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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3164/2023

JTAPI/1131/2024 du 14.11.2024 ( LCI ) , IRRECEVABLE

recours terminé sans jugement

Descripteurs : DÉCISION INCIDENTE;DÉCISION;PERMIS DE CONSTRUIRE;QUALITÉ POUR AGIR ET RECOURIR
Normes : LPA.57; LPA.4.al1; LCI.5.al1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3164/2023

JTAPI/1131/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 14 novembre 2024

 

dans la cause

 

Madame A______, représentée par Me Cosima TRABICHET-CASTAN et Me Bernard LACHENAL, avocats, avec élection de domicile

 

contre

 

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

 


EN FAIT

1.             Madame A______ est propriétaire des parcelles n° 1______, 2______, 3______, 4______, 5______, 6______, 7______, 8______, 9______, 10_____ et 11_____ de la commune de B______, situées en zone de construction 5 et en zone agricole.

2.             Par décision du ______ 2023, l'office cantonal de l'agriculture et de la nature (ci-après : OCAN ou l'office) a constaté la nature forestière des peuplements boisés présents sur les parcelles n° 2______, n° 3______ et n° 6______, soulignant notamment que le relevé figurant sur le plan joint à ladite décision était considéré comme forêt au sens des art. 2 de la loi fédérale sur les forêts du 4 octobre 1991 (loi sur les forêts, LFo - RS 921.0) et 2 de la loi sur les forêts du 20 mai 1999 (LForêts - M 5 10).

À teneur du protocole en constatation de la nature forestière n° 12_____ y relatif, le peuplement était composé à 80% d'espèces indigènes (chêne, charme, érable, frêne, hêtre, pin, sylvestre) âgées de plus de 50 ans et à 20% d'espèces étrangères (cèdre, marronnier). Quant à sa structure, ce boisement présentait un degré de couvert de 85% avec un étage intermédiaire avec quelques ifs, un sous-bois naturel avec quelques laurelles ainsi qu'une clôture et un mur en limite de propriété. S'agissant de ses fonctions forestières, celles de structure paysagère et de biodiversité étaient significatives (note de 2 sur une échelle de 3), tandis que celles de protection, récréation et production étaient de peu d'intérêt (1 sur 3). La rubrique « Commentaire » précisait que le massif forestier était issu d'une ancienne structure de parc boisé laissé à l'abandon.

Selon l'extrait du système d'information du territoire à Genève (ci-après : SITG), le boisement mesurait entre 26 et 66 m en largeur et sa surface totale était d'environ 3'400 m2.

3.             Cette décision a été publiée dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du ______ 2023 et notifiée personnellement à Mme A______ par courrier du même jour.

4.             Par acte du 3 juillet 2023, sous la plume de ses conseils, Mme A______ a formé recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci après : le tribunal), concluant, à titre préalable, à ce qu'il soit ordonné au département du territoire (ci-après : DT ou le département) de produire l'intégralité du dossier relatif à la demande d'autorisation de construire n° DD 13_____ du 14 février 1994 (y compris l'expertise rendue en 1995 par Monsieur C______, ingénieur forestier EPFZ) et à ce qu'un transport sur place soit ordonné. À titre principal, elle a conclu à l'annulation de la décision litigieuse et à ce qu'il soit constaté que les parcelles n° 2______, n° 3______ et n° 6______ étaient de nature non-forestière, sous suite de frais et dépens.

Ce recours a été ouvert sous le n° de cause A/14_____.

5.             Le 11 juillet 2023, Mme A______, se référant à ses parcelles (cf considérant 1 en fait), a déposé une requête préalable en autorisation de construire portant sur la surélévation et transformation du bâtiment d'accueil en appartements, la surélévation et transformation de trois villas contiguës en appartements, la rénovation d'une vieille bâtisse, la mise en conformité au standard énergétique THPE et l'abattage et/ou l'élagage d'arbres, aux adresses 15_____, 16_____, 17_____, 18_____, 19_____, 20_____, 21_____, 22_____, du chemin D______, B______.

6.             Cette demande, enregistrée sous le n° DP 23_____, a fait l'objet d'un renvoi d'entrée en date du 29 août 2023, dont la teneur était la suivante :

« (…)

Votre demande d'autorisation nous est bien parvenue. Toutefois il s'avère à l'examen qu'elle est incomplète et/ou que le projet ne répond pas aux dispositions légales et réglementaires en vigueur.

Vous trouverez dans le document intitulé « PREAVIS – ArchLCI-1 » ci-joint, le(s) motif(s) pour le(s)quel(s) votre requête ne peut en l’état être enregistrée et instruite.

Bases légales invoquées :

-          Vu l’article 59 al. 4) de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05)

-          Vu l’article 11 al. 6) de la loi sur les forêts du 20 mai 1999 (LForêts - M 5 10)

Il convient donc de déposer un nouveau dossier complété et/ou corrigé tenant compte des éléments citées ci-dessus (…) ».

Aucune voie de droit n'était indiquée.

Il ressort du préavis défavorable de la direction des autorisations de construire (ci-après : DAC) du 18 août 2023 les points suivants :

« Veuillez modifier votre projet en enlevant la surface de l'aire forestière dans le calcul des droits à bâtir, vu que l'article 11 alinéa 6 LForêts renvoie aux surfaces évoquées à l'alinéa 1, soit les 20 mètres entre l'implantation de la construction et la lisière forestière, seules celles-ci peuvent être prises en compte dans le rapport des surfaces, pour autant qu'elles soient également sises en zone à bâtir. Par conséquent, l'article 11 LForêts ne prévoyant pas le report des droits à bâtir des surfaces recouvertes de forêt (aire forestière), ces dernières ne peuvent être prises en considération dans le calcul des droits à bâtir.

Veuillez modifier votre calcul de surfaces en enlevant la surface de l'aire forestière dans le calcul des droits à bâtir, des parcelles 5______, 1______, 4______, 3______, 2______ et 6______ ».

7.             Par acte du 28 septembre 2023, sous la plume de ses conseils, Mme A______ a formé recours auprès du tribunal contre le renvoi d'entrée précité, concluant à son annulation, aux constats que les parcelles n° 1______, 2______, 3______, 4______, 5______ et 6______ donnaient des droits à bâtir, que leur surface pouvait être comprise dans le calcul de l'indice d'utilisation du sol (IUS) et/ou que les droits à bâtir provenant des parcelles n° 1______, 2______, 3______, 4______, 5______ et 6______ avaient été transférés sur les parcelles n° 7______, 8______, 9______, 10_____ et 11_____, sous suite de frais et dépens. Préalablement, elle a conclu à la jonction de la présente cause à la cause A/14_____, à ce qu’il soit ordonné au département de produire tout document ou convention se rapportant aux parcelles n° 1______, 2______, 3______, 4______, 5______, 6______, 7______, 8______, 9______ et 10_____ datant d'avant l'an 2000, en particulier en lien avec les servitudes conclues et/ou la question des droits à bâtir ainsi que l'expertise de Monsieur C______, ingénieur forestier EPFZ, mentionnée dans l'arrêté du Conseil d'Etat du 15 novembre 1995 et à ce qu'un transport sur place soit ordonné. En tout état, il devait être ordonné à l’office des autorisations de construire (OAC) de poursuivre l'instruction du dossier DP 23_____.

Le courrier libellé « renvoi d'entrée » du 29 août 2023 était une décision individuelle et concrète, fondée sur la LCI. Elle avait un caractère final dans la mesure où elle refusait l'enregistrement et l'instruction de la DP 23_____/1 et, partant, était sujette à recours, indépendamment de sa qualification. Propriétaire des parcelles devant accueillir le projet de construction prévu par la DP 23_____/1, elle disposait incontestablement de la qualité pour recourir.

Au fond, le département avait procédé à une constatation incomplète des faits pertinents, ne tenant en particulier pas compte de l'existence d'une procédure de recours à l'encontre de la décision rendue par l'OCAN en lien avec la nature forestière d'une partie des parcelles litigieuses, ni des accords particuliers relatifs aux droits à bâtir restants.

Sa décision violait les principes de la bonne foi, de la garantie de la propriété et de l'interdiction de l'arbitraire, en retenant que les parcelles végétalisées ne donnaient pas de droits à bâtir, plus précisément que ces parcelles ne devraient pas être prises en compte dans le calcul de l’IUS. En l'espèce, les évènements ayant débouché sur l'inscription en 1996 des servitudes grevant les parcelles n° 1______, 2______, 3______, 4______, 5______ et 6______ attestaient du rôle-clé qu'avaient joué les autorités genevoises, et plus particulièrement le Conseil d'Etat sous la conduite du Conseiller d'Etat F______, dans les négociations relatives à l'accord conclu entre la recourante et les opposants à son projet de construction. A cet égard, le procès-verbal du Conseil d'Etat du 13 novembre 1996 autorisant M. F______ à signer l'acte constitutif de servitude retenait comme motif « la nécessité de constituer une servitude perpétuelle de non bâtir au profit de l'Etat de Genève ». Dans ce contexte, il était évident que l'objectif de l'accord passé était de protéger la zone boisée se trouvant sur les parcelles Nord de la propriété A______, sans qu'il n'en découle pour autant une perte des droits à bâtir afférents à ces parcelles.

Selon la doctrine, les droits à bâtir en zone 5 étaient cessibles, étant précisé que la cession ou le transfert devait alors obligatoirement être accompagné de la conclusion d'une servitude d'interdiction de construire sur la partie de la parcelle correspondant aux droits cédés. Cette servitude était établie en faveur de l'Etat afin de lui permettre de contrôler le respect de l'interdiction. Par conséquent, l'existence même des servitudes de non-bâtir en faveur de l'Etat de Genève sur ces parcelles démontrait que les parties avaient transféré à l'époque les droits à bâtir des parcelles grevées de servitudes, au bénéfice des autres parcelles de la propriété, soit les parcelles n° 7______, 8______, 9______, 10_____ et 11_____. Retenir comme l’OAC que ces parcelles végétalisées ne devaient pas être prises en compte dans le calcul de l'IUS revenait à supprimer les droits à bâtir y relatifs sans aucune base légale. De surcroît, la décision de l’OCAN constatant la nature forestière des parcelles végétalisées avait pour corollaire la suppression pure et simple des droits à bâtir afférent à ces parcelles, en claire contradiction avec les intentions qui prévalaient au moment de la conclusion des servitudes entre elle et l'Etat de Genève. La décision querellée allait ainsi à l'encontre des assurances qui lui avaient été données à l'époque par les autorités quant à la préservation des droits à bâtir relatifs aux parcelles concernées par les servitudes consenties. La solution choisie à l’époque avait pour avantage de ne pas mettre en péril ses droits à bâtir, tout en sauvegardant les intérêts poursuivis par les opposants et par l'Etat, soit la protection de la faune et de la flore.

Il était erroné d’affirmer que l'abrogation de l'arrêté du 15 novembre 1995 constituait une confirmation de la nature forestière du site. Cet arrêté, qui retenait sur la base du rapport d'expert que la législation sur les forêts n'était pas applicable aux parcelles nos 1______, 2______, 3______ et 5______, était devenu sans objet au motif que les parties avaient trouvé un accord par lequel la propriétaire s'était engagée à retirer ses requêtes en défrichement. L'OCAN ne pouvait dès lors en tirer aucun argument quant à l'existence ou non d'une forêt sur ces parcelles. Il ne pouvait pas non plus soutenir que cette abrogation empêcherait la naissance de sa bonne foi.

Au surplus, tant la décision querellée que celle de l’OCAN avaient pour conséquence une restriction particulièrement grave de son droit de propriété dans la mesure où elles réduisaient drastiquement le potentiel constructible de ses parcelles, sans que cela ne soit justifié par un intérêt public prépondérant. En particulier, la décision de l’OCAN avait pour corollaire la suppression pure et simple des droits à bâtir afférent à ces parcelles. Or, les servitudes grevant les parcelles végétalisées garantissaient déjà par elles-mêmes le maintien de l'arborisation existante. Elles avaient en outre été parfaitement observées depuis près de trente années écoulées. Le projet ne prévoyait aucune construction sur ces dernières. Dans ces circonstances, la non-prise en compte des droits à bâtir n'apparaissait pas nécessaire pour garantir la réalisation de l'intérêt public poursuivi, à savoir la protection du milieu naturel concerné et le maintien de l'étendue du boisement existant et la décision attaquée lui imposait ainsi un sacrifice démesuré, non justifié. De surcroît, le projet de construction permettait de mettre sur le marché genevois 30 appartements comprenant entre 2 et 5 pièces. Dans un contexte de pénurie notable, la réalisation de logements répondait ainsi à un intérêt public majeur. En ne tenant pas compte de ces circonstances, l'autorité intimée avait arbitrairement violé les art. 36 al. 2 et 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101).

La décision attaquée retenait enfin à tort que le projet tel que déposé ne répondait pas aux dispositions légales et réglementaires en vigueur, avec une simple référence aux art. 59 al. 4 LCI et 11 al. 6 LForêts et au préavis du DAC. En l’espèce, le projet retenait un indice global de l'utilisation du sol de 30 %, répartis sur les parcelles n° 1______, 2______, 3______, 4______, 5______ et 6______, situées en zone 5, étant rappelé que les droits à bâtir pouvaient être transférés sur les parcelles avoisinantes. En l'état, ces parcelles ne faisaient l'objet d'aucune décision de constatation de la nature forestière entrée en force. A fortiori, elles n'avaient jamais fait l'objet d'une modification de zone visant à les affecter à une zone non-constructible. Elles étaient uniquement mentionnées dans le cadastre forestier, qui avait valeur indicative. Le département avait dès lors retenu à tort qu’elles ne donnaient pas de droits à bâtir. Si elles voulaient supprimer les droits à bâtir liés aux parcelles précitées, les autorités auraient dû déclasser ces terrains en zone de bois et forêts. Partant, les droits à bâtir des parcelles n° 1______, 2______, 3______, 4______ et 5______ existaient encore aujourd'hui et pouvaient être utilisés dans le calcul du projet de la DP 23_____. Par conséquent, le projet respectait les exigences de l'art. 59 al. 1 LCI, de sorte que l'octroi d'une exception découlant de son al. 4 n'apparaît pas nécessaire.

La décision violait également l'art. 11 al. 6 LForêts. Toutes les parcelles se trouvant en zone 5 à bâtir, le département avait estimé à tort que cette disposition était applicable.

Le département n’avait enfin pas tenu compte de la situation particulière de la parcelle n° 6______, à l'évidence différente de ses autres parcelles. Cette dernière ne figurait pas sur le protocole de reconnaissance de la nature forestière du 1er octobre 1992, qui portait uniquement sur les parcelles n° 1______, 2______, 3______ et 5______, étant relevé que la parcelle n° 4______ semblait également exclue. Lors de l'instruction de la demande d'autorisation de construire DD 13_____ de 1994, la parcelle n° 6______ n'était pas thématisée par le préavis du Service des forêts du 24 mars 1994. Elle n'était pas non plus mentionnée sur le préavis du Service de la protection de la nature et des paysages du 15 mars 1995, signé par l'Inspecteur cantonal des forêts dans le cadre de la demande d'autorisation de défrichement. Les arrêtés et le procès-verbal de séance du Conseil d'Etat à ce sujet ne la concernaient pas. Elle ne figurait enfin pas dans le plan directeur forestier de 2000. Par conséquent, l'éventuelle végétation présente sur cette parcelle n'avait clairement pas la nature d'un boisement à l'époque, mais plutôt celui d'un groupe d'arbres isolés au sens de l'art. 2 al. 3 LForêts. Or, l'OCAN n'avait pas démontré en quoi l'état de la végétation sur cette parcelle différerait de celle déjà présente en 1992, sa décision de constatation de la nature forestière se fondant uniquement sur un examen de visu effectué sans pénétrer dans sa propriété. En conséquence, la décision attaquée était contraire au droit en ce qu'elle considérait que la parcelle n° 6______ ne donnait pas de droits à bâtir et que la végétation présente sur celle-ci était de nature forestière.

Ce recours a été ouvert sous le n° de cause A/3164/2023.

8.             Le 16 octobre 2023, le département s’est déterminé sur la demande de jonction.

En l'espèce, il ne pouvait être retenu que les causes A/3164/2023 et A/14_____ se rapporteraient à une situation identique ou à une cause juridique commune, ce d'autant plus que les actes dont il était fait recours ne découlaient pas des mêmes instances. Par ailleurs, elles ne situaient pas au même stade de l'instruction judiciaire. Etant traitées par la même chambre du tribunal, il n’y avait enfin pas de risque que des décisions contradictoires soient rendues. Il s’opposait dès lors à leur jonction. Tout au plus une suspension de la présente procédure pourrait être envisagée jusqu’à droit jugé dans la cause A/14_____.

9.             Par courrier du 3 novembre 2023, Mme A______, sous la plume de son conseil, s’est opposée à la suspension de la procédure A/3164/2023, persistant pour le surplus dans sa demande de jonction. Cette dernière permettrait, en particulier, d’éclaircir de manière complète la question des droits à bâtir. Un refus de jonction pourrait ainsi contrevenir à la garantie d’accès à un juge.

10.         Par courrier daté du 31 octobre 2023 réceptionné le 8 novembre suivant, G______ SA a informé le tribunal souhaiter prendre part à la procédure.

Elle a joint la convention du 28 mars 2023 conclue avec Mme A______ relatif à son intention d’acquérir le terrain de la précitée et au dépôt d’une demande d’autorisation préalable de construire.

11.         Le 5 décembre 2023, le département a transmis ses observations au fond et produit son dossier. Il a conclu à l'irrecevabilité du recours et, subsidiairement, à son rejet.

Le recours était irrecevable. La communication du 29 août 2023 était un simple courrier informatif visant à permettre à l'administré de constituer un dossier correct, afin d'accroître la probabilité d'obtenir une décision finale favorable. Il ne s'agissait donc pas d'une décision, raison pour laquelle aucune voie de recours n'y figurait. D’ailleurs, l'administré restait libre de redéposer exactement la même requête, en exigeant son instruction en l'état, ce qui démontrait l'absence de caractère juridique contraignant.

Au surplus, quand bien même le courrier du 29 août 2023 serait qualifié de décision, il ne pourrait s'agir que d'une décision incidente. En effet, il avait suggéré à la recourante de déposer un nouveau dossier complété et/ou corrigé, en lieu et place de la DP déposée. Ainsi, même si cette suggestion pouvait être comprise comme une invitation à déposer une nouvelle demande, il s'agirait d'une décision incidente et, à ce titre, le délai de dix jours pour recourir n'était pas respecté. En outre, les conditions de l'art. 57 let. c de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) n'étaient également pas remplies.

Enfin, si par impossible le tribunal devait considérer le présent recours comme recevable, il sollicitait un délai de trente jours pour émettre ses observations au fond.

12.         Dans le délai prolongé au 22 janvier 2024 pour sa réplique, la recourante a maintenu que le renvoi d'entrée litigieux était une décision sujette à recours.

A cet égard, si le renvoi d'entrée litigieux n'indiquait aucune voie de recours et n'était pas intitulé « décision », il était néanmoins qualifié de telle, en bas de page, par l’autorité intimée. A cela s’ajoutait que l’architecte de l’OAC lui avait confirmé, par courriel du 5 septembre 2023 que « [le requérant avait] la possibilité de recourir contre toute décision de l'Office des autorisations de construire ». Le revirement de position de l'OAC touchait ainsi la limite du respect de la bonne foi de l'administration. Elle rappelait pour le surplus les six caractéristiques d'une décision matérielle au sens de l'art. 4 LPA lesquelles étaient ici remplies.

Il s’agissait en outre d’une décision finale, sujette à recours dans un délai de trente jours conformément à l'art. 62 al. 1 let. a LPA. En l'espèce, le renvoi d'entrée litigieux avait été rendu à la suite du dépôt d'une demande préalable portant sur un projet de construction sur ses parcelles et, par ce dernier, l'OAC avait de facto exprimé son refus d'instruire de façon complète la demande préalable. Or, le dépôt d'un nouveau dossier signifiait nécessairement une nouvelle demande préalable et donc une nouvelle procédure. Il s'avérait en outre manifeste qu'un nouveau dépôt de la même requête ferait l'objet d'un nouveau renvoi d'entrée pour les mêmes motifs, le préavis du service d'architecture LCI n'étant de toute évidence pas appelé à évoluer.

L'autorité intimée perdait également de vue que le dépôt d'une nouvelle demande, complétée ou corrigée, n'équivalait pas au dépôt de la même demande, contrairement à ce qu'elle alléguait. En effet, la correction du dossier déjà déposé présupposerait quant à elle l'acceptation du préavis rendu et le dépôt d'un projet modifié selon les exigences de l'OAC, soit avec la suppression de plus de la moitié des droits à bâtir figurant dans le dossier initial. Ainsi, le sujet de fond de la demande préalable, soit les droits à bâtir, était clos et une reconsidération de la question des droits à bâtir dans la procédure enregistrée sous n° DP 23_____ avait donc été écartée par le département lui-même. Enfin, aucune deuxième étape de validation du projet par une demande d'autorisation de construire définitive n'était envisageable après le renvoi d'entrée litigieux. En conséquence, elle n’avait aucune possibilité de faire examiner son projet dans sa teneur actuelle.

Par le renvoi au préavis du service d'architecture LCI, l'on comprenait que l'OAC avait considéré que certaines parcelles végétalisées ne donnaient pas de droits à bâtir de sorte que le calcul du rapport des surfaces serait erroné — alors que cela n'avait jamais été constaté par une autorité administrative ou judiciaire auparavant et qu’elle faisait valoir dans son recours qu'un accord au sujet du report des droits à bâtir avait été conclu en 1996 avec le canton de Genève. En communiquant le renvoi d'entrée litigieux, l'OAC avait statué sur les droits à bâtir de ses parcelles et conclu à ce que six d’entre elles n’en donnaient pas.

Partant, par le renvoi d'entrée litigieux, l'OAC avait statué de manière définitive sur la demande préalable déposée, en particulier sur la question des droits à bâtir, et mis de ce fait fin à l'instruction de son projet. Or, sachant que le motif du renvoi d'entrée litigieux était lié aux droits à bâtir, l'on ne saurait exiger qu'elle demande formellement à ce que la demande préalable soit instruite - ce qui impliquerait des frais conséquents, soit plus de CHF 201’000 à titre d'émoluments pour arriver exactement au même résultat vu le préavis du service LCI de l'OAC. Le renvoi devant l'autorité intimée avec le seul but d'obtenir une décision (formelle) identique après plusieurs mois d'instruction ne contreviendrait pas seulement au principe général de l'économie de procédure mais également au principe de l'interdiction du formalisme excessif.

La présente espèce différait de celle du JTAPI/24_____ du ______ 2023. Dans cette affaire, le renvoi d'entrée prononcé invitait les requérants à déposer une demande d'autorisation de construire par voie de procédure définitive puisque le dossier était incomplet pour être instruit en procédure accélérée. Dans la mesure où le choix de la procédure incombait à l'autorité, le tribunal avait conclu qu'il ne s'agissait que d'une décision incidente sans que l'autorité eût statué sur le fond de la validité de la requête, soit la question de la régularisation de constructions illicites (consid. 9). Or, le cas d'espèce concernait une demande préalable et non une demande d'autorisation de construire en procédure accélérée. De plus, l'OAC n'avait jamais prétendu qu’elle aurait dû utiliser une autre voie d'instruction, respectivement qu'il existait une alternative permettant de soumettre le dossier à la revue de l'autorité compétente. Enfin, la demande préalable concernait le calcul du rapport des surfaces et l'implantation d'un nouveau projet de construction et non la régularisation de constructions illicites. Ainsi, contrairement à l'arrêt cité, l'autorité intimée s'était en l'occurrence prononcée sur le fond de l'affaire en délivrant le renvoi d'entrée litigieux pour motif que le calcul du rapport de surfaces était erroné. Elle persistait dès lors dans les conclusions de son recours de même que dans sa requête de jonction avec la cause A/14_____.

Elle a joint ses échanges de courriels avec l’OAC entre le 30 août et le 5 septembre 2023.

13.         Le 29 février 2024, le département a dupliqué, persistant dans ses conclusions.

Le renvoi d'entrée ne constituait qu'un courrier d’information adressé au requérant, au terme d'un contrôle de forme après enregistrement, lui exposant les raisons pour lesquelles son dossier était incomplet ou ne se conformait pas prima facie aux dispositions légales applicables. Il avait ainsi pour but d'alerter le requérant et de lui permettre de choisir (sans perdre de temps dû à une instruction et sans avoir à payer les émoluments qui lui étaient liés) soit de rectifier le tir en déposant un nouveau dossier complet/corrigé, soit de demander que le dossier tel que déposé initialement soit instruit (avec le temps de travail et les émoluments qui y étaient liés) et qu'une décision formelle soit rendue. La note de bas de page dudit courrier n'était aucunement suffisante pour le considérer comme une décision alors même qu’il n’en remplissait pas l'ensemble des éléments constitutifs, ne fondant, en particulier, pas de sanction ou de mesures d'exécution forcée et n’ayant pas un effet contraignant. Le Tribunal fédéral avait pour le surplus relevé que toute indication donnée par l'administration sur une situation juridique ou de fait ne constituait pas une décision constatatoire (ATF 114 lb 190).

S'agissant du courriel adressé par l'architecte LCI au mandataire de la requérante, il ne se prononçait pas sur la nature du renvoi d'entrée mais indiquait uniquement que la requérante pouvait demander une décision, laquelle pourrait faire l'objet d'un recours.

Il n’était au surplus pas nécessaire de redéposer un dossier complet similaire (avec un nouveau numéro de dossier) pour que celui-ci soit instruit, la requête de la mise en œuvre de cette instruction auprès du chef de service étant suffisante, laquelle déboucherait alors sur une décision et non plus une (nouveau) renvoi d'entrée.

Enfin, comme déjà dit, si un tel courrier devait être qualifié de décision, il s'agirait à l'évidence d'une décision incidente. Or, à cet égard, la recourante n'apportait toujours pas la démonstration que les conditions nécessaires à la recevabilité d’un recours contre une telle décision seraient en l'espèce remplies.

14.         Par courrier du 4 juillet 2024, la recourante a invité le tribunal a statué sur son recours dans les meilleurs délais, relevant que la question préliminaire de la recevabilité du recours, soit de savoir si la décision de renvoi d’entrée querellée pouvait être qualifiée de décision administrative sujette à recours, était en état d’être jugée.

15.         Par courrier du 12 septembre 2024, le tribunal a invité les parties à l’informer, d’ici au 30 septembre 2024, sur l’avancée de la procédure de constatation de la nature forestière ou non portant sur la délimitation complète des peuplements poussant sur les parcelles n° 6______, 2______, 3______, 1______, 4______ et 5______, dans la mesure où le résultat de cette procédure pourrait avoir un impact sur la présente cause, leur précisant qu’en fonction de la réponse apportée, sa suspension, en application de l’art. 14 LPA, pourrait être envisagée.

16.         Dans le délai imparti, le département a indiqué n’avoir aucune information sur ladite procédure précisant que l’OCAN pourrait être interpellé à ce sujet, au besoin. La recourante a, pour sa part, indiqué qu’à sa connaissance la requête relative à la nouvelle lisière forestière n’avait pas encore été publiée dans la FAO mais qu’elle ne manquerait pas d’en informer le tribunal, cas échéant. Cela étant, la question préjudicielle de la recevabilité du recours pouvait déjà être tranchée.

17.         Par courrier du 4 octobre 2024, la recourante a informé le tribunal que la requête en constatation de la nature forestière n° 25_____ relative aux parcelles 1______, 2______, 3______, 4______, 5______ et 6______ avait été publiée dans la FAO du _____ 2024. Elle a joint ladite publication.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés contre les décisions prises par le département en application de la LCI (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Dans la mesure où l’autorité intimée considère que son courrier du 18 octobre 2022 intitulé « renvoi d'entrée » ne constituerait pas une décision au sens de l'art. 4 LPA ou, au mieux, une décision incidente, ce point doit préalablement être examiné.

3.             Selon l’art. 57 LPA, sont susceptibles d’un recours :

a) les décisions finales ;

b) les décisions par lesquelles l’autorité admet ou décline sa compétence ;

c) les décisions incidentes, si elles peuvent causer un préjudice irréparable ou si l’admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d’éviter une procédure probatoire longue et coûteuse ;

d) les lois constitutionnelles, les lois et les règlements du Conseil d’État. 

4.             Au sens de l’art. 4 al. 1 LPA, sont considérées comme des décisions les mesures individuelles et concrètes prises par l’autorité dans les cas d’espèce fondées sur le droit public fédéral, cantonal ou communal et ayant pour objet de créer, de modifier ou d’annuler des droits et des obligations (let. a), de constater l’existence, l’inexistence ou l’étendue de droits, d’obligations ou de faits (let. b), de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou des obligations (let. c).

5.             En droit genevois, la notion de décision est calquée sur le droit fédéral. Il ne suffit pas que l'acte querellé ait des effets juridiques, encore faut-il que celui-ci vise des effets juridiques. Sa caractéristique en tant qu'acte juridique unilatéral tend à modifier la situation juridique de l'administré par la volonté de l'autorité, mais sur la base de et conformément à la loi. La décision a pour objet de régler une situation juridique, c'est-à-dire de déterminer les droits et obligations de sujets de droit en tant que tels. Ce critère permet d'écarter un certain nombre d'actes qui ne constituent pas des décisions, comme les actes matériels, les renseignements, les recommandations ou les actes internes de l'administration (ATA/341/2024 du 5 mars 2024 consid. 2.1 et les références citées).

6.             Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, la notion de décision implique un rapport juridique obligatoire et contraignant entre l'autorité et l'administré (ATF 141 I 201 consid. 4.2). Constitue une décision un acte étatique qui touche la situation juridique de l'intéressé, l'astreignant à faire, à s'abstenir ou à tolérer quelque chose, ou qui règle d'une autre manière obligatoire ses rapports avec l'État (arrêt du Tribunal fédéral 1C_150/2020 du 24 septembre 2020 consid. 5.2 et les références citées). De simples déclarations, comme des opinions, des communications, des prises de position, des recommandations et des renseignements n'entrent pas dans la catégorie des décisions, faute de caractère juridique contraignant (arrêts du Tribunal fédéral 1C_593/2016 du 11 septembre 2017 consid. 2.2 ; 8C_220/2011 du 2 mars 2012 consid. 4.1.2). Pour déterminer s'il y a ou non décision, il y a lieu de considérer les caractéristiques matérielles de l'acte. Un acte peut ainsi être qualifié de décision (matérielle), si, par son contenu, il en a le caractère, même s'il n'est pas intitulé comme tel et ne présente pas certains éléments formels typiques d'une décision, telle l'indication des voies de droit (arrêt du Tribunal fédéral 2C_282/2017 du 4 décembre 2017 consid. 2.1 et les références citées).

7.             Constitue une décision finale, celle qui met un point final à la procédure, qu’il s’agisse d’une décision sur le fond ou d’une décision qui clôt l’affaire en raison d’un motif tiré des règles de la procédure (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3e éd., 2011, p. 256 n. 2.2.4.2 ; ATA/521/2020 du 26 mai 2020 consid. 3b). Est en revanche une décision incidente, celle qui est prise pendant le cours de la procédure et ne représente qu’une étape vers la décision finale (ATA/521/2020 du 26 mai 2020 consid. 3b et les arrêts cités) ; elle peut avoir pour objet une question formelle ou matérielle, jugée préalablement à la décision finale (ATF 139 V 42 consid. 2.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_567/2016 et 2C_568/2016 du 10 août 2017 consid. 1.3).

8.             De jurisprudence constante, l'ordre de déposer une demande d'autorisation de construire constitue une décision incidente, dans la mesure où elle ne résout pas la question de savoir si la construction litigieuse, doit être autorisée a posteriori et, le cas échéant, dans quelle mesure elle doit l'être. L'obligation de déposer une demande d'autorisation de construire implique simplement la nécessité d'engager une procédure formelle qui, avec la collaboration du recourant, permettra de vérifier pleinement cette question et ses aspects de légitimité matérielle, ce qui aboutira à une décision finale sur la nécessité ou non d'un permis de construire et, le cas échéant, sur son octroi ou son refus (arrêt du Tribunal fédéral 1C_66/2023 du 23 février 2023 consid. 2.5). Cette décision ne met pas fin à la procédure mais constitue une simple étape dans le cours de celle-ci (ATA/1548/2017 du 28 novembre 2017 consid. 4 ; ATA/433/2018 du 8 mai 2018 consid. 4 ; ATA/1399/2019 du 17 septembre 2019 confirmé par un arrêt du Tribunal fédéral 1C_557/2019 du 21 avril 2020 ; ATA/957/2020 du 29 septembre 2020 consid. 4).

9.             Dans un jugement du 27 avril 2023, le tribunal a retenu que le courrier du département refusant l'entrée en matière sur une demande d'APA devait être qualifié de décision incidente. Dans la cause en question, par ce courrier, le département refusait d'examiner la requête des recourants par la voie de la procédure accélérée, en les invitant à redéposer leur demande sous la forme d'une demande définitive pour qu'il l'instruise. Un parallèle pouvait dès lors être effectué avec ce qui prévalait en matière de demande de reconsidération dans la mesure où si le recourant prétendait que l'autorité devait entrer en matière, celle-ci devrait au moins rendre une décision sur ce point (cf. Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, N 1428 p. 493). Ainsi, on pouvait admettre que le courrier du département présentait un caractère décisionnel et produisait des effets négatifs pour les recourants – de manière analogue à un refus d'entrer en matière sur une demande de reconsidération. Néanmoins, il convenait de garder à l'esprit qu'à ce stade, il n'était pas statué au fond sur leur demande, en l’occurrence de régularisation d’une infraction (construction sans autorisation), mais seulement sur le choix de la procédure à suivre. (JTAPI/483/2023 consid. 9).

10.         Selon l'art. 5 al. 1 LCI, la demande préalable tend à obtenir du département une réponse sur l'implantation, la destination, le gabarit, le volume et la dévestiture du projet présenté. D'après la jurisprudence, elle constitue une demande simplifiée qui peut être présentée avant le dépôt d'un projet définitif. Elle vise à épargner aux intéressés d'être contraints de dresser des plans de détail et à l'administration de compulser de tels plans, tant que les questions de principe n'auront pas été résolues (ATA/17/2023 du 10 janvier 2023 consid. 9b).

11.         Dans le système de la LCI, les avis ou préavis des communes, des départements et organismes intéressés ne lient pas les autorités (art. 3 al. 3 LCI). Ils n’ont qu’un caractère consultatif, sauf dispositions contraires et expresses de la loi ; l’autorité reste ainsi libre de s’en écarter pour des motifs pertinents et en raison d’un intérêt public supérieur. Toutefois, lorsqu’un préavis est obligatoire, il convient de ne pas le minimiser (ATA/1205/2023 du 7 novembre 2023 consid. 4.3 et les références citées).

12.         Le principe de l'économie de procédure commande à l'autorité de mener la procédure de la manière la plus raisonnable possible, en évitant des pertes de temps inutiles, des actes sans portée réelle, ou en facilitant le cheminement ordonné des opérations (Pierre MOOR/Etienne POLTIER, Droit administratif, vol. II, 3ème éd., 2011, n. 2.2.4.7 p. 264 s ; ATF 133 II 257 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_84/2012 du 15 décembre 2012 consid. 3.3.4, non publié in ATF 139 IV 137 ; ATA/414/2017 consid. 4c précité).

13.         Il y a formalisme excessif, constitutif d'un déni de justice formel prohibé par l'art. 29 al. 1 Cst., lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi et complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l'accès aux tribunaux. En tant que l'interdiction du formalisme excessif sanctionne un comportement répréhensible de l'autorité dans ses relations avec le justiciable, elle poursuit le même but que le principe de la bonne foi (ATF 145 I 201 consid. 4.2.1 et les références citées). L'interdiction du formalisme excessif concerne ainsi la souplesse dont doit faire preuve une autorité ou une juridiction administrative dans l'application des règles de procédure et non la façon dont elle applique le droit de fond (ATA/993/2016 du 22 novembre 2016 consid. 5 ; ATA/228/2012 du 17 avril 2012 consid. 9).

14.         Le principe de la confiance s'applique aux procédures administratives. Selon ce principe, les décisions, les déclarations et comportements de l'administration doivent être compris dans le sens que son destinataire pouvait et devait leur attribuer selon les règles de la bonne foi, compte tenu de l'ensemble des circonstances qu'il connaissait ou aurait dû connaître (ATF 135 III 410 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2P.170/2004 du 14 octobre 2004 consid. 2.2.1 ; ATA/1031/2020 du 13 octobre 2020 consid. 4a et les références citées). L'interprétation objectivée selon le principe de la confiance sera celle d'une personne loyale et raisonnable (ATF 116 II 431 consid. 3a ; ATA/399/2019 du 9 avril 2019 consid. 2).

15.         En l'espèce, le courrier du 29 août 2023 du département fait suite à la requête préalable en autorisation DP 23_____ formulée le 11 juillet 2023 par la recourante. Ce courrier relève, qu’après examen, la requête est incomplète et/ou que le projet ne répond pas aux dispositions légales et réglementaires en vigueur et invite la recourante à déposer un nouveau dossier complété et/ou corrigé tenant compte du préavis défavorable de la DAC du 18 août 2023 annexé.

La recourante conteste cette appréciation. Elle estime remplir les conditions pour la délivrance de l’autorisation préalable requise et que, par ce renvoi d’entrée, le département a tranché la question des droits à bâtir disponibles pour le projet.

Elle doit être partiellement suivie en ce sens que par son courrier du 29 août 2023, le département se prononce effectivement sur l’une des conditions posées à la délivrance de l’autorisation préalable requise, à savoir celle de l’existence de droits à bâtir disponibles pour le projet, produisant, par son refus, des effets négatifs et contraignants pour la recourante de manière analogue à un refus d'entrer en matière sur une demande de reconsidération, respectivement à un ordre de déposer une autorisation de construire (si elle veut effectivement voir son projet se réaliser). En ce sens, le courrier du département présente un caractère décisionnel, tout comme cela avait été retenu dans le JTAPI/24_____ précité.

Cela étant, et comme jugé par le tribunal dans son jugement précité ou en matière d’ordre de déposer une autorisation de construire, il doit ici également être retenu que, ce faisant et à ce stade, il n'est pas statué au fond sur la demande de la recourante, en l’occurrence d’octroi d’une autorisation préalable de construire, mais seulement sur l’une des conditions nécessaires en vue de sa délivrance, soit celle de l’existence de droits à bâtir disponibles.

En conséquence, le tribunal parvient à la conclusion que le courrier du 29 août 2023 refusant l'entrée en matière sur la DP 23_____ doit être qualifiée de décision incidente, n’ayant pour objet qu’une première question matérielle, celle des droits à bâtir, jugée préalablement à la décision finale.

16.         Reste à examiner si le recours interjeté contre cette décision incidente est recevable.

17.         Les décisions incidentes sont susceptibles d’un recours dans un délai de dix jours (art. 62 al. 1 let. b LPA), si elles peuvent causer un préjudice irréparable ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 57 let. c LPA).

18.         En l'espèce, la question du respect du délai de recours contre la décision du 29 août 2023 peut souffrir de rester indécise, dès lors qu'aucune voie de droit n'a été indiquée dans le courrier litigieux. Il ne saurait ainsi être reproché à la recourante d'avoir déposé son recours tardivement (art. 46 al. 1 et 47 LPA).

19.         L’art. 57 let. c LPA a la même teneur que l’art. 93 al. 1 let. a de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110). La chambre administrative a précisé à plusieurs reprises que l’art. 57 let. c LPA devait être interprété à la lumière de ces principes (ATA/231/2017 du 22 février 2017 consid. 3c et les références citées).

20.         Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, un préjudice est irréparable au sens de cette disposition lorsqu’il ne peut être ultérieurement réparé par une décision finale entièrement favorable au recourant (ATF 138 III 46 consid. 1.2 ; 134 III 188 consid. 2.1 et 2.2 ; 133 II 629 consid. 2.3.1). Le préjudice irréparable suppose que le recourant ait un intérêt digne de protection à ce que la décision attaquée soit immédiatement annulée ou modifiée, comme un intérêt économique ou un intérêt tiré du principe de l’économie de la procédure (ATF 135 II 30 ; 134 II 137 ; 127 II 132 consid. 2a ; ATA/1187/2015 du 3 novembre 2015 consid. 2c). Le simple fait d’avoir à subir une procédure et les inconvénients qui y sont liés ne constitue toutefois pas, en soi, un préjudice irréparable (ATF 133 IV 139 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_149/2008 du 12 août 2008 consid. 2.1 ; ATA/305/2009 du 23 juin 2009 consid. 2b et 5b et les références citées). Un dommage de pur fait, tel que la prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci, n’est notamment pas considéré comme un dommage irréparable de ce point de vue (ATF 133 II 629 consid. 2.3.1 ; 131 I 57 consid. 1 ; 129 III 107 consid. 1.2.1 ; 127 I 92 consid. 1c ; 126 I 97 consid. 1b).

Savoir si un tel préjudice existe s'apprécie par rapport aux effets de la décision incidente sur la cause principale, respectivement la procédure principale (ATF 141 III 80 consid. 1.2 ; cf. aussi ATA/1187/2015 du 3 novembre 2015 consid. 2c). Il appartient au recourant d'alléguer et d'établir la possibilité que la décision incidente lui cause un préjudice irréparable, et de démontrer ainsi que les conditions de recevabilité de son recours sont réunies, à moins que celui-ci ne fasse d'emblée aucun doute (ATF 141 III 80 consid. 1.2 ; 138 III 46 consid. 1.2 ; 137 III 324 consid. 1.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_392/2016 et 1C_390/2016 du 5 septembre 2016 consid. 2.2 ; cf. aussi ATA/1187/2015 du 3 novembre 2015 consid. 2c).

21.         Le Tribunal fédéral a précisé, s'agissant de l'obligation de constituer un dossier en vue du dépôt d'une requête en autorisation, que si elle impose différentes démarches aux propriétaires concernés, on ne saurait considérer qu'elle cause un préjudice irréparable (arrêt du Tribunal fédéral 1C_278/2017 précité consid. 2.3.2).

22.         En l’espèce, ainsi que susmentionné, la décision querellée informe la recourante que sa requête est incomplète et/ou que le projet ne répond pas aux dispositions légales et réglementaires en vigueur et l’invite à déposer un nouveau dossier complété et/ou corrigé tenant compte du préavis défavorable de la DAC du 18 août 2023 annexé, sans aucunement préjuger de la décision finale quant à la délivrance de l’autorisation requise.

Il appartient en effet à l’autorité d’établir les faits d’office (art. 19 LPA) et de réunir les renseignements pour fonder sa décision (art. 20 al. 1 LPA).

De surcroît, il n’est pas exclu qu’à l’issue de l’instruction de la DP, le département considère qu’il y ait lieu de délivrer celle-ci au vu des explications fournies par la recourante, respectivement de la refuser pour d’autres motifs. Celle-ci conserve par ailleurs la possibilité de recourir contre la décision que prendra le département après instruction complète de sa demande, si elle l’estime infondée, cas échéant en contestant son appréciation s’agissant des droits à bâtir disponibles.

En tout état, l'invitation à déposer un nouveau dossier complété et/ou corrigé tenant compte du préavis défavorable de la DAC du 18 août 2023 annexé, voire à demander le prononcé d’une décision finale sujette à recours sur la base du dossier déjà présenté, comme suggéré par le département dans ses écritures, n’impose que de simples démarches administratives, ce qui n'est pas susceptible de cause un préjudice irréparable au sens de la jurisprudence précitée.

23.         Se pose encore la question de la seconde hypothèse visée par l’art. 57 let. c LPA, à savoir si l’admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d’éviter une procédure probatoire longue et coûteuse.

24.         Pour qu’une procédure soit « longue et coûteuse », il faut que la procédure probatoire, par sa durée et son coût, s'écarte notablement des procès habituels (arrêt du Tribunal fédéral 4A_162/2015 du 9 septembre 2014 consid. 2 et les références citées ; cf. aussi ATA/16/2016 du 12 janvier 2016 consid. 2c ; ATA/1187/2015 du 3 novembre 2015 consid. 2d). Tel peut être le cas lorsqu’il faut envisager une expertise complexe ou plusieurs expertises, l’audition de très nombreux témoins, ou encore l’envoi de commissions rogatoires dans des pays lointains (ATA/16/2016 du 12 janvier 2016 consid. 2c ; ATA/639/2014 du 19 août 2014 et les références citées).

25.         En l'espèce, la présente procédure ne permet pas de trancher la question de fond, le département ne s’étant penché que sur la question des droits à bâtir disponibles, par économie de procédure. C’est précisément pour ce motif que le département a invité la recourante à déposer un nouveau dossier complété et/ou corrigé pour suite d’instruction, soit à formellement lui demander d’instruire le dossier, tel que déjà déposé, et de rendre une décision finale. À défaut, aucune autorité ne peut se prononcer valablement. La question de savoir si l’autorisation peut être délivrée n’est en conséquence pas l’objet du présent litige et, surtout, ne saurait être tranchée à ce stade.

Quant aux émoluments, ils sont inhérents au dépôt de toutes demandes d’autorisation. La recourante ne saurait dès lors à la fois requérir que le département prenne une décision finale sur sa demande et se plaindre d’avoir à payer des émoluments en cas d’instruction de celle-ci, préalable nécessaire au prononcé d’une telle décision.

La présente procédure de recours n’étant dès lors pas susceptible de déboucher sur une décision finale permettant d’éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 57 let. c LPA in fine), la seconde hypothèse visée par l’art. 57 let. c LPA n’est pas réalisée.

Il ne peut enfin être reproché une violation du principe de l'économie de procédure, respectivement un quelconque formalisme excessif à l'autorité intimée, sa façon de procéder, par renvoi d’entrée, visant au contraire un meilleur respect desdits principes, en offrant au requérant la possibilité de choisir (sans perdre de temps dû à une instruction et sans avoir à payer les émoluments qui lui sont liés) soit de rectifier le tir en déposant un nouveau dossier complet/corrigé, soit de demander que le dossier tel que déposé initialement soit instruit (avec le temps de travail et les émoluments y relatifs) et qu'une décision formelle soit rendue. Cela étant, il appartiendra au département de modifier sa pratique en intitulant ses renvois d’entrée de « décisions incidentes », avec indication des voies de droits et délais utiles, dès lors qu’ils produisent, comme rappelé ci-dessus, des effets négatifs et contraignants pour le requérant, sans toutefois statuer au fond sur sa requête.

26.         Les conditions de l’art. 57 let. c LPA n’étant pas remplies, le recours doit être déclaré irrecevable.

27.         S’agissant enfin de la demande d’intervention formulée par H______ SA, le tribunal constate qu’en l’occurrence, la précitée n’a plus d’intérêt actuel à solliciter son intervention dans le cadre d’un recours déclaré irrecevable, cette possibilité – prévue par l’art. 147 al. 2 LCI - étant directement dépendante de l’existence d’un recours remplissant les conditions de recevabilité idoines.

Partant, eu égard à l’irrecevabilité du recours, il sera constaté que la requête d’intervention est devenue sans objet, de sorte qu’elle sera écartée.

28.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d'un émolument réduit – au vu des circonstances - s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l'avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Le solde de son avance lui sera restitué.

29.         Vu l'issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare irrecevable le recours interjeté le 28 septembre 2023 par Madame A______ contre la décision du département du territoire du ______ 2023 ;

2.             met à la charge de la recourante un émolument réduit de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

3.             ordonne la restitution à la recourante du solde de son avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. b et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les dix jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Marielle TONOSSI, présidente, Diane SCHASCA et Carmelo STENDARDO, juges assesseurs

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière