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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/164/2009

ATA/114/2010 du 16.02.2010 ( AMENAG ) , REJETE

Descripteurs : ; ARBRE ; AUTORISATION OU APPROBATION(EN GÉNÉRAL) ; COORDINATION(AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE OU ENVIRONNEMENT) ; POUVOIR D'APPRÉCIATION
Normes : LPA.12A ; RCVA.9.al1 ; RCVA.1 ; RCVA.3.al1 ; RCVA.16
Parties : AESCHIMANN ET LADAME Valentine et François, LADAME François / COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIERE ADMINISTRATIVE, DEPARTEMENT DU TERRITOIRE, BIJLENGA Maja
Résumé : Le service spécialisé du département a considéré, après un transport sur place, que les inconvénients engendrés par le chêne primaient sur l'intérêt présenté par celui-ci. En autorisant l'abattage de l'arbre, le département n'a ainsi pas abusé de son pouvoir d'appréciation. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/164/2009-AMENAG ATA/114/2010

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 16 février 2010

2ème section

dans la cause

Madame Valentine AESCHIMANN
et
Monsieur François LADAME

représentés par Me Pascal Aeby, avocat

contre

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIÈRE ADMINISTRATIVE

et

Madame Maja BIJLENGA
représentée par Me Jean-Pierre Carera, avocat

et

DÉPARTEMENT DE L’INTÉRIEUR ET DE LA MOBILITÉ

 



EN FAIT

1. a. Madame Maja Bijlenga est propriétaire de la parcelle no 488 de la commune de Cologny, à l’adresse chemin du Connétable 5B.

Cette parcelle abrite, au sud-est, plusieurs arbres formant une coulisse boisée en limite de propriété avec la parcelle n° 901 et, sur son côté sud-est qui jouxte la parcelle n° 549, un chêne.

b. Monsieur François Ladame est propriétaire de la parcelle n° 549 de la commune de Cologny, à l'adresse chemin de Connétable 7, où il vit avec sa compagne, Madame Valentine Aeschimann.

2. Le 29 mai 2008, Mme Bijlenga, par l’intermédiaire de Orlandini S.A., a déposé une requête en autorisation pour l'abattage du chêne, auprès du domaine nature et paysage, département du territoire, devenu depuis lors le département de l’intérieur et de la mobilité (ci-après : DIM ou le département). Elle a indiqué comme motif de sa demande "entretien".

3. a. Le 11 juillet 2008, le département a accordé l’autorisation sollicitée à la condition qu’un arbre de type érable champêtre soit replanté le long de la coulisse boisée existante.

b. Cette autorisation a été publiée dans la Feuille d’avis officielle (ci-après  : FAO) du même jour qui indiquait dans la rubrique des motifs "sécurité, salubrité" et "entretien végétation".

4. Le 14 juillet 2008, Mme Aeschimann et M. Ladame ont formé recours auprès de la commission cantonale de recours en matière de constructions, devenue depuis lors la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : la commission) contre la décision du département.

Le chêne était en bonne santé et il constituait un élément important du patrimoine arboré du quartier. Aucune raison objective ne justifiait son abattage. Par ailleurs, eux-mêmes s'étaient vu refuser une demande d’autorisation, d’abattage pour un autre arbre en 2004.

5. Le 11 août 2008, Mme Bijlenga, par l’intermédiaire de son architecte, a indiqué que l’abattage du chêne était nécessaire pour des motifs de salubrité. L’arbre se trouvait trop près de la maison et amenait une humidité importante, ce qui causait des problèmes à la toiture du bâtiment.

6. Par requête enregistrée le 1er octobre 2008, sous n° 102418, Mme Bijlenga a sollicité la délivrance d'une autorisation de construire auprès du département des constructions et des technologies de l'information (ci-après : DCTI) pour la transformation et l'agrandissement de la villa.

7. Une audience de comparution personnelle des parties a eu lieu par-devant la commission le 27 novembre 2008.

a. Mme Aeschimann et M. Ladame ont maintenu leur position. Le principe de coordination des procédures avait été violé car Mme Bijlenga avait déposé parallèlement à sa requête en abattage un projet de construction auprès du DCTI.

b. Mme Bijlenga a confirmé vouloir abattre l’arbre litigieux pour des raisons sanitaires. La toiture de la maison était couverte de mousse provoquée par l'ombre de cet arbre et de ceux qui composaient la coulisse le long de la parcelle. Dès 11h. du matin, il n’y avait plus de soleil sur sa parcelle. L’abattage avait été sollicité avant que ne soit envisagé le projet de démolition/reconstruction de la maison.

c. Le département a persisté dans sa décision. Le chêne n’était pas à l’intérieur de la coulisse boisée. Il préférait qu’un nouvel arbre soit planté en contrebas de celle-ci. De plus, l'arbre litigieux n’était pas un élément marquant du paysage.

8. Par décision du 9 décembre 2008, la commission a rejeté le recours.

Les motifs invoqués par les recourants relevaient pour la plupart de l’opportunité et étaient dès lors matériellement irrecevables. Par ailleurs, il ne ressortait pas du dossier que les deux procédures devaient ou auraient dû être coordonnées. Enfin, la prétendue violation du principe de l’égalité de traitement n’avait pas de substance, car aucun élément du dossier ne permettait de retenir que la situation relative à l’arbre que les recourants avaient souhaité abattre en 2004, était similaire à celle faisant l’objet de la procédure pendante.

9. Le 16 janvier 2009, Mme Aeschimann et M. Ladame ont interjeté recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif, en concluant à son annulation.

Ils sollicitent un transport sur place pour faire constater que la toiture de la maison de Mme Bijlenga était parfaitement sèche. L’intimée désirait abattre le chêne uniquement pour faciliter les travaux prévus par la demande d’autorisation de construire 102418. Les premiers juges avaient ainsi procédé à une mauvaise appréciation des faits, en ne retenant pas que la demande d’abattage du chêne reposait sur d’autres motifs que ceux allégués.

Par ailleurs, soutenir que la demande d’abattage et celle relative à l’autorisation de construire étaient indépendantes l’une de l’autre relevait de la mauvaise foi. Ces deux demandes présentaient un lien de connexité important, d'autant plus que l’agrandissement de la villa de l’intimée était soumis à l’abattage préalable du chêne. Dans ces circonstances, une pesée globale des intérêts en cause aurait dû être effectuée et les décisions nécessaires auraient dû être notifiées simultanément. Il y avait dès lors violation du principe de coordination prévu à l’art. 12A de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

Selon la nouvelle directive émise en août 2008 par le département, l’autorité disposait d’un large pouvoir d’appréciation dans l’application des critères décisionnels en matière de conservation du patrimoine arboré. Le département ne saurait toutefois utiliser d’autres critères que ceux prévus par la directive sous peine de commettre un excès du pouvoir d’appréciation. Dans le cas d’espèce, ce n’était pas pour des raisons sanitaires que Mme Bijlenga souhaitait abattre le chêne, mais uniquement pour des raisons de confort afin de pouvoir procéder à la démolition et à la reconstruction de sa villa. Ce motif n’avait pas été examiné et ne constituait pas un intérêt suffisant pour abattre un arbre en pleine santé avec une espérance de vie de plus de 250 ans et constituant un élément important du paysage du quartier. L’intérêt public à la préservation du patrimoine arboré devait primer sur l’intérêt privé de Mme Bijlenga à l’agrandissement de sa villa. Dans ces circonstances, les premiers juges et le département avaient violé le principe de l’intérêt public et de la pesée des intérêts en présence. La décision de la commission confirmant la délivrance de l’autorisation d'abattage devait dès lors être annulée.

Enfin, eux-mêmes avaient sollicité l’abattage d’un vieux cèdre situé à la limite de leur propriété en 2004. Cette autorisation avait été refusée au nom de la conservation de la végétation arborée du quartier. Autoriser l’abattage du chêne de Mme Bijlenga constituerait dès lors une inégalité de traitement contraire à l’art. 8 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101).

10. Le 3 février 2009, la commission a transmis son dossier.

11. Le 26 février 2009, le département s’est opposé au recours.

La requête d’abattage avait été examinée par le service spécialisé du département sous l’angle de la sécurité-salubrité et de l’entretien des végétaux. Ensuite, l’autorisation avait été délivrée pour ces même motifs, ainsi que l’attestait la teneur de la publication de l’autorisation d’abattage dans la FAO du 11 juillet 2008. La réalité des motifs présentés par Mme Bijlenga avait donc été contrôlée dans le cadre de l’instruction du dossier. L’abattage avait été autorisé, car le motif de salubrité en particulier avait été jugé pertinent par le département. C’était sur la base des mêmes faits que la commission avait instruit le litige et rendu sa décision.

S’agissant du principe de coordination des procédures, la requête d’abattage avait été déposée plus de trois mois avant le dépôt de la demande d’autorisation de construire et le motif présidant à l’abattage n’était pas dépendant du projet de construction. Il ne pouvait ainsi pas être reproché au département de ne pas avoir lié la requête d’abattage au projet de construction. Les deux procédures étant matériellement et formellement indépendantes, elles n’avaient pas à être coordonnées.

Le règlement sur la conservation de la végétation arborée du 27 octobre 1999 (RCVA - L 4 05.04) accordait au service spécialisé du département un large pouvoir d'appréciation dans l'examen des requêtes en abattage ou en défrichage qui lui étaient adressées. La directive concernant la conservation des arbres - critères de maintien et motifs d’abattage, émise au mois d’août 2008, avait pour objectif notamment de préciser les règles décisionnelles en matière de conservation du patrimoine arboré. Dans le cas d’espèce, le département avait procédé à une évaluation sur la base des critères prévus dans cette directive en mettant en balance l’intérêt du chêne avec les impacts négatifs de celui-ci sur la maison. Il avait estimé qu’il n’existait pas de motif suffisant pour exiger le maintien de l’arbre. Il avait également tenu compte du fait que le chêne, qui ne constituait pas un élément marquant du paysage, ne se trouvait pas à l’intérieur de la coulisse boisée existante et que la compensation de l’abattage pouvait être réalisée par la plantation d’un nouvel arbre le long de ladite coulisse. Enfin, rien ne permettait de retenir que la situation relative à l’arbre dont les recourants avaient sollicité l’abattage en 2004 serait similaire à celle faisant l’objet de la procédure pendante.

12. Le 10 mars 2009, Mme Bijlenga a conclu au rejet du recours.

Les recourants tenaient des propos mensongers en affirmant que la toiture de la villa serait en bon état. Il résultait des pièces versées au dossier, de même que des constatations faites sur place par le technicien qui avait instruit le dossier, que la toiture se trouvait en mauvais état. Par ailleurs, la requête en abattage du chêne était totalement indépendante de la demande en autorisation de construire. Elle était fondée exclusivement sur des motifs de sécurité et de salubrité. Il n’y avait dès lors aucune violation du principe de coordination. L’analyse à laquelle avait procédé le département ne souffrait aucune critique. Le RCVA n’avait nullement été violé. De même, la prétendue violation du principe de l’égalité de traitement n’était pas sérieusement motivée, les recourants ne fournissant pas le moindre élément à l’appui de leur thèse.

13. Le 13 mars 2009, Mme Aeschimann et M. Ladame ont transmis un courrier de l’entreprise Jacquet, daté du 12 mars 2009, indiquant que le chêne, objet du litige, était en parfaite santé et qu’il était bien intégré dans le paysage. Ils sollicitaient du tribunal un transport sur place ou, cas échéant, l'audition des parties.

14. Le 8 mai 2009, le juge délégué a entendu les parties lors de l'audience de comparution personnelle.

a. Mme Aeschimann et M. Ladame ont confirmé s’opposer à l’abattage de l’arbre litigieux. Il s’agissait d’un bel arbre en pleine santé, dont la ramure les séparait de la maison de l’intimée et qui les cachait de la maison située au sud-est. L’abattage de l’arbre était lié à un projet de vendre la parcelle.

b. Mme Bijlenga a expliqué que sa maison avait été louée pendant plusieurs années. Elle n'y habitait pas mais, suite au départ du locataire, elle avait décidé de la réintégrer. Il s’agissait d’une bâtisse ancienne rénovée plusieurs fois. Elle avait mandaté une entreprise pour évaluer différentes options de travaux possibles et avait entrepris des démarches pour obtenir une autorisation en octobre 2008. L’entreprise lui avait signalé que le toit situé sur l’arrière de la maison, en direction de la maison des recourants, était pourri. Il y avait des infiltrations sous les tuiles. Cette partie du toit était toujours à l’ombre du chêne.

Elle avait donc décidé de demander l’autorisation d’abattage de cet arbre sans attendre de savoir le type de travaux qu'elle voulait entreprendre. La demande d’abattage était indépendante de ses projets de rénovation. Elle était nécessitée par l’assainissement de l’arrière de la maison.

N’habitant pas dans la maison jusque là, elle n’avait jamais pensé à demander l’autorisation d’abattre l’arbre auparavant. Elle avait en revanche reçu des plaintes de son locataire en raison de l’humidité.

c. Monsieur Bertrand Favre, agent technique du département, avait instruit la demande d’abattage du chêne. Il s’était rendu sur les lieux. Il avait constaté qu’effectivement le chêne litigieux faisait, par sa ramure, une ombre considérable sur le bâtiment. Il confirmait avoir observé la présence d’une importante mousse sur le toit du bâtiment sur la partie à l’ombre de l’arbre. Le chêne était un arbre en bonne santé, il avait une septantaine d’années et était légèrement décalé par rapport au cordon boisé. En raison de ce décalage, il n'apparaissait pas comme étant un élément majeur du paysage. En revanche, le cordon boisé devait être protégé. Un arbre de compensation avait été proposé par l’intimée qui serait planté au milieu du cordon boisé. Il s’agissait d’une espèce indigène, mais moins volumineuse qu’un chêne.

d. M. Ladame a contesté l’existence d’une relation de cause à effet entre le chêne et l’humidité ainsi que la mousse constatée sur le toit de la maison de l’intimée. La partie du bâtiment touchée par l’ombre de l’arbre était construite en contravention d’une servitude de non-bâtir.

15. Le 6 juin 2009, Mme Aeschimann et M. Ladame ont transmis leurs observations suite à l’audience du 8 mai 2009. L’audition des parties avait confirmé que l’abattage du chêne s’imbriquait manifestement dans le projet de transformation, puis de l'éventuelle vente de la villa de Mme Bijlenga. Or, conformément au principe de coordination, une autorisation d’abattage d’arbre, qui était liée à une procédure d’autorisation de construire, ne pouvait être traitée de manière indépendante et devait faire l’objet d’une pesée globale des intérêts en présence. Au vu de la bonne santé, confirmée lors de l’audience, et de l’espérance de vie du chêne, l’intérêt public à la préservation du patrimoine arboré devait primer sur l’intérêt privé à la transformation de la villa de Mme Bijlenga.

16. Le 10 juin 2009, Mme Bijlenga a transmis ses observations. Au préalable, elle a indiqué avoir emménagé dans la maison le 1er juin 2009. Il ressortait clairement du document photographié produit lors de l'audience que la mousse s’était insinuée entre les tuiles de la toiture affaiblissant l’étanchéité de l’ouvrage. L’analyse à laquelle avait procédé le département avait démontré qu’il n’existait pas de motifs suffisants pour exiger le maintien de l’arbre litigieux, l’abattage de ce dernier se justifiant pour des raisons de sécurité, de salubrité et d’entretien. Par ailleurs, le grief de violation du principe de coordination soulevé par les recourants devait purement et simplement être écarté.

17. Le même jour, le département a indiqué ne pas avoir d’observations à formuler et ne pas solliciter d’autres mesures d’instruction.

18. Le 15 juin 2009, le juge délégué a accordé aux parties un délai au 30 juin 2009 pour formuler toute requête complémentaire.

19. Le 25 juin 2009, Mme Aeschimann et M. Ladame ont indiqué qu'au vu des diverses photos produites, ils s’en rapportaient à justice s'agissant de l’opportunité d’un transport sur place.

20. Le 29 juin 2009, le département a confirmé son courrier du 15 juin 2009. Il n’avait pas de requête complémentaire à formuler.

21. Le 30 juin 2009, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 23 RCVA ; art. 63 al. 1 let. a LPA).

2. Au préalable, le tribunal de céans relèvera que, dans leur dernier courrier, les recourants s'en sont rapportés à justice quant à l'opportunité de procéder à un transport sur place. Au vu des éléments à sa disposition, le tribunal considère que cette mesure n'est pas nécessaire et que le dossier est en état d'être jugé.

3. Le recours peut être formé pour violation du droit y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation et pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 LPA). Les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA).

4. Les recourants reprochent à la commission d'avoir effectué une mauvaise appréciation des faits quant aux motifs d'abattage du chêne.

5. Dans sa requête en abattage de l'arbre litigieux, l'intimée a indiqué "entretien". Le département a examiné cette demande sous l'angle de la sécurité, de la salubrité et de l'entretien des végétaux et a accordé l'autorisation pour ces motifs comme l'attestent les indications parues dans la FAO. Le fait que l'intimée ait ultérieurement déposé une demande en autorisation de construire n'est ainsi pas pertinent et c'est à juste titre que la commission n'a pas pris cet élément en considération.

6. Les recourants invoquent une violation du principe de coordination.

7. a. L'art. 12A LPA institue le principe de coordination lorsque la réalisation d'un projet requiert l'application de diverses législations ayant entre elles un lien matériel étroit.

Ce principe figure également à l'art. 9 al. 1 RCVA qui prévoit que les autorisations d'abattage liées à un projet de construction sont publiées simultanément aux autorisations définitives de construire, de la compétence du DCTI.

b. A de nombreuses reprises, le Tribunal fédéral a dégagé les principes imposant une coordination matérielle et formelle des décisions qui impliquent l'application de plusieurs dispositions légales différentes pour la réalisation d'un même projet. S'il existe entre celles-ci une imbrication telle qu'elles ne sauraient être appliquées indépendamment les unes des autres, il y a lieu d'assurer leur coordination matérielle.

Ces principes développés dans le cadre de l'application du droit fédéral valent par analogie dans tous les cas où un projet relève de dispositions légales étroitement imbriquées. Le tribunal de céans a d'ailleurs déjà eu l'occasion d'indiquer qu'en matière d'autorisation de construire, l'autorité devait prendre en compte toutes les dispositions légales pertinentes, et par conséquent peser les intérêts y relatifs (ATA/80/2009 du 17 février 2009 ; ATA/464/2007 du 18 septembre 2007).

En l'espèce, lors du dépôt de la requête en abattage, le DCTI n'avait été saisi d'aucune demande en autorisation de construire. Comme indiqué précédemment, le département a, après examen, considéré que des raisons de sécurité et de salubrité justifiaient l'octroi d'une autorisation pour abattre le chêne. Cette décision est indépendante de tout projet de construction. Le principe de coordination ne trouve dès lors pas application. Le grief tiré de la violation de ce principe n'est ainsi pas fondé.

8. Les recourants allèguent encore l'intérêt public à la conservation de la végétation arborée.

9. a. La loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin 1976 (LPMNS - L 4 05) protège les sites et paysages, espèces végétales et minéraux qui présentent un intérêt biologique, scientifique, historique, esthétique ou éducatif (art. 35 al. 1 LPMNS). Le Conseil d'Etat peut n'autoriser que sous condition ou même interdire l'abattage, l'élagage ou la destruction de certaines essences d'arbres, de cordons boisés, de boqueteaux, buissons ou de haies vives (art. 36 al. 2 let. a LPMNS).

b. Le RCVA a pour but d'assurer la conservation, à savoir la protection, le maintien et le renouvellement de la végétation formant les éléments majeurs du paysage (art. 1 RCVA).

Aucun arbre ne peut être abattu ou élagué, ni aucune haie vive ou aucun boqueteau coupé ou défriché, sans autorisation préalable du département (art. 3 al. 1 RCVA).

Le département édicte des directives en matière de sauvegarde des végétaux maintenus, de leur mise en valeur et de l'exécution correcte des mesures compensatoires (art. 16 RCVA).

c. La directive concernant la conservation des arbres, critères de maintien et motifs d'abattage, dans la version d'août 2008, précise les règles décisionnelles en matière de conservation du patrimoine arboré. Ainsi, la décision de maintenir un arbre est prise lorsque l'intérêt de maintien prime sur les motifs d'abattage et celle d'abattage seulement si des motifs valables empêchent le maintien de l'arbre.

Les critères de maintien sont évalués en relation directe avec l'espèce. Ils comprennent la beauté et l'intérêt de l'arbre, son état sanitaire et son espérance de vie. Quant aux motifs d'abattage, ils regroupent les dangers et incidences de l'arbre sur les biens et les personnes, le type et l'importance de la construction ou de l'aménagement projeté, la mise en valeur d'autres arbres ou l'entretien d'un ensemble végétal, la prévention phytosanitaire ainsi que le respect des lois, servitudes ou conventions.

d. Les directives sont des ordonnances administratives, dont les destinataires sont ceux qui sont chargés de l'exécution d'une tâche publique, non pas les administrés. Elles ne sont pas publiées dans le recueil officiel de la collectivité publique et ne peuvent donc avoir pour objet la situation juridique de tiers (P. MOOR, Droit administratif, Vol. I, Berne, 1994, ch. 3.3.5.1). La directive en cause est toutefois une directive interprétative, qui exerce un effet sur la situation des tiers (ibidem, ch. 3.3.5.2). L'ordonnance administrative ne lie pas le juge, mais celui-ci la prendra en considération, surtout si elle concerne des questions d'ordre technique, mais s'en écartera dès qu'il considère que l'interprétation qu'elle donne n'est pas conforme à la loi ou à des principes généraux (ibidem, ch. 3.3.5.4).

En l'espèce, le service spécialisé du département s'est rendu sur place. Il a ainsi été en mesure d'évaluer la situation et de procéder à une pesée de intérêts entre l'intérêt présenté par le chêne et les inconvénients engendrés par celui-ci. L'agent technique du département a expliqué, lors de son audition devant le tribunal de céans, qu'il avait constaté l'ombre occasionnée par la ramure du chêne litigieux et la présence d'une importante mousse sur le toit du bâtiment. Cet arbre n'apparaissait pas comme un élément majeur du paysage, contrairement au cordon boisé présent sur la parcelle. En estimant qu'il n'existait pas de motifs suffisants pour exiger le maintien du chêne et en autorisant l'abattage de celui-ci à la condition qu'un nouvel arbre soit planté le long de la coulisse boisée, le département n'a pas abusé de son pouvoir d'appréciation. C'est ainsi à juste titre que la commission a confirmé l'autorisation accordée à l'intimée.

10. Enfin, s'agissant du principe de l'égalité de traitement, l'art. 8 Cst. impose de traiter de manière identique ce qui est semblable et de manière différente ce qui est dissemblable. En l'occurrence, les recourants ne fournissent aucun élément qui permettrait de considérer que la situation du chêne de l'intimée est comparable à celle présentée par leur cèdre. Ce grief sera donc écarté.

11. Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté. Un émolument de CHF 1000.- sera mis à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement. Une indemnité de procédure du même montant sera allouée à l'intimée, également à charge des recourants, pris conjointement et solidairement (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 16 janvier 2009 par Madame Valentine Aeschimann et Monsieur François Ladame contre la décision de la commission cantonale de recours en matière de constructions du 9 décembre 2008 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Madame Valentine Aeschimann et de Monsieur François Ladame pris conjointement et solidairement un émolument de CHF 1000.- ;

alloue à Madame Maja Bijlenga une indemnité de procédure de CHF 1000.- à charge de Madame Valentine Aeschimann et de Monsieur François Ladame pris conjointement et solidairement ;

dit que, conformément aux art. 82 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pascal Aeby, avocat des recourants, à Me Jean-Pierre Carera, avocat de l'intimée, au département de l'intérieur et de la mobilité ainsi qu'à la commission cantonale de recours en matière administrative.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, Mme Hurni, M. Dumartheray, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la secrétaire-juriste :

 

 

M. Vuataz Staquet

 

la présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :