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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2640/2014

ATA/1270/2017 du 12.09.2017 sur JTAPI/641/2016 ( ICCIFD ) , REJETE

Descripteurs : BÉNÉFICE NET ; PRESTATION APPRÉCIABLE EN ARGENT ; TIERS ; PRIX DE TRANSFERT ; FARDEAU DE LA PREUVE
Normes : LIFD.57; LIFD.58.al1; LHID.24.al1; LIPM.12
Résumé : La société contribuable vend sa clientèle et octroie une licence non exclusive sur un logiciel de trading à une société soeur sise à Malte. La contre-prestation fournie par la société apparentée n'apparaît pas comme inférieure à celle proposée par une banque locale. En l'absence de points de comparaison suffisants ou d'autres éléments ressortant du dossier, ou encore de détermination précise des usages commerciaux en la matière, rien ne permet de conclure à une disproportion entre prestations ou à un prix de transfert insuffisant entre la contribuable et sa société soeur. L'administration fiscale cantonale, à laquelle incombait le fardeau de la preuve, n'a, par conséquent, pas démontré l'existence d'une prestation appréciable en argent.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2640/2014-ICCIFD ATA/1270/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 12 septembre 2017

4ème section

 

dans la cause

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

contre

 

A______SA, en liquidation

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du
20 juin 2016 (JTAPI/641/2016)


EN FAIT

1) A______ SA, en liquidation (ci-après : la société) exerçait jusqu'en 2009 sous la raison sociale B______ SA une activité de courtage de devises en ligne.

2) Le 11 juin 2008, la Commission fédérale des banques - dont l'activité a été reprise par l'autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (ci-après : FINMA) le 1er janvier 2009 - a adressé à tous les négociants en devises une communication les informant de modifications de l'ordonnance sur les banques ayant comme conséquence que leur activité devenait réservée aux banques autorisées, et leur fixant un délai jusqu'au 30 juin 2008 pour s'annoncer auprès de la commission.

3) Le 30 juin 2008, se référant à un courrier de la contribuable du 26 juin 2008, la Commission fédérale des banques a pris acte de la décision de la société de ne pas continuer d'exercer son activité au-delà du délai transitoire d'une année prévu par l'ordonnance sur les banques. Elle l'invitait à lui faire parvenir au plus tard le 31 mars 2009 une attestation confirmant qu'elle n'exerçait plus d'activité sujette à autorisation, rappelant les sanctions encourues en cas de poursuite d'une activité non autorisée.

4) Le 25 mars 2009, un contrat a été conclu entre la contribuable et C______ à Malte (ci-après : C______).

Ce contrat réglait les modalités de cession de la clientèle de la contribuable à C______ et prévoyait le versement d'une commission équivalant à 5 % du chiffre d'affaires pendant trois ans.

5) Simultanément, les mêmes parties ont aussi conclu un contrat de licence non exclusive portant sur un logiciel développé par la société prévoyant le versement de royalties de CHF 35'000.- par mois, auxquels s'ajoutaient des frais de maintenance.

6) Le 8 mai 2009, la contribuable a confirmé à la FINMA avoir vendu son activité de négoce en devises à C______ ; son activité consistait depuis lors exclusivement à développer des logiciels dans le secteur informatique, plus particulièrement dans le domaine du trading de back-office, et des analyses techniques destinées aux banques. Son changement de but social avait été décidé par l'assemblée générale extraordinaire du 11 mars 2009 et inscrit au Registre du commerce de Genève le 24 avril 2009.

7) Le 18 février 2010, l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a émis des bordereaux ICC et IFD pour la période du 1er octobre 2008 au
30 septembre 2009 de la contribuable portant sur un bénéfice nul.

8) Le 31 mars 2011, l'AFC-GE a émis des bordereaux pour la période du
1er octobre 2009 au 30 septembre 2009, lesquels portaient également sur un bénéfice nul.

9) Les bordereaux du 29 mars 2012, faisaient également état d'un bénéfice nul pour la période du 1er octobre 2010 au 30 septembre 2011.

10) Le 28 août 2013, se référant à la procédure de taxation IFD et ICC en cours pour l'année 2012, l'AFC-GE a annoncé à la société qu'elle allait procéder à un contrôle dans ses locaux le 25 septembre 2013. Il lui était demandé de préparer l'ensemble de ses justificatifs comptables.

11) Le 25 septembre 2013, ledit contrôle a eu lieu.

12) Le 15 novembre 2013, l'AFC-GE a informé la contribuable de l'ouverture d'une procédure en rappel d'impôt et pénale pour soustraction d'impôts pour l'ICC et l'IFD 2009 à 2011.

Un transfert d'activité avait été effectué à l'étranger durant la période fiscale 2009, et des services étaient fournis à la société reprenante. Il semblait que les prix de transfert appliqués pour ces deux transactions n'étaient pas conformes au principe de pleine concurrence. Afin de vérifier l'imposition de la contribuable, l'AFC-GE demandait la transmission de différents documents.

13) Le 10 janvier 2014, la contribuable a notamment indiqué qu'elle avait reçu d'une banque en ligne de la région une offre de rachat d'une partie de ses actifs moyennant une rétrocession à pourcentage annuel variable sur le chiffre d'affaires net (15 % la première année, 10 % la suivante et 5 % la dernière).

14) Le 7 mars 2014, après plusieurs échanges, l'AFC a indiqué qu'elle entendait effectuer des reprises sur le montant convenu avec C______ en fonction d'un prix qui avait été proposé par un tiers, selon le schéma ci-dessous :

2009 2010 2011 2012

CHF CHF CHF CHF

 

Paiement initial 1'000'000

Part variable 216'401 49'464 265'269 40'619

Prix payé - 72'134 - 141'916 - 149'906 - 40'619

 

Reprise à effectuer 1'144'267 207'548 115'363 0

 

15) Le 21 mars 2014, la contribuable a contesté ce calcul.

Dans l'offre qu'elle avait reçue, le montant de CHF 1'000'000.- n'était pas destiné au rachat de la clientèle, mais à celui du logiciel avec tous les droits attachés, ce qui l'aurait privée des revenus perçus ultérieurement pour l'octroi de licences auprès de tiers. Le refus de cette offre lui avait permis de continuer à déployer une activité de développement et de vente de logiciels qui lui avait procuré un chiffre d'affaires substantiel.

16) Le 16 mai 2014, la contribuable a transmis à l'AFC-GE une copie caviardée de l'offre qu'elle avait reçue.

17) Le 6 juin 2014, l'AFC-GE a informé la contribuable de la clôture de la procédure de rappel d'impôt, sans supplément ni amende pour les périodes 2009 et 2010 en raison de pertes reportées.

Les montants de CHF 144'267.- en 2009, CHF 207'548.- en 2010 et
CHF 115'363.- en 2011 avaient été repris au titre de prestations appréciables en argent accordées à une société proche. Des bordereaux de rappel d'impôt pour la période 2011 de CHF 26'833.05 pour l'ICC et CHF 11'441.- pour l'IFD étaient joints à cet envoi, de même que des amendes pour soustraction d'impôts de
CHF 13'416.- pour l'ICC et CHF 5'720.- pour l'IFD, la quotité de 0,5 fois l'impôt soustrait ayant été retenue compte tenu de la bonne collaboration durant la procédure.

18) Le 7 juillet 2014, la contribuable a élevé réclamation à l'encontre de ces bordereaux, contestant les reprises effectuées ainsi que les amendes.

19) Par décisions du 4 août 2014, l'AFC-GE a maintenu les reprises et les amendes.

20) Par acte du 4 septembre 2014, la contribuable a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre ces décisions.

Elle contestait l'existence d'une prestation appréciable en argent.

Si elle avait accepté l'offre de la banque en ligne de la région, elle aurait perçu les sommes de :

Vente du logiciel 1'000'000.-

Rétrocessions de clients 871'753.-

 

Total CHF 1'871'753.-

 

L'offre qu'elle avait acceptée de C______ lui avait permis de percevoir les montants de :

 

 

 

 

Licence sur le logiciel 1'542'000.-

Rétrocessions de clients 404'575.-

 

Total CHF 1'946'575.-

 

Elle avait pu bénéficier en outre d'un chiffre d'affaires complémentaire de CHF 1'700'000.- sur les autres licences qu'elle avait pu conclure pour le logiciel qu'elle avait développé, ainsi qu'un montant complémentaire de CHF 2'800'000.- sur un algorithme également développé par ses soins.

Indépendamment d'un montant reçu globalement nettement plus favorable, en ayant refusé l'offre qu'elle avait reçue d'une banque en ligne, elle avait pu poursuivre son activité alors qu'elle aurait dû la cesser totalement si elle lui avait cédé l'intégralité de sa clientèle et de ses droits sur le logiciel.

Elle contestait enfin qu'il y ait eu prestation accordée à un actionnaire.

Subsidiairement, elle demandait la prise en considération de la provision pour impôts et un nouveau calcul des pertes reportées.

S'agissant des amendes, elle contestait avoir commis une faute et concluait dès lors à leur annulation dans leur totalité, ainsi qu'à l'allocation d'un émolument à titre de dépens.

21) Le 26 janvier 2015, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

En raison des pertes reportées, aucun bordereau rectificatif ne pouvait être émis pour les périodes 2009 et 2010, et la question de l'étendue des pertes à reporter n'était devenue actuelle qu'en 2011.

Sur le fond, et s'agissant des prix de transfert, les autorités fiscales suisses étaient tenues de respecter les principes de l'Organisation de coopération et de développement économiques (ci-après : OCDE).

C______ avait le même actionnariat que la contribuable, et la rétrocession de 5 % du chiffre d'affaires convenue pour le rachat de la clientèle était insuffisante au regard de l'offre reçue d'un tiers. Les autres éléments du chiffre d'affaires réalisé rémunéraient une activité commerciale distincte sans aucun lien avec la vente de la clientèle, de sorte qu'ils ne pouvaient pas servir d'arguments pour contester l'existence d'une prestation appréciable en argent. L'AFC-GE avait renoncé à la reprise initialement envisagée de CHF 1'000'000.- au motif que le logiciel n'avait pas été transféré à C______.

Les conditions d'une soustraction d'impôts étaient réunies et le comportement de la contribuable était qualifié de négligence.

22) Le 17 février 2015, la contribuable a persisté dans ses conclusions.

S'agissant des rapports d'actionnariat, son capital-actions était détenu à 70 % par Monsieur D______ et 30 % par Monsieur E______ alors qu'ils ne détenaient aucune action de C______, dont 85 % seulement était détenu par leurs épouses, le solde étant en mains étrangères aux familles D______ et E______.

23) Par courrier du 12 mars 2015, l'AFC-GE a observé qu'aucun élément probant n'était amené par la contribuable à l'appui de ses conclusions. Ce qui était déterminant était d'examiner l'option choisie au regard des prescriptions en matière de prix de transfert.

L'épouse de M. D______ était directrice de C______ et de sa holding, toutes deux à Malte, et elle était actionnaire avec M. E______ de cette holding.

24) Par jugement du 20 juin 2016, le TAPI a admis le recours de la contribuable et ainsi annulé les bordereaux de rappels d'impôt et d'amendes dans leur totalité.

Le taux de commission sur la clientèle proposé par une société tierce s'intégrait dans un contexte différent et englobait d'autres prestations et contreprestations, si bien qu'elle devait dès lors être analysée comme un tout. Il n'était pas possible d'isoler les seules rétrocessions sur les clients sans tenir compte du prix différent qui était offert simultanément pour le logiciel. La contribuable avait démontré par des calculs que le montant total qu'elle avait reçu de la société proche n'était pas moins élevé que celui qu'elle aurait obtenu d'une société tierce. Bien plus, elle avait pu encaisser des recettes supérieures sur le logiciel, tout en n'accordant qu'une licence et pas un transfert complet, ce qui lui laissait des perspectives de gains complémentaires futurs.

Dans la mesure où le fardeau de la preuve de l'existence d'une prestation appréciable en argent incombait à l'AFC-GE, il lui appartenait de démontrer que le taux de commissionnement qu'elle alléguait correspondait à l'usage en matière de prix de transfert, ce qu'elle n'avait pas fait.

25) Par acte posté le 22 juillet 2016, l'AFC-GE a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) conte le jugement précité, concluant à son annulation ainsi qu'à la confirmation de ses propres décisions du 4 août 2014.

Le raisonnement du TAPI niant l'existence d'un prix de transfert insuffisant était erroné, dans la mesure où il se basait sur une comparaison de chiffres inexacte.

Il convenait de tenir compte du fait que l'offre de la banque en ligne n'engendrait aucune charge, ni aucun frais, et ne faisait encourir aucun risque à la société. Au contraire, la solution choisie avait engendré des coûts et des investissements pour réaliser le chiffre d'affaires. Ainsi, le montant de
CHF 1'000'000.- relatif à la vente du logiciel à la banque aurait constitué un bénéfice net, alors que le montant de 1'542'000.- concernant la licence sur le logiciel concédée à la société maltaise était un chiffre brut, ces montants n'étant par conséquent pas comparables. Il était aisé de s'en rendre compte car le résultat de l'exploitation de la contribuable s'était monté à CHF - 402'545.- en 2009,
CHF - 397'054.- en 2010 et CHF + 221'142.- en 2011, soit une perte nette de
CHF 578'457.- sur les trois exercices en question, chiffre qui était très loin des CHF 1'542'000.- auquel se référait la contribuable.

Concernant la méthode à appliquer pour déterminer le prix de transfert acceptable, il s'agissant de celle du prix comparable sur le marché libre. En l'occurrence, en disposant de l'offre d'un tiers pour la même transaction, il ne se justifiait pas de rechercher d'autres transactions comparables. Il était rappelé aussi qu'en matière de prix de transfert, chaque transaction devait être analysée par elle-même.

Le fait que la direction, respectivement l'actionnariat, de la société ait décidé de maintenir une activité en Suisse, en développant d'autres activités générant des bénéfices, n'empêchait pas que la valeur à laquelle la clientèle avait été transférée à la société apparentée à l'étranger devait correspondre au prix qui aurait été convenu entre deux tiers indépendants. La société aurait en effet pu réorienter son activité et générer des profits quand bien même elle aurait décidé de vendre l'activité de trading ou de cesser cette activité en 2009.

Le TAPI retenait à tort qu'il n'était pas possible d'isoler les seules rétrocessions sur les clients sans tenir compte du prix différent qui était offert simultanément pour le logiciel. La société aurait pu vendre une partie de ses actifs seulement, plus précisément sa clientèle, tout en décidant de garder la propriété du logiciel, ce qui démontrait que ces deux éléments étaient parfaitement dissociables.

Il n'était pas possible de justifier l'absence de prestation appréciable en argent sur la base des bénéfices réalisables après la transaction, et qui ne pouvaient pas être anticipés au moment où la vente avait eu lieu.

26) Le 19 septembre 2016, la contribuable a conclu au rejet du recours.

La procédure de contrôle ouverte par l'AFC-GE reposait uniquement sur un courriel contenant une « proposition » de rachat de certains actifs de la contribuable. Il ne s'agissait pas d'une offre au sens technique du terme, mais d'une simple déclaration d'intention, dès lors qu'il était impossible pour les parties de l'accepter telle quelle ; cela était dû notamment au fait que des conditions devaient être impérativement remplies « prévoir une petite DD [due diligence] technologique » et « intégrer les personnes clefs », étant précisé que ce dernier point dépendait également du bon vouloir des employés de la société. Le courriel mentionnait par ailleurs expressément le caractère « informel » de l'offre, et les termes « pourrait être concrétisé si vous désirez aller de l'avant » dénotaient l'incertitude et la nécessité de procéder à des négociations plus poussées. Partant, le courriel en question n'avait absolument aucune valeur juridique.

27) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du
12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 145 de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11 ; art. 7 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17).

2) Le litige concerne les périodes fiscales 2009 à 2011 tant en matière d'ICC qu'en matière d'IFD. Il convient préalablement d'examiner le droit matériel applicable.

a. De jurisprudence constante, les questions de droit matériel sont résolues par le droit en vigueur au cours des périodes fiscales litigieuses (arrêts du Tribunal fédéral 2C_663/2014 du 25 avril 2015 consid. 4 ; 2C_476/2014 du
21 novembre 2014 consid. 4.1 ; ATA/1017/2015, ATA/1018/2015 et ATA/1019/2015 du 29 septembre 2015). Le rappel d'impôts relevant du droit matériel, le droit applicable obéit aux mêmes règles (arrêts du Tribunal fédéral 2C_663/2014 précité consid. 4 ; 2C_620/2012 du 14 février 2013 consid. 3.1 ; ATA/1017/2015, ATA/1018/2015 et ATA/1019/2015 précités).

b. La question étant traitée de la même manière en droit fédéral et en droit cantonal harmonisé, le présent arrêt traite simultanément des deux impôts, comme cela est admis par la jurisprudence (ATF 135 II 260 consid. 1.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_662/2014 du 25 avril 2015 consid. 1 ; 2C_394/2013 du 24 octobre 2013 consid. 1.1 ; ATA/778/2016 du 13 septembre 2016 consid. 3).

c. Le présent litige porte sur la procédure en rappel et en soustraction d'impôts ouverte en 2013 concernant les périodes fiscales 2009 à 2011. La cause est ainsi régie par le droit en vigueur durant cette période, à savoir respectivement les dispositions de la LIFD et celles de la loi cantonale sur l'imposition des personnes morales du 23 septembre 1994 (LIPM - D 3 15), sous réserve de l'amende, pour laquelle le principe de la lex mitior s'applique.

3) L'objet du litige est la légitimité des diverses reprises effectuées par
l'AFC-GE pour les années 2009 à 2011 dans le cadre d'une procédure en rappel et en soustraction d'impôt ouverte en 2013. Il s'agit en d'autres termes de déterminer l'existence ou non de prestations appréciables en argent résultant du prix de transfert de la clientèle par la société intimée à une société proche.

4) a. Selon l'art. 57 LIFD, l'impôt sur le bénéfice a pour objet le bénéfice net. Celui-ci comprend - outre le bénéfice net résultant du solde du compte de résultats, compte tenu du solde reporté de l'exercice précédent
(art. 58 al. 1 let. a LIFD) - tous les prélèvements opérés sur le résultat commercial avant le calcul du solde du compte de résultat qui ne servent pas à couvrir les dépenses justifiées par l'usage commercial tels que notamment les frais d'acquisition, de production ou d'amélioration d'actifs immobilisés, les distributions ouvertes ou dissimulées de bénéfice et les avantages procurés à des tiers qui ne sont pas justifiés par l'usage commercial ainsi que les produits qui n'ont pas été comptabilisés dans le compte de résultats (art. 58 al. 1 let. b et c LIFD).

b. Les cantons doivent imposer l'ensemble du bénéfice net dans lequel doivent notamment être inclus les charges non justifiées par l'usage commercial, portées au débit du compte de résultats ainsi que les produits et les bénéfices en capital, de liquidation et de réévaluation qui n'ont pas été portés au crédit du compte de résultats (art. 24 al.1 let. a et b de la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 - LHID - RS 642.14).

c. Dans le canton de Genève, en matière d'ICC, le 30 mars 2016 est entrée en vigueur la nouvelle teneur de l'art. 12 LIPM, adoptée le 29 janvier 2016 par le Grand Conseil.

La LIPM ne comprend aucune disposition transitoire prévoyant notamment l'application de la nouvelle teneur de son art. 12 aux causes pendantes au moment de son entrée en vigueur. Il sera ainsi fait application des dispositions légales idoines dans leur teneur immédiatement antérieures aux décisions de taxation en cause (ci-après : aLIPM ; ATA/778/2016 du 13 septembre 2016 consid. 4c).

5) Selon l'art. 12 let. a aLIPM, constitue le bénéfice net imposable celui qui résulte du compte de pertes et profits augmenté de certains prélèvement énoncés aux art. 12 let. b à i aLIPM, ainsi que des produits qui n'ont pas été comptabilisés dans le compte de résultat, y compris les bénéfices en capital, les bénéfices de réévaluation ou de liquidation, ainsi que les montants des réserves et provisions transférées à l'étranger qui avaient été constituées en franchises d'impôt (art. 12 let. j aLIPM). L'art. 12 aLIPM, même rédigé différemment, est de même portée que l'art. 58 al. 1 LIFD (ATA/869/2015 du 25 août 2015 ; ATA/337/2013 du 28 mai 2013 et les arrêts cités).

6) a. Font partie des avantages appréciables en argent au sens de ces dispositions les distributions dissimulées de bénéfice (art. 58 al. 1 let. b LIFD ; art. 12 let. h aLIPM), soit des attributions de la société aux détenteurs de parts auxquelles ne correspondent aucune contre-prestation ou une contre-prestation insuffisante et qui ne seraient pas effectuées ou dans une moindre mesure en faveur d'un tiers non participant (ATF 138 II 57 consid. 2.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_605/2014 et 2C_606/2014 du 25 février 2015 consid. 6 ; ATA/56/2017 du 24 janvier 2017 consid. 4d ; ATA/17/2016 du 12 janvier 2016 consid. 4b).

De jurisprudence constante, il y a avantage appréciable en argent si la société fait une prestation sans obtenir de contre-prestation correspondante, que cette prestation est accordée à un actionnaire ou à une personne le ou la touchant de près, qu'elle n'aurait pas été accordée à de telles conditions à un tiers et que la disproportion entre la prestation et la contre-prestation est manifeste, de telle sorte que les organes de la société savaient ou auraient pu se rendre compte de l'avantage qu'ils accordaient (ATF 140 II 88 consid. 4.1 ; 138 II 57 consid. 2.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_605/2014 et 2C_606/2014 précités consid. 6).

L'évaluation de la prestation se mesure par comparaison avec une transaction qui aurait été effectuée entre des parties non liées entre elles et en tenant compte de toutes les circonstances concrètes du cas d'espèce, soit si elle a respecté le principe de pleine concurrence (ATF 140 II 88 consid. 4.1 ; 138 II 545 consid. 3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_605/2014 et 2C_606/2014 précités consid. 6). En application de l'approche économique qui prévaut en la matière, les faits doivent être appréciés non seulement du point de vue de leur forme de droit civil, mais également du point de vue de leur contenu réel, en particulier économique (arrêts du Tribunal fédéral 2C_898/2015 et 2C_899/2015 du 12 octobre 2016 consid. 3.3 et les références citées).

b. La mise en oeuvre du principe de pleine concurrence suppose l'identification de la valeur vénale du bien transféré ou du service rendu. Lorsqu'il existe un marché libre, les prix de celui-ci sont déterminants et permettent une comparaison effective avec les prix appliqués entre sociétés associées (ATF 140 II 88 précité consid 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1082/2013 du 14 janvier 2015 consid. 5.2 ; ATA/433/2016 du 24 mai 2016 consid. 8b ; ATA/291/2016 du
5 avril 2016 consid. 6b).

c. Le droit fiscal suisse ne connaissant pas, sauf disposition légale expresse, de régime spécial pour les groupes de sociétés, les opérations entre sociétés d'un même groupe doivent également intervenir comme si elles étaient effectuées avec des tiers dans un environnement de libre concurrence (ATF 140 II 88 précité consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1108/2014 du 10 août 2015 consid. 2.3 ATA/433/2016 précité consid. 8c). En conséquence, il n'est pas pertinent que la disproportion d'une prestation soit justifiée par l'intérêt du groupe (ATF 140 II 88 précité consid. 4.1 et les arrêts cités ; ATA/433/2016 précité consid. 8c). À cet égard, il est évident qu'un groupe a, du point de vue fiscal, intérêt à reporter autant que possible les charges de la holding qui le chapeaute (celle-ci ne payant pas d'impôt sur le bénéfice) sur les sociétés-filles, dont l'augmentation des charges aura un effet réflexe de diminution du bénéfice imposable (ATA/433/2016 précité consid. 6c ; ATA/291/2016 précité consid. 6c).

d. L'obligation susmentionnée de déclarer tous les éléments de bénéfice et de capital couvre également les prix de transfert concernant les transactions effectuées entre des entreprises appartenant au même groupe. Les prix de transfert sont les prix auxquels une entreprise transfère des biens ou rend des services à une entreprise associée (Jean-Frédéric MARAIA, Prix de transfert des biens incorporels, thèse, 2008, n. 46 ss). La particularité de ce domaine porte sur la détermination des prix de transfert. En effet, lorsque des entreprises associées entre elles exercent des activités dans différents États et dépendent d'une direction centrale unique, elles peuvent adopter, pour les transactions effectuées à l'intérieur du groupe, des prix de transfert qui s'écartent des prix du marché, dans le but de réduire leur charge fiscale (Xavier OBERSON, Précis de droit fiscal international, 3ème éd., 2009, n. 748 ; Charles CONSTANTIN, Prix de transfert : L'OCDE remet ça..., RDAF 1996 p. 1 ss). Ce risque est pallié par l'application du principe de pleine concurrence, également dénommé arm's length principle ou Drittvergleich. Ce principe trouve, au niveau international, son fondement juridique à l'art. 9 du Modèle de Convention de double imposition de l'OCDE (Xavier OBERSON, 2009, op. cit., n. 749 ss ; Jean-Frédéric MARAIA, op. cit., n. 62 ; Charles CONSTANTIN, op. cit., n. 2.1). Bien qu'il ne soit pas ancré dans une base légale expresse, ce principe est également reconnu, en droit suisse, par la jurisprudence du Tribunal fédéral en matière de prestations appréciables en argent. Selon ce principe, les prestations effectuées entre des entreprises liées entre elles doivent correspondre à celles qui seraient fournies à des tiers indépendants. Il permet de mettre en évidence, en cas d'un prix de transfert inférieur au prix du marché fixé dans un environnement de libre concurrence, l'existence d'une prestation appréciable en argent entre entreprises apparentées (arrêts du Tribunal fédéral 2C_291/2013 du 26 novembre 2013, destiné à la publication, consid. 4 et 5 ; 2C_724/2010 du 27 juillet 2011 consid. 7.1 ; 2C_788/2010 du 18 mai 2011 consid. 4.1 ; Xavier OBERSON, 2009, op. cit., n. 748 s. et n. 755 ss ; Jean-Frédéric MARAIA, op. cit., n. 64 ; Robert DANON in Danielle YERSIN / Yves NOËL [éd.], Impôt fédéral direct, Commentaire de la loi sur l'impôt fédéral direct, 2008, ad art. 57-58 n. 107).

7) a. En matière fiscale, il appartient à l'autorité fiscale de démontrer l'existence d'éléments créant ou augmentant la charge fiscale, tandis que le contribuable doit supporter le fardeau de la preuve des éléments qui réduisent ou éteignent son obligation fiscale. S'agissant de ces derniers, il appartient au contribuable non seulement de les alléguer, mais encore d'en apporter la preuve et de supporter les conséquences de l'échec de cette preuve, ces règles s'appliquant également à la procédure devant les autorités de recours (ATF 133 II 153 consid. 4.3 ; 121 II 257 consid. 4c.aa ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_89/2014 du 26 novembre 2014 consid. 7.2 ; 2C_319/2014 du 9 septembre 2014 consid. 2.2 ; ATA/652/2016 du 26 juillet 2016 consid. 3d ; ATA/332/2016 du 19 avril 2016).

b. De même, en ce qui concerne les prestations appréciables en argent faites par la société sans contre-prestation à ses actionnaires, il appartient en principe à l'autorité fiscale de les prouver, de sorte que le contribuable n'a pas à supporter les conséquences d'un manque de preuves, à moins qu'une violation de ses devoirs de collaboration puisse lui être reprochée (ATF 138 II 57 consid. 7.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_605/2014 et 2C_606/2014 précités consid. 6 ; ATA/778/2016 du 13 septembre 2016 consid. 5c). En présence d'une prestation à caractère insolite, la preuve directe que le bénéficiaire en est un actionnaire ou une personne proche de la société contribuable n'est pas nécessaire ; il suffit qu'une autre explication du déroulement de l'opération ne puisse être trouvée (ATF 119 Ib 431 consid. 3b ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_199/2009 du 14 septembre 2009 consid. 3.2 in RDAF 2009 II 566). Dans la mesure où l'autorité fiscale a pu prouver qu'une prestation de la société est effectuée sans contrepartie correspondante, il appartient au contribuable de renverser cette présomption et de prouver le fondement de la charge invoquée (Xavier OBERSON, op. cit., p. 238).

c. Dans la taxation des sociétés, s'agissant de charges représentant des prestations insolites, il appartient à la société contribuable d'établir leur caractère de charge justifiée par l'usage commercial, afin que les autorités fiscales puissent s'assurer que seules des raisons commerciales, et non les étroites relations personnelles et économiques entre la société et le bénéficiaire de la prestation, ont conduit à la prestation en cause (ATF 119 Ib 431 consid. 2c ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_275/2010 du 24 août 2010 et 2A.355/2004 du 20 juin 2005 ; ATA/17/2016 du 12 janvier 2016 consid. 6e ; ATA/995/2014 du 16 décembre 2014 consid. 6d).

Des explications générales et non étayées ne suffisent pas à établir que l'usage commercial justifie les frais en cause. En effet, conformément à la répartition du fardeau de la preuve, il incombe au contribuable d'apporter la preuve que la totalité des dépenses comptabilisées est en relation directe avec l'acquisition ou le maintien du chiffre d'affaires (arrêt du Tribunal fédéral 2A.461/2001 du 21 février 2002 consid. 3.1 ; ATA/562/2015 du 2 juin 2015 consid. 9b ; ATA/201/2014 du 1er avril 2014).

8) Selon l'AFC-GE, le prix de rachat de la clientèle de la contribuable décidé entre cette dernière et la société maltaise était insuffisant, et sa seule justification était le lien d'actionnariat qui liait les deux sociétés. Il s'agissait par conséquent d'une prestation appréciable en argent justifiant les reprises sur le bénéfice effectuées.

En l'espèce, l'intimée a choisi de restructurer sa société en vendant sa clientèle et en octroyant une licence non exclusive sur un logiciel de trading à une société nouvellement créée à Malte - qui lui était certes liée, au sens de la jurisprudence, contrairement à ce qu'elle allègue -, tout en restant elle-même propriétaire de son logiciel. Une banque en ligne de la région lui avait proposé, de manière informelle, le rachat de son logiciel ainsi que de ses clients. Il apparaît impossible de comparer ces deux situations, puisqu'englobant des prestations et
contre-prestations différentes et s'intégrant dans un contexte distinct. Le fait que clientèle et logiciel aient pu faire l'objet de transactions séparées ne signifie pas qu'il ne faille pas prendre en compte l'ensemble de la transaction pour savoir s'il s'agit d'une prestation - globale - effectuée sans contre-prestation suffisante.

Or, considérée de manière globale, la contre-prestation fournie par C______ n'apparaît pas comme inférieure à celle de la banque locale. En choisissant de garder la propriété sur le logiciel, l'intimée a poursuivi son activité, ce qui n'aurait probablement pas été le cas si elle avait décidé de vendre son logiciel à la banque en question. Elle a également conservé la possibilité de générer des profits supplémentaires, par le biais de l'octroi éventuel d'autres licences non exclusives sur son logiciel.

En l'absence de points de comparaison suffisants ou d'autres éléments probants ressortant du dossier, ou encore de détermination précise des usages commerciaux en la matière, rien ne permet de conclure à une disproportion entre prestations ou à un prix de transfert insuffisant entre la contribuable et sa société soeur.

Au vu des circonstances susmentionnées, force est de constater que la recourante, à qui incombait le fardeau de la preuve, n'a pas démontré l'existence d'une prestation appréciable en argent.

9) Compte tenu de ce qui précède, le recours sera rejeté, le jugement du TAPI du 24 mars 2016 étant confirmé.

Il en découle que la procédure en rappel d'impôt était exclue, comme l'a, à juste titre, retenu le TAPI. Il en va de même, par conséquent, de la procédure pour soustraction d'impôt, qui n'a pas lieu d'être.

10) Il s'ensuit que le recours sera rejeté.

11) Malgré l'issue du litige, aucun émolument ne sera mis à la charge de
l'AFC-GE (art. 87 al. 1 2e phr. LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée à A______ SA, en liquidation (art. 87 al. 2 LPA), à la charge de l'État de Genève.

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 22 juillet 2016 par l'administration fiscale cantonale contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du
20 juin 2016 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à A______ SA, en liquidation, à la charge de l'État de Genève ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du
17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à l'administration fiscale cantonale, à A______ SA, en liquidation, à l'administration fédérale des contributions, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Junod, présidente, MM. Verniory et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

Ch. Junod

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :