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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/711/2013

ATA/869/2015 du 25.08.2015 sur JTAPI/230/2014 ( ICCIFD ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 07.10.2015, rendu le 12.10.2016, REJETE, 2C_898/2015, 2C_899/2015
Descripteurs : DROIT FISCAL ; IMPÔT ; IMPÔT CANTONAL ET COMMUNAL ; IMPÔT FÉDÉRAL DIRECT ; IMPÔT SUR LE REVENU ; TAXATION CONSÉCUTIVE À UNE PROCÉDURE ; PRESTATION APPRÉCIABLE EN ARGENT ; SOUSTRACTION D'IMPÔT ; FAUTE ; INTENTION ; CONSCIENCE ; NÉGLIGENCE ; AMENDE
Normes : LIFD.58.al1.letb ; LIFD.58.al1.letc ; LIFD.59.al1.leta ; LIFD.175.al2 ; LIPM.12
Résumé : Société au bénéfice d'une promesse d'achat et d'un droit d'exemption permettant l'acquisition d'une parcelle à un prix fixé en 2004 qui s'en dessaisi au profit de ses associés gérant en 2006, permettant à ces derniers de réaliser une vente subséquente du bien-fonds avec une plus value conjonturelle. La condition d'une prestation disproportionnée et insolite effectuée sans contrepartie apparaît remplie, la plus-value devant ainsi être réintégrée dans le bénéfice de la société. Prise en compte des charges étroitement liées à la reprise et constitution d'une provision pour impôt justifiée par l'usage commercial dans le bilan corrigé. Confirmation de l'amende pour soustraction par négligence. Quotité fixée à la moitié des impôts éludés.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/711/2013-ICCIFD ATA/869/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 25 août 2015

2ème section

 

dans la cause

 

A______ SàRL
représentée par Me Michel Lambelet, avocat

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FéDéRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 3 mars 2014 (JTAPI/230/2014)


EN FAIT

1) A______ Sàrl (ci-après : A______) est une société inscrite depuis le 4 novembre 2003 au registre du commerce, de siège à Genève jusqu’en décembre 2011 et à Dardagny depuis.

Messieurs B______ et C______ sont les associés gérants avec signature individuelle de A______. Ils détiennent chacun la moitié des parts de la société qui a pour but la promotion, l’acquisition, le courtage et la vente de biens immobiliers, la location, la gestion de copropriétés, ainsi que toutes activités dans le domaine immobilier.

2) Le 1er avril 2004, une promesse de vente a été signée devant notaire concernant l’acquisition par A______ ou ses nommables, d’une parcelle no 1______ de la commune de Satigny, d’une surface de 2'116 m2, propriété de Madame D______, au prix de CHF 1'269'600.-. Un droit d’emption était annoté au registre foncier.

Le droit d’emption en faveur de A______ était prévu jusqu’au 15 avril 2005. Ce délai a été prorogé ultérieurement au 15 avril 2006 puis au 15 juillet 2006. L’acte de vente définitif ou tous autres actes signés devaient intervenir à première demande de l’une ou l’autre des parties, pas avant le 31 janvier 2005 mais au plus tard le 31 mars 2005. Un acompte de CHF 150'000.- était versé par A______ qui demeurerait acquis à la promettant-venderesse en cas inexécution dans le délai prévu ou de caducité.

3) a. Le 8 juillet 2005, une autorisation de construire un immeuble d’habitation sur la parcelle n° 1______ a été délivré à A______.

b. Par acte notarié du 31 mars 2006, la parcelle n° 1______ a été divisée en n° 2______ et n° 3______. Cette dernière parcelle a été soumise à la propriété par étages en vue de la construction de l’immeuble d’habitation.

c. Par acte notarié, enregistré le 10 juillet 2006 au registre foncier, MM. B______ et C______ ont acquis conjointement et solidairement lesdites parcelles au prix de CHF 1'274'600.- de Mme D______. Le droit d’emption inscrit au registre foncier relatif à la parcelle n° 3______ a été radié.

d. Les 10 et 21 juillet 2006, MM. B______ et C______ ont vendu dix lots de PPE sur douze de la parcelle n° 3______. Les deux autres lots ont été vendus les 4 septembre et 18 décembre 2007. La plus-value réalisée sur la vente du terrain uniquement était de CHF 804'080.-, compte tenu d’un prix d’achat de CHF 1'274'600.- et d’un prix de vente total de CHF 2'078'680.-.

4) a. Le 9 juin 2007, A______ a déposé une déclaration fiscale pour l’année 2006 faisant état d’une perte nette, y compris les pertes reportées de CHF 43'956.- et d’un capital de CHF 250'000.-. Le compte de pertes et profits ne comportait qu’un seul poste intitulé « intérêts bancaires » à hauteur de CHF 308.85.

b. Le 2 juillet 2007, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC) a fait parvenir à A______ les bordereaux pour l’impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) 2006 ainsi que pour l’impôt fédéral direct (ci-après : IFD) 2006.

Non contestés, ces bordereaux sont entrés en force.

5) Le 2 mai 2012, l’AFC a informé A______ de l’ouverture d’une procédure en rappel et en soustraction d’impôts pour l’année fiscale 2006.

Des éléments avaient été portés à sa connaissance mettant en évidence que A______ avait accordé des prestations appréciables en argent à ses associés sous forme de renonciation à des rendements dans le cadre de la promotion immobilière « E______ ». La société avait permis à ses associés d’obtenir une plus-value, estimée à CHF 804’000- qui lui revenait sur la revente de la parcelle de terrain nu n° 3______ située à Satigny. Elle avait de même renoncé à tirer profit du permis de construire dont elle était titulaire sur ladite parcelle en faveur de ses actionnaires. Une reprise sur le bénéfice 2006 de CHF 804'000.- allait être faite.

6) Le 15 mai 2012, A______ a contesté la reprise. La vente de la parcelle avait été faite au bénéfice de MM. C______ et B______ (ci-après : le consortium) et le bénéfice régulièrement enregistré dans les comptes du consortium et avait été déclaré par chacun des associés. Il n’y avait aucune soustraction fiscale. Elle n’avait agi qu’à titre de prête-nom pour obtenir le droit d’emption et il n’avait jamais été question qu’elle acquiert ces parcelles, n’ayant manifestement pas la capacité financière pour ce faire. Tous les coûts de mise en valeur des parcelles avaient été pris en charge par le consortium.

7) Le 6 juillet 2012, l’AFC a notifié un bordereau rectificatif de rappel d’impôt IFD d’un montant de CHF 64'600.- à A______. Un montant de CHF 804'000.- avait été ajouté à son bénéfice. Compte tenu d’une perte déclarée de CHF -2'785.- et de pertes fiscales des sept exercices précédents de CHF – 41'171, le bénéfice net était de CHF 760'044.-. Un bordereau amende d’une quotité d’une demi fois le supplément d’impôt a également été notifié. La société avait commis une soustraction d’impôt consommée. La quotité de l’amende avait été fixée, compte tenu de la bonne collaboration de A______ durant la procédure.

Le même jour, l’AFC a notifié un bordereau rectificatif de rappel d’impôt ICC d’un montant de CHF 178'346.45 ainsi qu’un bordereau amende d’une demi fois le supplément d’impôt.

8) Le 6 août 2012, A______ a déposé une réclamation à l’encontre des bordereaux de rappel et d’amende IFD et ICC 2006.

Elle avait vendu au consortium la promesse d’achat et de vente pour le prix de CHF 157'519.10 le 24 mai 2006. Sans cette vente, il existait un risque qu’elle subisse une perte égale au prix déjà engagé dans cette opération. Elle n’avait supporté aucun frais en relation avec cette opération immobilière. Elle était titulaire d’une promesse de vente et d’achat et n’avait jamais été propriétaire de la parcelle. Elle n’avait jamais été en mesure de réaliser respectivement de renoncer à cette plus-value immobilière. La vente avait permis à la société de ne pas s’appauvrir d’un montant correspondant, si bien que cette opération avait été faite dans son intérêt. L’éventuelle marge qu’elle aurait pu tirer d’une telle vente à un tiers ne pouvait en aucun cas être considérée comme telle qu’elle aurait pu ou dû se rendre compte de l’avantage qu’elle accordait au consortium.

9) Le 21 janvier 2013, l’AFC a rendu des décisions sur réclamations maintenant ses bordereaux de rappel d’impôts ainsi que ses amendes.

La contribuable avait renoncé à exiger une contrepartie équivalente en mettant son permis de construire à disposition et n’exigeant pas la contre-prestation à laquelle elle aurait pu prétendre sur le prix de vente et les frais de notaire. Selon le principe de pleine concurrence la rémunération qu’elle aurait pu solliciter d’un tiers pouvait être évaluée à CHF 804'000.-.

A______ n’était pas parvenu à démontrer qu’elle était dans l’impossibilité de financer l’acquisition du terrain dès lors qu’elle aurait pu assurer son financement en utilisant les premiers acomptes des acheteurs réservataires comme il était d’usage dans la profession. En tout état, même si elle était dans l’impossibilité d’acquérir le terrain cela ne diminuait en rien la valeur de marché du droit d’emption et du permis de construire qu’elle détenait. La plus-value sur le terrain nu aurait dû lui revenir et il convenait de la distinguer des éventuels honoraires de mise en valeur versés directement aux associés par les acquéreurs des appartements.

Les associés avaient agi à tout le moins par négligence amenant A______ à commettre une soustraction d’impôt consommée.

10) Le 22 février 2013, A______ a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI) contre les décisions sur réclamations de l’AFC en concluant à leur annulation.

En raison de la prorogation du terme de la promesse de vente, l’acompte de CHF 150'000.- avait été versé à la venderesse. La condition de la disproportion exigée par la jurisprudence n’étant pas réalisée, il n’était pas possible de qualifier l’aliénation de la promesse de vente comme une distribution dissimulée de bénéfice.

11) Le 1er juillet 2013, l’AFC a conclu au rejet du recours, reprenant l’argumentation déjà développée.

12) Le 3 mars 2014, le TAPI a rejeté le recours, confirmant les bordereaux de l’AFC.

13) Par recours mis à la poste le 25 mars 2014 et complété le 7 avril 2014, A______ a interjeté recours par l’entremise de son mandataire, auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement du TAPI en concluant à son annulation ainsi qu’au versement d’une indemnité de procédure.

Afin d’obtenir une autorisation de construire, elle avait mandaté une société pour procéder aux diverses démarches nécessaires pour le prix de CHF 80'569.65. Elle ne disposait que de dix personnes intéressées à l’acquisition des douze parts de PPE. Les parts ne pouvaient être vendues partiellement car la société chargée de la construction de l’immeuble refusait de commencer les travaux aussi longtemps que l’entier de la promotion n’avait pas trouvé acquéreur. Elle ne disposait pas des liquidités ni des crédits nécessaires à conduire l’opération immobilières. En cédant son droit d’emption, elle évitait de devoir s’acquitter de la facture de CHF 80'569.65, de perdre les arrhes de CHF 150'000.- versées à Mme D______ et les frais de notaires de CHF 7'500.- ainsi que de dresser un bilan intermédiaire de surendettement.

MM. B______ et C______ s’étaient acquittés le 2 mai 2006 de la facture de CHF 80'569,65 et la facture n’avait jamais grevé ses comptes. Le 24 mai 2006, le consortium lui avait remboursé l’acompte de CHF 150'000.- ainsi que les frais de notaire. Par la suite, ils avaient pris en charge les travaux concernant les deux appartements non vendus, totalisant CHF 833'528.- (lots 111 et 112). Le lot 112 avait été vendu le 4 septembre 2007 et le lot 111 le 24 janvier 2008. L’imposition du bénéfice de la promotion pour les dix premiers lots de PPE s’était effectuée en 2007 et pour les deux derniers en 2008.

Aucune distribution dissimulée de bénéfice n’avait été octroyée, les conditions fixées par la jurisprudence n’étant pas remplies. En outre, la quotité du calcul du bénéfice repris était également contestée. Toutes les charges et conditions n’avaient pas été prises en compte. L’étanchéité des exercices fiscaux n’avait pas été respectée et en cas de reprise il y avait lieu de procéder à la constitution d’une provision pour impôt.

Le principe de l’amende était également contesté.

A______ a demandé à pouvoir compléter son recours. Un délai au 24 avril 2014 lui a été fixé.

14) Le 16 avril 2014, le TAPI a transmis son dossier en renonçant à formuler des observations.

15) Le 24 avril 2014, A______ a complété son recours.

Elle aurait dû trouver un financement de CHF 1'169'600.- sans disposer du nombre d’acquéreurs nécessaires.

Il n’existait pas de marché libre de cession d’un droit d’emption, une transaction comparable faisait défaut. Les coûts supportés étaient quasi nuls mais les risques d’insolvabilité et de perte étaient conséquents et avérés. La prestation cédée avait donc une valeur nulle, voire négative si l’on appliquait la méthode du coût majoré. Il n’y avait donc eu aucune disproportion entre la prestation et la contre-prestation consentie.

S’agissant de la quotité, l’AFC considérait que le bénéfice de CHF 804'000.- aurait pu être fait par n’importe quel intervenant et avait omis les autres coûts relatifs à l’opération. Si l’on tenait compte des frais relatifs à l’opération, le bénéfice s’élevait à quelque CHF 620'700.-. Si l’opération avait pu être menée par A______, donc si elle avait pu obtenir les financements, le résultat se serait élevé à CHF 468'654.-. Les pièces et calculs produits seront repris en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.

Une provision pour impôts de CHF 184'165.85 aurait dû être prise en compte, faisant passer le bénéfice de CHF 760'044.- à CHF 575'878.15.

16) Le 23 mai 2014, l’AFC a répondu au recours en concluant à son rejet.

Son argumentation sera reprise en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.

17) Invitée à répliquer, A______ n’a pas exercé son droit dans le délai fixé au 4 juillet 2014. Suite à quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur la réintégration dans le bénéfice 2006 de la recourante d’un montant de CHF 804'000.- au titre de prestation appréciable en argent à ses associés sous forme de renonciation à la plus-value sur la revente de la parcelle.

3) a. L’art. 57 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11) prévoit que l’impôt sur le bénéfice a pour objet le bénéfice net.

Aux termes de l’art. 58 al. 1 let. b LIFD, le bénéfice net imposable comprend tous les prélèvements opérés sur le résultat commercial avant le calcul du solde du compte de résultat qui ne servent pas à couvrir des dépenses justifiées par l’usage commercial tels que, notamment, les distributions ouvertes ou dissimulées de bénéfice et les avantages procurés à des tiers qui ne sont pas justifiés par l’usage commercial. Selon l’art. 58 al. 1 let. c LIFD, il inclut également les produits qui n’ont pas été comptabilisés dans le compte de résultats, y compris les bénéfices en capital, les bénéfices de réévaluation et de liquidation.

b. Concernant l’ICC, sont considérés comme bénéfice net imposable le bénéfice net, tel qu’il résulte du compte de pertes et profits, ainsi que les allocations volontaires à des tiers et les prestations de toute nature fournies gratuitement à des tiers ou à des actionnaires de la société (art. 12 let. a et h de la loi sur l’imposition des personnes morales du 23 septembre 1994 - LIPM - D 3 15). L’art. 12 LIPM est conforme à l’art. 58 al. 1 LIFD quand bien même il est rédigé différemment (ATA/485/2013 et ATA/464/2013 du 30 juillet 2013).

4) Bien qu’elles ne le mentionnent pas expressément, les dispositions susmentionnées visent notamment les distributions dissimulées de bénéfice (Stephan KUHN/Peter BRÜLISAUER in Martin ZWEIFEL/Peter ATHANAS, Kommentar zum schweizerischen Steuerrecht, I/1, Bundesgesetz über die Harmonisierung des direkten Steuern der Kantone und Gemeinden - StHG, 2ème éd., n. 74 ad art. 24 p. 406), soit tous prélèvements qui ne sont pas conformes au droit commercial et qui doivent donc être réintégrés dans le bénéfice imposable. La reprise peut aussi découler de la renonciation à une source de revenu lorsque la société accorde à son actionnaire, au débit d’un compte de produits, une prestation à un prix inférieur au prix du marché ou si elle prend celle, au débit d’un compte d’actifs, d’une cession d’actifs à un prix de faveur (art. 58 al. 1 let. c LIFD et 12 let. i LIPM ; Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 4ème éd., 2012, p. 236 n. 39).

5) a. Selon la jurisprudence, il y a prestation appréciable en argent - également qualifiée de distribution dissimulée de bénéfice - devant être réintégrée dans le bénéfice imposable de la société lorsque les quatre conditions cumulatives suivantes sont réalisées : 1) la société fait une prestation sans obtenir de contreprestation correspondante ; 2) cette prestation est accordée à un actionnaire ou à une personne le touchant de près ; 3) elle n’aurait pas été accordée dans de telles conditions à un tiers ; 4) la disproportion entre la prestation et la contreprestation est manifeste, de telle sorte que le caractère insolite de la prestation est reconnaissable par les organes de la société (ATF 140 II 88 consid. 2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_508/2014 et 2C_509/2014 du 20 février 2015 consid. 5.3.1 ; 2C_1082/2013 du 14 janvier 2015 consid. 4.2 ; 2C _589/2013 et 2C_590/2013 du 17 janvier 2014 consid. 7.2 ; 2C_421/2009 du 11 janvier 2010 ; ATA/724/2015 du 14 juillet 2015 ; ATA/995/2014 du 16 décembre 2014 ; ATA/633/2011 du 11 octobre 2011 ; Xavier OBERSON, op. cit., p. 236 n. 41 et les références citées).

b. En matière de fardeau de la preuve, il appartient au fisc de prouver que la prestation de la société est disproportionnée car effectuée sans contrepartie. Si cette preuve est apportée, il revient à la société de renverser cette présomption et de prouver que les prestations en question sont justifiées par l’usage commercial afin que les autorités fiscales puissent s’assurer que seules des raisons commerciales, et non les étroites relations personnelles et économiques entre la société et les bénéficiaires de la prestation, ont conduit à l’octroi d’une prestation insolite (arrêt du Tribunal fédéral 2C_30/2010 du 19 mai 2010 ; Xavier OBERSON, op. cit., p. 238 n. 47).

c. En présence d’une prestation appréciable en argent, les conséquences fiscales sont multiples. Au niveau de la société, l’autorité fiscale réintégrera la prestation dans les bénéfices imposables de celle-ci (Xavier OBERSON, op. cit., p. 197 n. 35).

6) En l’espèce, la société, au bénéfice d’une promesse d’achat et d’un droit d’emption, permettant l’acquisition d’une parcelle à un prix fixé en 2004, s’en est dessaisie au profit de ses associés gérants en 2006, permettant à ces derniers de réaliser une vente subséquente du bien-fonds avec une plus-value conjoncturelle. Pour ce transfert, la société a reçu en paiement un montant correspondant au remboursement de l’acompte versé sur le prix de vente et les frais de notaire engagés jusque-là. Elle n’a en revanche comptabilisé aucun profit, alors que le consortium a réalisé un profit important, seulement quelques mois après le transfert, en vendant le terrain nu.

La condition d’une prestation disproportionnée et insolite, effectuée sans contrepartie, apparaît donc remplie, à moins que la contribuable n’arrive à renverser cette présomption, au sens de la jurisprudence susmentionnée.

7) La contribuable oppose d’abord des motifs économiques. La société aurait été incapable de réaliser l’opération d’acquisition et de revente de la parcelle, n’ayant pas les moyens financiers nécessaires.

Les pièces produites sous le secret fiscal, notamment le courrier du mandataire du consortium au service de la taxation des promoteurs immobiliers de l’AFC du 21 août 2008, indiquent que le financement de l’acquisition de la parcelle par le consortium a été assuré par l’utilisation des premiers acomptes versés par les acheteurs réservataires. De ce fait, l’argument de la contribuable tombe à faux puisque cette opération aurait pu également être réalisée par la société.

8) La société expose également que les coûts supportés par la société étaient très faibles mais que les frais « à venir » liés à la promotion immobilière pouvaient devenir très substantiels, ce qui expliquait l’absence de « valeur » de la transaction et donc le respect du principe de pleine concurrence.

A cet égard, la contribuable perd de vue que le bénéfice litigieux ne concerne que la revente du terrain nu et non pas l’opération immobilière subséquente, pour laquelle le consortium a dû supporter d’autres coûts.

Dans cette mesure, la condition de pleine concurrence n’est pas remplie, puisque la promesse de vente a été transférée sans réaliser de profit et que le terrain a été vendu avec un bénéfice conséquent quelques semaines plus tard. La même opération n’aurait à l’évidence pas été conclue avec un tiers absolu.

9) Finalement, le caractère insolite de la prestation était reconnaissable par les organes de la société qui se confondent économiquement avec elle et qui étaient de ce fait à la fois acheteurs et vendeurs de la promesse de vente cédée et ne pouvaient dès lors ignorer l’insuffisance de son prix.

En conséquence, en acceptant que ses associés achètent le terrain nu de la parcelle à sa place, la contribuable a renoncé à tirer profit de la plus-value de CHF 804'000.- selon les chiffres retenus par l’AFC, qu’elle aurait été susceptible de réaliser, en faveur de ses associés. Les conditions d’une prestation appréciable en argent devant être réintégrée dans le bénéfice de la contribuable sont donc réunies.

10) La recourante conteste également le montant de la reprise, un certain nombre de frais devaient diminuer le montant du bénéfice et une provision pour impôt être prise en compte.

a. Les principes du rappel d’impôt doivent conduire à taxer le contribuable conformément à la situation qui aurait dû être la sienne en procédure ordinaire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_662/2014 et 2C_663/2014 du 25 avril 2015 consid. 6.5).

Les charges non étroitement liées à une reprise faite dans le cadre d’une procédure de rappel ne peuvent ainsi pas être prises en compte (arrêts du Tribunal fédéral 2C_123/2012 et 2C_124/2012 du 8 août 2012 consid. 7.3 ; 2C_277/2008 du 26 septembre 2008 ; ATA/809/2015 du 11 août 2015 consid. 5b et c).

En l’espèce, parmi les charges dont la contribuable demande la déduction, seule les frais de notaire pour un montant de CHF 7'519,40 et de CHF 8'357.- peuvent être admis dans la mesure où ils sont liés directement à la signature du droit d’emption.

Le recours doit être admis sur ce point.

En revanche les autres frais, liés à la promotion immobilière et à la valorisation du terrain, ne sont pas liés directement à la reprise faite dans le bénéfice de la contribuable et ont également déjà été déduits du revenu de l’activité lucrative indépendante du consortium.

b. S’agissant de la provision pour impôt qui n’est pas comprise dans le bénéfice, le Tribunal fédéral a modifié très récemment sa jurisprudence à cet égard (ATF 141 II 83 consid. 5 p. 87 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_662/2014 et 2C_663/2014 du 25 avril 2015 consid. 6.5).

Le Tribunal fédéral a considéré qu’il n’était pas admissible de pénaliser un contribuable, dans une procédure en rappel d’impôt, en ne tenant pas compte de charges justifiées par l’usage commercial, telle des provisions pour impôts (art. 59 al. 1 let. a LIFD) lors de la correction du bilan. Jusqu’à cet arrêt, un ajustement de la provision pour impôts était exclu lorsque la reprise d’impôts était le résultat d’une soustraction fiscale intentionnelle. Or, ce caractère subjectif ne devait pas permettre d’exclure une correction de bilan exigée par une norme fiscale correctrice et dans le système postnumerando, pour chaque cas de reprise de bénéfice fondé sur l’art. 58 al. 1 let. b ou c LIFD, il convenait d’augmenter en conséquence la provision pour les impôts y relatifs.

La jurisprudence de la chambre de céans, qui n’admettait pas qu’une provision pour impôts figure dans l’exercice fiscal considéré, lorsque des reprises étaient effectuées en relation avec des distributions dissimulées de bénéfices mais admettait la déductibilité de l’impôt payé pour la période fiscale ultérieure, doit ainsi être adaptée, l’art. 59 al. 1 let. a LIFD commandant qu’une provision constituant une charge justifiée par l’usage commercial soit portée au bilan corrigé par la reprise du bénéfice. Le même raisonnement doit s’appliquer à l’art. 13 LIPM, concernant l’ICC (arrêt du Tribunal fédéral 2C_662/2014 et 2C_663/2014 précité consid. 6.6).

En conséquence, une telle provision devra être prise en compte dans le bilan 2006 corrigé de la contribuable.

Le recours sera admis sur ce point également et les bordereaux de rappel ICC et IFD 2006 devront tenir compte des charges susmentionnées pour établir le bénéfice taxable.

11) Reste à examiner les amendes, contestées par la contribuable dans leur principe.

a. Aux termes de l’art. 175 LIFD, le contribuable qui, intentionnellement ou par négligence, fait en sorte qu’une taxation ne soit pas effectuée alors qu’elle devrait l’être, ou qu’une taxation entrée en force soit incomplète, est puni d’une amende (al. 1). En règle générale, l’amende est fixée au montant de l’impôt soustrait ; si la faute est légère, l’amende peut être réduite jusqu’au tiers de ce montant et si elle est grave, elle peut au plus être triplée (al. 2).

b. Selon la jurisprudence constante, l’autorité doit faire preuve de sévérité afin d’assurer le respect de la loi et jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour infliger une amende et en fixer le montant. L’autorité de recours ne censure que l’abus du pouvoir d’appréciation (ATA/370/2015 du 21 avril 2015 consid. 3b ; ATA/1/2015 du 6 janvier 2015 ; ATA/975/2014 du 9 décembre 2014 et les références citées).

12) Pour qu'une soustraction fiscale soit réalisée, trois éléments doivent être réunis : la soustraction d'un montant d'impôt, la violation d'une obligation légale incombant au contribuable et la faute de ce dernier (arrêt du Tribunal fédéral 2C_907/2012 précité consid. 5). Les deux premières conditions sont des éléments constitutifs objectifs de la soustraction fiscale, tandis que la faute en est un élément constitutif subjectif (Pietro SANSONETTI in Danielle YERSIN/Yves NOËL, [éd.], Impôt fédéral direct ; Commentaire de la loi sur l’impôt fédéral direct, 2008, ad art. 175 p. 1495 ss ; Xavier OBERSON, op. cit., p. 586 ss).

En l'occurrence et comme il a été démontré plus haut, la recourante a bénéficié d'un avantage appréciable en argent en 2006, non déclaré au moment de la remise de sa déclaration fiscale 2006. Ce faisant, la contribuable a violé son obligation légale de remplir sa déclaration fiscale de manière complète et conforme à la vérité.

Les deux premières conditions objectives d'une soustraction fiscale sont ainsi réalisées.

13) a. La soustraction est punissable aussi bien lorsqu'elle est commise intentionnellement que lorsqu'elle l'est par négligence (ATA/370/2015 précité consid. 5a ; ATA/975/2014 du 9 décembre 2014).

b. Le contribuable agit intentionnellement lorsqu’il agit avec conscience et volonté (art. 12 al. 2 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 - CP - RS 311.0, applicable par renvoi combiné des art. 333 al. 1 et 104 CP). L'auteur agit déjà intentionnellement lorsqu'il tient pour possible la réalisation de l'infraction et l'accepte au cas où celle-ci se produirait (dol éventuel ; art. 12 al. 2
2ème phr. CP). La preuve d'un comportement intentionnel doit être considérée comme apportée lorsqu'il est établi avec une sécurité suffisante que le contribuable était conscient que les indications fournies étaient erronées ou incomplètes. Si cette conscience est établie, il faut admettre qu'il a volontairement cherché à induire les autorités fiscales en erreur, afin d'obtenir une taxation moins élevée, ou du moins qu'il a agi par dol éventuel (ATF 114 Ib 27 consid. 3a ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_907/2012 précité consid. 5.4.1 et 2C_908/2011 du 23 avril 2012 consid. 3.4). La présomption susmentionnée ne se laisse pas facilement renverser, car l'on a peine à imaginer quel autre motif pourrait conduire un contribuable à fournir à l'autorité fiscale des informations qu'il sait incorrectes ou incomplètes (arrêts du Tribunal fédéral 2C_528/2011 du 17 janvier 2012 consid. 2 et 2C_447/2010 du 4 novembre 2010 consid. 3.2 ; ATA/565/2010 du 31 août 2010 ; ATA/693/2009 du 22 décembre 2009 et les références citées).

c. La notion de négligence de l'art. 175 LIFD est identique à celle de
l'art. 12 CP. Commet un crime ou un délit par négligence quiconque, par une imprévoyance coupable, agit sans se rendre compte (négligence inconsciente) ou sans tenir compte des conséquences de son acte (négligence consciente). L'imprévoyance est coupable quand l'auteur n'a pas usé des précautions commandées objectivement par les circonstances et subjectivement par sa situation personnelle, par quoi l'on entend sa formation, ses capacités intellectuelles, sa situation économique et sociale ainsi que son expérience professionnelle. Si le contribuable a des doutes sur ses droits ou obligations, il doit faire en sorte de lever ce doute ou, au moins, en informer l'autorité fiscale (ATF 135 II 86 consid. 4.3 ; ATA/693/2009 du 22 décembre 2009 ; Pietro SANSONETTI, in Danielle YERSIN/Yves NOËL [éd.], op. cit., p. 1500 ss).

En l'espèce, l'AFC a retenu que la recourante avait été négligente, relevant l’identité économique entre les organes de la contribuable et les bénéficiaires de la prestation, soulignant néanmoins sa bonne collaboration au cours de la procédure ce qui constituait une circonstance atténuante. Quant aux montants importants sur lesquels porte la soustraction, elle a été considérée comme circonstance aggravante. La quotité des amendes ICC et IFD a été fixée à la moitié des impôts soustraits par l’AFC, ce que le TAPI a confirmé.

Cette quotité apparaît proportionnée à la négligence commise par la recourante et aux circonstances du cas d'espèce. Elle tient également et suffisamment compte de la bonne collaboration de l'intéressée. La quotité fixée à la moitié de l’impôt soustrait sera ainsi confirmée.

14) Vu ce qui précède, le recours sera très partiellement admis. Aux fins de simplification, tant le jugement du TAPI que les décisions sur réclamations et les bordereaux seront annulés. Le dossier sera renvoyé à l’AFC pour établissement de nouveaux bordereaux de rappel d’impôt et d’amendes IFD et ICC 2006, au sens des considérants.

Compte tenu de cette issue, un émolument réduit de CHF 800.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA) et il ne lui sera alloué aucune indemnité (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 25 mars 2014 par A______ Sàrl contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 3 mars 2014 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 3 mars 2014 ;

annule les décisions sur réclamations du 21 janvier 2013 ;

annule les bordereaux de rappel d’impôt et d’amende ICC et IFD 2006 du 6 juillet 2012 ;

renvoie le dossier à l’administration fiscale pour l’établissement de nouveaux bordereaux de rappel d’impôt ICC et IFD 2006 et d’amendes ICC et IFD, au sens des considérants ;

met un émolument de CHF 800.- à la charge de A______ Sàrl ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Michel Lambelet, avocat de la recourante, à l’administration fiscale cantonale, à l’administration fédérale des contributions, ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : Mme Junod, présidente, MM. Thélin et Dumartheray, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

la présidente siégeant :

 

 

Ch. Junod

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :