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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3804/2023

JTAPI/640/2024 du 26.06.2024 ( LCI ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3804/2023 LCI

JTAPI/640/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 26 juin 2024

 

dans la cause

 

A______ SA, représentée par Me Michael ANDERS, avocat, avec élection de domicile

 

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

 


EN FAIT

1.             A______ SA (ci-après : la SA), société exploitant tout domaine agricole, viticole et/ou horticole, est propriétaire de la parcelle n° 1______, feuille 2______, de la commune de C______, sise au chemin ______[GE].

2.             Le 5 mai 2023, le département du territoire (ci-après : le département) a ordonné à la SA de rétablir une situation conforme au droit dans un délai de 60 jours en procédant sur la parcelle susvisée, à la démolition et l’évacuation des divers cabanons de jardin, à l’évacuation des divers équipements de récréation, à la suppression des clôtures et portails et à la remise en état du terrain naturel, la réalisation de ces éléments étant soumis à l’obtention d’une autorisation de construire. Dans la mesure où la parcelle était située hors zone à bâtir et que la SA avait le statut d’agriculteur, le dépôt d’une requête en autorisation de construire était superfétatoire, les éléments litigieux ne pouvant être maintenus en l’état.

Un reportage photographique ou tout autre élément attestant de manière univoque de la remise en état devait lui être remis dans le même délai. En cas de non-respect de cette décision et/ou à défaut d’élément prouvant la remise en état dans le délai imparti, la SA s’exposait à toutes nouvelles mesures et/ou sanction justifiées par la situation.

Ladite décision n'a fait l'objet d'aucun recours.

3.             Par décision du 13 octobre 2023, le département a infligé une amende de CHF 5'000.- à la SA, en application de l’art. 137 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05).

Suite à un contrôle effectué sur place le 5 octobre 2023, le département avait constaté que son ordre du 5 mai 2023 n’avait pas été respecté. Le montant de l’amende tenait compte de l’attitude de la SA à ne pas se conformer à celui-ci.

4.             Par acte du 15 novembre 2023 déposé auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), sous la plume de son conseil, la SA a interjeté recours contre cette décision, concluant à son annulation. Elle a implicitement sollicité son audition et celle du département.

La SA avait été créée en 2019 par des jeunes désireux de produire notamment, du safran, des truffes et du miel. Elle était pour l’heure déficitaire. Des tiers avaient pris un bail modeste sur la parcelle pour y entretenir des jardins potagers. Ils étaient au nombre de quatre, le cinquième n’étant plus joignable, tel qu’elle l’avait indiqué au département par courriel du 26 avril 2023. Ces derniers avaient l’usage de cabanons de sorte que les potagers s’étaient petit à petit transformés en jardins familiaux. Elle avait rencontré des sérieuses difficultés à exécuter l’ordre du 5 mai 2023 à l’égard des locataires car c’était la période des semis. Elle avait déployé tous les efforts pouvant être raisonnablement attendus pour rétablir la situation exigée par le département. Celui-ci avait été informé à la fin avril 2023 de la présence des locataires jardiniers, par nature rétifs à abandonner les potagers au moment des semis, de sorte qu’elle n’était pas parvenue à observer le délai de 60 jours et avait dû se résoudre à attendre l’automne. L’amende apparaissait injustifiée, subsidiairement disproportionnée.

5.             Dans ses observations du 17 janvier 2024, le département a conclu au rejet du recours, sous suite de frais. Il a produit son dossier.

Il avait reçu une dénonciation concernant des constructions non autorisées sur la parcelle de la recourante. Il s’agissait de cabanons, clôtures et portails utilisés pour le jardinage de loisirs et d’autres aménagements de type récréatifs tels que piscine, balançoire et trampoline.

Il avait interpellé la recourante qui lui avait répondu le 1er avril 2023 être une société agricole, spécialisée dans la culture de truffes, l’apiculture ainsi que la culture de fruits de table, élevant également des moutons, destinés à l’entretien écologique de certaines zones du canton. Les cabanons avaient été installés pour une activité apicole-trufficole mais il s’était avéré que l’environnement n’était pas adapté à cette exploitation en raison de traitements phytosanitaires utilisés par les agriculteurs voisins alors que les clôtures visaient à permettre au bétail de paître dans un espace dévolu. Les cabanes d’environ 5 m2 au sol et 2 m de hauteur, posées à même le sol sans fondation, avaient été mises à la disposition de personnes qui avaient installé les aménagements de type récréatifs.

Le 26 avril 2023, l’office cantonal de l'agriculture et de la nature (ci-après : OCAN ou l'office) avait informé Monsieur B______, administrateur de la SA, qu’il ne pouvait être considéré comme exploitant agricole à titre professionnel dès lors qu’il ne disposait pas d’une formation en agriculture.

Le 31 mai 2024, la SA avait sollicité du département un délai supplémentaire pour se conformer à l’ordre reçu au vu de la période de travail concernée pour le domaine agricole, sa situation financière et le fait que M. B______, son seul employé, se trouvait en arrêt accident. Après avoir obtenu certains documents relatifs à la situation financière de la SA, un délai au 31 août 2023 lui avait été accordé pour se conformer à la décision du 5 mai 2023. Le 5 octobre 2023, le département avait constaté que son ordre n’avait pas été suivi d’effet alors qu’aucun autre échange n’était intervenu. Il ne faisait aucun doute que les constructions avaient été érigées par la SA pour ses besoins professionnels alors même que son administrateur ne pouvait pas être considéré comme agriculteur et sans qu’aucune demande d’autorisation de construire n’ait été déposée dans un périmètre sis en zone agricole. S’il n’était pas contesté que la SA n’avait pas pu exercer son activité initiale, il n’en demeurait pas moins qu’elle avait accepté, sans se soucier de savoir si cela était légal, de laisser la parcelle à disposition de tierces personnes afin qu’elles développent une activité de jardinage de loisirs incompatible avec l’affectation de la zone. Cela s’était également traduit par la mise en place d’aménagements de type récréatifs (piscine, balançoire et trampoline) non conformes à la zone agricole. Dès lors, qu’elle avait admis une prolongation de délai alors même que sa décision du 5 mai 2023 n’avait pas été contestée, elle pouvait s’attendre à ce que son ordre soit respecté dans les délais. Le montant de l’amende était également proportionné.

6.             Dans sa réplique du 19 février 2024, la recourante a indiqué s’être constamment employée à exécuter l’ordre du 5 mai 2023, l’ayant conduit à une terminaison pacifique de ses rapports de droit avec ses locataires. Un des locataires avait résilié son bail avec effet au 30 septembre 2023. La cabane sise sur le périmètre loué avait été démontée depuis, ce qui était attesté par les photographies qu’elle produisait et prises le 10 janvier 2024. Les deux derniers locataires avaient été avisés en octobre 2023 qu’ils devaient quitter les lieux, ce qu’ils entendaient faire si bien que la remise en conformité de la parcelle était imminente. Le démontage des cabanes et la remise en état du foncier n’était plus qu’une mince question de temps. Il n’existait guère d’intérêt public prépondérant à une prompte remise en état de la parcelle étrangère au rythme saisonnier naturel du potager. L’amende apparaissait à ce point disproportionnée qu’elle devait être considérée comme infondée.

7.             Dans sa duplique du 19 mars 2024, le département a persisté dans ses conclusions. Il prenait bonne note qu’un des cabanons avait été démonté. Cela étant, cet élément ne pouvait pas avoir d’incidence sur la décision contestée dès lors que l’amende avait été prononcée suite à la non-exécution dans le délai imparti, de l’ordre de remise en état.

8.             Le détail des pièces et des arguments des parties sera repris ci-après dans la partie « en droit », dans la mesure utile.

EN DROIT

1.             Le tribunal connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la LCI (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             A titre préalable, la recourante sollicite la tenue d’une audience de comparution personnelle des parties.

4.             Le droit d’être entendu, garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), comprend notamment le droit pour les parties de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 II 218 consid. 2.3 ; 140 I 285 consid. 6.3.1).

5.             Ce droit ne s’étend toutefois qu’aux éléments pertinents pour décider de l’issue du litige et le droit de faire administrer des preuves n’empêche pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3).

6.             Le droit d'être entendu ne comprend pas le droit d'être entendu oralement (cf. not. art. 41 in fine LPA ; ATF 140 I 68 consid. 9.6.1 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_668/2020 du 22 janvier 2021 consid. 3.3 ; 2C_339/2020 du 5 janvier 2021 consid. 4.2.2 ; ATA/1637/2017 du 19 décembre 2017 consid. 3d), ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 130 II 425 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_725/2019 du 12 septembre 2019 consid. 4.1 ; 2C_1004/2018 du 11 juin 2019 consid. 5.2.1). Ces principes s’appliquent également à la tenue d’une inspection locale en l’absence d’une disposition cantonale qui imposerait une telle mesure d’instruction, étant précisé qu’une telle disposition n’existe pas en droit genevois (ATF 120 Ib 224 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_243/2013 du 27 septembre 2013 consid. 3.2.1 ; ATA/285/2021 du 2 mars 2021 consid. 2b).

7.             En l’occurrence, le tribunal estime que le dossier contient les éléments nécessaires et suffisants à l’examen des griefs et arguments mis en avant par les parties.

8.             En effet, concernant la demande d'audition des parties, la recourante a eu l’occasion de s’exprimer par écrit, d’exposer son point de vue et de produire toutes les pièces qu’elle estimait utiles à l’appui de ses allégués. Le dossier comporte en outre tous les éléments pertinents et nécessaires à l’examen des griefs et arguments mis en avant par les parties, permettant ainsi au tribunal de se forger une opinion et de trancher le litige. Partant, il n’y a pas lieu de procéder à la comparution personnelle des parties, cet acte d'instruction n'étant au demeurant pas obligatoire.

9.             Il ne sera dès lors pas donné suite à la mesure d’instruction sollicitée.

10.         Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l'espèce.

11.         Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_107/2016 du 28 juillet 2016 consid. 9).

12.         Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

13.         L'objet du litige est principalement défini par l'objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu'il invoque. L'objet du litige correspond objectivement à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (cf. ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; 134 V 418 consid. 5.2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_641/2018 du 3 août 2018 consid. 3 ; 2C_53/2017 du 21 juillet 2017 consid. 5.1 , 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/1218/2017 du 22 août 2017 consid. 3b et l'arrêt cité ; ATA/590/2017 du 23 mai 2017 consid. 2b ; ATA/1050/2016 du 13 décembre 2016 consid. 3b). La contestation ne peut donc excéder l'objet de la décision attaquée, c'est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l'autorité inférieure s'est prononcée ou aurait dû se prononcer (ATA/1218/2017 du 22 août 2017 consid. 3b ; ATA/421/2017 du 11 avril 2017 consid. 5 et les arrêts cités ; ATA/1145/2015 du 27 octobre 2015 consid. 4b).

14.         En l’espèce, l'objet du litige porte sur l'amende de CHF 5'000.- prononcée le 13 octobre 2023 en vertu de l'art. 137 LCI. Ladite amende a été infligée à la recourante au motif qu'elle n'avait pas respecté l'ordre donné le 5 mai 2023 par lequel le département lui ordonnait de rétablir une situation conforme au droit sur la parcelle n° 1______, feuille 2______, de la commune de C______, sise au chemin ______[GE].

15.         Il convient donc de déterminer si la recourante a satisfait ou non à ses obligations découlant de l'ordre précité dans le délai imparti et, en cas d'infraction, vérifier si l'amende est juridiquement fondée.

16.         Les propriétaires ou leurs mandataires, les entrepreneurs et les usagers sont tenus de se conformer aux mesures ordonnées par le département en application des art. 129 et 130 LCI (art. 131 LCI). Le département notifie aux intéressés, par lettre recommandée, les mesures qu'il ordonne. Il fixe un délai pour leur exécution, à moins qu'il n'invoque l'urgence (art. 132 al. 1 LCI).

17.         Selon l'art. 137 al. 1 LCI, est passible d'une amende administrative de CHF 100.- à CHF 150'000.- tout contrevenant :

a) à la présente loi ;

b) aux règlements et arrêtés édictés en vertu de la présente loi ;

c) aux ordres donnés par le département dans les limites de la présente loi et des règlements et arrêtés édictés en vertu de celle-ci

18.         Il est tenu compte, dans la fixation du montant de l'amende, du degré de gravité de l'infraction ; la violation des prescriptions par cupidité ainsi que les cas de récidive constituent notamment des circonstances aggravantes (art. 137 al. 3 LCI).

19.         L'art. 137 al. 1 let. c LCI érige la contravention aux ordres donnés par le département en infraction distincte de la contravention à la LCI et à ses règlements d'application (let. a et b). De par sa nature, cette infraction est très proche de celle visée par l'art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), soit l'insoumission à une décision de l'autorité, qui, d'une part, constitue un moyen d'exécution forcée, dans la mesure où elle permet d'exercer une certaine pression sur le destinataire d'une injonction de l'autorité afin qu'il s'y conforme et, d'autre part, en tant que disposition pénale, revêt un caractère répressif (cf. Alain MACALUSO/ Laurent MOREILLON/ Nicolas QUELOZ [éd.], Commentaire romand du Code pénal II, Art. 111-392 CP, 2017, n. 2 ad art. 292 p. 1887). À l'instar de cette disposition pénale, la condamnation de l'auteur pour infraction à l'art. 137 al. 1 let. a LCI n'a pas pour effet de le libérer du devoir de se soumettre à la décision de l'autorité. S'il persiste dans son action ou son omission coupable, il peut être condamné plusieurs fois pour infraction à l'art. 137 al. 1 let. c LCI, sans pouvoir invoquer le principe ne bis in idem, dès lors que l'on réprime à chaque fois une autre période d'action ou d'omission coupables. De plus, la sanction de l'insoumission peut être augmentée chaque fois qu'une menace de l'appliquer est restée sans effet (cf. ATA/147/2014 du 11 mars 2014 consid. 11 et les références ; ATA/455/2000 du 9 août 2000 consid. 3d).

20.         Selon la jurisprudence constante, les amendes administratives prévues par les législations cantonales sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions, pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister. C'est dire que la quotité de la sanction administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (cf. not. ATA/1472/2017 du 14 novembre 2017 ; ATA/313/2017 du 21 mars 2017 ; ATA/263/2016 du 22 mars 2016 ; ATA/163/2014 du 18 mars 2014 ; ATA/74/2013 du 6 février 2013).

21.         En vertu de l'art. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG – E 4 05), les art. 1 à 110 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) s'appliquent à titre de droit cantonal supplétif aux infractions prévues par la législation genevoise, sous réserve de celles qui concernent exclusivement le juge pénal, comme notamment les art. 34 ss, 42 ss, 56 ss, 74 ss, 106 al. 2 et 3 et 107 CP (not. ATA/1472/2017 du 14 novembre 2017 ; ATA/313/2017 du 21 mars 2017 ; ATA/824/2015 du 11 août 2015 ; ATA/886/2014 du 11 novembre 2014 ; ATA/791/2013 du 3 décembre 2013).

22.         Il est ainsi en particulier nécessaire que le contrevenant ait commis une faute (cf. not. ATA/1472/2017 du 14 novembre 2017 ; ATA/124/2016 du 9 février 2016 ; ATA/886/2014 du 11 novembre 2014 ; ATA/147/2014 du 11 mars 2014).

23.         L'autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d'une sanction doit faire application des règles contenues aux art. 47 ss CP (principes applicables à la fixation de la peine). La culpabilité doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle, ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure (cf. ATF 141 IV 61 consid. 6.1.1 ; 136 IV 55 ; 134 IV 17 consid. 2.1 ; 129 IV 6 consid. 6.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_28/2016 du 10 octobre 2016 consid. 5.1 ; 6B_1276/2015 du 29 juin 2016 consid. 2.1 ; cf. aussi ATA/124/2016 du 9 février 2016 ; ATA/1305/2015 du 8 décembre 2015 ; ATA/824/2015 du 11 août 2015 ; ATA/569/2015 du 2 juin 2015 ; ATA/886/2014 du 11 novembre 2014 ; ATA/791/2013 du 3 décembre 2013 ; ATA/74/2013 du 6 février 2013) et ses capacités financières (cf. ATA/719/2012 du 30 octobre 2012 ; Günter STRATRENWERTH, Schweizerisches Strafrecht - Allgemeiner Teil II : Strafen und Massnahmen, 2ème éd., 2006, p. 75 § 75 ; Sandro CHIMICHELLA, Die Geldstrafe in Schweizer Strafrecht, 2006, p. 39).

24.         Néanmoins, toujours selon la jurisprudence constante, l'administration doit faire preuve de sévérité afin d'assurer le respect de la loi et, selon l'art. 47 CP, jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour infliger une amende (ATA/313/2017 du 21 mars 2017 ; ATA/124/2016 du 9 février 2016 ; ATA/824/2015 du 11 août 2015 ; ATA/569/2015 du 2 juin 2015 ; ATA/886/2014 du 11 novembre 2014), le juge ne la censurant qu'en cas d'excès (ATA/313/2017 du 21 mars 2017 ; ATA/124/2016 du 9 février 2016 ; ATA/824/2015 du 11 août 2015 ; ATA/147/2014 du 11 mars 2014). L'autorité ne viole le droit en fixant la peine que si elle sort du cadre légal, si elle se fonde sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, si elle omet de prendre en considération des éléments d'appréciation prévus par cette disposition ou, enfin, si la peine qu'elle prononce est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation (cf. ATF 136 IV 55 consid. 5.6 ; 135 IV 130 consid. 5.3.1 ; 134 IV 17 consid. 2.1 ; 129 IV 6 consid. 6.1 et les références citées ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_28/2016 du 10 octobre 2016 consid. 5.1 ; 6B_1276/2015 du 29 juin 2016 consid. 2.1).

25.         Enfin, l'amende doit respecter le principe de la proportionnalité garanti par l'art. 5 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101 ; ATA/313/2017 du 21 mars 2017 ; ATA/871/2015 du 25 août 2015 ; ATA/824/2015 du 11 août 2015), lequel commande que la mesure étatique soit nécessaire et apte à atteindre le but prévu et qu'elle soit raisonnable pour la personne concernée (cf. ATF 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 140 II 194 consid. 5.8.2 ; 139 I 218 consid. 4.3).

26.         En l'espèce, la recourante ne conteste pas ne pas avoir terminé les travaux autorisés dans le délai de 60 jours imparti par le département dans sa décision du 5 mai 2023. Elle n'a par ailleurs pas recouru contre cette décision et ne s’est pas exécutée dans le délai prolongé au 31 août 2023, à sa demande. Pire encore, à la date du 19 février 2024, elle n’avait toujours pas respecté les injonctions du département dans sa décision du 5 mai 2023, non querellé. Le fait qu’une partie de ses locataires utilisent toujours la parcelle n’y change rien. En tout état, la recourante ne démontre pas avoir été empêchée par ses locataire d’exécuter la remise en état, et cas échéant, qu’elle aurait introduit une procédure de résiliation de bail à l’encontre de ses locataires ou même qu’elle les aurait sommés de quitter les lieux. Il apparaît plutôt qu’elle se contente d’attendre qu’ils partent de leur plein gré pour procéder à une remise en état. Partant, le prononcé de l'amende administrative querellée est justifié dans son principe.

27.         Reste à déterminer si la quotité de l’amende respecte le principe de proportionnalité, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté par la recourante.

In casu, rien ne permet de considérer que le département aurait pris en considération des critères ou éléments sans pertinence pour évaluer la faute et fixer le montant de l’amende. Au contraire, dans la décision querellée, le département a indiqué à la recourante les motifs qui l'ont poussé à infliger une telle amende, à savoir le fait de ne pas avoir respecté l'ordre du 5 mai 2023 et que le montant de l’amende tenait compte de son attitude à ne pas se conformer à celui-ci. En outre, le département a visiblement fait application du principe de proportionnalité en prononçant une amende modérée par rapport au maximum prévu par la loi, eu égard notamment à sa pratique en la matière. Enfin, la recourante ne démontre que le paiement de cette amende l'exposerait à des difficultés financières particulières.

28.         Au vu de ce qui précède, le département n’a pas abusé de son pouvoir d’appréciation en fixant le montant de l'amende à CHF 5'000.-.

29.         Mal fondé, le recours sera rejeté.

30.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 15 novembre 2023 par A______ SA contre la décision du département du territoire du 13 octobre 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             ordonne la restitution à la recourante du solde de l’avance de frais de CHF 400.- ;

5.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Gwénaëlle GATTONI, présidente, Aurèle MULLER et Oleg CALAME, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

 

Genève, le

 

La greffière