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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1703/2018

ATA/1079/2019 du 25.06.2019 ( EXPLOI ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : VENTE; BOISSON; ALCOOL; AUTORISATION OU APPROBATION(EN GÉNÉRAL); CONDUITE MALGRÉ UNE INCAPACITÉ; IVRESSE; HONNEUR; DROIT D'ÊTRE ENTENDU ; PROPORTIONNALITÉ
Normes : Cst.5.al2; Cst.29.al2; Cst.36.al3; LVEBA.1; LVEBA.5; LVEBA.6
Résumé : Recours d'un exploitant contre le refus de l'autorité de renouveler son autorisation de vente à l'emporter de boissons alcooliques à la suite de deux condamnations pour conduite en état d'ébriété. L'autorité intimée considérait que le recourant ne présentait pas les garanties suffisantes pour exploiter son commerce et pouvoir y vendre de l'alcool conformément à la LVEBA. Cependant, le recourant n'avait jamais fait l'objet de constats d'infractions en lien avec la vente de boissons alcooliques depuis le début de l'exploitation de son commerce dix ans plus tôt. De plus, il convient de tenir compte du préjudice qu'il subirait en cas de non-renouvèlement de son autorisation. Le recours est admis partiellement.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1703/2018-EXPLOI ATA/1079/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 25 juin 2019

1ère section

 

dans la cause

 

M. A______
représenté par Me Christian Marquis, avocat

contre

SERVICE DE POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR



EN FAIT

1) M. A______ exploite, depuis 2008, un commerce d'alimentation générale à l'enseigne « A______ B______ », (ci-après : le commerce), sis au ______, rue de C______, ______ D______.

2) Le 17 avril 2018, M. A______ a déposé une requête en vue de l'obtention d'une autorisation de vente à l'emporter de boissons alcooliques auprès du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN). Dans le cadre de cette requête, il a transmis un certain nombre de pièces, notamment un extrait de son casier judiciaire faisant état de plusieurs infractions :

- une condamnation du 5 décembre 2008 à une peine pécuniaire de dix
jours-amende à CHF 70.-, avec sursis à l'exécution de la peine et délai d'épreuve de deux ans, pour emploi d'étrangers sans autorisation, par la préfecture du district de l'Ouest lausannois ;

- une condamnation du 20 juin 2016 à une peine pécuniaire de cent
jours-amende à CHF 100.-, pour emploi d'étrangers sans autorisation et incapacité de conduire un véhicule automobile avec un taux d'alcool qualifié dans le sang ou dans l'haleine, par le Ministère public de l'arrondissement de Lausanne ;

- une condamnation du 1er février 2018 à une peine pécuniaire de
quatre-vingt-cinq jours-amende à CHF 50.- pour incapacité de conduire un véhicule automobile avec un taux d'alcool qualifié dans le sang ou dans l'haleine, par le Ministère public de l'arrondissement de la Côte.

3) Par décision du 20 avril 2018, le PCTN a rejeté la requête en vue de l'obtention d'une autorisation de vente à l'emporter de boissons alcooliques, la décision étant exécutoire nonobstant recours.

L'instruction du dossier révélait que M. A______ avait été condamné à trois reprises entre 2008 et 2018. Les infractions en question devaient être considérées comme incompatibles avec l'activité de vente à l'emporter de boissons alcooliques, dès lors qu'elles étaient en lien direct avec une consommation d'alcool. Pour ces raisons, l'intéressé n'offrait pas les garanties suffisantes que son commerce serait exploité conformément à la loi sur la vente à l'emporter des boissons alcooliques du 22 janvier 2004 (LVEBA - I 2 24).

4) Par acte du 18 mai 2018, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), contre la décision du PCTN du 20 avril 2018, concluant préalablement à la restitution de l'effet suspensif et principalement à l'annulation de la décision et à la délivrance d'une autorisation de vente à l'emporter de boissons alcooliques conformément à sa requête du 17 avril 2018.

Il était au bénéfice d'une autorisation de vente des boissons alcooliques depuis 2008 de sorte que la requête du 17 avril 2018 était en réalité une demande de renouvellement de l'autorisation existante. La décision du PCTN était lacunaire en tant qu'elle ne mentionnait pas le fait que M. A______ avait été au bénéfice d'autorisations depuis presque dix ans.

Depuis le début de l'exploitation de son commerce, il n'avait jamais fait l'objet de constats d'infractions relatifs à la vente de boissons alcooliques. Il n'avait pas non plus eu à faire face à des perturbations de l'ordre public et le conditionnement des boissons en vente dans son commerce correspondait aux normes légales. Ces circonstances auraient dû être prises en compte par l'autorité lors de la prise de la décision.

Il était difficile de concevoir quel était le lien entre les condamnations de M. A______ et l'inaptitude à assurer la sauvegarde de l'ordre public au sens de la loi. En effet, les faits ayant abouti à des condamnations n'avaient pas été commis dans le cadre de l'exploitation du commerce et avaient pour le surplus déjà été sanctionnés.

Le PCTN avait violé le principe de la proportionnalité en le sanctionnant aussi lourdement pour des faits pour lesquels il avait déjà été condamné.

Enfin, l'autorité intimée avait violé son droit d'être entendu en ne lui donnant pas la possibilité de s'exprimer avant la prise de décision.

5) Par courrier du 29 mai 2018, le PCTN, tout en réservant expressément sa détermination sur le fond du litige, a exprimé son accord quant à une restitution de l'effet suspensif au recours, respectivement à l'octroi de mesure provisionnelles autorisant M. A______ à poursuivre la vente de boissons alcooliques dans son commerce.

6) Par décision du 1er juin 2018, la présidence de la chambre administrative a restitué l'effet suspensif, compte tenu du fait que M. A______ était au bénéfice d'une autorisation avant le dépôt de sa requête et que ni le PCTN, ni les circonstances particulières ne s'opposaient à la poursuite, à titre provisoire, de cette activité.

7) Le 18 juin 2018, le PCTN a présenté ses observations, au fond, et conclu au rejet du recours.

En se basant sur l'extrait du casier judiciaire de M. A______, il avait respecté les conditions pour la délivrance d'une autorisation prévues dans la loi, à savoir que le requérant offre, par ses antécédents et son comportement, toute garantie que l'établissement soit exploité conformément aux dispositions légales.

Les infractions commises par M. A______ constituaient des délits au regard du droit pénal et n'étaient donc pas sans gravité. De plus, selon la jurisprudence de la chambre administrative, la notion d'honorabilité devait être définie en examinant si le comportement de la personne exerçant une activité soumise à autorisation était compatible avec ladite activité. Le PCTN ne pouvait passer outre les condamnations, le lien entre la vente de boissons alcooliques à l'emporter et la conduite en état d'ébriété étant évident dans la mesure où M. A______ était amené à vendre de l'alcool à longueur de journée. Ainsi, ces antécédents reflétant une consommation abusive d'alcool, le comportement de M. A______ était incompatible avec son activité.

En invoquant le fait qu'il exploitait son commerce depuis dix ans,
M. A______ avait omis de préciser qu'il n'y avait pas de condamnation pour conduite en état d'ivresse dans son casier judiciaire avant l'année 2016. Il n'avait dès lors jamais été condamné pour des faits en lien avec une consommation d'alcool. L'argument selon lequel M. A______ avait déjà été sanctionné pour les infractions en question n'était pas pertinent. Le PCTN ne faisait que tenir compte des condamnations dans son appréciation des faits sans les sanctionner de nouveau. Enfin, c'était précisément pour contrôler que les personnes respectaient toujours les conditions d'honorabilité que les autorisations étaient délivrées pour trois ans et non pour une durée indéterminée.

8) Le 24 août 2018, M. A______ a répliqué, persistant intégralement dans les conclusions de son recours.

9) Le 28 août 2018, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du
12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le recourant se plaint d'une violation de son droit d'être entendu dans le cadre du prononcé de la décision du 20 avril 2018.

a. Le droit d'être entendu est une garantie de nature formelle dont la violation entraîne, lorsque sa réparation par l'autorité de recours n'est pas possible, l'annulation de la décision attaquée sans égard aux chances de succès du recours sur le fond (ATF 137 I 195 consid. 2.2 ; 133 III 235 consid. 5.3). Ce moyen doit par conséquent être examiné en premier lieu (ATF 138 I 232 consid. 5.1 ;
137 I 195 consid. 2.2). Sa portée est déterminée d'abord par le droit cantonal
(art. 41 ss LPA) et le droit administratif spécial (ATF 126 I 15 consid. 2 ; 124 I 49 consid. 3a et les arrêts cités). Si la protection prévue par ces lois est insuffisante, ce sont les règles minimales déduites de la Constitution qui s'appliquent (art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 -
Cst. - RS 101 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_15/2010 du 15 mars 2010
consid. 3.1 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, p. 518 n. 1526 ; Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, 2013, vol. 2, 3ème éd., p. 615 n. 1317 ss). Quant à l'art. 6 § 1 CEDH, il n'accorde pas au justiciable de garanties plus étendues que celles découlant de l'art. 29 al. 2 Cst. (arrêts du Tribunal fédéral 6B_24/2010 du 20 mai 2010 consid. 1 ; 4P.206/2005 du 11 novembre 2005 consid. 2.1 et les arrêts cités).

b. Tel qu'il est garanti par cette dernière disposition, le droit d'être entendu comprend le droit pour les parties de faire valoir leur point de vue avant qu'une décision ne soit prise, de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur la décision, d'avoir accès au dossier, de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 142 II 218 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_656/2016 du 9 février 2017 consid. 3.2 et les références citées ; ATA/917/2016 du 1er novembre 2016 et les arrêts cités).

c. Une décision entreprise pour violation du droit d'être entendu n'est pas nulle mais annulable (ATF 143 IV 380 consid. 1.4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_114/2018 du 31 juillet 2018 consid. 2.1 ; ATA/714/2018 du 10 juillet 2018 et les arrêts cités). En effet, selon un principe général, la nullité d'un acte commis en violation de la loi doit résulter ou bien d'une disposition légale expresse, ou bien du sens et du but de la norme en question (ATF 122 I 97 consid. 3 et les arrêts cités). En d'autres termes, il n'y a lieu d'admettre la nullité, hormis les cas expressément prévus par la loi, qu'à titre exceptionnel, lorsque les circonstances sont telles que le système d'annulabilité n'offre manifestement pas la protection nécessaire (ATF 130 II 249 consid. 2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_111/2016 du 8 décembre 2016 consid. 5 ; ATA/795/2018 du 7 août 2018 et les arrêts cités). Ainsi, d'après la jurisprudence, la nullité d'une décision n'est admise que si le vice dont elle est entachée est particulièrement grave, est manifeste ou du moins facilement décelable et si, en outre, la constatation de la nullité ne met pas sérieusement en danger la sécurité du droit. Des vices de fond n'entraînent qu'à de rares exceptions la nullité d'une décision ; en revanche, de graves vices de procédure, ainsi que l'incompétence qualifiée de l'autorité qui a rendu la décision sont des motifs de nullité (ATF 138 II 501 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_120/2018, 6B_136/2018 du 31 juillet 2018 consid. 2.2).

d. La réparation d'un vice de procédure en instance de recours et, notamment, du droit d'être entendu, n'est possible que lorsque l'autorité dispose du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_556/2017 du 5 juin 2018 consid. 2.1; ATA/820/2018 du 14 août 2018 et les arrêts cités ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, p. 526 s. n. 1554 s. ; Pierre MOOR/Etienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, ch. 2.2.7.4 p. 322 et 2.3.3.1 p. 362). Elle dépend toutefois de la gravité et de l'étendue de l'atteinte portée au droit d'être entendu et doit rester l'exception. Elle peut cependant se justifier en présence d'un vice grave lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_556/2017 du 5 juin 2018 consid. 2.1 ; ATA/714/2018 du 10 juillet 2018). En outre, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de cette violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu'elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/820/2018 du 14 août 2018 et les arrêts cités ; ATA/599/2014 du 29 juillet 2014 consid. 2c).

e. La question d'une éventuelle violation du droit d'être entendu, et le cas échéant, de son éventuelle réparation peut demeurer ouverte au regard de l'issue au fond qui suit.

3) a. La LVEBA, qui régit la vente à l'emporter de boissons alcooliques, a pour but d'assurer qu'aucun établissement qui lui est soumis ne soit susceptible de troubler l'ordre public, en particulier la tranquillité et la santé publiques, du fait de son propriétaire ou de son exploitant, ainsi qu'en raison de sa construction, de son aménagement et de son implantation, une autorisation ne pouvant être délivrée que si ce but est susceptible d'être atteint (art. 1 LVEBA).

b. Selon l'art. 5 LVEBA, la vente à l'emporter de boissons alcooliques est soumise à l'obtention préalable d'une autorisation délivrée par le département de la sécurité et de l'économie, devenu depuis lors le département de la sécurité, de l'emploi et de la santé (ci-après : le département ; al. 1), soit pour lui le PCTN (art. 1 du règlement d'exécution de la loi sur la vente à l'emporter des boissons alcooliques du 26 janvier 2005 - RVEBA - I 2 24.01), cette autorisation devant être requise lors de chaque création ou reprise d'un commerce existant (al. 2).

c. Au titre des conditions personnelles, l'art. 6 LVEBA prévoit que l'autorisation est délivrée à condition que le requérant soit de nationalité suisse, au bénéfice d'un permis d'établissement ou visé par un accord d'établissement
(let. a), ait l'exercice des droits civils (let. b), offre, par ses antécédents et son comportement, toute garantie que l'établissement soit exploité conformément aux dispositions de la loi et aux prescriptions en matière de police des étrangers, de sécurité sociale et de droit du travail (let. c) et dispose des locaux nécessaires
(let. d).

La condition posée par la let. c a trait à la notion d'honorabilité, qui se retrouve dans d'autres textes légaux genevois, en particulier la loi concernant le concordat sur les entreprises de sécurité du 18 octobre 1996 (CES - I 2 14) et la loi sur la restauration, le débit de boissons, l'hébergement et le divertissement du 19 mars 2015 (LRDBHD - I 2 22), qui implique avant tout de déterminer si le comportement de la personne exerçant ou voulant exercer une activité soumise à autorisation est compatible avec ladite activité (ATA/318/2019 du 26 mars 2019 consid. 2c ; ATA/498/2018 du 22 mai 2018 consid. 4 c).

d. La chambre administrative s'est prononcée à plusieurs reprises sur la condition d'honorabilité.

Elle a ainsi retenu qu'elle n'était pas réalisée lorsque l'exploitant avait été condamné à une peine d'emprisonnement d'une durée de trois mois, avec sursis pendant trois ans, pour des actes d'ordre sexuel commis dans son propre établissement public (ATA/377/2000 du 6 juin 2000), lorsqu'il s'était vu reprocher le développement d'un trafic de produits stupéfiants dans lequel il avait servi d'intermédiaire (ATA/294/2001 du 8 mai 2001), lorsqu'il avait été condamné pour deux escroqueries à une assurance sociale à quatre mois d'emprisonnement avec sursis pendant cinq ans (ATA/369/2001 du 29 mai 2001), ou avait fait l'objet d'une condamnation à deux mois d'emprisonnement avec sursis pendant trois ans pour abus de confiance, vol au préjudice de son employeur et d'une collègue et induction de la justice en erreur (ATA/733/2004 du 21 septembre 2004). N'a également pas été jugée à même d'exploiter un établissement public la personne qui avait fait l'objet de nombreuses plaintes et dénonciations pénales au cours des quinze années précédentes et de quatorze rapports de dénonciations et trois sanctions administratives en application de la LRDBH au cours des quatre dernières années (ATA/552/2004 du 15 juin 2004), l'exploitant ayant été condamné pour usure (ATA/957/2014 du 2 décembre 2014) ou encore celui ayant été condamné pour violation des règles de la circulation routière alors qu'il était dans l'incapacité de conduire un véhicule automobile, puis une seconde fois pour complicité de faux dans les titres (ATA/599/2014 et ATA/600/2014 du 29 juillet 2014).

À l'inverse, la chambre administrative a considéré que l'autorité avait abusé de son pouvoir d'appréciation en considérant que l'exploitant, condamné pour avoir employé dix personnes sans autorisation de travail valable en Suisse, pour des périodes comprises entre deux mois et cinq ans et demi, ne présentait pas les garanties suffisantes en matière d'honorabilité, en l'absence d'autre condamnation pénale (ATA/1349/2017 du 3 octobre 2017). Elle est arrivée à une conclusion similaire dans le cas d'un exploitant condamné à deux reprises, en 2013 et 2015, pour emploi d'étrangers sans autorisation, respectivement à une peine pécuniaire de nonante jours-amende à CHF 60.- le jour avec sursis durant trois ans, ainsi qu'à une amende de CHF 1'200.-, et à une peine pécuniaire de cent-vingt jours-amende à CHF 50.- le jour (ATA/209/2018 du 6 mars 2018). Elle a également conclu dans ce sens dans le cas d'un exploitant condamné en 2014 et 2015, pour conduite en état d'ébriété avec un taux d'alcoolémie qualifié dans le sang et pour emploi d'étrangers sans autorisation. La chambre de céans a toutefois précisé dans ce cas que toute récidive entraînerait la révocation ou le non-renouvellement des autorisations d'exploitation (ATA/1409/2017 du 17 octobre 2017 consid. 7b et 7d).

4) Le principe de la proportionnalité, garanti par les art. 5 al. 2 et 36 al. 3 Cst., exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive. En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 126 I 219 consid. 2c et les références citées).

5) a. En l'espèce, la décision litigieuse se fonde sur deux condamnations pénales du recourant, une condamnation à une peine pécuniaire de cent jours-amende à CHF 100.-, pour emploi d'étrangers sans autorisation et incapacité de conduire un véhicule automobile avec un taux d'alcool qualifié dans le sang ou dans l'haleine, prononcée le 20 juin 2016 et une condamnation à une peine pécuniaire de
quatre-vingt-cinq jours-amende à CHF 50.- pour incapacité de conduire un véhicule automobile avec un taux d'alcool qualifié dans le sang ou dans l'haleine, prononcée le 1er février 2018.

Ces deux condamnations pénales se rapportent à un type d'infraction ayant un lien étroit avec l'activité pour laquelle l'autorisation a été sollicitée, laquelle s'inscrit dans le cadre de l'exploitation du commerce d'alimentation générale « A______ B______ ». Les deux infractions constituent des délits selon le droit pénal (art. 91 al. 2 let. a de la loi fédérale sur la circulation routière du
19 décembre 1958 - LCR - RS 741.01 et art. 2 let. a et b de l'ordonnance de l'Assemblée fédérale concernant les taux limites d'alcool admis en matière de circulation routière du 15 juin 2012 - RS 741.13) et ne peuvent donc pas être considérées comme étant sans gravité. Ces faits sont de nature à mettre en doute les capacités du recourant à garantir que son activité de vente de boissons alcooliques se déroule notamment en conformité avec le respect de l'ordre public.

b. Cela étant, au regard de la jurisprudence susmentionnée, les cas dans lesquels la chambre de céans a retenu que la condition de l'honorabilité n'était pas remplie s'accompagnaient de la commission d'autres infractions pénales que la conduite en état d'ébriété, qui étaient d'une certaine gravité et qui étaient pour la plupart sanctionnées par des peines privatives de liberté de plusieurs mois, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. En outre, il ressort du dossier que le recourant était au bénéfice d'autorisations de vente de boissons alcooliques depuis 2008 et n'a jamais fait l'objet de constats d'infractions en lien avec la vente de boissons alcooliques depuis le début de l'exploitation de son commerce. Par ailleurs, il n'a pas causé de perturbations de l'ordre public. Il n'est pas contesté que le conditionnement des boissons en vente par l'intéressé correspond aux normes légales.

S'agissant de la proportionnalité de la décision du PCTN, il convient de tenir compte du préjudice que subirait le recourant si son autorisation n'était pas renouvelée, étant donné que la vente de boissons alcooliques constitue une part importante des revenus générés par son commerce.

Dans ces circonstances particulières, l'autorité intimée a abusé de son pouvoir d'appréciation en refusant au recourant l'autorisation de vente à l'emporter de boissons alcooliques au motif qu'il ne présentait pas les garanties suffisantes en matière d'honorabilité.

c. Le recours sera ainsi admis partiellement, le dossier étant renvoyé à l'intimé pour qu'il examine les autres conditions de la requête d'octroi de l'autorisation.

Il convient cependant d'attirer l'attention du recourant sur le fait que s'il devait se produire une récidive de conduite en état d'ivresse cela pourrait conduire à ce que la situation soit revue dans le sens opposé.

6) Vu l'issue du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 800.-, à la charge de l'État de Genève sera allouée au recourant, qui y a conclu et a encouru des frais pour sa défense (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 18 mai 2018 par M. A______ contre la décision du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 20 avril 2018 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

annule la décision du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 20 avril 2018 ;

renvoie la cause au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir pour nouvelle décision au sens des considérants ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 800.- à M. A______ à la charge de l'État de Genève ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Christian Marquis, avocat du recourant, ainsi qu'au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, MM. Thélin et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

D. Werffeli Bastianelli

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :