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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2540/2015

ATA/1056/2017 du 04.07.2017 ( PRISON ) , ADMIS

Descripteurs : ÉTABLISSEMENT PÉNITENTIAIRE ; DÉTENTION(INCARCÉRATION) ; RÉGIME DE LA DÉTENTION ; EXÉCUTION DES PEINES ET DES MESURES ; COMPÉTENCE RATIONE MATERIAE ; QUALITÉ POUR RECOURIR ; INTÉRÊT ACTUEL ; OBJET DU LITIGE ; INTERDICTION DES TRAITEMENTS INHUMAINS ; GARANTIE DE LA DIGNITÉ HUMAINE
Normes : LPA.60.al1 ; CEDH.3 ; RRIP.1.al1 ; RRIP.1.al2.leta ; RRIP.1.al3.letb ; RRIP.15.al1 ; RRIP.16 ; RRIP.29 ; RRIP.37 ; CLDPA.1.leta ; CLDPA.1.letb ; CLDPA.11.al1 ; CLDP.14.al1 ; Cst.7 ; Cst.10.al3 ; Cst-GE.18.al2 ; Cst-GE.14.al1 ; CPP.3.al1
Résumé : La chambre administrative est incompétente pour appliquer les dispositions du Code pénal s'agissant de l'exécution d'une sanction pénale. Recours contre des décisions du DSE constatant, au jour du prononcé de la décision, la licéité des conditions de détention en exécution de peine du recourant. Une durée qui s'approche de trois mois consécutifs apparaît comme la limite au-delà de laquelle les conditions illicites de détention ne peuvent plus être tolérées. Les très brefs moments d'un ou deux jours durant lesquels l'intéressé disposait d'une surface de plus de 4 m2 n'interrompent pas la période de détention dans des conditions illicites. Il en va de même pour une durée de six jours vu les périodes longues de détention en conditions illicites la précédant et la succédant.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2540/2015-PRISON ATA/1056/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 4 juillet 2017

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Pierre Bayenet, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE LA SÉCURITÉ ET DE L'ÉCONOMIE



EN FAIT

1) a. Par ordonnance pénale du 22 octobre 2013, le ministère public de Genève a condamné Monsieur A______ à une peine privative de liberté de quatre mois sous déduction d’un jour de détention avant jugement pour infractions à la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20) et à la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 15 décembre 2000 (LStup - RS 812.121).

b. Par ordonnance pénale du 26 janvier 2015, le ministère public a condamné M. A______ à une peine privative de liberté de six mois sous déduction d’un jour de détention avant jugement pour infractions à la LEtr et à la LStup, peine d’ensemble, incluant la révocation de la libération conditionnelle accordée par le Tribunal d’application des peines et mesures (ci-après : TAPEM) dès le 20 novembre 2013.

2) M. A______ a été incarcéré à la prison de Champ-Dollon le 26 janvier 2015 et libéré de prison le 14 janvier 2016.

3) Le 15 juin 2015, le précité a demandé au département de la sécurité et de l’économie (ci-après : DSE) de constater l’illicéité des conditions de détention en exécution de peine à compter du 6 février 2015 en raison de l’absence d’un plan d’exécution de sanction (ci-après : PES), l’absence de mise en place d’un régime progressif, la taille des cellules et son confinement dans celles-ci ainsi que l’exécution de la peine à la prison de Champ-Dollon, établissement destiné à la détention avant jugement.

Le service d’application des peines et mesures (ci-après : SAPEM) l’avait informé par courrier du 13 mars 2015, que son transfert de l’établissement de Champ-Dollon vers un établissement d’exécution de peine ne serait pas possible dans un délai de six à neuf mois.

Il avait demandé une place de travail lors de sa détention au sein de la prison de Champ-Dollon, sans pouvoir en bénéficier.

Il avait été détenu la plupart du temps dans une cellule de type C3 (cellule triple de surface brute avec baie vitrée ; six lits installés), en compagnie de cinq codétenus avec une surface individuelle nette inférieure à 4 m2.

4) Le 26 juin 2015, M. A______ a adressé simultanément au TAPEM un recours préventif invitant le SAPEM à prendre toute mesure propre à empêcher la continuation de la violation des conditions de détention, et à ordonner la suspension de l’exécution de sa peine jusqu’à ce que dite peine puisse être exécutée légalement. Il a adressé un courrier contenant des motifs identiques au conseiller d’État en charge du DSE (ci-après : le conseiller d’État).

5) Par courrier du 1er juillet 2015, le directeur général de l’office cantonal de la détention (ci-après : OCD) a déclaré le DSE incompétent pour suspendre une sanction pénale définitive et exécutoire, celle-ci appartenant soit au ministère public, soit au TAPEM. M. A______ pouvait se plaindre directement au directeur de la prison de Champ-Dollon qui pouvait prendre des mesures.

6) Par ordonnance du 15 juillet 2015, le TAPEM s’est déclaré incompétent considérant que seul le DSE avait la compétence de traiter des conditions de détention (réf. PS/56/2015).

7) Par deux décisions identiques des 17 et 20 juillet 2015, le conseiller d’État a constaté que les conditions de détention de M. A______ dès le 6 février 2015 étaient licites et l’a débouté de toutes autres conclusions.

a. M. A______ se trouvait en régime d’exécution de peine mais détenu dans un établissement de détention avant jugement, dont l’affection était prioritairement réservée aux prévenus. À ce titre, et faute de place dans un établissement dédié à l’exécution de peine, que ce soit au sein du canton de Genève ou au sein d’un établissement concordataire, voire extra-concordataire, M. A______ n’avait pas pu bénéficier des mêmes prestations que s’il avait été transféré dans un établissement spécifique. Ceci s’expliquait en raison du taux de suroccupation de la prison de Champ-Dollon d’une part, mais également de la pénurie de places dans les établissements d’exécution de peines des autres cantons d’autre part. Selon l’état de la banque de données au 25 novembre 2014, établie par l’office fédéral de la statistique (ci-après : OFS), le taux d’occupation des établissements de détention dans le cadre du concordat latin était de 116.7 % pour l’année 2014. Il était donc indéniable que les prisons du concordat étaient surpeuplées et que cela engendrait un problème incontestable quant aux possibilités de placement des détenus en exécution de peine dans des établissements appropriés.

b. Il ressortait du parcours cellulaire de M. A______ que du 6 février 2015 au 15 juin 2015, il avait bénéficié d’une surface individuelle nette de 3.70 m:

-   du 6 février au 23 mars 2015 (46 jours), cellule C3 avec cinq codétenus ;

-   du 30 mars au 15 avril 2015 (17 jours), cellule C3 avec cinq codétenus ;

-   le 17 avril 2015 (un jour), cellule C3avec cinq codétenus ;

-   du 19 au 28 mai 2015 (10 jours), cellule C3 avec cinq codétenus ;

-   du 30 mai au 5 juin 2015 (7 jours), cellule C3 avec cinq codétenus ;

-   du 11 au 14 juin 2015 (4 jours), cellule C3 avec cinq codétenus.

Il avait bénéficié d’une surface individuelle nette de 3.39 mdu 18 avril au 18 mai 2015 (31 jours), la cellule C1 avec deux codétenus.

Même si cette surface était inférieure au standard en vigueur de 4 m2, elle ne saurait justifier à elle seule une violation de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH –RS 0.101). En effet, conformément à la jurisprudence, pour admettre une telle violation, il fallait la présence d’un autre élément préjudiciable ayant rendu les conditions de détention difficiles. Or, aucune des périodes précitées, n’atteignait à elles seule le seuil indicatif de trois mois fixé par le Tribunal fédéral. Elles ne pouvaient pas être considérées comme consécutives puisque le précité avait bénéficié au total, durant cette période, de 14 jours d’interruption dans des cellules où l’espace individuel net à disposition variait entre 4.44 m2 et 5.54 m2, et que deux de ces interruptions étaient suffisamment importantes pour faire courir un nouveau délai, à savoir du 24 au 29 mars 2015 (6 jours) et du 6 juin au 10 juin 2015 (5 jours).

c. Selon le rapport produit par la prison, il avait droit à une heure de promenade quotidienne et n’avait jamais demandé à bénéficier d’une place de travail ni dans les ateliers ni au sein de son unité. Or, s’il avait sollicité une telle place de travail, il aurait passé davantage de temps hors de sa cellule.

8) Par acte du 22 juillet 2015, M. A______ a interjeté recours contre le courrier du 1er juillet 2015 du directeur général de l’office cantonal de la détention et les décisions des 17 et 20 juillet 2015 du conseiller d’État auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), prenant des conclusions sur mesures provisionnelles et concluant au fond à leur annulation, au constat de l’illicéité des conditions de détention dans l’exécution de sa peine et au paiement d’une indemnité de procédure.

Il existait en Suisse, en novembre 2014, environ sept cents places de détention disponibles pour l’exécution des peines. Par conséquent, le DSE ne pouvait pas justifier de ne pas transférer les détenus dans d’autres cantons, en particulier alémaniques, dans lesquels il y avait des places disponibles.

L’État ne saurait se réfugier derrière un manque de moyens pour justifier une violation de la loi, ou alors il devrait à tout le moins admettre l’existence de cette violation et indemniser ses victimes.

La détention avant jugement et la détention après jugement visaient des objectifs tout à fait différents. L’exécution des peines privatives de liberté visait à punir le condamné tout en lui offrant la possibilité d’améliorer son comportement social. La prison de Champ-Dollon n’offrait pas les conditions nécessaires à l’exécution des peines celle-ci n’étant conçue que pour des détentions de courte durée.

Sur les cent cinquante et un jours passés en détention à la prison de Champ-Dollon, il avait logé cent trente-six jours consécutifs dans une cellule dans laquelle sa surface individuelle nette était inférieure à 4 m2, soit durant plus de trois mois.

Il n’avait pas bénéficié d’un PES ni d’un régime progressif.

Ses arguments seront repris en tant que de besoin dans la partie en droit.

9) Par acte du 27 juillet 2015, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre pénale de recours de la Cour de justice (ci-après : CPR) contre l’ordonnance du TAPEM du 15 juillet 2015.

10) Le 31 juillet 2015, le DSE a conclu au rejet du recours et a transmis son dossier, reprenant pour l’essentiel la motivation de sa décision querellée.

Entre le 1er février et le 18 avril 2015, le recourant avait partagé une cellule avec un codétenu qui exerçait une activité de nettoyeur de tables une heure par jour si bien que durant cette période, le recourant bénéficiait d’une surface individuelle nette de 4.78 m2 et 5.98 m2 une heure par jour, en fonction de la cellule occupée, surfaces largement supérieures au standard en vigueur de 4 m2.

Du 6 février 2015 au 15 juin 2015, le recourant avait occupé une cellule de l’unité Sud où il pouvait bénéficier d’une heure de sport par semaine pratiquée à l’extérieur de la cellule, dans la grande salle de gymnastique et pratiquer du sport dans la petite salle deux à trois jours par semaine, de manière cyclique.

11) Par décision du 5 août 2015, la chambre de céans a suspendu la procédure référencée PS/56/2015 jusqu’à droit jugé devant la CPR s’agissant du recours introduit contre l’ordonnance du TAPEM du 15 juillet 2015.

12) Par arrêt du 2 septembre 2015, la CPR a rejeté le recours introduit par M. A______ le 27 juillet 2015 contre cette ordonnance du TAPEM.

13) Par courrier du 10 mai 2016 à la chambre de céans, le recourant a indiqué avoir interjeté recours le 29 septembre 2015 par-devant le Tribunal fédéral contre l’arrêt de la CPR du 2 septembre 2015.

14) Par courrier du 30 mars 2017 à la chambre de céans, le recourant a informé avoir été libéré et retirait en conséquence ses conclusions sur mesures provisionnelles, sollicitant le simple constat de l’illicéité des conditions d’exécution de sa peine du 27 janvier au 27 juin 2015.

S’agissant de la procédure PS/56/2015, la Cour de droit pénal du Tribunal fédéral avait rejeté son recours (arrêt 6B_1035/2015 du 11 octobre 2016) si bien que la procédure A/2540/2015 pouvait être reprise.

15) Par décision du 4 avril 2017, la chambre de céans a prononcé la reprise de la procédure A/2540/2015.

16) Par observations du 7 avril 2017, le recourant modifiait ses conclusions sollicitant l’annulation des décisions du DSE des 17 et 20 juillet 2015, la constatation de l’illicéité des conditions de l’exécution de sa peine du 6 février au 5 juin 2015 et le versement d’une indemnité de procédure.

17) Le 26 avril 2017, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile, le recours est recevable de ce point de vue (art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1958 - LPA - E 5 10).

2) a. La chambre administrative examine d’office sa compétence, qui est déterminée par la loi et ne peut être créée par accord entre les parties (art. 11 al. 1 et 2 LPA ; ATA/263/2017 du 7 mars 2017 consid. 1; ATA/654/2015 du 23 juin 2015 consid. 1). Celle-ci est définie à l’art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05).

La chambre administrative est l’autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (art. 132 al. 1 LOJ). Le recours est ouvert contre les décisions des autorités et juridictions administratives au sens des art. 4, 4A, 5, 6 al. 1 let. a et e, et 57 LPA, sauf exceptions prévues par la loi (art. 132 al. 2 LOJ) ou lorsque le droit fédéral ou une loi cantonale prévoit une autre voie de recours (art. 132 al. 8 LOJ), ou encore lorsque la saisine est prévue dans des lois particulières (art. 132 al. 6 LOJ).

b. En l’espèce, dans le cadre d’autres affaires précédentes, portant sur le recours contre une décision du conseiller d’État constatant la licéité des conditions de détention en exécution de peine (ATA/263/2017 précité ; ATA/695/2016 du 23 août 2016 et ATA/1145/2015 du 27 octobre 2015), la chambre de céans s’est déclarée compétente pour en connaître.

c. En revanche, les griefs relatifs à l’application des dispositions du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) en matière d’exécution des peines privatives de liberté (art. 74 ss CP), - en l’occurrence la mise en place d’un régime progressif, notamment le PES et la libération conditionnelle (art. 75 al. 3 CP) ou de semi-détention (art. 77 al. 2 CP) – doivent être portés devant la CPR en application des art. 40 et 42 let. a de la loi d’application du code pénal suisse et d’autres lois fédérales en matière pénale du 27 août 2009 (LaCP – E 4 10). Ces griefs ne sont donc, selon la jurisprudence récente de la chambre de céans, pas recevables devant cette dernière (ATA/695/2016 précité consid. 3).

d. En l’espèce, le recourant soutient ne pas avoir bénéficié d’un PES ni d’un régime progressif.

Ces griefs sont irrecevables conformément à la jurisprudence de la chambre de céans, ils doivent être invoqués dans le cadre d’une procédure distincte devant la CPR.

e. En revanche, il convient d’entrer en matière sur le recours s’agissant des griefs contestant la licéité des conditions de détention du recourant.

3) Le recourant a été libéré de prison le 14 janvier 2016, de sorte que se pose la question de son intérêt actuel à recourir.

a. Aux termes de l’art. 60 al. 1 LPA, ont qualité pour recourir les parties à la procédure ayant abouti à la décision attaquée (let. a), ainsi que toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée (let. b). Les let. a et b de cette disposition doivent se lire en parallèle. Ainsi, le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s’il est partie à la procédure de première instance (ATA/263/2017 précité consid. 3a ; ATA/1145/2015 du 27 octobre 2015 consid. 3a ; ATA/65/2015 du 13 janvier 2015 consid. 2b).

b. Selon la jurisprudence, le recourant doit avoir un intérêt pratique à l’admission du recours, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage, de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 138 II 162 consid. 2.1.2 ; 137 II 30 consid. 2 ; 137 II 40 consid. 2.6.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_152/2012 du 21 mai 2012 consid. 2.1 ; ATA/263/2017 précité consid. 3b).

c. Un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l’annulation de la décision attaquée (ATF 138 II 42 consid. 1 ; 137 I 23 consid. 1.3 ; 135 I 79 consid. 1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_495/2014 du 23 février 2015 ; ATA/263/2017 précité consid. 3c). L’existence d’un intérêt actuel s’apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours (ATF 137 I 296 consid. 4.2 ; ATA/263/2017 précité consid. 3c).

d. Il est renoncé à l’exigence d’un intérêt actuel lorsque cette condition de recours fait obstacle au contrôle de la légalité d’un acte qui pourrait se reproduire en tout temps, dans des circonstances semblables et qui, en raison de sa brève durée ou de ses effets limités dans le temps, échapperait ainsi toujours à la censure de l’autorité de recours (ATF 139 I 206 consid. 1.1 ; 136 II 101 consid. 1.1 ; 135 I 79 consid. 1.1 ; ATA/263/2017 précité consid. 3d ; ATA/236/2014 du 8 avril 2014 consid. 2d).

e. En l’espèce, quand bien même le recourant est sorti de prison, il n’en demeure pas moins que le recours est dirigé contre une décision constatant la licéité de ses conditions de détention. Or, le recourant conclut à la constatation de l’illicéité de celles-ci. Compte tenu du fait qu’une décision constatatoire sujette à recours a été rendue par le DSE, il conserve un intérêt actuel à contester cette dernière et donc la licéité de ses conditions de détention, tout au moins afin de faire valoir ses prétentions en indemnisation (ATA/263/2017 précité consid. 3f).

Le recourant a dès lors qualité pour recourir et son recours sera déclaré recevable de ce point de vue.

4) Le recours est d’abord dirigé contre le courrier du 1er juillet 2015 du directeur général de l’OCD par lequel le DSE se déclare incompétent pour ordonner la suspension d’une sanction pénale.

Cette question relève de l’application des dispositions du CP s’agissant de l’exécution d’une sanction pénale définitive et exécutoire, si bien que la chambre de céans est incompétente pour traiter de ce recours qui sera déclaré irrecevable. La question de savoir si ce courrier constitue ou non une décision peut ainsi souffrir de rester ouverte.

5) Le recours est dirigé contre les deux décisions des 17 et 20 juillet 2015 du DSE constatant les conditions de détention du recourant licite pour la période litigieuse du 6 février au 5 juin 2015.

6) Le recourant invoque la problématique de l’exécution de sa peine au sein de la prison de Champ-Dollon alors qu’il était sous le régime de l’exécution de la sanction pénale. Il invoque à cet égard, l’absence de pénurie de places disponibles dans les établissements d’exécution des peines suisses et l’illicéité d’une peine de plus de trois mois au sein de la prison de Champ-Dollon. Par ailleurs, l’absence d’infrastructures à Champ-Dollon ne justifierait pas la violation de la loi.

a. À teneur de l’art. 1 du règlement sur le régime intérieur de la prison et le statut des personnes incarcérées du 30 septembre 1985 (RRIP - F 1 50.04), la prison de Champ-Dollon est un établissement réservé aux prévenus, soit aux personnes placées en détention préventive (al. 1). Elle reçoit également les personnes condamnées en application du droit pénal ordinaire ou du droit pénal militaire à une peine d’arrêts ou d’emprisonnement de trois mois au plus, ou qui doivent subir un solde de peine d’une durée inférieure à trois mois, pour autant qu’elles ne puissent être placées dans un établissement pour des condamnés à de courtes peines (al. 2 let. a al. 3 let. b).

b. Le concordat sur l’exécution des peines privatives de liberté et des mesures concernant les adultes et les jeunes adultes dans les cantons latins (concordat latin sur la détention pénale des adultes) du 10 avril 2006 (CLDPA - E 4 55) convenu par les cantons de Fribourg, Vaud, Valais, Neuchâtel, Genève, Jura ainsi que le canon du Tessin, régit notamment l’exécution de peines privatives de liberté, ainsi que l’exécution anticipée de la peine (art. 1 let. a et b CLDPA). Sous réserve de l’octroi des crédits nécessaires par les gouvernements et les parlements des cantons partenaires concernés, ainsi que des subventions fédérales, les cantons partenaires s’engagent selon la planification de la Conférence, en vertu du présent concordat, à mettre à disposition les structures et les établissements prévus par le droit fédéral et à les doter des moyens et du personnel nécessaires (art. 11 al. 1 CLDPA). Les cantons partenaires s’engagent à placer dans les établissements ou les sections d’établissements reconnus par la Conférence les personnes détenues et internées auxquelles s’applique le présent concordat (art. 14 al. 1 CLDPA).

c. Selon les statistiques de l’OFS du 22 novembre 2016 (T19.04.01.24) concernant la privation de liberté, l’effectif des détenus au jour du relevé, et portant sur le Concordat sur l’exécution des peines dans les cantons latins, le taux d’occupation dans les établissements d’exécution de peine était de 108,3 % pour l’année 2015 et de 104,6 % pour l’année 2016.

d. En l’espèce, il ressort de la statistique précitée que le taux d’occupation dans les établissements d’exécution de peine était de 108,3 % pour l’année 2015, ce qui signifie que les places disponibles étaient inférieures au nombre de détenus devant exécuter leur peine.

Le fait que le nombre de places disponibles dans les établissements d’exécution de peine soit inférieur au nombre de détenus devant exécuter leur peine constitue une situation exceptionnelle au sens de l’art. 1 al. 3 let. b RRIP (ATA/263/2017 précité consid. 5 ; ATA/67/2016 du 26 janvier 2016 consid. 4f), quand bien même la peine exécutée est supérieure à trois mois.

S’il est vrai que le séjour passé par le recourant dans la prison de Champ-Dollon peut paraître long, ceci s’explique ainsi par le manque de places disponibles au sein des établissements d’exécution de peine.

Enfin, comme l’a à juste titre constaté l’intimé, il n’existe aucune base légale autorisant le DSE à revoir les sanctions prononcées par les juridictions de fond. Le Tribunal fédéral a confirmé que « le DSE n’avait aucune compétence légale pour abaisser le quantum d’une peine ni modifier le calcul des étapes qui en découlaient » (ATF 141 IV 349 consid. 4.1). Par conséquent, il ne lui appartient pas de se prononcer sur une suspension de l’exécution de la peine permettant ainsi au condamné d’attendre, en liberté, qu’une place se libère dans un établissement de détention.

Compte tenu de ces circonstances, les griefs du recourant seront écartés.

7) Dans un dernier grief, le recourant considère que ses conditions de détention étaient illicites au vu de la taille de ses cellules et son confinement dans celles-ci.

a. Au niveau conventionnel, l'art. 3 CEDH, qui interdit - à l'instar d'autres dispositions constitutionnelles et conventionnelles - la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants, impose notamment des standards minimaux en matière de détention (ATF 124 I 231 consid. 2 p. 235). Par ailleurs, la Suisse a ratifié la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants du 27 novembre 1987 (RS 0.106), instituant le comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (ci-après : CPT), habilité à examiner le traitement des détenus dans les États contractants. Sur le plan constitutionnel, l'art. 7 la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) prescrit le respect et la protection de la dignité humaine, tandis que l'art. 10 al. 3 Cst. interdit la torture et tout autre traitement ou peine cruels, inhumains ou dégradants. Au niveau cantonal, la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst–GE - A 2 00) prévoit que la torture et tout autre traitement ou peine cruels, inhumains ou dégradants sont interdits (art. 18 al. 2) et que la dignité humaine est inviolable (art. 14 al. 1).

b. Les standards minimaux en matière de détention sont concrétisés par la recommandation Rec(2006)2 sur les règles pénitentiaires européennes adoptées le 11 janvier 2006 par le comité des ministres du Conseil de l’Europe (ci-après : RPE), destinée aux États, censés édicter des règles internes s'inspirant de la recommandation. Selon la règle 1 RPE, les personnes privées de liberté doivent être traitées dans le respect des droits de l'homme. Les règles 17 à 22 RPE traitent des locaux de détention, de l'hygiène, de la literie et du régime alimentaire. Les locaux de détention doivent satisfaire aux exigences de respect de la dignité humaine et, dans la mesure du possible, de la vie privée, et répondre aux conditions minimales requises en matière de santé et d'hygiène, compte tenu des conditions climatiques, notamment en ce qui concerne l'espace au sol, le volume d'air, l'éclairage et l'aération (règle 18.1). Les fenêtres doivent être suffisamment grandes pour que les détenus puissent lire et travailler à la lumière naturelle dans des conditions normales et pour permettre l'entrée d'air frais, sauf s'il existe un système de climatisation approprié (règle 18.2 let. a). La lumière artificielle doit être conforme aux normes techniques reconnues en la matière (règle 18.2. let. b). Les locaux d'une prison doivent être maintenus en état et propres à tout moment (règle 19.1). Les détenus doivent jouir d'un accès facile à des installations sanitaires hygiéniques et protégeant leur intimité (règle 19.3). Les installations de bain et de douche doivent être suffisantes pour que chaque détenu puisse les utiliser à une température adaptée au climat (règle 19.4). Chaque détenu doit disposer d'un lit séparé et d'une literie individuelle convenable, entretenue correctement et renouvelée à des intervalles suffisamment rapprochés pour en assurer la propreté (règle 21). La nourriture doit être préparée et servie dans des conditions hygiéniques (règle 22.3) et les détenus doivent avoir accès à tout moment à l'eau potable (règle 22.5). Tout détenu doit avoir l'opportunité, si le temps le permet, d'effectuer au moins une heure par jour d'exercice en plein air (règle 27.1).

c. Ces règles ont été encore précisées dans un Commentaire établi par le CPT. S'agissant des conditions de logement, le CPT a arrêté quelques standards minimaux : l'espace au sol disponible est estimé à 4 m2 par détenu dans un dortoir et à 6 m2 dans une cellule individuelle, sans qu’il soit précisé si ces standards doivent se comprendre comme une surface brute, comprenant les installations sanitaires et les meubles, ou nette, soit déduction faite de ces installations et meubles (ATF 140 I 125 consid. 3.6.3 p. 139 ; arrêts du Tribunal fédéral 1B_404/2013 du 26 février 2014 consid. 2.6.3 ; 1B_369/2013 du 26 février 2014 consid. 3.6.3 ; 1B_336/2013 26 février 2014 consid. 4.6.3 ; 1B_335/2013 du 26 février 2014 consid. 3.6.3 ; ATA/67/2016 précité consid. 8c). Ces standards doivent cependant être modulés en fonction des résultats d'analyses plus approfondies du système pénitentiaire. Le nombre d'heures passées en dehors de la cellule doit être pris en compte. En tout état, ces chiffres ne doivent pas être considérés comme la norme. À titre d'exemple, le CPT considère comme étant souhaitable pour une cellule individuelle une taille de 9 à 10 m2. La taille devrait être comprise entre 9 et 14,7 m2 pour deux personnes et mesurer environ 23 m2 pour trois personnes (Rod MORGAN/Malcolm EVANS, Prévention de la torture en Europe : Les normes du CPT en matière de détention par la police et de détention préventive, 2002, p. 34).

d. Au niveau législatif, en matière de procédure pénale, l'art. 3 al. 1 CPP rappelle le principe du respect de la dignité humaine. Selon l’art. 74 CP, le détenu et la personne exécutant une mesure ont droit au respect de leur dignité. L'exercice de leurs droits ne peut être restreint que dans la mesure requise par la privation de liberté et par les exigences de la vie collective dans l'établissement. À teneur de l’art. 75 al. 1 CP, l'exécution de la peine privative de liberté doit améliorer le comportement social du détenu, en particulier son aptitude à vivre sans commettre d'infractions. Elle doit correspondre autant que possible à des conditions de vie ordinaires, assurer au détenu l'assistance nécessaire, combattre les effets nocifs de la privation de liberté et tenir compte de manière adéquate du besoin de protection de la collectivité, du personnel et des codétenus.

e. Dans le canton de Genève, les droits et les obligations des détenus sont définis par le RRIP. Chaque cellule est équipée de manière à permettre une vie décente et conforme aux exigences de la salubrité (art. 15 al. 1). Les détenus peuvent se doucher régulièrement (art. 16). En règle générale, ils bénéficient d'une heure de promenade par jour dans les cours réservées à cet usage et peuvent, dans les limites déterminées, se livrer à des exercices physiques (art. 18). Le service médical de la prison prodigue des soins en permanence (art. 29). Les détenus ont droit à un parloir par semaine, limité à deux visiteurs, en présence d'un fonctionnaire de la prison et pendant une heure au maximum (art. 37). Le RRIP ne contient en revanche aucune disposition plus précise concernant l'aménagement, l'équipement, la dimension des cellules ou la surface dont doit bénéficier chaque détenu à l'intérieur de celles-ci (ATA/695/2016 précité consid. 4d ; ATA/67/2016 consid. 8e).

f. Le 26 février 2014, le Tribunal fédéral a rendu plusieurs arrêts en matière d’examen des conditions de détention, dans le cadre de la détention provisoire, confirmés ultérieurement.

Il a à cette occasion rappelé la jurisprudence fédérale existante (ATF 140 I 125 précité consid. 3.3 p. 133).

Selon cette dernière, le but de la détention doit être pris en compte et il y a lieu de distinguer la détention en exécution de jugement de la détention provisoire, laquelle vise à garantir un déroulement correct de l'instruction pénale et est justifiée par les besoins de l'instruction, un risque de fuite ou un danger de collusion ou de réitération (ATF 97 I 839 consid. 5 p. 844 ; 97 I 45 consid. 4b p. 53 s.). Les conditions de détention provisoire peuvent être plus restrictives lorsque les risques de fuite, de collusion et de récidive sont plus élevés, ou lorsque l'ordre et la sécurité dans la prison sont particulièrement mis en danger (notamment la sécurité du personnel et des détenus ; ATF 123 I 221 consid. 4c p. 228 et l'arrêt cité). Le Tribunal fédéral a toutefois précisé que cela ne valait que tant que la durée de la détention provisoire était courte. En cas de détention provisoire se prolongeant au-delà d'environ trois mois, les conditions de détention doivent satisfaire à des exigences plus élevées (ATF 140 I 125 précité consid. 3.3 p. 133).

Il faut par ailleurs procéder à une appréciation globale de toutes les conditions concrètes de détention (ATF 123 I 221 précité consid. II/1c/cc p. 233). En ce qui concerne la violation de l'art. 3 CEDH, un traitement dénoncé doit atteindre un minimum de gravité, dont l'appréciation dépend de l'ensemble des données de la cause et notamment de la nature et du contexte du traitement ainsi que de sa durée (ATF 139 I 272 consid. 4 p. 278), la durée étant susceptible de rendre incompatible avec la dignité humaine une situation ne l’étant pas nécessairement sur une courte période (ATF 140 I 125 précité consid. 3.3 p. 133).

Le Tribunal fédéral a également examiné la jurisprudence rendue par la CourEDH (ATF 140 I 125 consid. 3.4 et 3.5 p. 134 ss), que la Suisse s'est engagée à respecter (art. 46 ch. 1 CEDH et 122 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 [LTF - RS 173.110]).

Selon la CourEDH, en cas de surpopulation carcérale, la restriction de l'espace de vie individuel réservé au détenu ne suffit pas pour conclure à une violation de l'art. 3 CEDH, une telle violation n'étant retenue que lorsque les personnes concernées disposent individuellement de moins de 3 m2 (ACEDH Torreggiani et autres c. Italie du 8 janvier 2013, req. nos 43517/09, 46882/09, 55400/09, 57875/09, 61535/09, 35315/10 et 37818/10, § 68 ; ACEDH Canali c. France du 25 avril 2013, req. n° 40119/09, § 49 ; ACEDH Sulejmanovic c. Italie du 16 juillet 2009, req. n° 22635/03, § 43 ; ACEDH Idalov c. Russie du 22 mai 2012, req. n° 5826/03, § 101). Dans les cas où la surpopulation n'est pas importante au point de soulever à elle seule un problème de violation de la CEDH, les autres aspects des conditions de la détention doivent être pris en compte, comme l'aération disponible, la qualité du chauffage, le respect des règles d'hygiène de base et la possibilité d'utiliser les toilettes de manière privée (ACEDH Canali précité, §§ 52 et 53). Dans des affaires où chaque détenu disposait de 3 à 4 m2, une violation de l'art. 3 CEDH a été retenue parce que le manque d'espace s'accompagnait, par exemple, d'un manque de ventilation et de lumière (ACEDH Babouchkine c. Russie du 18 octobre 2007, req. n° 67253/01, § 44), d'un accès limité à la promenade en plein air et d'un confinement en cellule (ACEDH Istvan Gabor Kovacs c. Hongrie du 17 janvier 2012, req. n° 15707/10, § 26) ou d’une absence d'espace pour se mouvoir combinée à une promenade quotidienne d'une heure dans une cour de taille réduite pendant plus de deux ans, à une faible ventilation, à de la lumière réduite dans la cellule et à l’absence d’intimité offerte par les lavabos (ACEDH Makarov c. Russie du 12 mars 2009, req. n° 15217/07, §§ 94 à 98).

Ainsi, parmi les facteurs supplémentaires pris en compte par la CourEDH -par rapport à l'exiguïté des cellules - figurent notamment l'accès insuffisant à la lumière et à l'air naturels, la chaleur excessive associée à un manque de ventilation, le partage des lits entre prisonniers, les installations sanitaires dans la cellule et visibles de tous et l'absence de traitement adéquat pour les pathologies du détenu ainsi que la durée de la détention (ATF 140 I 125 consid. 3.5 p. 135 s.).

Après examen des jurisprudences fédérale et de la CourEDH, le Tribunal fédéral a retenu, en matière de détention provisoire, qu’en cas de surpopulation carcérale telle que la connaît la prison de Champ-Dollon, l'occupation d'une cellule dite individuelle par trois détenus – chacun disposant d'un espace individuel de 4 m2, restreint du mobilier – était une condition de détention difficile, laquelle n’était cependant pas constitutive d'une violation de l'art. 3 CEDH et ne représentait pas un traitement dégradant portant atteinte à la dignité humaine des prévenus. En revanche, l'occupation d'une cellule dite triple par six détenus avec une surface individuelle de 3,83 ou 3,84 m2 – restreinte encore par le mobilier – pouvait constituer une violation de l'art. 3 CEDH si elle s'étendait sur une longue période et s'accompagnait d'autres mauvaises conditions de détention. Il fallait alors considérer la période pendant laquelle le recourant avait été détenu dans les conditions incriminées. Une durée qui s'approchait de trois mois consécutifs apparaissait comme la limite au-delà de laquelle ces conditions de détention ne pouvaient plus être tolérées. En effet, si les conditions de détention provisoire pouvaient être plus restrictives lorsque les risques de fuite, de collusion et de récidive étaient plus élevés, ou lorsque l'ordre et la sécurité dans la prison étaient particulièrement mis en danger, cela ne valait pas lorsque la durée de la détention provisoire était de l'ordre de trois mois. Ce délai ne pouvait cependant pas être compris comme un délai au sens strict du terme mais comme une durée indicative à prendre en compte dans le cadre de l'appréciation globale de toutes les conditions concrètes de détention (ATF 140 I 125 précité consid. 3.6.3 p. 138 ; arrêts du Tribunal fédéral 1B_239/2015 du 29 septembre 2015 consid. 2.4 ; 1B_152/2015 du 29 septembre 2015 consid. 2.4 ; 6B_14/2014 du 7 avril 2015 consid. 5.4.2.1 ; 1B_387/2014 du 22 décembre 2014 consid. 2.1).

g. Dans une jurisprudence récente, la chambre de céans a repris ces éléments pour examiner si les conditions de la détention d'un détenu sous le régime de l'exécution de peine étaient licites (ATA/1145/2015 précité).

h. Le Tribunal fédéral a également précisé que si de brèves interruptions d'un à deux jours n'étaient pas de nature à interrompre une période de détention dans des conditions illicites, il y avait en revanche lieu d'évaluer des interruptions plus longues dans le cadre d'une appréciation globale, qui tienne compte de toute la durée de la détention, de la durée précédant la période d'interruption et des autres conditions concrètes de détention (nombre journalier d'heures passées hors de la cellule ; possibilité de travailler ; visites ; hygiène; installations sanitaires ; régime alimentaire ; éclairage ; aération ; arrêts du Tribunal fédéral 1B_152/2015 précité consid. 2.7.2 et 1B_239/2015 précité consid. 2.5.2).

Le Tribunal fédéral a à cet égard jugé que des périodes de quatorze jours passés dans une cellule de plus de 4 m2 succédant à une période de neuf jours dans une cellule avec 3,83 m2, de onze jours faisant suite à soixante jours passés avec un espace individuel inférieur à 3,83 m2 pouvaient être considérés comme une période interrompant le départ du délai indicatif de trois mois. Il a toutefois retenu qu'une période de sept jours interrompant cent trente-cinq jours et quarante-huit jours en cellule non conforme à l'art. 3 CEDH, n'étaient pas suffisamment longues pour interrompre le délai indicatif de trois mois au-delà duquel les conditions de détention ne sont plus tolérables et sont contraires à la dignité humaine. Il en était de même d'un laps de temps de douze jours précédés de quarante-huit jours et suivi de trois cent vingt-neuf ne satisfaisant pas aux exigences de respect de la dignité humaine. Ces laps de temps de sept et douze jours n'étaient pas suffisamment longs pour interrompre le délai indicatif de trois mois au-delà duquel les conditions de détention n'étaient plus tolérables et étaient contraires à la dignité humaine. Ils n'étaient pas susceptibles de justifier l'ouverture d'une nouvelle période de trois mois, durant laquelle le détenu pouvait tolérer une surface individuelle nette inférieure à 4 m2 (arrêts du Tribunal fédéral 1B_152/2015 précité consid. 2.7.2 et 1B_239/2015 précité consid. 2.5.2 ; ATA/67/2016 précité consid. 8h).

Il a en outre considéré la possibilité de sortir de la cellule, entre une heure par jour et cinq heures quarante-cinq par jour une semaine sur deux pour travailler, était certes susceptible d'alléger les conditions de détention, mais que cette seule circonstance ne suffisait pas, en soi, dans la situation telle que décrite à la prison de Champ-Dollon, à rendre les conditions de détention conformes à l'art. 3 CEDH. Dès lors, l'hypothèse d'une prise de travail par le détenu ne permettait pas de considérer comme conformes à la dignité humaine les périodes de détentions subies dans un espace confiné de moins de 4 m2 par détenu (in casu cent quatre-vingt-quatre jours et cent quarante-neuf nuits; arrêt du Tribunal fédéral 1B_239/2015 du 29 septembre 2015 consid. 2.5.3 ; ACPR/650/2015 du 1er décembre 2015 consid. 3.1 ; ATA/695/2016 précité consid. 4i ; ATA/67/2016 précité consid. 8h).

i. Selon la jurisprudence de la chambre de céans, le fait que le recourant ait pu faire du sport une heure par semaine dans la grande salle ainsi que deux ou trois fois par semaine, « de manière cyclique » n’était pas de nature à modifier la conclusion selon laquelle le détenu était confiné vingt-trois heures sur vingt-quatre, vu le temps très limité hors de la cellule que cela représenterait (ATA/695/2016 du précité consid. 4j ; ATA/259/2016 du 22 mars 2016 consid. 6c).

De même, les visites de la famille, la promenade, et toutes les autres circonstances permettant au détenu de sortir par moments de sa cellule, telles que les visites de l’avocat, les appels téléphoniques, les consultations au service médical ou auprès des assistants sociaux, les offices religieux ou encore les audiences auprès des autorités judiciaires ne sauraient être comptabilisées comme des heures passées en dehors de la cellule (ATA/695/2016 du précité consid. 4j ; ATA/259/2016 du 22 mars 2016 consid. 6c).

8) En l'espèce, la période de détention faisant l’objet du recours va du 6 février au 5 juin 2015.

Il résulte du parcours cellulaire du recourant qu’il a séjourné quatre-vingt-un jours dans une cellule où il a bénéficié d’un espace individuel de 3,70 m2 et durant trente-et-un jours consécutifs dans une cellule où il a bénéficié d’un espace individuel de 3,39 m2 soit, dans l’ordre chronologique quarante-six jours avec un espace de 3,70 m2, six jours d’interruption, dix-sept jours avec un espace de 3,70 m2, un jour d’interruption, un jour avec un espace de 3,70 m2, trente et un jours avec un espace de 3,39 m2, dix jours avec un espace de 3,70 m2, un jour d’interruption et sept jours avec un espace de 3,70 m2.

En application des jurisprudences du Tribunal fédéral précitées, les très brefs moments d'un ou deux jours durant lesquels l'intéressé disposait d'une surface de plus de 4 m² n'interrompent pas cette période. Il en est de même de celle de six jours vu les périodes relativement longues la précédant et la succédant.

Ainsi, durant une période de cent douze jours – devant être considérés comme consécutifs – soit durant plus de trois mois de détention, le recourant a bénéficié d’un espace individuel net inférieur à 4 m2. Les possibilités limitées de sortie de la cellule (promenade une heure par jour, des cours de sport, éventuelle place de travail) sont des facteurs susceptibles d’alléger les conditions de détention sans être suffisants pour considérer les périodes de détentions subies dans un espace confiné de moins de 4 m2 comme conformes à la dignité humaine.

L’argument du DSE selon lequel l’un des codétenus quittait la cellule une heure par jour pour exercer son activité de nettoyeur ne permet pas de remettre en question le confinement de vingt-trois heures sur vingt-quatre, en raison du temps limité de ces absences et de la présence des effets personnels de ce codétenu continuant de loger de facto dans la même cellule que le recourant.

9) Au vu de ce qui précède, le recours sera admis dans la mesure où il est recevable.

La chambre de céans constatera que les conditions de détention du recourant en exécution de peine ont été illicites eu égard à la surface individuelle nette dont il a disposé de manière continue du 6 février au 5 juin 2015 inclus, durant cent douze jours.

10) Vu la nature du litige et son issue, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA ; art 12 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03) et une indemnité de CHF 1'000.- sera allouée au recourant, à la charge de l’État de Genève (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 22 juillet 2015 par Monsieur A______ contre le courrier respectivement la décision du directeur général de l’office cantonal de la détention du 1er juillet 2015 ;

admet, dans la mesure où il est recevable le recours interjeté le 22 juillet 2015 par Monsieur A______ contre les décisions du département de la sécurité et de l’économie des 17 et 20 juillet 2015 ;

annule les décisions du département de la sécurité et de l’économie des 17 et 20 juillet 2015 en tant qu’elles constatent la licéité des conditions de détention de Monsieur A______ relativement à la surface des cellules ;

constate que les conditions dans lesquelles s’est déroulée la détention de Monsieur A______ pendant la période du 6 février 2015 au 5 juin 2015, soit cent douze jours, ont été illicites au sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue à Monsieur A______ une indemnité de procédure de CHF 1'000.-, à la charge de l’État de Genève ;

dit que conformément aux art. 78 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière pénale ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pierre Bayenet, avocat du recourant, ainsi qu'au département de la sécurité et de l'économie.

Siégeants : Mme Junod, présidente, MM. Dumartheray et Verniory, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

Ch. Junod

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :