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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4052/2018

ATA/1084/2019 du 25.06.2019 sur JTAPI/462/2019 ( LCR ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4052/2018-LCR ATA/1084/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 25 juin 2019

1ère section

 

dans la cause

 

M. A______

contre

SERVICE CANTONAL DES VÉHICULES

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 17 mai 2019 (JTAPI/462/2019)


EN FAIT

1) Par décision du 13 novembre 2018, le service cantonal des véhicules
(ci-après : SCV) a fait interdiction à M. A______, domicilié en France, de circuler sur le territoire suisse au volant de tous véhicules à moteur, pour une durée de six mois.

2) Par jugement du 24 janvier 2019, le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) a déclaré irrecevable le recours de M. A______ formé le 16 novembre 2018 contre cette décision, pour non-paiement de l'avance de frais dans le délai imparti.

3) Par arrêt du 21 mars 2019 (ATA/301/2019), la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) a admis le recours interjeté le 18 février 2019 par M. A______ contre ce jugement, a annulé ce dernier et a renvoyé le dossier au TAPI, sans émolument ni indemnité de procédure.

Par courrier du 8 mars 2019, le TAPI avait informé la chambre administrative qu'il y avait eu une erreur dans l'enregistrement de l'adresse du recourant, de sorte qu'il y avait lieu d'annuler son jugement du 24 janvier 2019 et de renvoyer à celui-ci le dossier pour instruction.

4) Par jugement du 17 mai 2019, le TAPI a déclaré irrecevable le recours interjeté le 16 novembre 2018 par M. A______ contre la décision du 13 novembre 2018 et a mis à sa charge un émolument de CHF 350.-.

Par lettre recommandée du 28 mars 2019, distribuée le 5 avril 2019 avec accusé de réception, il lui avait imparti un délai au 29 avril 2019 pour procéder au versement d'une avance de frais de CHF 500.-, sous peine d'irrecevabilité de son recours.

Par écriture du 13 avril 2019, l'intéressé avait indiqué n'avoir « aucunes observations à ajouter si ce [n'était] d'accepter le jugement final ».

5) Par acte expédié le 23 mai 2019 au greffe de la chambre administrative, M. A______ a formé recours contre ce jugement.

Il était étonné et ne comprenait pas pourquoi son recours avait été déclaré irrecevable. En effet, dans le dispositif de l'ATA/301/2019 précité, il était indiqué qu'il n'était pas perçu d'émolument ni alloué d'indemnité de procédure. Le recourant avait même reçu un remboursement pour des avances de frais qu'il avait effectuées auparavant. Il était possible qu'il ait mal compris ladite mention de l'ATA/301/2019 précité, mais il avait demandé conseil autour de lui pour l'aider à comprendre ces termes juridiques ; les personnes questionnées lui avaient confirmé qu'il n'aurait pas à payer la nouvelle somme réclamée par le TAPI. Il était de bonne foi. Il n'avait pas beaucoup de moyens financiers et tous ces frais étaient énormes à supporter. Il souhaitait simplement comprendre précisément ce qu'il devait faire pour que tout se passe bien pour l'ensemble des parties. S'il devait payer CHF 500.- et qu'il avait mal compris, il priait la chambre administrative de l'en excuser, et il trouverait un moyen pour payer cette somme.

6) Par courrier du 5 juin 2019, le TAPI a transmis son dossier à la chambre administrative en formulant des observations.

La lettre du TAPI du 28 mars 2019, postérieure au prononcé de l'ATA/301/2019 précité, indiquait expressément que « cette avance de frais [était] destinée à couvrir les frais présumables de la procédure ». En cas de doute, le recourant aurait dû se renseigner auprès du TAPI, ce qu'il n'avait pas fait.

7) Par pli du 11 juin 2019, la chambre administrative a transmis ce courrier aux parties et les a informées que la cause était gardée à juger.

8) Par écrit reçu le 17 juin 2019 par la chambre administrative, M. A______ a communiqué une copie du récépissé de bulletin de versement montrant, comme demandé par ladite chambre, le paiement le 28 mai 2019 de l'avance de frais de CHF 400.- demandée par celle-ci.

EN DROIT

1) a. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces points de vue (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

b. Selon l'art. 65 LPA, l'acte de recours contient, sous peine d'irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant (al. 1). Il contient également l'exposé des motifs ainsi que l'indication des moyens de preuve (al. 2 1ère phr.).

Compte tenu du caractère peu formaliste de cette disposition, la jurisprudence fait preuve d'une certaine souplesse s'agissant de la manière par laquelle sont formulées les conclusions du recourant. Le fait qu'elles ne ressortent pas expressément de l'acte de recours n'est, en soi, pas un motif d'irrecevabilité, pour autant que l'autorité judiciaire et la partie adverse puissent comprendre avec certitude les fins du recourant (ATA/1307/2018 du 5 décembre 2018 consid. 1d ; ATA/1243/2017 du 29 août 2017 consid. 2a ; ATA/518/2017 du 9 mai 2017 consid. 2a). Ainsi, une requête en annulation d'une décision doit être déclarée recevable dans la mesure où le recourant a, de manière suffisante, manifesté son désaccord avec la décision ainsi que sa volonté qu'elle ne déploie pas d'effets juridiques (ATA/1307/2018 précité consid. 1d ; ATA/1243/2017 précité consid. 2a).

En l'occurrence, le recours ne contient pas de conclusions formelles en annulation du jugement du TAPI du 17 mai 2019, ni en renvoi de la cause à
celui-ci. On comprend toutefois de l'acte de recours que le recourant est en désaccord avec l'irrecevabilité de son recours formée devant cette juridiction et qu'il souhaite son annulation et la reprise de la procédure par le TAPI en faisant abstraction du non-paiement litigieux de l'avance de frais. Le recours est ainsi recevable de ce point de vue également.

c. En définitive, le recours est recevable.

2) a. En vertu de l'art. 86 LPA, la juridiction invite le recourant à faire une avance ou à fournir des sûretés destinées à couvrir les frais de procédure et les émoluments présumables ; elle fixe à cet effet un délai suffisant (al. 1). Si l'avance n'est pas faite dans le délai imparti, la juridiction déclare le recours irrecevable (al. 2).

Les juridictions administratives disposent d'une grande liberté d'organiser la mise en pratique de cette disposition et peuvent donc opter pour une communication des délais de paiement par pli recommandé (ATA/957/2019 du 28 mai 2019 consid. 2a ; ATA/83/2018 du 30 janvier 2018 consid. 3a ; ATA/1477/2017 du 14 novembre 2017 consid. 3b).

À rigueur de texte, l'art. 86 LPA ne laisse aucune place à des circonstances extraordinaires qui justifieraient que l'avance de frais n'intervienne pas dans le délai imparti. La référence au « délai suffisant » de l'al. 1 de cette disposition laisse une certaine marge d'appréciation à l'autorité judiciaire saisie (ATA/184/2019 du 26 février 2019 consid. 3c ; ATA/916/2015 du 8 septembre 2015 consid 2c ; ATA/881/2010 du 14 décembre 2010 consid. 4a). En outre, selon la jurisprudence, il convient d'appliquer par analogie la notion de cas de force majeure de l'art. 16 al. 1 LPA afin d'examiner si l'intéressé a été empêché sans sa faute de verser l'avance de frais dans le délai fixé. Tombent sous cette notion les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d'activité de l'intéressé et qui s'imposent à lui de façon irrésistible (ATA/160/2019 du 19 février 2019 consid. 2b ; ATA/916/2015 précité consid 2c ; ATA/378/2014 du 20 mai 2014 consid. 3d ; ATA/515/2009 du 13 octobre 2009 consid. 4b).

b. De manière générale, la sanction du non-respect d'un délai de procédure n'est pas constitutive de formalisme excessif - lequel est prohibé par l'art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
(Cst. - RS 101) -, une stricte application des règles relatives aux délais étant justifiée par des motifs d'égalité de traitement et par un intérêt public lié à une bonne administration de la justice et à la sécurité du droit (ATF 104 Ia 4
consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_86/2010 du 4 octobre 2010 consid. 3.3). Il n'y a pas de rigueur excessive à ne pas entrer en matière sur un recours lorsque, conformément au droit de procédure applicable, la recevabilité de celui-ci est subordonnée au versement d'une avance de frais dans un délai déterminé. Il faut cependant que son auteur ait été averti de façon appropriée du montant à verser, du délai imparti pour le paiement et des conséquences de l'inobservation de ce délai (ATF 104 Ia 105 consid. 5 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_734/2012 du 25 mars 2013 consid. 3.1 ; 2C_645/2008 du 24 juin 2009 consid. 2.2 ; 2C_250/2009 du 2 juin 2009 consid. 5.1). La gravité des conséquences d'un retard dans le paiement de l'avance sur la situation du recourant n'est pas pertinente (arrêts du Tribunal fédéral 2C_703/2009 du 21 septembre 2010 consid. 4.4.2 ; 2C_645/2008 précité consid. 2.2 ; 2C_450/2008 du 1er juillet 2008 consid. 2.3.4).

c. Le principe de la bonne foi entre administration et administré, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 Cst., exige que l'une et l'autre se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l'administration doit s'abstenir de toute attitude propre à tromper l'administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d'une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 129 I 161 consid. 4 ; 129 II 361 consid. 7.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1013/2015 du 28 avril 2016 consid. 3.1 ; ATA/393/2018 du 24 avril 2018 consid. 6b).

Le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 137 II 182 consid. 3.6.2 ; 137 I 69 consid. 2.5.1 ; 131 II 627 consid. 6.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_151/2012 du 5 juillet 2012 consid. 4.2.1 ; 2C_1023/2011 du 10 mai 2012 consid. 5). Conformément au principe de la confiance, qui s'applique aux procédures administratives, les décisions, les déclarations et comportements de l'administration doivent recevoir le sens que l'administré pouvait raisonnablement leur attribuer en fonction des circonstances qu'il connaissait ou aurait dû connaître (arrêt du Tribunal fédéral 2P.170/2004 du 14 octobre 2004 consid. 2.2.1, in RDAF 2005 I 71 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 569 s.). Le principe de la confiance est toutefois un élément à prendre en considération et non un facteur donnant en tant que tel naissance à un droit (ATA/252/2018 du 20 mars 2018 consid. 8f ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 569). La protection de la bonne foi ne s'applique pas si l'intéressé connaissait l'inexactitude de l'indication ou aurait pu la connaître en consultant simplement les dispositions légales pertinentes
(ATF 135 III 489 consid. 4.4 ; 134 I 199 consid. 1.3.1).

Valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi confère au citoyen, à certaines conditions, le droit d'exiger des autorités qu'elles se conforment aux promesses ou assurances précises qu'elles lui ont faites et ne trompent pas la confiance qu'il a légitimement placée dans ces promesses et assurances. Un renseignement ou une décision erronés de l'administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que (a) l'autorité soit intervenue dans une situation concrète à l'égard de personnes déterminées, (b) qu'elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et (c) que l'administré n'ait pas pu se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore qu'il se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour (d) prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice, et (e) que la réglementation n'ait pas changé depuis le moment où l'assurance a été donnée (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1120/2015 du 26 avril 2017 consid. 6.3.2 ; ATF 137 II 182 consid. 3.6.2 ;
131 II 627 consid. 6.1).

3. a. En l'espèce, en expédiant le 28 mars 2019 le pli contenant l'invitation à s'acquitter de l'avance de frais à l'adresse indiquée par le recourant, le TAPI a procédé valablement. L'intéressé ne le conteste du reste pas, ni non plus la réception de la lettre du TAPI le 5 avril 2019.

Il n'est pas contesté que l'avance de frais n'a pas été acquittée dans le délai imparti au 29 avril 2019, soit dans un délai suffisant au sens de l'art. 86 al. 1 LPA. Par ailleurs, aucun élément ne permet de conclure à l'existence d'un cas de force majeure en sens de l'art. 16 al. 1 LPA ; le recourant ne s'en prévaut d'ailleurs pas.

b. En recevant la demande d'avance de frais du 28 mars 2019 par une autre autorité judiciaire que celle qui avait indiqué dans le dispositif de son arrêt qu'il n'était pas perçu d'émolument ni alloué d'indemnité de procédure, et ce sept jours après le prononcé dudit arrêt, l'intéressé ne pouvait pas raisonnablement, conformément au principe de la confiance, considérer qu'il n'y avait pas lieu de payer l'avance de frais demandée par le TAPI. Ledit courrier du TAPI exposait expressément, en son premier paragraphe, que sa demande d'avance de frais faisait suite à l'arrêt de la chambre administrative du 21 mars 2019 et, en son second paragraphe que « cette avance de frais [était] destinée à couvrir les frais présumables de la procédure » et ajoutait : « À l'issue de celle-ci, le tribunal statuera sur le montant définitif de ces frais, lesquels seront mis en principe à la charge de la partie qui succombe, étant précisé qu'ils pourront être supérieurs au montant de l'avance ». Ces termes ne permettaient pas une autre interprétation que celle selon laquelle le recourant devait payer l'avance de frais ; celui-ci n'a du reste pas contesté le principe de la perception de ladite avance. Il ne saurait donc être retenu que l'intéressé aurait été induit en erreur par le contenu de la lettre du TAPI du 28 mars 2019 ou tous autres actes de cette juridiction.

Par surabondance, le recourant reconnaît avoir eu un doute sur les suites à donner à ladite lettre. Il aurait alors dû le dissiper en posant la question au TAPI de savoir s'il devait payer l'avance de frais demandée au lieu de demander conseil à ce sujet à des connaissances et conclure à une interprétation contraire au texte clair de la lettre, ce d'autant qu'il n'a pas de connaissances juridiques.

L'intéressé ne peut dès lors pas se prévaloir de la compréhension qu'il a eue en lien avec la demande d'avance de frais du TAPI.

c. En conclusion, le TAPI était fondé à déclarer le recours irrecevable pour défaut de paiement de l'avance de frais.

Le présent recours étant manifestement infondé, il sera rejeté, sans qu'un échange d'écritures soit nécessaire (art. 72 LPA).

4. Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant, qui voit son recours rejeté (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 23 mai 2019 par M. A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 17 mai 2019 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de M. A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt au recourant, au service cantonal des véhicules, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'à l'office fédéral des routes.

Siégeant : M. Thélin, président, Mme Krauskopf, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

D. Werffeli Bastianelli

 

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :