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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2431/2021

ATA/1086/2021 du 19.10.2021 ( PRISON ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2431/2021-PRISON ATA/1086/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 19 octobre 2021

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

PRISON DE CHAMP DOLLON



EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 2000, est détenu à la prison de Champ-Dollon en exécution de peine depuis le 16 décembre 2020.

2) a. Par décision signée du directeur de la prison, datée du 3 juillet 2021, M. A______ a été sanctionné de quatre jours de cellule forte, à compter du même jour à 14h20, pour attitude incorrecte envers le personnel, refus d'obtempérer et injures envers le personnel.

Il ressort du rapport établi par les agents de détention à l’attention du directeur que, le 3 juillet 2021, l’un d’eux s’était rendu à la cellule 115 avant les repas pour récupérer une tondeuse remise auparavant à un détenu. M. A______ s’était interposé, précisant à l'agent de détention que le co-détenu concerné n’avait pas fini d'utiliser l'objet. L’agent de détention lui avait indiqué qu’il remettrait à nouveau la tondeuse l’après-midi, s’il en avait le temps, mais qu’il devait, en l’état, la récupérer. M. A______ avait refusé d’obtempérer. Une agente de détention stagiaire était venue en soutien de son collègue et avait reformulé la demande de restitution de l’objet. M. A______ s’était tourné en disant « Fils de merde ».

Le co-détenu avait restitué la tondeuse.

Le gardien-chef adjoint avait été appelé et avait décidé de la mise en cellule forte de M. A______.

b. M. A______ a été entendu le même jour à 15h10 par le gardien-chef adjoint.

3) Par acte daté du 13 juillet et posté le 15 juillet 2021, M. A______ a indiqué dans un langage phonétique qui peut être retranscrit, au plus proche de ce qui est compréhensible, par : « Je voudrais faire recours. On m’a accusé. On m’a amené en cellule forte. Je voudrais faire plainte contre ça ».

À la demande de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), l’intéressé a renvoyé le document signé.

4) Le 20 juillet 2021, M. A______ a adressé un courrier à la chambre de céans indiquant, toujours de façon phonétique : « Je faisais recours au Ministère public et aussi je voudrais plainte contre ça et aussi le jugement ça parce que c’est accusation ».

5) La prison a conclu à l’irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet.

6) M. A______ n’ayant pas souhaité répliquer dans le délai qui lui avait été imparti, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. Selon l'art. 65 LPA, l'acte de recours contient, sous peine d'irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant (al. 1). Il contient également l'exposé des motifs ainsi que l'indication des moyens de preuve (al. 2).

b. Compte tenu du caractère peu formaliste de cette disposition, la jurisprudence fait preuve d'une certaine souplesse s'agissant de la manière par laquelle sont formulées les conclusions du recourant. Le fait qu'elles ne ressortent pas expressément de l'acte de recours n'est, en soi, pas un motif d'irrecevabilité, pour autant que l'autorité judiciaire et la partie adverse puissent comprendre avec certitude les fins du recourant (ATA/821/2018 du 14 août 2018 consid. 2 ; ATA/1243/2017 du 29 août 2017 consid. 2a).

c. En l'espèce, le recourant n'a pas pris de conclusions formelles en annulation de la décision. L'on comprend toutefois de ses écrits qu'il conteste le bien-fondé de la sanction. L’absence de production de la décision dans le délai imparti par la chambre de céans n’implique pas, ex lege, l’irrecevabilité du recours. Elle a, à juste titre, été versée à la procédure par l’établissement pénitentiaire. Le recours est recevable sous cet angle aussi.

d. Par ailleurs, bien que la sanction de quatre jours de cellule forte ait déjà été exécutée, le recourant conserve un intérêt actuel à l'examen de la légalité de celle-ci, dès lors qu'il ne ressort pas du dossier que sa peine aurait pris fin et qu'il pourrait être tenu compte de la sanction contestée en cas de nouveau problème disciplinaire. Le recours conserve en conséquence un intérêt actuel (ATA/220/2019 du 5 mars 2019 consid. 2 ; ATA/1104/2018 du 16 octobre 2018 consid. 2 ; ATA/1135/2017 du 2 août 2017).

3) Est litigieuse la sanction de quatre jours de cellule forte.

Selon l'art. 61 LPA, le pouvoir d’examen de la chambre administrative se limite à la violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (al. 1 let. a), ainsi que la constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (al. 1 let. b). Elle ne peut ainsi pas revoir l'opportunité de la décision litigieuse
(al. 2).

4) Le droit disciplinaire est un ensemble de sanctions dont l’autorité dispose à l’égard d’une collectivité déterminée de personnes, soumises à un statut spécial ou qui, tenues par un régime particulier d’obligations, font l’objet d’une surveillance spéciale. Il permet de sanctionner des comportements fautifs – la faute étant une condition de la répression – qui lèsent les devoirs caractéristiques de la personne assujettie à cette relation spécifique, lesquels en protègent le fonctionnement normal. Il s’applique aux divers régimes de rapports de puissance publique, et notamment aux détenus. Le droit disciplinaire se caractérise d’abord par la nature des obligations qu’il sanctionne, la justification en réside dans la nature réglementaire des relations entre l’administration et les intéressés. L’administration dispose d’un éventail de sanctions dont le choix doit respecter le principe de la proportionnalité (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 142 à 145 et la jurisprudence citée).

5) a. Le règlement sur le régime intérieur de la prison et le statut des personnes incarcérées du 30 septembre 1985 (RRIP - F 1 50.04) régit le statut des personnes incarcérées à la prison.

b. Les détenus doivent respecter les dispositions du RRIP, les instructions du directeur de l’office pénitentiaire et les ordres du directeur et du personnel pénitentiaire (art. 42 RRIP). Ils doivent en toutes circonstances adopter une attitude correcte à l’égard du personnel pénitentiaire, des autres personnes incarcérées et des tiers (art. 44 RRIP).

c. Si un détenu enfreint le RRIP, une sanction proportionnée à sa faute, ainsi qu’à la nature et à la gravité de l’infraction, lui est infligée (art. 47 al. 1 RRIP). Avant le prononcé de la sanction, le détenu doit être informé des faits qui lui sont reprochés et être entendu (art. 47 al. 2 RRIP). À teneur de l’art. 47 al. 3 RRIP, le directeur, ou, en son absence, son suppléant, est compétent pour prononcer, notamment, le placement en cellule forte pour dix jours au plus (let. g).

6) De jurisprudence constante, la chambre de céans accorde généralement une pleine valeur probante aux constatations figurant dans un rapport de police, établi par des agents assermentés (ATA/502/2018 du 22 mai 2018 consid. 5 et les références citées), sauf si des éléments permettent de s’en écarter. Dès lors que les agents de détention sont également des fonctionnaires assermentés (art. 19 de la loi sur l’organisation et le personnel de la prison du 21 juin 1984 - LOPP -
F 1 50), le même raisonnement peut être appliqué aux rapports établis par ces derniers (ATA/1242/2018 du 20 novembre 2018 consid. 6).

7) Le principe de la proportionnalité, garanti par l’art. 5 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), exige qu’une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive. En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 126 I 219 consid. 2c et les références citées).

a. En matière de sanctions disciplinaires, l'autorité dispose d'un large pouvoir d'appréciation ; le pouvoir d'examen de la chambre administrative se limite à l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/1451/2017 du 31 octobre 2017 consid. 4c ; ATA/888/2015 du 1er septembre 2015 consid. 7b).

b. Dix jours de cellule forte ont été confirmés par arrêt de la chambre de céans (ATA/1418/2019 du 24 septembre 2019) à l’encontre d’un détenu de la Brenaz dont l'attitude, en particulier son refus d'obéir et de se soumettre, avait entraîné un grand désordre manifeste dans l'établissement, un surveillant ayant même été blessé.

Sept jours de cellule forte ont été confirmés par la chambre de céans pour trouble à l’ordre de l’établissement, refus d’obtempérer (remonter à l’étage), insultes à l’encontre du personnel pendant plusieurs minutes notamment (« Fils de pute, nique ta mère ! »), le détenu ayant précédemment fait l’objet de huit sanctions disciplinaires (ATA/1189/2018 du 6 novembre 2018).

La chambre de céans avait rejeté un recours contre une sanction disciplinaire de sept jours de cellule forte pour violence physique envers le personnel de la prison. La décision était proportionnée et cohérente par rapport aux précédentes sanctions de, respectivement deux, trois et cinq jours de cellule forte ainsi qu’en raison du refus persistant du détenu de se conformer aux instructions du personnel de la prison (ATA/1282/2015 du 1er décembre 2015).

La chambre administrative a confirmé deux jours de cellule forte pour trouble à l’ordre de l’établissement, refus d’obtempérer et attitude incorrecte envers des tiers, dans un cas où le détenu avait dit « viens là si tu n’as pas peur, t’as qu’à venir » à un co-détenu, l’invitant sans équivoque à une confrontation physique (ATA/405/2019 du 9 avril 2019) ainsi que deux jours de cellule forte pour injures et menaces envers le personnel, ainsi que refus d'obtempérer pour un détenu qui avait notamment dit au gardien-chef adjoint présent « fais attention à ta femme et tes enfants, quand je sortirai je m'en occuperai » (ATA/13/2015 du 6 janvier 2015).

La chambre administrative a toutefois réduit à quatre jours de cellule forte au lieu de huit, une pour refus d'obtempérer et injures à l'encontre du personnel (« nazi et sale pédé ! ». « bande de sale nazi, vous allez voir, sale pédé de chauve, tu fais ton malin, je vais te niquer ! ».) au motif que le recourant n'avait aucun antécédent (ATA/313/2020 du 31 mars 2020).

8) En l’espèce, le recourant ne se détermine pas sur les faits qui ont conduit à la sanction. Il ne conteste pas l’incident avec la tondeuse, ni avoir utilisé les termes « Fils de merde » à l’attention des agents de détention.

Dans ces conditions, il est établi que le recourant a enfreint le règlement en refusant d’obtempérer, en injuriant le personnel et en adoptant à l’égard des agents de détention une attitude incorrecte. Le principe d’une sanction est fondé.

Il ressort du dossier que le recourant a déjà fait l’objet d’une sanction de trois jours de cellule forte pour un refus d’obtempérer et d’une attitude incorrecte envers le personnel, selon une décision du 27 février 2021. Dans ces conditions, la quotité de quatre jours de cellule forte, supérieure d'un jour à la sanction précédente, pour des motifs pour partie identiques, soit un refus d’obtempérer et une attitude incorrecte envers le personnel, reste dans les limites du respect du principe de la proportionnalité au sens étroit, compte tenu du large pouvoir d’appréciation dont bénéficie l’autorité intimée et que la chambre administrative n’examine que sous l'aspect d'un éventuel abus ou excès, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

9) Vu la nature du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA et art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu son issue, il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 15 juillet 2021 par Monsieur A______ contre la décision de la prison de Champ-Dollon du 3 juillet 2021 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 78 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière pénale ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______ ainsi qu'à la prison de Champ-Dollon.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Lauber et Tombesi, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

P. Hugi

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :