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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1751/2013

ATA/778/2014 du 30.09.2014 sur JTAPI/4/2014 ( LCI ) , REJETE

Descripteurs : CONSTRUCTION ET INSTALLATION ; PERMIS DE CONSTRUIRE ; AUTORISATION DÉROGATOIRE(PERMIS DE CONSTRUIRE) ; 5E ZONE ; VILLA ; ORDRE CONTIGU ; CONFORMITÉ À LA ZONE ; QUALITÉ POUR RECOURIR ; VOISIN ; POUVOIR D'EXAMEN ; CONDITIONS DE CIRCULATION ; CIRCULATION ROUTIÈRE(TRAFIC ROUTIER) ; INDICE D'UTILISATION ; PLACE DE PARC ; ESTHÉTIQUE ; EXCÈS ET ABUS DU POUVOIR D'APPRÉCIATION ; DROIT DE CARACTÈRE CIVIL ; SERVITUDE
Normes : LCI.14; LCI.15; LALAT.19; RPSFP.5; LCI.59.al1
Parties : ROTSCHY Françoise, PICCO Nydia, THOMPSON Cédric, PICCO GOLINELLI Eliane ET CONSORTS, BRUN François, VOLKART Roger, OEGGERLI Ariane, RIAT Claudine / DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'ÉNERGIE, PROMO T. & I. SA
Résumé : Pouvoir d'examen des juridictions de recours lorsque des préavis ont été rendus par des services spécialisés pendant la procédure non contentieuse. Portée de l'art. 14 LCI. La chambre administrative ne peut statuer sur les aspects civils de l'autorisation de construire (en l'espèce, servitudes croisées de non-morcellement), mais uniquement sur la conformité de l'autorisation de construire avec le droit public des constructions.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1751/2013-LCI ATA/778/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 30 septembre 2014

1ère section

 

dans la cause

Monsieur François BRUN

Madame Ariane OEGGERLI

Madame Nydia PICCO

Madame Eliane PICCO GOLINELLI

Madame Claudine RIAT

Madame Françoise ROTSCHY

Monsieur Cédric THOMPSON

Monsieur Roger VOLKART
représentés par Me Lucien Lazzarotto, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'ÉNERGIE

et

PROMO T. & I. SA

représentée par Me Nicolas Wisard, avocat

_________

Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 6 janvier 2014 (JTAPI/4/2014)


EN FAIT

1) Le 24 avril 2013, le département de l'urbanisme, devenu le département de l'aménagement, du logement et de l'énergie (ci-après : le département), a autorisé la société PROMO T. & I. SA (ci-après : PROMO SA), à construire huit villas sur la parcelle n° 3'723, feuille 24 de la commune de Chêne-Bourg, sise au
16, chemin du Saut-du-Loup (DD 105'147-2).

La parcelle concernée est située en zone de construction 5 (zone villa).

2) Dite autorisation vise la construction d'un bloc de six villas contigües au nord-est de la parcelle, et d'un autre bloc de deux villas au sud-ouest. L'accès à ces constructions se fait par le chemin du Saut-du-Loup. Deux places de parc à usage privé sont prévues devant les six villas contigües, qui disposent chacune d'un accès individuel audit chemin. Quatre autres places sont disposées en face du deuxième bâtiment et trois places supplémentaires, réparties sur les espaces communs, sont destinées aux visiteurs.

L'accès des véhicules au chemin du Saut-du-Loup depuis les six villas contigües se fait en marche arrière si l'usager entre en marche avant dans la propriété, et en marche avant s'il y a pénétré depuis la route en marche arrière.

Le projet est au bénéfice d'une dérogation au rapport de surface, pour un indice d'utilisation du sol (ci-après : IUS) de 32 %.

3) Après quelques modifications apportées au projet initial, les services concernés et la commune ont délivré des préavis favorables ou sans observation. La teneur de ceux-ci sera exposée, en tant que de besoin, dans la partie en droit ci-après.

4) L'autorisation de construire a été publiée dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève le 30 avril 2013, conjointement à deux autorisations de démolir et d'abattage d'arbres liées au projet.

5) Par acte du 30 mai 2013, Monsieur François BRUN, Madame Ariane OEGGERLI, Madame Nydia PICCO, Madame Eliane PICCO GOLINELLI, Madame Claudine RIAT, Madame Françoise ROTSCHY, Monsieur Cédric THOMPSON et Monsieur Roger VOLKART ont recouru contre l'autorisation de construire auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI). Ils étaient tous voisins directs de la parcelle concernée, à l'exception de Mmes PICCO et PICCO GOLINELLI, propriétaires de deux parcelles situées légèrement au-delà (80 m environ).

Ils soulevaient une violation des articles 14, 15 et 59 al. 4 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05 - inconvénients graves liés au trafic, nombre insuffisant de places de parc et dangers liés aux accès pour les usagers de la route ; violation des règles d'esthétique et dérogation inadmissible aux règles sur les rapports de surface).

6) Le TAPI s'est rendu sur les lieux le 11 décembre 2013 en présence des parties.

a. Le chemin du Saut-du-Loup était une desserte pour les villas du quartier. La vitesse y était limitée à 30 km/h. Aucune place de parc n'existait sur le bord de ce chemin, mais il n'était pas interdit de s'y garer. La moitié de ce dernier était privée (côté nord) ; le côté sud appartenait au domaine public.

b. Les recourants ont souligné que les villas projetées étaient inesthétiques et constituaient une « barre de construction ». Ils souhaitaient qu'un parking souterrain soit créé et que les voitures puissent entrer sur la voie publique en marche avant, en entrant par un côté de la parcelle et en sortant par un autre. Le peu d'affluence de véhicules pendant le transport sur place (trois véhicules en une demi-heure) était dû au fait que celui-ci s'était déroulé à une heure creuse
(9h-9h30) et un mercredi matin, jour de congé des enfants.

c. La direction générale de la mobilité (ci-après : DGM) a relevé pour sa part que si des motifs existaient pour interdire le stationnement sur le chemin, la commune pouvait interpeller la DGM pour faire apposer une ligne jaune d'interdiction de stationner. Des restrictions d'accès au chemin par les véhicules non riverains pourraient également être décidées si la commune en faisait la demande à la DGM. L'accès aux constructions prévues n'était pas différent de celui des autres villas. La DGM ne pouvait pas interdire une sortie des véhicules sur la voie publique en marche arrière lorsque cette voie constituait un chemin de quartier, soit une route à faible trafic. La présence de seize voitures supplémentaires induites par le projet ne modifierait par le trafic de manière sensible dans la zone.

7) Le TAPI a rejeté le recours par jugement du 6 janvier 2014, reçu le 9, pour des motifs qui seront discutés ci-après dans la partie en droit.

8) Par acte du 10 février 2014, les prénommés ont recouru par-devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement en concluant à son annulation et à celle de l'autorisation de construire querellée.

a. Le nombre de places de parc était insuffisant, bien qu'il respectât le règlement relatif aux places de stationnement sur fonds privés du 23 juillet 2008 (RPSFP - L 5 05.10). L'absence de places de parc publiques à proximité contraindrait les usagers à se parquer sur le chemin du Saut-du-Loup, qui était étroit et sur lequel il était malaisé de se croiser. Cela causerait un danger pour la circulation.

Ce chemin connaissait une grande affluence et formait un coude au nord-ouest qui réduisait fortement la visibilité routière. La DGM avait souligné le risque d'accidents dus à la configuration des lieux tout en délivrant un préavis favorable. Elle s'était comportée de manière contradictoire.

L'art. 14 al. 1 let. e LCI avait un but préventif en matière de circulation. Les éventuelles mesures correctives futures proposées à cet égard par la DGM ne permettraient pas de corriger les défauts de conception du projet. Ce service n'avait pas analysé la situation de manière concrète.

b. Les constructions projetées ne s'intégraient pas dans le quartier et violaient en conséquence l'art. 15 LCI. En délivrant d'abord un préavis négatif, puis en changeant de position, la commune s'était contredite de manière inexplicable. Le TAPI aurait dû entendre un représentant de la commune pour déterminer les causes de ce revirement soudain, avant de juger l'affaire. Il avait à tort écarté le grief tiré de l'art. 15 LCI sans préalablement éclaircir cette question.

c. La dérogation au rapport de surface violait l'art. 59 al. 4 let. a LCI, dont les conditions n'étaient pas réalisées. En effet, les bâtiments projetés n'étaient pas compatibles avec le caractère et l'harmonie du quartier. Pour apprécier l'opportunité d'une telle dérogation, le département, puis le TAPI, auraient dû analyser si, dans l'hypothèse où de telles dérogations étaient appliquées à l'avenir dans le quartier, celui-ci pourrait absorber la densité atteinte, avec les infrastructures existantes. Tel n'était pas le cas en l'espèce, car les voies de circulation étaient trop petites et les places de parc trop rares dans le quartier. À l'échelle de ce dernier, un IUS de 32 % n'était pas envisageable. Pour être cohérente, une volonté de densification générale devait se soumettre à une procédure de plan localisé de quartier, afin d'intégrer dans la réflexion la taille des infrastructures publiques nécessaires.

d. En n'examinant pas l'ensemble de ces questions, tant les services consultés que le département et le TAPI avaient commis un excès négatif de leur pouvoir d'appréciation.

9) Le 17 février 2014, le TAPI a déposé son dossier.

10) Le 20 mars 2014, PROMO SA a conclu préalablement au retrait de l'effet suspensif au recours et, sur le fond, à son rejet, ainsi qu'à l'octroi d'une indemnité de procédure.

L'autorité administrative avait utilisé son pouvoir d'appréciation conformément à l'art. 59 LCI. Quant au TAPI, il avait exercé son pouvoir d'examen avec retenue, conformément à la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et à la jurisprudence, vu les préavis favorables délivrés tant par les services concernés que par la commune.

Les recourants ne faisaient que substituer leur propre appréciation à celle de ces services, composés de spécialistes. L'IUS de 32 % était très inférieur à celui qu'il eût été possible d'obtenir en application de l'art. 59 al. 4 let. a LCI. L'augmentation de densité par rapport aux 25 % ordinairement prévus dans la zone 5, était mesurée.

Le projet ne causait aucune gêne à la circulation.

11) Le département s'est déterminé le 21 mars 2014, en concluant au rejet du recours pour des motifs qui se recoupent, pour l'essentiel, avec ceux développés par le TAPI dans son jugement.

En adoptant l'art. 59 al. 4 LCI, le législateur avait voulu introduire en
5ème zone une autre forme architecturale de villas et promouvoir une typologie de constructions permettant de loger plusieurs familles dans plusieurs logements. L'harmonie du quartier devait être quelque peu relativisée lorsque des dérogations étaient accordées pour ce motif.

12) Par décision du 31 mars 2014, la présidence de la chambre administrative a rejeté la demande de retrait de l'effet suspensif déposée par PROMO SA.

13) Le 28 avril 2014, les recourants ont répliqué en persistant dans leurs conclusions. Ils sollicitaient par ailleurs la suspension de la cause.

La parcelle de PROMO SA était grevée de servitudes empêchant son morcellement en sous-parcelles de moins de 700 m2. Bénéficiaires de ces servitudes, les recourants avaient saisi le Tribunal de première instance pour faire valoir leurs droits. Il convenait de suspendre la procédure administrative dans l'attente qu'il soit jugé sur cette question.

Les constructions projetées n'étaient pas conformes à la zone, au sens de l'art. 59 al. 4 let a LCI, puisqu'elles dépassaient l'IUS prévu en 5ème zone. Relativiser les conditions figurant dans cette disposition revenait à lui enlever sa portée.

14) Le 3 juillet 2014, le juge délégué de la chambre administrative a rejeté la demande de suspension de la cause après que PROMO SA et le département s'y furent opposés respectivement les 23 mai et 4 juin 2014 et eurent déclaré maintenir leurs conclusions en rejet du recours.

15) Le 29 août 2014, les recourants se sont déterminés sur ces écritures en persistant dans leurs conclusions et argumentation.

Les servitudes croisées de non-morcellement avaient pour but d'éviter une surutilisation horizontale du sol et le maintien de la verdure entre les constructions. Elle s'inscrivait aussi dans le souci de préserver le refuge des nombreux oiseaux et autres animaux dont les intérêts étaient défendus par l'association des habitants du Plateau de Bel-Air. Cette volonté privée collective devait être respectée au même titre que la protection légale d'un site naturel ou du paysage.

16) Le 1er septembre 2014, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable sous ces aspects (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a LPA).

2) Selon la jurisprudence, ont qualité pour recourir contre une autorisation de construire les voisins dont les intérêts sont lésés de façon directe et spéciale (ATF 133 II 249 consid. 1.3.1 p. 252 ; 133 II 409 consid. 1 p. 411 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_158/2008 du 30 juin 2008 consid. 2). Le recourant doit ainsi se trouver dans une relation spéciale, étroite et digne d'être prise en considération avec l'objet de la contestation. La qualité pour recourir est en principe donnée lorsque le recours émane du propriétaire d’un terrain directement voisin de la construction ou de l’installation litigieuse (ATF 121 II 171 consid. 2b p. 174 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_152/2012 du 21 mai 2012 consid. 2.1 ; 1C_125/2009 du
24 juillet 2009 consid. 1 ; 1C_7/2009 du 20 août 2009 consid. 1 ; ATA/321/2009 du 30 juin 2009 ; ATA/331/2007 du 26 juin 2007 ; sur le cas d'une personne qui va devenir voisine de la construction litigieuse : ATA/450/2008 du 2 septembre 2008). Outre les propriétaires voisins, les propriétaires par étage, les superficiaires, les locataires et les preneurs à ferme sont susceptibles de remplir cette condition (arrêt du Tribunal fédéral 1C_572/2011 du 3 avril 2012
consid. 1.2 ; ATA/199/2013 du mars 2013 ; Heinz AEMISEGGER/Stephan HAAG, Commentaire pratique de la protection juridique en matière d'aménagement du territoire, 2010, n. 60 ad art. 33 LAT, p. 53). La qualité pour recourir peut être donnée en l’absence de voisinage direct, quand une distance relativement faible sépare l’immeuble des recourants de l’installation litigieuse (ATF 121 II 171 consid. 2b p. 174 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_297/2012 consid. 2.3 ; ATA/220/2013 du 9 avril 2013 ; ATA/199/2013 précité). La proximité avec l'objet du litige ne suffit cependant pas à elle seule à conférer au voisin la qualité pour recourir contre la délivrance d'une autorisation de construire. Celui-ci doit en outre retirer un avantage pratique de l'annulation ou de la modification de l'arrêt contesté qui permette d'admettre qu'il est touché dans un intérêt personnel se distinguant nettement de l'intérêt général des autres habitants de la commune (ATF 137 II 30 consid. 2 p. 32 ss ; 133 II 249 consid. 1.3.1
p. 252 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_565/2012 du 23 janvier 2013 consid. 2.1 ; 1C_297/2012 du 28 août 2012 consid. 2.2).

En l'espèce, tous les recourants, à l'exception de Mme PICCO et de Mme PICCO GOLINELLI, sont voisins directs de la parcelle concernée. Le recours étant recevable pour ces derniers, la question de la qualité pour recourir de celles-ci peut souffrir de rester ouverte.

3) Selon l'art. 14 al. 1 let e LCI, le département peut refuser une autorisation notamment lorsqu’une construction ou une installation peut créer, par sa nature, sa situation ou le trafic que provoque sa destination ou son exploitation, un danger ou une gêne durable pour la circulation.

a. Les dispositions cantonales concernant la limitation quantitative des nuisances n’ont plus de portée propre dans les domaines réglés par le droit fédéral (ATF 117 Ib 157 ; 113 Ib 220). Le droit fédéral laisse subsister les prescriptions cantonales concernant des objectifs particuliers d’urbanisme, notamment ceux concernant les problèmes de circulation routière (ATF 117 Ib 157 ; ATA/453/2011 du 26 juillet 2011 ; ATA/127/2009 du 10 février 2009).

b. Les normes de protection, tel l'art. 14 LCI, sont destinées à sauvegarder les particularités de chaque zone, en prohibant les inconvénients incompatibles avec le caractère d'une zone déterminée ; elles ne visent pas au premier chef à protéger l'intérêt des voisins. La construction d'un bâtiment conforme aux normes ordinaires applicables au régime de la zone ne peut en principe être source d'inconvénients graves, notamment s'il n'y a pas d'abus de la part du constructeur. Le problème doit être examiné par rapport aux caractéristiques du quartier ou des rues en cause (ATA/127/2009 du 10 mars 2009 et les arrêts cités). La notion d’inconvénients graves est une norme juridique indéterminée, qui doit s’examiner en fonction de la nature de l’activité en cause et qui laisse à l’autorité une liberté d’appréciation. Celle-ci n’est limitée que par l’excès ou l’abus de pouvoir (ATA/924/2010 du 4 mai 2010 et les références citées).

c. Selon une jurisprudence bien établie, chaque fois que l’autorité inférieure suit les préavis requis - étant entendu qu’un préavis sans observation équivaut à un préavis favorable (ATA/162/2014 du 18 mars 2014 : ATA/692/2013 du
15 octobre 2013) - la juridiction de recours doit s’imposer une certaine retenue, qui est fonction de son aptitude à trancher le litige (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 168 n. 508 et la jurisprudence citée). Les autorités de recours se limitent à examiner si le département ne s’écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l’autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/581/2014 du 29 juillet 2014 consid. 5 b ; ATA/451/2014 du 17 juin 2014 consid. 5b ; ATA/147/2011 du 8 mars 2011 consid. 14 ; ATA/646/1997 du 23 octobre 1997). Le TAPI se compose de personnes ayant des compétences spéciales en matière de construction, d’urbanisme et d’hygiène publique (art. 143 LCI). Formée pour partie de spécialistes, cette juridiction peut exercer un contrôle plus technique que la chambre administrative.

En l’espèce, le projet est conforme à la zone 5 (art. 19 al. 3 de la loi d’application de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 4 juin 1987 -LaLAT - L 1 30) dans le sens où il prévoit la construction de villas. La DGM a délivré un préavis favorable au projet, tout en relevant que des portails ne pourraient pas être installés en limite de propriété, du côté du chemin du Saut-du-Loup où sont prévues les sorties des véhicules sur la voie publique, cela afin de garantir une visibilité suffisante.

Par ailleurs, ce chemin est partiellement privé et sa fonction est uniquement de desservir les villas du quartier. Vu la taille de ce dernier et le nombre de villas qui bordent ledit chemin, une surcharge de trafic n'est pas à craindre, en dehors de l'hypothèse d'un trafic de transit. S'il devait s'avérer à l'usage que ce trafic devait rendre l'accès aux propriétés difficile - ce qui ne semble pas encore être le cas - des mesures de circulation redirigeant les véhicules en transit vers les voies de circulation ad hoc, constitueraient des mesures aptes à juguler ce problème. Il en va de même de la possibilité actuelle pour les visiteurs ou les riverains de se parquer le long du chemin du Saut-du-Loup, si une utilisation intensive de celle-ci devait devenir problématique et mettre en danger les usagers.

La chambre de céans n'est pas habilitée à mettre en doute l'appréciation d'un service spécialisé qui considère, après l'avoir examiné, que l'accès à la voie publique en marche arrière par les usagers - qui n'est pas une obligation mais une possibilité - n'est pas dangereux sur un chemin de villas limité à 30 km/h au point de constituer un inconvénient grave au sens de l'art. 14 LCI. Il en va de même de l'opportunité de construire des places de parc alignées de manière telles que l'usage de la deuxième place bloque le premier véhicule parqué. En outre, l'accès à la voie publique ne se fait pas juste à la sortie du « coude » que forme ledit chemin, ce qui nuirait manifestement à la visibilité routière. Une éventuelle sortie en marche arrière sur la voie publique ne met par ailleurs pas en danger les piétons, qui bénéficient d'un trottoir situé au nord du chemin (la sortie des véhicules se faisant sur son côté sud).

Le nombre de places de parc par villa est de deux, conformément à l'art. 5 al. 4 RPSFP. Les places visiteurs sont également en nombre suffisant au regard de ce règlement (art. 5 al. 1 RPSFP).

Enfin, les recourants ne démontrent pas en quoi les infrastructures du quartier seraient insuffisantes pour absorber les constructions projetées, en dehors des questions de circulation examinées.

Ce grief sera donc écarté.

4) Selon l’art. 15 al. 1 et 2 LCI, le département peut interdire ou n’autoriser que sous réserve de modification toute construction qui, par ses dimensions, sa situation ou son aspect extérieur nuirait au caractère ou à l’intérêt d’un quartier, d’une rue ou d’un chemin, d’un site naturel ou de points de vue accessibles au public. La décision du département se fonde notamment sur le préavis de la commission d’architecture ou, pour les objets qui sont de son ressort, sur celui de la commission des monuments, de la nature et des sites. Elle tient compte également, le cas échéant, de ceux émis par la commune ou les services compétents du département.

La clause d’esthétique de l’art. 15 LCI fait appel à des notions juridiques imprécises ou indéterminées. Le contenu de telles notions variant selon les conceptions subjectives de celui qui les interprète et selon les circonstances de chaque cas d’espèce, ces notions laissent à l’autorité une certaine latitude de jugement. L’autorité de recours s’impose une retenue particulière lorsqu’elle estime que l’autorité inférieure est manifestement mieux en mesure qu’elle d’attribuer à une notion juridique indéterminée un sens approprié au cas à juger. Il en va ainsi lorsque l’interprétation de la norme juridique indéterminée fait appel à des connaissances spécialisées ou particulières en matière de comportement, en matière de technique, en matière économique, en matière de subventions et en matière d’utilisation du sol, notamment en ce qui concerne l’esthétique des constructions (ATA/649/2012 du 25 septembre 2012 et la jurisprudence citée).

En l’espèce, tous les préavis des autorités spécialisées sont favorables au projet de construction litigieux. La commune a d'abord décerné un préavis défavorable, le 26 juillet 2012, en relevant que l'architecture proposée était « totalement étrangère au caractère résidentiel du quartier et lui nuirait gravement ». Le 2 octobre 2012, la commission d'architecture a demandé un projet modifié, lié à l'implantation des deux villas situés au sud-ouest de la parcelle et à leur impact sur le paysage. Suite à cela, des modifications ont été apportées. D'un point de vue esthétique, les bâtiments ont été dotés de toitures plates pour améliorer, selon les concepteurs du projet, leur intégration dans le quartier. Les deux villas précitées ont par ailleurs été implantées différemment. Le 13 novembre 2012, le conseil municipal, par 13 voix pour et 5 abstentions, a décidé de préaviser favorablement le projet modifié. La commission d'architecture en a fait de même le 19 février 2013.

Les intimés ont par ailleurs démontré, photos à l'appui, que le quartier regroupait des villas de styles très différents : toits en pente, toits plats, villas contigües ou individuelles, traditionnelles et modernes, ce que le transport sur place a également établi.

Dans ces conditions, la chambre de céans ne saurait substituer sa propre appréciation à celle des autorités dont le préavis est requis par loi (commission d'architecture ; art. 15 al. 2 LCI) ou dont il doit être « tenu compte » (commune ; art. 15 al. 2 LCI), sachant que ces préavis sont positifs en l'espèce.

Enfin, le revirement de la commune trouve des explications objectives dans la modification du projet et rien ne permet de douter de la validité de la délibération du conseil municipal du 13 novembre 2012. Le TAPI n'était pas tenu d'entendre un représentant de la commune à ce sujet dans un tel contexte.

Ce grief sera par conséquence rejeté.

5) Selon l'art. 59 al. 1 LCI, la surface de la construction, exprimée en m2 de plancher, ne doit pas excéder 25 % de la surface de la parcelle en 5ème zone. Cette surface peut être portée à 27,5 % lorsque la construction est conforme à un standard de haute performance énergétique, respectivement à 30 % lorsque la construction est conforme à un standard de très haute performance énergétique, reconnue comme telle par le service compétent. Ces pourcentages sont également applicables aux constructions rénovées qui respectent l’un de ces standards.

Lorsque les circonstances le justifient et que cette mesure est compatible avec le caractère, l’harmonie et l’aménagement du quartier, le département peut autoriser, après consultation de la commune et de la commission d’architecture, un projet de construction en ordre contigu ou sous forme d’habitat groupé dont la surface de plancher habitable n’excède pas 40 % de la surface du terrain, 44 % lorsque la construction est conforme à un standard de haute performance énergétique, 48 % lorsque la construction est conforme à un standard de très haute performance énergétique, reconnue comme telle par le service compétent (art. 59 al. 4 let. a LCI).

En l'espèce, le projet concerne des villas en ordre contigu. La densité des constructions projetées est de 32 %. Ce point n'est pas litigieux.

Concernant la comptabilité du projet avec le caractère, l’harmonie et l’aménagement du quartier, la commission d'architecture a préavisé favorablement la dérogation faisant passer le rapport de surface de 25 % à 32 %, le
2 octobre 2012. Elle a relevé la « qualité générale » des villas projetées le long du chemin du Saut-du-Loup, puis celle des deux villas situées au sud-ouest, le
19 février 2013.

Bien que ses préavis soient succincts, il apparaît qu’elle a examiné le projet qui lui était soumis et qu’elle a envisagé et octroyé ladite dérogation en connaissance de cause. La commune en a fait de même le 13 novembre 2012.

Il n'y a pas lieu, comme le proposent les recourants, d'examiner les incidences des projets futurs qui pourraient potentiellement bénéficier de dérogations semblables. Chaque projet doit être analysé en fonction de ses caractéristiques et de la situation qui prévaut au moment de l'examen de l'autorisation de construire délivrée. Le cas d'espèce ne préjuge ainsi en rien des projets à venir, qui devront respecter la loi au moment où ils seront autorisés.

6) Les griefs relatifs à l'excès négatif du pouvoir d'appréciation commis par le TAPI sont dépourvus de fondement. Cette notion vise le pouvoir d'appréciation conféré par la loi aux autorités administratives et non aux juridictions (sur la différence entre ces notions, cf. art. 5 et 6 LPA). Ces dernières sont soumises à l'art. 61 al. 2 LPA, qui dispose que « les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi ».

Le TAPI n'a pas violé cette disposition, en refusant de substituer sa propre appréciation à celle du département, qui a lui-même usé d'un pouvoir d'appréciation expressément conféré à lui par la loi.

7) Enfin, la chambre administrative ne pouvant connaître des litiges de droit civil, elle ne statuera que sur la conformité du projet au regard des normes de police des constructions (ATA/396/2010 du 8 juin 2010).

8) Le recours sera rejeté.

9) Un émolument de CH 2'000.- sera mis à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure unique et conjointe de CHF 2’000.-, à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, sera allouée à Promo T & I SA (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 10 février 2014 par Monsieur François BRUN, Madame Ariane OEGGERLI, Madame Nydia PICCO, Madame Eliane PICCO GOLINELLI, Madame Claudine RIAT, Madame Françoise ROTSCHY, Monsieur Cédric THOMPSON et Monsieur Roger VOLKART contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 6 janvier 2014 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 2’000.- à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 2’000.- à Promo T. & I. SA, à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement ;

dit qu’il n’est pas alloué d’autre indemnité ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du
17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Lucien Lazzarotto, avocat des recourants, à
Me Nicolas Wisard, avocat de PROMO T. & I. SA, au département de l'aménagement, du logement et de l'énergie, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : M. Thélin, président, MM. Verniory et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

F. Cichocki

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

la greffière :