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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2172/2005

ATA/812/2005 du 29.11.2005 ( FIN ) , REJETE

Recours TF déposé le 12.01.2006, rendu le 23.06.2006, REJETE, 2A.16/2006
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2172/2005-FIN ATA/812/2005

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 29 novembre 2005

dans la cause

 

X _________ S.A

contre

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIÈRE D'IMPÔTS

et

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE


 


1. Le litige a trait à l'impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) 2002.

2. Selon le registre du commerce de X __________ S.A. (ci-après : X_________ S.A. ou la contribuable) est une société anonyme dont le siège est à Vernier.

3. Dans sa déclaration fiscale 2002, la contribuable a déclaré un résultat net de l'exercice de CHF 12'370.- et des pertes de CHF 803'028.- dues à un report négatif de CHF 815'298.- de l'exercice précédent, soit un revenu imposable déclaré de CHF 0.-. Le capital propre déclaré s'élevait à CHF 100'000.-.

4. Il ressort des réponses Z __________ S.A. aux questionnaires "renseignements complémentaires relatifs aux comptes 2002" et "état des dettes", reçus par l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC) le 7 juillet 2003, que l'Ecole Z __________ S.A. (Vaud), dont le siège est à Lausanne, était un proche ou un actionnaire de X __________ S.A. et qu'elle lui avait accordé un prêt s'élevant à CHF 819'252.- à la fin de la période fiscale à un taux d'intérêt de 9 % (sic), ce qui correspondait à CHF 77'000.- d'intérêts pour l'exercice considéré.

5. Le 21 juillet 2003, l'AFC a notifié à X __________ S.A. un bordereau de taxation ICC 2002. Elle a arrêté le résultat net de l'exercice à CHF 12'370.-, un endettement total admis de CHF 276'914.-, des intérêts totaux admis de CHF 17'999.- et une reprise des intérêts non admis de CHF 59'001.-. Elle a également écarté les pertes d'un montant de CHF 803'028.-, pour ne tenir compte de pertes reportées qu'à hauteur de CHF 400.-. Le bénéfice net imposable s'élevait ainsi à CHF 70'971.-.

Calculé sur la base d'un bénéfice imposable de CHF 70'971.- et d'un capital imposable de CHF 100'000.-, l'impôt total s'élevait à CHF 17'336,10.-.

6. Par courrier reçu le 20 août 2003 par l'AFC, X __________ S.A. a réclamé contre cette taxation. La circulaire n° 6 du 6 juin 1997 de l'administration fédérale des contributions sur le capital propre dissimulé de sociétés de capitaux et de sociétés coopératives (ci-après : circulaire n° 6 du 6 juin 1997) prévoyait que pour déterminer le capital propre dissimulé, il fallait partir en règle générale de la valeur vénale des actifs. L'AFC devait donc tenir compte de la valeur vénale des installations et machines, soit CHF 250'000.- et non pas seulement de la valeur comptable de CHF 6'164.-. Par ailleurs, la valeur du goodwill, soit CHF 500'000.- devait également être prise en compte. Enfin, l'intérêt ne devait pas être calculé au taux de 6,5%, mais de 10% (sic), qui correspondait à celui du marché. La contribuable a joint, pour appuyer sa thèse, un avis d'échéance du 20 juin 2003, adressé à l'Ecole Z __________ S.A. (Valais) par Crédit Suisse S.A. (Sion), concernant un crédit hypothécaire garanti par un immeuble, pour lequel la banque avait appliqué un taux d'intérêt de 7.050%. Un taux d'intérêt de 10 % pour un crédit accordé sans garantie était donc justifié en l'espèce.

7. Par décision sur réclamation du 26 septembre 2003, l'AFC a remis à la contribuable un bordereau rectificatif qui tenait compte partiellement des remarques de celle-ci. Elle a pris en considération la valeur vénale de CHF 245'000.- des machines et installations et a ramené les reprises sur intérêts à CHF 51'263-.

En revanche, la valeur du goodwill n'était pas prise en compte car celui-ci n'avait pas été acquis de manière onéreuse et comptabilisé en tant que tel à l'actif du bilan. Les autres valeurs, telles que le taux d'intérêt admis ainsi que le résultat net de l'exercice, restaient inchangées, de sorte que le bénéfice net s'élevait à CHF 63'633.-. L'AFC a retenu des pertes à hauteur de CHF 400.-. Calculé sur la base d'un bénéfice net imposable de CHF 63'233.- et d'un capital imposable de CHF 100'000.-, l'impôt total s'élevait à CHF 15'490.-.

8. X __________ S.A. a interjeté un recours à l'encontre de cette décision le 28 octobre 2005 par-devant la commission cantonale de recours en matière d'impôts (ci-après : la CCRMI).

Ne contestant que la reprise sur intérêts relatifs au prêt que lui avait accordé l'Ecole Z __________ S.A. (Vaud), elle concluait à l'acceptation du taux d'intérêt pratiqué par cette dernière. Le prêt n'était pas motivé par la recherche d'une économie d'impôt et le financement choisi s'expliquait par le fait que les actionnaires n'avaient pas les moyens de souscrire à une augmentation de capital. On ne trouvait pas sur le marché d'intérêts inférieurs à ceux demandés par l'Ecole Z __________ S.A (Vaud).

9. L'AFC a répondu le 29 octobre 2004 et a conclu au rejet du recours. Se fondant sur la circulaire n° 6 du 6 juin 1997 et sur l'information de l'administration fiscale cantonale aux associations professionnelles n° 6/97 du 9 octobre 1997 pour déterminer un taux d'endettement admis de CHF 359'947.-, elle considérait que le prêt de l'actionnaire était insolite eu égard à la situation économique de la recourante.  Le taux admis était de 6,5 %, conformément à la circulaire n° 4 de l'administration fédérale des contributions sur le taux d'intérêt déterminant pour le calcul des prestations appréciables en argent du 5 février 2001 (ci-après : circulaire n° 4 du 5 février 2001), reprise par l'information n° 3/2001 de l'AFC aux associations professionnelles du 13 février 2001. Partant, les intérêts comptabilisés se montant à CHF 77'000.-, une reprise sur intérêts de CHF 51'263.- était justifiée.

10. Par pli du 30 novembre 2004, la recourante a précisé que l'Ecole Z _________ S.A. (Vaud) n'était pas actionnaire de X __________ S.A., mais que deux de ses administrateurs faisaient partie du conseil d'administration de la contribuable. L'Ecole Z __________ S.A. (Vaud) avait la maîtrise du X __________, de la définition de la stratégie, de la politique de gestion et de l'engagement des collaborateurs. C'est la raison pour laquelle elle était mieux en mesure d'apprécier les bénéfices potentiels Z __________ S.A. qu'un banquier.

11. Par décision du 23 mai 2005, la CCRMI a rejeté le recours de la contribuable. Cette dernière n'avait pas réussi à démontrer que le taux d'intérêts de 9, 4 % pratiqué par l'Ecole Z __________ S.A. (Vaud) correspondait au taux du marché. En conséquence, c'était à juste titre que l'AFC avait appliqué la circulaire n° 6 du 6 juin 1997 et la notice annexée à la circulaire n° 4 du 5 février 2001, de sorte que le bordereau rectificatif du 26 septembre 2003 était confirmé.

12. Par acte reçu le 17 juin 2005 par le tribunal de céans, __________ S.A. a recouru à l'encontre de cette décision considérant que le taux d'intérêt payé à l'Ecole Z __________ S.A. (Vaud) était justifié. Elle conclut à la prise en compte intégrale des intérêts payés, à ce que soit admise la valeur vénale de CHF 250'000.- des installations et machines et à ce que les intérêts payés soient calculés sur la moitié de la perte reportée.

La recourante joignait à son recours un avis d'échéance du 31 décembre 2004 du Crédit Suisse S.A. adressé à L'Ecole Z __________ S.A. (Valais), de siège à Sion. Ce dernier faisait état d'un prêt garanti par une hypothèque à taux variable, arrêté à 7,050%, pour la période du 1er octobre au 31 décembre 2004. Il fallait par conséquent compter un supplément de 3% pour un prêt sans garantie. Par ailleurs, un relevé de compte, daté du 30 juin 2002, adressé à une autre école (Y __________ S.A., Sion) par Crédit Suisse S.A., était fourni par la contribuable. Il faisait mention d'un taux d'intérêt débiteur de 9,5% ainsi que d'une commission sur crédit de 1%, soit un total de 10,5%.

13. Par acte du 6 octobre 2005, l'AFC conclut au rejet du recours ainsi qu'à la confirmation de la décision querellée. L'école Z __________ S.A. avait la maîtrise de la direction de la recourante, elle était donc associée Z __________ S.A. Les rectifications apportées par l'administration au taux d'intérêts étaient justifiées, dans la mesure où elle avait utilisé un taux admissible de 6,5 % conformément à la circulaire n° 4 du 5 février 2001.

14. Le 10 octobre 2005, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

 

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est à cet égard recevable (art. 53 al. 1 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001- Lfisc - D 3 17).

2. La contribuable demande au tribunal de céans de calculer les intérêts payés à l'Ecole Z __________ S.A. (Vaud) sur la moitié des pertes reportées, alors qu'elle en avait nullement fait mention à la CCRMI. Agissant ainsi, la recourante dépose une conclusion nouvelle. Se pose donc la question de l'admissibilité de cette dernière.

a. L'objet d'une procédure administrative ne peut pas s'étendre ou qualitativement se modifier au fil des instances. Il peut uniquement se réduire dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés devant l'autorité de recours (JAAC 1999, no 78, p. 734.)

b. Si le recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée conformément à la maxime de disposition, il ne peut pas prendre dans son mémoire de recours des conclusions qui sortent du cadre des questions qui ont été l'objet de la procédure antérieure. Quant à l'autorité de recours, elle n'examine pas les prétentions et les griefs qui n'ont pas fait l'objet du prononcé de l'instance inférieure, sous peine de détourner sa mission de contrôle, de violer la compétence fonctionnelle de cette autorité-ci, d'enfreindre le principe de l'épuisement des voies de droit préalables et, en définitive, de priver les parties d'un degré de juridiction. Par conséquent, le recourant qui demande la réforme de la décision attaquée devant l'autorité de recours ne peut en principe pas présenter de conclusions nouvelles ou plus amples devant l'instance de recours, c'est-à-dire des conclusions qu'il n'a pas formulées dans les phases antérieures de la procédure (B. BOVAY, Procédure administrative, Lausanne 2000, p. 390-391).

En l'espèce, la conclusion nouvelle de la recourante sera déclarée irrecevable.

3. La recourante fait valoir que le taux d'intérêt de 9,4 % payé par __________ S.A. à l'Ecole Z __________ S.A. (Vaud) est justifié. Elle conclut à la prise en compte intégrale de ces intérêts.

a. Selon l'article 11 de la loi sur l'imposition des personnes morales  du 23 septembre 1994 (LIPM - D 3 15), l'impôt sur le bénéfice a pour objet le bénéfice net. Est considéré comme bénéfice net imposable, le bénéfice tel qu'il résulte du compte profits et pertes (art.12 let. a LIPM).

b. Les prestations qu'une société anonyme fait directement ou indirectement à ses actionnaires, à ses participants ou à des personnes la ou les touchant de près, sans contre-prestation, c'est-à-dire volontaires, et qu'elle n'aurait pas faites à des tiers qui lui sont étrangers dans les mêmes circonstances, ne sont pas justifiées par l'usage commercial et doivent être ajoutées à son rendement, car elles n'ont pas le caractère de frais généraux pour la société. Le Tribunal fédéral recourt aux notions de distribution dissimulée de bénéfice et de prestation appréciable en argent (ATF 2A. 461/2001 du 21 février 2002 ; RDAF 1995 p. 38ss).

c. Les formes d'apparition des prestations appréciables en argent sont multiples. Elles peuvent être réalisées par un accroissement injustifié des frais généraux, notamment par un paiement d'intérêts disproportionnés pour un prêt de l'actionnaire. En présence d'une prestation appréciable en argent, le fisc réintégrera la prestation dans les bénéfices imposables de la société (ATF 2P. 49/1998 ; X. OBERSON, Droit fiscal suisse, Genève 2002, p. 190).

d. Selon la circulaire n° 4 du 5 février 2001, il y prestation appréciable en argent si la société bonifie sur ses dettes envers ses actionnaires, associés ou personnes les touchant de près, un taux d'intérêt plus élevé que 6,5 %.

e. En règle générale, les instructions, les circulaires et les directives administratives - ou, en d'autres termes, les ordonnances administratives - n'ont, selon la jurisprudence et la doctrine, pas force de loi et ne constituent pas du droit fédéral au sens de l'article 49 lettre a de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 (PA - RS 172.021 ; ATF 121 II 478 consid. 2b ; ATA/839/2993 du 18 novembre 2003 consid. 3c et les références citées).

f. Si les directives, circulaires ou instructions émises par l'administration ne peuvent contenir de règles de droit, elles peuvent cependant apporter des précisions quant à certaines notions contenues dans la loi ou quant à la mise en pratique de celle-ci. Sans être lié par elles, le juge peut néanmoins les prendre en considération en vue d'assurer une application uniforme de la loi envers chaque administré. Il ne doit cependant en tenir compte que si elles respectent le sens et le but de la norme applicable (ATF 121 II 478 consid. 2b).

En l'espèce, il ressortait des réponses données par X __________ S.A. aux questionnaires "renseignements complémentaires relatifs aux comptes 2002" et "état des dettes", reçus par l'AFC le 7 juillet 2003, que l'Ecole Z __________ S.A. (Vaud) était un proche de X __________ S.A. Dans son courrier du 30 novembre 2004, la recourante a précisé que celle-ci n'était pas actionnaire de X __________ S.A., mais que deux de ses administrateurs faisaient partie de son conseil d'administration. L'Ecole Z __________ S.A. (Vaud) avait donc la maîtrise du X __________, de la définition de la stratégie, de la politique de gestion et de l'engagement des collaborateurs. C'est la raison pour laquelle elle était mieux en mesure d'apprécier les bénéfices potentiels qu'un banquier. Au vu de ce qui précède, le tribunal de céans constate que l'Ecole Z __________ S.A. (Vaud) ayant accordé le prêt est une proche X __________ S.A.

4. Selon un principe généralement admis en matière fiscale, on considère que l’administration supporte le fardeau de la preuve de démontrer l’existence d’éléments imposables, tandis qu’il incombe à celui qui prétend à l’existence d’un fait de nature à éteindre ou à diminuer sa dette fiscale d’en apporter la preuve et de supporter les conséquences de l’échec de cette preuve. En présence d’indices concluants permettant d’établir l’existence de faits justifiant une imposition, il incombe alors au contribuable de remettre en cause le point de vue de l’administration. Il en va de même lorsque la présentation des faits par l’autorité est vraisemblable selon l’expérience de la vie. Dans ces situations, le fardeau de la preuve des allégations contraires à celles de l’administration repose alors sur le contribuable (ATA/792/2003 du 28 octobre 2003 ; ATA/384/2003 du 20 mai 2003 ; RDAF 1998 II 24 ; X. OBERSON, Droit fiscal suisse, Bâle 2002, p. 431 n. 9 et références citées).

A l'appui de son recours, la recourante a joint un avis d'échéance du Crédit Suisse S.A., daté du 31 décembre 2004, qui fait état d'un prêt garanti par une hypothèque à un taux de 7,050% pour la période du 10 octobre au 31 décembre 2004, ainsi qu'un relevé de compte du Crédit Suisse S.A., daté du 30 juin 2002, qui fait mention d'un taux d'intérêt débiteur de 9,5% ainsi que d'une commission sur crédit de 1%, soit un total de 10,5%.

Le tribunal de céans considère que la recourante n'a pas réussi à apporter la preuve que le taux de 9, 4 % payé par X __________ S.A. à l'Ecole Z __________ S.A. (Vaud), correspondait bien au taux du marché. Rien n'indique que ce dernier s'élève à 10 %, comme le prétend X __________ S.A. et que le taux d'intérêt appliqué par Crédit Suisse S.A. à l'Ecole Y __________ S.A. n'est pas extraordinaire. Conformément à la circulaire n° 4 du 5 février 2001, le Tribunal administratif retiendra un taux d'intérêt admissible de 6, 5 % pour le calcul de l'ICC. Partant, le grief de la recourante est mal fondé.

5. Au vue de ce qui précède, le recours sera rejeté et la décision de la CCRMI sera confirmée. Un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante qui succombe (art. 87 LPA).

 

* * * * *

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 16 juin 2005 par Y __________ Ecole de X __________ Genève S.A. contre la décision de la commission cantonale de recours en matière d'impôts du 23 mai 2005 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de la recourante un émolument de CHF 1'000.- ;

communique le présent arrêt à Y __________ Ecole de X __________ Genève S.A. ainsi qu'à la commission cantonale de recours en matière d'impôts et à l'administration fiscale cantonale.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Paychère et Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. :

 

 

M. Tonossi

 

la vice-présidente:

 

 

L. Bovy

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :