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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/4307/2023

JTAPI/861/2024 du 29.08.2024 ( LCI ) , REJETE

Descripteurs : PRISE DE POSITION DE L'AUTORITÉ;ESTHÉTIQUE;CONFIGURATION DE LA CONSTRUCTION;PETITE CONSTRUCTION
Normes : LCI.15; LCI.59.al3; LCI.59.al3bis; LCI.59.al4; LCI.59.al4bis; LPE.7; LPE.11; RCI.3.al3
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4307/2023 LCI

JTAPI/861/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 29 août 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Jacques-Alain BRON, avocat, avec élection de domicile

 

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

Madame B______ et C______, représentés par Me Aurèle MULLER, avocat, avec élection de domicile

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______ est propriétaire de la parcelle n°1______ de la commune de D______ (ci-après : la commune), sise à l’adresse 5A, chemin E______ (GE).

2.             Madame B______ et C______ (ci-après : les époux B_______ et C______) sont copropriétaires de la parcelle n°2______ contiguë à celle de M. A______, sise chemin E______ 5 (GE) sur laquelle est notamment érigée une villa.

3.             Selon le plan directeur communal de la commune, approuvé par le Conseil d’État le ______ 2023, les deux parcelles se situent dans le périmètre de densification accrue.

4.             Le ______ 2021, Madame B______ a obtenu du département du territoire (ci-après : DT ou le département) une autorisation de construire APA/3______ portant sur l’assainissement énergétique et l’extension de la villa, l’installation d’une pompe à chaleur (PAC), la création d’un bassin extérieur et de murets, et l’abattage d’arbres.

5.             Le 3 février 2023, Madame B______ a déposé une requête en autorisation de construire portant sur la surélévation de la villa (DD/4______).

Le projet comprenait également l’installation d’une PAC.

6.             Dans le cadre de l’instruction de la requête, les préavis suivants ont notamment été recueillis :

-          commission d’architecture (ci-après : CA) du 8 mars 2023 : préavis favorable avec dérogation, l’application de l’art. 59 al. 4 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) étant acceptée vu l’impact mineur sur la pleine terre ;

-          office cantonal des transports (ci-après : OCT) du 15 juin 2023 : favorable sous conditions - après une demande de modification le 21 février 2023 ;

-          commune du 21 juin 2023 : favorable avec dérogation selon l’art. 59 al. 4 LCI (taux d’utilisation du sol de 32.3%) – après une demande de modification le 2 mars 2023 ;

-          service de l’air, du bruit et des rayonnements non ionisants (ci-après : SABRA) du 14 septembre 2023 : favorable sous condition du respect des exigences de la norme SIA 181:2020 (art. 32 de l’ordonnance sur la protection contre le bruit du 15 décembre 1986 - OPB - RS 814.41) – après deux demandes de pièces complémentaires les 6 mars et 5 juillet 2023 ;

-          direction des autorisations de construire (ci-après : DAC) du 6 novembre 2023 : favorable avec dérogation selon l’art. 59 al. 4 let. a LCI (32.5 THPE) et sous conditions : notamment aucune liaison directe entre le garage et le logement n’était autorisée, conformément au rapport des surfaces fourni. La DAC avait précédemment fait des demandes d’instruction complémentaire notamment le 14 février 2023, relevant que toute surface brute de plancher qui était nécessaire à l’accessibilité des locaux d’habitation telles que les circulations verticales et horizontales chauffées ou non (coursives, ascenseur, sas d’entrée vitré ou non…) était à prendre en compte.

7.             Le ______ 2023, le département a délivré l’autorisation globale sollicitée portant sur l’agrandissement de la villa jumelle et l’adéquation au standard THPE (32.8%), l’aménagement d’un deuxième logement, la transformation d’une pergola en couvert, la modification des aménagements extérieurs, la création de places de stationnement, l’installation d’une PAC pour le chauffage de la piscine et une clôture (DD/4______).

Cette autorisation a été publiée dans le Feuille d’avis officielle le même jour.

8.             Par acte du 1er février 2024, M. A______ (ci-après : le recourant), sous la plume de son conseil, a recouru contre cette autorisation auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant à son annulation, sous suite de frais et dépens.

L’autorisation de construire consacrait tout d’abord une violation des art. 15 et 59 al. 4 LCI dans la mesure où la CA avait modifié ses préavis sans aucune explication et n’avait pas examiné le projet dans son environnement. Le dossier ne comprenait aucune description du projet litigieux qui permettait de se représenter l’impact qu’il aura sur l’esthétique du quartier et depuis ses environs accessibles au public. Le module litigieux sera posé tel un « OVNI » d’à peine 40 m2 habitable sur un toit plat, sans cohérence avec son environnement, notamment la villa mitoyenne « jumelle » à l’origine, dont il obstruera sa seule vue vers le Jura. La CA était revenue sur le préavis qu’elle avait rendu dans le cadre de l’APA concernant l’impact sur l’espace végétal sans aucune explication.

Les deux PAC autorisées seront installées en limite de leur propriété ; or, une installation du côté du chemin E______ ou du chemin conduisant aux numéros 2 et 4 dudit chemin limiterait les nuisances sonores perceptibles. Ainsi, le rapport acoustique produit était inexact lorsqu’il indiquait que l’emplacement avait été « optimisé pour le voisinage ».

L’autorisation violait également l’art. 59 al. 3bis LCI en tant qu’elle réduisait encore la surface de pleine terre conservée sur le terrain. Le projet exploitait d’ores et déjà presque tout le coefficient du sol admissible en zone 5 pour une construction THPE. Les exigences en zone villa non protégée n’étaient pas les mêmes que sur les rives du lac mais l’art. 59 al. 3bis LCI ne pouvait pas s’en éloigner de façon diamétralement opposée, puisque de même inspiration ; sur les rives du lac, un rapport de 2/3 de la surface en pleine terre devait être conservée, alors que le projet contesté avait un ratio d’à peine 1/3. Une telle dérogation ne pouvait être délivrée en procédure accélérée, raison pour laquelle « la nullité de l’autorisation délivrée par voie de procédure accélérée précédemment dev[ait] être constatée ».

Enfin, le projet violait l’art. 14 al. 1 let. a LCI : la nouvelle construction dominera les terrasses et piscines de plusieurs voisins, nuira à l’harmonie du quartier et dévaluera leurs biens immobiliers. Enfin, l’installation d’un bassin d’agrément était de peu d’intérêt et l’installation de deux blocs de PAC constituait un inconvénient grave même si ces dernières respectaient les VLI.

9.             Les époux B_______ et C______, sous la plume de leur conseil, ont répondu au recours le 4 mars 2024, concluant à son rejet, sous suite de frais et dépens.

La CA n’avait rendu qu’un seul préavis favorable, y compris avec la dérogation selon l’art. 59 al. 4 LCI. Le projet THPE, modeste, était au-dessous des minimas légaux et le quartier comprenait diverses autres constructions à toit plat, respectivement à deux étages, de sorte que le projet ne dénotait aucunement par rapport à son environnement. Le dossier comprenait l’ensemble des pièces utiles. Le DT s’était enfin appuyé sur les préavis recueillis, notamment ceux de la CA et de la commune. Aucune violation des art. 15 ou 59 al. 4 LCI ne pouvait être retenue.

Le projet querellé ne prévoyait qu’une seule PAC, la seconde ayant déjà été autorisée. Cette dernière était indiquée dans le dossier d’autorisation car une légère adaptation de la puissance devrait être faite, dont l’impact était totalement marginal. Les deux PACS respectaient les valeurs limites prescrites par l’OPB, ce que le recourant ne contestait pas. Elles seraient installées à l’angle sud de la parcelle, soit à l’endroit le plus éloigné de toutes les constructions. Enfin, le SABRA avait délivré un préavis favorable.

Le projet n’avait quasiment aucun impact sur l’aménagement de la parcelle et en particulier sur les surfaces de pleine terre, ce que la CA avait relevé. Le recourant ne pouvait s’en prendre à l’APA/3______ dans la mesure où elle était en force : le grief à son encontre était donc irrecevable. Cela étant, les exigences en matière de pleine terre étaient parfaitement respectées avec une surface de 45%.

Enfin, le projet querellé respectait en tous points les règles applicables à la 5ème zone, notamment en termes de distances, de hauteur ou de gabarit. Aucune fenêtre de la nouvelle partie de donnera directement sur la propriété des recourants. La PAC répondait également à l’ensemble des normes et valeurs de bruit. Dès lors, le projet ne pouvait créer des inconvénients graves au sens de l’art. 14 LCI.

10.         Le département s’est déterminé le 22 mars 2024, concluant au rejet du recours, sous suite de frais. Il a produit son dossier.

Le dossier déposé était complet et la CA, après un examen minutieux de celui-ci, avait rendu un préavis favorable avec l’octroi d’une dérogation fondée sur l’art. 59 al. 4 LCI. Un préavis favorable, selon la jurisprudence, n’avait pas à être motivé. La commune avait également rendu un préavis favorable et il ne rassortissait pas du quartier une harmonie particulière. Il ne pouvait ainsi lui être reproché d’avoir délivré l’autorisation en présence de deux préavis favorables de la commune et de la CA.

L’autorisation querellée ne portait que sur une PAC et, après demande des compléments, le SABRA avait préavisé favorablement le projet le 14 septembre 2023, se fondant sur le formulaire d’attestation du respect des exigences de protection contre le bruit pour PAC du 16 juillet 2023 et avait constaté que l’installation respectait pleinement les valeurs limites de planification.

Aucune violation de l’art. 59 al. 3bis LCI ne pouvait être retenue car cette disposition ne prévoyait aucun objectif chiffré contraignant et la surface de pleine terre du projet s’élevait à 45%. Par ailleurs, la CA avait préavisé favorablement le projet et ce dernier n’avait qu’un impact insignifiant sur la surface de pleine terre.

L’inconvénient grave créé par le projet, soit une vue plongeante sur la parcelle du recourant relevait de la protection de son intimité et les normes en matière de construction n’avaient pour vocation de protéger l’intimité des habitants. Par ailleurs, le projet respectait tous les gabarits légaux et les normes en matière de bruit.

11.         Dans sa réplique du 17 mai 2024, le recourant a persisté dans ses conclusions et mis en exergue un grief supplémentaire. Les surfaces des constructions de peu d’importance (ci-après : CDPI) cumulées s’élevaient à 89.27 m2 alors que le maximum autorisable était de 60.5 m2. L’autorisation devait donc être annulée pour ce motif également.

12.         Les époux B_______ et C______ ont dupliqué le 11 juin 2024, concluant au rejet du nouveau grief dans la mesure de sa recevabilité et persistant intégralement dans leurs conclusions.

13.         Le DT a également dupliqué, le 13 juin 2024, concluant à l’irrecevabilité du nouveau grief. Quoi qu’il en fut, l’absence de fondement du grief était acquise, les calculs des CDPI ayant été effectués avec exactitude.

14.         Le détail des écritures et des pièces produites sera repris dans la partie « En droit » en tant que de besoin.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l'espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; 123 V 150 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_107/2016 du 28 juillet 2016 consid. 9).

4.             Les arguments formulés par les parties à l'appui de leurs conclusions respectives seront repris et discutés dans la mesure utile (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1C_72/2017 du 14 septembre 2017 consid. 4.1 ; 1D_2/2017 du 22 mars 2017 consid. 5.1 ; 1C_304/2016 du 5 décembre 2016 consid. 3.1 ; 1C_592/2015 du 27 juillet 2016 consid. 4.1 ; 1C_229/2016 du 25 juillet 2016 consid. 3.1), étant rappelé que, saisi d'un recours, le tribunal applique le droit d'office et que s'il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, il n'est pas lié par les motifs qu'elles invoquent (art. 69 al. 1 LPA ; cf. not. ATA/1024/2020 du 13 octobre 2020 consid. 1 et les références citées ; ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b; cf. aussi ATF 140 III 86 consid. 2 ; 138 II 331 consid. 1.3 ; 137 II 313 consid. 1.4).

5.             L'objet du litige est défini par trois éléments : principalement par l'objet du recours (ou objet de la contestation) et les conclusions du recourant, et accessoirement par les griefs ou motifs qu'il invoque. Il correspond objectivement à l’objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/504/2023 du 16 mai 2023 consid. 3.2 et les arrêts cités).

6.             Sans prendre de conclusion formelle à ce propos, le recourant, dans l’argumentation de son recours, fait valoir que la nullité de l’autorisation délivrée par voie de procédure accélérée précédemment, soit l’APA/3______ du ______ 2021, devra être constatée.

Or, le recours portant sur l’autorisation de construire délivrée par le département le ______ 2023 (DD/4______), selon le libellé du recours et les conclusions formelles prises en tête des écritures, la demande de constatation de la nullité de l’APA/3______ est irrecevable.

7.             La question de la recevabilité des griefs se distingue de celle de la recevabilité des conclusions, qui doivent être formées dans le délai de recours. En effet, l’absence de conclusions ne peut être réparée que dans le délai de recours. Hors ce délai, le fait d’être autorisé à compléter une écriture ne permet pas de suppléer le défaut de conclusions. De nouvelles conclusions ne peuvent pas non plus être présentées dans le mémoire de réplique (ATA/991/2021 du 27 septembre 2021 consid. 2b et les références citées).

8.             Partant, un recourant est en droit de faire valoir un nouvel argument au stade de sa réplique si celui-ci s’insère dans le cadre de sa conclusion initiale.

9.             Le recourant fait valoir dans un premier grief une violation des art. 15 et 59 al. 4 LCI, au motif que la CA aurait modifié ses préavis sans explication et n’aurait pas examiné le projet dans son environnement. Le dossier d’autorisation ne comprendrait également aucune description du projet qui permettrait de se représenter l’impact qu’aurait celui-ci sur l’esthétique du quartier et depuis les environs accessibles au public.

10.         En vertu de l’art. 1 al. 1 let. b LCI, nul ne peut, sur tout le territoire du canton, sans y avoir été autorisé, modifier, même partiellement, le volume, l’architecture, la couleur, l’implantation, la distribution ou la destination d’une construction ou d’une installation (cf. aussi art. 22 al. 1 LAT, qui prévoit qu'aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l’autorité compétente). En outre, selon l'art. 1 al. 6 LCI, aucun travail ne doit être entrepris avant que l’autorisation ait été délivrée.

11.         Aux termes de l'art. 2 LCI, les demandes d'autorisation sont adressées au département (al. 1). Le règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI – L 5 05.01) détermine les pièces qui doivent être déposées par le demandeur et les indications que celui-ci doit fournir concernant les objets destinés à occuper le sous-sol de façon permanente (al. 2).

12.         Les pièces devant être jointes à la demande d'autorisation de construire ainsi que les visas nécessaires sont énumérés à l'art. 9 al. 2 à 7 RCI. L'art. 9 al. 2 RCI établit la liste des différents plans et coupes nécessaires.

Les exigences formelles imposées par l'art. 9 al. 2 RCI ne sont pas seulement destinées à permettre au département d'instruire les demandes et de contrôler leur conformité à la loi, ou encore de faciliter le travail du juge. Elles permettent également de garantir l'exercice du droit de chacun de consulter - et de comprendre - les projets de construction qui sont déposés, et celui des personnes disposant d'un intérêt digne de protection de recourir, cas échéant, en connaissance de cause (art. 3 al. 2 et 145 LCI, 18 RCI et 60 LPA ; ATA/1829/2019 du 17 décembre 2019 ; ATA/213/2018 du 6 mars 2018 et les références citées).

La précision des plans a également pour fonction de déterminer avec exactitude les détails de l'ouvrage et d'en fixer les contours une fois pour toutes, rendant un contrôle possible au stade de l'exécution. Cette exigence protège, de ce point de vue, tant le bénéficiaire de l'autorisation qui, une fois celle-ci entrée en force, peut se prévaloir d'un droit clairement défini, que les éventuels opposants ou l'autorité compétente, qui peuvent s'assurer que les travaux, une fois exécutés, sont conformes à l'autorisation délivrée (ATA/1829/2019 précité).

13.         L'art. 15 LCI dispose que le département peut interdire ou n'autoriser que sous réserve de modification toute construction qui, par ses dimensions, sa situation ou son aspect extérieur, nuirait au caractère ou à l'intérêt d'un quartier, d'une rue ou d'un chemin, d'un site naturel ou de points de vue accessibles au public (al. 1). La décision du département se fonde notamment sur le préavis de la CA ou, pour les objets qui sont de son ressort, sur celui de la commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : CMNS). Elle tient compte également, le cas échéant, de ceux émis par la commune ou les services compétents du département (al. 2).

14.         La clause d'esthétique de l'art. 15 LCI fait appel à des notions juridiques imprécises ou indéterminées, dont le contenu varie selon les conceptions subjectives de celui qui les interprète et selon les circonstances de chaque cas d'espèce ; ces notions laissent à l'autorité une certaine latitude de jugement. Lorsqu'elle estime que l'autorité inférieure est mieux en mesure d'attribuer à une notion juridique indéterminée un sens approprié au cas à juger, l'autorité de recours s'impose alors une certaine retenue. Il en va ainsi lorsque l'interprétation de la norme juridique indéterminée fait appel à des connaissances spécialisées ou particulières en matière de comportement, de technique, en matière économique, de subventions et d'utilisation du sol, notamment en ce qui concerne l'esthétique des constructions (ATA/1274/2017 du 12 septembre 2017 consid. 6 et la jurisprudence citée).

15.         L'art. 15 LCI ne limite pas la possibilité de refuser un projet de construction ou de lui imposer des modifications aux seules situations dans lesquelles ce projet interagit avec un objet protégé au sens de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin 1976 (LPMNS - L 4 05), qu'il s'agisse par exemple d'un bâtiment ou d'un site. Comme l'indique la lettre de cette disposition, il suffit que, par ses dimensions, sa situation ou son aspect extérieur, le projet entraîne un impact nuisible sur le caractère ou l'intérêt d'un quartier, d'une rue ou d'un chemin, d'un site naturel ou de points de vue accessibles au public.

16.         L'art. 59 al. 4 let. a LCI, entré en vigueur le 28 novembre 2020, prévoit que dans les périmètres de densification accrue définis par un plan directeur communal (ci-après : PDCom) approuvé par le Conseil d’Etat et lorsque cette mesure est compatible avec le caractère, l’harmonie et l’aménagement du quartier, le département peut autoriser, après la consultation de la commune et de la commission d’architecture, un projet de construction en ordre contigu ou sous forme d’habitat groupé dont la surface de plancher habitable n’excède pas 44% de la surface du terrain, 48% lorsque la construction est conforme à un standard de THPE, reconnue comme telle par le service compétent.

L’art. 59 al. 4bis LCI, entré en vigueur à la même date, précise que dans les communes qui n’ont pas défini de périmètres de densification accrue dans leur plan directeur communal, lorsque les circonstances le justifient et que cette mesure est compatible avec le caractère, l’harmonie et l’aménagement du quartier, le département peut accorder des dérogations conformes aux pourcentages et aux conditions de l’al. 4 let. a et b. Pour toutes les demandes d’autorisation de construire déposées avant le 1er janvier 2023, un préavis communal favorable est nécessaire.

17.         L’art. 59 al. 4 let. a LCI est issu d’une modification législative qui vise à promouvoir une utilisation plus intensive du sol en 5ème zone à bâtir, de façon à répondre à la crise du logement sévissant à Genève (cf. ATA/1273/2017 du 12 septembre 2017 consid. 11c ; ATA/1460/2017 du 31 octobre 2017 consid. 2d ; ATA/659/2017 du 13 juin 2017 consid. 4b). Le législateur a eu conscience de cette évolution et a souhaité encourager la réalisation de ces nouvelles formes d’habitat (groupé ou en ordre contigu), lorsqu’il a augmenté les indices d’utilisation du sol (ci-après. IUS) dérogatoires susceptibles d’être appliqués dans cette zone. Il a considéré cette évolution comme une réponse utile et nécessaire par rapport aux problèmes de l’exiguïté du territoire et de la pénurie de logements, manifestant sa volonté d’appliquer l’art. 59 al. 4 let. a LCI partout où les dérogations prescrites pourraient avoir lieu (ATA/95/2022 du 1er février 2022 consid. 8 ; ATA/1485/2017 du 14 novembre 2017 consid. 8d ; ATA/828/2015 du 11 août 2015 consid. 8b, confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 1C_476/2015 du 3 août 2016).

18.         La condition relative au caractère justifié des circonstances, relève de l’opportunité, que le tribunal ne peut pas contrôler, alors que celle relative à la compatibilité du projet, pose des critères relatifs à l’esthétique et à l’aménagement du territoire, conférant un large pouvoir d’appréciation à l’autorité compétente, qui doit s’exercer dans le cadre légal. Cette deuxième condition relevant ainsi de l’exercice d’un pouvoir d’appréciation, le tribunal est habilité, selon l’art. 61 al. 1 let. a LPA, à en sanctionner l’excès ou l’abus (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1P.50/2003 du 27 mars 2003 consid. 2.2; ATA/724/2020 du 4 août 2020 consid. 3c ; ATA/639/2020 du 30 juin 2020 consid. 4c).

19.         La compatibilité du projet avec le caractère, l’harmonie et l’aménagement du quartier exigée par les art. 59 al. 4 et 59 al. 4bis LCI est une clause d’esthétique, analogue à celle contenue à l’art. 15 LCI. Une telle clause fait appel à des notions juridiques imprécises ou indéterminées, dont le contenu varie selon les conceptions subjectives de celui qui les interprète et selon les circonstances de chaque cas d’espèce ; ces notions laissent à l’autorité une certaine latitude de jugement. Lorsqu’elle estime que l’autorité inférieure est mieux en mesure d’attribuer à une notion juridique indéterminée un sens approprié au cas à juger, l’autorité de recours s’impose une certaine retenue. Il en va ainsi lorsque l’interprétation de la norme juridique indéterminée fait appel à des connaissances spécialisées ou particulières en matière de comportement, de technique, en matière économique, de subventions et d’utilisation du sol, notamment en ce qui concerne l’esthétique des constructions (ATA/724/2020 du 4 août 2020 consid. 3d ; ATA/639/2020 du 30 juin 2020 consid. 4c ; ATA/45/2019 du 15 janvier 2019 consid. 5b).

20.         Lorsque la consultation de la CA est imposée par la loi, l'autorité de recours observe une certaine retenue dans son pouvoir d'examen lorsque le département a suivi son préavis ; en effet, la CA, composée essentiellement de spécialistes, est plus à même de prendre position sur des questions qui font appel aux connaissances de ces derniers qu'une instance composée de magistrats (cf. not. ATA/1186/2017 du 22 août 2017 consid. 6c ; ATA/720/2012 du 30 octobre 2012 consid. 10, confirmé par l'arrêt du Tribunal fédéral 1C_635/2012 du 5 décembre 2013).

Selon une jurisprudence constante, s'ils sont favorables, les préavis de la CA n'ont, en principe, pas besoin d'être motivés (ATA/724/2020 du 4 août 2020 consid. 3g ; ATA/414/2017 du 11 avril 2017 confirmé par l'arrêt du Tribunal fédéral 1C_297/2017 du 6 décembre 2017 consid. 3.4.2).

21.         Par ailleurs, selon une jurisprudence bien établie, chaque fois que l’autorité inférieure suit les préavis requis, la juridiction de recours doit s’imposer une certaine retenue pour éviter de substituer sa propre appréciation à celle des entités ayant formulé un préavis dans le cadre de l’instruction de la demande d’autorisation, pour autant que l’autorité inférieure ait suivi l’avis de celles-ci. Elle se limite à examiner si le département ne s’est pas écarté sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l’autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/724/2020 du 4 août 2020 consid. 3e ; ATA/639/2020 du 30 juin 2020 consid. 4d ; ATA/875/2018 du 28 août 2018 consid. 5b).

22.         En l’espèce, le recourant estime que le dossier d’autorisation de construire est incomplet sans toutefois indiquer précisément quel(s) pièce(s) manquerai(en)t en référence à l’art. 9 RCI. En tout état, les différentes instances de préavis ont sollicité les compléments et modifications qu’elles estimaient nécessaires en vue de se prononcer et ont dès lors rendu leur préavis sur la base d’un dossier complet.

Concernant la position de la CA, force est de constater que cette instance n’a rendu qu’un seul préavis dans le cadre de l’instruction de l’autorisation DD/4______, lequel était favorable ; les préavis rendus dans le cadre de l’APA/3______ n’ont aucune pertinence puisqu’ils concernent un autre projet, autorisé et non visé par la présente procédure. Dès lors, il ne peut être retenu que la CA aurait modifié son préavis sans aucune explication, comme le soutient le recourant.

Toutes les instances spécialisées consultées dans le cadre de l’instruction de la requête DD/4______ ont préavisé favorablement le projet, parfois sous conditions. Le projet de construction litigieux, qui est au bénéfice de la dérogation de l'art. 59 al. 4 LCI, a notamment été préavisé par la CA et la commune, dont les consultations sont obligatoires dans les circonstances du cas d'espèce. La CA dans son préavis du 8 mars 2023 a accepté l'application de l'art. 59 al. 4 LCI avec un taux de 32.3 % THPE. Quant à la commune, qui connait le mieux son territoire et qui a inclus les deux parcelles dans le périmètre de densification accrue de son plan directeur communal, elle a également indiqué dans son préavis être favorable à la dérogation de l'art. 59 al. 4 LCI.

Le projet litigieux est ainsi conforme à l’affectation de la zone et l’indice l’IUS proposé par le projet (32.3 % THPE) reste en deçà du maximum admissible de 48 % pour une construction THPE en zone 5. Le quartier compte par ailleurs de nombreux habitats groupés ou villas mitoyennes, à un ou plusieurs étages. Il convient également de souligner ici que le quartier de villas concerné ne bénéficie d'aucune protection particulière.

Les griefs relatifs à la violation des art. 15 et 59 al. 4 LCI seront par conséquent écartés.

23.         Le recourant fait valoir ensuite une violation des art. 7 et 11 de la loi fédérale sur la protection de l’environnement du 7 octobre 1983 (loi sur la protection de l’environnement - LPE - RS 814.01).

24.         La LPE vise à protéger les êtres humains des atteintes nuisibles ou incommodantes (art. 1 al. 1 LPE), tel que notamment le bruit résultant de l’exploitation d’installations, et au lieu de leur effet (art. 7 al. 1 et al. 2 LPE).

25.         À teneur de l'art. 11 al. 2 LPE, il importe, à titre préventif, de limiter les émissions nuisibles, dont le bruit, dans la mesure que permettent l'état de la technique et les conditions d'exploitation et pour autant que cela soit économiquement supportable.

Cette disposition peut notamment justifier de procéder à l'étude d'une autre variante d'un projet ou d'un site préférable et disponible en vue d'assurer une réduction des immissions (ATF 141 II 476 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_54/2019 du 11 novembre 2019 consid. 2.1.1 ; Anne-Christine FAVRE, La protection contre le bruit dans la LPE, 2002, p. 118).

Les VLI s’appliquant au bruit et aux vibrations sont fixées de manière que, selon l’état de la science et l’expérience, les immissions inférieures à ces valeurs ne gênent pas de manière sensible la population dans son bien-être (art. 15 LPE).

26.         Selon l'art. 13 al. 1 LPE, le Conseil fédéral édicte par voie d'ordonnance des valeurs limites d'immissions applicables à l'évaluation des atteintes nuisibles ou incommodantes.

Pour ce qui est du bruit, ces valeurs limites d'immissions figurent aux annexes 3 et suivantes de l’OPB.

27.         L’OPB a pour but de protéger contre le bruit nuisible ou incommodant (art. 1 al. 1). Elle régit, entre autres, la limitation des émissions de bruit extérieur produites par l’exploitation d’installations nouvelles ou existantes au sens de l’art. 7 de la LPE (art. 1 al. 2 let. a).

28.         L’art. 43 al. 1 OPB dispose que le degré de sensibilité II est à appliquer dans les zones où aucune entreprise gênante n’est autorisée, notamment dans les zones d’habitation ainsi que celles réservées à des constructions et installations publiques (let. b).

Pour le bruit produit par les installations de chauffage, de ventilation et de climatisation dans une zone où s’applique le degré de sensibilité II, l’annexe 6 de l’OPB fixe la valeur de planification Lr à 55 dB(A) de jour et 45 dB(A) de nuit. La valeur limite d’immission est de Lr 60 dB(A) de jour et de Lr 50 dB(A) de nuit.

Dans l'ATF 141 II 476 (consid. 3.2), le Tribunal fédéral rappelle qu'une PAC ne peut être construite, en vertu des art. 25 al. 1 LPE et 7 al. 1 let. b OPB, que si les immissions sonores (cf. art. 7 al. 2 in fine LPE: bruit au lieu de son effet) qu'elle engendre ne dépassent pas les valeurs de planification fixées à l'annexe 6 de l'OPB.

29.         En l’espèce, il sied en premier lieu de relever que, contrairement à ce que le recourant prétend, l’autorisation de construire porte sur l’installation d’une seule PAC en lien avec la bassin d’agrément, la seconde PAC ayant déjà été autorisée dans le cadre de l’APA/3______.

A lire le recours, le recourant estime que l’emplacement prévu pour la PAC n’est pas optimisé pour le voisinage et que son installation du côté du chemin E______ ou de celui du chemin conduisant aux n°s 1 et 3 dudit chemin limiterait les nuisances sonores.

Selon les pièces du dossier, la PAC respecte parfaitement les valeurs limites prescrites par l’OPB, ce que le recourant ne conteste pas. Par ailleurs, le SABRA a rendu un préavis favorable après avoir requis des compléments les 6 mars et 5 juillet 2023, préavis dont le respect constitue une des conditions de l’autorisation. Son emplacement a par ailleurs été modifié afin de l’éloigner de l’habitation du recourant.

En conclusion, au vu des développements qui précèdent, le recourant entend avant tout substituer sa propre appréciation à celle de l'autorité intimée et de l’instance spécialisée. Or, le tribunal, qui doit faire preuve de retenue et respecter la latitude de jugement conférée au DT, ne saurait en corriger le résultat en fonction d'une autre conception, sauf à statuer en opportunité, ce que la loi lui interdit de faire (art. 61 al. 2 LPA).

Ce grief sera par conséquent rejeté.

30.         Le recourant fait ensuite valoir une violation de l’art. 59 al. 3bis LCI en tant que le projet ne respecterait pas le ratio de plein terre et l’exigence de qualité de ladite pleine terre déduit de l’art. 59 al. 3 LCI.

31.         À teneur de cette disposition, adoptée le 1er octobre 2020, une surface en pleine terre, à savoir dénuée de toute construction en surface ou en sous-sol et non revêtue, de la parcelle ou du groupe de parcelles considérées par la demande d’autorisation de construire doit être préservée.

Le principe de la préservation de la pleine terre en zone 5 a été introduit dans le guide publié par le canton « Les nouveaux quartiers-jardins du XXIe siècle » visant une densification de qualité de la zone 5 sans modification de zone à Genève, pour répondre à la problématique de l'imperméabilisation des sols. Au chapitre consacré à l'« état des lieux » (version juin 2017, p. 7 ss), le guide relevait en effet : « avec l'augmentation de l'indice d'utilisation du sol on assiste aussi à l'augmentation de l'emprise des bâtiments (et des annexes) pouvant dépasser les 60 % de la surface des parcelles concernées. Avec les stationnements de surface, les terrasses en dur et les souterrains, cette occupation du bâti a pour conséquence une forte imperméabilisation des sols et génère des problèmes de ruissellement et récupération des eaux de pluie ». Sous le chapitre « les enjeux de la densification », il fixait des principes généraux visant notamment « à conserver des espaces plantés en pleine terre en proportion suffisante en limitant, en même temps, l'imperméabilisation des sols » et introduisait également la mention de l'IVER.

32.         Dans le cadre de l'examen du projet de loi portant sur la modification de l'art. 59 al. 4 LCI (PL 12'566), un député avait proposé d'ajouter un alinéa 3bis à l'art. 59 LCI dont la teneur serait la suivante : « une surface en pleine terre, à savoir dénuée de toute construction en surface ou en sous-sol et non revêtue, correspondant au minimum à 40 % de la surface de la parcelle ou du groupe de parcelles considérées par la demande d'autorisation de construire doit en principe être préservée » (rapport du 11 août 2020 de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier le PL 12'566-A).

Il résulte des débats devant le Grand Conseil que le Président du Conseil d'État, en réponse à la question de l'introduction du pourcentage minimal de 40 % de surface en pleine terre, a expliqué : « Sur cette base, nous allons travailler pour mettre à jour d'ici la fin de l'année une grille des critères de qualité qui permettra de valoriser la question de la pleine terre - elle doit tendre vers les 40%, mais il y a toujours des cas qui requièrent des dérogations. C'est pourquoi il me semblerait faux d'introduire des règles urbanistiques au niveau législatif : elles relèvent de la CA, mais aussi des professionnels et des discussions avec les communes. Ce guide qualité exposera donc une démarche que les propriétaires et promoteurs devront suivre et défendre face à la CA, qui sera la gardienne du temple de cette notion de qualité » (MGC, séance du jeudi 1er octobre 2020 à 20h30- 1er débat).

L'amendement concernant l'art. 59 al. 3bis LCI a été adopté sans qu'un pourcentage soit fixé.

33.         Dans l’exercice de la compétence que lui confère l’art. 59 al. 3bis LCI, le département dispose d’une grande liberté d’appréciation celle-ci n'étant limitée que par l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation (art. 61 al. 2 LPA).

Si les directives, circulaires ou instructions émises par l'administration ne peuvent contenir de règles de droit, elles peuvent cependant apporter des précisions quant à certaines notions contenues dans la loi ou quant à la mise en pratique de celle-ci. Sans être lié par elles, le juge peut les prendre en considération en vue d'assurer une application uniforme de la loi envers chaque administré.

Il ne doit cependant en tenir compte que si elles respectent le sens et le but de la norme applicable (ATF 129 V 205 consid. 3.2 ; 127 V 61 consid. 3a ; ATA/552/2013 du 27 août 2013 ; ATA/114/2010 du 16 février 2010). Ces directives ne dispensent pas de se prononcer à la lumière des circonstances du cas d'espèce. Par ailleurs, elles ne peuvent sortir du cadre fixé par la norme supérieure qu'elles sont censées concrétiser. En d'autres termes, à défaut de lacune, elles ne peuvent prévoir autre chose que ce qui découle de la législation ou de la jurisprudence (ATF 138 II 536 consid. 5.4.3 ; 133 II 305 consid. 8.1). Ces principes sont applicables mutatis mutandis en droit cantonal (ATA/1278/2018 précité consid. 10b ; ATA/1000/2018 du 25 septembre 2018 consid. 6d).

34.         En janvier 2021, le département a publié en ligne une « Marche à suivre pour la densification de la zone 5, Modalités d’application du nouvel article 59 LCI » (ci-après : la marche à suivre) » (https://www.ge.ch/document/marche-suivre-densification-zone-5-mise-jour-2022).

Cette marche à suivre décrit les nouvelles exigences de contenu et de forme à respecter dans la zone 5, tant pour les projets de construction que pour les plans directeurs communaux.

35.         Dans sa version mise à jour en novembre 2022, la marche à suivre n'indique plus le pourcentage de pleine terre recherchée mais prévoit : « Une quantité de pleine terre cohérente avec les enjeux de paysage, de biodiversité et les usages souhaités sera recherchée, en lien avec la stratégie de densification zone 5 du PDCom approuvé le cas échéant » (p. 13), précisant aussi que la pleine terre est une des composantes de l'indicateur qualitatif de verdure (p. 9).

36.         Cette version de la marche à suivre précise également le rôle de la CA. Cette dernière « instruit toutes les demandes d’autorisation de construire en zone 5. En application du cadre légal, la CA doit analyser la compatibilité du projet avec « le caractère, l’harmonie et l’aménagement du quartier ». Elle doit désormais également évaluer le projet à l'échelle du groupe de parcelles. Pour cela elle prend en compte, d'une part, la quantité de pleine terre préservée par le projet, et d'autre part, elle se base sur le PDCom, notamment en ce qui concerne les secteurs de densification accrue et les voies à créer ou à modifier. En l'absence d'un PDCom approuvé, la CA applique les critères d'évaluation présentés dans le schéma du chapitre A.2 de la marche à suivre et utilise la note explicative produite par le requérant pour produire son préavis (p. 14).

37.         De plus, selon la directive LCI 021-v7 sur le rapport des surfaces en zone 5 émise par le département le 1er mars 2013 et modifiée le 15 août 2022 (ci-après: directive 021-v7 ; https://www.ge.ch/document/4365/telecharger), il est précisé, s'agissant de l'art. 59 al. 3bis LCI, que « cet alinéa indique qu'une surface pleine terre doit être préservée. Il définit précisément la notion de pleine terre. Par contre, il ne définit rien sur les aspects qualitatif ou quantitatif de cette dernière. A cette effet, le département a établi une marche à suivre intitulée "Densification de la zone 5" (www.ge.ch/document/marche-suivre-densification-zone-5). Selon l'expérience de la CA, il peut être considéré, en règle générale, qu'une surface pleine terre inférieure à 40% n'est ni qualitative, ni suffisamment quantitative. À l'inverse une surface supérieure à 60% peut être considérée comme suffisamment quantitative et qualitative ».

38.         S’il ressort ainsi d'une interprétation historique de l'art. 59 al. 3bis LCI que le législateur a renoncé à fixer un ratio minimal de surface de pleine terre afin de conférer une importante marge de manœuvre au département, sous réserve d'un préavis défavorable de la CA, il en ressort néanmoins que la proportion de surface de pleine terre devrait, dans la mesure du possible, avoisiner les 40 %.

39.         En l’espèce, le projet querellé porte principalement sur la surélévation de la villa. Selon les calculs effectués par l’architecte des intimés, la surface de pleine terre sera de 45 % : le ratio invoqué par le recourant de 33 % de pleine terre n’est quant à lui aucunement documenté. La CA a par ailleurs rendu un préavis favorable au projet retenant que ce dernier avait un impact mineur sur la pleine terre - sa proportion avait dû être déterminée dans le cadre de l’APA/3______, en force.

Le taux de pleine terre prévu par le projet est ainsi supérieur à la proportion de 40 % retenue par la jurisprudence.

C’est encore le lieu de relever si, dans le périmètre des rives du lac, le maintien d’un taux de pleine terre de 2/3 est préconisé, cela n’est d’aucune pertinence en l’espèce puisque le projet litigieux n’est en l’occurrence pas situé dans ce périmètre protégé.

Ce grief sera dès lors également rejeté.

40.         Le recourant fait valoir, dans sa réplique, une violation de l’art. 3 al. 3 RCI dans la mesure ou les surfaces cumulées des CDPI seraient de 89.27 m2, soit une surface dépassant la surface admissible ce qui doit conduire à l’annulation de l’autorisation.

Comme vu ci- dessus, ce grief est recevable et le tribunal entrera donc en matière sur celui-ci.

41.         Aux termes de l'art. 3 al. 3 1ère phrase RCI, sont réputées CDPI, à la condition qu'elles ne servent ni à l'habitation, ni à l'exercice d'une activité commerciale, industrielle ou artisanale, les constructions dont la surface n'excède pas 50 m2 et qui s'inscrivent dans un gabarit limité par une ligne verticale dont la hauteur n'excède pas 2.50 m (let. a), une ligne oblique faisant avec l'horizontale partant du sommet de la ligne verticale un angle de 30° (let. b) et une ligne horizontale de faîtage située à 4.50 m du sol au maximum (let. c). Dans le cadre d'un projet de construction en ordre contigu ou sous forme d'habitat groupé et, afin d'améliorer l'insertion dans le site et pour autant qu'il n'en résulte pas de gêne pour le voisinage, le département peut autoriser, après consultation de la commission d'architecture, des CDPI groupées d'une surface de plus de 50 m2 au total (2ème phrase). Dans tous les cas, la surface totale des CDPI ne doit pas excéder 8% de la surface de la parcelle et au maximum 100 m2 (3ème phrase), une marge de 3% prévue par la jurisprudence cantonale topique étant toutefois admissible (arrêt du Tribunal fédéral 1C_159/2020 du 5 octobre 2020 consid. 4.3.2 et références citées).

42.         Les CDPI prévues à l'art. 3 al. 3 RCI font l'objet de la directive n° 024-v7 3 du février 2014, modifiée en dernier lieu le 9 mars 2021 (ci-après : directive CDPI). Il en ressort que les types de constructions pouvant être considérés comme des CDPI sont les « garages, ateliers non professionnels, couverts à voitures, couverts de plaisance, couverts à bois, abris ou cabanes de jardin, pool house ». Elle précise également que les constructions de très peu d’importance au sens de l’art. 1 al. 3 LCI ne sont pas à prendre en compte au titre de CDPI, ainsi que les jardins d’hiver au sens de l’art. 59 al. 3 LCI et les pergolas. Les piscines ne sont pas mentionnées dans la directive, à quelque titre que ce soit.

43.         La chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) se fonde, de jurisprudence constante, sur la directive CDPI pour déterminer les surfaces à prendre en compte à ce titre, (ATA/93/2021 du 26 janvier 2021 consid. 9d et 10 ; ATA/1104/2020 du 3 novembre 2020 consid. 3d et 4).

Dans le cadre de l’application de l’art. 3 al. 3 RCI, la jurisprudence a déjà été amenée à préciser que les surfaces déterminantes étaient celles de l’emprise au sol d’une construction (ATA/927/2021 du 7 septembre 2021 consid. 3b et les références citées).

Dans un arrêt récent, la chambre a retenu qu’une terrasse de 12 m2 située au premier étage n’a pas été considérée comme une CDPI dès lors qu’elle se situe au-dessus d’un espace habitable de la villa, dont la superficie a été prise en compte en tant que surface brute de plancher (ATA/1344/2023).

44.         En l’espèce, le recourant retient les surfaces suivantes dans son calcul des CDPI : un garage de 27 m2, une terrasse en toiture de 27 m2, un escalier pour y accéder de 5,27 m2, une terrasse couverte avec une marquise de 6 m2, un couvert en verre de 15 m2 et un espace de parking couvert de 9 m2.

Selon les plans signés ne variatur, la parcelle comprend un garage de 24.45 m2, une terrasse couverte de 15,30 m2, une terrasse sur le toit de 25 m2, un escalier permettant l’accès à la surface habitable de la surélévation, un passage sous une marquise de 6 m2 et une surface de parking située sous le surplomb d’étage.

Il n’est pas contesté que le garage de 24.45 m2 et la terrasse couverte de 15.30 m2, constituent des CPDI.

L’escalier extérieur et le passage couvert le long du bâtiment sous la marquise de 6 m2 ayant été comptabilisés dans la surface brute de plancher comme demandé par la DAC dans son préavis du 14 février 2023 - ce qui a conduit à une augmentation de la SBP de 50 m2 à 63 m2 en cours d’instruction de la requête -, ils n’ont pas à être comptabilisé dans les CPDI.

S’agissant de la surface de parking couverte par le surplomb de la surélévation, la directive CDPI, en page 4, retient que la surface située sous un surplomb n’a pas à être prise en considération dans le calcul des CDPI ; dès lors cette surface n’a, à juste titre, pas été prise en compte dans le calcul des CPDI.

Enfin, la terrasse en toiture se situant sur une surface brute de plancher, elle n’a pas à être comptabilisée dans les CDPI, comme retenu par la jurisprudence précitée.

Au vu de ce qui précède, la surface des CDPI est au total de 39.75 m2, soit une surface inférieure au 8 % de la parcelle et au 100 m2 maximum autorisés.

Ce dernier grief sera également écarté.

45.         En tous points mal fondé, le recours sera rejeté.

46.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 1’200.- ; il est partiellement couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

47.         Vu l'issue du litige, une indemnité de procédure de CHF 2’500.-, à la charge de M. A______, sera allouée aux époux B_______ et C______ (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 1er février 2024 par Monsieur A______ contre la décision du département du territoire du ______ 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de Monsieur A______ un émolument de CHF 1’200.-, lequel est partiellement couvert par l'avance de frais ;

4.             condamne Monsieur A______ à verser aux époux B______ et C______ une indemnité de procédure de CHF 2’500.- ;

5.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Siégeant : Sophie CORNIOLEY BERGER, présidente, Loïc ANTONIOLI et Damien BLANC, juges assesseurs.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière