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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/591/2024

JTAPI/150/2024 du 22.02.2024 ( MC ) , CONFIRME

Descripteurs : MESURE DE CONTRAINTE(DROIT DES ÉTRANGERS);DÉTENTION AUX FINS D'EXPULSION
Normes : LEI.76.al1.letb.ch1; LEI.76.al1.letb.ch2; LEI.76.al1.letb.ch3; LEI.75.al1.letb
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/591/2024 MC

JTAPI/150/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 22 février 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Sara LAVASSANI, avocate

 

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

 


 

EN FAIT

1.            Monsieur A______, né le ______ 1997, originaire du Portugal (connu sous différents alias dont l'identité secondaire de B______ né le ______ 1998 et originaire de Guinée-Bissau) est titulaire d'un passeport portugais valable.

2.            M. A______ a fait l’objet de dix condamnations entrées en force et prononcées par les instances pénales genevoises depuis le 27 mai 2017 pour notamment des infractions à la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121), à l'art. 19 al. 1 de cette même loi (trafic de cocaïne et de marijuana), non-respect d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminée conformément à l'art 119 al. 1 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) ainsi que pour des infractions à la LEI, chacune de ces infractions ayant été commise à réitérées reprises.

3.            L'intéressé fait l'objet d'une interdiction d'entrée en Suisse valable jusqu'au 24 janvier 2026 qui lui a été notifiée en date du 22 avril 2018.

4.            M. A______ a été refoulé de Suisse à destination du Portugal à trois reprises soit le 29 juin 2022, le 17 février 2023 (avant d'avoir été placé en détention administrative par le commissaire de police pour une durée de trois semaines le 15 février 2023) et le 5 juillet 2023.

5.            En date du 20 février 2024, M. A______ a été arrêté sur le territoire genevois en violation de son interdiction d'entrée en Suisse.

6.            Entendu par les services de police le même jour, l'intéressé a répondu aux questions de manière parfois confuse.

S'agissant de sa situation personnelle, il a toutefois pu expliquer être venu en Suisse en 2017 pour trouver du travail et fonder une famille, dormir dans des logements sociaux en Suisse, être démuni de moyens de subsistance, n'avoir pas d'attaches particulières en Suisse. Sa mère habitait au Portugal et il voyait sa famille « dans [m]es rêves ».

7.            Par décision déclarée exécutoire nonobstant recours du 20 février 2024, dûment notifiée, l’office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM) a prononcé le renvoi de Suisse de M. A______, en application de l’art. 64 LEI, et a chargé les services de police de procéder à l’exécution de cette mesure dès sa remise en liberté.

8.            Par ordonnance pénale du 20 février 2024, le Ministère public a condamné l’intéressé pour infraction à l’art. 115 al. 1 let. b LEI à une peine pécuniaire de 90 jours-amende.

9.            La brigade Migration et Retour a immédiatement procédé à une réservation d'une place en faveur de l'intéressé à bord d'un avion de ligne à destination du Portugal.

10.        Le 20 février 2024, à 15h30, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de trois semaines en application de l’art. 76 al. 1 let. b ch. 1 renvoyant à l’art. 75 al. 1 let. b et c LEI, ch. 3 et ch. 4 LEI.

Au commissaire de police, M. A______ a déclaré qu’il était d’accord de retourner au Portugal.

Le procès-verbal indiquait que la détention pour des motifs de droit des étrangers avait débuté le même jour à 15h10. Il indiquait également que M. A______ renonçait à la procédure orale prévue par l’art. 80 al. 2 LEI. Cependant, M. A______ a refusé de signer ledit procès-verbal.

11.        Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le même jour.

12.        Par courriel du 21 février 2024 à 10h38, le commissaire de police a transmis au tribunal la confirmation du vol prévu pour le 23 février 2024 à 12h45 à destination du Portugal, au départ de Genève.

13.        Entendu le 22 février 2024 par le tribunal, M. A______ a déclaré qu’il n’avait pas le choix de repartir, il allait donc prendre l’avion demain. Il avait compris qu’il n’avait pas le droit de revenir en Suisse. Il n’avait rien d’autre à ajouter.

La représentante du commissaire de police a demandé la confirmation de l’ordre de mise en détention administrative prononcé à l’encontre de M. A______ le 20 février 2024 pour une durée de trois semaines.

L’intéressé, par l’intermédiaire de son conseil, s’en est rapporté à justice tant sur le principe que sur la durée de la détention.

EN DROIT

1.            Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour examiner d'office la légalité et l’adéquation de la détention administrative en vue de renvoi ou d’expulsion (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. d de loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

Il doit y procéder dans les nonante-six heures qui suivent l'ordre de mise en détention (art. 80 al. 2 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 - LEI - RS 142.20 ; anciennement dénommée loi fédérale sur les étrangers - LEtr ; 9 al. 3 LaLEtr).

2.            En l'espèce, le tribunal a été valablement saisi et respecte le délai précité en statuant ce jour, la détention administrative ayant débuté le 20 février 2024 à 15h10.

3.            Le tribunal peut confirmer, réformer ou annuler la décision du commissaire de police ; le cas échéant, il ordonne la mise en liberté de l’étranger (art. 9 al. 3 LaLEtr).

4.            La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l’art. 5 par. 1 let. f de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; 135 II 105 consid. 2.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_237/2013 du 27 mars 2013 consid. 5.1 ; 2C_413/2012 du 22 mai 2012 consid. 3.1) et de l’art. 31 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu’elle repose sur une base légale (arrêts du Tribunal fédéral 2C_584/2012 du 29 juin 2012 consid. 5.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1). Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne peut être prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_256/2013 du 10 avril 2013 consid. 4.1 ; 2C_237/2013 du 27 mars 2013 consid. 5.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1).

5.            À teneur de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI (cum art. 75 al. 1 let. c LEI), après notification d'une décision de première instance de renvoi ou d'une décision de première instance d'expulsion au sens des art. 66a ou 66abis du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, mettre en détention la personne concernée notamment si elle a franchi la frontière malgré une interdiction d’entrer en Suisse et n'a pu être renvoyée immédiatement.

Une mise en détention administrative peut également être ordonnée si la personne franchit la région qui lui est assignée ou pénètre dans une zone qui lui est interdite en vertu de l’art. 74 LEI (art. 75 al. 1 let.b LEI).

6.            Une mise en détention administrative est aussi envisageable si des éléments concrets font craindre que la personne entend se soustraire au renvoi ou à l'expulsion, en particulier parce qu'elle ne se soumet pas à son obligation de collaborer en vertu de l'art. 90 LEI (art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEI), ou encore si son comportement permet de conclure qu'elle se refuse à obtempérer aux instructions des autorités (art. 76 al. 1 let. b ch. 4 LEI).

Ces deux dispositions décrivent toutes deux des comportements permettant de conclure à l'existence d'un risque de fuite ou de disparition, de sorte que les deux éléments doivent être envisagés ensemble (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_381/2016 du 23 mai 2016 consid. 4.1 ; 2C_128/2009 du 30 mars 2009 consid. 3.1 ; ATA/740/2015 du 16 juillet 2015 ; ATA/943/2014 du 28 novembre 2014 ; ATA/616/2014 du 7 août 2014).

Selon la jurisprudence, un risque de fuite - c'est-à-dire la réalisation de l'un des deux motifs précités - existe notamment lorsque l'étranger a déjà disparu une première fois dans la clandestinité, qu'il tente d'entraver les démarches en vue de l'exécution du renvoi en donnant des indications manifestement inexactes ou contradictoires ou encore s'il laisse clairement apparaître, par ses déclarations ou son comportement, qu'il n'est pas disposé à retourner dans son pays d'origine. Comme le prévoit expressément l'art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEtr, il faut qu'il existe des éléments concrets en ce sens (ATF 140 II 1 consid. 5.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_381/2016 du 23 mai 2016 consid. 4.1 ; 2C_105/2016 du 8 mars 2016 consid. 5.2 ; 2C_951/2015 du 17 novembre 2015 consid. 2.2 ; 2C_658/2014 du 7 août 2014 consid. 1.2).

Lorsqu'il existe un risque de fuite, le juge de la détention administrative doit établir un pronostic en déterminant s'il existe des garanties que l'étranger prêtera son concours à l'exécution du refoulement, soit qu'il se conformera aux instructions de l'autorité et regagnera son pays d'origine le moment venu, c'est-à-dire lorsque les conditions seront réunies ; dans ce cadre, il dispose d'une certaine marge d'appréciation (arrêts du Tribunal fédéral 2C_935/2011 du 7 décembre 2011 consid. 3.3 ; 2C_806/2010 du 21 octobre 2010 consid. 2.1 ; 2C_400/2009 du 16 juillet 2009 consid. 3.1 ; ATA/740/2015 du 16 juillet 2015 ; ATA/739/2015 du 16 juillet 2015 ; ATA/682/2015 du 25 juin 2015 ; ATA/261/2013 du 25 avril 2013 ; ATA/40/2011 du 25 janvier 2011).

7.            En l’espèce, M. A______ fait l’objet d’une décision de renvoi prononcée par l’OCPM le 20 février 2024. Il fait également l’objet d’une interdiction d’entrée en Suisse valable jusqu’au 24 janvier 2026, qui lui a été dûment notifiée le 22 avril 2018. Il a par ailleurs été renvoyé au Portugal à trois reprises, soit les 29 juin 2022 et 17 février et 5 juillet 2023 ; en revenant en Suisse à tout le moins le 20 févier 2024, date de son interpellation, il a clairement enfreint l’interdiction d’entrée en Suisse dont il fait l’objet.

Il ressort également du dossier que M. A______ n’a aucune attache en Suisse, ni lieu de résidence ou source légale de revenu et que, malgré trois renvois au Portugal, il persiste à revenir en Suisse et vouloir y trouver du travail. Bien qu’ayant déclaré être d’accord d’être renvoyé au Portugal, notamment encore lors de l’audience devant le tribunal, le risque qu’il se soustraie à son renvoi et tombe dans la clandestinité ne peut être écarté.

Ainsi, les conditions légales d’une détention administrative sont clairement remplies.

8.             Selon le texte de l'art. 76 al. 1 LEI, l'autorité « peut » prononcer la détention administrative lorsque les conditions légales sont réunies. L'utilisation de la forme potestative signifie qu'elle n'en a pas l'obligation et que, dans la marge d'appréciation dont elle dispose dans l'application de la loi, elle se doit d'examiner la proportionnalité de la mesure qu'elle envisage de prendre.

9.             Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 36 Cst., se compose des règles d'aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de la personne concernée et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/752/2012 du 1er novembre 2012 consid. 7).

Il convient dès lors d'examiner, en fonction des circonstances concrètes, si la détention en vue d'assurer l'exécution d'un renvoi au sens de l'art. 5 par. 1 let. f CEDH est adaptée et nécessaire (ATF 135 II 105 consid. 2.2.1 ; 134 I 92 consid. 2.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_26/2013 du 29 janvier 2013 consid. 3.1 ; 2C_420/2011 du 9 juin 2011 consid. 4.1 ; 2C_974/2010 du 11 janvier 2011 consid. 3.1 ; 2C_756/2009 du 15 décembre 2009 consid. 2.1).

10.         Par ailleurs, les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi doivent être entreprises sans tarder par l'autorité compétente (art. 76 al. 4 LEI). Il s'agit, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (arrêt 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; cf. aussi ATA/315/2010 du 6 mai 2010 ; ATA/88/2010 du 9 février 2010 ; ATA/644/2009 du 8 décembre 2009 et les références citées).

11.         En l'espèce, compte tenu du fait que M. A______ n’a pas respecté l’interdiction d’entrée en Suisse qui lui a valablement été notifiée et qu’il a déjà dû être renvoyé à trois reprises mais revenant à chaque fois en Suisse en vue de chercher du travail, on ne voit pas pour quelles raisons, s’il était remis en liberté, il respecterait davantage cette interdiction et changerait de comportement, de sorte que sa détention administrative paraît être le seul moyen d’assurer son expulsion vers le Portugal. Les autorités suisses ont par ailleurs agi avec toute la diligence possible dès lors qu'elles ont immédiatement procédé aux démarches utiles pour réserver une place sur un vol à destination du Portugal pour exécuter le renvoi, lequel aura lieu le 23 février 2024 à 12h45 au départ de Genève.

12.         Selon l'art. 79 al. 1 LEI, la détention en vue du renvoi ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l’accord de l’autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus, lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l’autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI) ou lorsque l’obtention des documents nécessaires au départ auprès d’un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (art. 79 al. 2 let. b LEI).

13.         En outre, la durée de la détention administrative doit respecter le principe de la proportionnalité (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/752/2012 du 1er novembre 2012 consid. 7).

14.         En l'espèce, eu égard à l'ensemble des circonstances, il y a lieu de confirmer l'ordre de mise en détention administrative pour une durée de trois semaines, qui respecte en soi l'art. 79 LEI et n'apparaît pas disproportionnée, étant rappelé que la détention prendra fin au moment du renvoi mais que si, pour une raison ou une autre, ce renvoi devait ne pas pouvoir se concrétiser rapidement, cette durée permettra aux autorités, cas échéant, de solliciter la prolongation de la détention.

15.        Au vu de ce qui précède, il y a lieu de confirmer l'ordre de mise en détention administrative de M. A______ pour une durée de trois semaines.

16.         Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations.


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             confirme l’ordre de mise en détention administrative pris par le commissaire de police le 20 février 2024 à 15h30 à l’encontre de Monsieur A______ pour une durée de trois semaines, soit jusqu'au 11 mars 2024, inclus ;

2.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les dix jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière