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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2596/2022

JTAPI/538/2023 du 11.05.2023 ( LCI ) , REJETE

REJETE par ATA/999/2023

Descripteurs : RÉTABLISSEMENT DE L'ÉTAT ANTÉRIEUR;REMISE EN L'ÉTAT;CONSTRUCTION ET INSTALLATION;ZONE AGRICOLE;DROIT D'ÊTRE ENTENDU
Normes : LCI.129.lete; LAT.22.al1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2596/2022 LCI

JTAPI/538/2023

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 11 mai 2023

 

dans la cause

 

A______ SA

 

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

 


EN FAIT

1.             Selon le registre foncier, Monsieur feu B______ était, en 2020, propriétaire de la parcelle n° 1______ de la commune de C______.

Cette parcelle d'une surface de 5'159 m2 est sise en zone agricole.

2.             Selon un extrait du registre foncier de 2022, étaient cadastrés sur la parcelle n° 1______, les bâtiments suivants :

- bâtiment « autre prod. agricole » n° 2______,

- bâtiment « autre prod. agricole » n° 3______.

3.             Par courrier du 14 mai 2020 (I-4______), adressé à M. B______, le département du territoire (ci-après : DT ou le département) lui a signalé que suite à une dénonciation, il avait constaté qu'un portail et une clôture avait été installés et que des containers avaient été entreposés sans autorisation de construire alors qu'ils étaient susceptibles d'être assujettis à la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05). Un délai de 10 jours lui était imparti pour se déterminer à ce sujet.

4.             En date du 2 juin 2020, M. B______ s'est déterminé.

5.             Par décision du 12 juin 2020, le département a informé M. B______ que les objets litigieux ne pouvaient être maintenus en l'état. Il lui a par conséquent ordonné le démontage du portail et de la clôture et l'évacuation des containers, ainsi que la remise en état du terrain naturel dans un délai de 60 jours.

6.             Le 22 octobre 2020, le département a été informé du décès de M. B______.

7.             L'hoirie du précité est devenue propriétaire de la parcelle en question. À ce jour, le registre foncier ne fait toujours pas mention de cette modification de propriété.

8.             Par courrier du 18 mars 2022, le département a informé la société D______ SA, au siège de la société A______ SA, locataire de la parcelle n° 1______, qu'il avait constaté, suite à une dénonciation, que plusieurs éléments étaient susceptibles de constituer une infraction à la LCI. Un délai de dix jours lui était imparti pour se déterminer à ce sujet.

Il s'agissait des éléments suivants :

1. La construction du hangar n° 2______ ;

2. La construction du hangar n° 3______ ;

3. La modification du hangar A ;

4. La construction du hangar B ;

5. L'installation d'un portail C ;

6. La construction d'un mur D ;

7. L'installation d'une clôture périphérique E ;

8. La modification du terrain F ;

9. le stockage de containers, bennes, de matériaux de chantier, d'engins de chantier et de palettes G.

9.             Par courrier du 1er avril 2022, D______ SA a répondu au département qu'elle n'avait aucun lien avec la parcelle n° 1______ et qu'il s'agissait plutôt de la société A______ SA, locataire de cette parcelle.

10.         Selon l'extrait du registre du commerce, A______ est une société anonyme, sise route de E______, 5______, à C______, dont le but est l'exploitation d'une entreprise générale du bâtiment ; étude, direction et exécution de constructions de toute nature, notamment dans le gros-œuvre. 

11.         Par courrier du 29 avril 2022, le département a réitéré la teneur de son courrier du 18 mars 2022, cette fois à l'intention d'A______ SA.

12.         En date du 10 mai 2022, cette dernière s'est déterminée et a confirmé être locataire de la parcelle n° 1______ et avoir réalisé les constructions et installations nos 5, 6, 7, 8 (à l'angle) et 9, les autres ayant été réalisées par la propriétaire de la parcelle. Elle allait enlever le tas de terre à l'angle, remettre le terrain en l'état et débarrasser les containers, bennes, matériaux de chantier, engins de chantier et palettes stockés au nord de la parcelle. Concernant le portail, le mur et la clôture, elle entendait demander leur régularisation dans les meilleurs délais.

13.         Par décision du 17 juin 2022, adressée à A______ SA, le département a confirmé que la réalisation des éléments énoncés était soumise à l'obtention d'une autorisation de construire. Toutefois, compte tenu de la situation de la parcelle, hors zone à bâtir, le dépôt d'une requête en autorisation de construire serait superfétatoire, dès lors que ces éléments ne pouvaient être maintenus en l'état. Par conséquent, il lui ordonnait de rétablir une situation conforme et au droit dans un délai de 90 jours en procédant à :

1. la suppression et l'évacuation du portail C ;

2. la suppression et l'évacuation du mur D ;

3. la suppression et l'évacuation de la clôture périphérique E ;

4. la remise en état du terrain naturel, à l'angle, F ;

5. l'évacuation des containers, des bennes, des matériaux de chantier, des engins de chantier et des palettes G.

Un reportage photographique ou tout autre élément attestant de manière univoque de cette remise en état devrait lui parvenir dans le même délai.

14.         Par acte du 16 août 2022, A______ SA a formé recours contre la décision du département précitée, concluant à son annulation.

Son droit d'être entendu n'avait pas été respecté dès lors que le département n'avait pas tenu compte de son courrier du 11 mai 2022. En effet, elle avait expressément assuré au DT qu'elle procéderait à l'enlèvement du tas de terre à l'angle, remettrait le terrain en état et qu'elle débarrasserait les containers, bennes, matériaux de chantier et engins de chantier et des palettes stockés, au nord de la parcelle.

Elle reprochait également au département d'avoir exclu possibilité de régulariser la situation par le dépôt d'une requête en autorisation de construire, ce d'autant que la parcelle avait été désassujettie, de sorte qu'il lui apparaissait que certains aménagements pouvaient y être entrepris.

15.         Le 18 octobre 2022, le département a transmis son dossier au tribunal accompagné de ses observations.

Il s'en rapportait à justice quant à la recevabilité du recours et concluait à son rejet.

Concernant le reproche selon lequel il n'aurait pas pris en considération l'opinion de la recourante, il s'agissait d'une question de fond et non d'une éventuelle violation de son droit d'être entendue.

Les éléments litigieux n'étaient manifestement pas conformes à la zone d'affectation puisqu'ils n'étaient pas nécessaires à une exploitation agricole ou horticultrice productrice. Toute requête en autorisation de construire constituerait une manœuvre dilatoire. Pour les mêmes raisons, les éléments litigieux ne pouvaient être maintenus en l'état, de sorte que la décision était fondée.

16.         Le 25 novembre 2022, la recourante a répliqué. Dès lors qu'elle s'était engagée à enlever les différents éléments précités, elle ne comprenait pas pourquoi l'ordre de démolition portait sur ces aspects.

La mesure était par ailleurs disproportionnée concernant le portail, le mur et la clôture. En effet, il s'agissait de très petites constructions, à peine visibles et qui ne dérangeaient pas les voisins. Elles n'entraînaient aucun problème de sécurité et n'étaient pas déplaisantes sous l'angle esthétique.

17.         Le 9 janvier 2023, le département a dupliqué. Ses arguments seront examinés dans la partie en droit dans la mesure utile.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Dans un premier grief, la recourante se plaint d'une violation de son droit d'être entendue, au motif que le département n'aurait pas pris en compte ses explications, notamment le fait qu'elle allait remettre le terrain en l'état naturel à l'angle F, évacuer les containers, les bennes, les matériaux de chantier, les engins de chantier et les palettes stockées au nord de la parcelle.

4.             Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101)., le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour le justiciable de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, de produire des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (cf. ATF 142 II 218 consid. 2.3 ; ATF 140 I 285 consid. 6.3.1).

Il s'agit avant tout du droit des parties de faire valoir leur point de vue avant qu'une décision ne soit prise à leur détriment. Dans une procédure initiée sur requête d'un administré, celui-ci est censé motiver sa requête en apportant tous les éléments pertinents ; il n'a donc pas un droit à être encore entendu avant que l'autorité ne prenne sa décision afin de pouvoir présenter des observations complémentaires (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, n° 1528 ss, p. 509 s ; ATA/523/2016 du 21 juin 2016 consid. 2b).

5.             En l’espèce, il ressort du dossier que le département a dûment invité la recourante à s'exprimer sur les éléments réalisés sur la parcelle en question dans son courrier du 29 avril 2022, ce que celle-ci a d'ailleurs fait le 11 mai 2022. Partant, quand bien même, le département n'a pas donné à ses explications, les suites que la recourante escomptait, il ne s'agit pas là d'une violation de son droit d'être entendue mais plutôt d'une question de fond qui sera examinée ci-après.

Ce grief doit dès lors être écarté.

6.             La recourante ne conteste pas que les constructions et installations visées par la décision litigieuse ont été érigées sans autorisation du département. Elle estime toutefois que l'ordre querellé ne se justifie pas compte tenu de son engagement de supprimer le tas de terre, de remettre le terrain en état et de débarrasser les containers, bennes, matériaux de chantier et engins de chantier et les palettes stockés. Elle reproche également au département de ne pas lui avoir laissé l'opportunité de régulariser la situation concernant le portail (C), la clôture (E) et le mur (D) par le dépôt d'une demande d'autorisation de construire, relevant que la parcelle était désassujettie et qu'ils ne créaient aucun problème en matière de sécurité ou d'esthétique.

7.             Aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l'autorité compétente (art. 22 al. 1 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin 1979 - LAT - RS 700). L'autorisation est délivrée si la construction ou l'installation est conforme à l'affectation de la zone (art. 22 al. 2 let. a LAT) et si le terrain est équipé (art. 22 al. 2 let. b LAT). Le droit fédéral et le droit cantonal peuvent poser d'autres conditions (art. 22 al. 3 LAT).

8.             De jurisprudence constante, sont considérés comme des constructions ou installations au sens de l'art. 22 al. 1 LAT tous les aménagements durables et fixes créés par la main de l'homme, exerçant une incidence sur l'affectation du sol, soit parce qu'ils modifient sensiblement l'espace extérieur, soit parce qu'ils chargent l'infrastructure d'équipement ou soit encore parce qu'ils sont susceptibles de porter atteinte à l'environnement (ATF 140 II 473 consid. 3.4.1 ; ATF 123 II 256 consid. 3). L'exigence de la relation fixe avec le sol n'exclut pas la prise en compte de constructions mobilières, non ancrées de manière durable au sol et qui sont, cas échéant, facilement démontables (cf. ATA/208/2021 du 23 février 2021 consid. 5).

9.             Selon l’art. 1 al. 1 LCI, sur tout le territoire du canton nul ne peut, sans y avoir été autorisé, élever en tout ou partie une construction ou une installation, notamment un bâtiment locatif, industriel ou agricole, une villa, un garage, un hangar, un poulailler, un mur, une clôture ou un portail (let. a) ; modifier, même partiellement, le volume, l’architecture, la couleur, l’implantation, la distribution ou la destination d’une construction ou d’une installation (let. b) ; modifier la configuration du terrain (let. d) ; aménager des voies de circulation, des places de parcage ou une issue sur la voie publique (let. e).

10.         Aucun travail ne doit être entrepris avant que l'autorisation n'ait été délivrée (art. 1 al. 7 1ère phrase LCI).

11.         L’art. 1 al. 1 du règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI – L 5 05.01) précise que sont réputées constructions ou installations toutes choses immobilières ou mobilières édifiées au-dessus ou au-dessous du sol ainsi que toutes leurs parties intégrantes et accessoires, soit notamment les murs, clôtures, portails, poulaillers, clapiers, chenils (let. b), ainsi que les garages et ateliers de réparations, les entrepôts, les dépôts de tous genres (let. c).

12.         En zone agricole, ne sont autorisées que les constructions et installations qui sont destinées durablement à l'activité agricole ou horticole et aux personnes l'exerçant à titre principal et qui respectent la nature et le paysage ainsi que les conditions fixées par les art. 34 ss de l'ordonnance sur l’aménagement du territoire du 28 juin 2000 (OAT - RS 700.1 ; art. 20 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987- LaLAT - L 1 30).

13.         Les conditions de dérogation pour des constructions hors de la zone à bâtir sont prévues par le droit fédéral (art. 24 à 24e LAT). Ces dispositions sont complétées ou reprises par les art. 27 ss LaLAT.

14.         En l’espèce, le portail (C), le mur (D), la clôture périphérique (E), les containers, bennes, matériaux de chantier, engins de chantier et les palettes (G), quand bien même ils ne seraient pas ancrés au sol et seraient facilement démontables ou déplaçables, occupent de manière durable des emplacements fixes depuis plusieurs années. Ces constructions/installations ont en outre une influence sur l’affectation du sol, initialement prévu pour l’exploitation agricole, et un impact visuel et paysager. Conformément à la jurisprudence susmentionnée, de tels aménagements sont soumis à autorisation de construire au sens des art. 22 LAT, 1 LCI et 1 RCI.

Par ailleurs, si la recourante fait valoir que la plupart des objets visés sont des installations de peu d’importance, il convient de relever que la jurisprudence a écarté l’application du régime dérogatoire prévu par l’art. 1 al. 4 et 5 LCI pour les constructions de très peu d’importance - telle une pergola non couverte - en zone agricole et précisé que la surface et le degré d’importance des constructions en cause ne sont pas pertinentes en tant que cela ne change rien à leur caractère illicite (JTAPI/1029/2021 du 8 octobre 2021 consid. 10 et les références citées).

S’agissant de savoir si ces éléments sont autorisables, il n'est pas contesté que la recourante n'exerce pas la profession d'agricultrice et qu'aucune des constructions et installations litigieuses n'est destinée à l’activité agricole. Partant, elles ne peuvent être considérées comme conformes à la zone agricole en vertu des dispositions précitées, et cela qu’elles soient ou non de peu d’importance, élément non pertinent pour juger de leur lien avec une activité agricole.

En conséquence, elles ne peuvent pas être autorisées en zone agricole, étant précisé qu’aucune dérogation des art. 24 ss LAT n’est en l’espèce applicable, l’implantation des aménagements litigieux hors de la zone à bâtir n’étant à l’évidence pas imposée par leur destination, ce que la recourante ne prétend du reste pas.

15.         La recourante conteste l’ordre de remise en état.

16.         Lorsque l'état d'une construction, d'une installation ou d'une autre chose n'est pas conforme aux prescription de la LCI, des règlements qu'elle prévoit ou des autorisations délivrées en application de ces dispositions légales ou réglementaires, le département peu notamment en ordonner la remise en état, la réparation, la modification, la suppression ou la démolition (art. 129 let. e et 130 LCI).

17.         De jurisprudence constante (ATA/583/2022 du 31 mai 2022 consid. 5d), pour être valable, un ordre de mise en conformité doit respecter les conditions cumulatives suivantes :

- l’ordre doit être dirigé contre le perturbateur, par comportement ou par situation ;

- les installations en cause ne doivent pas avoir été autorisées en vertu du droit en vigueur au moment de leur réalisation ;

- l'autorité ne doit pas avoir créé chez l'administré concerné, que ce soit par des promesses, par des infractions, des assurances ou encore un comportement des conditions telles qu'elle serait liée par la bonne foi ;

- l'intérêt public au rétablissement d'une situation conforme au droit doit l'emporter sur l'intérêt privé de l'intéressé au maintien des installations litigieuses (ATA/1030/2018 du 2 octobre 2018 consid. 6c et les références citées).

Jusqu'au changement de jurisprudence constitué par l'ATF 147 II 309, hors de la zone à bâtir, une cinquième condition était requise : il ne devait pas s'être écoulé un délai de plus de trente ans depuis l'exécution des travaux litigieux (ATA/1304/2020 du 15 décembre 2020).

18.         Lorsque des constructions ou des installations illicites sont réalisées en dehors de la zone à bâtir, le droit fédéral exige en principe que soit rétabli un état conforme au droit. Le principe de la séparation de l'espace bâti et non bâti, qui préserve différents intérêts publics, est de rang constitutionnel. Il fait partie intégrante de la notion d'utilisation mesurée du sol de l'art. 75 al. 1 Cst. (Message du Conseil fédéral du 20 janvier 2010 relatif à une révision partielle de la LAT, FF 2010 964 ch. 1.2.1 et 973 ch. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_176/2016 du 10 mai 2017 consid. 7.1 et 1C_109/2014 du 4 mars 2015 consid. 6.5 ; Rudolf MUGGLI, Commentaire pratique LAT : construire hors zone à bâtir, 2017, n. 1 et 16 ad remarques préliminaires relatives aux art. 24 à 24e et 37a LAT ; Bernhard WALDMANN/Peter HÄNNI, Handkommentar RPG, 2006, n. 14 ad art. 1 LAT ; Jean-Michel BRAHIER/Pierre PERRITAZ, LAT révisée, dézonage et indemnisation des propriétaires, 2015, p. 74). Cette séparation doit par conséquent, en dehors des exceptions prévues par la loi, demeurer d'application stricte (ATF 132 II 21 consid. 6.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1A.301/2000 du 28 mai 2001 consid. 6c publié in ZBl 2002 p. 364). Si des constructions illégales, contraires au droit de l'aménagement du territoire, sont indéfiniment tolérées en dehors de la zone constructible, le principe de la séparation du bâti et du non-bâti est remis en question et un comportement contraire au droit s'en trouve récompensé. S'ajoute à cela que la remise en état poursuit encore d'autres intérêts publics, à savoir la limitation du nombre et des dimensions des constructions en zone agricole (ATF 132 II 21 consid. 6.4 ; 111 Ib 213 consid. 6b ; arrêt du Tribunal fédéral 1A.301/2000 du 28 mai 2001 consid. 6c in ZBl 2002 p. 364) ainsi que le respect du principe de l'égalité devant la loi (arrêt du Tribunal fédéral 1C_276/2016 du 2 juin 2017 consid. 3.3). À cet égard, l'absence de vocation agricole et la proximité d'habitations ne sont pas déterminantes (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1C_164/2007 du 13 septembre 2007 consid. 4.3 ; ATA/290/2016 du 5 avril 2016 consid. 7a ; ATA/1190/2015 du 3 novembre 2015 consid. 4b).

19.         L'art. 129 let. e LCI reconnaît une certaine marge d'appréciation à l'autorité dans le choix de la mesure adéquate pour rétablir une situation conforme au droit, dont elle doit faire usage dans le respect des principes de la proportionnalité, de l'égalité de traitement et de la bonne foi, et en tenant compte des divers intérêts publics et privés en présence (ATA/1399/2019 du 17 septembre 2019 consid. 3c et l'arrêt cité ; ATA/336/2011 du 24 mai 2011 consid. 3b et la référence citées). Elle peut renoncer à un ordre de démolition, conformément au principe de la proportionnalité, si les dérogations à la règle sont mineures, si l'intérêt public lésé n'est pas de nature à justifier le dommage que la démolition causerait au maître de l'ouvrage (sachant que son intérêt purement économique ne saurait avoir le pas sur l'intérêt public au rétablissement d'une situation conforme au droit [arrêt du Tribunal fédéral 1C_544/2014 du 1er avril 2015 consid. 4.2]), si celui-ci pouvait de bonne foi se croire autorisé à construire ou encore s'il y a des chances sérieuses de faire reconnaître la construction comme conforme au droit (cf. ATF 132 II 21 consid. 6 ; ATF 123 II 248 consid. 3a/bb ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_60/2021 du 27 juillet 2021 consid. 3.1 ; ATA/1399/2019 du 17 septembre 2019 consid. 3c).

20.         Le Tribunal fédéral est particulièrement strict en zone agricole et a ainsi confirmé les ordres de démolition ou d'enlèvement des constructions ou installations suivantes érigées sans autorisation : une palissade en bois, un mobil home, un chalet, un sous-sol, des containers utilisés pour loger des employés d'une exploitation agricole, un appentis de 12,54 m2 et un cabanon de jardin de 10,29 m2 (arrêt du tribunal fédéral 1C_482/2017 du 26 février 2018), un paddock et un abri pour chevaux (arrêt du Tribunal fédéral 1C_589/2017 du 16 novembre 2018). De manière générale dans l'examen de la proportionnalité, les intérêts des propriétaires sont, à juste titre, mis en retrait par rapport à l'importance de préserver la zone agricole d'installations qui n'y ont pas leur place. Concernant le canton de Genève, « s'agissant de constructions édifiées dans la zone agricole dans un canton déjà fortement urbanisé où les problèmes relatifs à l'aménagement du territoire revêtent une importance particulière, l'intérêt public au rétablissement d'une situation conforme au droit l'emporte sur celui, privé, du recourant à l'exploitation de son entreprise sur le site litigieux » (arrêt du Tribunal fédéral 1C_446/2010 du 18 avril 2011, consid. 5.1.1 et les références citées ; ATA/68/2013 du 6 février 2013).

21.         La chambre administrative a, pour sa part, confirmé l'ordre de remise en état d'une clôture en zone agricole au motif que l'intérêt public à la préservation des terres agricoles, comprenant de plus des surfaces d'assolement, ainsi que l'intérêt public au rétablissement d'une situation conforme au droit doivent l'emporter sur l'intérêt privé du recourant à mettre en place diverses installations non autorisées et non autorisables sur la parcelle (ATA/1370/2018 du 18 décembre 2018 consid. 10). Dans un autre arrêt, elle a également confirmé un ordre de démolition, en zone à bâtir, s'agissant de travaux dans une villa qui ne figuraient pas dans l'autorisation de construire délivrée par l'autorité et relevant que le fait qu'une remise en état entraînerait aujourd'hui des contraintes, notamment en termes financiers, n'était pas déterminant, cette situation étant uniquement due à l'attitude de la recourante, qui s'était affranchie de l'obligation de solliciter au préalable une autorisation de construire pour les installations litigieuses (ATA/213/2018 précité consid. 12).

22.         En l’espèce, les quatre premières conditions nécessaires à la validité de l’ordre de mise en conformité sont réalisées.

L’ordre a été adressé à la recourante, perturbatrice par situation et par comportement. Les constructions en cause n’ont pas été autorisées et ne sont pas autorisables comme cela a été vu plus haut. Le délai de péremption de trente ans ne s’applique pas en dehors de la zone à bâtir et il n’apparaît pas que le DT aurait créé d’une quelconque manière des expectatives légitimes qu’il se justifierait de protéger sous l’angle de la bonne foi ; la recourante ne l’invoque d’ailleurs pas. De plus, le fait que la recourante se soit engagée à supprimer certaines installations n'y change rien, ce d'autant moins qu'elle n'a apporté à ce sujet aucun élément probant.

Ne reste dès lors qu’à déterminer si l’intérêt privé de la recourante l’emporte sur l’intérêt public au rétablissement d’une situation conforme au droit à la lumière des principes rappelés ci-dessus. À cet égard, force est tout d’abord d’admettre que l’ordre de remise en état est apte à protéger les intérêts publics compromis. Les aménagements litigieux ayant été construits en zone agricole, l’intérêt public au rétablissement d’une situation conforme au droit, au respect de la séparation entre l’espace bâti et l’espace non bâti et à la limitation des constructions en zone agricole, tout particulièrement à Genève, est certain et doit primer par principe l’intérêt de la recourante, lequel relève essentiellement de la convenance personnelle. À cet égard, le fait que la parcelle en cause ne soit plus utilisée à des fins agricoles, ne change rien au fait qu’elle demeure actuellement affectée à la zone agricole et, partant, aux prescriptions applicables à cette zone. Pour le surplus, la recourante n’allègue pas, respectivement ne démontre pas, que la remise en état serait impossible ou qu’elle entraînerait des coûts disproportionnés.

On ne voit enfin pas quelle mesure moins incisive permettrait de protéger les intérêts publics compromis, étant de plus rappelé que celui qui place l’autorité devant le fait accompli doit s’attendre à ce que celle-ci se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit qu’à éviter les inconvénients qui en découlent pour lui. L'ordre de remise apparaît donc fondé et proportionné.

23.         Entièrement mal fondé, le recours doit être rejeté et la décision confirmée.

24.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 900.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 17 août 2022 par A______ SA contre la décision du département du territoire du 17 juin 2022 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante, un émolument de CHF 900.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST, présidente, Diane SCHASCA, Saskia RICHARDET VOLPI, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’à l’office fédéral de l’environnement.

 

Genève, le

 

La greffière