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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/4378/2022

JTAPI/930/2023 du 30.08.2023 ( LCI ) , ADMIS

Descripteurs : PERMIS DE CONSTRUIRE;PRINCIPE DE LA BONNE FOI;TOLÉRANCE(EN GÉNÉRAL);PESÉE DES INTÉRÊTS
Normes : LCI.129; LCI.130; LAT.22; LAT.24c
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4378/2022 LCI

JTAPI/930/2023

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 30 août 2023

 

dans la cause

 

A______ SA, représentée par Me Guillaume FRANCIOLI, avocat, avec élection de domicile

 

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

 


EN FAIT

1.             A______ SA est propriétaire de la parcelle n°1______ de la commune de B______ depuis le 1er avril 2020, sise en zone agricole.

Selon le Registre foncier, y sont érigés un bâtiment n° 2______ d’une surface de 213 m2 enregistré comme « habitation à deux logements », un bâtiment n°3______ de moins de 17 m2 (souterrain) enregistré comme « bâtiment plus petit que 20 m2 », un bâtiment n°4______ de 32 m2 enregistré comme « bâtiment plus grand que 20 m2 non classé ailleurs », un bâtiment n°5______ de 39 m2 enregistré comme « bâtiment plus grand que 20 m2 non classé ailleurs » et un bâtiment n°6______ de 21 m2 enregistré comme « serre ».

2.             Le 7 juillet 1981, le département des travaux publics (devenu le département du territoire - ci-après : DT ou le département) a délivré une autorisation de transformer le bâtiment n°2______ et créer une remise et un couvert à voitures sur la parcelle (DD 7______).

Sur les plans produits et l’extrait du plan cadastral apparaissaient les bâtiments n°s 2______ et 5______.

3.             En date du 29 septembre 2021, le DT a délivré à A______ SA une autorisation de construire DD 8______ portant sur la transformation d’une maison – abattage d’arbres sur la parcelle n° 1______.

La transformation concernait le bâtiment n° 2______. Sur les plans produits avec la requête figuraient une piscine de 118 m2, les bâtiments n°s 5______ et 6______ intitulés « remise jardin et serre 60 m2 » et le bâtiment n° 2______. Le bâtiment n°4______ était indiqué à démolir.

4.             Il ressort du dossier d’autorisation que les préavis suivants ont notamment été obtenus :

-          commission d’architecture : préavis favorable du 11 mai 2021 sous conditions ;

-          office de l’urbanisme : préavis favorable du 19 mai 2021 avec dérogations et souhaits ;

-          office cantonal de l’agriculture et de la nature (ci-après : OCAN) : préavis favorable du 7 juin 2021 avec dérogation et conditions. Il précisait notamment « Nous laissons toutefois le soin aux autorités compétentes (OU ou OAC) d’apprécier les conditions d’application et le respect des seuils fixés aux articles 41 et 42 de l’OAT, notamment la légalité des aménagements d’origine ».

Le dossier contient également un jeu de plans.

5.             Le 6 décembre 2021, le département a délivré à A______ SA une autorisation de démolir un garage - soit le bâtiment n°4______ - et un dépôt sur la même parcelle (M 9______). Tous les préavis sollicités étaient favorables.

Avait notamment été joint à la requête un extrait du plan de base relatif à la parcelle de la direction de la mensuration officielle sur lequel figuraient les bâtiments n°s 2______, 4______ (à démolir), 5______ et 6______, ainsi que la piscine à démolir.

6.             Dans le cadre des travaux réalisés, il s’est avéré que l’état statique du bâtiment était plus critique que prévu de sorte que des mesures de renforcement ont été prises. Cependant, la cheminée, un mur de façade et deux piliers de façade se sont effondrés.

7.             Un inspecteur de l’office des autorisations de construire du département a effectué un contrôle sur place le 24 juin 2022.

8.             Par courrier du 15 juin 2022, référencé I-10______ - travaux non conformes à l’autorisation DD 8______, le département a informé A______ SA que lors du contrôle du 24 juin 2022 il avait été constaté qu’un ou plusieurs éléments auraient été réalisés sans autorisation. Un délai de dix jours lui était octroyé pour présenter ses observations.

9.             Une rencontre entre le département, A______ SA et les architectes du projet s’est tenue le 6 août 2022.

10.         Par courrier du 30 septembre 2022, A______ SA, sous la plume de son conseil, a résumé le contenu de la séance.

Il en ressortait notamment que suite aux problèmes de statique rencontrés et à l’effondrement de la cheminée, d’un mur et de deux piliers, le chantier avait été arrêté et une demande d’autorisation de construire complémentaire allait être déposée prochainement.

Le sort des bâtiments n°s 5______ et 6______ avait également été abordé. Selon les photographies retrouvées, il apparaissait que ces bâtiments existaient déjà en 1954. A cette époque, la parcelle se trouvait en 5è zone B. Selon la loi sur les constructions et les installations diverses en vigueur à cette époque, soit celle du 27 avril 1940 (ci-après : la LCI de 1940), ces deux constructions étaient conformes à l’affectation de la zone et étaient matériellement conformes au droit applicable : on ne pouvait, même si l’absence d’autorisation de construire formelle était avérée, en exiger la démolition, mais tout au plus prononcer une amende. Ces bâtiments étaient autorisables à l’époque et avaient à tout le moins été ratifiés par l’autorité compétente par la suite, étant de plus souligné qu’ils apparaissaient dans les plans des aménagements extérieurs validés par le département dans le cadre de la DD 8______.

Elle sollicitait dès lors le maintien de ces deux bâtiments.

11.         Par décision du 11 novembre 2022 (I-10______), le département a ordonné à A______ SA de requérir d’ici au 16 décembre 2022 une autorisation de construire complémentaire relative à la reconstruction du bâtiment n° 2______.

Concernant les bâtiments n°s 5______ et 6______, il confirmait qu’ils étaient également soumis à l’obtention d’une autorisation de construire. Cependant, compte tenu de la situation de la parcelle hors zone à bâtir, le dépôt d’une requête en autorisation de construire serait superfétatoire et, dès lors, ces bâtiments ne pouvaient être maintenus en l’état. Il lui ordonnait donc de rétablir une situation conforme au droit d’ici au 23 décembre 2022 en procédant à la démolition et à l’évacuation des deux bâtiments ainsi qu’à la remise en état du terrain naturel. Un reportage photographique devait également être transmis dans le même délai.

Il avait pris note des explications données lors de la séance du 24 août 2022 et dans la correspondance du 30 août 2022. Un délai de dix jours lui était octroyé pour transmettre tout complément d’explication et/ou observations.

12.         Par courrier du 18 novembre 2022, A______ SA a informé le département qu’une requête en autorisation de construire complémentaire avait été déposée le 22 novembre 2022.

Concernant les bâtiments n°s 5______ et 6______, elle était surprise de la teneur du courrier du 11 novembre 2022 et de l’ordre de démolition qu’elle contenait. Elle persistait dans le maintien de ces bâtiments.

13.         Le département a répondu le 2 décembre 2022, maintenant les termes contenus dans sa décision du 21 mars 2022 [recte 11 novembre 2022] concernant les bâtiments n°s 5______ et 6______. Cette décision n’étant pas encore entrée en force, il lui laissait le soin de la contester par la voie de recours ordinaire.

14.         Par acte du 14 décembre 2022, A______ SA (ci-après : la recourante), sous la plume de son conseil, a recouru contre la décision du 11 novembre 2022 auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant à son annulation partielle en tant qu’elle ordonnait la démolition et l’évacuation des bâtiments n°s 5______ et 6______ ainsi que la remise en état du terrain naturel et, cela fait, à la confirmation du maintien des bâtiments n°s 5______ et 6______, subsidiairement au renvoi de la cause au département pour nouvelle décision au sens des considérants, sous suite de frais et dépens. Elle a produit un chargé de pièces.

Son droit d’être entendu avait été violé du fait que la décision contestée manquait de motivation et ne lui permettait pas de se déterminer sur les griefs sur lesquels le département s’était fondé pour ordonner la démolition des deux bâtiments.

La parcelle se trouvant en zone agricole et dans la mesure où les constructions en cause n’étaient pas destinées à une exploitation agricole ou horticole, seule une autorisation dérogatoire entrait en ligne de compte. Ces bâtiments avaient été érigés avant le 1er juillet 1972 et étaient devenus, suite à la séparation des parties constructibles et non constructibles du territoire, non-conformes à la zone actuelle.

Au vu des dispositions légales applicables à l’époque, les bâtiments étaient, à tout le moins en 1954, conformes aux affectations autorisées en 5è zone ; ils respectaient également les prescriptions détaillées en matière de police des constructions applicable à cette zone. Ils étaient matériellement conformes au droit applicable, de sorte que l’autorité compétente n’aurait pas, en tous les cas et même si l’absence d’autorisation de construire formelle était avérée, pu exiger leur démolition, mais tout au plus prononcer une amende à l’encontre du propriétaire de l’époque, qui plus est que l’exploitation agricole des terrains environnants n’était aucunement menacée par la présence des bâtiments litigieux.

Cette décision violait également les principes de proportionnalité et de la protection de la bonne foi. Si, certes, la démolition était une mesure apte à atteindre le but d’intérêt public visé par la loi, soit la protection du territoire non-bâti en zone agricole, elle n’était définitivement pas nécessaire à atteindre ce but étant donné que les bâtiments étaient situés sur la parcelle depuis, à tout le moins près de 70 ans. Ces bâtiments n’avaient jamais causé le moindre trouble à la parcelle et aux parcelles agricoles environnantes et ne risquaient pas d’en causer à l’avenir. Leur existence avait par ailleurs déjà été portée à la connaissance de l’autorité dans le cadre de la DD 7______ de 1983 et la DD 8______ sans soulever le moindre questionnement de sa part et leur démolition n’avait jamais été demandée, alors que celle de la piscine et du hangar l’avaient été expressément : leur maintien avait de fait été autorisé par le département. Ce dernier apparaissait par ailleurs justifié en regard de la protection de la vie privée des habitants et utilisateurs de la parcelle, lesquels utilisaient ces deux bâtiments depuis leur construction comme abri de jardin et serre.

15.         Le département a répondu le 6 mars 2023, concluant au rejet du recours. Il a produit son dossier.

Aucune violation du droit d’être entendu de la recourante ne pouvait être retenu. Dans son acte de recours, elle savait pertinemment sur quels éléments l’ordre de remise en état portait et il ressortait clairement de la décision litigieuse que les bâtiments n°s 5______ et 6______ étaient soumis à autorisation de construire, qu’ils avaient été érigés illégalement et que leur présence hors de la zone à bâtir rendait leur maintien impossible.

La recourante ne démontrait pas que les constructions litigeuses auraient été autorisées. Or, les constructions existantes non conformes au droit parce qu’ayant été érigées ou transformées sans autorisation ne tombaient pas sous le coup de l’art. 24c de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700). Il n’était par ailleurs pas possible d’établir que ces constructions respectaient le droit matériel en vigueur de l’époque puisque l’autorité de l’époque n’avait pas procédé à un examen concret et détaillé du respect des prescriptions légales en vigueur alors. Enfin, la parcelle était réservée depuis l’entrée en vigueur de l’art. 13 al. 11bis de la LCI de 1940 en 1953, aux habitations et exploitations rurales ainsi qu’aux grands domaines de plaisance : la teneur de l’art. 13 de la LCI de 1940 ne trouvait pas application aux constructions litigeuses érigées au plus tôt en 1954.

L’ordre ne violait pas le principe de proportionnalité. C’était à juste titre qu’au vu des intérêts prépondérants régissant la zone agricole, les constructions non autorisées devaient être démolies. Par ailleurs, la recourante ne démontrait pas quel serait concrètement le dommage que lui causerait la démolition des deux bâtiments.

Enfin, la DD 7______ portait sur la transformation intérieure du bâtiment principal, la remise et l’abri de voitures ; elle n’avait aucun lien avec les constructions litigeuses dont il convenait de relever que le bâtiment n° 6______ ne figurait même pas sur le plan cadastral. Il en allait de même de la DD 8______ qui portait sur la transformation intérieure du bâtiment n° 2______ et l’abattage de quelques arbres : la licéité des bâtiments n°s 5______ et 6______ n’avait nullement été analysée dans le cadre de la requête. Enfin, le département n’avait pas demandé la démolition du hangar et de la piscine : leur démolition avait été analysée du fait qu’elle avait été requise dans le cadre de la DD 8______. Aucune assurance n’avait ainsi été donnée à la recourante et aucune violation du principe de la bonne foi ne pouvait être retenue.

16.         La recourante a répliqué le 29 mars 2023, persistant intégralement dans ses conclusions.

Selon les échanges avec le département dans le cadre de l’instruction de la DD 8______, l’office de l’urbanisme avait été prêt à préaviser favorablement le projet pour autant que la piscine soit démantelée et le sol remis en état, et que le parking soit réduit : il n’avait jamais été question de toucher aux bâtiments n°s 5______ et 6______ et elle n’avait pas voulu initialement la démolition de la piscine. Elle ne pouvait donc aucunement se douter que les bâtiments n°s 5______ et 6______ allaient se voir opposer un ordre de démolition et d’évacuation de la part du département. Elle devait ainsi être protégée dans sa bonne foi.

Elle ne voyait par ailleurs pas quel intérêt public justifierait la démolition requise ; le département s’était du reste abstenu, dans le cadre de sa décision du 11 novembre 2022 de motiver cet intérêt et d’indiquer pour quelle raison une mesure moins incisive ne pouvait être adoptée.

Enfin, le Conseil national et le Conseil des Etats avaient récemment adopté une motion visant à introduire un délai de perception de trente ans pour les bâtiments construits illégalement hors de la zone à bâtir.

17.         Le département a dupliqué le 21 avril 2023, maintenant ses conclusions.

18.         A la demande du tribunal, le département a produit les dossiers d’autorisation DD 7______, DD 8______ et M 9______.

19.         Le détail des pièces produites, notamment des plans, sera repris dans la partie « En droit » dans la mesure utile.

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l'espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_107/2016 du 28 juillet 2016 consid. 9).

4.             Les arguments formulés par les parties à l'appui de leurs conclusions respectives seront repris et discutés dans la mesure utile (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1C_72/2017 du 14 septembre 2017 consid. 4.1 ; 1D_2/2017 du 22 mars 2017 consid. 5.1), étant rappelé que, saisi d'un recours, le tribunal applique le droit d'office et que s'il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, il n'est pas lié par les motifs qu'elles invoquent (art. 69 al. 1 LPA ; ATF 140 III 86 consid. 2 ; ATA/1024/2020 du 13 octobre 2020 consid. 1).

5.             Selon la maxime inquisitoire, qui prévaut en particulier en droit public, l'autorité définit les faits pertinents et ne tient pour existants que ceux qui sont dûment prouvés. Elle ne dispense pas pour autant les parties de collaborer à l'établissement des faits ; il incombe à celles-ci d'étayer leurs propres thèses, de renseigner le juge sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuves disponibles, spécialement lorsqu'il s'agit d'élucider des faits qu'elles sont le mieux à même de connaître (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_728/2020 du 25 février 2021 consid. 4.1 ; 2C_1156/2018 du 12 juillet 2019 consid. 3.3).

6.             Lorsque les preuves font défaut ou s'il ne peut être raisonnablement exigé de l'autorité qu'elle les recueille pour les faits constitutifs d'un droit, le fardeau de la preuve incombe à celui qui entend se prévaloir de ce droit (cf. ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_27/2018 du 10 septembre 2018 consid. 2.2 ; 1C_170/2011 du 18 août 2011 consid. 3.2 et les références citées ; ATA/99/2020 du 28 janvier 2020 consid. 5b). Il appartient ainsi à l'administré d'établir les faits qui sont de nature à lui procurer un avantage et à l'administration de démontrer l'existence de ceux qui imposent une obligation en sa faveur (ATA/978/2019 du 4 juin 2019 consid. 4a ; ATA/1155/2018 du 30 octobre 2018 consid. 3b et les références citées).

7.             La recourante invoque un défaut de motivation de la décision querellée.

8.             Garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu est une garantie constitutionnelle de caractère formel, dont la violation doit entraîner l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recourant sur le fond (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 et les références).

Il implique notamment, pour l'autorité, l'obligation de motiver sa décision. Selon une jurisprudence constante, l'obligation de motiver n'impose pas à cette dernière d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_298/2017 du 30 avril 2018 consid. 2.1). Il suffit, au regard de ce droit, qu'elle mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que les intéressés puissent se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 142 II 154 consid. 4.2 ; 139 IV 179 consid. 2.2 ; 138 I 232 consid. 5.1). La portée de l'obligation de motiver dépend des circonstances concrètes, telles que la nature de la procédure, la complexité des questions de fait ou de droit, ainsi que la gravité de l'atteinte portée à la situation juridique des parties. Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté, même si la motivation présentée est erronée. En outre, la motivation peut être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 IV consid. 3.2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_415/2019 du 27 mars 2020 consid. 2.1 et les arrêts cités ; 1C_298/2017 du 30 avril 2018 consid. 2.1). En revanche, une autorité se rend coupable d'un déni de justice formel si elle omet de se prononcer sur des griefs qui présentent une certaine pertinence ou de prendre en considération des allégués et arguments importants pour la décision à rendre (ATF 142 II 154 consid. 4.2 ; 139 IV 179 consid. 2.2 ; 138 I 232 consid. 5.1 ; 137 II 266 consid. 3.2 ; 136 I 229 consid. 5.2 ; cf. aussi ATA/967/2016 du 15 novembre 2016 consid. 2b). L'autorité peut donc passer sous silence ce qui, sans arbitraire, lui paraît à l'évidence non établi ou sans pertinence et il n'y a violation du droit d'être entendu que si elle ne satisfait pas à son devoir minimum d'examiner les problèmes pertinents (cf. ATF 135 III 670 consid. 3.3.1 ; 133 III 235 consid. 5.2 ; 129 I 232 consid. 3.2 ; 126 I 97 consid. 2b et les références citées ; cf. également ATF 136 I 229 consid. 5.2 ; 134 I 83 consid. 4.1).

9.             La réparation d'un vice de procédure en instance de recours et, notamment, du droit d'être entendu, n'est possible que lorsque l'autorité dispose du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure (ATF 145 I 167 consid. 4.4 ; 142 II 218 consid. 2.8.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_240/2017 du 11 décembre 2018 consid. 3.2 ; 1B_556/2017 du 5 juin 2018 consid. 2.1). Elle dépend toutefois de la gravité et de l'étendue de l'atteinte portée au droit d'être entendu et doit rester l'exception. Elle peut cependant se justifier en présence d'un vice grave lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_556/2017 du 5 juin 2018 consid. 2.1) En outre, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de cette violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu'elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/802/2020 du 25 août 2020 consid. 4c et les références cités).

10.         En l'espèce, suite à la constatation, par un inspecteur du département lors du contrôle de la parcelle le 24 juin 2022 qu’un ou plusieurs éléments soumis à la LCI avaient été réalisés sans autorisation, l'autorité intimée a adressé à la recourante un courrier daté du 15 juillet 2022 lui octroyant un délai de dix jours pour faire part de son point de vue et de ses explications quant à cette situation. La recourante y a répondu le 30 septembre 2022, faisant notamment référence à une séance qui s’était déroulée le 26 août 2022 concernant la procédure d’infraction I-10______ et lors de laquelle la situation des deux bâtiments litigieux avait été évoquée.

La décision querellée a été adressée à la recourante le 11 novembre 2022, laquelle concerne tant le bâtiment n°2______ que les deux bâtiments litigieux. S'agissant de sa motivation relativement aux deux bâtiments, elle mentionne les dispositions légales applicables, le motif fondant le prononcé de l'ordre de démolir et de remise en état de ceux-ci, à savoir leur soumission à l’obtention d’une autorisation de construire, autorisation qu’il serait superfétatoire de solliciter dès lors que les bâtiments ne pouvaient être maintenus. La décision se réfère par ailleurs expressément à la séance du 26 août 2022 et aux explications et observations de la recourante du mois du 30 septembre 2022. Au demeurant, la recourante a eu l'occasion de prendre connaissance des arguments développés par l'autorité intimée dans la réponse au recours et d'y répliquer, de sorte qu'une éventuelle violation de son droit d'être entendu aurait amplement été réparée dans le cadre de la présente procédure.

Le grief selon lequel la décision querellée était insuffisamment motivée doit dès lors également être rejeté.

11.         La recourante ne conteste que l’ordre de démolir les bâtiments n°s 5______ et 6______. Elle estime que ces démolitions violeraient l’art. 24 c LAT ainsi que les principes de la proportionnalité et de la bonne foi.

12.         Selon l'art. 22 al. 1 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700), aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l'autorité compétente.

L'autorisation est délivrée si la construction ou l'installation est conforme à l'affectation de la zone (art. 22 al. 2 let. a LAT) et si le terrain est équipé (art. 22 al. 2 let. b LAT).

Le droit fédéral et le droit cantonal peuvent poser d'autres conditions (art. 22 al. 3 LAT).

13.         L'art. 1 al. 1 LCI prévoit que sur tout le territoire du canton nul ne peut, sans y avoir été autorisé, élever en tout ou partie une construction ou une installation, notamment un bâtiment locatif, industriel ou agricole, une villa, un garage, un hangar, un poulailler, un mur, une clôture ou un portail (let. a); modifier même partiellement le volume, l'architecture, la couleur, l'implantation, la distribution ou la destination d'une construction ou d'une installation (let. b) ; modifier la configuration du terrain (let. d) ; aménager des voies de circulation, des places de parcage ou une issue sur la voir publique (let. e).

Aucun travail ne doit être entrepris avant que l'autorisation n'ait été délivrée (art. 1 al. 7 1ère phrase LCI).

14.         Aux termes de l'art. 24c al. 1 LAT, hors de la zone à bâtir, les constructions et installations qui peuvent être utilisées conformément à leur destination mais qui ne sont plus conformes à l'affectation de la zone bénéficient en principe de la garantie de la situation acquise.

15.         Le champ d'application de l'art. 24c LAT est restreint aux constructions et installations qui ont été érigées ou transformées conformément au droit matériel en vigueur à l'époque, mais qui sont devenues contraires à l'affectation de la zone à la suite d'une modification de la législation ou des plans d'aménagement. La date déterminante est en principe celle du 1er juillet 1972, date de l'entrée en vigueur de la loi fédérale du 8 octobre 1971 sur la protection des eaux contre la pollution, qui a introduit le principe de la séparation du territoire bâti et non bâti (ATF 129 II 396 consid. 4.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 1C_491/2020 du 10 mai 2021 consid. 2.1 et les références citées). L’art. 41 al. 1 de l’ordonnance sur l’aménagement du territoire du 28 juin 2000 (OAT - RS 700.1) précise qu’il s’agit de constructions et installations « érigées ou transformées légalement avant l’attribution du bien-fonds à un territoire non constructible au sens du droit fédéral ». Les possibilités offertes par l'art. 24c LAT ne peuvent être utilisées qu'une seule fois (arrêt du Tribunal fédéral 1C_347/2014 du 16 janvier 2015 consid. 3.5). La garantie de la situation acquise de l'art. 24c LAT profite ainsi aux constructions érigées ou transformées de manière conforme au droit matériel alors en vigueur et elle ne saurait s'appliquer aux constructions et installations transformées ou érigées illégalement, même si le rétablissement de l'état conforme au droit n'a pas pu être effectué pour des raisons de proportionnalité, de prescription ou de péremption (Bernhard WALDMANN/Peter HÄNNI; Raumplanungsgesetz, 2006, n. 4 ad art. 24c LAT; Piermarco ZEN-RUFFINEN/Christine GUY-ECABERT, Aménagement du territoire, construction, expropriation, 2001, n. 598 p. 280 et les références) (arrêt du Tribunal fédéral 1C_502/2008 du 10 juin 2009 consid. 2.1). La non-conformité doit résulter d'une modification de la situation juridique (cf. Rudolf MUGGLI, Commentaire LAT, 2010, n. 11 ad art. 24c LAT) (arrêt du Tribunal fédéral 1C_249/2017 du 14 novembre 2017 consid. 5.1).

16.         Lorsque des constructions ou des installations illicites sont réalisées en dehors de la zone à bâtir, le droit fédéral exige en principe que soit rétabli un état conforme au droit. Le principe de la séparation de l'espace bâti et non bâti, qui préserve différents intérêts publics, est de rang constitutionnel ; il fait partie intégrante de la notion d'utilisation mesurée du sol de l'art. 75 al. 1 Cst. (ATF 147 II 309 consid. 5.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_197/2021 du 12 novembre 2021 consid. 2.1.1). Cette séparation doit par conséquent, en dehors des exceptions prévues par la loi, demeurer d'application stricte. Si des constructions illégales, contraires au droit de l'aménagement du territoire, sont indéfiniment tolérées en dehors de la zone constructible, le principe de la séparation du bâti et du non-bâti est remis en question et un comportement contraire au droit s'en trouve récompensé. S'ajoute à cela que la remise en état poursuit encore d'autres intérêts publics, à savoir la limitation du nombre et des dimensions des constructions en zone agricole, ainsi que le respect du principe de l'égalité devant la loi (arrêts du Tribunal fédéral 1C_197/2021 du 12 novembre 2021 consid. 2.1.1 et les arrêts cités ; 1C_76/2019 du 28 février 2020 consid. 7.1 et les références citées). A cet égard, l'absence de vocation agricole et la proximité d'habitations ne sont pas déterminantes (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1C_164/2007 du 13 septembre 2007 consid. 4.3 ; ATA/290/2016 du 5 avril 2016 consid. 7a ; ATA/1190/2015 du 3 novembre 2015 consid. 4b).

17.         L'intérêt privé de pouvoir continuer à profiter de constructions et d'utilisations illégales en dehors de la zone à bâtir ne pèse pas lourd (ATF 147 II 309 consid. 5.6)

18.         Dans son arrêt du 28 avril 2021 (ATF 147 II 309), le Tribunal fédéral a précisé qu'à l'inverse de ce qui prévaut pour les zones à bâtir, l'obligation de rétablir un état conforme au droit ne s'éteint pas après trente ans, s'agissant de bâtiments et installations érigés illégalement en dehors de la zone à bâtir (cf. consid. 4 et 5 ; cf. aussi not. arrêt 1C_197/2021 du 12 novembre 2021 consid. 2.1.4). En particulier, s'il peut certes être tenu compte de situations exceptionnelles par le biais de solutions spécifiques, notamment par la fixation d'un délai de remise en état plus long, une utilisation illégale, qui contrevient au principe fondamental en matière d'aménagement du territoire de la séparation du territoire bâti et non bâti, ne doit pas se poursuivre indéfiniment sur la base du simple écoulement du temps (cf. consid. 5.5 et 5.6 ; cf. aussi not. arrêt 1C_197/2021 du 12 novembre 2021 consid. 2.1.4), étant rappelé qu'en principe, une nouvelle jurisprudence doit s'appliquer immédiatement et à toutes les affaires pendantes au moment où elle est adoptée ou futures (ATF 142 V 551 consid. 4.1 ; 135 II 78 consid. 3.2 ; 132 II 153 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_197/2021 du 12 novembre 2021 consid. 2.1.5 ; 2C_199/2017 du 12 juin 2018 consid. 3.5).

19.         Lorsque l'état d'une construction, d'une installation ou d'une autre chose n'est pas conforme aux prescriptions de la loi, des règlements qu'elle prévoit ou des autorisations délivrées en application des dispositions légales ou réglementaires, le département peut en ordonner la remise en état, la réparation, la modification, la suppression ou la démolition (art. 129 et 130 LCI).

20.         Depuis l’arrêt du Tribunal fédéral susmentionné, quatre conditions cumulatives sont nécessaires pour un ordre de remise en état à savoir que l'ordre doit être dirigé contre le perturbateur, que les installations en cause ne doivent pas avoir été autorisées en vertu du droit en vigueur au moment de leur réalisation, que l'autorité ne doit pas avoir créé chez l'administré concerné, que ce soit par des promesses, par des infractions, des assurances ou encore un comportement des conditions telles qu'elle serait liée par la bonne foi et que l'intérêt public au rétablissement d'une situation conforme au droit doit l'emporter sur l'intérêt privé de l'intéressé au maintien des installations litigieuses (ATA/77/2023 du 24 janvier 2023 ; ATA/1030/2018 du 2 octobre 2018 consid. 6c et les références citées).

21.         Par mesures administratives sont visées les actions que les autorités administratives ordonnent, par des décisions, voire exécutent (ou font exécuter par des tiers), aux fins de rétablir le respect de la légalité. Le but de ces mesures est donc correcteur et non répressif. Leur prononcé, du même coup, ne dépend pas de conditions tenant à la personne du constructeur, telles que sa faute (Nicolas WISARD, Samuel BRÜCKNER, Milena PIREK, Les constructions « illicites », in DC 2019, p. 213).

22.         Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 5 al. 2 Cst., exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent pas être atteints par une mesure moins incisive. En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 126 I 219 consid. 2c et les références citées).

Les critères de l'aptitude et de la subsidiarité sont particulièrement concernés lorsqu'un ordre de démolition pur et simple est envisagé. Ils impliquent en effet de déterminer si une – ou plusieurs – autre mesure administrative pourraient être préférées, le cas échéant en combinaison.

23.         Dans la règle, l’intérêt public majeur à la préservation des zones agricoles et la distinction fondamentale entre espace bâti et non-bâti l’emporte (arrêt du Tribunal fédéral 1C_60/2021 du 27 juillet 2021 consid. 3.4.2 confirmant l'ATA/1304/2020 du 15 décembre 2020; arrêt du Tribunal fédéral 1C_233/2014 du 23 février 2015 consid. 4).

24.         Un ordre de démolir une construction ou un ouvrage édifié sans permis de construire et pour lequel une autorisation ne pouvait être accordée, n'est pas contraire au principe de la proportionnalité. Celui qui place l'autorité devant un fait accompli doit s'attendre à ce qu'elle se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit, que des inconvénients qui en découlent pour le constructeur (ATA/213/2018 précité consid. 11 ; ATA/738/2017 précité consid. 8 ; ATA/829/2016 du 4 octobre 2016).

25.         Le postulat selon lequel le respect du principe de la proportionnalité s'impose même envers un administré de mauvaise foi est relativisé, voire annihilé, par l'idée que le constructeur qui place l'autorité devant le fait accompli doit s'attendre à ce que cette dernière se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit que des inconvénients qui en découlent pour le constructeur (Nicolas WISARD/Samuel BRÜCKNER/Milena PIREK, op. cit., p. 218).

26.         L'autorité peut renoncer à un ordre de démolition, conformément au principe de la proportionnalité, si les dérogations à la règle sont mineures, si l'intérêt public lésé n'est pas de nature à justifier le dommage que la démolition causerait au maître de l'ouvrage, si celui-ci pouvait de bonne foi se croire autorisé à construire ou encore s'il y a des chances sérieuses de faire reconnaître la construction comme conforme au droit (ATF 132 II 21 consid. 6 ; 123 II 248 consid. 3a/bb). Celui qui place l'autorité devant un fait accompli doit s'attendre à ce que celle-ci se préoccupe plus de rétablir une situation conforme au droit que d'éviter les inconvénients qui en découlent pour lui (ATF 123 II 248 consid. 4a; 111 Ib 213 consid. 6b et la jurisprudence citée).

27.         L’inaction de l’autorité face à une construction illicite ne lie cette dernière que si elle peut être assimilée à une tolérance « active ». Pour cela, l’autorité a dû rester passive pendant une période prolongée – de l’ordre d’une dizaine d’années au moins – alors qu’elle avait connaissance de la construction illicite, ou aurait dû en avoir connaissance si elle avait agi avec diligence (Nicolas WISARD/Samuel BRÜCKNER/Milena PIREK, op. cit., p. 223).

Le Tribunal fédéral a déjà considéré que des délais de plus de quatre ans et même de plus de treize ans ne suffisaient pas pour retenir que l'autorité administrative aurait toléré des constructions et installations durant de longues années et que son intervention violerait le principe de la bonne foi (arrêts du Tribunal fédéral 1C_114/2011 du 8 juin 2011 consid. 4.2 ; 1C_181/2009 du 24 juin 2009 consid. 3.3). Des délais de vingt-quatre voire vingt ans peuvent suffire (arrêt du Tribunal fédéral 1C_176/2009 du 28 janvier 2010 consid. 2.2.2 et les références citées).

Récemment, la chambre administrative de la Cour de justice a retenu un telle violation dans le cadre de la présence d’un paddock et d’un marcheur dans un manège pendant plus de vingt ans (ATA/77/2023 du 24 janvier 2023).

28.         Valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) exige que l'administration et les administrés se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l'administration doit s'abstenir de toute attitude propre à tromper l'administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d'une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_341/2019 du 24 août 2020 consid. 7.1).

29.         À certaines conditions, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 141 V 530 consid. 6.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_626/2019 du 8 octobre 2020 consid. 3.1 ; 2C_136/2018 du 24 septembre 2018 consid. 3.2). Conformément au principe de la confiance, qui s'applique aux procédures administratives, les décisions, les déclarations et comportements de l'administration doivent recevoir le sens que l'administré pouvait raisonnablement leur attribuer en fonction des circonstances qu'il connaissait ou aurait dû connaître (arrêt du Tribunal fédéral 1P.292/2004 du 29 juillet 2004 consid. 2.1 ; ATA/1299/2019 du 27 août 2019 consid. 3d).

30.         Le droit à la protection de la bonne foi peut également être invoqué en présence simplement d'un comportement de l'administration, notamment en cas de silence de l'autorité dans une situation de fait contraire au droit, susceptible d'éveiller chez l'administré une attente ou une espérance légitime (ATF 129 II 361 consid. 7.1). Entre autres conditions, l'autorité doit être intervenue à l'égard du citoyen dans une situation concrète et celui-ci doit avoir pris, en se fondant sur les promesses ou le comportement de l'administration, des dispositions qu'il ne saurait modifier sans subir de préjudice (arrêt du Tribunal fédéral 9C_628/2017 du 9 mai 2018 consid. 2.2).

31.         En l’espèce, selon les éléments au dossier, les deux bâtiments litigieux sont présents sur la parcelle depuis les années soixante en tout cas ; ils sont cadastrés. Ils n’ont cependant jamais fait l’objet d’une autorisation de construire, ce que la recourante ne conteste finalement pas. Le fait que, selon elle, ils auraient pu être autorisés selon les dispositions légales en vigueur au moment de leur édification n’y change rien.

Le département a été amené à trois reprises au moins (DD 7______, DD 8______ et M 9______) postérieurement à l’édification des deux bâtiments, à se pencher sur des projets relatifs à la parcelle n° 1______. Il s’est en particulier penché sur la démolition du bâtiment n° 4______ et la piscine.

Dans les plans fournis à l’appui des trois requêtes, le bâtiment litigieux n°5______ y a toujours figuré et le bâtiment n° 6______ apparait dans les plans de la DD 8______ et de la M 9______. Dans le cadre de l’instruction de ces requêtes, de nombreuses instances se sont prononcées, sans aucune remarque particulière sur la présence de ces bâtiments. Toutefois, l’OCAN, dans son préavis favorable du 7 juin 2021 rendu dans le cadre de l’instruction de la DD 8______ avait relevé : « Nous laissons toutefois le soin aux autorités compétentes (OU ou OAC) d’apprécier les conditions d’application et le respect des seuils fixés aux articles 41 et 42 de l’OAT, notamment la légalité des aménagements d’origine ». Cette remarque n’a pas conduit le département à remettre en cause la présence des deux bâtiments litigieux ni à approfondir la question de leur légalité.

Ce n’est que suite à l’effondrement du bâtiment n°2______ en cours de travaux que le département, en se rendant sur la parcelle a, pour la première fois abordé la question des bâtiments litigieux, pour en demander ensuite la démolition et l’évacuation.

Dès lors, en remettant en cause l’existence de ces deux bâtiments dont il avait jusque-là pris acte et dont la présence ne l'avait pas empêché d’autoriser des transformations du bâtiment n°2______ et la démolition de la piscine et du garage n°4______, ainsi que le réaménagement de la parcelle, ce dans le cadre de plusieurs autorisations, il doit retenu que le département s’est comporté de manière contraire aux règles de la bonne foi.

En conséquence, la recourante peut se prévaloir de sa bonne foi en relation avec l'écoulement du temps et la « tolérance active », voire la passivité des autorités depuis plusieurs dizaines d’années, lesquelles ne sont pas intervenues jusqu’en 2022, n’ont pas pris de mesures à leur encontre pendant toutes ces années, ni émis de décision, et en validant les plans le cadre des autorisations délivrées indiquant la présence de ces bâtiments.

32.         Au vu de ce qui précède, le recours sera admis et la décision contestée annulée en ce qu’elle porte sur la démolition et l’évacuation des bâtiments n°s 5______ et 6______ et la remise en état du terrain naturel.

33.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui obtient gain de cause, est exonérée de tout émolument. Son avance de frais de CHF 900.- lui sera restituée.

34.         Vu l’issue du litige, une indemnité de procédure de CHF 1'500.-, à la charge du département du territoire, sera allouée à la recourante (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le 14 décembre 2022 par A______ SA contre la décision du département du territoire du 11 novembre 2023 ;

2.             l'admet ;

3.             annule la décision contestée en ce qu’elle porte sur la démolition et l’évacuation des bâtiments n°s 5______ et 6______ et la remise en état du terrain naturel ;

4.             renonce à percevoir un émolument et ordonne la restitution à la recourante de son avance de frais de CHF 900.- ;

5.             condamne le département du territoire à verser à la recourante une indemnité de procédure de CHF 1’500.- ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Sophie CORNIOLEY BERGER, présidente, Diane SCHASCA et Bénédicte MONTANT, juges assesseures.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière