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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1201/2022

JTAPI/1109/2023 du 12.10.2023 ( LCI ) , REJETE

ATTAQUE

Descripteurs : ANTENNE;RADIOCOMMUNICATION;TÉLÉPHONE MOBILE;LIMITATION DES ÉMISSIONS;OBLIGATION D'AMÉNAGER LE TERRITOIRE;DROIT D'ÊTRE ENTENDU
Normes : LPA.14.al1; Cst.5; Cst.29.al2; RPRNI.11; LPE.1; LPE.3; LPE.11; LPE.12; LPE.13; LPE.14.leta; LAT.2.al1; ORNI.4; ORNI.12; ORNI.63; ORNI.64; LCI.14
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1201/2022 LCI

JTAPI/1109/2023

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 12 octobre 2023

dans la cause

COMMUNE DE A______

Monsieur B______, Madame C______, Monsieur D______ et Monsieur E______, Madame F______, Madame G______, Monsieur H______, Madame I______, Monsieur J______, Madame K______, Madame et Monsieur L______, Madame M______, Madame N______, Madame O______, Monsieur P______, Monsieur Q______, Monsieur R______, Madame S______, Madame T______, Madame U______, Madame V______, Monsieur W______, Madame X______, Madame Y______, Madame Z______, Madame AA______, Madame AB______, Monsieur AC______, Madame AD______, Monsieur AE______

contre

 

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

AF______SA

AG______, représentée par REGIE DU RHONE SA, avec élection de domicile


EN FAIT

1.             AG______ est propriétaire de la parcelle n° 1______ de la commune de A______, sise à la rue AH______, en zone 4B protégée, sur laquelle se trouve un bâtiment n° 2______.

2.             Par requête déposée le 28 mai 2020, AF______SA (ci-après : AF______) a sollicité une autorisation de construire portant sur la construction d’une nouvelle installation de communication mobile avec support d'antenne, systèmes techniques et nouvelles antennes, sur l’immeuble de la parcelle n° 1______, laquelle a été enregistrée sous la référence DD 3______.

3.             Selon la fiche de donnée spécifique au site concernant les stations de base pour téléphonie mobile et raccordement sans fil, établie le 14 septembre 2021 par AF______ :

-          l’installation visée est un groupe de six antennes fixées sur un mât sur la superstructure du bâtiment sis à A______, rue AH______ (fiche complémentaire n° 1) ;

-          la distance maximale pour former opposition est de 568.68 m (fiche complémentaire n° 2) ;

-          l’intensité de champ électrique due à l’installation dans les lieux de séjour momentané (LSM) les plus chargés (rue AH______ dans les combles et rue AH______ au rez-de-chaussée) est de respectivement, 33,50 V/m atteignant 65,00 % de la valeur limite d’immissions (ci-après : VLI) et 4,60 V/m atteignant 9,10 % de la VLI (fiche complémentaire n° 3a) ;

-          sur les neuf lieux à utilisation sensible (ci-après : LUS) autour de l’implantation des antennes (nos 2 et de 4 à 11), les plus chargés présentent des valeurs oscillant entre 4,48 et 4,99 V/m sur 5 V/m (fiche complémentaire n° 4a) ;

-          Le LUS n° 11 est situé au chemin AI______ où se trouve l'église évangélique de A______.

4.             Le 23 juin 2020, la commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : CMNS) a émis un préavis favorable sous conditions. L'installation devait être réalisée avec un matériau non réfléchissant et une teinte neutre.

5.             Le 1er juillet 2020, la commune de A______ a émis un préavis défavorable.

Le Conseil administratif refusait systématiquement les antennes sises dans les zones d'habitation. Même si les valeurs de l’ordonnance sur la protection contre le rayonnement non ionisant du 23 décembre 1999 (ORNI - RS 814.710) étaient respectées, ce type d’installation constituait une source de crainte majeure pour les populations situées à proximité, et provoquait des répercussions psychologiques importantes ainsi que des troubles de la santé. Une optimisation et un regroupement des installations pour plusieurs opérateurs étaient nécessaires. Il était indispensable que le canton planifie un principe directeur permettant de visualiser l’ensemble des installations à venir sur les communes, compte tenu de la multiplication de celles-ci plutôt que de procéder au « coup par coup », au gré des demandes privées.

6.             Le 2 février 2022, le service de l’air, du bruit et des rayonnements non ionisants (ci-après : SABRA) a émis un préavis favorable sous conditions.

L’installation était susceptible de produire des immissions dépassant la valeur limite d’installation (ci-après : VLInst) dans une surface d’un rayon de 85,3 m. La VLInst sur le bâtiment même et les bâtiments voisins était respectée. Pour les LUS nos 4 à 6 et 8 à 9, les immissions étaient supérieures à 80% de la VLInst dans des directions proches du rayon principal, de sorte que l’exploitant de l’installation devait effectuer, lors de la réception, des mesurages à ses frais, conformément aux recommandations en vigueur. Les parties de la superstructure accessibles pour l’entretien, où la valeur limite d’immission (ci-après : VLI) était épuisée, devaient être dûment protégées. Enfin, l’opérateur devait intégrer les antennes de cette installation dans son système d’assurance qualité (ci-après : système AQ) permettant de surveiller les données d’exploitation.

7.             Les autres préavis délivrés étaient tous favorables ou ne concernaient pas leurs expéditeurs.

8.             Par décision du 21 mars 2022, le département du territoire (ci-après : le département) a octroyé à AF______ l’autorisation de construire sollicitée, laquelle a été publiée dans la Feuille d’avis officielle (ci-après : FAO) du même jour.

9.             Par acte du 13 avril 2022, la commune de A______ a formé recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : tribunal) concluant préalablement à ce qu’une expertise judiciaire visant à contrôler le respect de l’installation litigieuse aux normes applicables découlant de l’ORNI soit ordonnée, à ce qu’il soit ordonné à AF______ de démontrer que la puissance émettrice de l’installation litigieuse ne pourrait pas être augmentée à l’avenir, que celle-ci respecterait ainsi les exigences en matière de contrôle à long terme des valeurs limites, et à ce que son droit de compléter ses écritures sur la base de l’expertise judiciaire soit réservé. Principalement, elle a conclu à l’admission du recours et à l’annulation de l’autorisation de construire DD 3______ du 21 mars 2022, sous suite de frais et dépens, subsidiairement au renvoi de la cause au département pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

La décision querellée violait l’art. 2 de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700) puisqu’elle ne reposait sur aucune planification. Le développement du réseau d’antennes de nouvelles génération 4G+ et 5G s’effectuait actuellement en dehors de tout processus de planification, alors qu’un instrument de planification était exigé par le droit fédéral pour les projets ayant des effets importants sur l’organisation du territoire, en vertu l’art. 8 al. 2 LAT. Or, l’installation de plus de vingt-six mille antennes de téléphonie mobile de nouvelle génération revêtait indéniablement une importance supra locale. Ce manque de planification engendrait un manque de coordination et une prolifération du nombre d’antennes excédant la couverture réseau requise pour la population suisse, sans qu’une pesée des intérêts en présence puisse avoir lieu, faisant fi du droit à la vie et à l’intégrité physique et psychique des riverains ainsi que la sauvegarde du patrimoine bâti et de la nature. Le fait que la commune de A______, à elle seule, semblait compter 110 antennes, situées à seulement quelques mètres de distance, était éloquent. Une planification, à tout le moins communale, était indispensable.

Le principe de précaution prévu à l’art. 74 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101) et à l’art. 1 de la loi fédérale sur la protection de l’environnement du 7 octobre 1983 (LPE - RS 814.01) était également violé. Dans la fiche de données spécifique au site, AF______ obtenait des valeurs qui se trouvaient pratiquement à la limite admissible pour les LUS nos 4, 5 et 6, alors que de l’aveu même du SABRA, l’installation était susceptible de produire des immissions dépassant la VLInst dans une surface d’un rayon de 85,3 m et ce, alors que le centre de loisirs de A______ se situait à moins de 30 m, l'Hôpital AJ______ à moins de 130 m et l'école primaire AK______ à moins de 200 m, ce qui violait également l’art. 14 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05). À cela s’ajoutait qu’il était déjà arrivé que l’autorité procédant au relevé, respectivement au contrôle des valeurs obtenues par l’opérateur, obtienne des valeurs différentes. Or, de telles incertitudes n’étaient pas admissibles, notamment dans l’hypothèse où les calculs des LUS nos 4, 5 et 6 seraient erronés. Compte tenu du manque de données fiables et de recul, l’installation litigieuse mettrait en danger le voisinage, plus particulièrement les enfants de l’école primaire AL______ (sic). L’Office fédéral de l’environnement (ci-après : OFEV) avait retenu, dans une circulaire du 16 janvier 2006, que la puissance émettrice et les directions de propagation d’antennes devaient être contrôlées chaque jour par un système automatisé, soit le système AQ. Or, il était extrêmement difficile d’avoir accès à ces données réelles détenues par les opérateurs. Une récente évaluation technique parvenait à la conclusion que les antennes étaient dotées d’une puissance apparente rayonnée (ci-après : ERP) effective trop faible pour être fonctionnelle lorsqu’elles étaient mises à l’enquête et qu’elles n’émettaient pas de réel signal. Dès lors, le droit à la vie et à l’intégrité physique et psychique garantis par les art. 10 et 11 Cst. ainsi que 13 al. 2 LPE étaient bafoués, ce qui contrevenait gravement au principe de précaution.

Le système de facteur de correction et n’était pas conforme. Un rapport de l’OFEV de février 2021 avait établi qu’en raison de la définition du mode d’exploitation déterminant pour les antennes adaptatives, la puissance émettrice déterminante ERP pouvait être dépassée en exploitation réelle durant une courte période, le facteur de correction ne pouvant être appliqué que si l’antenne adaptative était dotée d’une limitation automatique de la puissance. Ainsi, la puissance émise était susceptible de dépasser le seuil admissible de 5 V/m actuellement prévu par l’ORNI durant une courte période. Par ailleurs, la fiche de données spécifique au site ne fournissait aucune explication quant à l’existence d’un éventuel système de limitation automatique. Une telle carence était inadmissible. De plus, le mode d’exploitation recommandé par l’OFEV avait pour effet de modifier l’art. 62 al. 5 let. d Annexe 1 ORNI, car la façon de définir le mode d’exploitation déterminant de telles antennes représentait un changement de paradigme. En effet, lors de l’adoption de ladite norme, rien n’indiquait qu’il était prévu que la puissance d’émission effective d’une installation puisse être augmentée sans une augmentation simultanée de la puissance ERP. En outre, le fait de calculer une puissance émettrice sur une moyenne des six dernières minutes et la limiter automatiquement au moyen d’une application logicielle en cas de dépassement différait du mode de calcul habituel du rayonnement au sens de l’ORNI. Enfin, la définition de l’ERP de l’ORNI n’intégrait pas de facteur de correction. Au demeurant, la modification partielle de l’ORNI, entrée en vigueur le 1er janvier 2022, n’y changeait rien. La presse récente relatait que les installations nécessaires au développement du réseau 5G en Suisse ne garantissaient pas un niveau de protection suffisant pour l’être humain et que de nombreuses antennes de téléphonie mobile 4G et 5G dépassaient en réalité les valeurs limites.

Pour terminer, la décision litigieuse était lacunaire dès lors qu’elle ne décrivait pas comment le respect de la puissance émettrice serait garanti sur le long terme, ce qui était problématique au vu des valeurs limites aux LUS nos 4, 5 et 6 et contrevenait à la circulaire de l’OFEV du 16 janvier 2006. Par ailleurs, AF______ n’avait nullement indiqué dans la fiche des données spécifiques au site que l’installation serait intégrée dans un système AQ ni à partir de quand ce système serait opérationnel.

10.         Par courrier du 19 mai 2022 adressé au tribunal, Monsieur B______, Madame C______, Monsieur D______ et Monsieur D______ domiciliés ______, respectivement ______, esplanade AM______, avenue AN______ et rue AO______, ont sollicité leur intervention dans la procédure. Ils concluaient à la confirmation de l’effet suspensif du recours déposé par la commune de A______, à l’annulation de l’autorisation litigieuse et à la condamnation du département en tous les frais de la cause.

Ils sollicitaient la possibilité de compléter leurs conclusions une fois le dossier reçu.

11.         Le 24 mai 2022, Madame F______, Madame G______, Monsieur H______, Madame I______, Monsieur J______, Madame K______, Madame et Monsieur L______, Madame M______, Madame AP______, Madame N______, Madame O______, Monsieur P______, Monsieur Q______, Monsieur R______, Madame S______, Madame T______, Madame U______, Madame V______, Monsieur W______, Madame AQ______, Madame X______, Madame Y______, Madame Z______, Madame AA______, Madame AB______, Monsieur AC______, Monsieur AR______, Madame AS______, Monsieur AT______, Madame AU______, Madame AV______, Monsieur AW______, Madame AX______, Monsieur AZ______ (ci-après : M. H______ et consorts) ont sollicité leur intervention dans la procédure.

Ils ont conclu à la confirmation de l’effet suspensif du recours, à l’annulation de l’autorisation litigieuse et à la condamnation du département en tous les frais de la cause. Pour le surplus, ils réservaient leur droit de compléter leurs conclusions une fois qu’ils auraient pris connaissance du dossier.

Ces personnes sont domiciliées à différentes adresses situées, promenade AY______, parc AZ______, esplanade AM______, rue BA______, promenade BB______, promenade BC______, rue AH______, allée BD______ à A______.

12.         Le 23 mai 2023, AF______ a transmis ses observations, concluant au rejet du recours et à la condamnation de la commune de A______ aux frais et indemnité de procédure.

Le principe de prévention était assuré car la VLInst était respectée pour tous les LUS concernés même si pour certains, elle était proche de la VLInst maximale prévue par l’ORNI, soit 5 V/m. En amont de la réalisation de l’installation, les valeurs prévisionnelles calculées faisaient foi en dépit de l’importante marge d’incertitude. En l’espèce, le permis de construire imposait de toute manière des mesures in situ dès la mise en service des antennes.

Les facteurs de correction tenaient compte du fait que les antennes adaptatives, contrairement aux antennes conventionnelles, concentraient le signal dans la direction de l’utilisateur et le réduisait dans d’autres directions. Les VLInst étaient des valeurs de prévention et non des valeurs de danger. Elles n’étaient pas directement liées à un risque sanitaire démontré, mais protégeaient de ce risque indirectement, dans le sens d’une marge de sécurité. Aucun dommage ne pouvait donc survenir en cas de brefs dépassements. Lorsque de brèves puissances de crête plus élevées que la puissance d’émission ERP apparaissaient, la puissance était réduite de sorte que la puissance d’émission moyenne sur une durée de six minutes ne dépassait pas la puissance d’émission déclarée. Il ne résultait dès lors pas de l’application d’un facteur de correction ni une augmentation de la puissance autorisée ni une modification des valeurs limites définies dans l’ORNI.

Le SABRA lui imposait la réalisation de mesures in situ dès la mise en service des antennes ainsi que l’intégration des antennes dans le système AQ. Si la VLInst était dépassée lorsque l’installation émettait à la puissance autorisée, l’autorité ordonnait une réduction de la puissance émettrice ou une autre adaptation de l’installation. Le Tribunal fédéral avait considéré que le système AQ était conforme aux exigences en matière de contrôle effectif des immissions et constituait une garantie suffisante du respect des valeurs limites de l’ORNI. Même s’il présentait quelques défauts, il restait néanmoins un instrument fiable pour garantir une exploitation des installations de communication mobile conforme au permis de construire et le respect de la VLInst. Dans un arrêt 1C_97/2018 du 3 septembre 2019, la Haute Cour avait constaté que des contrôles effectués dans le canton de Schwytz avaient montré des écarts par rapport aux réglages approuvés s’agissant de la hauteur et de la direction d’émissions. Elle avait invité l’OFEV à vérifier ces données au niveau national tout en considérant que les écarts constatés ne constituaient pas une base suffisante pour conclure à une défaillance générale du système AQ.

L’art. 14 LCI n’était pas applicable. La recourante n’était pas en mesure de prouver que l’installation pourrait causer de graves inconvénients ou ne rempliraient pas les conditions de sécurité et de salubrité suffisantes.

Les installations de communication mobile n’avaient en principe pas à faire l’objet d’une planification spéciale. Elles devaient en priorité être érigée en zone constructible. Lorsqu’il était prévu d’installer des antennes à l’intérieur de la zone à bâtir, il existait en principe un droit à l’autorisation de construire si l’installation correspondait à l’affectation de la zone où elle était prévue. Les communes et les cantons ne pouvaient pas adopter de dispositions visant à protéger la population contre les immissions du rayonnement non ionisant puisque ce domaine était réglé exclusivement par le droit fédéral. Elles pouvaient mais n'avaient pas l'obligation d'adopter des prescriptions sur les constructions et les zones concernant les installations de communication mobile. Or, l'intimée n'avait pas usé de sa compétence.

13.         Le 14 juin 2022, le département a répondu au recours, concluant à son rejet, à la confirmation de la décision entreprise et à ce que la recourante soit condamnée aux dépens de l’instance. Il a produit son dossier.

Les installations de téléphonie mobile n’avaient, en principe, pas à faire l’objet d’une planification spéciale et devaient être érigées en priorité en zone constructible. En outre, elles figuraient dans le cadastre mis à jour et répertoriant l'ensemble des installations existantes ou autorisées, ce dont le SABRA avait tenu compte lorsqu'il avait examiné le projet querellé.

Aucune violation du principe de précaution ne pouvait lui être reprochée. La recourante ne démontrait pas que l’autorisation querellée n’était pas conforme à l’ORNI ainsi qu’au règlement sur la protection contre le rayonnement non ionisant des installations stationnaires du 1er mars 2023 (RPRNI ‑ K 1 70.07). Elle se bornait à relever d’hypothétiques inexactitudes tout en admettant que toutes les mesures présentaient une intensité de champ électrique inférieure à la VLI. Malgré l’incertitude des mesures, il n’y avait pas lieu de présumer que les conditions de l’autorisation de construire ne seraient pas respectées au moment de la mise en service. L’autorisation impliquait que des mesures soient effectuées au moment de la mise en service et qu’en cas de dépassement, l’intimée modifie l’installation afin qu’elle soit conforme.

Dans la mesure où, comme en l’espèce, la LPE et l’ORNI étaient respectés, le projet ne pouvaient pas être source de graves inconvénients pour le voisinage au sens de l’art. 14 LCI.

Le SABRA imposait l’intégration des antennes à un système AQ permettant de surveiller les données d’exploitation, ce qui impliquait nécessairement la mise en place d’une limitation de puissance automatique de la part de l’opérateur. S’il était vrai que la prise en considération d’une puissance d’émission moyenne d’une durée de six minutes s’avérait être un changement de paradigme, elle découlait d’une justification technique parfaitement fondée, soit la fluctuation de la puissance, contrairement aux ancienne antennes. L’art. 14 al. 5 ORNI prévoyait la possibilité de se fonder sur une durée d’appréciation, ce qui signifiait que les immissions s’exprimaient par la moyenne quadratique des valeurs d’immissions durant la durée d’appréciation.

Enfin, l’intégration de l’antenne dans un système AQ était une condition permanente de l’autorisation de construire, perdurant indéfiniment, comme toute obligation usuelle d’entretien, conformément à l’art. 121 al. 1 LCI, ce qui permettait de surveiller les données d’exploitation.

14.         Dans le délai imparti, AG______ ne s'est pas déterminée.

15.         Par décision du 15 juillet 2022 (DITAI/4______), le tribunal a admis les demandes d’intervention formées les 19 et 24 mai 2022 par M. B______, Mme C______, M. D______, M. E______ et M. H______ et consorts (ci-après : les intervenants).

16.         Le 22 août 2022, la recourante a répliqué, sollicitant l’audition de Monsieur BE______, ingénieur radio, qu’elle avait mandaté afin de mener une analyse de la conformité de l’installation litigeuse à l’ORNI. Celui-ci avait relevé, dans une expertise produite du 21 avril 2022, que l'opérateur prévoyait que l'intensité du champ magnétique serait de 4,77 V/m pour le LUS n°5 alors qu'il parvenait à un résultat de 5,29 V/m, ce qui dépassait la VLInst. S'agissant du LUS n° 6, il avait relevé que le point de mesure retenu par AF______ n'était pas le lieu où le rayonnement était le plus fort et estimait que selon l'occupation possible des espaces de la maison, il pourrait y avoir un LUS exposé à 5,28 V/m voire 5,49 V/m. Pour le LUS n°11, l'opérateur obtenait un résultat de 4,99 V/m tandis qu'il parvenait à une prévision de 5,33 voire 5,55 V/m selon la distance et l'azimut. L’installation dépassait donc la VLInst de 5 V/m, en violation de l’art. 64 ORNI, dans plusieurs LUS dans le mode d'exploitation déterminant. Enfin, les études portées à ce jour constataient une rupture de l’équilibre oxydatif induite par l’exposition aux rayonnements non ionisant dans les gammes des VLInst, ce qui portait atteinte au principe de précaution.

17.         Dans sa duplique du 14 septembre 2022, AF______ a relevé le parti pris de M. BE______, lequel n’appliquait pas les règles en vigueur et ne représentait pas les qualités d’indépendance attendues d’un expert. Il multipliait la puissance par le facteur de correction dans ses calculs de la VLInst. Or, celui-ci ne devait pas être appliqué dans le cadre du calcul mais par le système AQ, qui, avec la fonction de la limitation de la puissance, gérait cette dernière et donc, les capacités disponibles, de sorte que la puissance d’émission moyenne sur une durée de six minutes ne dépassait pas la puissance d’émission déclarée. La VLInst mettait en œuvre le principe de précaution, dans le sens d’une marge de sécurité. La recourante utilisait un moyen détourné pour remettre en cause les limites fixées dans l’ORNI ainsi que la prise en compte des caractéristiques des antennes adaptatives prévues dans celle-ci.

18.         Par décisions des 20 septembre 2022 (RTAPI/5______), 27 octobre 2022 (RTAPI/6______), 15 novembre 2022 (RTAPI/7______), 5 janvier 2023 (RTAPI/8______), 20 janvier 2023 (RTAPI/9_______) et 9 février 2023 (RTAPI/10______), le tribunal a donné acte à Mme AQ______, Mme AU______, Mme AU______, Mme AP______, Mme AX______ et M. AR______, M.  AT______, Mme K______ et M. AW______ de ce qu’ils avaient retiré leur intervention et a rayé la cause du rôle en ce qui les concernait.

19.         Dans son écriture du 30 septembre 2022, le département a soulevé que l'analyse de M. BE______ n'était pas de nature à remettre en cause la décision litigieuse puisqu'il s'agissait d'une simple allégation d'une partie. L'analyse de M. BE______ était d'ailleurs lacunaire. Par exemple, ce dernier indiquait concernant les LUS nos 4 et 11 que la différence des résultats du champ électrique était incohérente. Or, les deux valeurs étaient proches ce qui était cohérent avec la position des deux LUS vis-à-vis des antennes émettrices. Ils étaient placés de façon presque symétrique par rapport à l'antenne dont la direction de propagation était de 10 degrés. Le LUS n°4 était plus éloigné que le LUS n°11 dont la valeur de champ était plus faible, ce qui était cohérent.

Les calculs de l'opérateur avaient été vérifiés par le SABRA pour le LUS n°11 et il obtenait le même résultat que ceux de la fiche de données spécifique au site. Le bâtiment en question étant l'Eglise évangélique. Ne s'agissant pas d'un LUS au sens de l'ORNI, l'opérateur n'était pas obligé de l'évaluer. Pour le LUS n°6, les points calculés par M. BE______ étaient situés à une endroit dénué de fenêtres. L'atténuation découlant de l'enveloppe du bâtiment jouait un rôle important sur la valeur du champ électrique, ce qui n'avait pas été pris en considération par M. BE______. La valeur limite aux deux points qu'il avait calculés était largement respecté si l'amortissement du bâtiment était introduit dans le calcul. Le calcul du LUS n°6 par AF______ ne tenait pas compte de l'atténuation de l'enveloppe du bâtiment et la valeur limite avait été respectée. Pour le LUS n°2, la dalle des combles semblait similaire aux étages inférieurs. Au vu de son épaisseur, il ne s'agissait pas d'un simple plancher en bois. Il y avait lieu de se fonder sur les calculs de l'opérateur, analysé par le SABRA qui en avait attesté la conformité avec l'ORNI. Au surplus, il persistait dans ses précédentes observations et conclusions.

20.         Dans leurs observations du 10 novembre 2022, les intervenants ont conclu préalablement à ce qu’une expertise judiciaire visant à contrôler le respect de l’installation litigieuse aux normes applicables découlant de l’ORNI, en particulier l'exactitude des calculs effectué par AF______ soit ordonnée, à ce qu’il lui soit ordonné de démontrer que la puissance émettrice de l’installation litigieuse ne pourrait pas être augmentée à l’avenir et à ce que leur droit de compléter leurs écritures sur la base de l’expertise judiciaire soit réservé. Principalement, ils ont conclu à l’admission du recours et à l’annulation de l’autorisation de construire DD 3______ du 21 mars 2022, sous suite de frais et dépens, subsidiairement au renvoi de la cause au département pour nouvelle décision dans le sens des considérants, encore plus subsidiairement et si par impossible le recours était rejeté, de mettre à la charge du département et tout autre intimée ou tiers, subsidiairement la commune de A______, l’intégralité des frais et dépens de la cause.

Les principes de la légalité (art. 5 Cst) et de la séparation des pouvoirs étaient violés. L’attribution des nouvelles fréquences par la Commission fédérale de la communication (ci-après : ComCom) avait été effectuée après que le parlement ait, par deux fois, refusé de relever les valeurs limites fixées dans l’ORNI. Il aurait été nécessaire que ce soit le législateur qui pose le cadre du déploiement de la 5G. L’exécutif avait excédé ses compétences et empiété sur les prérogatives du législateur.

Leur droit d’être entendu était violé car les riverains n’avaient jamais été informés de façon appropriée du projet de modification litigieux, en violation de l’art. 15 du règlement sur la protection contre le rayonnement non ionisant des installations stationnaires du 1er mars 2023 (RPRNI ‑ K 1 70.07). Un petit nombre de riverains avaient eu l’information car l’association « 5G moratoire pour la Suisse » avait mis à disposition quelques flyers dans le voisinage. Une invitation à une séance d’information aurait permis à l’ensemble des riverains d’être mieux informé. La mise à l’enquête ne suffisait pas à remplir l’obligation qui incombait à AF______, en application de l’art. 15 RPRNI. Le Conseil d’État n’aurait pas spécifiquement prévu une information du public si elle n’allait pas au-delà de ce qui était prévu par la LCI en matière de mise à l’enquête pour toutes les constructions.

L’art. 3 al. 2 RPRNI était violé car la fiche de données spécifiques ne mentionnait ni les balcons ni les terrasses, lesquels constituaient des LUS. Dès lors, la VLInst y serait sans doute dépassée, notamment celles des LUS nos 4, 5, 9, 10 et 11.

Au surplus, ils invoquaient des griefs identiques à ceux de la commune de A______. Enfin, ils sollicitaient la suspension de la procédure en vertu de l’art. 14 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) dans l’attente d’un arrêt de principe du Tribunal fédéral.

21.         Dans ses écritures du 28 novembre 2022, AF______ s’est opposée à la mise en œuvre d’une expertise judiciaire et a contesté les observations des parties intervenantes.

22.         Le 29 novembre 2022, la commune de A______ a informé le tribunal qu’elle faisait siens les considérations de Mme C______ et consorts.

23.         Le 9 décembre 2022, le département a transmis ses observations.

Il considérait qu'une expertise n'était pas nécessaire.

Les principes de la légalité et de la séparation des pouvoirs n’étaient pas violés. Pour l’évaluation des effets nocifs ou gênants, l’art. 13 al. 1 LPE prévoyait que le Conseil fédéral fixe par voie d’ordonnance des valeurs limites d’immissions. Conformément à cette délégation de compétence, il avait édicté les art. 1 et ss de l’ORNI qui réglait les limites d’émission ainsi que les limites d’immissions pour les émetteurs de radiocommunication mobile et les raccordements d’abonnés sans fil (art. 2 al. 1 let. a ORNI et son annexe 1 et 2). L’ORNI, qui découlait de la LPE, était une ordonnance d’exécution, par définition dépendante de la loi qu’elle était chargée d’exécuter, qui elle avait été adoptée par le parlement.

S'agissant de l'obligation de planifier, le SABRA avait vérifié que les antennes n'étaient pas associées à un autre groupe d'antennes préalablement autorisées, dans son préavis du 2 février 2022. L'ouvrage litigieux était prévu en zone 4B protégée, soit en zone constructible. Par conséquent, l'installation était conforme à la zone dans laquelle elle était destinée.

Le droit d’être entendu n’avait pas été violé car la requête avait fait l’objet d’une publication dans la FAO le 5 juin 2020 et d’une enquête publique durant trente jours, période durant laquelle l’existence du projet était affichée à la commune et le dossier consultable en son sein. Enfin, l’autorisation de construire avait été publiée dans la FAO du 21 mars 2022. Dès lors, une information appropriée avait été réalisée. La preuve en était qu'une opposition collective avait été déposée le 6 juillet 2020. En tout état, une éventuelle violation du droit d’être entendu pouvait être réparée dans la présente procédure.

Mme C______ et consorts n’indiquaient pas quel balcon et quelle terrasse n’aurait pas été pris en considération. L’art. 3 al. 3 RPRNI allait de toute manière bientôt être supprimé afin de correspondre à la jurisprudence fédérale qui avait précisé que les balcons et terrasses n’étaient pas des LUS (ATF 128 II 378).

Au surplus, le département s'est référé à ses précédentes observations et s’est opposé à la demande de suspension. Il a enfin relevé que s'il avait par le passé refusé des projets analogues, il avait revu sa position ensuite de l'arrêt de la chambre constitutionnelle du 15 avril 2021 (ACST/11/2021) et au vu de l'aide à l'exécution du 23 février 2021 élaborée par la Confédération.

24.         Dans son écriture du 7 février 2023, la commune de A______ a déposé un avis d’expert de M. BE______ du 31 janvier 2023 concernant plus particulièrement la notion de stress oxydatif et le système AQ. Elle a au surplus maintenu ses arguments et persisté dans ses conclusions.

25.         Dans leurs écritures du 17 mars 2023, les intervenants ont fait leurs les considérations de la commune de A______ du 7 février 2023 et de M. BE______ du 31 janvier 2023. Ce dernier avait établi que l'installation litigieuse produirait un rayonnement dépassant largement la VLInst aux LUS nos 5, 6 et 11. L'autorisation de construire semblait ainsi comporter d'importantes lacunes. S'il était vrai qu'une expertise privée constituait une allégation d'une partie, il en allait de même s'agissant de la fiche de données spécifiques et de ses annexes auxquels il ne fallait pas accorder plus de valeur que l'expertise de M. BE______. Le SABRA n'était nullement formé ni équipé pour contrôler la validité de mesures de réception, laquelle pouvait être effectuée par l'opérateur lui-même. Ils ont également persisté dans leurs observations et conclusions du 10 novembre 2022 et ajouté des conclusions préalables, à savoir qu’il soit ordonné à AF______, au département et à la commune de A______ de produire les calculs détaillés qui leur ont permis de conclure aux intensité de champs électrique qu’ils allèguent pour les LUS nos 5, 6 et 11, que l’audition du SABRA et de M. BE______ soient ordonnées et qu’ils puissent compléter leurs observations sur la base de ces calculs et de ces auditions.

26.         Les arguments des parties seront examinés ci-après en droit dans la mesure utile.

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la LCI (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 LPA.

3.             Pour qu’un recours soit recevable, encore faut-il que son auteur ait la qualité pour recourir.

4.             Selon les art. 34 al. 1 de la loi d’application de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30) et 145 al. 2 LCI, la commune du lieu de situation peut recourir contre les décisions du département du territoire. Cette dernière dispose de cette qualité du seul fait que la construction ou l’installation projetée se trouve sur son territoire (ATA/1104/2020 du 3 novembre 2020 consid. 1 et les références citées).

5.             Dans la mesure où l’installation litigieuse se situe sur la commune de A______, cette dernière doit se voir conférer la qualité pour recourir.

6.             En matière d’installation de téléphonie mobile, ont qualité pour recourir toutes les personnes qui habitent dans un rayon en dehors duquel est produit un rayonnement assurément inférieur à 10 % de la valeur limite de l’installation. Elles ne sont pas uniquement habilitées à se plaindre d’un dépassement des émissions ou des VL de l’installation sur leur propriété mais peuvent en général également remettre en question la légalité du projet de construction (ATF 133 II 409 consid. 1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C.112/2007 du 29 août 2007 consid. 2 ; ATA/694/2012 du 16 octobre 2012 ; ATA/235/2008 du 20 mai 2008 ; Monika KOLZ, La loi fédérale sur la protection de l’environnement, jurisprudence de 2000 à 2005, DEP 2007, p. 247 ss, 321-322).

7.             En l’espèce, point n’est besoin de savoir si l’ensemble des recourants est domicilié à l’intérieur du périmètre d’opposition mentionné dans la fiche de donnée spécifique au site. C’est le cas de la majorité d’entre eux. Ils disposent dès lors de la qualité pour recourir et le recours est ainsi recevable de ce point de vue.

8.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

9.             Il y a en particulier abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu’elle viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire, l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; 123 V 150 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_107/2016 du 28 juillet 2016 consid. 9).

10.         Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

11.         Les arguments formulés par les parties à l’appui de leurs conclusions respectives ainsi que le contenu des pièces versées aux dossiers seront repris et discutés dans la mesure utile (arrêts du Tribunal fédéral 1C_72/2017 du 14 septembre 2017 consid. 4.1 ; 1D_2/2017 du 22 mars 2017 consid. 5.1 et les arrêts cités).

12.         À titre préliminaire, les intervenants sollicitent la suspension de la procédure, en application de l’art. 14 al. 1 LPA, dans l’attente d’un arrêt de principe du Tribunal fédéral.

13.         Selon l’art. 14 al. 1 LPA, lorsque le sort d’une procédure administrative dépend de la solution d’une question de nature civile, pénale ou administrative relevant de la compétence d’une autre autorité et faisant l’objet d’une procédure pendante devant ladite autorité, la suspension de la procédure administrative peut, le cas échéant, être prononcée jusqu’à droit connu sur ces questions.

14.         L’art. 14 LPA est une norme potestative et son texte clair ne prévoit pas la suspension systématique de la procédure chaque fois qu’une autorité civile, pénale ou administrative est parallèlement saisie. La suspension de la procédure ne peut pas être ordonnée chaque fois que la connaissance du jugement ou de la décision d’une autre autorité serait utile à l’autorité saisie, mais seulement lorsque cette connaissance est nécessaire parce que le sort de la procédure en dépend, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Une procédure ne saurait dès lors être suspendue sans que l’autorité saisie n’ait examiné les moyens de droit qui justifieraient une solution du litige sans attendre la fin d’une autre procédure. Il serait en effet contraire à la plus élémentaire économie de procédure et à l’interdiction du déni de justice formel fondée sur l’art. 29 al. 1 Cst. d’attendre la décision d’une autre autorité, même si celle-ci est susceptible de fournir une solution au litige, si ledit litige peut être tranché sans délai sur la base d’autres motifs (ATA/1278/2021 du 23 novembre 2021 consid. 2 et les arrêts cités).

15.         En l’occurrence, le tribunal est en mesure de statuer sur la base du dossier sans qu’il ne soit nécessaire d’attendre une éventuelle future jurisprudence du Tribunal fédéral, étant relevé que ce dernier s’est notamment prononcé positivement sur la construction d’une installation de téléphonie mobile avec trois antennes 5G adaptatives, dans un arrêt 1C_100/2021 du 14 février 2023, destiné à la publication.

Partant, la demande de suspension de la cause sera rejetée.

16.         Préalablement, les recourants et intervenants sollicitent qu’une expertise judiciaire soit ordonnée, qu’il soit ordonné à AF______ de démontrer que la puissance émettrice de l’installation litigieuse ne pourra pas être augmentée à l’avenir et qu’elle respectera les exigences de l’ORNI ainsi que les auditions de M. BE______ et du SABRA. Les intervenants quant à eux, ont sollicité qu'il soit ordonné à AF______, au département et à la commune de A______, de produire les calculs détaillés qui leur ont permis de conclure aux intensité de champs électrique allégués pour les LUS nos 5, 6 et 11.

17.         Garanti par l’art. 29 al. 2 Cst, le droit d’être entendu est une garantie constitutionnelle de caractère formel, dont la violation doit entraîner l’annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recourant sur le fond (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 et les références citées).

Il comprend notamment le droit, pour l’intéressé, de s’exprimer sur les éléments pertinents avant qu’une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d’avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 142 II 218 consid. 2.3 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités).

18.         Toutefois, le juge peut renoncer à l’administration de certaines preuves offertes, lorsque le fait dont les parties veulent rapporter l’authenticité n’est pas important pour la solution du cas, lorsque les preuves résultent déjà de constatations versées au dossier ou lorsqu’il parvient à la conclusion qu’elles ne sont pas décisives pour la solution du litige ou qu’elles ne pourraient l’amener à modifier son opinion. Ce refus d’instruire ne viole le droit d’être entendu des parties que si l’appréciation anticipée de la pertinence du moyen de preuve offert, à laquelle le juge a ainsi procédé, est entachée d’arbitraire (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_576/2021 du 1er avril 2021 consid. 3.1 ; 2C_946/2020 du 18 février 2021 consid. 3.1 ; 1C_355/2019 du 29 janvier 2020 consid. 3.1).

19.         Par ailleurs, le droit d’être entendu ne comprend pas le droit d’être entendu oralement (cf. not. art. 41 in fine LPA ; ATF 140 I 68 consid. 9.6.1 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_668/2020 du 22 janvier 2021 consid. 3.3 ; 2C_339/2020 du 5 janvier 2021 consid. 4.2.2 ; ATA/1637/2017 du 19 décembre 2017 consid. 3d), ni celui d’obtenir l’audition de témoins (ATF 130 II 425 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_725/2019 du 12 septembre 2019 consid. 4.1 ; 2C_1004/2018 du 11 juin 2019 consid. 5.2.1 ; 2C_1125/2018 du 7 janvier 2019 consid. 5.1).

20.         En l'espèce, le tribunal estime disposer d’un dossier complet lui permettant de trancher le présent litige en toute connaissance de cause. En effet, conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral, l'avis d'un ingénieur civil mandaté par la partie recourante ne constitue qu'un simple allégué de partie (ATF 142 II 355 consid. 6 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C_507/2022 du 13 juin 2022 consid. 3.2) et ne saurait à lui seul rendre insoutenable l'appréciation des preuves opérée par l'instance spécialisée. Or, dans la présente espèce, le SABRA, en tant qu'instance spécialisée, a rendu un préavis détaillé et complet, après analyse de la fiche de données spécifique au site présentée par l'intimée et après vérification de ses calculs, notamment pour le LUS n° 11, obtenant des paramètres et résultats identiques. Dans les observations du 30 septembre 2022, l'instance spécialisée a également répondu de manière exhaustive aux points soulevés par M. BE______ dans son analyse du 21 avril 2022 concernant les LUS nos 5, 6 et 11 et confirmé que les calculs effectués et analysés, respectaient l'ORNI. Dans ces circonstances, le tribunal, procédant à une appréciation anticipée des preuves, considère que tant l'audition du SABRA que celle de M. BE______, dont le préavis et l'analyse se trouvent au dossier, que l'expertise judiciaire sollicitée, ne seraient de nature à changer sa conviction. Ces arguments valent mutatis mutandis s'agissant de la production des calculs détaillés ayant permis à AF______, au département et à la commune de A______ de conclure aux intensité de champs électrique pour les LUS nos 5, 6 et 11. Quant au fait que AF______ devrait démontrer qu’elle respectera à l’avenir les exigences de l’ORNI et que la puissance émettrice de l’installation litigieuse ne pourra pas être augmentée, on voit mal comment elle pourrait apporter une telle preuve et la recourante ne s’en explique pas non plus, étant précisé que l’examen de la légalité d’une autorisation de construire se fonde sur l’objet tel qu’il est autorisé, en partant de l’idée qu’il sera construit conformément à l’autorisation et exploité pareillement. En conséquence, les demandes de mesures d'instruction, en soi non obligatoires, seront rejetées

21.         Sur le fond, le litige porte sur l’autorisation de construire une installation de communication mobile avec support d'antenne, en zone 4B protégée.

22.         Les intervenants font tout d’abord valoir un grief de nature formelle lié à la violation de leur droit d’être entendu, dont le contenu a été rappelé ci-dessus. Ils n’avaient pas été informés de façon appropriée du projet de modification litigieux, en violation de l’art. 15 RPRNI.

23.         Selon l’art. 11 RPRNI - anciennement l’art. 15 RPRNI -, les personnes vivant à proximité sont informées de manière appropriée par le détenteur ou l’exploitant de l’implantation et des modifications des installations stationnaires de téléphonie mobile (al. 1). L’information comprend, cas échéant, les résultats d’une évaluation conjointe des émissions (al. 2).

24.         L’expression « de manière appropriée » employée dans la disposition susmentionnée ne signifie pas que l’information doive être portée individuellement et personnellement à la connaissance de chaque habitant vivant dans le voisinage d’une future installation ou que des séances d’informations spécifiques doivent être organisées à l’attention des concernés.

25.         En l’espèce, tant les personnes vivant à proximité de l’immeuble concerné par le projet querellé que, plus largement, la population de la commune de A______, ont été dûment informés par la publication dans la FAO de l’ouverture de l’enquête publique laquelle a duré trente jours et par l’affichage communal de celle-ci, de l’existence du projet de l’intimée et du fait qu’ils avaient la possibilité de consulter le dossier du projet.

26.         Dans cette mesure, on ne voit pas quels intérêts des intervenants, qui, dans ce cadre, ont valablement remis leurs observations, ont été lésés et ils ne sauraient, dans le cadre du présent recours, se plaindre de la lésion d’intérêts d’autres personnes, dès lors que le recours d’un particulier formé dans l’intérêt général ou dans l’intérêt de tiers est irrecevable (ATF 133 II 468 consid. 1 ; 131 II 649 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_463/2007 du 29 février 2008 consid. 1.2 ; ATA/50/2012 du 24 janvier 2012 consid. 8 ; T. TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, ch. 1358 p. 456).

27.         Par conséquent, ce grief sera écarté.

28.         La recourante et les intervenants se plaignent ensuite d’une violation des principes de la légalité (art. 5 Cst) et de la séparation des pouvoirs. L’exécutif aurait excédé ses compétences et empiété sur les prérogatives du législateur à qui il appartenait de poser le cadre du déploiement de la 5G.

29.         La protection contre le rayonnement non ionisant est régie par la LPE. Cette loi a pour but de protéger l’homme, les animaux et les plantes, leurs communautés biotiques et leurs habitats contre les atteintes nuisibles ou incommodantes et de préserver à long terme les bases naturelles de la vie. Les impacts qui pourraient devenir nuisibles ou gênants doivent être limités à un stade précoce par mesure de précaution (art. 1 al. 2 LPE). L’émission de rayonnements est limitée par des mesures à la source (art. 11 al. 1 LPE), notamment par l’édiction de valeurs limites d’émission dans les ordonnances (art. 12 al. 1 let. a et al. 2 LPE). Pour l’évaluation des effets nocifs ou gênants, le Conseil fédéral fixe par voie d’ordonnance des VLI (art. 13 al. 1 LPE).

30.         Les ordonnance d’exécution sont par définition des ordonnances dépendantes, c’est-à-dire qu’elles ne peuvent exister sans la loi, l’arrêté ou le traité que, précisément, elles sont chargées d’exécuter. Comme elles doivent se limiter à exécuter les lois, elles doivent rester dans le cadre tracé par celles-ci. Les ordonnances d’exécution concrétisent donc les règles qui figurent dans la loi et précisent les modalités pratiques de son application (Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. 1, 2006, p. 523).

31.         En l’espèce, le Conseil fédéral s’est appuyé sur une base légale valable, soit l’art. 13 al. 1 LPE pour édicter par voie d’ordonnance des VLI applicables à l’évaluation des atteintes nuisibles ou incommodantes. Contrairement à ce qu’avancent les recourants et les intervenants, les principes de la légalité et de la séparation des pouvoirs n’ont donc pas été violés et ces griefs doivent également être écartés.

32.         La recourante et les intervenants soulèvent une violation de l’obligation de planifier.

33.         La LAT a pour but d’assurer une utilisation mesurée du sol tenant compte d’une part des besoins naturels et d’autre part des besoins de la population, en tendant tout à la fois, notamment, à protéger les bases naturelles de la vie, telles que le sol, l’air, l’eau, la forêt et le paysage, et à créer et maintenir un milieu bâti harmonieusement aménagé et favorable à l’habitat et à l’exercice des activités économiques (art. 1 al. 1 et 2 let. a et b LAT).

34.         Selon l’art. 2 al. 1 LAT, pour celles de leurs tâches dont l’accomplissement a des effets sur l’organisation du territoire, la Confédération, les cantons et les communes établissent des plans d’aménagement en veillant à les faire concorder.

35.         Le Tribunal fédéral a déjà eu l’occasion de relever qu’une antenne pour la téléphonie mobile, même lorsqu’elle n’est pas conforme à la zone, n’est en principe pas sujette à une obligation de planifier en vertu du droit fédéral, notamment de l’art. 2 LAT (ATF 142 I 26 consid. 4.2, JdT 2017 I 234 ss). En particulier, les effets qui en découlent sur l’aménagement du territoire ne sont pas si importants qu’ils imposeraient une modification de la planification (arrêts 1A.140/2003 du 18 mars 2004 consid. 3.2, in: ZBl 107/2006 p. 193 ss ; 1A.148/2002 du 12 août 2003 consid. 2.2; 1A.316/2000 du 21 septembre 2001 consid. 5a et 1A.62/2001 du 24 octobre 2001 consid. 6a ; Heinz AEMISSEGGER, Die bundesgerichtliche Recht-sprechung zu Standortgebundenheit und Standortplannung von Mobilfunkanlagen, Raum & Umwelt 2/2008 p. 10 ss ; Alexandra GERBER, Téléphonie mobile dans la jurisprudence du Tribunal fédéral: aspects de droit public, DEP 2004 p. 739 ss). Déterminer dans quelle zone les constructions d’infrastructures sont généralement admises ou ne peuvent être admises qu’exceptionnellement fait en principe partie des facultés du droit cantonal, respectivement communal, et de la planification des zones (art. 22 al. 2 let. a et 23 LAT ; ATF 141 II 245 consid. 2.1, JdT 2016 I p. 300; ATF 138 II 173 consid. 5.3, JdT 2013 I p. 299).

Selon le principe de la séparation entre les zones constructibles et non constructibles, les installations destinées à urbaniser et à desservir le territoire bâti doivent en principe être réalisées à l’intérieur des zones à bâtir et non en dehors. Dans ces zones, les infrastructures nécessaires à une zone déterminée sont conformes à celle-ci dans la mesure, s’agissant de leur emplacement et de leur configuration, où elles se trouvent dans un rapport fonctionnel direct avec le lieu où elles doivent être érigées et couvrent principalement le territoire constructible. La conformité à la zone de telles installations peut également être admise lorsqu’elles servent l’entier de la zone constructible et non seulement la partie spécifiquement en question (ATF 138 II 173 consid. 5.3, JdT 2013 I p. 299; ATF 133 II 321 consid. 4.3 et 4.3.2, JdT 2008 I p. 665). Des considérations liées à la proportionnalité et de nature technique ne permettent en effet pas d’exiger que les rayonnements des antennes de téléphonie mobile s’arrêtent à la limite de chaque zone, ce qui serait déjà impossible du point de vue de la physique (ATF 138 II 173 consid. 5.4, JdT 2013 I p. 299). Il n’est par ailleurs pas exclu qu’une antenne située en zone constructible approvisionne un périmètre important en zone non constructible (cf. ATF 141 II 245 consid. 2.2 et 2.4, JdT 2016 I p. 300).

36.         Par nature, une installation de téléphonie mobile relève de l’infrastructure, au même titre qu’un mât d’éclairage, un transformateur électrique, une conduite de transport de fluides, etc. Elle est donc admissible, s’agissant de sa destination, dans n’importe quelle zone constructible (arrêt du Tribunal fédéral 1A.280/2004 du 27 octobre 2005 consid. 3.7.1 ; ATA/24/2014 du 14 janvier 2014 consid. 8a ; ATA/117/2011 du 15 février 2011). Elle doit d’ailleurs être installée en priorité en zone constructible (ATF 138 II 173 consid. 5).

37.         Dans le cadre de leurs compétences propres en matière d’aménagement du territoire et des constructions, les communes et les cantons peuvent prendre des mesures d’aménagement et adopter des dispositions également en ce qui concerne les antennes pour la téléphonie mobile. Elles peuvent ainsi influencer leur emplacement, pour autant que les limites découlant du droit fédéral sur les télécommunications et sur la protection de l’environnement soient respectées (ATF 133 II 64 consid. 4.2, 4.3.4 et 4.3.5 ainsi que 5.3, JdT 2008 I p. 662). À ce sujet, on peut imaginer une planification négative (interdiction de principe des antennes de téléphonie mobile dans certains secteurs déterminés dignes de protection ou sur certains objets protégés), des mesures de planification positives (les antennes de téléphonie mobile sont assignées à certaines zones spécifiques, dans des emplacements particulièrement adaptés et qui permettent un approvisionnement suffisant de la part de tous les opérateurs téléphoniques). Ceci étant, le respect des valeurs limites prévues par l’ORNI pose des limites strictes à une concentration des points de transmission à l’intérieur d’un territoire d’urbanisation (cf. ch. 62 al. 1er de l’Annexe 1 ORNI selon lequel toutes les antennes qui émettent dans des conditions de proximité spatiale comptent comme une installation et doivent respecter ensemble la valeur limite de l’installation). Dans tous les cas, une base légale dans le droit communal ou cantonal est nécessaire pour de telles mesures de planification. De plus, les règles relatives aux installations de téléphonie mobile ne doivent pas être réduites à des parties distinctes et limitées du territoire communal, mais doivent en principe être élaborées sur la base d’une évaluation globale des problèmes pertinents. Des mesures de protection isolées en faveur de certains objets à protéger sont réservées (ATF 138 II 173 consid. 6.3 ; 133 II 321 consid. 4.3.4).

38.         Parmi les autres mesures de planification, on peut également envisager un modèle en cascade, qui admettrait en priorité les antennes de téléphonie mobile dans des zones destinées aux activités, là où celles-ci se prêtent au service de téléphonie mobile pour la commune, ensuite en zone mixte et enfin dans les zones destinées à l’habitation (ATF 141 II 245 consid. 2.1, JdT 2016 I p. 300, 138 II 173 consid. 6.4 à 6.6, JdT 2013 I p. 299). Il est par ailleurs admissible que de telles installations soient soumises à l’obligation de respecter les dispositions communales sur l’esthétique et l’intégration dans le paysage (ATF 141 II 245 consid. 7.1 et 7.4, JdT 2016 I p. 300).

39.         Dans tous les cas exposés ci-dessus, les réglementations en matière de construction et de planification applicables aux installations pour la téléphonie mobile ne peuvent cependant en aucune manière rendre vaine ou compliquer à l’excès la réalisation des tâches d’approvisionnement de l’opérateur de téléphonie mobile en vertu de la loi fédérale sur les télécommunications du 30 avril 1997 (LTC - RS 784.10). Celle-ci tend en effet à garantir à tous les cercles de la population, dans toutes les parties du pays, un service universel de télécommunication fiable et à prix accessible, ainsi qu’à rendre possible une concurrence efficace dans la fourniture des services de télécommunication (art. 1 al. 2 let. a et c LTC ; ATF 141 II 245 consid. 7.1, JdT 2016 I p. 300 ; 133 II 64 consid. 4.3.4 et 5.3, JdT 2008 I p. 662). L’obligation de garantir le service public de téléphonie à l’ensemble de la population et dans tout le pays est par ailleurs confirmée dans les concessions délivrées aux opérateurs (art. 92 Cst., art. 14 al. 1 et 16 al. 1 let. a LTC ; ATF 138 II 570 consid. 4.2). Les mesures de planification dont il a été question ci-dessus ne sauraient ainsi violer ces intérêts publics concrétisés dans la LTC ; elles doivent par ailleurs être adéquates sous l’angle du droit de la planification du territoire et respecter les conditions d’une limitation des droits fondamentaux des citoyens (cf. ATF 133 II 321 consid. 4.3.5, JdT 2008 I p. 665; Benjamin WITTWER, Bewilligung von Mobilfunkanlagen, 2e éd. 2008, p. 92 ss).

40.         En outre, dans la zone à bâtir, l’opérateur n’a aucune obligation fondée sur le droit fédéral d’établir un besoin et une pesée des intérêts n’entre pas en considération ; c’est à lui seul qu’il incombe de choisir l’emplacement adéquat de l’installation de téléphonie mobile (arrêt du Tribunal fédéral 1A.140/2003 du 18 mars 2004 consid. 3.1 et 3.2). Il appartient ainsi à chaque opérateur de décider du déploiement de son réseau et de choisir les sites appropriés en zone à bâtir. Le devoir de la Confédération et des cantons se limite donc à garantir la coordination et l’optimisation nécessaire des sites de téléphonie mobile et à veiller à ce que les intérêts de l’aménagement du territoire, de l’environnement, de la nature et du paysage soient dûment pris en compte dans les procédures de concession et d’autorisation (arrêt du Tribunal fédéral 1A.162/2004 du 3 mai 2005 consid. 4 ; ATA/24/2014 du 14 janvier 2014 consid. 8b).

41.         En l’espèce, l’installation litigieuse est prévue en zone constructible et est ainsi conforme à la zone. Il est en outre manifeste que ni le canton de Genève ni la commune de A______ n’ont fait usage de leur compétence pour définir des zones spécifiques d’implantations des antennes de télécommunications mobiles. On entend d’ailleurs mal comment la recourante peut se plaindre d’une absence de planification communale alors qu’elle n’en a rien fait. Par ailleurs, ce type d’installations figure dans le cadastre répertoriant l’ensemble des installations existantes ou autorisées, librement accessible sur le site du Système d’Information du Territoire à Genève et qui permet d’obtenir une vue d’ensemble. Dans ces circonstances, il n’apparait pas qu’il existe une obligation de planification dans le cas présent.

Partant, le grief sera écarté.

42.         La recourante et les intervenants allèguent ensuite une violation du principe de précaution et des art. 63 et 64 ORNI, la non-conformité du système de facteur de correction ainsi que l’absence de système AQ, respectivement de système garantissant sur le long terme le respect de la puissance émettrice. Ce faisant, ces arguments reviennent à critiquer le système global d’implantation d’une telle installation, ce qui justifie de les examiner en même temps.

43.         Le développement du réseau de téléphonie mobile 5G s’inscrit dans un climat de tension entre intérêts publics contradictoires : d’un côté, la mise à disposition de la population d’un réseau mobile performant, et de l’autre, la protection de la santé de la population contre les rayonnements non ionisants (Joel DRITTENBASS, Risk-Based Approach als Konkretisierungsvariante des umweltschutzrechtlichen Vorsorgeprinzips : Angewendet am neuen 5G-Mobilfunkstandard, DEP 2021, p. 134 ss, p. 139 s.).

44.         Selon l’art. 14 let. a LPE, les VLI doivent être fixées de telle manière que des immissions inférieures à ces valeurs ne mettent pas en danger l’homme, les animaux et les plantes, leurs communautés biotiques et leurs habitats selon l’état de la science ou l’expérience. Bien que la disposition précitée se réfère à la pollution atmosphérique, elle s’applique également en règle générale à d’autres immissions, notamment celles causées par les rayonnements non ionisants (ATF 146 II 17 consid. 6.5 ; 126 II 399 consid. 4b ; 124 II 219 consid. 7a ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_579/2017 du 18 juillet 2018 consid. 5.5 ; 1C_450/2010 du 12 avril 2011 consid. 3.3).

45.         L’ORNI, édicté pour protéger les personnes contre les rayonnements non ionisants nocifs ou gênants provenant de l’exploitation d’installations fixes (art. 1 ORNI), règle les limites d’émission ainsi que les limites d’immission pour les émetteurs de radiocommunication mobile et les raccordements d’abonnés sans fil (cf. art. 2 al. 1 let. a, et annexe 1 ch. 6, ainsi que l’annexe 2 de l’ORNI ; ATF 138 II 173 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_97/2018 du 3 septembre 2019 consid. 3.1). Pour se protéger contre les effets thermiques scientifiquement fondés du rayonnement des installations de radiocommunication mobile, l’ORNI prévoit des VLI qui doivent être respectées partout où des personnes peuvent être présentes (art. 13 al. 1 et annexe 2 ORNI ; ATF 126 II 399 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_627/2019 du 6 octobre 2020 consid. 3.1).

46.         En outre, le Conseil fédéral a fixé des VLInst pour concrétiser le principe de précaution en vertu de l’art. 11 al. 2 LPE (art. 4 al. 1 ainsi que l’annexe 1 ch. 64 ORNI). Les VLInst ne sont pas directement liées à des dangers avérés pour la santé, mais ont été fixées en fonction de la faisabilité technique et opérationnelle ainsi que de la viabilité économique afin de minimiser le risque d’effets nocifs, dont certains ne sont que soupçonnés et pas encore prévisibles (ATF 126 II 399 consid. 3b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_627/2019 du 6 octobre 2020 consid. 3.1). Avec les VLInst, le Conseil fédéral a créé une marge de sécurité par rapport aux dangers avérés pour la santé (ATF 128 II 378 consid. 6.2.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_627/2019 du 6 octobre 2020 consid. 3.1 ; 1C_576/2016 du 27 octobre 2017 consid. 3.5.1). Dans les LUS, les installations de radiocommunication mobile doivent toujours respecter la VLInst d’une installation donnée (art. 3, 4 al. 1, 6 et annexe 1 ch. 65 ORNI ; ATF 128 II 378 consid. 6.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_627/2019 du 6 octobre 2020 consid. 3.1).

47.         L’annexe 1 ch. 64 ORNI prévoit que la VLInst à respecter est de 4 V/m pour les installations qui émettent exclusivement dans la gamme de fréquence autour de 900 MHz ou dans des gammes de fréquence plus basses (let. a), 6 V/m pour les installations qui émettent exclusivement dans la gamme de fréquence autour de 1800 MHz ou dans des gammes de fréquence plus élevées (let. b) et de 5 V/m pour toutes les autres installations (let. c).

48.         Ainsi, les VLI et VLInst de l’ORNI sont principalement adaptées à la protection de l’homme (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1C_579/2017 du 18 juillet 2018 consid. 5.4 ; 1C_254/2017 du 5 janvier 2018 consid. 9.2 ; 1C_450/2010 du 12 avril 2011 consid. 3.2). La doctrine a au surplus relevé que les valeurs limites prévues dans l’ORNI était dix fois plus strictes que celles recommandées par la Commission internationale de protection contre les rayonnements non ionisants (Joel DRITTENBASS, op. cit., p. 138).

49.         Les valeurs limites spécifiées dans l’ORNI pour la protection contre les rayonnements non ionisants sont fondées sur des résultats scientifiquement étayés concernant les risques pour la santé liés aux antennes de radiotéléphonie mobile. Le Conseil fédéral ou son autorité spécialisée, l’OFEV, suit en permanence l’évolution de la science avec un groupe consultatif d’experts (BERENIS) et doit, si nécessaire, adapter les valeurs limites à l’état de la science ou de l’expérience (art. 11 al. 2 LPE ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_518/2018 du 14 avril 2020 consid. 5.1.1 ; 1C_348/2017 du 21 février 2018 consid. 4 ; 1C_118/2010 du 20 octobre 2010 consid. 4.2.3). Cela étant, vu la marge de manœuvre dont dispose le Conseil fédéral s’agissant de l’établissement des valeurs limites, seuls de solides éléments démontrant de nouvelles connaissances fondées scientifiquement justifient de les remettre en cause (arrêts du Tribunal fédéral 1C_518/2018 du 14 avril 2020 consid. 5.1.1 ; 1C_323/2017 du 15 janvier 2018 consid. 2.5). À cet égard, le Tribunal fédéral a encore récemment confirmé qu’en l’état des connaissances actuelles, il n’existait pas d’indices en vertu desquels ces valeurs limites devraient être modifiées (arrêts 1C_518/2018 du 14 avril 2020 consid. 5.1.1 ; 1C_348/2017 du 21 février 2018 consid. 4.3; 1C_323/2017 du 15 janvier 2018 consid. 2.5). La doctrine relève également que si des incertitudes scientifiques existent, le volume des études scientifiques permettant d’apprécier les effets des antennes de téléphonie mobile sur le corps humain a fortement augmenté et leurs conclusions emportent le constat qu’aucun effet du rayonnement de la téléphonie mobile sur la santé n’a pu être prouvé de manière cohérente en dessous des valeurs limites de l’ORNI (Martin RÖÖSLI, Gesundheitsgefährdungsabschätzung: Auswirkungen von nicht-ionisierender Strahlung auf den Menschen, DEP 2021, p. 117-133, p. 127 ss). Sans indice concret indiquant que ces valeurs limites devraient être modifiées, le Tribunal fédéral a jugé, à diverses reprises, que les valeurs limites fixées dans l’ORNI étaient conformes à la Constitution et à la loi (cf. arrêts 1C_375/2020 du 5 mai 2021 consid. 3.2.5 ; 1C_518/2018 du 14 avril 2020 consid. 5.1.1 ; 1C_348/2017 du 21 février 2018 consid. 4.3 ; 1C_323/ 2017 du 15 janvier 2018 consid. 2.5). Le Tribunal fédéral en a tiré qu’il existe une présomption de respect du principe de prévention si les valeurs limites prévues par l’ORNI sont respectées (arrêt 1C_518/2018 du 14 avril 2020 consid. 5.3).

50.         Par ailleurs, la Cour européenne des droits de l’homme a en particulier confirmé, sous l’angle de l’art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), que tant que la nocivité des antennes pour la population n’était pas prouvée scientifiquement, elle restait dans une large mesure spéculative, de sorte qu’on ne pouvait imposer à la Confédération l’obligation d’adopter des mesures plus amples (ACEDH, Luginbühl c. Suisse du 17 janvier 2006 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_518/2018 du 14 avril 2020 consid. 5.1.1).

51.         De surcroît, le 24 mai 2022, l’OFEV a publié un rapport fédéral relatif aux mesures d’exposition aux rayonnements non ionisants occasionnés par les antennes 5G (Mesures d’exposition aux rayonnements non ionisants, Rapport annuel 2021, Consortium de projet SwissNIS ; ci-après : le rapport annuel 2021 sur la 5G). Ce rapport décrit, d’une part, le concept de base et le mode de collecte des données et présente, d’autre part, les premiers résultats des mesures effectuées. Il en ressort que les valeurs mesurées sont nettement inférieures aux valeurs limites, déterminantes en ce qui concerne les effets sur la santé (p. 58).

52.         Dans le domaine du rayonnement non ionisant, la limitation dite préventive - qui doit être ordonnée en premier lieu, indépendamment des nuisances existantes - est reprise à l’art. 4 al. 1 ORNI. Cette limitation fait l’objet d’une réglementation détaillée à l’annexe 1 de l’ORNI (par renvoi de l’art. 4 al. 1 ORNI), laquelle fixe notamment, pour les stations émettrices pour téléphonie mobile et raccordements téléphoniques sans fils (ch. 6 annexe 1 ORNI), les VLInst mentionnées plus haut (ch. 64 annexe 1 ORNI).

53.         Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l’étendue de la limitation préventive des émissions selon l’art. 4 al. 1 ORNI est déterminée de manière exhaustive avec l’édiction des VLInst, raison pour laquelle les autorités appliquant la loi ne peuvent pas exiger une limitation supplémentaire dans des cas individuels sur la base de l’art. 12 al. 2 LPE (ATF 133 II 64 consid. 5.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 1A_251/2002 du 24 octobre 2003 consid. 4 ; 1A.10/2001 du 8 avril 2002 consid. 2.2 ; Joel DRITTENBASS, op. cit., p. 141-142).

54.         Au sens de l’art. 12 al. 2 ORNI, pour vérifier si la VLInst, au sens de l’annexe 1, n’est pas dépassée, l’autorité procède ou fait procéder à des mesures ou à des calculs, ou se base sur des données provenant de tiers. L’OFEV recommande des méthodes de mesure et de calcul appropriées.

55.         Sur cette base, l’OFEV a publié le 23 février 2021 un document intitulé « Explications concernant les antennes adaptatives et leur évaluation selon l’ordonnance sur la protection contre le rayonnement non ionisant (ORNI) » (ci-après: explications OFEV). Il y est expressément indiqué (p. 3) que l’ORNI s’applique aussi bien à la technologie de téléphonie mobile de type 2G (GSM), 3G (UMTS), 4G (LTE) ou 5G (New Radio).

56.         Également le 23 février 2021, l’OFEV a publié un complément à la recommandation d’exécution de l’ordonnance sur la protection contre le rayonnement non ionisant concernant les stations de base pour téléphonie mobile et raccordements sans fil (WLL) de 2002 (ci-après: le complément).

Avant la publication du complément, des antennes adaptatives avaient été autorisées sur la base du scénario du pire. Le complément définissait désormais comment les paramètres techniques des antennes adaptatives devaient être déclarés dans la fiche de données spécifique au site et comment leur contribution à l’intensité du champ électrique de l’installation de téléphonie mobile devait être calculée. Il indiquait en outre comment les antennes adaptatives devaient être contrôlées dans les systèmes d’assurance de la qualité utilisés par les opérateurs (complément, p. 6).

Il y était aussi précisé que conformément à l’annexe 1 ch. 63 de l’ORNI révisée, le mode d’exploitation déterminant pour les antennes adaptatives correspondait également au mode d’exploitation dans lequel un maximum de conversations et de données était transféré, l’émetteur étant au maximum de sa puissance. En raison des propriétés spécifiques des antennes adaptatives, la variabilité des directions d’émission et des diagrammes d’antenne devait également être prise en considération. Concrètement, il fallait aussi tenir compte du fait que les antennes adaptatives ne pouvaient pas émettre en même temps à la puissance d’émission maximale possible dans toutes les directions, ce qui correspondait au scénario du pire. Dans la réalité, la puissance d’émission était répartie pour les signaux qui étaient émis dans différentes directions. En outre, conformément à l’annexe 1 ch. 64 ORNI, dans un LUS, la preuve par calcul du respect de la VLInst était fournie comme auparavant au moyen de la fiche complémentaire 4a de la fiche de données spécifique au site (complément, p. 7 ss).

57.         Une nouvelle installation de radiocommunications mobiles et son exploitation ne pouvaient être approuvées que si, sur la base d’une prévision mathématique, il était assuré que les valeurs limites fixées par l’ORNI pouvaient probablement être respectées (art. 4 ss ORNI). La base de ce calcul était la fiche de données spécifique au site que devait remettre le propriétaire de l’installation projetée (art. 11 al. 1 ORNI). Celle-ci devait contenir les données techniques et opérationnelles actuelles et prévues de l’installation, dans la mesure où celles-ci étaient déterminantes pour l’émission de rayonnements (art. 11 al. 2 let. a ORNI). Cela incluait notamment la puissance ERP (art. 3 al. 9 ORNI), y compris la direction du faisceau principal des antennes, et si l’antenne fonctionnait en mode adaptatif ou non. Les données correspondantes servaient de bases pour le permis de construire et étaient contraignantes pour l’opérateur ; toute augmentation de l’ERP au-delà de la valeur maximale autorisée et toute direction de transmission au-delà du domaine angulaire autorisé était considérée comme un changement de l’installation, ayant pour conséquence qu’une nouvelle fiche de données spécifique au site devait être présentée (annexe 1 ch. 62 al. 5 let. d et e ORNI ; ATF 128 II 378 [arrêt 1A.264/2000 du 24 septembre 2002] consid. 8.1, non publié). La fiche de données du site devait également contenir des informations sur le lieu accessible où ce rayonnement était le plus fort, sur les trois LUS où ce rayonnement était le plus fort, et sur tous les LUS où la valeur limite de l’installation au sens de l’annexe 1 était dépassée (art. 11 al. 2 let. c ORNI).

58.         Il était vrai que la prévision calculée qui devait être faite sur la base de ces informations était sujette à certaines incertitudes, car elle prenait en compte les principaux facteurs d’influence mais ne tenait pas compte de toutes les subtilités de la propagation du rayonnement. Cependant, le Tribunal fédéral avait précisé que dans ce calcul, l’incertitude de mesure ne devait être ni ajoutée ni déduite. Seuls les valeurs mesurées devaient être prises en compte (arrêts du Tribunal fédéral 1C_653/2013 du 12 août 2014 consid. 3.4; 1C_132/2007 du 30 janvier 2008 consid. 4.4-4.6 in RDAF 2009 I 536). En effet, c’était pour prendre en compte cette incertitude que des mesures de réception devaient être effectuées après la mise en service de l’installation si, selon la prévision calculée, 80 % de la valeur limite de l’installation était atteinte à un LUS (complément recommandation OFEV, ch. 2.1.8 ; Benjamin WITTWER, Bewilligung von Mobilfunkanlagen, 2e éd., 2008, p. 61 s. ; arrêt du Tribunal fédéral 1A.148/2002 du 12 août 2003 consid. 4.3.1 s.). Si, sur la base de ces mesures, il s’avérait que la VLInst était dépassée lors du fonctionnement, la puissance d’émission maximale admissible devait être redéfinie et le respect des valeurs prescrites devait être démontré par des mesures supplémentaires (arrêt du tribunal fédéral 1C_681/2017 du 1er décembre 2019 consid. 4.5). De surcroît, le risque d’un pronostic erroné était supporté par le maître d’ouvrage dans la mesure où il pouvait encore être amené à prendre des mesures pour assurer le respect des valeurs limites ultérieurement, c’est-à-dire après la mise en service de l’installation (ATF 130 II 32 consid. 2.4).

59.         De surcroît, il sied d’ajouter qu’au printemps 2005, le Tribunal fédéral avait estimé qu’il fallait mieux contrôler l’exploitation des antennes de téléphonie mobile, afin de garantir en particulier que les puissances émettrices et les directions d’émission autorisées soient respectées. Sur cette base, l’OFEV a mis en place un système d’assurance qualité prévoyant que pour chaque antenne, les valeurs correspondant à la direction et à la puissance émettrice maximale sont enregistrées dans une banque de données et comparées quotidiennement aux valeurs autorisées. Ce système est examiné périodiquement et certifié par un organe indépendant. AF______ a mis en place un tel système de sécurité, dont les nouveaux paramètres relatifs aux antennes adaptatives ont été validé par l’OFCOM le 23 juin 2021.

60.         Le Tribunal fédéral a reconnu le système d’assurance qualité comme un instrument de contrôle performant et n’a pas considéré nécessaire de recourir à un contrôle par des mesures de construction (arrêt 1C_282/2008 du 7 avril 2009 consid. 3.5).

61.         Les valeurs limites sont fixées par le Conseil fédéral conformément aux critères de l’art. 11 al. 2 LPE que sont l’état de la technique, les conditions d’exploitation ainsi que le caractère économiquement supportable, sans référence directe aux dangers pour la santé prouvés ou supposés, avec toutefois la prise en compte d’une marge de sécurité (arrêt 1A.134/2003 du 5 avril 2004 consid. 3.2, in DEP 2004 p. 228).

62.         Dans sa jurisprudence récente, le Tribunal fédéral a nié une violation du principe de précaution au sens du droit de l’environnement, relevant que les prévisions du rayonnement établies de manière arithmétique n’étaient pas critiquables et que tant la méthode de mesure recommandée par la Confédération que le système d’assurance de la qualité s’avéraient appropriés (arrêts 1C_100/2021 du 14 février 2023 ; 1C_153/2022 du 11 avril 2023).

63.         En l’espèce, d’après la fiche de données spécifique au site du 14 septembre 2021, la VLInst à respecter est celle prévue à l’art. 3 al. 3 let. c ORNI, soit 5 V/m. S’agissant du rayonnement dans les LUS les plus chargés, elles présentent toutes une intensité de champ électrique inférieure à cette VLInst fixée à 5.0 V/m. Sur la base des considérations de M. BE______ du 21 avril 2022, les recourants contestent les calculs des LUS nos 5, 6 et 11. Celui-ci parvient à un résultat de 5,29 V/m pour le LUS n°5 au lieu de 4,77 V/m prévu par AF______, de 5,28 V/m voire 5,49 V/m pour le LUS n° 6 et de 5,33 voire 5,55 V/m pour le LUS n° 11 au lieu de 4,99 V/m. Or, ces mesures ont été vérifiées par le SABRA, autorité spécialisée compétente, sans que celui-ci n’ait mis en doute leur véracité, notamment s'agissant du LUS n°6, M. BE______ n'ayant pas introduit l'amortissement du bâtiment dans son calcul alors qu'il aurait dû. Quant au LUS n°11, soit l'église évangélique de A______, il ne s'agit en réalité pas d'un LUS au sens de l'art. 3 al. 3 ORNI et n'aurait dès lors, pas dû être évalué. En tout état, le SABRA, dont les compétences spécifiques sont incontestables, est parvenu aux mêmes résultats que l'opérateur, avec les mêmes paramètres, de sorte qu'il n'y pas lieu de remettre en cause les calculs effectués par ce dernier qu'il a analysés. Ceux-ci sont conformes à l'ORNI.

Globalement, la procédure suivie par le département n’est pas critiquable. Le permis de construire garantit le respect des valeurs limites pertinentes, notamment par le biais des conditions associées comprises dans le préavis du SABRA, soit des mesurages par l’exploitant de l’installation lors de la réception et l’intégration des antennes de l’installation dans son système AQ afin de permettre de surveiller les données d’exploitation. C’est précisément le mécanisme de contrôle rétrospectif qui garantit que les calculs effectués à l’avance pourront être corrigés si nécessaire et au cas où la réalité ultérieure ne correspondrait pas aux hypothèses prévues. Il sied à cet égard de préciser que la jurisprudence du Tribunal fédéral est claire. La limitation préventive des émissions prévues par l’ORNI est déterminée de manière exhaustive avec l’édiction des VLInst, sans que le département ne puisse exiger une limitation supplémentaire dans un cas individuel.

Ainsi, en octroyant l’autorisation de construire sur la base de la prévision que l’installation respecterait les VLInst, moyennant les réserves émises dans le préavis du SABRA, la décision du département est conforme au droit fédéral.

Par ailleurs, concernant les inquiétudes de la recourante au sujet des effets des antennes 5G sur le corps humain, plus spécifiquement sur les usagers de l'hôpital AJ______ et les enfants scolarisés à l'école primaire AK______, elle entend en substance démontrer que les ondes électromagnétiques induites par les antennes téléphoniques litigieuses présentent un risque pour la santé. Or, il est constant que le corps humain est sensible aux champs électromagnétiques, la question étant de savoir quelle intensité d’exposition peut être jugée acceptable, notamment pour les enfants. Par conséquent, les généralités sur les effets des champs électromagnétiques induits par les antennes de téléphonie mobile - aussi pertinentes soient-elles - n’apportent rien au débat sur la valeur probante - même relative - des nombreuses études scientifiques menées jusqu’ici et ne délégitiment pas les valeurs limites fixées par l’ordonnance, ce d’autant plus que les valeurs mesurées sont inférieures aux valeurs limites, déterminantes en ce qui concerne les effets sur la santé.

64.         Partant, les VLInst sont respectées dans la présente espèce et dès lors le principe de précaution n’a pas été violé. Les griefs sont ainsi rejetés.

65.         La recourante et les intervenants arguent que le projet ne serait pas conforme à l’art. 14 LCI.

66.         En vertu de l’art. 14 al. 1 LCI, le département peut refuser une autorisation lorsqu’une construction ou une installation peut être la cause d’inconvénients graves pour les usagers, le voisinage ou le public (let. a), ne remplit pas les conditions de sécurité et de salubrité qu’exige son exploitation ou son utilisation (let. b), ne remplit pas des conditions de sécurité et de salubrité suffisantes à l’égard des voisins ou du public (let. c) ou offre des dangers particuliers (let. d).

67.         Dans la mesure où la LPE et l’ORNI sont, comme en l’espèce, respectés, un projet ne peut être source d’inconvénients graves pour le voisinage au sens de l’art. 14 LCI (ATA/404/2016 du 10 mai 2016 consid. 10 ; ATA/609/2004 du 5 août 2004 consid. 4c).

Partant, ce grief sera également écarté.

68.         Dans un ultime grief, les intervenants soulèvent que l’art. 3 al. 2 RPRNI aurait été violé car les balcons et les terrasses étaient des LUS et n’avaient pas été pris en considération.

69.         En vertu de l’art. 3 al. 3 ORNI, par LUS, on entend les locaux situés à l’intérieur d’un bâtiment dans lesquels des personnes séjournent régulièrement durant une période prolongée (let. a), les places de jeux publiques ou privées, définies dans un plan d’aménagement (let. b) et les parties de terrains non bâtis sur lesquelles des activités au sens des let. a et b sont permises (let. c).

70.         Les balcons et toits en terrasse ne sont pas des LUS au sens de l’art. 3 al. 3 ORNI, pour lesquels les valeurs limites de l’installation ne doivent pas être dépassées (ATF 128 II 378 consid. 6).

Partant, c’est à bon droit que les balcons et les terrasses ne sont pas précisément mentionnés dans la fiche de données spécifiques et n’ont pas été considérées comme des LUS.

71.         Entièrement mal fondé, le recours est rejeté.

72.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante et les intervenants, pris conjointement et solidairement, qui succombent, sont condamnés au paiement d’un émolument s’élevant à CHF 1'800.- ; il est partiellement couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

73.         N’ayant pas fait appel à un mandataire externe, aucune indemnité de procédure ne sera allouée à AF______ ni à AG______ (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 13 avril 2022 par la commune de A______ contre la décision du département du territoire du 21 mars 2022 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 900.-, lequel est couvert par son avance de frais ;

4.             met à la charge des intervenants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 900.- ;

5.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure à AF______SA ni à AG______ ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l’objet d’un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L’acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d’irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Gwénaëlle GATTONI, présidente, Julien PACOT et Isabelle KOECHLIN-NIKLAUS, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

Genève, le

 

Le greffier