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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4049/2011

ATA/552/2013 du 27.08.2013 sur JTAPI/525/2012 ( AMENAG ) , REJETE

Descripteurs : ; PROTECTION DE LA NATURE ; AUTORISATION OU APPROBATION(EN GÉNÉRAL) ; AUTORISATION DE DÉFRICHER ; POUVOIR D'APPRÉCIATION ; VOISIN ; IMMISSION ; ENSOLEILLEMENT ; PRIMAUTÉ DU DROIT FÉDÉRAL ; DROIT CANTONAL
Normes : LPMNS.36.al2.leta; RCVA.3.al1; RCVA.16; LPA.61; CC.6.al1; CC.684; LaCC.129
Parties : MURISET Philippe, MURISET Patricia et Philippe / DEPARTEMENT DE L'INTERIEUR, DE LA MOBILITE ET DE L'ENVIRONNEMENT-DGNP
Résumé : Les conflits de voisinage étant de la compétence des juridictions civiles, il appartient aux recourants de saisir les juridictions compétentes s'agissant des griefs y relatifs. Au regard des buts de protection de la nature et du paysage poursuivis par la LPMNS et le RCVA et compte tenu des critères d'appréciation pris en compte par la DGNP - service spécialisé en la matière - pour évaluer la nécessité de maintenir ou d'abattre le chêne litigieux, les motifs d'abattage invoqués par les recourants (ombre et mousse sur leur parcelle) cèdent le pas à l'intérêt de maintenir l'arbre, celui-ci étant un élément marquant du paysage, en bon état phytosanitaire, doté d'une longue espérance de vie, faisant partie de la strate arborée et formant une unité telle avec le chêne voisin que l'abattage de l'un entraînerait le dépérissement de l'autre.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4049/2011-AMENAG ATA/552/2013

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 27 août 2013

2ème section

 

dans la cause

 

Madame Patricia et Monsieur Philippe MURISET

contre

DÉPARTEMENT DE L'INTÉRIEUR, DE LA MOBILITÉ ET DE L'ENVIRONNEMENT - DGNP

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 19 avril 2012 (JTAPI/525/2012)


EN FAIT

1) Par requête du 25 août 2011 adressée à la direction générale de la nature et du paysage (ci-après : DGNP), rattachée au département de l'intérieur et de la mobilité, devenu depuis le département de l'intérieur, de la mobilité et de l'environnement (ci-après : le département), le service de protection des mineurs a requis, au nom de l'hoirie de Madame Celia Fernandez (ci-après : l'hoirie), l'autorisation d'abattre un chêne sur la parcelle no 1'552 d'une surface totale de 1'101 m2, propriété de l'hoirie, au chemin de Pré-l'Hermine 8, sur la commune de Chêne-Bougeries (requête no 2011 1'432-0).

L'arbre en question empiétait et projetait beaucoup d'ombre sur le terrain voisin.

2) La requête précitée a été publiée dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du 23 septembre 2011. Elle pouvait faire l'objet d'observations écrites dans un délai de trente jours auprès de la DGNP.

3) Le 21 octobre 2011, Madame Patricia et Monsieur Philippe Muriset, propriétaires de la parcelle no 2'237 d'une surface totale de 912 m2, au chemin de Pré-l'Hermine 6, ont fait part de leurs observations à la DGNP en appuyant la requête précitée. Leur parcelle était adjacente à la parcelle no 1'552. L'arbre à abattre se trouvait à 2 m de la limite de leur propriété et était d'une hauteur de 20 m. Un autre chêne était situé à côté. Ensemble, ces deux arbres privaient leur parcelle d'ensoleillement de l'automne au printemps dès 12h50 sur la véranda et 14h15 sur tout le côté sud de la maison. En été, l'ensoleillement était relatif, puisqu'il touchait ce même côté de la maison entre 11h et 14h30, et après 18h30 environ. Cette situation les avait amenés à approcher l'hoirie afin que celle-ci dépose la requête en abattage d'arbre.

4) Le 25 octobre 2011, la DGNP a accusé réception des observations précitées et les a versées au dossier.

5) Par décision du 28 octobre 2011, la DGNP a refusé de délivrer l'autorisation sollicitée, au motif que le chêne était un élément marquant du paysage et faisait partie intégrante de la strate arborée. Il devait donc être conservé.

La décision pouvait faire l'objet d'un recours dans les trente jours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI).

6) Par acte posté le 29 novembre 2011, Mme et M. Muriset ont recouru auprès du TAPI contre la décision précitée, concluant à son annulation et à la délivrance de l'autorisation d'abattage.

Leur jardin se trouvait la plupart du temps dans l'ombre, ce qui favorisait la formation très importante de mousse, empêchant leur pelouse de pousser. L'arbre en question n'était pas isolé. Un autre chêne se trouvait à 2,5 m de l'arbre litigieux et tout le périmètre était fortement arboré. En limite de leur propriété se trouvait une haie d'une hauteur variant entre 3,5 et 10 m.

7) Le 28 mars 2012, le département a conclu au rejet du recours.

Le refus d'autorisation était motivé par l'intérêt écologique et paysager du chêne. Il s'agissait d'un arbre en bon état sanitaire, doté d'une longue espérance de vie, formant une unité avec le chêne voisin. Du fait de cette proximité, l'abattage de l'un des arbres conduirait immanquablement au dépérissement de l'arbre restant. La décision litigieuse n'aurait pas été différente si la requête d'abattage avait concerné les deux arbres.

Le département a joint à ses observations une photographie des deux chênes, ainsi qu'un extrait cadastral et une vue photographique aérienne indiquant l'emplacement de la parcelle de l'hoirie.

8) Par jugement du 19 avril 2012, adressé aux parties le 20 du même mois, le TAPI a rejeté le recours de Mme et M. Muriset.

L'hoirie n'ayant pas recouru contre le refus d'abattage d'arbre et n'ayant pas souhaité intervenir dans la procédure, il n'y avait pas lieu de l'appeler en cause.

L'intérêt privé des époux, consistant à diminuer l'ombre portée produite par l'arbre litigieux ainsi que la formation de mousse sur la pelouse, ne l'emportait pas sur l'intérêt public à conserver un arbre en bon état phytosanitaire, participant à la qualité paysagère des lieux.

Le jugement pouvait faire l'objet d'un recours dans les trente jours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative).

9) Par acte posté le 21 mai 2012, Mme et M. Muriset ont recouru auprès de la chambre administrative contre le jugement précité, concluant à son annulation et à la délivrance de l'autorisation d'abattage d'arbre, les frais judiciaires devant être mis à la charge du département.

L'abattage de l'arbre ne nuirait pas à l'harmonie de la végétation du quartier, ne changerait quasiment pas l'environnement et améliorerait l'ensoleillement de leur propriété. La présence du second chêne à proximité immédiate permettait de conserver une zone arborée. Le chêne litigieux n'était pas remarquable, de nombreux autres chênes existant dans le voisinage. Il causait de très importantes nuisances contraires au droit du voisinage, privant leur terrasse d'ensoleillement et amenant de l'humidité, la mousse prenant le pas sur l'herbe. Avec les années, le chêne grandissait et la situation se détériorait. Il mesurait plus de 20 m et ne respectait pas la limite de propriété puisqu'il se situait à moins de 2 m de celles-ci. Il devait donc être abattu. Les dispositions cantonales de droit public devaient céder le pas à la protection prévue par le droit privé fédéral contre les atteintes excessives au sens de l'art. 684 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210).

10) Le 25 mai 2012, le TAPI a transmis son dossier à la chambre administrative sans formuler d'observations.

11) Le 28 juin 2012, le département a conclu au rejet du recours et à la condamnation des époux aux frais de la procédure.

Le chêne litigieux était remarquable, en bon état sanitaire, doté d'une longue espérance de vie et formait une unité avec le chêne voisin. Du fait de la proximité des deux arbres, l'abattage de l'un entraînerait le dépérissement de l'autre.

Les griefs des recourants relevant du droit privé étaient irrecevables devant les juridictions administratives. Il appartenait aux intéressés de saisir les juridictions civiles. Le droit public cantonal l'emportait sur le droit privé fédéral.

12) Répliquant le 23 août 2012, les époux ont persisté dans leurs conclusions, reprenant l'argumentation développée précédemment. L'abattage du chêne ne conduirait pas au dépérissement de l'arbre voisin. Le droit privé fédéral s'appliquait en l'espèce. Bien que les conflits de voisinage soient de la compétence des juridictions civiles, les dispositions y relatives devaient également être mises en oeuvre par les autorités administratives, dans le cadre de leur compétence. A défaut, les décisions risquaient d'être contradictoires. Etant donné qu'ils étaient parvenus à un accord avec l'hoirie en vue de l'abattage du chêne, il ne pouvait pas être exigé d'eux qu'ils saisissent les juridictions civiles d'une « action inutile ».

13) Le 25 septembre 2012, le juge délégué a informé les parties que la cause était gardée à juger.

14) Le 16 octobre 2012, le département a persisté dans sa décision et dans ses conclusions.

 

 

EN DROIT

1) Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. Selon la jurisprudence, seuls les voisins dont les intérêts sont lésés de façon directe et spéciale ont l'intérêt particulier requis pour recourir (ATF 133 II 409 consid. 1 p. 411 ; 133 II 249 consid. 1.3.1 p. 252 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C_158/2008 du 30 juin 2008 consid. 2). Le recourant doit ainsi se trouver dans une relation spéciale, étroite et digne d'être prise en considération avec l'objet de la contestation. La qualité pour recourir est en principe donnée lorsque le recours émane du propriétaire ou du locataire d'un terrain directement voisin de la construction ou de l'installation litigieuse (ATF 121 II 171 consid. 2b p. 174 ; Arrêts du Tribunal fédéral 1C_152/2012 du 21 mai 2012 consid. 2.1 ; 1C_7/2009 du 20 août 2009 consid. 1 ; 1C_125/2009 du 24 juillet 2009 consid. 1 ; ATA/126/2013 du 26 février 2013 ; ATA/649/2012 du 25 septembre 2012 ; ATA/321/2009 du 30 juin 2009 ; ATA/331/2007 du 26 juin 2007).

b. En l'espèce, la parcelle des recourants est contiguë à celle sur laquelle se trouve le chêne litigieux. Les intéressés sont touchés directement par les effets provoqués par ledit arbre sur leur terrain et ont un intérêt personnel digne de protection à l'annulation de la décision litigieuse. La qualité pour recourir doit donc leur être reconnue et le recours est recevable.

3) Le litige porte sur le refus de l'autorisation d'abattre un chêne situé sur la parcelle adjacente à celle des recourants, ceux-ci considérant que l'arbre en question doit être abattu puisqu'il ne respecte pas la limite de propriété et qu'il cause d'importantes nuisances, privant leur propriété d'ensoleillement, ce qui fait pousser de la mousse sur leur parcelle.

4) a. La loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin 1976 (LPMNS - L 4 05) a notamment pour but de préserver l'aspect caractéristique du paysage et des localités, les immeubles et les sites dignes d'intérêt, ainsi que les beautés naturelles (art. 1 let. b LPMNS) et d'assurer la sauvegarde de la nature, en ménageant l'espace vital nécessaire à la flore et à la faune, et en maintenant les milieux naturels (art. 1 let. c LPMNS).

Les restrictions à la propriété foncière résultant de la LPMNS sont de droit public (art. 2 LPMNS).

Sauf réserve expresse, les dispositions de la LPMNS prévalent sur les autres dispositions de la législation genevoise régissant, aux même fins, les objets protégés conformément à la LPMNS (art. 65 LPMNS). Les dispositions des lois et règlements fédéraux et cantonaux, ainsi que les droits des tiers sont réservés ; aucune autorisation délivrée en vertu de la LPMNS ne leur est opposable (art. 66 LPMNS).

b. Le règlement sur la conservation de la végétation arborée du 27 octobre 1999 (RCVA - L 4 05.04) a pour but d'assurer la conservation, à savoir la protection, le maintien et le renouvellement de la végétation formant les éléments majeurs du paysage (art. 1 RCVA). Aucun arbre ne peut être abattu ou élagué, ni aucune haie vive ou aucun boqueteau coupé ou défriché, sans autorisation préalable (art. 36 al. 2 let. a LPMNS et 3 al. 1 RCVA). L'autorisation d'abattage d'arbres ou de défrichage de haies vives et de boqueteaux est assortie, en principe, de l'obligation de réaliser des mesures compensatoires (art. 15 al. 1 RCVA). Une valeur de remplacement est attribuée aux végétaux dont l'abattage ou le défrichage est autorisé (art. 15 al. 2 RCVA).

Le département édicte des directives en matière de sauvegarde des végétaux maintenus, de leur mise en valeur et de l'exécution correcte des mesures compensatoires (art. 16 RCVA).

c. La directive concernant la conservation des arbres, édictée par le département en août 2008, précise les règles décisionnelles en matière de conservation du patrimoine arboré et vise à assurer la protection des arbres en place et le renouvellement du patrimoine arboré (art. 1 de la directive). La décision de maintenir un arbre est prise lorsque l'intérêt de maintien prime sur les motifs d'abattage et celle d'abattage seulement si des motifs valables empêchent le maintien de l'arbre (art. 2 de la directive).

Les critères de maintien sont évalués en relation directe avec l'espèce par une personne qualifiée de la DGNP (art. 2.1 de la directive). Les art. 2.1.1 à 2.1.4 de la directive énumèrent lesdits critères, à savoir : la beauté et l'intérêt du sujet (élément majeur du paysage, arbre remarquable, intérêt écologique), son état sanitaire (vigueur, absence de maladies, de blessures, qualité statique, couronne et charpente équilibrées) et son espérance de vie (potentialités de développement futur, espace disponible, conditions environnementales), ainsi que d'autres cas (impossibilité de compenser et de renouveler, maintien d'un espace plantable, situations particulières).

Les art. 2.2.1 à 2.2.5 de la directive énumèrent les motifs d'abattage, à savoir : les dangers et incidences de l'arbre sur les biens et les personnes, le type et l'importance de la construction ou de l'aménagement projeté, la mise en valeur d'autres arbres, l'entretien d'un ensemble végétal, la prévention phytosanitaire et le respect des lois, servitudes ou conventions, pour autant qu'un préjudice soit prouvé (ATA/398/2013 du 25 juin 2013 ; ATA/114/2010 du 16 février 2010).

d. Les directives sont des ordonnances administratives, dont les destinataires sont ceux qui sont chargés de l'exécution d'une tâche publique, non pas les administrés. Elles ne sont pas publiées dans le recueil officiel de la collectivité publique et ne peuvent donc avoir pour objet la situation juridique de tiers (P. MOOR, Droit administratif, Vol. I, Berne, 1994, ch. 3.3.5.1). La directive en cause est toutefois une directive interprétative, qui exerce un effet sur la situation des tiers (ibidem, ch. 3.3.5.2). L'ordonnance administrative ne lie pas le juge, mais celui-ci la prendra en considération, surtout si elle concerne des questions d'ordre technique. Il s'en écartera si l'interprétation qu'elle donne est contraire à la loi ou à des principes généraux (ibidem, ch. 3.3.5.4 ; ATA/114/2010 du 16 février 2010).

5) Selon l'art. 61 al. 1 LPA, un recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives ne sont en revanche pas compétentes pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA).

6) a. De jurisprudence constante, la chambre de céans observe une certaine retenue pour éviter de substituer sa propre appréciation à celle des commissions de préavis, pour autant que l'autorité inférieure suive l'avis de celles-ci (ATA/199/2013 du 26 mars 2013 ; ATA/495/2009 du 6 octobre 2009 ; ATA/417/2009 du 25 août 2009 et les références citées). Les autorités de recours se limitent à examiner si le département ne s'écarte pas sans motif prépondérant du préavis de l'autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d'émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/398/2013 du 25 juin 2013 ; ATA/190/2009 du 21 avril 2009 ; ATA/646/1997 du 23 octobre 1997 et les références citées).

b. La DGNP est composée de spécialistes capables d'émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/398/2013 du 25 juin 2013 consid. 6).

7) a. Selon l'art. 6 al. 1 CC, les lois civiles de la Confédération laissent subsister les compétences des cantons en matière de droit public.

b. A teneur de l'art. 684 CC, le propriétaire est tenu, dans l'exercice de son droit, spécialement dans ses travaux d'exploitation industrielle, de s'abstenir de tout excès au détriment de la propriété du voisin (al. 1). Sont interdits en particulier la pollution de l'air, les mauvaises odeurs, le bruit, les vibrations, les rayonnements ou la privation de lumière ou d'ensoleillement qui ont un effet dommageable et qui excédent les limites de la tolérance que se doivent les voisins d'après l'usage local, la situation et la nature des immeubles (al. 2).

La législation cantonale peut, d'une part, déterminer la distance que les propriétaires sont tenus d'observer dans leurs plantations, selon les diverses espèces de plantes et d'immeubles; elle peut, d'autre part, obliger les voisins à souffrir que les branches et les racines d'arbres fruitiers avancent sur leurs fonds, comme aussi régler ou supprimer le droit du propriétaire aux fruits pendant sur son terrain (art. 688 CC).

c. Selon l'art. 129 de la loi d'application du code civil suisse et autres lois fédérales en matière civile du 28 novembre 2010 (LaCC - E 1 05), il ne peut être fait aucune plantation à souche ligneuse à moins de 50 cm de la limite parcellaire (al. 1). Entre la limite de propriété et 2 m de celle-ci, aucune plantation ne peut dépasser la hauteur de 2 m (al. 2). A partir de 2 m de la limite de propriété, leur hauteur ne doit pas dépasser : a) 6 m, si la plante pousse entre 2 et 5 m de la limite parcellaire ; b) 12 m, si la plante pousse entre 5 et 10 m de cette limite. Demeurent réservées les dispositions relatives à la protection du patrimoine (al. 3). Les conventions contraires sont réservées (al. 4).

d. Le principe de la force dérogatoire du droit fédéral fait obstacle à l'application de règles cantonales qui éludent des prescriptions de droit fédéral ou qui en contredisent le sens ou l'esprit, notamment par leur but ou par les moyens qu'elles mettent en oeuvre, ou qui empiètent sur des matières que le législateur fédéral a réglementées de façon exhaustive (RDAF 2002 I pp. 32 et 52; ATF 119 Ia consid. 2c p. 354; 117 Ia consid. 2b p. 331; 116 Ia p. 408 ; ATA/187/2003 du 1er avril 2003).

8) La LPMNS et le RCVA ont notamment pour but de protéger la nature et le paysage, dont les arbres. Les dispositions y relatives ne visent pas à permettre aux recourants d'obtenir la protection d'un droit ou d'une prescription de nature purement civile, à l'instar notamment des art. 684 ss CC.

Lorsqu'elle examine une requête en abattage d'arbre, la DGNP se fonde sur les critères définis dans la LPMNS, le RCVA et la directive, et non pas sur les dispositions relatives aux droits réels.

L'art. 6 al. 1 CC précise que les lois civiles de la Confédération laissent subsister les compétences des cantons en matière de droit public (cf. SJ 2006 I 131 consid. 3.2) et l'art. 129 al. 3 LaCC réserve les dispositions relatives à la protection du patrimoine, dont font partie la LPMNS et le RCVA. Dans ces circonstances, il appartient aux recourants de saisir les juridictions civiles s'agissant de ces aspects, notamment ceux relatifs à la distance à la limite de propriété, étant précisé que les intéressés admettent que les conflits de voisinage sont de la compétence des juridictions civiles.

9) En l'espèce, la DGNP a refusé de délivrer l'autorisation d'abattage car le chêne litigieux devait être conservé car il était un élément marquant du paysage, en bon état phytosanitaire, ce que les recourants ne contestent pas, doté d'une longue espérance de vie. De plus, il faisait partie intégrante de la strate arborée et formait une unité telle avec le chêne voisin que l'abattage de l'un entraînerait le dépérissement de l'autre.

Les recourants considèrent que l'arbre en question doit être abattu car il leur cause des nuisances, dans la mesure où il projette de l'ombre sur leur propriété, favorisant ainsi la formation de mousse à la place de l'herbe.

Au regard des buts poursuivis par la LPMNS et le RCVA et compte tenu des critères d'appréciation pris en compte par la DGNP pour évaluer la nécessité de maintenir ou d'abattre le chêne litigieux, les motifs d'abattage invoqués par les recourants cèdent le pas à l'intérêt de maintien de l'arbre. Il ne ressort notamment pas du dossier que l'arbre en question serait une source de danger quelconque.

Ainsi, et compte tenu de la retenue qu'on observe la chambre de céans pour éviter de substituer sa propre appréciation à celle du service spécialisé, la DGNP n'a ni violé la loi ni abusé de son pouvoir d'appréciation en refusant l'autorisation d'abattre le chêne litigieux.

10) Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

11) Un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement. Vu l'issue du litige, aucune indemnité ne leur sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 21 mai 2012 par Madame Patricia et Monsieur Philippe Muriset contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 19 avril 2012 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Madame Patricia et Monsieur Philippe Muriset, pris conjointement et solidairement un émolument de CHF 1'000.- ;

dit qu'il ne leur est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Madame Patricia et Monsieur Philippe Muriset, au département de l'intérieur, de la mobilité et de l'environnement - DGNP, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : Mme Junod, présidente, Mme Hurni, M. Dumartheray, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

la présidente siégeant :

 

 

Ch. Junod

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :