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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/372/2015

ATA/1264/2017 du 12.09.2017 ( FPUBL ) , REJETE

Recours TF déposé le 23.10.2017, rendu le 25.06.2018, REJETE, 8C_740/2017
Descripteurs : DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE ; DEVOIR PROFESSIONNEL ; FONCTIONNAIRE ; POLICE ; EMPLOYÉ PUBLIC ; RAPPORTS DE SERVICE ; LIBERTÉ D'EXPRESSION ; LICENCIEMENT ADMINISTRATIF ; JUSTE MOTIF ; ÉGALITÉ DE TRAITEMENT
Normes : Cst.8 ; aLPAC.12.al3 ; aLPAC.16.al1 ; aLPAC.18 ; aLPAC.19 ; aLPAC.21.al3 ; aLPAC.22 ; aRPAC.20 ; aRPAC.21.letc ; aLPOL.26 ; aLPOL.35A ; aRPOL.6 ; aRPOL.9 ; aRPOL.10 ; aRPOL.11 ; 1 DERS I 1.01 ; 2 DERS I 1.01 ; §1 DES-03-10 ; §2 DES-03-10
Résumé : Le recourant ne saurait se prévaloir de sa liberté d'expression pour s'exonérer de ses responsabilités de policier, étant rappelé, d'une part, que ces libertés ne sont pas absolues et, d'autre part, qu'elles peuvent être limitées notamment par le devoir de réserve, lequel s'applique aux agents publics tant en service que hors service.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/372/2015-FPUBL ATA/1264/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 12 septembre 2017

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Pascal Junod, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE LA SÉCURITÉ ET DE L'ÉCONOMIE



EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1965, a été nommé gendarme le 24 juillet 1985 à l’issue de son école de gendarmerie, puis confirmé dans ses fonctions par arrêté du Conseil d’État du 13 août 1986.

2) Le 22 novembre 1990, la police fédérale suisse a adressé à la police cantonale genevoise (ci-après : la police) un courrier concernant des actes d’extrémisme violent, soit une demande d’identification des propriétaires de cinq motos immatriculées à Genève, dont les conducteurs, vêtus de chemises brunes, avaient participé le 7 octobre 1990 à la commémoration des « combattants tombés dans la lutte pour la liberté » à Ulrichsberg (Autriche) célébrée par les milieux d’extrême droite prônant la reconquête des « zones historiquement allemandes », événement à placer dans le contexte des activités terroristes dans le Haut-Adige.

3) Le même jour, une note de renseignements a été établie. Parmi les cinq conducteurs concernés, trois faisaient partie de la gendarmerie genevoise, dont M. A______.

4) Le 13 décembre 1990, suite aux informations précitées, un premier lieutenant de gendarmerie a adressé une note au chef de la police en résumant les faits.

Il concluait que sur le plan professionnel, les trois gendarmes donnaient satisfaction et ne faisaient l’objet d’aucune doléance. Ils n’avaient pas été contrôlés par la police autrichienne et n’avaient pas commis d’infraction. Le rapport de la police fédérale était alarmiste et ne correspondait pas à la réalité des choses.

Selon ses déclarations, M. A______ y avait participé pour la première fois, dans un but touristique, afin de rencontrer et de dialoguer avec des anciens combattants, notamment des français, car il ne comprenait pas l’allemand. Il ne militait dans aucun parti politique.

5) Le 2 avril 1997, une note a été établie par un lieutenant de gendarmerie à l’attention du chef de la police, suite à un téléphone reçu par le secrétariat de ce dernier, soit un appel anonyme dénonçant M. A______ comme étant membre d’un mouvement skinhead.

M. A______ a contesté ces faits, ce mouvement était d’origine anglaise et se trouvait à l’opposé de l’idée qu’il avait du mouvement national-socialiste. Il n’avait jamais caché ses convictions sans pour autant adhérer à aucun parti. En 1990, il avait été entendu pour avoir participé à une réunion d’anciens combattants en Autriche. Il avait tenu compte des recommandations du commandant et n’y était plus retourné. Il s’était cependant rendu à des réunions, mais organisées en privé, tant en Allemagne qu’en France. Dans le cadre de son activité professionnelle, il ne laissait jamais transparaître ses idées politiques. Cela ne lui demandait pas un effort particulier. Il était certainement beaucoup plus respectueux de certaines personnes que bien d’autres collègues.

Le lieutenant concluait ne pas savoir si M. A______ était seulement un membre sympathisant des néo-nazis. Sur le plan professionnel, aucune critique ne pouvait être faite à ce dernier sur ses relations tant avec le public qu’avec ses collègues.

6) Au fil de ses différentes promotions, M. A______ a été nommé en dernier lieu brigadier chef de groupe dès le 1er janvier 2008 par arrêté du 21 novembre 2007, puis brigadier remplaçant chef de poste dès le 1er avril 2013.

7) M. A______ a fait l’objet d’entretiens d’évaluation et de développement du personnel.

Le 23 juin 2010, son responsable hiérarchique concluait celui-ci en ces termes : « s’investit dans son rôle de brigadier chef de groupe, connaît bien ses subordonnés tout en restant discret. Il est très apprécié de ses hommes. Respectueux de la hiérarchie, il assure le lien avec ses collaborateurs et rend les comptes nécessaires ».

Le 7 mai 2012, son responsable hiérarchique concluait l’entretien en ces termes : « le brigadier chef de groupe A______ tient son rôle de chef auprès de ses subordonnés. Il est apprécié de ses hommes et se trouve régulièrement avec eux dans le terrain. Il est respectueux de la hiérarchie. Il a un très bon contact avec les jeunes stagiaires qui lui sont confiés. Il sait également responsabiliser ses hommes et délègue à bon escient [ ].

8) Par courriel du 25 mai 2014, un député du Grand Conseil genevois s’est adressé à la cheffe de la police en raison de commentaires, postés sur son « mur » Facebook en mai 2014, sauf un daté du 26 mars 2013, suite à son intervention dans une émission de radio, qu’il estimait pour le moins virulents, et dont les auteurs seraient des membres du corps de police du canton. De tels propos, tenus publiquement sur un réseau social, contrevenaient au devoir de réserve du policier, à son serment et à ses ordres de service. Il demandait par conséquent l’ouverture d’enquêtes disciplinaires, notamment à l’égard de la personne utilisant le pseudonyme « Hussard noir ».

Le commentaire de ce dernier, daté du 26 mars 2013, avait la teneur suivante : « chers socialos de merde. Vous avez toujours eu la gueule ouverte contre la police. Vous n’avez pas, un tant soit peu, un minimum de honte d’avoir ordonné le gazage de gosses, femmes, vieillards et autres sans vergogne. Vous êtes pire que ceux que vous aviez critiqué. Faites-vous tout petits, et surtout sans ouvrir vos claques-merde , jusqu’à votre éradication définitive. Vous êtes nocifs à toute société qui veut progresser ».

9) Par décision du 30 juillet 2014, la cheffe de la police a ouvert une procédure disciplinaire à l’encontre de M. A______ en raison des faits portés à sa connaissance le 25 mai 2014, constituant un manquement susceptible d’entraîner une sanction disciplinaire. La procédure pouvait également porter sur tous autres faits répréhensibles susceptibles d’apparaître au cours de la procédure.

10) a. Par courriel du 11 août 2014, un journaliste au quotidien 20 minutes a contacté le service de presse de la police. Un informateur lui avait signalé deux membres des forces de l’ordre ayant un comportement pour le moins douteux sur Facebook et il désirait notamment savoir si leurs agissements étaient connus de la hiérarchie.

Un premier gendarme actif sur Facebook, sous le nom de « Hussard noir », montrait sur son profil public une certaine fascination pour le IIIème Reich. Il se prenait en photo devant un drapeau de la marine allemande datant de l’époque nazie et célébrait l’anniversaire de la prise de pouvoir d’Adolf HITLER. Si son appartenance aux forces de l’ordre n’était pas évidente, elle apparaissait à la lecture des commentaires. On y apprenait notamment qu’il était à Lancy-Onex et qu’il était remplaçant chef de poste. Après quelques recherches, il était apparu qu’il s’agissait de M. A______.

Un deuxième policier publiait sous le pseudonyme « Séb von Matterhorn » et semblait être ami avec « Hussard Noir ». Il avait écrit sous une photo de M. A______ déguisé en juif orthodoxe « crève sale FEUJ ». « Séb von Matterhorn » était en fait Monsieur B______, qui affichait publiquement sur Facebook appartenir au corps de police.

b. Plusieurs captures d’écran du compte Facebook de M. A______ étaient jointes à cette dénonciation.

- un commentaire du 30 janvier 2013 : « le commencement de tout Joyeux Anniversaire de notre Empire » accompagné d’un photomontage représentant l’intéressé avec un haut chapeau noir et des papillotes ;

- le commentaire de « Séb von Matterhorn » sous la photo de M. A______ déguisé en juif orthodoxe « crève sale FEUJ » ;

- deux photos de M. A______ posant devant un drapeau de la marine allemande ;

- une photo d’une moto avec une inscription qui serait une partie de la devise SS « Meine Ehre heisst Treu » traduite en japonais ;

- la photo d’un bâtiment qui serait celle d’un centre de formation de la Waffen SS ;

- Un montage photographique avec le cliché d’Adolf HITLER enfant, le logo du FC Bayern de Munich et un char militaire.

11) Par décision du 12 août 2014, la cheffe de la police a transmis la procédure disciplinaire ouverte à l’encontre de M. A______ au département de la sécurité et de l’économie (ci-après : DSE).

12) Le même jour, la cheffe de la police a adressé une dénonciation pénale au Ministère public. M. A______ avait posté sur son mur Facebook plusieurs photos et commentaires faisant état d’une fascination pour le IIIème Reich. Ces faits pourraient être constitutifs d’une infraction, en tant que M. A______ propageait publiquement une idéologie à caractère antisémite, à savoir celle prônée par le régime du IIIème Reich.

13) Le 12 août 2014, M. A______ a fait l’objet d’un entretien d’évaluation et de développement du personnel.

En substance, son responsable hiérarchique concluait l’entretien en ces termes : compétent, serviable et efficace, M. A______ était grandement apprécié par l’ensemble du personnel, auprès duquel il ne passait pas inaperçu. En effet, un brin provocateur, il avait parfois tendance, lorsqu’il dispersait à la volée ses états d’âme, à oublier quelque peu son rôle de cadre. Un effort lui était demandé afin d’estomper ce trait de caractère. Cette particularité n’enlevait rien à ses nombreuses qualités, lesquelles lui permettaient de remplir parfaitement sa fonction. Sa gouaille et sa jovialité contribuaient à l’excellente ambiance de travail qu’ils connaissaient alors.

14) Dès le 13 août 2014, M. A______ avait fait l’objet de divers articles dans la presse, relatifs aux propos tenus et aux images qu’il avait publiées sur les réseaux sociaux.

Les titres des articles étaient les suivants :

- « Agent sous enquête pour son goût pour le IIIème Reich », 20 minutes, le 12 août 2014 ;

- « Flic sous enquête à cause de son attrait pour les nazis », 20 minutes, le 13 août 2014 ;

- « Mutation de l’agent aux publications néonazies », 20 minutes, le 13 août 2014 ;

- « Le policier genevois aux tendances néonazies a été muté », Tribune de Genève, le 13 août 2014 ;

- « Le policier appelait le Führer "Tonton" », Le Matin, le 14 août 2014 ;

- « Policier nostalgique du IIIème Reich », le Temps, le 14 août 2014 ;

- « Publications à caractère néonazi sur Facebook : un gendarme est muté », Tribune de Genève, le 14 août 2014 ;

- « Brigadier genevois néonazi : la police savait », Le Matin, le 16 août 2014 ;

- « Policier néonazi bientôt viré ? », 20 minutes, les 20 et 21 août 2014.

15) Le 18 août 2014, M. A______ a été convoqué par le commandant de la gendarmerie à un entretien de service devant se tenir le lendemain.

Son objet était de l’entendre d’une part, au sujet des commentaires écrits sur Facebook le 26 mars 2013, lesquels avaient été portés à la connaissance de la direction de la police le 25 mai 2014 et, d’autre part, sur les commentaires et photos postés sur le réseau social précité.

La réunion avait également pour but d’informer l’intéressé que le département envisageait de résilier les rapports de service. En effet, les faits susmentionnés, s’ils étaient avérés, constituaient des manquements aux devoirs du personnel.

16) Le 19 août 2014, M. A______ s’est rendu à son entretien de service accompagné de son avocat. Ce dernier s’est déroulé en présence du commandant de la gendarmerie.

M. A______ a été informé que les faits qui lui étaient reprochés, s’ils étaient avérés, constitueraient de graves manquements aux devoirs du personnel, porteraient sérieusement atteinte à l’image de la police et seraient clairement incompatibles avec la fonction de brigadier remplaçant chef de poste qu’il occupait.

M. A______ a répondu aux reproches formulés de la manière suivante :

- le commentaire commençant par « chers socialos de merde » avait été publié sur la page publique du député dénonciateur. Il émettait des doutes sur sa teneur, car il avait pu être modifié ;

- il avait publié le commentaire « le commencement de tout joyeux anniversaire à notre Empire », de même que le photomontage le faisant apparaître avec un chapeau et des papillotes, sur son mur qui était accessible uniquement à ses « amis », avec accord préalable. Au surplus, les propos faisaient suite à une discussion avec une connaissance, hors Facebook, sur la date d’accession au pouvoir d’Adolf HITLER. Il avait publié les termes susmentionnés pour plaisanter. Quant à la photo, il s’agissait d’un avatar, comme il en possédait des centaines. Il avait été créé plusieurs mois après le commentaire mais son apparition rétroagissait à la date de création du compte. Cette photo n’avait aucun lien direct avec le texte. Elle devait être mise en relation avec les événements au Moyen-Orient ainsi que le film « Rabbi Jacob ». Il souhaitait faire un clin d’œil ;

- le drapeau n’était pas de l’époque nazie. C’était celui de la marine allemande du seconde Empire, et n’avait plus été utilisé depuis 1918 ;

- l’idéogramme en japonais figurant sur un motocycle signifiait loyal. Il ne s’agissait pas de la traduction d’une devise SS ;

- le cliché du bâtiment était sorti de son contexte. Il appréciait les belles architectures et son profil contenait d’autres photos de bâtiments remarquables. Le bâtiment était antérieur à l’époque nazie et avait effectivement servi d’école militaire à différentes époques ;

- concernant la photo d’Adolf HITLER enfant, il s’agissait « d’humour potache ». Il pensait n’être lu que par ses « amis ».

- il avait restreint l’accès à son compte Facebook, créé environ six ans auparavant, et pensait que ce dernier n’était dès lors pas accessible en dehors de ses « amis ». Il contenait environ un millier de photos, abordant des sujets familiaux, musicaux et autres.

À l’issue de l’entretien, M. A______ a été informé que son employeur envisageait de résilier les rapports de service pour motif fondé, et que si tel était le cas, un autre poste au sein de l’administration cantonale correspondant à ses capacités serait tout d’abord recherché. Son arme de service lui était retirée pour le temps de la procédure.

17) Le 2 septembre 2014, M. A______ a fait part au commandant de la gendarmerie de ses observations.

L’affaire avait démarré pour l’essentiel sur la base d’une dénonciation au contenu calomnieux, voire diffamatoire d’un rédacteur du journal 20 minutes.

Sans prendre de distance et avant même que la moindre enquête ne soit diligentée sur les agissements reprochés à un des siens, la police, par la voix de sa cheffe, avait spontanément dénoncé l’affaire au parquet et pris langue avec des associations privées politiquement controversées telles la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (ci-après : la LICRA) et la Coordination intercommunautaire contre l’antisémitisme et la diffamation (ci-après : la CICAD), pour les informer de l’ouverture d’une enquête administrative.

Les états de service de M. A______, exerçant dans la police depuis bientôt trente ans, étaient éloquents et les accusations portées contre lui par la presse étaient consternantes.

Pour ces motifs, ainsi que les explications données durant l’entretien, M. A______ rejetait fermement les accusations et considérait que les motifs de licenciement n’étaient pas fondés et que la procédure n’avait pas été respectée.

18) Par décision incidente du 10 septembre 2014, le DSE a ouvert une procédure de reclassement de M. A______, dès lors que des motifs fondés de résiliation des rapports de service étaient établis. Les arguments et observations de ce dernier n’étaient pas de nature à remettre en cause la détermination de sa hiérarchie. La décision était exécutoire nonobstant recours.

19) Le 18 septembre 2014, un entretien ayant pour objet l’ouverture de la procédure de reclassement a eu lieu en présence de la directrice des ressources humaines du DSE.

Le curriculum vitae remis par M. A______ serait adressé par mail aux différentes directions des ressources humaines des départements, afin d’étudier toutes les possibilités de reclassement. Il serait également procédé ainsi pour les postes qui pourraient se libérer prochainement et qui seraient susceptibles d’intéresser M. A______.

Ce dernier devait également réfléchir à une éventuelle réorientation professionnelle.

La durée de la procédure de reclassement était de deux mois. Ils devaient se réunir à nouveau le 20 octobre 2014 afin de dresser un bilan intermédiaire. Le 19 novembre 2014, celle-ci serait terminée. À fin novembre, si elle ne débouchait sur aucune proposition, une résiliation des rapports de service serait envisagée.

20) Par courriel du 19 septembre 2014, la directrice des ressources humaines du DSE a écrit à l’ensemble des départements de l’État de Genève, ainsi qu’au Grand-Conseil. Elle requérait leur concours afin que M. A______ puisse être reçu dans le cadre d’un entretien de recrutement.

21) Le 25 septembre 2014, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision incidente du 10 septembre 2014 d’ouverture de la procédure de reclassement, concluant sur le fond à l’annulation de la décision du chef du DSE et, préalablement, à la restitution de l’effet suspensif.

Dans un complément ultérieur, il a précisé que le commentaire commençant par « chers socialos de merde  », sinon dans sa formulation exacte, en tout cas dans sa teneur, avait bien été placé sur son mur Facebook. En revanche, il n’était destiné ni au député qui l’avait dénoncé, ni à des personnalités du parti socialiste genevois ou des socialistes genevois en général. Il avait été écrit à la suite des interventions musclées et totalement disproportionnées de la police française, agissant sur ordre du gouvernement socialiste, à l’encontre des participants aux manifestations pacifistes de 2013, dite « Manifs pour tous ». À cette occasion la police avait gazé sans distinction femmes, enfants et personnes âgées qui défilaient dans la rue en réaction au projet de loi dit « mariage pour tous ». Son coup de gueule, qui relevait de la liberté d’opinion, était strictement dirigé contre la politique du gouvernement français.

22) Par courriels des 30 septembre, 14 octobre et 11 novembre 2014, la directrice des ressources humaines a informé M. A______ qu’elle n’avait pas été en mesure de sélectionner de poste correspondant à son profil.

23) Le 19 novembre 2014, M. A______ ne s’est pas présenté au dernier entretien de la procédure de reclassement. Les démarches n’ayant pas abouti, celle-ci a été clôturée.

24) Par courrier du 24 novembre 2014, M. A______ a été informé de la fin de la procédure de reclassement et de l’intention de l’employeur de reprendre la procédure de résiliation des rapports de service. Le compte rendu écrit de la dernière séance lui a été remis.

25) Par arrêt du 25 novembre 2014 (ATA/923/2014), la chambre administrative a déclaré irrecevable le recours interjeté le 25 septembre 2014 par M. A______ contre la décision du département du 10 septembre 2014 d’ouvrir une procédure de reclassement.

26) Le 1er décembre 2014, M. A______ a fait part de ses observations suite à la clôture de la procédure de reclassement et a signé le compte rendu de l’entretien du 19 novembre 2014.

Aucun motif fondé n’avait pu être établi, si bien que la procédure de résiliation des rapports de service relevait de l’abus de droit.

27) Le 19 décembre 2014, le Procureur général a adressé au DSE, qui avait accès aux pièces de l’enquête de police, un rapport complémentaire de l’inspection générale des services (ci-après : IGS) relatif à l’examen du contenu de l’ordinateur de M. A______, révélant son activité sur son compte Facebook.

Il s’agissait de propos de M. A______, tenus sur le réseau social, sous le pseudonyme « Antoine Dupont ». D’après le rapport de police, les photos figurant sur le site Facebook « Antoine Dupont » démontraient notamment l’intérêt de M. A______ pour les voyages en famille, le sport, les lieux historiques et les équipements militaires liés à la seconde guerre mondiale. Certains messages ou extraits étaient mis en exergue, dont un message d’adieu panégyrique adressé le 11 octobre 2013 à Monsieur C______, soit un capitaine SS impliqué dans le massacre des fosses ardéatines commis à Rome le 24 mars 1944, au cours duquel 335 civils italiens avaient été exécutés par les troupes allemandes, et un message du 17 octobre 2013 relatif à la polémique et aux incidents qui s’étaient produits au sujet de l’ensevelissement contesté de cet officier, critiquant les opposants à cet acte.

28) Par décision du 23 décembre 2014, le conseiller d’État en charge du DSE a résilié les rapports de service avec M. A______ pour motif fondé avec effet au 31 mars 2015, dans la mesure où la procédure de reclassement initiée n’avait pas abouti. La décision était déclarée exécutoire nonobstant recours.

M. A______ ne contestait pas être l’auteur des images et commentaires publiés sur son compte Facebook. De telles publications ne pouvaient être considérées comme étant destinées à un public restreint, preuve en étaient les articles qui avaient paru dans la presse à partir du 14 août 2014.

Le photomontage l’illustrant avec un chapeau et des papillotes, accompagné d’un commentaire, la photo qui le représentait devant un drapeau de forces armées de l’empire allemand entre 1871 et 1918 utilisé par certains extrémistes et la photo d’une ancienne école SS, notamment, lesquels avaient tous été publiés sur son compte Facebook, constituaient de graves manquement aux devoirs du personnel, qui étaient de surcroît clairement incompatibles avec la fonction de policier.

29) a. Le 23 janvier 2015, le conseil de M. A______ a informé le DSE que son mandant était hospitalisé aux hôpitaux universitaires de Genève, depuis le début de la semaine. Des certificats médicaux lui seraient transmis. En conséquence, le congé devait être suspendu avec effet au 19 janvier 2015.

b. Les certificats médicaux transmis par la suite attestent de l’incapacité de travail de M. A______ du 19 janvier 2015 au 2 mars 2015.

30) Le 2 février 2015, M. A______ a interjeté recours contre la décision du 23 décembre 2014 auprès de la chambre administrative, concluant préalablement à l’octroi de l’effet suspensif, principalement à ce que la décision querellée soit déclarée nulle et à ce qu’il soit ordonné au DSE d’adopter une procédure disciplinaire ; subsidiairement, à ce que l’absence de motif fondé de résiliation des rapports de service soit constatée et que la décision querellé soit annulée ; plus subsidiairement encore, à l’annulation de la décision. Les conclusions étaient prises « sous suite de frais et dépens ».

a. Le DSE avait abusé de son pouvoir d’appréciation en procédant par un « simple » licenciement. Une procédure disciplinaire en vue d’une éventuelle révocation aurait dû être adoptée.

La volonté réelle des supérieurs du recourant était de l’écarter de la police pour un comportement qu’ils prétendaient contraire aux devoirs de sa charge. Or, l’existence d’un comportement fautif n’avait pas été établie.

La voie de la résiliation des rapports de travail pour motif fondé avait été choisie, faute de pouvoir démontrer la gravité d’une faute qui justifierait une révocation. La résiliation était ainsi en réalité une sanction déguisée.

La procédure disciplinaire comportait des garanties supplémentaires, notamment l’obligation d’effectuer une enquête administrative. De plus, l’autorité compétente pouvait refuser la réintégration quand bien même la résiliation des rapports de service était contraire au droit, alors qu’elle ne pouvait pas la refuser en cas de révocation contraire au droit.

Or, si la réintégration était refusée, M. A______ perdait ses droits acquis, notamment la possibilité de prendre sa retraite à 58 ans.

b. Les faits avaient été constatés de manière inexacte et incomplète.

Les photos et commentaires à l’origine de la décision avaient été interprétés hors contexte, parfois de façon sciemment mensongère, sur la base d’une simple dénonciation journalistique, à l’image des significations prêtées à l’idéogramme japonais ou au drapeau de la marine allemande.

Un nombre restreint d’amis avait accès à son profil Facebook, si bien que les photos et commentaires publiés étaient protégés par la liberté d’expression. Par ailleurs, le DSE ne semblait pas tenir compte du fait que le journaliste en avait pris connaissance en violant sa sphère intime.

c. La résiliation n’était pas justifiée par un motif fondé.

Il avait pendant presque trente ans fourni un travail exemplaire, à l’entière satisfaction de sa hiérarchie. Avant lui, le DSE n’avait jamais eu recours à une résiliation des rapports de service d’un fonctionnaire de police pour motif fondé.

d. La décision ne respectait pas le principe de proportionnalité et d’égalité de traitement.

Le licenciement d’un fonctionnaire exemplaire pour un cas isolé ne répondait à aucune de trois composantes du principe de proportionnalité. Si un comportement fautif était établi, les faits reprochés mériteraient tout au plus un simple blâme.

Des comportements bien plus graves, au sein même du corps de police, n’avaient pas débouché sur une résiliation des rapports de service ordinaire ou disciplinaire. Les autres agents de police dénoncés pour des propos écrits à l’encontre du député en juillet 2014 n’avaient subi aucune sanction, de même que l’auteur du commentaire « crève sale FEUJ ». Par conséquent, la décision querellée violait le principe d’égalité de traitement.

31) Le 16 février 2015, le département a conclu au rejet de la demande de restitution de l’effet suspensif.

32) Le 27 mars 2015, le département a conclu au rejet du recours, « sous suite de frais et dépens ».

a. Le DSE n’avait pas abusé de son pouvoir d’appréciation en estimant que les manquements commis par M. A______ justifiaient une résiliation des rapports de service plutôt qu’une sanction disciplinaire.

Un licenciement avait des effets moins graves qu’une révocation, qui revêtait l’aspect d’une peine et avait un caractère plus ou moins infâmant, ce qui n’était pas le cas d’un licenciement administratif. Par ailleurs, en cas de révocation, aucune procédure de reclassement n’était mise en place.

b. Les faits reprochés à M. A______ constituaient des manquements graves à son devoir de réserve. Son hommage à un officier SS impliqué dans un massacre et la publication d’images en lien avec le IIIème REICH allemand véhiculaient un message incompatible avec l’État de droit ainsi qu’avec sa fonction, dans laquelle il incarnait la puissance publique.

En tant que brigadier remplaçant chef de poste, il avait vis-à-vis de ses subordonnés un devoir d’exemplarité important, auquel il avait failli.

Le DSE ne pouvait considérer que ses propos avaient été tenus dans un cadre privé, dès lors que tout document publié dans les médias sociaux était considéré comme étant public.

c. Au vu de toutes les démarches effectuées durant plusieurs mois dans le but d’éviter un licenciement, il ne pouvait être reproché au DSE d’avoir violé le principe de proportionnalité.

Le DSE n’avait pas choisi de le sanctionner, mais de mettre un terme aux rapports de service, si bien que M. A______ ne pouvait prétendre que les faits reprochés justifiaient tout au plus un blâme.

d. Le principe d’égalité de traitement avait également été respecté.

M. A______ ne démontrait pas en quoi les faits qui le concernaient seraient assimilables à ceux qui avaient trait aux personnes auxquelles il se comparait, étant précisé que le DSE attendait l’issue de la procédure pénale ouverte à l’encontre de l’auteur du commentaire « crève sale FEUJ », avant de prendre d’éventuelles mesures.

33) Par courrier du 11 septembre 2015, le DSE a informé M. A______ que la période de protection pour cause de maladie s’était terminée le 17 juillet 2015 et que, par conséquent, les rapports de service prendraient fin le 30 septembre 2015.

34) Le 19 novembre 2015, le juge délégué a tenu une audience de comparution personnelle des parties en présence de M. A______, assisté de son conseil, et des représentants du département.

a. M. A______ a persisté dans son recours. Compte tenu de l’entrée en vigueur prochaine d’une modification de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05), permettant la réintégration en cas de licenciement injustifié, il souhaitait pouvoir compléter son recours par des conclusions nouvelles dans ce sens. En cas de refus de réintégration, il concluait à être mis au bénéfice de l’indemnité maximum prévue par la loi.

Une ordonnance de non-entrée en matière avait été rendue à l’issue de la procédure pénale. Il était au chômage. Touché par ce qui lui était arrivé, il était suivi par un médecin. Trente ans de carrière avaient été brisés à cause de ces publications. Il ne faisait plus partie de la caisse de pension de la police.

L’accès à son compte Facebook était très restreint. Il était très attentif aux personnes qu’il acceptait comme amis sur Facebook, tout en étant moins regardant lorsqu’il acceptait des personnes faisant partie de la police. Celui qui avait extrait et rendues publiques les photos et commentaires avait dû passer par un ami policier. Il n’y était jamais apparu en uniforme et n’y avait pas mentionné sa profession. Il n’avait pas pensé que ce qui figurait sur son compte Facebook pouvait devenir public.

Il avait un intérêt marqué pour les troupes d’élite, quelles qu’elles soient et quelle que soit leur réputation, ainsi que pour l’histoire. Il avait choisi le pseudonyme « Hussard Noir » en référence à une troupe d’élite française de la période napoléonienne.

Conscient que certaines discussions pouvaient être sensibles, il ne les tenait que dans son cercle d’amis. Il était désolé d’avoir pu choquer des gens, ce qui n’était pas son but.

b. Le département a persisté dans sa décision.

Les autres policiers qui s’étaient exprimés de manière répréhensible sur les réseaux sociaux ou sur des blogs avaient fait l’objet de recadrages ou de sanctions disciplinaires, soit des blâmes ou des services hors tour, pour les cas les plus graves. M. B______ avait fait l’objet d’un entretien de recadrement sur ordre de la cheffe de la police. Au moment des faits, plusieurs collaborateurs s’épanchaient sur les réseaux sociaux, parfois de manière virulente. Il avait été procédé à des rappels, notamment à l’occasion du rapport de début d’année et le DSE n’avait depuis pratiquement plus de retours d’incidents de ce type.

Depuis 2011, aucun autre policier n’avait été licencié ou révoqué en raison de propos ou d’images publiées. M. A______ était allé trop loin dans ses prises de position. Personne n’avait de raisons d’en vouloir à M. A______ au sein de la police.

35) Par courrier du 18 décembre 2015, le conseil de M. A______ a fait parvenir à la chambre administrative l’ordonnance de non-entrée en matière rendue par le Ministère public le 13 avril 2015, ainsi que le courrier du conseiller d’État du 11 septembre 2015, confirmant la fin de rapports de service de M. A______ et entraînant sa sortie de la caisse de prévoyance professionnelle de la police.

Le Ministère public considérait que les publications relevées sur le profil Facebook de M. A______ ne remplissaient pas les éléments constitutifs de l’infraction de discrimination raciale.

Le pseudonyme « Hussard noir » faisait référence à un escadron de cavalerie et les idéogrammes japonais correspondaient au terme « fidélité ». Ces éléments n’avaient aucun lien avec une race, une ethnie ou une religion, ni avec une idéologie discriminante. Sur sa photographie de profil, M. A______ imitait un juif orthodoxe, sans toutefois exprimer du mépris ou un sentiment de haine à l’égard de la religion juive.

Le lien des autres commentaires et photographies publiées par M. A______ sur son mur Facebook avec le national-socialisme ne faisait aucun doute. Il avait ainsi exprimé son adhésion à celui-ci. M. A______ n’avait toutefois pas cherché à propager l’idéologie nazie, dès lors que ces publications étaient des allusions voilées au nazisme, qui n’étaient pas nécessairement reconnaissables par le grand public.

Les textes publiés sous le pseudonyme « Antoine Dupont 1965 » contenaient des expressions méprisantes qui faisaient toutefois allusion à des politiciens et non à un groupe racial, ethnique ou religieux.

Enfin, l’éloge de M. C______, « s’il donnait la nausée », ne contenait pas de propagande en faveur d’une idéologie.

36) Le 8 janvier 2016, le département a fait part de sa détermination sur les conclusions en relation avec la nouvelle LPAC prises par M. A______ lors de l’audience du 19 novembre 2015. Elles devaient être déclarées irrecevables.

37) Le 24 mars 2016, le juge délégué a tenu une audience de comparution personnelle et d’enquêtes en présence de M. A______, assisté de son conseil, et des représentants du département.

a. Monsieur D______, appointé de gendarmerie, a été entendu en qualité de témoin.

Il avait travaillé avec M. A______ entre mars et août 2014. Leur relation professionnelle était très bonne. Dans le cadre de son activité professionnelle, ce dernier n’avait jamais évoqué ses convictions politiques ou religieuses. Ils étaient amis sur Facebook.

Dans la police depuis 2008, il n’avait pas eu connaissance d’une résiliation des rapports de service pour un motif de ce genre. Des manquements avérés de collègues n’avaient jamais été sanctionnés.

Un brigadier remplaçant chef de poste ayant provoqué deux accidents relativement rapprochés, en état d’ébriété et commis un délit de fuite, était toujours en service. Il n’avait pas eu connaissance d’une autre sanction que d’un service hors tour.

Un collègue avait déclenché une alerte à la bombe. Il n’était plus présent mais continuait à toucher des prestations salariales.

b. Monsieur E______, premier lieutenant de gendarmerie, a été entendu en qualité de témoin.

Il avait connu et avait travaillé avec M. A______ dans le groupe des motards de maintien de l’ordre, le groupe F______, dont il était responsable. Il s’agissait d’une unité spécialisée, engagée en fonction des besoins et dont les hommes étaient, en temps normal, rattachés à d’autres affectations. M. A______ y était pilote. Durant l’Euro 2008, le groupe F______ avait été engagé en continu pendant près d’un mois. Il avait pu apprécier les qualités professionnelles de M. A______, qui avait toujours répondu aux exigences des missions du groupe F______. Les membres de ce groupe, toujours observés, se devaient d’être irréprochables. Aucun écart n’était toléré. M. A______ était celui qui permettait d’apaiser les situations tendues et de calmer le jeu avant qu’il ne soit trop tard.

À l’exception du cas de M. A______, les procédures disciplinaires dont il avait eu connaissance ne s’étaient jamais terminées par une résiliation des rapports de service.

Le gendarme ayant déclenché une alerte à la bombe ne faisait plus partie des effectifs de police depuis peu.

c. Monsieur G______, retraité de gendarmerie, a été entendu en qualité de témoin.

M. A______ était un excellent collègue. Son comportement avait toujours été adéquat et il n’avait suscité aucune doléance ni du public, ni des collègues.

Il n’avait pas connaissance de cas similaires au sien et il était surpris par la sanction.

d. Monsieur H______, ancien commandant de la gendarmerie, retraité, a été entendu en qualité de témoin.

M. A______ ne cachait pas ses sympathies pour les idées d’extrême droite. Il ne s’en était jamais caché parmi les collègues de sa génération. Lors de l’entretien de service du 19 août 2014, il avait d’ailleurs qualifié cela d’humour potache. Il manifestait ses idées par des plaisanteries ou des petites piques et non pas sous forme de grandes théories. Durant ses quatre années à la tête de la gendarmerie, il n’avait reçu aucune plainte concernant M. A______.

Lorsqu’il avait pris ses fonctions de commandant, il avait appris que M. A______ fréquentait un établissement à l’étranger où se réunissaient des sympathisants d’extrême droite. En l’absence d’élément à caractère pénal, il avait demandé à ce qu’on lui fasse part de tout changement. Il ignorait que M. A______ avait déjà été entendu suite à sa participation à une réunion d’anciens militaires en Autriche.

Il n’avait pas connaissance d’un autre cas de licenciement après une carrière aussi longue ni de situations similaires se terminant par un licenciement.

Le collaborateur qui avait déclenché une alerte à la bombe souffrait d’un problème de santé. Il était également au courant du cas du brigadier sanctionné par un service hors tour en raison d’un accident avec ivresse au volant, de même que celui de l’appointé de gendarmerie qui s’était battu avec un automobiliste. Il avait quitté la police.

En tant qu’ancien commandant, il n’avait pas à commenter la décision du DSE. En tant que citoyen, il serait inquiet d’apprendre qu’il y avait dans la police des gens ayant ce genre d’idées.

38) Le 2 mai 2016, à la demande du juge délégué, le Ministère public lui a transmis le dossier de la procédure pénale ouverte à l’encontre de M. A______ suite à la dénonciation du DSE.

Il comprenait notamment les auditions par la police et le compte Facebook de l’intéressé, ouvert sous le pseudonyme Antoine Dupont. Son contenu sera détaillé plus avant en tant que de besoin.

39) Le 6 mai 2016, les parties ont été informées que ledit dossier pénal, enregistré sous P/16264/2014, était parvenu à la chambre de céans.

40) Le 26 mai 2016, le juge délégué a tenu une audience de comparution personnelle et d’enquêtes en présence de M. A______, assisté de son conseil, et des représentants du département.

a. Monsieur I______, né en 1977, a été entendu comme témoin.

Il était président de l’union du personnel du corps de police dont M. A______ était membre. Cette association avait notamment pour but la défense des intérêts de ses membres. Il n’était pas intervenu de manière officielle dans le cadre de la procédure de licenciement de M. A______.

Leurs rapports professionnels étaient excellents. Ils s’étaient côtoyés durant deux ans environ.

Il n’avait pas connaissance d’autres cas de licenciement pour rupture du lien de confiance, mais n’avait pas eu nécessairement connaissance de l’ensemble des cas de résiliations de rapports de service.

Il avait en mémoire trois ou quatre cas de suspension immédiate ayant débouché sur des demandes de révocation ou des révocations. Les policiers avaient parfois agi dans le cadre de leur vie privée.

L’auteur d’une alerte à la bombe et le policier ayant conduit en état d’ébriété figuraient toujours parmi les effectifs de la police.

b. Monsieur J______, sous-brigadier, a été entendu en qualité de témoin.

Il connaissait M. A______ depuis 2002. Leurs relations étaient excellentes et la confiance était réciproque. Il n’avait jamais constaté chez M. A______ de comportement inadéquat à sa fonction de policier.

Il ignorait ce qu’il était advenu de l’auteur de l’alerte à la bombe. Le brigadier ayant fait l’objet de condamnations pour conduite en état d’ébriété et délit de fuite avait été condamné à une énorme amende et avait conservé son emploi. Le policier qui avait frappé un automobiliste à plusieurs reprises avait été déplacé dans un premier temps, puis avait perdu le statut de gendarme, pour finalement quitter la police.

c. Madame K______, gendarme, a été entendue en qualité de témoin.

Elle connaissait M. A______ depuis 2004. Ils étaient amis. M. A______ était un collègue agréable et apprécié. Il était adéquat et poli lors de ses interventions. Ils étaient également amis sur Facebook où leurs échanges étaient toujours adéquats. La fonction de M. A______ n’y était pas visible.

L’auteur de l’alerte à la bombe était resté dans la police et avait pris du grade. Le brigadier condamné plusieurs fois pour conduite en état d’ébriété et délit de fuite après accident, était, à sa connaissance, resté dans la police. Le policier ayant eu une altercation violente avec un automobiliste avait été déplacé au centre d’information et de documentation de la police judiciaire (ci-après : CID).

d. Les représentants du DSE ont brièvement rappelé les étapes de la procédure ayant conduit à la décision.

La procédure de résiliation ordinaire des rapports de service avait été choisie, car il n’y avait pas eu de violation des devoirs de fonction dans le cadre du service. Il n’existait pas de pratique en matière de fin des rapports de service des fonctionnaires de police. C’était du cas par cas. Ils n’avaient pas connaissance de lignes directrices relatives au choix de la voie à suivre.

La cheffe de la police gardait ou transmettait un dossier disciplinaire en fonction du type de sanction envisagé.

Le DSE n’avait pas entendu le député auteur de la dénonciation et n’avait pas demandé d’explication sur le fait que figurait au milieu des interventions de 2014 un commentaire de « Hussard noir » du 26 mars 2013.

Le journaliste dénonciateur n’avait pas été entendu ni interrogé sur la manière dont il avait accédé au profil Facebook de M. A______.

41) Par courrier du 4 juillet 2016, le département a apporté les précisions suivantes :

Après avoir effectué des recherches, il était en mesure d’indiquer qu’il n’y avait pas eu, par le passé, au sein du déparement, d’investigations internes ayant débouché sur une procédure concernant des policiers, auxquels il aurait été reproché une appartenance ou de la sympathie à l’égard de milieux extrémistes.

Par ailleurs, le conseiller d’État en charge du DSE avait demandé à la cheffe de la police de lui transmettre le dossier de M. A______, suite à une intervention du journaliste du 20 minutes.

42) Le 13 juillet 2016, M. A______ a réagi au courrier susmentionné, estimant insatisfaisant le résultat des recherches susmentionnées.

43) Le 15 septembre 2016, le juge délégué a tenu une audience de comparution personnelle et d’enquêtes en présence de M. A______, assisté de son conseil, et des représentants du département.

a. Le député auteur de la dénonciation du 25 mai 2014 au département a été entendu en qualité de témoin.

Il n’avait pas eu d’information officielle sur la suite donnée à sa dénonciation. Par la suite, il avait appris par la presse qu’un des policiers avait été licencié. Il ne connaissait pas M. A______ et ignorait qu’il était le « Hussard noir ».

Il connaissait le journaliste de « 20 minutes » en raison de sa profession. Il n’avait pas le souvenir de lui avoir remis une copie de sa dénonciation.

b. Un gérant de la caisse de prévoyance des fonctionnaires de police a été en entendu en qualité de témoin.

La caisse de prévoyance avait versé la prestation de sortie à laquelle M. A______ avait droit sur un compte de libre passage, conformément au choix de ce dernier. Pour bénéficier de la loi sur le pont retraite, M. A______ aurait dû rester en fonction jusqu’au 31 mai 2018. Il aurait alors pu bénéficier de prestations prévues jusqu’à l’âge de la retraite, soit au 1er août 2023.

44) Le 18 novembre 2016, la chambre administrative a reçu de M. A______ seize attestations écrites de collègues.

En substance, il n’avait jamais tenu de discours politiques ou religieux sur son lieu de travail. Il était très apprécié.

45) Par courrier du 21 novembre 2016, le DSE a donné suite à une demande de renseignement complémentaire formulée par le juge délégué lors de l’audience du 15 septembre 2016.

Suite à la dénonciation du 25 mai 2014 du député, des sanctions disciplinaires consistant en des blâmes avaient été prononcées à l’encontre de deux policiers. Deux autres avaient fait l’objet d’entretiens de recadrage.

Ces policiers avaient contrevenu de façon ponctuelle à leur devoir de réserve. Ils avaient tenu des propos inappropriés sur les réseaux sociaux à une seule occasion. À l’inverse, M. A______ avait gravement et à plusieurs reprises violé son devoir de réserve. Les cas n’étaient ainsi nullement comparables.

46) Le 16 janvier 2017, le département a fait part de ses observations après enquêtes, persistant intégralement dans sa décision du 23 décembre 2014 et ses écritures subséquentes, notamment celles des 16 février et 27 mars 2015.

Comme cela ressortait des enquêtes, les faits retenus à l’encontre de M. A______ n’étaient en aucun cas comparables aux manquements commis par certains de ses collègues, dont les cas avaient été évoqués au cours des audiences.

S’agissant de l’affaire dite de l’alerte à la bombe, le collaborateur concerné s’était vu infliger six services hors tour en 2009. Ce cas relevait d’une problématique de santé et l’intéressé était actuellement absent du poste.

Un brigadier avait été sanctionné de 25 services hors tour en 2009 et de 23 services hors tour en 2013 pour avoir conduit à deux reprises en état d’ivresse et, dans le premier cas, pour ne pas avoir respecté ses devoirs en cas d’accident. L’autorité avait tenu compte dans le cadre de sa décision du fait que ce cas relevait d’une problématique de santé. D’autres mesures administratives avaient été prises à l’égard de ce collaborateur qui était actuellement absent du poste.

L’appointé, qui s’était battu avec un automobiliste le 14 avril 2006 alors qu’il était en congé, avait été dégradé, bien que cette décision ait été annulée par décision du 28 novembre 2008 de la commission de recours des fonctionnaires de police et de la prison. Ce collaborateur ne faisait plus partie du corps de la police. Ce cas ne serait vraisemblablement plus traité de la même façon aujourd’hui, dans ce sens que l’autorité d’engagement aurait certainement mis un terme aux rapports de service.

Un appointé en état d’ivresse et en arrêt accident, ayant frappé un tiers avec sa béquille, avait fait l’objet d’une révocation contestée et actuellement pendante devant la chambre administrative.

47) Dans ses observations du 2 février 2017, M. A______ a persisté dans son recours et ses écritures subséquentes.

48) Le 6 février 2017, la cause a été gardée à juger.

49) Le détail de l'argumentation des parties sera repris en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 32 al. 6 aLPAC).

2) Le recours peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 1 let. a LPA), ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 let. b LPA).

Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA). Cette condition n’est pas réalisée en l’espèce.

3) La loi sur la police du 27 octobre 1957 (aLPol – F 1 05) a été modifiée le 9 septembre 2014. La nouvelle teneur est entrée en vigueur le 1er mai 2016.

Le règlement sur la police du 25 juin 2008 (aRPol – F 1 05. 01) a été modifié le 16 mars 2016. La nouvelle teneur est entrée en vigueur le 1er mai 2016.

Selon l’art. 26 aLPol, les fonctionnaires de police sont soumis à l’aLPAC et à ses dispositions d’application, sous réserve des dispositions particulières de la loi.

La aLPAC a été modifiée le 16 octobre 2015. La nouvelle teneur est entrée en vigueur le 19 décembre 2015.

Le règlement d’application de la LPAC du 24 février 1999 (aRPAC - B 5 05.01) a été modifié le 16 décembre 2015. La nouvelle teneur est entrée en vigueur le 19 décembre 2015.

Conformément aux principes généraux du droit intertemporel, lorsqu’un changement de droit intervient au cours d’une procédure administrative contentieuse ou non contentieuse, la question de savoir si le cas doit être tranché sous l’angle du nouveau ou de l’ancien droit se pose. En l’absence de dispositions transitoires, comme c’est le cas de la nouvelle teneur de l’art. 31 LPAC applicable dès le 19 décembre 2015, s’il s’agit de tirer les conséquences juridiques d’un événement passé constituant le fondement de la naissance d’un droit ou d’une obligation, le droit applicable est en principe celui en vigueur au moment dudit événement, sauf dans deux cas qui ne sont en l’espèce pas réalisés. Le premier concerne l’existence d’un intérêt public important justifiant l’application immédiate du nouveau droit entré en vigueur dans l’intervalle. Le second concrétise le principe de l’économie de procédure et exclut l’application de l’ancien droit si le nouveau droit est plus favorable à la demande du requérant, qui serait rejetée selon l’ancien droit mais conforme au nouveau droit entré entretemps en vigueur (ATF 139 II 470 consid. 4.2 ; 135 II 384 consid. 2.3 ; 127 II 209 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_345/2015 du 24 novembre 2015 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_195/2016 du 26 septembre 2016 consid. 2.2.2 ; ATA/262/2017 du 7 mars 2017 consid. 15 d ; ATA/347/2016 du 26 avril 2016 ; ATA/92/2016 du 2 février 2016 consid. 4c ; Alain GRIFFEL, Intertemporales Recht aus dem Blickwinkel des Verwaltungsrechts, in Felix UHLMANN [éd.], Intertemporales Recht aus dem Blickwinkel der Rechtsetzungslehre und des Verwaltungsrechts, 2014, p. 10 ss ; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. I, 2012, p. 194 ss ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, n. 408 et 412). Dès lors, en cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste en principe celle qui était en vigueur lors de la réalisation de l’état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques (Thierry TANQUEREL, op. cit. n. 403 ss).

La décision litigieuse sera donc examinée au regard des dispositions de l’aLPol, du aRPol, de l’aLPAC et du aRPAC.

Les conclusions du recourant prises en relation avec la LPAC seront ainsi écartées.

4) a. Aux termes de l’art. 20 aRPAC, les membres du personnel sont tenus au respect de l’intérêt de l’État et doivent s’abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice. Ils se doivent, de par leur attitude, de justifier et de renforcer la considération et la confiance dont la fonction publique doit être l’objet (art. 21 let. c aRPAC).

b. Aux termes de l’art. 6 aRPol, les droits et devoirs des fonctionnaires de police sont fixés par la loi et les règlements, ainsi que par le serment et les ordres de service.

5) L’ordre de service DERS I 1.01 (ci-après : OS) du 1er août 1997, mis à jour le 1er janvier 2013, a pour objet le code de déontologie de la police, qui vise à arrêter les principes généraux dans lesquels s'inscrit l'action de la police et fixe le contexte éthique de l'activité de la police.

Bras armé de l'État, la police agit, soit en fonction de compétences originelles, soit en concours avec les autorités compétentes de par la loi. En axant son action sur le respect des normes juridiques démocratiquement acceptées, la police contribue à l'affirmation de la souveraineté de l'État et au respect des libertés et droits fondamentaux des citoyens. Par là-même, elle est la gardienne des valeurs intemporelles et universelles de notre culture (art. 1 OS).

Aux termes de l’art. 2 al. 1 OS, en qualité de serviteur des lois et de l'État, le policier se doit d'avoir en tout temps et en tout lieu un comportement exemplaire, impartial et digne, respectueux de la personne humaine et des biens (al. 1).

6) Selon la jurisprudence et la doctrine, le devoir de réserve d’un fonctionnaire peut être décrit comme la retenue que doit s’imposer l’agent public dans l’exercice de certains de ses droits fondamentaux - au travail comme en dehors de celui-ci - en raison de son statut ou de son activité au service de l’État (ATA/714/2104 du 9 septembre 2014 ; ACST/11/2016 du 10 novembre 2016 ; Jean-Marc VERNIORY/Fabien WAELTI, Le devoir de réserve des fonctionnaires spécialement sous l’angle du droit genevois, PJA 2008 810-832, p.811 ). Il est évident que, pour défendre les intérêts de l’État, l’agent public doit acquiescer – au moins extérieurement – à l’existence de celui-ci et à ses valeurs fondamentales, c’est-à-dire la démocratie, la primauté du droit et le respect des droits fondamentaux (ATA/714/2014 pcédité ; ACST/11/2016 précité ; Jean-Marc VERNIORY/Fabien WAELTI, op. cit., p. 813)

Le devoir de réserve comprend notamment une possible restriction de la liberté d’expression, celle-ci pouvant être limitée si l’exécution de la tâche ou le maintien de la confiance du public dans l’administration l’exigent (ATF 120 Ia 203 consid. 3a ; Jean-Marc VERNIORY/Fabien WAELTI, op. cit. p. 822)

7) S’agissant plus particulièrement du devoir de réserve des fonctionnaires dans l’usage des réseaux sociaux, le DSE s’est doté d’une directive départementale sur le devoir de réserve dans l’usage des réseaux sociaux (DSE-03-10 ; ci-après : la directive), entrée en vigueur le 12 octobre 2012, ayant pour objectif de poser des règles claires en matière d’utilisation de ceux-ci par les collaborateurs et de les rendre attentifs au caractère parfois problématique des réseaux sociaux en lien avec leur activité professionnelle.

Cette directive s’applique à tous les membres du personnel du DSE, quels que soient leur fonction ou leur titre.

Aux termes de son § 1, elle a pour objet d’une part de poser les règles d’usage des publications individuelles dans les médias électroniques, ceci au regard du statut de collaborateur et du devoir de réserve qui lui est attaché, d’autre part, d’attirer l’attention sur le fait que la publication de contenus inappropriés peut entraîner des conséquences en matière disciplinaire, voire pénale.

Selon le § 2 de la directive, toutes les informations et les documents publiés sur les médias sociaux sont publics. Les comptes utilisateurs à accès restreint sont également considérés comme publics puisque les informations qu’ils contiennent sont communiquées à grande échelle et rediffusables sans contrôle. Ainsi, toute publication peut être assimilée à une tribune libre rédigée, par exemple, dans un journal. La facilité d'accès et de piratage des informations et comptes personnels des réseaux sociaux virtuels doit être considérée comme susceptible de mettre en péril la sécurité du département lui-même, mais également, à titre individuel, celle de chacun des membres du personnel, toutes catégories confondues. S'agissant du devoir de réserve, il y a lieu de se référer aux règlements, aux ordres de services ou aux codes de déontologie des fonctions exercées.

Le § 3 de la directive rappelle que le devoir de réserve est une composante du devoir de fidélité du collaborateur et implique notamment que :

- le collaborateur doit s'abstenir, dans le cadre de sa fonction mais également dans le cadre privé, de tout propos ou acte qui peut porter préjudice à l'État et doit prendre soin de s'exprimer avec le tact et la bienséance requis ;

- tout collaborateur doit, en tant que représentant de l'État, inspirer la confiance du citoyen envers l'État et ses institutions et s'efforcer de véhiculer fidèlement ses valeurs. Dans ce cadre, toute déclaration qui porte atteinte à la dignité de l'État ou qui peut entamer son crédit est proscrite ;

- le devoir de réserve impose au collaborateur de respecter sa hiérarchie et de lui obéir. De la même manière, le collaborateur s'abstiendra de critiquer, de quelque manière que ce soit, les décisions politiques, administratives ou judiciaires prises. Il doit, en particulier, s'abstenir de faire état de ses opinions personnelles sur des questions relatives à son activité ou d'avoir des comportements incompatibles avec la dignité, l'impartialité ou la probité ;

- les rapports avec les administrés et partenaires doivent être empreints de respect, de disponibilité et de courtoisie. Ils doivent refléter la neutralité et l'impartialité ;

- l'exercice d'une activité politique est possible au collaborateur. Elle est une composante de la liberté d'expression. Elle trouve toutefois sa limite lorsqu'elle est préjudiciable à l'exercice de la charge du collaborateur, notamment au regard des devoirs généraux de sa fonction ;

- le devoir de réserve est apprécié selon les responsabilités assumées par le collaborateur et sa place dans la hiérarchie. Plus celle-ci est élevée, plus l'obligation de réserve est stricte. Les fonctions de membre du corps de police et celle d'agent de détention, notamment, constituent une incarnation de la puissance publique. Les exigences relatives au comportement de celles et ceux qui les assument en sont accrues ;

- le devoir de réserve s'applique non seulement au personnel en service mais aussi hors service, dans la mesure où il a des effets négatifs sur la fonction exercée, en particulier sur la réputation et la crédibilité de l'administration.

Aux termes du § 5, l’attention du personnel est explicitement attirée sur le fait que toute inobservation des dispositions contenues dans la directive est susceptible d’entraîner des suites administratives, disciplinaires ou pénales.

8) Le recourant considère que la décision du Conseil d’État du 23 décembre 2014 repose sur une constatation inexacte et incomplète des faits pertinents.

a. En l’espèce, les commentaires et les photos à l’origine de la décision querellée ont été publiés par le recourant sur un réseau social. À cet égard, il ne pouvait ignorer le contenu de la directive susmentionnée, qui précise qu’en raison de l’absence de contrôle, ces publications doivent être considérées comme étant publiques même lorsque le titulaire du compte restreint l’accès à son profil à ses « amis Facebook ». Et quand bien même il n’aurait pas pris connaissance de cette directive – ce qui relèverait d’une négligence dans ses devoirs professionnels – force est de constater que le recourant ne peut prétendre avoir pensé qu’au moment des faits l’accès à ce dernier était privé et limité à quelques proches puisqu’il ressort de la copie de son profil Facebook effectué par la police à la date du 9 octobre 2014 dans le cadre de la P/16264/2014 et versé à celle-ci, que plus de 200 « amis » ont été supprimés de son compte, y compris une association. Ce sont autant de personnes ayant non seulement accès au contenu mis en ligne par le recourant mais pouvant le diffuser plus loin, sans contrôle, y compris jusqu’à ce que cela puisse, comme cela a été le cas, parvenir à des organes de presse.

Le recourant était en outre identifiable, ce qu’il admet lui-même dans ses écritures, puisque sur son profil figurent son nom ainsi que le pseudonyme de « Hussard noir ».

Le DSE a ainsi considéré à juste titre que les publications litigieuses ne pouvaient être considérées comme étant destinées à un public restreint.

b. Le recourant conteste la portée attribuée aux publications en cause, sorties de leur contexte, comme des éléments extraits de son mur, sur lequel il s’exprimerait souvent de manière humoristique ou en réaction « à chaud ».

L’examen des éléments du compte permet toutefois de constater que les éléments mentionnés à titre exemplaire par le DSE dans la décision querellée ne sont pas isolés.

Outre l’éloge funèbre de l’un des officiers SS responsable du massacre des fosses ardéatines, et les coïncidences de dates mentionnées dans le rapport de l’IGS, y figurent aussi et entre autres des messages allusifs à la date du 20 avril – jour de naissance d’Adolf HITLER – 2014(« Joyeux anniversaire Tonton ») ou du 30 avril – jour du suicide d’Adolf HITLER et de son épouse – 2013 (« Tu as quitté ton enveloppe charnelle, mais tu es là pas loin. reviens, le monde n’a jamais eu autant besoin de toi ») ; un hommage à Monsieur Dominique VENNER, essayiste et militant politique rattaché à l’extrême-droite française (Pierre MILZA, L’Europe en chemise noire, Paris 2002 ; http://www.lemonde.fr/ societe/article/2013/05/21/un-homme-se-suicide-dans-la-cathedrale-notre-dame_ 3414854_3224.html ; http://www.lexpress.fr/actualite/politique/qui-etait-vraiment -dominique-venner-le-suicide-de-notre-dame_1263614.html) à la date de son suicide le 21 mai 2013. Parmi ses intérêts littéraires et autres, le recourant mentionne l’ouvrage d’Adolf HITLER « Mein Kampf », M. VENNER, Monsieur Léon DEGRELLE – engagé dans le mouvement rexiste en Belgique au début des années 1930 et qui s’est rapproché du mouvement national-socialiste allemand au point de s’engager dans la Waffen SS, finissant la guerre à la tête de la 28ème division SS « Wallonie » en 1944 (https://fr.wikipedia.org/wiki/L% C3%A9on_Degrelle et les références citées) – ou encore des auteurs français proches de l’extrême-droite tels que Monsieur SAINT-LOUP – engagé dans une unité française de la Waffen SS – ou Monsieur Jean MABIRE, qui a consacré plusieurs ouvrage à la Waffen SS (https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Mabire et les références citées). Quant à ses destinations de voyage, certaines ont été le lieu d’événements d’extrême-droite guère éloignée du courant national-socialiste, comme Krumpendorf, en Autriche, où Monsieur Jörg HAIDER, alors dirigeant du parti de la liberté d’Autriche, a prononcé un discours devant un groupement de vétérans de la Waffen SS (Wolfgang HASERER, Der Rechtspopulist Jörg HAIDER, Hambourg, 2001).

Au vu de ce qui précède, le recourant, n’est pas convaincant lorsqu’il tente de minimiser la portée des éléments mis en exergue dans la décision querellée et le reproche au DSE de les avoir sortis de leur contexte est infondé. Il y a lieu de retenir que le recourant a bien véhiculé à travers les réseaux sociaux des convictions ressortant à l’idéologie nationale socialiste.

9) Le recourant ne saurait se prévaloir de ses libertés d’opinion et d’expression pour s’exonérer de ses responsabilités de policier, étant rappelé, d’une part, que ces libertés ne sont pas absolues et, d’autre part, qu’elles peuvent être limitées notamment pas le devoir de réserve, lequel s'applique aux agents publics tant en service que hors service.

Si le recourant reste libre de nourrir ses propres convictions, il ne saurait être toléré d’un fonctionnaire de police qu’il soutienne ouvertement sur un réseau social une idéologie qui a bafoué les valeurs fondatrices d’un État de droit, soit précisément celles qu’il s’est engagé à faire respecter en tant que policier et dont il est un des garants. En tant que gardien de la sécurité et de l’ordre public, un policier exerce une part importante de la puissance publique et il ne saurait se faire librement l’écho, sur un réseau social, d’un régime qui s’est notoirement rendu coupable de génocide et d’autres massacres et atrocités à grandes échelles. Il est choquant et intolérable qu’un fonctionnaire de police fasse l’apologie de crimes de guerre en faisant l’éloge et en saluant publiquement, sans nullement nuancer ses propos, Monsieur C______, soit un officier impliqué dans l’exécution de 335 civils à Rome le 24 mars 1944 et condamné par la justice italienne en 1998 à la réclusion à perpétuité pour ces faits.

Dans un arrêt récent (arrêt du Tribunal fédéral 8C_146/2014 du 26 juin 2014, consid. 5.5) la Haute Cour a rappelé qu’un fonctionnaire, pendant et en dehors de son travail, a l’obligation d’adopter un comportement qui inspire le respect et qui est digne de confiance, et sa position exige qu’il s’abstienne de tout ce qui peut porter atteinte aux intérêts de l’État. Or, les faits qui lui sont reprochés sont non seulement à même de porter atteinte à la confiance témoignée par la population aux fonctionnaires de police et à l’État qui les emploie, mais ils sont également incompatibles avec la neutralité et l’impartialité dont doivent faire preuve les collaborateurs de l’État.

Quant au commentaire qui commence par « chers socialos de merde  », dont le recourant ne conteste pas être l’auteur, il est rédigé dans des termes injurieux et vindicatifs, qui ne sont pas dignes d’un fonctionnaire de police. Le recourant se doit, de par sa fonction, de faire preuve de retenue, y compris lorsqu’il s’agit de critiquer les actions des forces de l’ordre d’un pays voisin.

On ajoutera enfin la description qu’il fait de son activité professionnelle sur sa présentation dans Facebook, soit « éboueur social août 1985 à aujourd’hui, ramasse-merdes et y a du boulot », propos peu compatibles avec la dignité dont doit faire montre un fonctionnaire de police.

10) Au vu de ce qui précède, c’est à juste titre que le DSE a retenu que les faits reprochés au recourant étaient constitutifs de graves manquements aux devoirs du personnel, incompatibles avec la fonction de policier.

11) Un fonctionnaire de police peut faire l’objet d’un licenciement pour justes motifs conformément aux art. 35A aLPol, 21 al. 3 aLPAC et 9 à 11 aRPol, prononcé par le Conseil d’État.

En outre, s’il enfreint ses devoirs de service soit intentionnellement, soit par négligence, il peut faire l’objet, selon la gravité de la violation, de sanctions disciplinaires (art. 16 al. 1 aLPAC par renvoi de l’art. 26 aLPol).

La violation fautive des devoirs de service n'exclut pas le prononcé d'un licenciement administratif. Le Tribunal fédéral a confirmé que si le principe même d'une collaboration ultérieure est remis en cause par une faute disciplinaire de manière à rendre inacceptable une continuation du rapport de service, un simple licenciement, dont les conséquences sont moins graves pour la personne concernée, peut être en principe décidé à la place de la révocation disciplinaire (arrêt du Tribunal fédéral 8C_203/2010 du 1er mars 2011 ; ATA/82/2014 du 12 février 2014).

En l’espèce, et tel que rappelé par la chambre administrative dans son arrêt du 25 novembre 2014 (ATA/923/2014), l’existence d’une procédure disciplinaire n’empêche pas l’autorité de décider l’ouverture d’une procédure de licenciement pour motif fondé. Par conséquent, et dès lors que les faits à l’origine du licenciement sont établis, l’autorité était en droit de suivre la procédure de licenciement et de renoncer ainsi à une sanction administrative, étant rappelé que les conséquences d’un licenciement sont considérées comme étant moins graves pour la personne concernée que celles d’une révocation disciplinaire (arrêt du Tribunal fédéral 8C_203/2010 précité ; ATA/82/2014 du 12 février 2014).

Le grief du recourant selon lequel la résiliation ordinaire des rapports de service serait une sanction disciplinaire déguisée est infondé.

12) a. Selon l’art. 35A aLPol, le Conseil d’État peut résilier les rapports de service d’un fonctionnaire de police pour motif fondé, notamment en raison de l’inaptitude à remplir les exigences du poste, lorsque leur continuation n’est pas compatible avec le bon fonctionnement du corps de police (al. 1). Cette compétence peut être déléguée au chef du DSE agissant d’entente avec l’office du personnel de l’État (al. 2).

Aux termes de l’art. 35A al. 4 aLPol, sont applicables par analogie à la procédure de résiliation des rapports de service d’un fonctionnaire de police, les art. 12 al. 3 aLPAC (changement d’affectation intervenant comme alternative à la résiliation des rapports de services en cas de licenciement pour motif fondé), 18 et 19 aLPAC (protection contre les licenciements abusifs) et 21 al. 3 aLPAC (procédure de résiliation).

b. En vertu de l’art. 21 al. 3 aLPAC, l’autorité compétente peut résilier les rapports de service du fonctionnaire pour un motif fondé. Il y a motif fondé lorsque la continuation des rapports de service n’est plus compatible avec le bon fonctionnement de l’administration, soit notamment en raison de l’insuffisance des prestations (art. 22 let. a aLPAC), l’inaptitude à remplir les exigences du poste (art. 22 let. b aLPAC), la disparition durable d’un motif d’engagement (art. 22 let. c aLPAC).

Les travaux préparatoires indiquent, s’agissant du motif fondé prévu à l’art. 22 aLPAC, qu’à « titre illustratif, cette disposition énonce trois situations où il existe un motif fondé rendant la continuation des rapports de service incompatible avec le bon fonctionnement de l’administration. Sont désignées l’insuffisance des prestations et l’inaptitude à remplir les exigences du poste. Il s’agit de conditions personnelles qui ne peuvent s’expliciter que dans des cas particuliers. Une faute n’est pas exigée » (MGC 2005-2006/IX A 10437).

c. Selon la jurisprudence, les motifs fondés de renvoi des fonctionnaires ou d'employés de l'État peuvent procéder de toutes circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, excluent la poursuite des rapports de service, même en l'absence de faute. De toute nature, ils peuvent relever d'événements ou de circonstances que l'intéressé ne pouvait éviter, ou au contraire d'activités, de comportements ou de situations qui lui sont imputables (arrêt du Tribunal fédéral 8C_585/2014 du 29 mai 2015 consid. 5.2).

Les exigences quant au comportement d’un policier excèdent celles imposées aux autres fonctionnaires. Sous peine de mettre en péril l’autorité de l’État, les fonctionnaires de police, qui sont chargés d’assurer le maintien de la sécurité et de l’ordre publics et exercent à ce titre une part importante de la puissance publique, doivent être eux-mêmes irréprochables (arrêt du Tribunal fédéral 2P.273/2000 du 11 avril 2001, consid. 3 b. bb).

Tel que rappelé par le Tribunal fédéral dans la jurisprudence citée supra, un fonctionnaire, pendant et hors de son travail, a l’obligation d’adopter un comportement qui inspire le respect et qui est digne de confiance, que sa position exige qu’il s’abstienne de tout ce qui peut porter atteinte aux intérêts de l’État. Il doit en particulier s’abstenir de tout ce qui peut porter atteinte à la confiance du public dans l’intégrité de l’administration et de ses employés et qui pourrait provoquer une baisse de confiance envers l’employeur. Il a précisé qu’il est sans importance que le comportement répréhensible ait été connu ou non du public et ait attiré l’attention.

13) Préalablement à la résiliation, l’autorité compétente est tenue de proposer des mesures de développement et de réinsertion professionnels et de rechercher si un autre poste au sein de l’administration cantonale correspond aux capacités de l’intéressé (art. 21 al. 3 LPAC ; art. 35A al. 4 aLPol ; art. 10 a RPol).

Pour les policiers, les modalités de reclassement sont réglées à l’art. 10 aRPol. Ainsi, lorsque les éléments constitutifs d’un motif fondé de résiliation sont dûment établis lors de l’entretien de service, un reclassement est proposé pour autant qu’un poste soit disponible au sein de l’administration et que l’intéressé au bénéfice d’une nomination dispose des capacités nécessaires pour l’occuper (art. 10 al. 1 aRPol). Dans la mesure du possible, le reclassement au sein du corps de police est favorisé (art. 10 al. 2 aRPol) et des mesures de développement et de réinsertion professionnels propres à favoriser le reclassement sont proposées (art. 10 al. 3 aRPol). En contrepartie, l’intéressé est tenu de collaborer (art. 10 al. 4 aRPol) et bénéficie d’un délai de dix jours ouvrables pour accepter ou refuser la proposition de reclassement de même qu’un délai n’excédant pas six mois pour lui permettre d’assumer sa nouvelle fonction (art. 10 al. 5 et 6 aRPol).

14) En l’espèce, il n’est pas pertinent de déterminer si le recourant a eu un comportement fautif, dès lors que l’existence d’une faute ne conditionne pas la validité d’un licenciement. De même, l’ordonnance de non entrée en matière rendue par le Ministère public le 13 avril 2015 n’a in casu pas d’influence sur l’appréciation du juge administratif, l’autorité pénale ayant uniquement considéré que les faits qui lui avaient été dénoncés ne remplissaient pas les éléments constitutifs de l’infraction pénale de discrimination raciale.

Même si à la lecture de ses entretiens d’évaluation périodiques il n’apparaît pas que le recourant ait laissé transparaître ses convictions personnelles dans l’exercice de sa fonction, il ressort de pièces du dossier, comme les notes de 1990 et 1997, l’audition de l’ancien commandant de la gendarmerie ou encore la copie de son compte Facebook, que celles-ci étaient connues dans son entourage professionnel.

Toutefois, le recourant a franchi le seuil de ce que le DSE avait pu tolérer en affichant publiquement son rejet des valeurs qu’il était censé défendre dans le cadre de son engagement. Il n’a pas tenu compte des mises en garde constituées par les incidents de 1990 et 1997 et a pris le risque d’afficher publiquement sur les réseaux sociaux des images et des commentaires susceptibles, par leur contenu incompatible avec les valeurs de l’État de droit actuel, de porter atteinte à la confiance dont les forces de l’ordre ont besoin afin de pouvoir exercer correctement leur mission.

Les faits reprochés au recourant sont ainsi constitutifs de motifs fondés de résiliation des rapports de service. Il ne saurait être en effet imposé à l’État de maintenir dans ses effectifs de police un fonctionnaire qui fait publiquement connaître son rejet des valeurs fondamentales dont il a prêté serment d’être le garant.

La procédure de reclassement, dont le recourant a contesté l’ouverture sans succès, n’ayant pas abouti, la décision du Conseil d’État de mettre un terme au rapport de travail du recourant est ainsi conforme au droit, étant rappelé que la juridiction de céans n’est pas compétente pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée.

15) Le recourant se plaint de faire l’objet d’une inégalité de traitement, dès lors que dans d’autres cas, plus graves selon son appréciation, les manquements constatés auraient entraîné pour les policiers concernés des sanctions moins sévères.

a. Une décision ou un arrêté viole le principe de l’égalité de traitement garanti par l’art. 8 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) lorsqu’il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu’il omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances, c’est-à-dire lorsque ce qui est semblable n’est pas traité de manière identique et lorsque ce qui est dissemblable ne l’est pas de manière différente. Cela suppose que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. La question de savoir si une distinction juridique repose sur un motif raisonnable peut recevoir une réponse différente selon les époques et suivant les conceptions, idéologies et situations du moment (ATF 138 V 176 consid. 8.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_862/2015 du 7 juin 2016 consid. 9.1 et les références citées ; 1C_564/2015 du 2 juin 2016 consid. 3.1 ; Vincent MARTENET, Géométrie de l'égalité, Zürich-Bâle-Genève 2003, p. 260 ss).

Selon la jurisprudence, un justiciable ne saurait en principe se prétendre victime d’une inégalité de traitement au sens de l’art. 8 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) lorsque la loi est correctement appliquée à son cas, alors même que dans d’autres cas, elle aurait reçu une fausse application ou n’aurait pas été appliquée du tout (ATF 139 II 49 consid. 7.1 ; ATF 136 I 65 consid. 5.6 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_114/2016 du 9 juin 2016 consid. 5.4. ; 1C_423/2011 du 2 avril 2012 consid. 5.1 ; ATA/527/2016 du 21 juin 2016 ; ATA/657/2015 du 23 juin 2015 ; Andreas AUER/ Giorgio MALINVERNI/ Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, Berne 2013, vol. 2, 3ème éd., p. 500/501 n. 1074-1076 ; Vincent MARTENET, Géométrie de l'égalité, Zürich-Bâle-Genève 2003, p. 260 ss ; Pierre MOOR/ Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, Berne 2012, vol. 1,, 3e éd., p. 627 ss, n. 4.1.1.4). Cependant, cela présuppose de la part de l’autorité dont la décision est attaquée la volonté d’appliquer correctement, à l’avenir, les dispositions légales en question et de les faire appliquer par les services qui lui sont subordonnés. En revanche, si l’autorité persiste à maintenir une pratique reconnue illégale ou s’il y a de sérieuses raisons de penser qu’elle va persister dans celle-ci, le citoyen peut demander que la faveur accordée illégalement à des tiers le soit aussi à lui-même, cette faveur prenant fin lorsque l’autorité modifie sa pratique illégale. Encore faut-il que l'autorité n'ait pas respecté la loi selon une pratique constante, et non pas dans un ou quelques cas isolés, et qu’il n’existe pas un intérêt public prépondérant au respect de la légalité qui conduise à donner la préférence à celle-ci au détriment de l’égalité de traitement, ni d’ailleurs qu’aucun intérêt privé de tiers prépondérant ne s’y oppose (ATF 139 II 49 consid. 7.1 ; ATF 136 I 65 consid. 5.6 et les références citées ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_423/2011 du 2 avril 2012 consid. 5.1 ; 1C_304/2011 du 9 janvier 2012 consid. 5.1 ; ATA/527/2016 du 21 juin 2016).

Toutefois, si l’illégalité d’une pratique est constatée à l’occasion d’un recours contre le refus d’un traitement illégal, le juge n’admettra le recours que s’il peut être exclu que l’administration changera sa politique (ATF 115 Ia 81 consid. 2 ; 112 Ib 381 consid. 6 ; ATA/527/2016 du 21 juin 2016). Il présumera, dans le silence de l’autorité, que celle-ci se conformera au jugement qu’il aura rendu quant à l’interprétation correcte de la règle en cause (arrêt du Tribunal fédéral 1C_304/2011 du 9 janvier 2012 consid. 5.3).

b. En l’espèce, le recourant a fait l’objet d’une résiliation ordinaire des rapports de service, voie que le DSE pouvait valablement choisir comme développé ci-dessus, de sorte qu’aucune comparaison ne peut être faite avec des situations appréhendées par la voie disciplinaire. Le recourant n’a par ailleurs pas démontré l’existence d’une pratique illégale du département en matière de résiliation ordinaire ou disciplinaire des rapports de service, le DSE ayant été à même de fournir des indications pertinentes sur les caractéristiques des cas relevés par le recourant, à une exception près, celle du brigadier condamné à trois reprises pour des infractions non anodines en matière de circulation routière. Or, non seulement les faits sont différents, mais ce cas unique ne peut à lui seul constituer une pratique.

Quant à ses collègues, qui s’étaient également exprimés sur les réseaux sociaux ou sur des blogs, ils ont fait l’objet d’entretiens de recadrage ou de sanctions disciplinaires, étant rappelé que le département a précisé que ces policiers avaient contrevenu de façon ponctuelle à leur devoir de réserve. Ils avaient tenu des propos inappropriés sur les réseaux sociaux à une seule occasion.

Partant, le grief de la violation du principe de l’égalité de traitement sera écarté.

16) En tous points mal fondé, le recours sera rejeté.

17) Vu son issue, un émolument réduit à CHF 1’500.- du fait de sa situation financière, sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

*****

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 2 février 2015 par Monsieur A______ contre la décision du Conseil d’État du 23 décembre 2014 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Monsieur A______ un émolument de CHF 1’500.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pascal Junod, avocat du recourant, ainsi qu'au Conseil d'État.

Siégeant : Mme Junod, présidente, MM. Thélin et Verniory, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

Ch. Junod

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :