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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1933/2024

JTAPI/570/2024 du 11.06.2024 ( MC ) , CONFIRME

PARTIELMNT ADMIS par ATA/798/2024

Descripteurs : DÉTENTION AUX FINS D'EXPULSION;MESURE DE CONTRAINTE(DROIT DES ÉTRANGERS)
Normes : LEI.80.al6; LEI.75.al1.letb; LEI.76.al1.letb.ch1; LEI.76.al1.letb.ch3; LEI.76.al1.letb.ch4; LEI.76.al4; LEI.79
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1933/2024 MC

JTAPI/570/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 11 juin 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Dina BAZARBACHI, avocate

 

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

 


 

EN FAIT

1.             Le prétendument dénommé A______, soi-disant né le ______ 1994 et d'origine inconnue, a déposé en Suisse, le 3 juin 2012, une demande d'asile, laquelle a fait l'objet d'une décision de rejet et de renvoi en date du 17 décembre 2014. Cette décision est entrée en force le 18 janvier 2015. La prise en charge et l'exécution du renvoi de l'intéressé ont été confiées au canton de Genève. La demande de soutien à l'exécution du renvoi, initiée auprès du secrétariat d'État aux migrations (ci‑après : SEM) en mars 2015 déjà, n'a pas encore abouti, étant relevé que l'intéressé, qui se prétend originaire du Libéria, n'a pas été reconnu par les autorités de cet État lors des auditions centralisées qui ont eu lieu le 3 décembre 2015. Il n'a pas non plus été identifié par les autorités guinéennes en 2018.

2.             Depuis son arrivée en Suisse, M. A______ a été condamné pas moins de seize fois pour, notamment, séjour illégal, contravention et délit contre la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121), non-respect d'une assignation à un lieu de résidence ou d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminée et rupture de ban.

3.             L'intéressé a fait l'objet de deux interdictions de pénétrer dans une région déterminée valables respectivement du 15 août 2015 au 14 août 2016 et du 19 janvier au 18 juillet 2019, décisions qu'il n'a pas respectées.

4.             M. A______ est sous le coup d'une mesure d'expulsion de Suisse d'une durée de cinq ans ordonnée par le Tribunal de police le 9 août 2018, mesure que l'autorité administrative compétente a décidé de ne pas reporter.

5.             Le 20 mars 2019, l'intéressé a fait l'objet d'une première décision d'assignation à la commune de B______, prononcée par le commissaire de police pour une durée de six mois, mesure qu'il n'a pas respectée.

6.             Le 4 août 2022, M. A______ a fait l'objet d'une deuxième mesure d'assignation, cette fois à la commune de C______, pour une durée de deux ans, mesure qu'il n'a également pas respectée. Dans ce cadre, l'intéressé était tenu de se présenter chaque semaine au Vieil Hôtel de Police pour attester de sa présence sur le territoire, ce qu’il n’a jamais fait.

7.             Le 3 juin 2024, les autorités genevoises ont été informées de la convocation de M.  A______ à une présentation consulaire auprès de la République de Sierra Leone appointée au 17 juin 2024.

8.             Le 7 juin 2024, M. A______ a été arrêté par les forces de l'ordre genevoises dans le quartier des Pâquis. Prévenu de rupture de ban et de non-respect d'une assignation à un lieu de résidence il a été condamné le lendemain, par ordonnance pénale du Ministère public, pour les faits ayant mené à son arrestation, puis remis entre les mains des services de police.

9.             Le 8 juin 2024, à 15h40, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de quatre mois.

Il était notamment retenu qu’outre de ne pas s'être conformé à la décision fédérale de renvoi (exécutoire de longue date) prononcée à son encontre et de ne pas avoir non plus donné suite à la décision de l'office cantonal de la population et des migrations (ci après : OCPM) qui lui avait imparti un délai au 4 décembre 2019 pour quitter la Suisse en vue de l'exécution de la mesure d'expulsion dont il faisait l'objet, l’intéressé « n'entreprenait aucune démarche aux fins de se procurer des pièces de légitimation », n'avait aucun lieu de résidence fixe en Suisse, où il n'avait par ailleurs aucune attache ni source légale de revenu.

Lors de son audition, l’intéressé a déclaré qu'il s'opposait à son renvoi en Sierra Leone, car il venait du Libéria.

10.         Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le même jour.

11.         Entendu ce jour par le tribunal, M. A______ a déclaré qu’il était d’accord de parler avec le consul de Sierra Leone. Toutefois, il n’était pas ressortissant de ce pays mais du Libéria. Il n’avait pas de document d’identité qui prouvait sa nationalité libérienne. Il n’avait jamais eu de passeport. Il ne serait pas d’accord de retourner au Libéria quand bien même il serait reconnu comme ressortissant de ce pays. Il avait eu des problèmes là-bas qui n’étaient toujours pas résolus et n’y avait ni famille ni endroit où loger. Sur question de son conseil, s’il devait être remis en liberté, il serait d’accord de se rendre par ses propres moyens à l’audition du 17 juin 2024. Il avait d’ores et déjà rencontré des délégations de Gambie, de Guinée, de Sierra Leone et du Libéria. C’était entre 2015 et 2018. Il avait reçu des convocations et s’était rendu à Berne à deux reprises, par ses propres moyens, lorsqu’il était dans un foyer. Il s’y était également rendu à deux reprises durant sa détention à Champ-Dollon. Après que la Présidente l’ait informé qu’il ressortait effectivement du dossier qu’une audition avec une délégation de la Sierra Leone était prévue mais qu’elle avait été annulée, faute de candidats, il a confirmé avoir bien eu quatre auditions avec des délégations des quatre pays susmentionnés.

La représentante du commissaire de police a versé à la procédure la convocation de M. A______ à l’audition centralisée par une délégation sierra-léonaise les 17 et 18 juin 2024. Suite à cette audition, la délégation se rendrait en Allemagne pour une semaine supplémentaire afin de délivrer des laissez-passer aux personnes identifiées comme leurs ressortissants. Elle a également versé à la procédure un courriel du 3 juin 2024 de la cellule Requérants d’asile. Si M. A______ devait être reconnu par la délégation sierra-léonaise, un laissez-passer devrait rapidement pouvoir être délivré en vue de la réservation d’un vol DEPU, étant précisé que des vols DEPA et spéciaux étaient possibles à destination de la Sierra Leone. Si l’intéressé ne devait pas être reconnu, une nouvelle audition par une délégation du Libéria pourrait être envisagée. Elle n’avait toutefois pas d’informations plus précises à ce stade. Selon les informations qu’elle avait au dossier, M. A______ n’avait été auditionné qu’à deux reprises, une fois par les autorités libériennes et une autre fois par les autorités guinéennes. N’ayant pas pu obtenir de confirmation de ses collègues à ce sujet, après que l’audience ait été brièvement suspendue à cet effet, elle a indiqué qu’elle transmettrait au tribunal la réponse obtenue, par courriel, dès réception. Elle a plaidé et conclu à la confirmation de l'ordre de mise en détention administrative tant sur le principe que sur la durée.

Le conseil de M. A______ a plaidé et conclu à la mise en liberté immédiate de son client, sa détention étant disproportionnée, absurde et contraire au droit, vu en particulier les inconnues quant à son identité et sa nationalité et l’impossibilité de son renvoi dans un délai raisonnable.

12.         Par courriel du même jour, faisant suite à l’audience, le commissaire de police a informé le tribunal que selon la main courante de CALVIN, M. A______ aurait été présenté en date du 3 décembre 2015, à une audition devant la représentation du Libéria, en date du 9 février 2016, à une audition devant la représentation de Sierra Leone, en date du 1er juin 2016, à une audition devant la représentation de Gambie et en date du 4 décembre 2018, à une audition devant la représentation de Guinée.

Dans cette même main courante, tout comme dans les deux assignations dont l'intéressé avait fait l'objet, il n'était toutefois fait mention que des réponses négatives des autorités du Libéria et de la Guinée. Contacté par ses soins, le SEM ne pouvait ni confirmer ni infirmer le fait que l'intéressé avait bel et bien déjà été présenté à une audition centralisée devant les autorités de Sierra Leone, son dossier se trouvant en partie aux archives. Le collaborateur du SEM avait toutefois confirmé qu'il était très courant pour le SEM de présenter plusieurs fois la même personne aux délégations du même pays à des moments différents lorsque la personne n'était toujours pas identifiée et qu'elle ne collaborait pas à cet effet. Par ailleurs, ce même collaborateur restait persuadé du bienfondé de l'inscription de M.  A______ à l'audition du 17 juin 2024 dans le cadre du processus d'identification.

13.         Ce courriel a immédiatement été transmis au conseil de M. A______, pour information.

EN DROIT

1.            Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour examiner d'office la légalité et l’adéquation de la détention administrative en vue de renvoi ou d’expulsion (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. d de loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

Il doit y procéder dans les nonante-six heures qui suivent l'ordre de mise en détention (art. 80 al. 2 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 - LEI - RS 142.20 ; anciennement dénommée loi fédérale sur les étrangers - LEtr ; 9 al. 3 LaLEtr).

2.            En l'espèce, le tribunal a été valablement saisi et respecte le délai précité en statuant ce jour, la détention administrative ayant débuté le 8 juin 2024 à 15h32.

3.            Le tribunal peut confirmer, réformer ou annuler la décision du commissaire de police ; le cas échéant, il ordonne la mise en liberté de l’étranger (art. 9 al. 3 LaLEtr).

4.            La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l’art. 5 par. 1 let. f de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; 135 II 105 consid. 2.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_237/2013 du 27 mars 2013 consid. 5.1 ; 2C_413/2012 du 22 mai 2012 consid. 3.1) et de l’art. 31 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu’elle repose sur une base légale (arrêts du Tribunal fédéral 2C_584/2012 du 29 juin 2012 consid. 5.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1). Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne peut être prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_256/2013 du 10 avril 2013 consid. 4.1 ; 2C_237/2013 du 27 mars 2013 consid. 5.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1).

5.            L'art. 76 al. 1 let. b ch. 1, LEI, renvoyant à l'art 75 al. 1 let. b de cette même loi, dispose qu'une mesure de détention administrative peut être ordonnée si une décision de première instance de renvoi ou d'expulsion a été notifiée à l'intéressé et que celui-ci quitte la région qui lui est assignée ou pénètre dans une zone qui lui est interdite en vertu de l'art. 74 LEI.

6.            Une mise en détention est enfin aussi possible si des éléments concrets font craindre que la personne concernée entende se soustraire au renvoi ou à l'expulsion, en particulier parce qu'elle ne se soumet pas à son obligation de collaborer (art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEI) ou si son comportement permet de conclure qu'elle se refuse à obtempérer aux instructions des autorités (art. 76 al. 1 let. b ch. 4 LEI).

7.            Ces deux dispositions décrivent toutes deux des comportements permettant de conclure à l'existence d'un risque de fuite ou de disparition, de sorte que les deux éléments doivent être envisagés ensemble (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_381/2016 du 23 mai 2016 consid. 4.1 ; 2C_128/2009 du 30 mars 2009 consid. 3.1 ; ATA/740/2015 du 16 juillet 2015 ; ATA/943/2014 du 28 novembre 2014 ; ATA/616/2014 du 7 août 2014).

Selon la jurisprudence, un risque de fuite - c'est-à-dire la réalisation de l'un des deux motifs précités - existe notamment lorsque l'étranger a déjà disparu une première fois dans la clandestinité, qu'il tente d'entraver les démarches en vue de l'exécution du renvoi en donnant des indications manifestement inexactes ou contradictoires ou encore s'il laisse clairement apparaître, par ses déclarations ou son comportement, qu'il n'est pas disposé à retourner dans son pays d'origine. Comme le prévoit expressément l'art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEtr, il faut qu'il existe des éléments concrets en ce sens (ATF 140 II 1 consid. 5.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_381/2016 du 23 mai 2016 consid. 4.1 ; 2C_105/2016 du 8 mars 2016 consid. 5.2 ; 2C_951/2015 du 17 novembre 2015 consid. 2.2 ; 2C_658/2014 du 7 août 2014 consid. 1.2).

Lorsqu'il existe un risque de fuite, le juge de la détention administrative doit établir un pronostic en déterminant s'il existe des garanties que l'étranger prêtera son concours à l'exécution du refoulement, soit qu'il se conformera aux instructions de l'autorité et regagnera son pays d'origine le moment venu, c'est-à-dire lorsque les conditions seront réunies ; dans ce cadre, il dispose d'une certaine marge d'appréciation (arrêts du Tribunal fédéral 2C_935/2011 du 7 décembre 2011 consid. 3.3 ; 2C_806/2010 du 21 octobre 2010 consid. 2.1 ; 2C_400/2009 du 16 juillet 2009 consid. 3.1 ; ATA/740/2015 du 16 juillet 2015 ; ATA/739/2015 du 16 juillet 2015 ; ATA/682/2015 du 25 juin 2015 ; ATA/261/2013 du 25 avril 2013 ; ATA/40/2011 du 25 janvier 2011).

8.            Selon l'art. 79 al. 1 LEI, la détention ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l’accord de l’autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus, lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l’autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI) ou lorsque l’obtention des documents nécessaires au départ auprès d’un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (art. 79 al. 2 let. b LEI).

9.            Comme toute mesure étatique, la détention administrative en matière de droit des étrangers doit respecter le principe de la proportionnalité (cf. art. 5 al. 2 et 36 Cst. et art. 80 et 96 LEI ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3 ; 2C_334/2015 du 19 mai 2015 consid. 2.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 5.1 et les références citées). Elle doit non seulement apparaître proportionnée dans sa durée, envisagée dans son ensemble (ATF 145 II 313 consid. 3.5 ; 140 II 409 consid. 2.1 ; 135 II 105 consid. 2.2.1), mais il convient également d'examiner, en fonction de l'ensemble des circonstances concrètes, si elle constitue une mesure appropriée et nécessaire en vue d'assurer l'exécution d'un renvoi ou d'une expulsion (cf. art. 5 par. 1 let. f CEDH ; ATF 143 I 147 consid. 3.1 ; 142 I 135 consid. 4.1 ; 134 I 92 consid. 2.3 ; 133 II 1 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_672/2019 du 22 août 2019 consid. 5.4 ; 2C_263/2019 du 27 juin 2019 consid. 4.1 ; 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3) et ne viole pas la règle de la proportionnalité au sens étroit, qui requiert l'existence d'un rapport adéquat et raisonnable entre la mesure choisie et le but poursuivi, à savoir l'exécution du renvoi ou de l'expulsion de la personne concernée (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3 ; 2C_334/2015 du 19 mai 2015 consid. 2.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 5.1 et les références citées ; cf. aussi ATF 130 II 425 consid. 5.2).

10.        Les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi ou de l'expulsion doivent être entreprises sans tarder (art. 76 al. 4 LEI ; « principe de célérité ou de diligence »). Il s'agit d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; ATA/611/2021 du 8 juin 2021 consid. 5a ; ATA/1367/2020 du 24 décembre 2020 consid. 7 et les références citées).

11.        Pour l'exécution du renvoi, le SEM assiste l'autorité cantonale d'exécution (art. 71 LEI ; art. 1 OERE). C'est lui qui se charge d'obtenir des documents de voyage pour les étrangers frappés d'une décision de renvoi ou d'expulsion (art. 71 let. a LEI ; art. 2 al. 1 OERE). C'est lui qui est l'interlocuteur des autorités des pays d'origine, en particulier des représentations diplomatiques ou consulaires des États d'origine ou de provenance des étrangers frappés d'une décision de renvoi ou d'expulsion, pour autant que d'autres dispositions n'aient pas été prises dans le cadre d'un accord de réadmission ou après entente avec les cantons (art. 2 al. 2 OERE).

12.        La détention doit être levée si l'exécution du renvoi ou de l'expulsion s'avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles (art. 80 al. 6 let. a LEI). Dans ce cas, elle ne peut, en effet, plus être justifiée par une procédure d'éloignement en cours ; de plus, elle est contraire à l'art. 5 par. 1 let. f CEDH. Les raisons juridiques ou matérielles doivent être importantes (« triftige Gründe »), l'exécution du renvoi ou de l'expulsion devant être qualifiée d'impossible lorsque le rapatriement est pratiquement exclu, même si l'identité et la nationalité de l'étranger sont connues et que les papiers requis peuvent être obtenus. Tel est par exemple le cas d'un détenu présentant des atteintes à sa santé si importantes, que celles-ci rendent impossible son transport pendant une longue période. Il s'agit d'évaluer la possibilité d'exécuter la décision de renvoi ou d'expulsion dans chaque cas d'espèce. Le facteur décisif est de savoir si l'exécution de l'éloignement semble possible dans un délai prévisible respectivement raisonnable avec une probabilité suffisante. La détention viole l'art. 80 al. 6 let. a LEI, ainsi que le principe de proportionnalité, lorsqu'il y a de bonnes raisons de penser que tel ne pourra pas être le cas. Sous l'angle de l'art. 80 al. 6 let. a LEI, la détention ne doit être levée que si la possibilité de procéder à l'expulsion est inexistante ou hautement improbable et purement théorique, mais pas s'il y a une chance sérieuse, bien que mince, d'y procéder (ATF 130 II 56 consid. 4.1.1 et 4.1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_560/2021 du 3 août 2021 consid. 7.1 ; cf. aussi not. arrêts 2C_672/2019 du 22 août 2020 consid. 5.1 ; 2C_672/2019 du 22 août 2019 consid. 5.1 ; 2C_1072/2015 du 21 décembre 2015 consid. 3.2 et les arrêts cités).

13.        L'impossibilité suppose en tout état de cause notamment que l'étranger ne puisse pas, sur une base volontaire, quitter la Suisse et rejoindre son État d'origine, de provenance ou un État tiers (ATA/43/2020 du 17 janvier 2020 consid. 8b ; ATA/1143/2019 du 19 juillet 2019 consid. 10 ; ATA/776/2019 du 16 avril 2019 consid. 7 et les références citées), étant rappelé que tant que l'impossibilité du renvoi dépend de la volonté de l'étranger de collaborer avec les autorités, celui-ci ne peut s'en prévaloir (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_639/2011 du 16 septembre 2011 ; ATA/221/2018 du 9 mars 2018 ; ATA/381/2012 du 13 juin 2012 ; ATA/283/2012 du 8 mai 2012 ; ATA/257/2012 du 2 mai 2012).

14.        En l'espèce, M. A______ fait l'objet d'une décision fédérale de renvoi de Suisse prononcée le 17 décembre 2014 par le SEM ainsi que d'une mesure d'expulsion judiciaire ordonnée par le Tribunal de police genevois, le 9 août 2018 pour une durée de cinq ans. Depuis son arrivée en Suisse, il a également été condamné à pas moins de seize reprises pour des infractions à la LEI et à la LStup, notamment pour non-respect d’une assignation à un lieu de résidence ou d’une interdiction de pénétrer dans une région déterminée et rupture de ban. Sa détention se justifie donc déjà en application de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, en lien avec l'art. 75 al. 1 let. b LEI.

Il n'a par ailleurs manifesté aucune intention crédible de se conformer à la décision de renvoi et à l'expulsion prononcées à son encontre, ne collaborant pas à son identification et contraignant les autorités suisses à de longues démarches en vue de l'identifier. Il a ainsi notamment déjà fait l’objet de plusieurs présentations consulaires, sans succès. Il a confirmé ce jour encore s’opposer à son renvoi en Sierra Leone, du fait qu’il viendrait du Libéria, pays qui ne l’a pourtant pas reconnu comme son ressortissant. Il a également indiqué qu’il s’opposerait à son renvoi au Libéria, si ce pays venait à le reconnaitre comme l’un de ses ressortissants. Son comportement laisse ainsi clairement apparaitre qu’il n’est pas disposé à retourner dans son pays d’origine, quel qu’il soit, et qu’il refuse d’obtempérer aux instructions des autorités. Il existe ainsi des éléments concrets faisant craindre qu’il se soustraie à son renvoi et disparaisse dans la clandestinité s’il était laissé en liberté, situation visée par le motif de détention prévu par l'art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEI (cf. ATF 140 II 1 consid. 5.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_381/2016 du 23 mai 2016 consid. 4.1 ; 2C_105/2016 du 8 mars 2016 consid. 5.2 ; 2C_951/2015 du 17 novembre 2015 consid. 2.2 ; 2C_658/2014 du 7 août 2014 consid. 1.2).

Le principe de la légalité est donc respecté.

L'assurance de l'exécution de son refoulement répond à un intérêt public certain et s'inscrit dans le cadre des obligations internationales de la Suisse (cf. not. art. 3 ch. 3 de la directive 2008/115/CE du parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, reprise par la Suisse dans le cadre du développement de l'acquis de Schengen - Directive sur le retour - RO 2010 5925) et toute autre mesure moins incisive que la détention administrative serait vaine pour assurer sa présence au moment où il devra être refoulé, étant rappelé que les autorités doivent s'assurer du fait qu'il quittera effectivement le territoire à destination de son pays (cf. not. art. 8 par. 6 de la Directive sur le retour et 15f de l'ordonnance sur l'exécution du renvoi et de l'expulsion d'étrangers du 11 août 1999 - OERE - RS 142.281). M. A______ ne saurait ainsi être remis en liberté afin de se rendre, par ses propres moyens, à la présentation consulaire du 17 juin 2024.

Rien au dossier ne permet pour le surplus de retenir que les autorités ne continuent pas d’agir avec diligence et célérité, la représentante du commissaire de police ayant confirmé ce jour en audience, l’audition de l’intéressé par une délégation de Sierra Leone, les 17 et 18 juin 2024 prochain, en vue de sa reconnaissance et, cas échéant, de la délivrance d'un laissez-passer.

S’agissant de la durée de sa détention, elle respecte le cadre légal fixé par l'art. 79 LEI. La durée de quatre mois requise apparait en outre proportionnée et adéquate au vu des explications fournies ce jour en audience par la représentante du commissaire de police quant aux démarches qu'il reste à entreprendre, étant relevé par ailleurs que l'opposition de l'intéressé à son renvoi laisse présager des démarches plus longues et compliquées en vue d'exécuter ce dernier. Cela étant, M. A______ reste libre de contacter lui-même les autorités de son pays d’origine en vue d’un départ volontaire, lequel pourrait alors être finalisé dans un délai très bref.

Rien n'indique enfin que l'exécution du refoulement de M. A______, qui s'impose en application de décisions entrées en force manifestement non arbitraires et non nulles (cf. not. ATF 129 I 139 consid. 4.3.2 ; 125 II 217 consid. 2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_47/2017 du 9 février 2017 consid. 5.2 ; 2C_1178/2016 du 3 janvier 2017 consid. 4.2 ; 2C_105/2016 du 8 mars 2016 consid. 7), serait impossible pour des raisons juridiques ou matérielles (cf. art. 80 al. 6 let. a LEI). En effet, il y a lieu de rappeler que tant que l’impossibilité du renvoi dépend de la volonté de l’étranger de collaborer avec les autorités, celui-ci ne peut s'en prévaloir. Or, M. A______ a réitéré ce jour encore qu’il n’entendait pas retourner au Libéria, pays dont il se prétend pourtant ressortissant, ni collaborer en vue de la délivrance d’un document d’identité et/ou d’un titre de voyage en sa faveur, puisqu’il indique désormais que même son identité serait sujette à caution.

15.        Au vu de ce qui précède, il y a lieu de confirmer l'ordre de mise en détention administrative de M. A______ pour une durée de quatre mois.

16.        Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations.


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             confirme l’ordre de mise en détention administrative pris par le commissaire de police le 8 juin 2024 à 15h40 à l’encontre de Monsieur A______ pour une durée de quatre mois, soit jusqu'au 7 octobre 2024 inclus ;

2.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 10 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière