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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1850/2011

ATA/763/2015 du 28.07.2015 sur JTAPI/995/2014 ( ICCIFD ) , REJETE

Recours TF déposé le 14.09.2015, rendu le 17.09.2015, IRRECEVABLE, 2C_814/2015, 2C_815/2015, 2F_20/2015
Recours TF déposé le 23.11.2015, rendu le 20.04.2017, REJETE, 2C_814/2015, 2C_815/2015, 2F_20/2015
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1850/2011-ICCIFD ATA/763/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 28 juillet 2015

1ère section

 

dans la cause

 

A______ SA
représentée par Mazars SA, mandataire

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 18 septembre 2014 (JTAPI/995/2014)


EN FAIT

1) Selon le registre du commerce de Genève, A______ SA (ci-après : la contribuable ou la recourante) a pour but l’achat, la distribution et la vente de combustibles, de produits pétroliers raffinés de tout genre, ainsi que de produits semblables, de produits chimiques, de sucre et autres produits agricoles, de charbon et de certificats d'émission de carbone. Son capital-actions est de CHF 100'000.-.

2) Sur le plan fiscal cantonal, elle est au bénéfice d'un statut de société auxiliaire au sens de l'art. 23 de la loi sur l'imposition des personnes morales du 23 septembre 1994 (LIPM - D 3 15).

3) Appartenant au groupe international B______, actif dans le commerce du sucre et de matières premières, elle déploie ses activités presque exclusivement à l’étranger et tient sa comptabilité en dollars américains (USD) qui constitue sa monnaie fonctionnelle. Afin de répondre aux exigences de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 (Livre cinquième : Droit des obligations - CO - RS 220) et du droit fiscal suisse, elle convertit en fin d’année ses comptes en francs suisses (CHF), soit en monnaie de présentation.

4) Pour ce faire, elle applique la méthode dite du cours de clôture : les éléments figurant au bilan sont convertis en utilisant le cours du 31 décembre de l'année en question, alors que la conversion des comptes de produits et de charges utilise le cours moyen de la même année.

5) La procédure de taxation de la contribuable, pour l’ICC et l’IFD 2005 à 2009, ainsi que les faits à l’appui de celle-ci, peuvent se résumer comme suit :

Année fiscale 2005

Par lettre du 15 septembre 2010, l'administration fiscale cantonale (ci-après : l'AFC) a informé la contribuable que le bordereau provisoire ICC 2005 du 22 décembre 2006, dont le bénéfice imposable inclut un gain de conversion de CHF 1'294'891.-, conformément à sa déclaration fiscale, était devenu définitif.

Par bordereau de taxation définitive du 15 septembre 2010, l'AFC a exclu de l'assiette imposable le gain de conversion précité pour l'IFD 2005. Celui-ci s'est ainsi élevé à CHF 731'960.50 sur la base d'un bénéfice imposable de CHF 8'611'315.- au lieu de CHF 9'906'206.- déclaré par la contribuable.

Tant au niveau de l’ICC que de l’IFD, l’AFC a procédé à la taxation de CHF 5'714'911.- de capital propre dissimulé, tel que déclaré par la contribuable.

Un dividende de CHF 1'500'000.- voté fin 2005, a été versé aux actionnaires le 29 novembre 2006.

Année fiscale 2006

Par bordereaux de taxation IFD et ICC 2006 du 23 septembre 2010, l'AFC a procédé à la reprise d'une perte de conversion de CHF 1'071'807.-.

Dans le calcul du capital imposable, ladite perte a été déduite.

L’AFC a par ailleurs repris un montant de CHF 15'058'712.-, au titre de capital propre dissimulé, en ICC comme en IFD.

Un dividende de CHF 1'500'000.- voté fin 2006, a été versé aux actionnaires le 30 octobre 2007.

Année fiscale 2007

Par bordereaux de taxation IFD et ICC 2007 du 23 septembre 2010, l'AFC a procédé à la reprise d'une perte de conversion de CHF 1'203'957.-.

Dans le calcul du capital imposable, ladite perte a été déduite.

L’AFC a par ailleurs repris un montant de CHF 91'187'689.- au titre de capital propre dissimulé, en ICC comme en IFD.

Les dettes commerciales à court terme envers les sociétés affiliées s’élevaient, au 8 novembre 2007, à environ USD 89'000'000.-, alors qu’elles ascendaient à USD 495’00'000.- au 31 décembre de la même année.

Aucun dividende n’a été versé en 2007.

Année fiscale 2008

Par bordereaux de taxation IFD et ICC 2008 du 23 septembre 2010, l'AFC a procédé à la reprise d'une perte de conversion de CHF 1'037'918.-.

Dans le calcul du capital imposable, ladite perte a été déduite.

Aucun dividende n’a été versé en 2008.

Année fiscale 2009

Par bordereaux de taxation IFD et ICC 2009 du 23 septembre 2010, l'AFC a procédé à la reprise d'une perte de conversion de CHF 489'288.-.

Dans le calcul du capital imposable, ladite perte a été déduite.

 

Aucun dividende n’a été versé en 2009.

6) Par courrier de son mandataire du 15 octobre 2010, la contribuable a élevé réclamation à l'encontre des bordereaux de taxation précités ICC et IFD 2005 à 2009, selon l’intitulé du courrier correspondant. Il appert toutefois, à teneur des conclusions prises dans ce cadre, que l’ICC 2005 n’était pas contesté.

7) Par neuf décisions datées du 5 mai 2011, l'AFC a maintenu inchangés les bordereaux ICC 2006 à 2009 et IFD 2005 à 2009.

Concernant les écarts de conversion, le Tribunal fédéral avait admis qu'en l'absence de réponse fournie par le droit suisse, les autorités fiscales pouvaient s'inspirer des normes IFRS (International Financial Reporting Standards). Selon celles-ci, les écarts de conversion ne devaient pas figurer dans le compte de profits et pertes, mais seulement au bilan en tant que composante distincte des fonds propres. La simple conversion des comptes tenus dans une monnaie fonctionnelle à une monnaie de présentation devait être distinguée des opérations de change (opérations commerciales concrètes effectuées dans une monnaie différente de la monnaie fonctionnelle de l'entreprise qui est également sa monnaie de présentation). Selon la jurisprudence, le fait que les opérations de change soient traitées différemment des écarts de conversion ne constituait pas une inégalité de traitement, puisque l'analogie entre les écarts de conversion et les opérations de change n'était pas fondée. La correction apportée aux états financiers ne violait pas le principe dit de « déterminance » (principe de l'autorité du bilan commercial), dans la mesure où les autorités fiscales pouvaient s'écarter des comptes présentés lorsque ceux-ci n’étaient pas établis conformément aux règles comptables.

S'agissant du capital propre dissimulé, la reprise résultait de la stricte application de la circulaire de l'administration fédérale des contributions n° 6 du 6 juin 1997 concernant le capital propre dissimulé de sociétés de capitaux et de sociétés coopératives (art. 65 et 75 LIFD) (ci-après : la circulaire). Bien qu'il soit possible de s'écarter des ratios préconisés moyennant justification, la contribuable n'avait ni démontré qu'un financement externe tiers, supérieur à ces ratios, aurait été disponible, ni motivé le ratio de 93 % sollicité. Sur le plan fiscal, conformément à un arrêt de la Chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), si les dividendes à distribuer n’étaient pas considérés comme des fonds propres imposables, ils devaient nécessairement être assimilés à des fonds étrangers, soit des dettes (ATA/167/2005). Selon la doctrine, il fallait conclure à l'existence de capital propre dissimulé même si les fonds mis à disposition par les actionnaires ou leurs proches ne portaient pas intérêts.

8) Par jugement du 18 septembre 2014, le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) a rejeté le recours interjeté le 8 juin 2011 par la contribuable contre ces décisions.

Concernant les pertes de conversion, la jurisprudence, tant fédérale que cantonale, avait confirmé que celles-ci ne pouvaient figurer dans le compte de profits et pertes. Les reprises liées au capital propre dissimulé étaient par ailleurs justifiées pour des motifs qui seront discutés, dans la mesure utile, ci-après.

9) Par acte du 23 octobre 2014, complété par une réplique du 30 janvier 2015, A______ SA a recouru contre ce jugement auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) en concluant à l’annulation des reprises des pertes de conversion ICC et IFD 2006 à 2009 et à la neutralisation du gain de conversion 2005 pour l’IFD 2005. Concernant le capital propre dissimulé, elle sollicitait l’application d’un ratio de 93 % de fonds étrangers sur les débiteurs et les stocks de marchandises, l’absence de prise en compte des dividendes, des créances à court terme (trente jours) et des dettes commerciales intragroupe à court terme « pour les taxations 2005, 2006 et 2007 ». Elle demandait par ailleurs à ce qu’elle ne soit pas condamnée au paiement d’intérêts moratoires, en cas de rejet de ses conclusions, mais qu’en revanche, des intérêts moratoires lui soient versés sur les sommes qu’elle avait payées à tort.

a. Ses arguments concernant les pertes de conversion seront discutés dans la partie en droit ci-après.

b. Concernant le capital propre dissimulé, elle contestait l’application à son cas de la circulaire, s’agissant de ses fonds étrangers. Pour savoir si le financement au moyen de fonds étrangers était authentique ou constituait du capital social déguisé (sous-capitalisation), il fallait se demander si un tiers indépendant aurait exposé des fonds aux mêmes risques que le créancier-actionnaire. Si tel était le cas, une reprise n’était pas possible. L’OCDE avait indiqué, dans un commentaire relatif à la sous-capitalisation, que les ratios fonds d’emprunt/fonds propres n’étaient que des standards et que leur application pouvait être arbitraire dans certains cas particuliers. L’important était que ces ratios – s’ils étaient différents de ceux prévus par la circulaire – soient conformes aux conditions du marché. Pour cette raison, la circulaire prévoyait des ratios différents pour les sociétés financières. La spécificité des sociétés de trading actives dans le domaine du pétrole étaient sujettes à de brusques fluctuations de prix, qui étaient fonction de facteurs sur lesquels celles-là n’avaient pas la maîtrise (facteurs politiques, comportements spéculatifs, pénurie ou surabondance de pétrole, etc). Les ratios prévus par la circulaire ne tenaient pas compte de ces spécificités et du fait que la durée habituelle de financement de ses opérations de négoce était de trente jours. Il convenait d’appliquer aux sociétés de trading un ratio de 93 % de fonds étrangers sur les débiteurs et les stocks de marchandises, car cela correspondait aux conditions du marché de l’activité en question, ainsi qu’il résultait d’un article paru dans une brochure publiée par la Swiss Trading and Shipping Association (STSA), dont la branche genevoise était Geneva Trading and Shipping Association (GTSA). Selon cette publication, qui devait être admise comme moyen de preuve, il était usuel que les banques acceptassent de financer les transactions sur les matières premières à hauteur de 100 % de la valeur des marchandises en raison de la nature à court terme des transactions, de la capacité de gérer les fluctuations des prix grâce à des opérations de couverture (hedging) et l’existence d’un contrat tripartite qui garantissait à la banque les revenus des opérations de couverture. Il fallait ajouter la garantie offerte par la marchandise elle-même, le fait que celle-ci était assurée, la gestion rigoureuse du risque de défaut de la société débitrice, les profits substantiels générés dans le domaine du trading, etc.

c. Les dividendes versés aux actionnaires, repris par l’AFC au titre de capital propre dissimulé, ne pouvaient être considérés comme des fonds propres. Ils ne constituaient pas non plus de dettes. D’ailleurs, ils n’avaient pas été rémunérés (pas d’intérêts versés entre le moment où ils avaient été votés et leur versement, environ une année plus tard).

d. Il en allait de même des dettes intragroupe à court terme (trente jours), qui n’étaient pas rémunérées et ne pouvaient être considérées comme des dettes envers ses actionnaires.

10) Le 27 octobre 2014, le juge délégué a accordé un délai à l’AFC pour se déterminer sur les aspects du recours liés au capital dissimulé.

11) Le 27 novembre 2014, l’AFC a conclu au rejet du recours pour des motifs qui seront exposés dans la mesure utile ci-après.

12) Le 2 février 2015, après que la recourante a répliqué, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) La recourante conclut notamment à l’annulation « des taxations 2005 ».

Le bordereau de taxation ICC 2005 n’a pas été porté devant le TAPI dans la présente procédure. Cette juridiction n’ayant pas statué sur cet objet dans le jugement attaqué, cette conclusion est irrecevable si elle vise ce dernier bordereau (JAAC 1999, n. 78 p. 734 ; ATA/500/2014 du 1er juillet 2014 ; ATA/92/2009 du 24 février 2009 ; ATA/812/2005 du 29 novembre 2005 ; Benoît BOVAY, Procédure administrative, 2000, p. 390-391).

Le litige concerne donc l’IFD 2005 à 2009 et l'ICC 2006 à 2009.

IFD 2005 à 2009

3) Aux termes de l’art. 57 LIFD, l’impôt sur le bénéfice a pour objet le bénéfice net. Selon l’art. 58 al. 1 LIFD, le bénéfice net imposable comprend notamment le solde du compte de résultats, compte tenu du solde reporté de l’exercice précédent (let. a) ; tous les prélèvements opérés sur le résultat commercial avant le calcul du solde du compte de résultat, qui ne servent pas à couvrir des dépenses justifiées par l’usage commercial, tels que les frais d’acquisition, de production ou d’amélioration d’actifs immobilisés, les amortissements et les provisions qui ne sont pas justifiés par l’usage commercial, les versements aux fonds de réserve, la libération du capital propre au moyen de fonds appartenant à la personne morale, à condition qu’ils proviennent de réserves constituées par des bénéfices qui n’ont pas été imposés, les distributions ouvertes ou dissimulées de bénéfice et les avantages procurés à des tiers qui ne sont pas justifiés par l’usage commercial (let. b) ; les produits qui n’ont pas été comptabilisés dans le compte de résultats, y compris les bénéfices en capital, les bénéfices de réévaluation et de liquidation, sous réserve de l’art. 64 LIFD (let. c). L’objet de l’impôt correspond à l’accroissement de la fortune de l’entreprise durant l’exercice fiscal. Il frappe la différence de fonds propres entre le début et la fin de la période déterminante (ATF 136 II 88 consid. 3.1).

En définissant le bénéfice imposable par renvoi au solde du compte de résultats, l’art. 58 al. 1 let. a LIFD énonce le principe de l’autorité du bilan commercial ou de déterminance (« Massgeblichkeitsprinzip »), selon lequel le bilan commercial est déterminant en droit fiscal. Les comptes établis conformément aux règles du droit commercial lient les autorités fiscales, à moins que le droit fiscal ne prévoie des règles correctrices spécifiques. L’autorité peut en revanche s’écarter du bilan remis par le contribuable lorsque des dispositions impératives du droit commercial sont violées ou des normes fiscales correctrices l’exigent (ATF 137 II 353 consid. 6.2 ; ATF 136 II 88 consid. 3.1 ; ATF 119 Ib 111 consid. 2c ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_645/2012 du 13 février 2013 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_71/2009 du 10 juin 2009 consid. 7.1 ; Robert DANON, Commentaire Romand, Impôt fédéral direct, 2008, n. 33 à 55 et 62 ad art. 57-58 LIFD).

Le droit fiscal et le droit comptable suisses poursuivent en effet des objectifs différents. Le premier recherche une présentation qui fasse ressortir au mieux le résultat effectif et la réelle capacité contributive de l’entreprise, tandis que le second est avant tout orienté sur la protection des créanciers et fortement marqué par le principe de prudence. Dans ce contexte, les règles correctrices fiscales figurant à l’art. 58 al. 1 let. b et c LIFD visent à compenser le fait que le résultat comptable puisse s’éloigner de la réalité économique ; elles assurent une imposition du bénéfice qui tienne compte au mieux de la réelle situation patrimoniale d’une société. Par leur intermédiaire, le droit fiscal cherche à se rapprocher d’un système fondé sur le principe de l’image fidèle (« true and fair »), comme celui prévalant dans les normes de comptabilité internationales
(Pierre-Marie GLAUSER, Apports et impôt sur le bénéfice, vol. 2, 2005, p. 96-97).

4) Le droit suisse de la comptabilité commerciale figure aux art. 957 et suivants du CO. Ces dispositions ont été modifiées, par révision du 23 décembre 2011, entrée en vigueur le 1er janvier 2013 (RO 2012 6679-6702). L’objectif poursuivi était d’uniformiser les règles comptables pour toutes les formes de sociétés régies par le droit privé, moyennant l’abrogation des normes spéciales du droit de la société anonyme, et de différencier les exigences selon l’importance économique de l’entreprise (Message du Conseil fédéral concernant la révision du CO, du 21 décembre 2007, FF 2008 1407, p. 1410).

Le nouvel art. 959a CO définit la structure minimale du bilan et du compte de résultat en s’appuyant sur la conception plus condensée du référentiel IFRS (« International Financial Reporting », anciennement IAS, « International Accounting Standards ») (FF 2008 1407, p. 1443 et 1525). Pour le reste, la révision a repris le principe de l’autorité du bilan commercial, les états financiers établis selon le CO servant toujours de base à la taxation, de sorte qu’elle n’a pas eu d’incidences fiscales (FF 2008 1407, 1444).

Selon le nouvel art. 957a al. 4 CO, la comptabilité est tenue dans la monnaie nationale ou dans la monnaie la plus importante au regard des activités de l’entreprise. Dans l’intérêt d’une économie de dimension internationale, il était important de permettre la tenue de la comptabilité dans la monnaie la plus importante eu égard aux activités de l’entreprise (monnaie fonctionnelle). Le choix d’une monnaie étrangère doit toutefois se justifier objectivement (cf. Message du Conseil fédéral concernant la révision du code des obligations, du 21 décembre 2007, FF 2008 1407, p. 1517). Aux termes de l’art. 958 d al. 3 CO, les comptes sont établis dans la monnaie nationale ou dans la monnaie la plus importante au regard des activités de l’entreprise. S’ils ne sont pas établis dans la monnaie nationale, les contre-valeurs en monnaie nationale doivent aussi être indiquées. Les cours de conversion utilisés sont mentionnés et éventuellement commentés dans l’annexe. Étant donné que les comptes annuels, bien plus que la comptabilité, sont destinés à des usagers externes et que l’on ne peut exiger des destinataires qu’ils procèdent eux-mêmes aux conversions monétaires, l’indication des montants dans la monnaie nationale est exigée. Cela était d’autant plus nécessaire que les comptes annuels établis selon le CO servent de base à la taxation (FF 2008 1407, p. 1522).

Selon l’art. 2 al. 1 des dispositions transitoires de la modification du 23 décembre 2011, le titre trente-deuxième du CO traitant de la comptabilité commerciale et de la présentation des comptes est applicable à compter de l’exercice débutant deux ans après l’entrée en vigueur de la modification.

Le litige porte sur des décisions de taxation IFD des années 2005 à 2009. C’est donc à l’aune de l’ancien droit, dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2012, qu’il doit être résolu.

5) Selon les art. 958 et suivants aCO, toute personne qui doit tenir une comptabilité doit présenter un inventaire, un bilan et un compte de résultats à la fin de chaque exercice en respectant les principes généralement admis dans le commerce. S’agissant des sociétés anonymes, le compte de profits et pertes fait ressortir le bénéfice ou le déficit de l’exercice (art. 663 al. 4 aCO). Les comptes annuels, dont fait partie le compte de profits et pertes (art. 662 al. 2 aCO), sont dressés conformément aux principes régissant l’établissement régulier des comptes de manière à donner un aperçu aussi sûr que possible du patrimoine et des résultats de la société (art. 662a al. 2 aCO). À teneur de l’art. 960 al. 1 aCO, les articles de l’inventaire, du compte d’exploitation et du bilan sont exprimés en monnaie suisse. Cette exigence ne vaut que pour les comptes en début et à la fin de l’exercice annuel. Partant, en cours d’exercice, les comptes peuvent être tenus dans une monnaie étrangère, mais doivent en fin d’exercice être convertis en monnaie suisse (ATF 136 II 88 consid. 4.1 ; Henri TORRIONE, Commentaire romand, Code des obligations II, 2008, ad. art. 960, p. 2193 n. 2).

Sur ce point, l’ancien et le nouveau droit comptable prévoient donc une réglementation similaire.

6) Pour le surplus, le droit comptable ne règle pas la conversion des comptes tenus en monnaie fonctionnelle étrangère dans la monnaie nationale de présentation.

Le passage de la monnaie fonctionnelle à la monnaie de présentation produit généralement des écarts de conversion ou de change qui résultent de la différence entre le cours de clôture, utilisé pour convertir les actifs et passifs figurant au bilan, et le cours utilisé pour convertir les produits et les charges du compte de pertes et profit, qui doit être celui du moment de la transaction ou, par simplification, le cours moyen de l’année.

7) Les écarts de conversion ou de change doivent être distingués des opérations de change ; les premiers sont des opérations comptables d’ajustement de valeurs qui sont destinées à enregistrer des probabilités, tandis que les seconds se rapportent à des opérations commerciales effectuées dans une monnaie différente de la monnaie fonctionnelle de l’entreprise et donnant lieu à des pertes ou à des gains effectifs (Eric CAUSIN, Droit comptable des entreprises, 2002, p. 778-783 n. 1179-1190).

Le Manuel suisse d’audit (ci-après : MSA) recommande d’utiliser la méthode du cours de clôture (« current ou closing rate method ») pour gérer comptablement ces écarts. Il préconise de convertir les actifs et dettes au cours de clôture, le compte de résultat et les mouvements de capitaux propres au cours annuel moyen, les capitaux propres aux cours historiques et de saisir les différences de conversion avec effet sur le résultat, compte tenu du principe d’imparité (provision pour bénéfices non réalisés) » (Chambre fiduciaire, Manuel suisse d’audit, 2009, tome I, p. 155 ch. 6.1.2.3).

8) Les normes comptables internationales, élaborées par le bureau des standards comptables internationaux, prévoient un autre mode de comptabilisation des écarts de conversion litigieux.

a. Selon la norme IAS/IFRS 21 relative aux « effets des variations des cours des monnaies étrangères », dans sa teneur de juin 2011, « l’entité peut présenter ses états financiers dans la monnaie (ou les monnaies) de son choix. Si sa monnaie de présentation est différente de sa monnaie fonctionnelle, l’entité convertit ses résultats et sa situation financière dans la monnaie de présentation (…) (ch. 38). Les résultats et la situation financière d’une entité dont la monnaie fonctionnelle n’est pas la monnaie d’une économie hyperinflationniste doivent être convertis en une autre monnaie de présentation, selon les procédures suivantes : (a) les actifs et les passifs de chaque état de la situation financière présenté (y compris à titre comparatif) doivent être convertis au cours de clôture à la date de chacun de ces états de la situation financière ; (b) les produits et les charges de chaque état présentant le résultat net et les autres éléments du résultat global (y compris ceux présentés à titre comparatif) doivent être convertis au cours de change en vigueur aux dates des transactions ; et (c) tous les écarts de change en résultant doivent être comptabilisés en autres éléments du résultat global (ch. 39). Pour des raisons pratiques, un cours approchant les cours de change aux dates des transactions, par exemple un cours moyen pour la période, est souvent utilisé pour convertir les éléments de produits et de charges (…) (ch. 40). Les écarts de change mentionnés au paragraphe 39(c) résultent de : (a) la conversion des produits et des charges au cours de change en vigueur à la date des transactions et la conversion des actifs et des passifs au cours de clôture ; (b) la conversion de l’actif net à l’ouverture, à un cours de clôture différent du cours de clôture précédent. Ces écarts de change ne sont pas comptabilisés en résultat net parce que les variations des cours de change n’ont que peu ou pas d’effet direct sur les flux de trésorerie actuels et futurs liés à l’activité. Le montant cumulé des écarts de change est présenté dans une composante distincte des capitaux propres jusqu’à la sortie de l’établissement à l’étranger (ch. 41) ».

b. La norme IAS/IFRS 1 relative à la « présentation des états financiers » dans sa teneur de mai 2012 distingue à son chiffre 7 « le résultat net » d’une entreprise, correspondant « au total des produits diminués des charges (…) », du « résultat global total » représentant « la variation des capitaux propres, au cours d’une période, qui résulte de transactions et d’autres événements autres que les variations résultant de transactions avec les propriétaires agissant en cette qualité. Le résultat global total comprend toutes les composantes du “résultat net” et des “autres éléments du résultat global” ». Ces derniers comprennent pour leur part « les éléments de produits et de charges (y compris les ajustements de reclassement) qui ne sont pas comptabilisés en résultat net comme l’imposent ou l’autorisent d’autres IFRS », tels « les profits et les pertes résultant de la conversion des états financiers d’un établissement à l’étranger ». Selon le ch. 81A de la norme IAS/IFRS 1, l’état du résultat net et des autres éléments du résultat global (l’état du résultat global) doit présenter, en plus de la section résultat net et de la section autres éléments du résultat global : (a) le résultat net ; (b) le total des autres éléments du résultat global ; (c) le résultat global de la période, c’est-à-dire le total du résultat net et des autres éléments du résultat global.

9) Dans l’ATF 136 II 88, le Tribunal fédéral a tranché la question de savoir si les écarts de conversion influençaient le bénéfice imposable d’une personne morale. Il a confirmé la solution adoptée dans l’ATA/562/2008 du 4 novembre 2008, que la chambre de céans a réaffirmée en la développant, dans l’ATA/500/2014 précité.

Les écarts de conversion n’avaient rien à voir avec l’activité d’une entreprise et n’étaient que la conséquence de l’opération comptable consistant à convertir les comptes établis en monnaie fonctionnelle étrangère dans la monnaie de présentation, comme l’exigeait l’art. 960 al. 1 aCO (consid. 4.2).

Selon la norme IAS/IFRS 21 dans sa teneur de 2006, les écarts de conversion ne devaient pas figurer dans le compte de pertes et profits, mais seulement au bilan, en tant que composante distincte des capitaux propres. Compte tenu de l’importance croissante du référentiel IFRS et du silence du droit suisse en la matière, il était possible de s’en inspirer, au détriment de la solution différente proposée par le MSA (consid. 4.3 à 4.5).

L’administration et la juridiction cantonale étaient en droit de s’écarter des comptes présentés par la société et de ne pas tenir compte du poste « perte de conversion » y figurant pour déterminer le bénéfice net imposable. Une violation du principe de déterminance, de l’autorité du bilan commercial ou des art. 57 et 58 LIFD ne pouvait pas leur être reprochée, dès lors que ces prescriptions n’empêchaient pas les autorités de s’écarter des comptes présentés, lorsque ceux-ci n’étaient pas établis conformément aux règles comptables (consid. 5.1).

Il n’y avait pas lieu d’assimiler les écarts de conversion aux opérations de change. Le bénéfice net imposable devait correspondre à un enrichissement effectif de la société. Or, les écarts de conversion ne provenaient que de la transposition des comptes établis dans une monnaie fonctionnelle étrangère en monnaie suisse. Ils ne traduisaient donc ni un appauvrissement ni un enrichissement de la société se rapportant à une transaction effective et influençant sa capacité contributive, mais étaient seulement le résultat d’une opération comptable. Les opérations de change, qui induisaient des gains et pertes de change, se rapportaient, en revanche, à des opérations concrètes, lorsque des transactions commerciales étaient effectuées dans d’autres monnaies que la monnaie fonctionnelle. Elles figuraient dans les états financiers de la société exprimés en monnaie fonctionnelle et il était, partant, logique qu’elles se retrouvent dans le compte de pertes et profits exprimé en monnaie nationale. Les exemples présentés par la recourante pour démontrer l’absence de différence entre les gains/pertes de change et les écarts de conversion partaient de la prémisse erronée d’une comptabilité fonctionnelle tenue en CHF. Ils occultaient le fait que, lorsqu’une société dont la monnaie fonctionnelle était l’USD effectuait une transaction dans cette monnaie, elle ne pouvait enregistrer aucun gain ou perte de change. Peu importait que ses comptes établis en USD dussent par la suite être convertis dans une monnaie de présentation différente, en l’occurrence le CHF (consid. 5.2).

Le principe de la prudence ancré à l’art. 662a al. 2 ch. 3 aCO pouvait certes favoriser la constitution de réserves latentes, lesquelles n’étaient pas forcément admissibles dans l’approche (centrée sur les investisseurs) des normes IFRS. Toutefois, ni le principe de la prudence, ni les normes IFRS ne permettaient la création de réserves arbitraires. Pour qu’une réserve puisse être prise en compte sur le plan fiscal, il fallait que celle-ci soit fondée sur le plan commercial, ce qui supposait qu’elle corresponde à un risque de perte pour la société. Or, les écarts de conversion ne se rapportaient pas à une transaction commerciale de la personne morale, mais n’étaient que la conséquence d’une opération fictive de conversion de la monnaie fonctionnelle en monnaie de présentation. Ils ne trouvaient donc pas de justification commerciale et ne permettaient pas de cerner la capacité contributive réelle de la société. Le principe de prudence ne s’appliquait ainsi pas à la comptabilisation des pertes de conversion (consid. 5.3).

Lorsque la recourante se plaignait d’une inégalité dans l’imposition (art. 8 Cst.) et d’une violation selon la capacité contributive (art. 127 al. 2 Cst.), elle perdait de vue que les écarts de conversion ne se rapportaient pas à une transaction réalisée par la personne morale. Partant, ces écarts de nature purement comptable n’influençaient pas l’augmentation du capital propre entre le début et la fin de la période fiscale, ce qui était la caractéristique du bénéfice net imposable. En ne tenant pas compte de ces écarts, la juridiction cantonale n’avait donc pas porté atteinte au principe de l’égalité de l’imposition, ni imposé la recourante au-delà de sa capacité contributive (consid. 5.5).

10) En doctrine, les avis sont partagés. Certains auteurs approuvent cette solution (Stephan GLANZ/Dieter PFAFF, Zur Währungsumrechnung von Handels- und Steuerbilanz - Wieso das Bundesgericht den Steuerabzung von « Umrechnungsverlusten » untersagt, StR 66/2011 p. 470 ss ; Raphaël GANI, Un quinquennat dans l’imposition directe des personnes morales - chronique de jurisprudence 2005-2009 - RDAF 2010 II 535, p. 560 ; Christoph RECHSTEINER/Nicolas SCHOLL, Steuerliche Behandlung von Umrechnungsdifferenzen bei funktionaler Währung, StR 65/2010 p. 418 ss, p. 425 ; Robert DANON/Thierry OBRIST, Impôt sur le bénéfice et le capital des personnes morales, RJN 2009 p. 41 ss, p. 58 ; Martin KOCHER, Fremdwährungsaspekte im schweizerischen Steuerrecht - Bedeutung, Umrechnung und Bewertung fremder Währungen im steuerlichen Einzelabschluss, ASA 78 p. 457 ss, p. 477). D’autres la critiquent (Marie-Hélène REVAZ/Nathalie PELLANDA GAUD, Traitement fiscal des écarts de conversion, ECS 6-7/12 p. 475 ss ; Marie-Hélène REVAZ/Alessia SCHMID, Traitement fiscal des écarts de conversion, Un revirement de jurisprudence s’imposerait-il ?, ECS 6-7/11 p. 530 ss ; Cédric BIGNENS/Marie-Hélène REVAZ, Traitement comptable et fiscal des écarts de conversion, commentaire de l’arrêt du Tribunal fédéral du 1er octobre 2009, ECS 6-7-/10 p. 418 ss ; Marco DUSS/Fabien DUSS, Währungsdifferenzen aus Umrechnung bei Buchführung in Fremdwährung, ST 6-7/10 p. 407 ss).

11) Les différents griefs soulevés par la recourante n’infirment pas le raisonnement suivi par le Tribunal fédéral dans l’ATF 136 II 88. La conclusion à laquelle la Haute Cour est parvenue dispose d’un fondement juridique solide auquel il convient de se rallier.

a. Selon le principe de déterminance ancré à l’art. 58 al. 1 let. a LIFD, le bénéfice imposable est, en principe, celui résultant de la comptabilité commerciale et plus particulièrement du compte de résultats. Le droit fiscal poursuivant des objectifs divergents de ceux du droit comptable, imprégné par le principe de la prudence (art. 662a al. 2 ch. 3 aCO et désormais art. 960 al. 2 CO), des règles correctrices, modifiant le bénéfice ressortant de la comptabilité commerciale, sont toutefois prévues, afin que le résultat réellement obtenu puisse être appréhendé et imposé, conformément à la capacité économique effective de l’entreprise concernée.

b. Parmi ces règles correctrices propres au droit fiscal, l’art. 58 al.1 let. b LIFD prévoit de réintégrer dans le bénéfice imposable d’une entreprise tous les prélèvements, c’est-à-dire toutes les charges, qui ne servent pas à couvrir des dépenses justifiées par l’usage commercial. Cette disposition ne précise pas ce qu’il faut entendre par « dépenses justifiées par l’usage commercial », mais fournit une liste non exhaustive d’éléments dont la déduction n’est pas admise
(cf. les différents tirets introduits par les termes « tels que »). Il appartient donc aux autorités fiscales de déterminer si un prélèvement opéré dans le compte de pertes et profits se justifie objectivement ou s’il doit, au contraire, être repris en raison d’une violation du droit commercial ou pour assurer la périodicité de l’impôt (Robert DANON, Commentaire Romand, op. cit., ad art. 57-58 LIFD, p. 735 n. 64-65).

c. C’est à cette démarche que le Tribunal fédéral s’est livré dans la jurisprudence querellée. Dans un premier temps, il a déterminé la nature des écarts de conversion. Constatant que le droit comptable suisse ne traitait pas la problématique de la conversion des comptes établis dans une monnaie fonctionnelle étrangère en monnaie suisse de présentation, il a ensuite analysé les solutions proposées en la matière par les normes IFRS. De ces divers éléments, il a déduit à juste titre que les écarts de conversion - positifs ou négatifs - n’influençaient pas l’augmentation du capital propre entre le début et la fin de la période fiscale et ne devaient, partant, pas être pris en compte dans la détermination du bénéfice imposable des entreprises concernées. Usant de la marge d’appréciation que l’art. 58 al. 1 let. b LIFD réserve aux autorités fiscales pour garantir une imposition selon la capacité contributive, il a donc posé une règle correctrice fiscale, en s’inspirant notamment du traitement comptable réservé aux écarts de conversion par les normes IFRS.

d. Il n’a pas appliqué rétroactivement un cadre normatif comptable étranger, mais s’y est référé pour appréhender correctement la réalité économique sous-jacente des écarts de conversion. Les normes IFRS confirmant que ces derniers n’avaient pas d’impact sur le fonctionnement d’une entreprise, il se justifiait de ne pas les prendre en compte dans la détermination du bénéfice imposable en application de l’art. 58 al. 1 LIFD.

e. En l’absence de disposition de droit suisse réglant le traitement comptable des écarts de conversion, le choix d’un contribuable de comptabiliser ceux-ci dans son compte de pertes et profits n’était pas opposable aux autorités fiscales. Celles-ci peuvent en effet s’écarter d’un résultat commercial déterminé arbitrairement lorsque les règles correctrices prévues à l’art. 58 al. 1 let. b et c LIFD le commandent. Tempérament apporté au principe de déterminance, ces règles correctrices mettent en œuvre l’objectif du droit fiscal qui consiste à identifier le bénéfice effectivement réalisé durant une période fiscale. Elles ne contreviennent pas pour autant au principe de la prudence qui, comme elles, n’autorise pas la création de réserves arbitraires consistant en une sous-évaluation délibérée d’actifs, respectivement dans une estimation excessive des passifs (ATF 136 II 88 consid. 5.3 ; Robert DANON, Commentaire Romand, op. cit., ad art. 57-58 LIFD, p. 724 n. 22). Or, les développements qui suivent démontreront que les écarts de conversion négatifs ne correspondent notamment pas à un risque de perte pour le contribuable.

12) Pour en comprendre la portée, la notion d’écarts de conversion doit s’appréhender en parallèle de celles de monnaie fonctionnelle et de monnaie de présentation.

a. La monnaie fonctionnelle se définit comme celle qui caractérise l’environnement économique d’une entreprise, soit la monnaie la plus importante eu égard à ses activités (ATF 136 II 88 consid. 4.1 et les références citées ; voir également le Message du Conseil fédéral concernant la révision du code des obligations, du 21 décembre 2007, FF 2008 1407, p. 1510). L’environnement économique d’une entreprise est dans la règle celui dans lequel elle génère et dépense principalement sa trésorerie (cf. la définition de la monnaie fonctionnelle figurant au ch. 9 de la norme IAS/IFRS 21 dans sa teneur de juin 2011). La monnaie fonctionnelle d’une entité reflète les transactions, événements et conditions sous-jacents pertinents pour celle-ci. Ainsi, dès qu’elle a été déterminée, la monnaie fonctionnelle ne peut être modifiée qu’en cas de modification de ces transactions, événements et conditions sous-jacents (cf. ch. 13 de la norme IAS/IFRS 21 précitée). Une entreprise choisit donc sa monnaie fonctionnelle en fonction de ses activités, monnaie dans laquelle elle tiendra en pratique sa comptabilité commerciale.

b. La monnaie de présentation est celle dans laquelle les états financiers d’une entreprise doivent être établis dans leur version finale. Pour les sociétés incorporées dans l’ordre juridique suisse, il s’agit du CHF en vertu de l’art. 960 al. 1 aCO (et désormais de l’art. 958d al. 3 CO). Les sociétés, qui, parce qu’elles mènent l’essentiel de leurs activités sur les marchés internationaux, tiennent leur comptabilité dans une monnaie fonctionnelle étrangère, sont ainsi tenues de convertir leurs états financiers en monnaie suisse à la fin de chaque exercice.

13) La conversion des postes figurant au bilan se faisant à un taux de change différent de celui usuellement appliqué à la conversion du compte de pertes et profits, le passage de la monnaie fonctionnelle à la monnaie de présentation engendre des écarts de conversion qui apparaissent et doivent être comptabilisés dans les comptes en CHF pour équilibrer ceux-ci. Ces écarts de conversion sont toutefois sans rapport avec les opérations commerciales que réalise l'entreprise. Ils ne figurent en effet pas dans les comptes exprimés en monnaie fonctionnelle étrangère et n’apparaissent qu’au moment de la conversion de ces derniers en monnaie suisse de présentation. Comme l’a pertinemment résumé le Tribunal fédéral, les écarts de conversion ne sont rien d’autre que le produit d’une opération comptable d’ajustement de valeurs, destinée à enregistrer des probabilités.

14) Les écarts de conversion de la monnaie fonctionnelle à la monnaie de présentation se distinguent donc bien des pertes ou gains de change. Ces derniers résultent de transactions effectuées dans une monnaie différente de la monnaie fonctionnelle de l’entreprise, lesquelles donnent effectivement lieu à des pertes ou à des gains de change. La conversion de ces opérations commerciales de la monnaie étrangère à la monnaie fonctionnelle a un effet sur le fonctionnement de l’entreprise concernée. À l’inverse, des écarts de conversion enregistrés sur chacune des rubriques d’une entreprise tenues en monnaie étrangère n’influencent pas sa situation de fonctionnement. Un écart de conversion négatif sur un actif libellé en USD sera, par exemple, financièrement neutre pour une entreprise qui doit un montant similaire à ses créanciers en USD. De même, il aura peu d’impact à la liquidation de l’entreprise, dont les dettes et créances seront réglées en USD.

15) La norme IAS/IFRS 21 a toujours perçu cette distinction. Dans sa teneur de 2006, elle soumettait déjà les écarts de change à un régime comptable différencié suivant que ceux-ci impactaient ou n’impactaient pas le fonctionnement d’une entreprise. Dans sa teneur de 2011, elle persiste à distinguer les deux cas de figure, tant ceux-ci reflètent des réalités économiques différentes.

Les pertes ou gains de change font partie du premier cas de figure qui est traité aux chiffres 17 à 26 et 50 de la norme. Selon la définition proposée au chiffre 20, une transaction en monnaie étrangère (c’est-à-dire différente de la monnaie fonctionnelle selon la définition figurant au chiffre 8) est une transaction qui est libellée et qui doit être dénouée en monnaie étrangère. Cela comprend les transactions par lesquelles une entreprise achète ou vend des biens ou services dont le prix est libellé dans une monnaie étrangère, emprunte ou prête des fonds lorsque les montants à payer ou à recevoir sont libellés dans une monnaie étrangère ou, de toute autre façon, acquiert ou cède des actifs ou contracte ou règle des passifs libellés dans une monnaie étrangère. Une transaction en monnaie étrangère doit être enregistrée, lors de sa comptabilisation initiale dans la monnaie fonctionnelle, en appliquant au montant en monnaie étrangère le cours de change au comptant entre la monnaie fonctionnelle et la monnaie étrangère à la date de la transaction (ch. 22). À chaque clôture ultérieure, les éléments monétaires en monnaie étrangère doivent être convertis au cours de clôture, les éléments non monétaires en monnaie étrangère qui sont évalués au coût historique doivent être convertis au cours de change à la date de la transaction et les éléments non monétaires en monnaie étrangère qui sont évalués à la juste valeur doivent être convertis au cours de change à la date à laquelle cette juste valeur a été évaluée (ch. 23). Sous réserve de quelques exceptions, le chiffre 28 dispose que les écarts de change résultant du règlement d’éléments monétaires ou de la conversion d’éléments monétaires à des cours différents de ceux auxquels ils ont été convertis lors de leur comptabilisation initiale, pendant la période ou dans des états financiers antérieurs, doivent être comptabilisés en résultat net.

16) Reconnaissant leur impact sur le fonctionnement d’une entreprise, les normes IAS/IFRS prévoient donc de comptabiliser les pertes ou gains de change dans le résultat net d’une entreprise, compte qui comprend le total des produits diminués des charges, à l’exclusion des composantes des autres éléments du résultat global (selon la définition figurant au chiffre 7 de la norme IAS/IFRS 1) et qui correspond par conséquent au compte de pertes et profits au sens du CO.

17) Le droit fiscal suisse en a tiré les conséquences utiles. Dans la mesure où ils résultent d’opérations commerciales effectives et sont comptabilisés dans le compte de pertes et profits, les pertes ou gains de change sont pris en compte dans la détermination du bénéfice net imposable d’une entreprise en application de l’art. 58 al. 1 let. a LIFD. Une entreprise, dont la monnaie fonctionnelle est le CHF en raison de son environnement économique principal, mais qui vend certains produits à l’étranger ou acquiert divers services facturables et payables dans une monnaie étrangère, verra ses pertes ou gains de change déduites, respectivement ajoutés à son bénéfice imposable. Il en ira de même d’une entreprise, dont la monnaie fonctionnelle est par exemple l’USD, mais qui réalise des opérations commerciales en EUR. Ses gains ou pertes de change réalisés sur ces opérations seront, une fois convertis en monnaie de présentation suisse, pris en compte dans la détermination de son bénéfice imposable.

18) La comptabilisation des écarts de conversion litigieux, soit ceux résultant de l’utilisation d’une monnaie fonctionnelle autre que la monnaie de présentation, est en revanche traitée aux chiffres 38 à 50 de la norme IAS/IFRS 21 déjà cités. Tous ces écarts, qu’ils soient positifs ou négatifs, doivent être comptabilisés « en autres éléments du résultat global » (ch. 39 let. c). Ils ne doivent pas être comptabilisés en résultat net, parce qu’ils n’ont pas d’impact sur la monnaie fonctionnelle de l’entreprise et n’ont que peu ou pas d’effet direct sur ses flux de trésorerie actuels ou futurs (ch. 41). Ils ne doivent figurer qu’au bilan, afin d’équilibrer l’actif et le passif.

19) Conformément à l’objectif poursuivi en droit fiscal suisse, la norme IAS/IFRS 21 s’emploie ainsi à faire ressortir le résultat annuel effectif d’une entreprise et à neutraliser les variations de change qui n’ont pas d’impact réel sur son fonctionnement. Des variations de change en CHF sont en effet sans incidence sur des actifs et passifs gérés en USD. Dans le silence du droit comptable suisse, il était donc parfaitement légitime de s’en inspirer. En raison de leur nature et compte tenu du traitement comptable qui leur est réservé sur le plan international, les écarts de conversion – positifs ou négatifs – ne doivent pas être pris en compte dans la détermination du bénéfice imposable d’une entreprise. Cette conclusion est le fruit d’une interprétation correcte de la norme IAS/IFRS 21 et constitue une règle correctrice fiscale parfaitement conforme à l’art. 58 LIFD.

20) Indépendamment de leur mode de comptabilisation, la question déterminante est de savoir si un écart de conversion positif ou négatif affecte la capacité contributive d’une entreprise et accroît ou réduit son capital propre entre le début et la fin de la période fiscale.

Pour les entreprises disposant d’une monnaie fonctionnelle étrangère, l’examen de leur capacité contributive et de l’évolution de leur patrimoine ne doit pas s’apprécier sur la base des comptes convertis en monnaie de présentation.

Une entreprise, qui s’incorpore dans l’ordre juridique suisse, a le choix de ses activités. Si la monnaie fonctionnelle de cette entreprise est une monnaie étrangère en raison de l’environnement économique principal qu’elle a choisi, l’évaluation de sa capacité économique réelle ne pourra se faire que sur la base des comptes établis dans cette monnaie. Le concept de monnaie fonctionnelle, conçu comme celle dans laquelle une entreprise génère et dépense principalement sa trésorerie, impose cette conclusion. Pour la détermination du bénéfice net d’une telle entreprise, le fait que les écarts de conversion ne figurent pas, en tant que charges ou profits, dans les comptes établis en monnaie fonctionnelle est en effet déterminant. Il démontre que ces écarts sont des ajustements de valeur comptables sans incidence sur l’accroissement ou la diminution de son patrimoine au cours de la période fiscale en cause et dont l’effet doit, partant, être neutralisé.

Moyennant cette correction dictée par le principe de l’imposition selon la capacité contributive au sens de l’art. 127 al. 2 Cst., c’est bien sur la base des comptes convertis en CHF que l’impôt sera fixé et dû par le contribuable. L’obligation de payer l’impôt sur le bénéfice en CHF s’impose à toute entreprise incorporée dans l’ordre juridique quel que soit son référentiel économique. Si cette entreprise choisit de mener ses activités dans un environnement économique étranger, elle doit en assumer les conséquences, dont le risque que sa monnaie fonctionnelle se déprécie et qu’il en résulte une augmentation de sa charge fiscale lors du paiement de l’impôt. Pour le reste, la solution préconisée par le Tribunal fédéral tient dûment compte d’une éventuelle érosion monétaire en cours d’exercice, puisque les différents postes du compte de résultat, qui correspondent à de véritables charges ou produits générés par l’entreprise dans sa monnaie fonctionnelle, sont, à la fin de l’exercice, convertis au taux de change annuel moyen.

21) Le Tribunal fédéral n’a au surplus pas méconnu l’impact des écarts de conversion sur les fonds propres convertis en CHF, puisque la solution retenue, dans le silence du droit comptable suisse, est celle qui consiste précisément à faire figurer les écarts de conversion au bilan en tant que composante distincte de ces fonds propres. Cette règle de comptabilisation n’induit donc pas le risque que des sociétés exposées à une dépréciation de leur monnaie fonctionnelle manquent à leurs obligations au sens des art. 725 ou 680 al. 2 CO. Pour le reste, la règle correctrice querellée ne déploie ses effets qu’au niveau fiscal, les comptes statutaires demeurant déterminants pour l’application des dispositions de droit commercial (cf. Robert DANON, Commentaire Romand, op. cit., n. 45 ad art. 57-58 LIFD).

22) L’argument selon lequel le principe d’interaction ou de concordance entre le bilan et le compte de pertes et profits exigerait toutefois que les écarts de conversion soient comptabilisés au compte de pertes et profits n’est pas convaincant. Il est vrai qu’hormis les apports et les retraits de capitaux, toute modification des fonds propres doit, en principe, se refléter dans le compte de résultat. La règle souffre toutefois de nombreuses exceptions en pratique, telles la comptabilisation au bilan des réévaluations d’immeubles ou de participations au-delà de leur coût d’acquisition (art. 670 CO ; Pierre-Marie GLAUSER, op. cit., vol. 2, 2005, p.46-47). Les écarts de conversion peuvent et doivent compter parmi ces exceptions, dans la mesure où ils consistent en des opérations comptables d’ajustement de valeurs dépourvues d’impact sur le fonctionnement des contribuables concernés.

23) Quant au grief d’inégalité de traitement soulevé par le recourante, il n’a pas plus de substance.

En droit fiscal, le principe de l’égalité de traitement garanti par l’art. 8 Cst. signifie que les personnes qui se trouvent dans des situations semblables doivent être frappées de façon semblable, tandis que des différences de situation doivent en principe conduire à une charge fiscale différente. Chaque contribution publique doit ainsi viser de la même manière et avec la même intensité, des éléments semblables, y compris les états de faits économiquement assimilables. À l’inverse, des éléments différents doivent être appréhendés de façon différente. En résumé, le critère déterminant est donc de savoir s’il existe un motif objectif permettant de justifier une différence de traitement sous l’angle fiscal. Le principe se confond ainsi avec celui de l’imposition selon la capacité contributive du contribuable (Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 4ème éd., 2012, p. 35 n. 21 et les références jurisprudentielles citées, ainsi que n. 38).

Les écarts de conversion au sens des chiffres 38 à 50 de l’IAS/IFRS 21 sont le propre des sociétés dont les activités sont majoritairement orientées vers l’étranger et qui disposent d’une monnaie fonctionnelle étrangère. Leur traitement fiscal ne souffre donc aucune comparaison avec celui qui est réservé aux sociétés exerçant exclusivement leurs activités en CHF, puisque ces dernières ne comptabilisent par définition aucun écart de conversion.

Selon la recourante, les entreprises tenant leurs comptes dans une monnaie fonctionnelle étrangère seraient injustement discriminées par rapport à celles tenant leurs comptes en CHF : alors que leurs résultats seraient identiques, les premières se verraient refuser la déductibilité de leurs pertes de conversion, tandis que les secondes pourraient déduire les pertes de change résultant de la conversion « au jour le jour » des opérations réalisées dans une monnaie autre que le CHF. En réalité, l’exemple chiffré dont la recourante se prévaut se rapporte à des situations similaires qui, si elles étaient soumises à l’AFC-GE, seraient soumises au même régime fiscal. Le premier cas de figure correspond à celui de la recourante, soit celui d’une entreprise majoritairement active sur les marchés internationaux qui tient sa comptabilité dans sa monnaie fonctionnelle étrangère et convertit ses comptes en fin d’exercice en monnaie suisse de présentation. En vertu de ce qui précède, cette entreprise ne pourra pas déduire de son bénéfice un éventuel écart de conversion négatif. Le deuxième cas de figure concerne une entreprise, qui, comme la première, dispose d’une monnaie fonctionnelle étrangère, mais tient une double comptabilité, suisse et étrangère, et procède à la conversion « au jour le jour » de ses états financiers. Si ces deux entreprises effectuent les mêmes opérations commerciales, leurs résultats seront effectivement identiques. La seconde société ne pourra pas pour autant déduire de son bénéfice les éventuels écarts de conversion négatifs qu’elle aura comptabilisés en cours d’exercice. Lesdits écarts étant issus de la conversion d’opérations commerciales réalisées dans sa monnaie fonctionnelle, ils devront être neutralisés et ne seront pas pris en compte dans la détermination de son bénéfice imposable. Dans les deux cas de figure présentés par la recourante, les différences de change en cause ne sont donc pas des pertes de change, mais bien des écarts de conversion qui, quel que soit leur mode de comptabilisation, doivent être astreints au même traitement fiscal dans la mesure où ils n’affectent pas réellement le fonctionnement de ces entreprises.

Le traitement fiscal différencié, dont se plaint la recourante, tient donc uniquement dans le choix d’une monnaie fonctionnelle étrangère et la distinction objective existant entre les écarts de conversion et les pertes ou gains de change, soit dans deux motifs parfaitement fondés.

24) Le changement de pratique administrative que l’AFC-GE a opéré dans le courant des années 2000 en matière d’écarts de conversion n’emporte au surplus pas de violation du principe de la bonne foi au sens des art. 8 et 9 Cst. (voir ATF 135 I 79 consid. 3 ; 132 III 770 consid. 4 ; 127 I 49 consid. 3c ; 127 II 289 consid. 3a et les références citées ; ATA/285/2012 du 8 mai 2012 consid. 12).

Il repose sur des motifs sérieux et objectifs, avalisés par le Tribunal fédéral dans l’ATF 136 II 88, et a permis de rétablir une situation conforme au droit et au principe constitutionnel de l’imposition selon la capacité contributive, comme exposé ci-dessus.

25) La recourante ne peut enfin tirer aucun bénéfice de l’arrêt du Tribunal fédéral du 26 février 1954, paru in ASA 23 p. 89.

Les circonstances ont passablement évolué depuis que cette décision a été rendue. L’activité des entreprises s’est internationalisée, modifiant d’autant les pratiques comptables. En parallèle de cette internationalisation croissante, les notions de monnaie fonctionnelle et de monnaie de présentation se sont développées. Si l’arrêt précité avait véritablement constitué un précédent contraire à la pratique actuelle, les autorités fiscales disposeraient donc de motifs sérieux pour s’en écarter.

En tout état de cause, cette ancienne jurisprudence ne peut pas être interprétée comme imposant la prise en compte des écarts de conversion dans la détermination du bénéfice imposable. L’état de fait ne permet en effet pas de conclure que l’entreprise concernée disposait d’une monnaie fonctionnelle étrangère au sens où cette notion est utilisée aujourd’hui. L’on sait que la société anonyme concernée administrait des fonds provenant pour la plupart de France et qu’elle devait ainsi comptabiliser, dans ses actifs et passifs, des biens dont la valeur était originairement exprimée en monnaie étrangère. L’on ne peut pas pour autant en déduire que l’intéressée générait et dépensait principalement sa trésorerie dans une monnaie autre que le CHF. D’autres éléments, comme le fait de soutenir des œuvres protestantes, de disposer d’un secrétariat et de tenir sa comptabilité en CHF, permettent au contraire de penser que sa monnaie fonctionnelle était bien le franc suisse. Dans ce cas, l’arrêt de 1954 ne porterait donc pas sur des écarts de conversion positifs, mais bien sur des gains de change effectifs qui, comme par le passé, demeurent imposables au titre de l’impôt sur le bénéfice.

26) En l’espèce, la recourante tient sa comptabilité en USD qui constituent sa monnaie fonctionnelle. La conversion de ses comptes afférents aux exercices litigieux en monnaie suisse de présentation a généré des écarts de change.

Ces derniers ne correspondent pas à des pertes de change que cette entreprise aurait subies lors de transactions opérées dans d’autres monnaies que sa monnaie fonctionnelle et qui figureraient dans ses comptes établis en USD. Il ne s’agit que d’écarts de conversion au sens défini plus haut, soit d’un ajustement comptable apparu lors de la conversion de ses comptes en CHF et dépourvu d’impact réel sur son fonctionnement. Ces écarts de conversion, destinés à équilibrer ses comptes, ne représentent donc pas une dépense justifiée par l’usage commercial.

Conformément à l’art. 58 al. 1 let. b LIFD, l’AFC-GE était, partant, en droit de s’écarter des comptes qui lui étaient présentés et de réintégrer les montants litigieux dans le bénéfice imposable de la recourante. En tant qu’il parvient à la même conclusion, le jugement du TAPI en matière d’IFD doit être confirmé.

ICC 2006 à 2009

27) Selon l’art. 24 al. 1 let. a de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14), les cantons doivent imposer l’ensemble du bénéfice net dans lequel doivent notamment être inclues les charges non justifiées par l’usage commercial, portées au débit du compte de résultats. Dans le canton de Genève, l’impôt sur le bénéfice a pour objet le bénéfice net (art. 11 de la loi sur l’imposition des personnes morales du 23 septembre 1994 - LIPM - D 3 15). Selon l’art. 12 let. a LIPM, le bénéfice net est celui qui résulte du compte de pertes et profits, augmenté de certains prélèvements énoncés aux lettres b à i de cette même disposition, ainsi que des produits qui n’ont pas été comptabilisés dans le compte de résultat au sens de la let. j. Bien que rédigé différemment, l’art. 12 LIPM a la même portée que l’art. 58 al. 1 LIFD (ATA/337/2013 du 28 mai 2013 ; ATA/633/2011 du 11 octobre 2011 ; ATA/152/2011 du 8 mars 2011).

Toutes les considérations émises ci-dessus pour les taxations IFD litigieuses sont donc également valables pour l’ICC sur le bénéfice. La recourante ne pouvait pas porter en déduction de son bénéfice net ses pertes de conversion.

28) Pour le reste, il n’y a pas de contradiction à ce que ces pertes de conversion soient parallèlement déduites du capital imposable au sens des art. 27 ss LIPM. En admettant cette déduction, l’AFC-GE s’est strictement conformée à la logique de la norme IAS/IFRS 21, à teneur de laquelle les écarts de conversion ne doivent pas avoir d’impact sur le résultat annuel, mais figurer en variation des fonds propres. Son raisonnement ne souffre d’aucune carence et prend simplement en compte la différence d’objets de ces deux impôts. L’impôt sur le capital, tel que défini aux art. 27 LIPM et 29 LHID, vise à appréhender la valeur des fonds propres d’une entreprise à une date figée, non à déterminer le profit effectivement réalisé par cette même entreprise en cours d’exercice.

Le grief de violation du droit cantonal doit donc être écarté.

29) La deuxième question que pose le présent litige est celle de savoir si les reprises effectuées par l’AFC-GE au titre de capital dissimulé sont justifiées.

30) À teneur de l'art. 27 LIPM, l'impôt sur le capital a pour objet le capital propre.

Le capital propre imposable des sociétés de capitaux et des sociétés coopératives comprend le capital-actions et le capital-participation ou le capital social libéré, les réserves ouvertes et les réserves latentes constituées au moyen de bénéfices imposés (art. 28 LIPM).

31) L’art. 30 LIPM, intitulé « capital propre dissimulé », en vigueur depuis le 1er janvier 1996, reprend le libellé de l’art. 29a LHID. Il prévoit que le capital propre imposable des sociétés de capitaux et des sociétés coopératives est augmenté de la part de leurs fonds étrangers qui est économiquement assimilable au capital propre.

Cette disposition souligne que le mode de financement d’une société au moyen de fonds étrangers n’est pas neutre du point de vue fiscal. En effet, alors qu’un financement par fonds propres produit une double imposition économique du bénéfice (imposition du bénéfice auprès de la société, puis de la distribution de ce bénéfice auprès du porteur de parts) et du capital (imposition des fonds propres auprès de la société et de la fortune auprès du porteur de parts), le financement par le biais de prêts accordés à la société par les actionnaires permet d’atténuer cette double imposition économique ; le bénéfice imposable est réduit de la charge des intérêts passifs des sommes prêtées et le capital imposable est moindre (Danielle YERSIN/Yves NOËL, Commentaire romand sur l’impôt fédéral direct, ad art. 65 LIFD, 2008, p. 867). L’utilisation de ce procédé est connu sous le nom de sous-capitalisation et le capital ainsi réintégré est appelé capital propre dissimulé.

32) Selon le message du Conseil fédéral du 25 mai 1983 relatif à la LHID, il existe un capital propre dissimulé lorsqu’une société est dotée par ses associés de fonds propres minimes, particulièrement inappropriés par rapport à l’ensemble de ses actifs et que le capital propre manquant est complété par des prêts ou des avances de la part des associés. Par ce biais, des moyens financiers qui remplissent économiquement la fonction de fonds propres apparaissent formellement comme des fonds étrangers et les intérêts passifs y relatifs sont débités du compte de résultat, alors qu’il s’agit économiquement d’une distribution de bénéfice (FF 1983 III 1).

33) Bien que la société soit libre de choisir son mode de financement et que de telles pratiques ne violent pas le droit commercial, le législateur a autorisé l’administration fiscale à réintégrer ces fonds étrangers dans le capital propre, lorsque la norme fiscale d’imposition est détournée de son but par de telles pratiques (cf. Mémorial du Grand Conseil, 1995, 35/IV 4185 ss ; Walter RYSER/Bernard ROLLI, Précis de droit fiscal suisse, 2002, p. 275). Afin d’établir si le financement étranger en cause est authentique - soit qu’elle correspond à une réalité économique - il importe d’examiner si un tiers indépendant aurait exposé des fonds aux mêmes risques que le créancier-actionnaire (arrêt du Tribunal fédéral 2P.338/2004 du 26 avril 2006 ; ATA/162/2013 du 12 mars 2013 ; Martin ZWEIFEL/Peter ATHANAS, Kommentar zum schweizerischen Steuerrecht, Bundesgesetz über die Harmonisierung der direkten Steuern der Kantone und Gemeinden [(StHG)], volume I/1, 1997, n. 16 ad art. 29/29a LHID p. 412). Ainsi, constitue du capital dissimulé la portion des prêts que la société a reçue d’un actionnaire (ou d’une personne proche de celui-ci) mais qu’il est peu vraisemblable qu’elle eût pu obtenir de la part d’un tiers.

Il importe ainsi de calculer, sur la base des différents types d’actifs de la société, quels pourcentages de fonds étrangers la société aurait pu se procurer, selon les usages du marché. À cet égard, il n’est plus requis de la part des autorités fiscales qu’elles établissent l’existence d’un fait constitutif d’évasion fiscale (Walter RYSER /Bernard ROLLI, ibidem).

34) La circulaire pose une présomption s’agissant de ces pourcentages, qui est basée sur des standards professionnels. Elle s’applique, selon son intitulé, à toutes les sociétés de capitaux et les sociétés coopératives, sans aucune distinction. Elle ne prévoit pas de restrictions à son champ d’application selon que les sociétés visées sont ou non actives dans le domaine du négoce ou en raison du secteur particulier de celui-ci. Dans le cadre même de ses dispositions, elle n’aménage un régime particulier qu’en ce qui concerne les sociétés financières pour lesquelles elle retient que la limite admissible des fonds étrangers est fixée en règle générale à 6/7 du total du bilan. Elle prévoit que la société peut usuellement obtenir par ses propres moyens des fonds étrangers à concurrence de certains pourcentages, calculés sur la valeur vénale de ses actifs. Ainsi, le pourcentage de fonds étrangers admis par l'AFC est de 100 % pour les liquidités, de 85 % pour les créances pour livraisons et prestations, les autres créances, les stocks de marchandises et les prêts, de 70 % pour les participations et de 50 % pour les installations, machines, outillages, etc.

35) La société contribuable peut apporter la preuve que, dans son cas particulier, ces pourcentages - qui ne figurent que dans des directives - ne sont pas applicables. En effet, en droit fiscal, le principe de la libre appréciation de la preuve s'applique. L'autorité forme librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées, en choisissant entre les preuves contradictoires ou les indices contraires qu'elle a recueillis. Cette liberté d'appréciation, qui doit s'exercer dans le cadre de la loi, n'est limitée que par l'interdiction de l'arbitraire (Ernst BLUMENSTEIN/Peter LOCHER, System des schweizerischen Steuerrechts, 6ème éd., Zurich 2002, p. 403/404 ; Jean-Marc RIVIER, Droit fiscal suisse, L'imposition du revenu et de la fortune, 2ème éd., 1998, p. 139). Il n'est pas indispensable que la conviction de l'autorité de taxation confine à une certitude absolue qui exclurait tout autre possibilité ; il suffit qu'elle découle de l'expérience de la vie et du bon sens et qu'elle soit basée sur des motifs objectifs (arrêts du Tribunal fédéral 2C_574/2009 du 21 avril 2010 consid. 4.2.7 ; 2C_47/2009 du 26 mai 2009 consid. 5.3 ; 2A.374/2006 du 30 octobre 2006 consid. 4.2 ; ATA/632/2012 du 18 septembre 2012 consid. 7 ; ATA/95/2012 du 21 février 2012 ; Martin ZWEIFEL, Die Sachverhaltsermittlung im Steuerveranlagungsverfahren, 1989, p. 109 consid. 4.3).

Si, après l'instruction menée par l'autorité, un fait déterminant pour la taxation reste incertain, ce sont les règles générales du fardeau de la preuve qui s'appliquent pour déterminer qui doit supporter les conséquences de l'échec de la preuve ou de l'absence de preuve d'un tel fait. En matière fiscale, ce principe veut que l'autorité fiscale établisse les faits qui justifient l'assujettissement et qui augmentent la taxation, tandis que le contribuable doit prouver les faits qui diminuent la dette ou la suppriment (arrêt du Tribunal fédéral 2C_111/2012 du 25 juillet 2012 consid. 4.6 ; ATA/778/2011 du 20 décembre 2011 ; ATA/747/2011 du 6 décembre 2011 ; Ernst BLUMENSTEIN/Peter LOCHER, op. cit., p. 416 et les nombreuses références citées).

Par ailleurs, le contribuable doit prouver l'exactitude de sa déclaration d'impôt et de ses explications ultérieures ; on ne peut pas, en revanche, lui demander de prouver un fait négatif et de démontrer, par exemple, qu'il n'a pas d'autres revenus que ceux annoncés (Jean-Marc RIVIER, op. cit., p. 138). Il incombe en effet à l'autorité fiscale d'apporter la preuve de l'existence d'éléments imposables non déclarés. Si les preuves recueillies par l'autorité fiscale apportent suffisamment d'informations révélant l'existence de tels éléments imposables, il appartient à nouveau au contribuable d'établir l'exactitude de ses allégations. Ce dernier devra justifier l'origine des montants non déclarés et il pourra même être obligé de fournir des renseignements supplémentaires sur les rapports contractuels mis à jour par l'autorité fiscale et sur les prestations qui en découlent (ATF 121 II 257 consid. 4c/aa p. 266 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 2A.374/2006 du 30 octobre 2006 consid. 4.2). L’omission ou l’échec de ces preuves contraires peut être considéré comme un indice suffisant de la véracité des allégations de la partie adverse si ces dernières paraissent vraisemblables (arrêt du Tribunal fédéral 2A.347/2002 du 2 juin 2003 consid. 2.1 et les références citées ; ATA/607/2008 du 2 décembre 2008 consid. 7a).

36) En l’espèce, pour contester ces ratios, la recourante se borne à produire un article publiée par la STSA, selon lequel il est usuel que les banques acceptent de financer les transactions sur les matières premières à hauteur de 100 % de la valeur des marchandises.

Cet article, publié par une association de défense des intérêts des sociétés d’échanges commerciaux, écrit non par un expert indépendant mais par un professionnel de ce domaine, ne saurait revêtir une valeur probante suffisante à même de remettre en cause les ratios prévus dans la circulaire, laquelle a par ailleurs été publiée par l’AFC dans son Information aux associations professionnelles n. 6/97 du 9 octobre 1997.

La légalité de cette circulaire a pour le surplus été confirmée par la jurisprudence constante (arrêt du Tribunal fédéral 2A.16/2006 du 23 juin 2006 ; ATA/183/2014 du 25 mars 2014 ; ATA/162/2013 du 12 mars 2013 ; ATA/167/2005 du 22 mars 2005).

Enfin, l’écart abyssal entre les actifs de la recourante pour les années considérées, qui sont globalement supérieurs à CHF 700'000'000.-, et les passifs (constitués du capital social de CHF 100'000.-, des réserves pour CHF 50'000.- et du bénéfice disponible pour CHF 18'000'000.-), plaide en faveur du fait que les fonds étrangers assument le rôle de fonds propres dans la réalité économique de la société.

Pour ces motifs, il y a lieu de s'en tenir aux ratios prévus par la circulaire et de rejeter, par conséquent, le ratio forfaitaire de 93 % sollicité par la recourante.

37) La recourante demande que les dividendes à verser aux actionnaires ne soient pas considérés comme des dettes à prendre en compte dans le calcul du capital propre dissimulé.

L’assemblée générale d’une société anonyme détermine librement l’emploi du bénéfice résultant du bilan et des réserves constituées en vue d’une distribution (Jean-Marc RIVIER, La fiscalité de l’entreprise, 1994, p. 264). Tout actionnaire a droit à une part du bénéfice résultant du bilan, pour autant que les règles légales et statutaires aient été respectées (art. 660 al. 1 CO). Par conséquent, le dividende tel que fixé par l’assemblée générale doit être considéré comme une dette de la société à l’égard de ses actionnaires sur le plan fiscal dans le cadre de la détermination de l’existence d’un capital dissimulé. Il n’est dès lors pas possible d’exclure totalement le dividende de la répartition des passifs entre fonds propres imposables et fonds étrangers (ATA/167/2005 du 22 mars 2005 consid. 4).

Le fait que les dividendes ne portent pas intérêts n’empêche pas de les considérer comme du capital propre dissimulé (circulaire, par. 3.2).

Ce grief sera ainsi rejeté.

38) La recourante considère que les dettes commerciales intragroupes à court terme et les créances à court terme (trente jours) ne peuvent constituer du capital propre dissimulé.

Selon la jurisprudence, les dettes et créances commerciales liées aux fournisseurs appartenant au groupe doivent s’appréhender selon la réalité économique et non selon leur libellé. Lorsqu’elles dépassent largement le seuil d’endettement admis par la circulaire, il doit être admis qu’elles financent en réalité l’activité de la société, comme le feraient des fonds propres (ATA/167/2005 précité).

Bien que le message du Conseil fédéral de 1983 mentionné ci-dessus fasse expressément référence à des prêts ou avances d’actionnaires ou d’associés, il faut, d’un point de vue économique, comprendre cette notion de manière générale et l’étendre à tout financement, quelle que soit sa nature. Le but de la loi ressort des travaux préparatoires, à savoir éviter une sous-capitalisation permettant d’éluder l’impôt sur le capital et sur le bénéfice par le biais d’un financement propre au sein du groupe, les dettes en faveur de sociétés du groupe représentant précisément un financement interne de la contribuable.

En effet, si l’on établissait une distinction en fonction de la nature du financement par les actionnaires, les associés ou les personnes qui leur sont proches, il en résulterait une contradiction avec la volonté du législateur, une inégalité de traitement, ainsi qu’un encouragement au financement de sociétés par le biais de dettes commerciales à court terme (ATA/167/2005 précité).

Par ailleurs, il serait fiscalement discriminatoire d’admettre un financement sans limite par le biais de dettes commerciales liées, exigibles à court terme d’une part, et de requalifier en capital propre dissimulé le financement fiscalement non admis par rapport aux actifs et obtenu au moyen de fonds étrangers à long terme, d’autre part. Ceci reviendrait à encourager la soustraction d’une partie de l’impôt sur le capital et sur le bénéfice dans le premier cas et à l’éviter dans le second. Une telle pratique n’est pas admissible.

Enfin, ni les lois fédérales et cantonales, ni les travaux préparatoires, ni même la circulaire n’établissent de distinction entre les divers modes de financement, ni ne prévoient d’exception. La jurisprudence ne peut pas créer d’exception ne correspondant pas à la volonté du législateur. Par ailleurs, il n’est pas contesté que les dettes et les créances litigieuses sont à l’égard d’actionnaires, soit en l’occurrence de sociétés appartenant au groupe. Il se justifie dès lors de prendre en compte les dettes et les créances à court terme liées aux fournisseurs du groupe dans le calcul du capital propre dissimulé, dans la mesure où elles représentent un financement de la contribuable par des actionnaires, associés ou personnes proches.

Partant, la détermination du capital propre dissimulé faite par l’AFC en l’espèce est correcte.

39) En tous points mal fondé, le recours sera rejeté. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 3'000.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 23 octobre 2014 par A______ SA contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 18 septembre 2014 ;


 

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 3'000.- à la charge de A______ SA ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Mazars SA, mandataire de la recourante, à l’administration fiscale cantonale, à l’administration fédérale des contributions ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : M. Verniory, président, M. Thélin, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :