondent aux conditions de l'art. 48 al. 1 let. b LPA. Conformément à la jurisprudence, ils peuvent être pris en considération au cours de la procédure de recours (ATF 105 Ib 165 consid. 6b ; 105 Ib 163 ; ATA/10/2017 du 10 janvier 2017 consid. 3b).

Il s'ensuit en l'espèce que l'autorité intimée doit entrer en matière sur la demande de reconsidération s'agissant du caractère possible, licite et raisonnablement exigible de l'exécution du renvoi du recourant, au vu des faits nouveaux qui se sont produits depuis la demande de reconsidération.

Le recours sera partiellement admis et le dossier renvoyé à l'autorité intimée afin qu'elle entre en matière et rende une décision au sens des considérants.

8. Compte tenu de l'issue du litige, il ne sera pas perçu d'émolument. Il ne sera alloué au recourant qu'une indemnité de procédure restreinte de CHF 300.-, à la charge de l'État de Genève, le recours initial devant le TAPI étant dénué de chances de succès (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 28 septembre 2018 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 27 août 2018 ;


 

au fond :

l'admet partiellement ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 27 août 2018 quant à l'exécution du renvoi ;

annule la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 31 janvier 2018 quant à l'exécution du renvoi ;

renvoie la cause à l'office cantonal de la population et des migrations pour nouvelle décision au sens des considérants ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 300.- à Monsieur A______ à la charge de l'État de Genève (office cantonal de la population et des migrations) ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Michel Celi Vegas, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf, M. Pagan, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. Poinsot

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen


 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

...

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

...

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l'entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l'admission provisoire,

4. l'expulsion fondée sur l'art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d'admission,

6. la prolongation d'une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d'emploi du titulaire d'une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d'asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l'objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

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Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l'acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

...

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète.

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Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l'objet d'aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète.

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Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.