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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2816/2015

ATA/263/2017 du 07.03.2017 ( PRISON ) , REJETE

Descripteurs : ÉTABLISSEMENT PÉNITENTIAIRE ; DÉTENTION(INCARCÉRATION) ; RÉGIME DE LA DÉTENTION ; EXÉCUTION DES PEINES ET DES MESURES ; COMPÉTENCE RATIONE MATERIAE ; QUALITÉ POUR RECOURIR ; INTÉRÊT ACTUEL ; OBJET DU LITIGE ; INTERDICTION DES TRAITEMENTS INHUMAINS ; GARANTIE DE LA DIGNITÉ HUMAINE
Normes : LPA.60.al1 ; RRIP.1.al1 ; RRIP.1.al2 ; RRIP.1.al3.letb ; CLDPA.1.leta ; CLDPA.1.letb ; CLDPA.11.al1 ; CLDP.14.al1
Résumé : Recours contre une décision du DSE constatant, au jour du prononcé de la décision, la licéité des conditions de détention en exécution de peine du recourant. Le séjour passé par le recourant dans la prison de Champ-Dollon peut paraître long, mais s'explique par le manque de places disponibles au sein des établissements d'exécution de peine. Il n'existe aucune base légale autorisant le DSE a revoir les sanctions prononcées par les juridictions de fond, si bien qu'il ne lui appartenait pas de se prononcer sur une suspension de l'exécution de la peine, permettant ainsi au condamné d'attendre en liberté, qu'une place se libère dans un établissement de détention.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2816/2015-PRISON ATA/263/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 7 mars 2017

1ère section

 

dans la cause

 

M. A______
représenté par Me Pierre Bayenet, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE LA SÉCURITÉ ET DE L’ÉCONOMIE



EN FAIT

1) a. Par ordonnance pénale du 28 novembre 2014, M. A______ a été condamné par le Ministère public à une peine privative de liberté de septante jours, sous déduction de trois jours de détention avant jugement, pour infraction à la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20) et à la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 15 décembre 2000 (LStup - RS 812.121).

b. Par ordonnance pénale du 24 janvier 2015, M. A______ a été condamné par le Ministère public à une peine privative de liberté de trente jours, sous déduction de deux jours de détention avant jugement, pour infractions à la LEtr et à la LStup.

c. Par ordonnance pénale du 28 janvier 2015, M. A______ a été condamné par le Ministère public à une peine privative de liberté de soixante jours, sous déduction d’un jour de détention avant jugement pour infraction à la LStup.

d. Par ordonnance pénale du 27 mars 2015, M. A______ a été condamné par le Ministère public à une peine privative de liberté de cent cinquante jours, pour infraction aux art. 177 et 285 al. 1 du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0).

2) M. A______ est incarcéré à la prison de Champ-Dollon depuis le 6 mars 2015.

3) Le 21 juillet 2015, M. A______ a demandé au département de la sécurité et de l’économie (ci-après : DSE ou le département) de constater l’illicéité des conditions de détention en exécution de peine jusqu’à cette date, d’ordonner son transfert immédiat vers un établissement dans lequel il serait détenu sous le régime du travail externe, subsidiairement son transfert immédiat vers un établissement vers lequel il serait détenu en milieu ouvert, ainsi que de constater l’illicéité de l’absence d’établissement d’un plan d’exécution de sa sanction.

Il se plaignait de devoir exécuter sa sanction au sein de la prison de
Champ-Dollon, laquelle n’était pas destinée à l’exécution des peines. La détention en milieu ouvert étant la règle et la détention en milieu fermé étant l’exception, rien ne justifiait que M. A______ soit détenu en milieu fermé. Étant éligible au travail externe, le solde de sa peine devait être exécuté dans cette forme-là.

Il avait passé de longues périodes en cellule de type C1 occupée par trois personnes.

Il éprouvait de grandes difficultés à avoir accès aux soins médicaux alors qu’il était lourdement atteint dans sa santé.

4) Par décision du 17 août 2015, le conseiller d’État en charge du DSE a constaté que, du 6 mars 2015 au 21 juillet 2015, les conditions de détention de
M. A______ à la prison étaient licites et l’a débouté de toutes autres ou contraires conclusions.

a. M. A______ se trouvait en régime d’exécution de peine mais détenu dans un établissement de détention avant jugement, dont l’affectation était prioritairement réservée aux prévenus. À ce titre, et faute de place dans un établissement dédié à l’exécution de peine, que ce soit au sein du canton de Genève ou au sein d’un établissement concordataire, voire extra-concordataire,
M. A______ n’avait pas pu bénéficier des mêmes prestations que s’il avait été transféré dans un établissement spécifique. Ceci s’expliquait en raison du taux de suroccupation de la prison de Champ-Dollon d’une part, mais également de la pénurie de places dans les établissements d’exécution de peines des autres cantons d’autre part. Selon l’état de la banque de données au 25 novembre 2014, établie par l’office fédéral de la statistique (ci-après : OFS), le taux d’occupation des établissements de détention dans le cadre du concordat latin était de 116,7 % pour l’année 2014. Il était donc indéniable que les prisons du concordat étaient surpeuplées et que cela engendrait un problème incontestable quant aux possibilités de placement des détenus en exécution de peine dans des établissements appropriés.

b. Il ressortait du parcours cellulaire de M. A______ que du 6 mars 2015 au 21 juillet 2015, il avait bénéficié d’une surface individuelle nette de 3,39 m2 du 19 avril 2015 au 31 mai 2015 et du 12 juin 2015 au 15 juin 2015 uniquement. Même si cette surface était inférieure au standard en vigueur de 4 m2, elle ne saurait justifier à elle seule une violation de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950
(CEDH - RS 0.101). En effet, conformément à la jurisprudence, pour admettre une telle violation, il fallait la présence d’un autre élément préjudiciable ayant rendu les conditions de détention difficiles. Or, aucune des périodes précitées, respectivement quarante-trois et quatre jours, n’atteignait à elle seule le seuil indicatif de trois mois fixé par le Tribunal fédéral.

c. M. A______ n’avait pas apporté la preuve qu’il aurait éprouvé de grandes difficultés à avoir accès aux soins médicaux alors qu’il était lourdement atteint dans sa santé.

M. A______ avait d’ailleurs essayé de se soustraire à l’exécution de ses peines en tentant de s’évader lors d’un séjour à l’unité hospitalière de psychiatrie pénitentiaire (ci-après : UHPP) de l’établissement de Curabilis. Cela démontrait qu’il avait été pris en charge dans une unité hospitalisée et qu’il avait bénéficié d’un accès aux soins médicaux.

5) Par décision du 5 août 2015, notifiée le 8 août 2015 à M. A______, le service d’application des peines et des mesures (ci-après : SAPEM) a refusé le régime de travail externe à ce dernier, notamment en raison de l’existence d’un important risque de fuite.

6) Par acte du 22 août 2015, M. A______, sous la plume de son mandataire, a interjeté recours contre la décision du 17 août 2015 du conseiller d’État en charge du DSE auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), concluant à son annulation et à ce qu’il soit constaté l’illicéité des conditions de détention dans l’exécution de sa peine vu l’absence d’établissement d’un plan d’exécution de la sanction (ci-après : PES), l’absence de mise en place d’un régime progressif, ainsi que l’exécution d’une peine de plus de trois mois à la prison destinée à la détention avant jugement. Les conclusions étaient prises « sous suite de frais et dépens ».

Il existait en Suisse, en novembre 2014, environ sept cents places de détention disponibles pour l’exécution des peines. Par conséquent, le département ne pouvait pas justifier de ne pas transférer les détenus dans d’autres cantons, en particulier alémaniques, dans lesquels il y avait des places disponibles.

L’État ne saurait se réfugier derrière un manque de moyens pour justifier une violation de la loi, ou alors il devrait à tout le moins admettre l’existence de cette violation et indemniser ses victimes.

La détention avant jugement et la détention après jugement visaient des objectifs tout à fait différents. L’exécution des peines privatives de liberté visait à punir le condamné tout en lui offrant la possibilité d’améliorer son comportement social. La prison de Champ-Dollon n’offrait pas les conditions nécessaires à l’exécution des peines dès lors qu’elle n’était conçue que pour des détentions de courte durée.

M. A______ aurait pu être placé sur une liste et attendre en liberté qu’une place soit trouvée dans un établissement d’exécution de peine.

7) Le 21 septembre 2015, le DSE a conclu au rejet du recours et a transmis son dossier, reprenant pour l’essentiel la motivation de sa décision querellée.

Des réponses aux rapports du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (ci-après : CPT) avaient été rédigées suite à ses visites effectuées en Suisse du 10 au 20 octobre 2011 et du 24 septembre au 5 octobre 2007. S’agissant du transfèrement des personnes devant exécuter une sanction pénale dans des établissements d’exécution des peines et des mesures, les efforts étaient constants mais limités par le fait que lesdits établissements étaient complets et qu’ils refusaient d’accueillir plus de personnes détenues qu’ils n’avaient de places ; en 2007, le taux de condamnés séjournant à la prison de Champ-Dollon s’expliquait essentiellement par le fait que les délais d’attente pour les établissements d’exécution des peines étaient de plus en plus longs (par exemple quatorze mois pour les établissements de la Plaine de l’Orbe dans le canton de Vaud, un an pour l’établissement d’exécution de peine de Bellevue dans le canton de Neuchâtel).

Selon le rapport intitulé « état des lieux des établissements d’exécution des peines et des mesures 2013 pour l’ensemble de la Suisse (« planification des établissements ») » établi à la fin de l’année 2013, l’enquête menée auprès des autorités de placement au printemps 2013 avait permis de relever un besoin de sept cent vingt places supplémentaires pour l’ensemble de la Suisse. Il s’agissait de cent vingt places pour le Concordat de la Suisse orientale, cent places pour le Concordat de la Suisse du nord-ouest et de la Suisse centrale et cinq cents places pour le Concordat latin.

Par ailleurs, M. A______ ne pouvait pas attendre en liberté qu’une place se libère. Il n’existait aucune base légale autorisant le DSE à revoir les sanctions prononcées par les juridictions de fond, ce qui avait été confirmé par le Tribunal fédéral dans sa jurisprudence récente.

8) Le 8 octobre, M. A______ a brièvement répliqué et a persisté dans ses conclusions.

9) Le 9 octobre 2015, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) La chambre administrative examine d’office sa compétence, qui est déterminée par la loi et ne peut être créée par accord entre les parties (art. 11 al. 1 et 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA -
E 5 10 ;
ATA/654/2015 du 23 juin 2015 consid. 1). Celle-ci est définie à l’art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05). La chambre administrative est l’autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (art. 132 al. 1 LOJ). Le recours est ouvert contre les décisions des autorités et juridictions administratives au sens des art. 4, 4A, 5, 6 al. 1 let. a et e, et 57 LPA, sauf exceptions prévues par la loi (art. 132 al. 2 LOJ) ou lorsque le droit fédéral ou une loi cantonale prévoit une autre voie de recours (art. 132
al. 8 LOJ), ou encore lorsque la saisine est prévue dans des lois particulières
(art. 132 al. 6 LOJ).

2) En revanche, les griefs relatifs à l’application des dispositions du CP en matière d’exécution des peines privatives de liberté (art. 74 ss CP), – en l’occurrence la mise en place d’un régime progressif, notamment le PES et la libération conditionnelle (art. 75 al. 3 CP) ou encore l’exécution de peine sous forme de travail externe (art. 77 al. 1 CP) ou de semi-détention (art. 77 al. 2 CP) – doivent être portés devant la chambre pénale des recours de la Cour de justice (ci-après : CPR) en application des art. 40 et 42 let. a de la loi d’application du code pénal suisse et d’autres lois fédérales en matière pénale du 27 août 2009 (LaCP - E 4 10). Ces griefs ne sont donc, selon la jurisprudence récente de la chambre de céans, pas recevables devant cette dernière (ATA/695/2016 du 23 août 2016 consid. 3).

3) a. Aux termes de l’art. 60 al. 1 LPA, ont qualité pour recourir les parties à la procédure ayant abouti à la décision attaquée (let. a), ainsi que toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée (let. b). Les let. a et b de cette disposition doivent se lire en parallèle. Ainsi, le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s’il était partie à la procédure de première instance (ATA/1145/2015 du 27 octobre 2015 consid. 3a ; ATA/65/2015 du 13 janvier 2015 consid. 2b ; ATA/193/2013 du 26 mars 2013 consid. 2b).

b. Selon la jurisprudence, le recourant doit avoir un intérêt pratique à l’admission du recours, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage, de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 138 II 162 consid. 2.1.2 p. 164 ; 137 II 30 consid. 2 p. 32 ss ; 137 II 40 consid. 2.6.3 p. 46 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_152/2012 du 21 mai 2012 consid. 2.1 ; ATA/774/2015 du 28 juillet 2015 consid. 2a).

c. Un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l’annulation de la décision attaquée (ATF 138 II 42 consid. 1 p. 44 ; 137 I 23 consid 1.3 p. 24 s. ; 135 I 79 consid. 1 p. 82 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_495/2014 du 23 février 2015 consid. 1.2 ; 8C_897/2012 du 2 avril 2013 ; 2C_892/2011 du 17 mars 2012 consid. 1.2 ; 2C_811/2011 du 5 janvier 2012 consid. 1). L’existence d’un intérêt actuel s’apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours
(ATF 137 I 296 consid. 4.2 p. 299 ; 136 II 101 consid. 1.1 p. 103).

La condition de l’intérêt actuel fait défaut en particulier lorsque, par exemple, la décision ou la loi est révoquée ou annulée en cours d’instance (ATF 111 Ib 182 consid. 2 p. 185 ; 110 Ia 140 consid. 2 p. 141 s. ; 104 Ia 487 consid. 2 p. 488 ; ATA/124/2005 du 8 mars 2005 consid. 1c), la décision attaquée a été exécutée et a sorti tous ses effets (ATF 125 I 394 consid. 4 p. 396 ss ;
120 Ia 165 consid. 1a p. 166 et les références citées ; ATA/65/2015 précité
consid. 3a), le recourant a payé sans émettre aucune réserve la somme d’argent fixée par la décision litigieuse (ATF 106 Ia 151 consid. 1b p. 153 ; 99 V 78 consid. b p. 80 s.) ou encore, en cas de recours concernant une décision personnalissime, lorsque le décès du recourant survient pendant l’instance
(ATF 113 Ia 351 consid. 1 p. 352 ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 748 n. 5.7.2.3).

d. Il est toutefois renoncé à l’exigence d’un intérêt actuel lorsque cette condition de recours fait obstacle au contrôle de la légalité d’un acte qui pourrait se reproduire en tout temps, dans des circonstances semblables et qui, en raison de sa brève durée ou de ses effets limités dans le temps, échapperait ainsi toujours à la censure de l’autorité de recours (ATF 139 I 206 consid. 1.1 p. 208 ; 136 II 101 consid. 1.1 p. 103 ; 135 I 79 consid. 1.1 p. 81 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_477/2012 du 27 mars 2013 consid. 2.3 ; 1C_9/2012 du 7 mai 2012 consid. 1.2 ; ATA/236/2014 du 8 avril 2014 consid. 2d) ou lorsqu’une décision n’est pas susceptible de se renouveler mais que les intérêts des recourants sont particulièrement touchés avec des effets qui vont perdurer (ATF 136 II 101 consid. 1.1 p. 103 ; 135 I 79 consid. 1.1 p. 81). Cela étant, l’obligation d’entrer en matière sur un recours, dans certaines circonstances, nonobstant l’absence d’un intérêt actuel, ne saurait avoir pour effet de créer une voie de recours non prévue par le droit cantonal (ATF 135 I 79 consid. 1 p. 81 ; 131 II 361 consid. 1.2 p. 365 ; 128 II 34 consid. 1b p. 36 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_133/2009 du 4 juin 2009 consid. 3 ; 1C_76/2009 du 30 avril 2009 consid. 2).

e. S’agissant d’une sanction disciplinaire déjà exécutée au moment de statuer sur recours, lorsque le recourant est encore en détention au moment du prononcé de l’arrêt, la chambre administrative fait en principe abstraction de l’exigence d’un intérêt actuel, faute de quoi une telle mesure échapperait systématiquement à son contrôle (ATA/348/2015 du 14 avril 2015 consid. 2e ; ATA/521/2014 du 1er juillet 2014 consid. 3c et les références citées).

f. En l’espèce, quand bien même le recourant serait sorti de prison, il n’en demeure pas moins que le recours est dirigé non pas contre une décision prononçant à son encontre une mesure disciplinaire, mais contre une décision constatant la licéité de ses conditions de détention. Or, le recourant conclut à la constatation de l’illicéité de ses conditions de détention. Compte tenu du fait qu’une décision constatatoire sujette à recours a été rendue par le DSE, il conserve un intérêt actuel à contester cette dernière et donc la licéité de ses conditions de détention, tout au moins afin de faire valoir ses prétentions en indemnisation devant la juridiction compétente.

Dans ces circonstances, le recourant a la qualité pour recourir et son recours sera déclaré recevable.

4) a. À teneur de l’art. 1 du règlement sur le régime intérieur de la prison et le statut des personnes incarcérées du 30 septembre 1985 (RRIP - F 1 50.04), la prison de Champ-Dollon est un établissement réservé aux prévenus, soit aux personnes placées en détention préventive (al. 1). Elle reçoit également les personnes condamnées en application du droit pénal ordinaire ou du droit pénal militaire à une peine d’arrêts ou d’emprisonnement de trois mois au plus, ou qui doivent subir un solde de peine d’une durée inférieure à trois mois, pour autant qu’elles ne puissent être placées dans un établissement pour des condamnés à de courtes peines (al. 2 let. a). Exceptionnellement, elle peut accueillir des condamnés autres que les personnes mentionnées à l’al. 2 let. a (al. 3 let. b).

b. Le concordat sur l’exécution des peines privatives de liberté et des mesures concernant les adultes et les jeunes adultes dans les cantons latins (concordat latin sur la détention pénale des adultes) du 10 avril 2006 (CLDPA - E 4 55) convenu par les cantons de Fribourg, Vaud, Valais, Neuchâtel, Genève, Jura, ainsi que le canton du Tessin, régit notamment l’exécution des peines privatives de liberté, ainsi que l’exécution anticipée de la peine (art. 1 let. a et b CLDPA). Sous réserve de l’octroi des crédits nécessaires par les gouvernements et les parlements des cantons partenaires concernés, ainsi que des subventions fédérales, les cantons partenaires s’engagent selon la planification de la Conférence, en vertu du présent concordat, à mettre à disposition les structures et les établissements prévus par le droit fédéral et à les doter des moyens et du personnel nécessaires (art. 11
al. 1 CLDPA). Les cantons partenaires s’engagent à placer dans les établissements ou les sections d’établissements reconnus par la Conférence les personnes détenues et internées auxquelles s’applique le présent concordat (art. 14
al. 1 CLDPA).

c. Selon les statistiques de l’OFS du 22 novembre 2016 (T19.04.01.24) concernant la privation de liberté, l’effectif des détenus au jour du relevé, et portant sur le Concordat sur l’exécution des peines dans les cantons latins, le taux d’occupation dans les établissements d’exécution de peine était de 108,3 % pour l’année 2015 et de 104,6 % pour l’année 2016.

5) En l’espèce, il ressort de la statistique précitée que le taux d’occupation dans les établissements d’exécution de peine était de 108,3 % pour l’année 2015, ce qui signifie que les places disponibles étaient inférieures au nombre de détenus devant exécuter leur peine. Il convient de prendre en compte les chiffres pour l’ensemble des établissements suisses, et non pas uniquement d’une partie de ceux-ci comme le fait le recourant.

Le fait que le nombre de places disponibles dans les établissements d’exécution de peine soit inférieur au nombre de détenus devant exécuter leur peine constitue une situation exceptionnelle au sens de l’art. 1 al. 3 let. b RRIP (ATA/67/2016 du 26 janvier 2016 consid. 4f), quand bien même la peine à exécuter est supérieure à trois mois.

S’il est vrai que le séjour passé par le recourant dans la prison de
Champ-Dollon peut paraître long, ceci s’explique ainsi par le manque de places disponibles au sein des établissements d’exécution de peine. En tout état de cause, il n’apparaît pas – et le recourant ne l’allègue d’ailleurs pas – qu’il aurait sollicité du SAPEM un transfert rapide au sein d’un établissement d’exécution des peines.

Enfin, comme l’a à juste titre constaté l’intimé dans sa réponse du
21 septembre 2015, il n’existe aucune base légale autorisant le DSE à revoir les sanctions prononcées par les juridictions de fond. Le Tribunal fédéral a confirmé dans l’arrêt 6B_573/2015 du 17 juillet 2015, publié aux ATF 141 IV 349, que « le DSE n’avait aucune compétence légale pour abaisser le quantum d’une peine ni modifier le calcul des étapes qui en découlaient » (consid. 4.1). Par conséquent, il ne lui appartenait pas de se prononcer sur une suspension de l’exécution de la peine permettant ainsi au condamné d’attendre, en liberté, qu’une place se libère dans un établissement de détention.

Partant, les conditions de détention du recourant du 6 mars 2015 au
21 juillet 2015 étaient licites.

6) Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté, en tant qu’il est recevable.

7) Vu la nature du litige et le fait que le recourant est au bénéfice de l’assistance juridique, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 12 al. 1 et 13 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée au recourant (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette, en tant qu’il est recevable, le recours interjeté le 22 août 2015 par M. A______ contre la décision du 17 août 2015 du conseiller d’État en charge du département de la sécurité et de l’économie ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière pénale ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pierre Bayenet, avocat du recourant, ainsi qu’au département de la sécurité et de l’économie.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. Rodriguez Ellwanger

 

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :