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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2333/2022

JTAPI/382/2023 du 04.04.2023 ( LCI ) , ADMIS

REJETE par ATA/1168/2023

Descripteurs : PERMIS DE CONSTRUIRE;ZONE DE VILLAS;PISCINE
Normes : LCI.59.al4bis; LCI.59.al4.leta; RCI.29; LCI.69.al1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2333/2022 LCI

JTAPI/382/2023

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 4 avril 2023

 

dans la cause

 

Mesdames A______, B______, C______, D______ et E______ et Messieurs F______, G______, H______ et I______, représentés par Me Romaine ZÜRCHER et Me Guillaume FRANCIOLI, avocats, avec élection de domicile

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

Monsieur J______ et K______, représentée par Me Dominique BURGER, avocate, avec élection de domicile

 


EN FAIT

1.             Madame A______ et Monsieur F______ sont copropriétaires de la parcelle n° 1______, Madame B______ de la parcelle n° 2______, Madame C______ et Monsieur G______ de la parcelle n° 3______, Monsieur H______ de la parcelle n° 4______, Madame D______ et Monsieur I______ de la parcelle n° 5______ et Madame E______ de la parcelle n° 6______ de la Commune de Collonge-Bellerive (ci-après : la commune).

2.             Monsieur J______ est quant à lui propriétaire de la parcelle n° 7______ de la même commune, d'une surface de 1'802 m2.

Une villa et un bâtiment sont actuellement érigés sur cette parcelle, lesquels font toutefois l’objet d’une autorisation de démolir M 8______.

Cette parcelle est grevée d'une restriction au droit à bâtir en faveur des parcelles nos 9______ et 6______ dont le texte est le suivant : « Il ne pourra être construit sur [la parcelle n° 7______] aucun café, auberge, crèmerie et brasserie, [ladite parcelle] ne devant comporter que des maisons d'habitation genre villas et leurs dépendances habituelles ».

3.             Toutes ces parcelles se situent en zone 5.

4.             Le 19 octobre 2019, K______, en sa qualité de mandataire professionnellement qualifié (ci-après: MPQ), a déposé pour le compte de M. J______ une demande d’autorisation de construire portant sur la réalisation d’une villa urbaine de plusieurs logements sur un niveau de sous-sol (parking) et piscine auprès du département du territoire (ci-après : DT ou le département) (DD 10______).

5.             Le 24 février 2020, en réponse à la demande du département, le MPQ a fait parvenir un projet modifié.

Il ressortait du dossier explicatif accompagnant le projet modifié que, concernant le calcul de la surface brute de plancher (ci-après : SBP), celle-ci totalisait 864.71 m2, correspondant à un taux de 48 %, et comprenait les surfaces suivantes :

-          rez de chaussée : 290.31 m2 ;

-          1er étage : 357.97 m2 ;

-          attique : 216.43 m2.

6.             Dans le cadre de l’instruction de la demande, les préavis suivants ont notamment été obtenus :

-          commission d'architecture (ci-après : CA) du 3 décembre 2019 : demande de projet modifié, relevant néanmoins que celui-ci était de qualité, compact et qu'il s'intégrait parfaitement dans le contexte environnant.

Le 15 avril 2020, constatant que le projet modifié répondait aux remarques émises dans son premier préavis, elle s'est prononcée favorablement à la dérogation fondée sur l’art. 59 al. 4 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), précisant que l'échelle du territoire communal, définie dans le guide pour une qualité de la zone 5, n'était pas analysée par son service ;

-          le service de géologie, sols et déchets (ci-après: GESDEC) du 17 décembre 2019, réitéré le 24 avril 2020 : préavis favorable sous conditions. Relevant en particulier que le secteur était connu pour avoir des venues d'eau artésiennes importantes lors des forages, il était indispensable que l'ingénieur hydrogéologue en charge du suivi soit présent sur le chantier durant toute la durée des travaux et qu'il soit familier avec ce type de problème, que l'hydrogéologue ou l'entreprise de forage soit équipé du matériel adéquat, qu'il soit tenu informé immédiatement en cas de venues d'eau artésiennes et qu'en cas d'impossibilité de colmater les venues d'eau, le forage devrait être rebouché, sans aucune mise en place de drainage en raison de risques de tassements des terrains. Selon les résultats, la profondeur des installations pourrait être revue à la baisse ou les forages rebouchés et décalés, voir même le projet devrait être abandonné si des risques trop importants étaient présents ou encore des conditions particulières pourraient être demandées ;

-          commune du 4 décembre 2019 : préavis défavorable, souhaitant limiter la densification pour les constructions à un taux maximum de 32%, cette construction n’étant pas compatible avec l’harmonie et l’aménagement du quartier. Elle a réitéré son préavis défavorable le 11 mars 2020 ;

-          office cantonal des transports (ci-après : OCT) du 5 décembre 2019 : demande de projet modifiée. Le projet devait offrir au moins treize places de stationnement pour les vélos au regard de la SBP et sept places vélos étant prévues en surface, il s’agirait d’accroitre à 12 m2 la superficie du local à vélo situé en sous-sol afin qu’il puisse accueillir au moins six vélos (en considérant 2 m2 par vélo, accès compris, conformément au règlement relatif aux places de stationnement sur fonds privés).

Le 12 mars 2020, l’OCT a rendu un préavis favorable sous condition que la hauteur libre dans la rampe d’accès au parking souterrain respecte les recommandations de la norme VSS 40 291a ;

-          office cantonal de l’énergie (ci-après : OCEN) du 13 décembre 2019 : préavis favorable sous conditions. Suite à la décision du Conseil d'Etat du 15 octobre 2019, la mise en vigueur de la modification du règlement d'application de la loi sur l'énergie du 31 août 1988 (REn - L 2 30.01) était reportée au 1er janvier 2020. La présente requête, déposée antérieurement à cette date, était donc préavisée selon les exigences relatives aux standards THPE, comme définis dans l'art. 12C du REn tel que modifié le 5 août 2010. Dans le cas où la requérante souhaitait que le projet soit jugé selon les nouvelles exigences, le préavis pouvait être modifié dans le cadre du dossier à fournir trente jours avant le début des travaux ;

-          service de l'air, du bruit et des rayonnements non ionisants (ci-après : SABRA) du 2 janvier 2020, réitéré le 20 avril 2020 : préavis favorable sous conditions, relevant, s'agissant en particulier du système technique de la piscine (pompe, ), qu'il n'y avait pas de problème pour que l'art. 7 de l'ordonnance sur la protection contre le bruit du 15 décembre 1986 (OPB - RS 814.41) soit respecté pour cette nouvelle installation fixe génératrice de bruit. Néanmoins, il pouvait y avoir une génération de bruit, notamment solidien, si ce système n'était pas installé conformément aux exigences du constructeur. Le maître de l'ouvrage devait ainsi s'assurer du respect de l'installation du système technique de la piscine selon les exigences du/des constructeur/s ;

-          service des préavis et instruments de l'office de l'urbanisme (ci-après : SPI) du 16 janvier 2020, réitéré le 9 mars 2020 : préavis favorable sur le principe d'une densification de la parcelle, conformément à l'art. 59 al. 4 LCI. Les éléments exposés par la requérante étaient conformes à l'objectif de densification qualitative de la zone 5. Concernant le plan directeur communal, il ne pouvait pas se prononcer quant au respect d'une stratégie communale, celle-ci n'étant pas applicable à l'heure actuelle. Toutefois, il convenait que la requérante se coordonnaient avec la commune à ce sujet. Il s'en remettait à la CA sur les modalités de mise en œuvre du projet à l'échelle du quartier ;

-          direction des autorisations de construire (ci-après : DAC) du 27 février 2020 : préavis favorable avec octroi d’une dérogation selon l’art. 59 al. 4 LCI ;

-          commission consultative de la diversité biologique (ci-après : CCDB) du 24 mars 2020 : favorable sous condition que la réalisation d'un parking extérieur se fasse en matériaux perméables et avec octroi d'une dérogation selon l'art. 11 al. 2 let. b et c de la loi sur les forêts du 20 mai 1999 (LForêts - M 5 10) ;

-          office cantonal de l'eau (ci-après : OCEau) du 30 mars 2020 : favorable sous conditions. En particulier, préalablement au branchement des canalisations des eaux usées et pluviales, la requérante était tenue de vérifier l'état, le bon fonctionnement et la capacité hydraulique des équipements. Les éventuels travaux de réfection, d'adaptation voire de reconstruction devaient être entrepris dans le cadre du chantier, d'entente avec son service ;

-          office cantonal de l’agriculture et de la nature (ci-après : OCAN) du 15 janvier 2020, réitéré le 21 avril 2020 : favorable avec octroi d’une dérogation au sens de l’art. 11 al. 2 let. a et c LForêts. Il a ensuite rendu, le 27 avril 2020, un préavis liant favorable à l’abattage d’arbres sous conditions de replantation pour un montant d’au moins CHF 6'000.- ;

-          commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : CMNS) du 16 juin 2020 : préavis défavorable à l’implantation de la construction et à l’octroi d’une dérogation au sens de l’art. 11 LForêts, en raison de constructions à moins de 10 m de la lisière forestière.

7.             Le 31 août 2020, le département a délivré l’autorisation de construire DD 10______, laquelle a été publiée dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du même jour.

La décision précisait que les conditions figurant dans les préavis et le préavis liant devaient être strictement respectées et faisaient partie intégrante de l'autorisation globale.

8.             Par acte du 30 septembre 2020, Mme A______, M. F______, Mme B______ Mme C______, M. G______, M. H______, Mme D______, M, I______ et Mme E______ (ci-après : les recourants), sous la plume de leur conseil, ont recouru contre cette autorisation auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant principalement à l’annulation de la décision, sous suite de frais et dépens.

9.             Par jugement du 9 juin 2021 (JTAPI/11______), le tribunal a admis le recours, annulé l'autorisation de construire DD 10______ du 31 août 2021 et renvoyé le dossier au département pour complément d'instruction et nouvelle décision. Les modifications du projet en cours d’instruction du recours, telles que demandées par le département pour être conformes aux dispositions légales applicables et respecter notamment la surface totale des constructions de peu d’importance (ci-après : CDPI) autorisées, à savoir le retrait de la couverture de l'emplacement vélos, modifiaient le projet dans une mesure nécessitant la reprise de son instruction et notamment l’interpellation de l’OCAN et de l’OCT pour recueillir leur préavis.

10.         Par courriel du 20 octobre 2021, le département a transmis au MPQ la liste des éléments à déposer pour pouvoir procéder à l'instruction complémentaire du dossier et sollicité à cet effet les modifications suivantes : la suppression de la « couverture » du couvert à vélos et le déplacement de son emplacement au-delà des 10 m à la distance de la forêt, la fourniture d'un calcul des surfaces des CDPI mis à jour, ne dépassant pas un total de 100 m2, et l'indication sur les plans de la distance à la forêt.

11.         Le 22 novembre 2021, reçu le 23 novembre 2021, en réponse à la demande du département, le MPQ a fait parvenir un projet modifié. Celui-ci, par rapport au projet initial, modifiait l'emplacement vélos par l'enlèvement de sa couverture et en s'éloignant légèrement, par rapport à la version autorisée en date du 31 août 2020, de la limite forestière.

Il ressortait du dossier explicatif accompagnant le projet modifié que, concernant le calcul des CDPI, ceux-ci totalisaient 98.04 m2 et comprenaient les surfaces suivantes :

-          balcon / terrasse : 19.55 m2 (7.00 m2 + 6.56 m2 + 5.99 m2) ;

-          surplomb de l'étage avec poteau ou mur (surface calculée au droit des poteaux porteurs, sans les claustras) : 54.13 m2 ;

-          avant-toit attique (surface d'avant toit sur la surface de l'attique) : 15.15 m2 ;

-          surface rampe couverte : 9.21 m2.

Il ressortait également des plans transmis, enregistrés le 23 novembre 2021 et visés ne varietur le 9 juin 2022, que la surface de la piscine, située à 2.59 m de la parcelle n° 12______, respectivement à 3.26 m de la parcelle n° 4______, totalisait 60.80 m2.

12.         Dans le cadre de l’instruction de la demande, les nouveaux préavis suivants ont été requis et obtenus :

-          DAC du 15 décembre 2021 : préavis favorable avec octroi d'une dérogation selon l'art. 59 al. 4 LCI ;

-          service des monuments et des sites (SMS) du 19 janvier 2022 : préavis défavorable, réitérant le préavis de la CMNS du 16 juin 2020 au vu de la présence d'éléments situés dans les 10 m de distance à la lisière forestière ;

-          OCT du 1er février 2022 : favorable sous condition que la hauteur libre dans la rampe d'accès du parking souterrain respecte les recommandations de la norme VSS 40 291a ;

-          CCDB du 4 février 2022 : favorable sous condition que la réalisation d'un parking extérieur se fasse en matériaux perméables et avec octroi d'une dérogation selon l'art. 11 al. 2 let. b et c LForêts ;

-          commune du 23 février 2022 : préavis défavorable. Le périmètre dans lequel se trouvait la parcelle litigieuse n'avait pas été défini comme étant approprié à une densifications accrue dans son plan directeur communal (ci-après : PDCom), en cours de révision. En outre, l'implantation du bâtiment se situait à moins de 20 m de la lisière forestière existante. Il n'était par ailleurs pas prévu de reconstituer, après les travaux, le cordon boisé situé actuellement sur la parcelle et longeant le chemin de L______, de sorte que le maintien et la prolongation des haies bocagères requis par la stratégie d'évolution de la zone 5 du PDCom n'était pas respecté. Enfin, la réalisation du projet augmenterait fortement l'imperméabilisation du terrain concerné ;

-          OCAN du 28 février 2022 : préavis favorable avec octroi d’une dérogation au sens de l’art. 11 al. 2 let. a et c LForêts et sous condition notamment de respecter les conditions émises dans son préavis liant favorable du 27 avril 2020.

13.         Le 9 juin 2022, le département a délivré l’autorisation de construire globale DD 10______, laquelle a été publiée dans la FAO du même jour.

La décision précisait que les conditions figurant dans les préavis et le préavis liant devaient être strictement respectées et faisaient partie intégrante de l'autorisation.

14.         Par courrier du même jour, le DT a informé la commune de la délivrance de cette autorisation de construire.

La densité prévue par le projet était conforme à l'art. 59 al. 4 let. a LCI. De plus, les préavis favorables rendus par la CA et le SPI attestaient de la compatibilité du projet avec le quartier. S'agissant de l'implantation du bâtiment à moins de 20 m de la lisère forestière, l'OCAN s'était déclaré favorable à une dérogation au sens de l'art. 11 al. 2 let. b et c LForêts, étant précisé que des mesures prévoyant de nouvelles plantations avaient été prises. Concernant les aspects d'écoulement des eaux, l'OCEau s'était également prononcé en faveur du projet. Pour le surplus, l'ensemble des autres instances de préavis consultées s'était déclaré favorable au projet, avec ou sans réserves.

15.         Par acte du 11 juillet 2022, les recourants, sous la plume de leur conseil, ont recouru contre cette autorisation auprès du tribunal, concluant préalablement à leur audition, à ce qu’un transport sur place soit ordonné, à ce qu’une expertise concernant les risques liés aux venues d’eau artésiennes, les nuisances résultant des installations communes, le risque de ruissellement/débordement de la piscine et les risques liés à la capacité hydraulique des canalisations soit ordonnée et à l’audition de la commune, principalement à l’annulation de la décision, sous suite de frais et dépens.

La décision violait la procédure d'enregistrement et l'art. 59 al. 4bis LCI. L'autorisation de construire initiale DD 10______ avait été annulée par le tribunal dans son jugement JTAPI/11______ du 9 juin 2021 et la cause renvoyée au département pour nouvelle instruction dans le sens des considérants. Le projet modifié, tel que redéposé le 22 novembre 2021, ne pouvait pas être enregistré, puis instruit sous le même identifiant et la même procédure que ceux de l'autorisation initiale qui avait été annulée. L'ouverture d'un nouveau dossier et d'une nouvelle procédure s'imposait, entrainant également l'application du nouveau régime de l'art. 59 al. 4bis LCI, entré en vigueur le 28 novembre 2020, selon lequel un préavis communal favorable était nécessaire. Vu le préavis défavorable de la commune du 23 février 2022, la délivrance de l'autorisation querellée était ainsi contraire à cette disposition.

La décision violait également les art. 59 al. 4 et 69 LCI et 3 al. 3 du règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI – L 5 05.01) s'agissant de la construction d'une piscine d'une surface de 75.56 m2. Cette surface n'avait été comptabilisée dans aucun des calculs de surface. Or, en tant que « construction annexe faisant corps avec le bâtiment principal » au sens de l'art. 29 RCI, celle-ci aurait dû être prise en considération dans le calcul du rapport des surfaces, avec pour conséquence que le projet litigieux dépassait le coefficient maximal dérogatoire de 48 %. En outre, située à 2,59 m de la parcelle n° 12______, respectivement à 3,26 m de la parcelle n° 4______, elle ne respectait pas les distances aux limites de propriété, telles que fixées à l'art. 69 LCI.

En tout état, une violation de l'art. 59 al. 4 LCI était à déplorer dans la mesure où la dérogation accordée n'était pas admissible. Sans prendre en compte la surface de la piscine, la SBP du projet litigieux correspondait déjà à 48 % de la surface de la parcelle. La réalisation du projet requérait ainsi l’octroi de la dérogation maximale admissible en zone 5 pour les parcelles inférieures à 5'000 m². La CA et le SPI avaient rendu un préavis favorable, réservant toutefois expressément l’avis de la commune, ce qui signifiait que ces instances n'avaient nullement procédé à l'examen de l'admissibilité du projet litigieux sous l'angle de l'échelle du territoire communal, lequel avait, en revanche, été mené de manière approfondie par la commune. Celle-ci n'avait pas inclus la parcelle litigieuse dans un périmètre identifié dans sa stratégie de densification accrue de la zone 5. La commune avait rendu un préavis défavorable, lequel revêtait, en l'espèce, une importance accrue. Le préavis communal aurait dès lors dû être suivi par l’autorité intimée. Cette conclusion était appuyée par la décision du DT de « geler » l’application de l’art. 59 al. 4 LCI depuis le 28 novembre 2019, par la modification législative entrée en force concernant cette disposition ainsi que par le fait que la commune comptait parmi les six communes regroupant 50% des logements créés sur cette base légale.

Par ailleurs, la parcelle litigieuse présentait des caractéristiques patrimoniales et environnementales justifiant une protection particulière et devant être prises en compte dans le cadre de l'examen de l'application de l'art. 59 al. 4 LCI. Les critères pris en compte par l'OCEN pour admettre que le projet était conforme au standard THPE ne correspondaient de surcroît pas aux nouvelles exigences, plus strictes, en force depuis le 1er janvier 2020 (art. 12C REn). Enfin, la déclivité du quartier aurait dû être prise en considération, le fait que le projet était situé entre 2 et 3 m au-dessus des parcelles situées au sud ayant pour effet que sa hauteur culminerait à plus de 10 m.

La construction engendrerait en outre des inconvénients graves au sens de l’art. 14 al. 1 LCI, à savoir une augmentation significative du trafic, une aggravation de la problématique actuelle de « parking sauvage » le long du chemin de L______, un risque élevé de venues d’eau artésiennes, des nuisances provenant des installations communes du projet et une insuffisance de la capacité hydraulique des canalisations. Enfin, elle violait la servitude de restriction au droit à bâtir qui grevait la parcelle litigieuse.

16.         M. J______ et K______ (ci-après : les intimés), sous la plume de leur conseil, ont répondu au recours le 12 septembre 2022, concluant, à la forme, à l’irrecevabilité du recours dans la mesure où il se fondait sur la LForêts, s’en rapportant à justice pour le surplus et, au fond, au déboutement des recourants et à la confirmation de l’autorisation, sous suite de frais et dépens. Ils s'opposaient aux mesures d'instruction demandées.

Concernant la qualité pour recourir des recourants, ces derniers n’expliquaient pas en quoi les violations alléguées à la LForêt seraient susceptibles d’avoir une incidence sur leur situation de fait ou de droit, ni en quoi ils auraient personnellement intérêt à l’annulation de l’autorisation : dans cette mesure, le recours devait être déclaré irrecevable.

Aucune problématique d'enregistrement n'était à déplorer. Le projet querellé était resté rigoureusement le même sous réserve des quelques rectifications requises par le tribunal. L'instruction et la présente procédure de recours ne portaient que sur le complément de l'autorisation de construire du 31 août 2020, délivré le 9 août 2022. Il s'imposait dès lors de conserver le même numéro de dossier DD 10______. L'instruction étant régie par l'ancien art. 59 al. 4 let. a LCI, le département était en droit de s'écarter du préavis de la commune.

La décision litigieuse ne violait pas les art. 59 al. 4 et 69 LCI et 3 al. 3 RCI s'agissant de la construction d'une piscine de 60,8 m2. La surface de celle-ci n'avait pas à être prise en compte dans le calcul des CDPI ou dans celui de la surface de plancher habitable. Pour les mêmes raisons, elle ne tombait pas sous le coup de l'art. 69 LCI.

La décision ne violait pas non plus l’art. 59 al. 4 LCI dans la mesure où le moratoire annoncé le 28 novembre 2019 ne s’appliquait pas à la DD 10______, la demande d’autorisation ayant été déposée avant cette date. C’était par ailleurs à juste titre que le département s’était écarté du préavis défavorable de la commune et avait suivi celui de la CA, préavis revêtant une importance déterminante et dont il ressortait que le projet s'intégrait parfaitement dans le contexte environnant. Enfin, la zone dans laquelle se situait la parcelle ne bénéficiait d’aucune protection particulière.

Les autres critiques formulées par les recourants fondées sur l'art. 14 al. 1 LCI - relatives à l’augmentation du trafic, au nombre de places de parking, au risque de venues d’eau artésiennes et aux risques liés aux canalisations, aux nuisances provenant des installations communes du projet et à la servitude de restriction du droit à bâtir - devaient être rejetées, les recourants n’ayant pas démontré un intérêt digne de protection à l’annulation de l’autorisation sur cette base.

17.         Le département a répondu au recours le 27 septembre 2022, concluant à son rejet et s’opposant aux mesures d’instruction demandées. Il a produit son dossier.

Il ne ressortait pas du jugement JTAPI/11______ qu'une nouvelle demande d'autorisation de construire aurait dû être déposée. Au contraire, le tribunal avait indiqué que la modification du projet justifiait une reprise de l'instruction. En outre, s'agissant de modifications mineures du projet global (léger retrait par rapport à la limite forestière de l'emplacement vélos, enlèvement de la couverture de ce dernier et agrandissement des seules portes des boxes), il ne se justifiait aucunement qu'une nouvelle demande d'autorisation, enregistrée sous un nouveau numéro, fut déposée. La demande d'autorisation DD 10______ ayant été déposée le 19 octobre 2019, l'art. 59 al. 4bis LCI n'était pas applicable. Par conséquent, un préavis favorable de la commune n'était pas exigé.

S'agissant de la construction d'une piscine, la décision ne violait pas les art. 59 al. 4 et 69 LCI et 3 al. 3 RCI. Les piscines n'étaient pas des CDPI et n'entraient pas dans le champ des surfaces brutes de plancher. Conformément à la jurisprudence récente, elles devaient être considérées comme des aménagements extérieurs. Dès lors, la surface de la piscine n'avait pas à être prise en compte dans le calcul des surfaces brutes de plancher et les distances aux limites telles qu'établies par l'art. 69 LCI ne s'appliquaient pas en l'espèce.

Concernant l’application de l’art. 59 al. 4 LCI, il ne pouvait lui être reproché d’avoir abusé ou excédé de son pouvoir d’appréciation en délivrant l’autorisation de construire : le projet entrait parfaitement dans le champ d’application de cette disposition, puisqu'il s'agissait de constructions sous forme d'habitat groupé, de très haute performance énergétique et prévoyant une surface de plancher habitable de 48%. Le standard THPE applicable était celui en vigueur avant le 1er janvier 2020. En outre, il n’avait aucunement à s’écarter du préavis de la CA au profit de celui de la commune, le préavis de la CA étant prépondérant selon la jurisprudence. Celle-ci avait consciencieusement examiné le dossier à l'échelle du quartier et avait notamment pris en compte les caractéristiques patrimoniales et environnementales de la parcelle, l'intégration de la construction dans le quartier ainsi que la déclivité des terrains. Dans la mesure où la parcelle ne se trouvait aucunement dans le périmètre protégé des rives du lac, il n'avait pas à appliquer par analogie les dispositions de la loi sur la protection générale des rives du lac du 4 décembre 1992 (LPRLac - L 4 10), en limitant, par exemple, la densité des constructions de manière analogue. Quant à l'examen du dossier à l'échelle communal, il avait été réalisé par le SPI, lequel avait rendu un préavis favorable. Enfin, la parcelle se situait dans une zone d’« utilisation diversifiée de la zone villa » que le plan directeur cantonal 2030 (ci-après : PDCn 2030) avait pour objectif de densifier.

Les griefs découlant d’une violation de l’art. 14 LCI devaient tous être rejetés. L’OCT avait attentivement examiné le projet et il apparaissait peu probable que les cinq logements supplémentaires prévus auraient à eux seuls une influence notable sur la fréquentation des routes. Les arguments avancés par les recourants sur la problématique du parking sauvage étaient un pur procès d’intention. Ces problématiques semblaient préexister au projet litigieux et être le fait des usagers du cycle d'orientation (« CO ») de L______, des écoles de pédagogie spécialisée (« ECPS ») L______ et M______ et de l'établissement public pour l'intégration, situés à proximité. Concernant le risque de venues d’eau artésiennes, le GESDEC avait posé une série de conditions dans son préavis, qui devait être respectées tout au long du chantier sous le contrôle d’un spécialiste, ce service ayant même indiqué qu’il pourrait exiger l’abandon du projet si des risques trop importants devaient se présenter. S'agissant des prétendues nuisances provenant des installations communes, celles-ci ne découlaient pas des installations elles-mêmes mais de leur utilisation : il s’agissait là de questions de bon voisinage. Ensuite, le terrain était équipé et les recourants ne prouvaient aucunement que l’état des canalisations et leur capacité n’étaient pas à même de supporter le branchement de la construction litigieuse ; la requérante était en outre tenue de vérifier les canalisations préalablement à leur branchement. Enfin, la question de la prétendue violation de la servitude de restriction de droit à bâtir relevant du droit civil n’avait pas à être traitée au niveau de l’autorisation de construire.

18.         Le 7 novembre 2022, les recourants ont répliqué, maintenant leurs arguments et leurs conclusions.

19.         Le 29 novembre 2022, les intimés ont dupliqué, maintenant leurs conclusions.

20.         Le département a également dupliqué le 2 décembre 2022, persistant dans ses conclusions.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la LCI (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             La recevabilité du recours suppose encore que ses auteurs disposent de la qualité pour recourir.

4.             La qualité pour recourir est reconnue à toute personne atteinte par la décision attaquée et qui dispose d’un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification (art. 60 let. b LPA).

Le recourant doit se trouver dans une relation spéciale, étroite et digne d’être prise en considération avec l’objet de la contestation et retirer un avantage pratique de l’annulation ou de la modification de la décision en cause, qui permette d’admettre qu’il est touché dans un intérêt personnel se distinguant nettement de l’intérêt général, de manière à exclure l’action populaire. Cet intérêt digne de protection ne doit pas nécessairement être de nature juridique, un intérêt de fait étant suffisant (ATF 144 I 43 consid. 2.1 ; 143 II 506 consid. 5.1 ; 137 II 30 consid. 2.2.3 et 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_206/2019 du 6 août 2019 consid. 3.1).

5.             En matière de droit des constructions, le voisin direct de la construction ou de l’installation litigieuse a en principe la qualité pour recourir (ATF 139 II 499 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_164/2019 du 20 janvier 2021 consid. 1).

La proximité avec l’objet du litige ne suffit cependant pas à elle seule à conférer au voisin la qualité pour recourir contre la délivrance d’une autorisation de construire. Les tiers doivent en outre retirer un avantage pratique de l’annulation ou de la modification de la décision contestée, qui permette d’admettre qu’ils sont touchés dans un intérêt personnel se distinguant nettement de l’intérêt général des autres habitants de la collectivité concernée (ATF 139 II 499 consid. 2.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_727/2016 du 17 juillet 2017 consid. 4.2.3 ; 1C_226/2016 du 28 juin 2017 consid. 1.1). Le recourant doit ainsi rendre vraisemblables les nuisances qu’il allègue et sur la réalisation desquelles il fonde une relation spéciale et étroite avec l’objet de la contestation (ATF 125 I 173 consid. 1b ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_469/2014 du 24 avril 2015 consid. 2.2 ; 1C_453/2014 du 23 février 2015 consid. 4.2 et 4.3).

6.             En l'espèce, les recourants sont propriétaires des parcelles directement voisines, respectivement à proximité immédiate de celle concernée par le projet litigieux. Ils font par ailleurs valoir des griefs liés au droit de la construction, étant précisé qu'aucun grief tiré de la LForêts n'a été invoqué par les recourants dans le cadre du présent recours. Leur qualité pour recourir contre l'autorisation de construire sera donc admise.

7.             À titre préliminaire, les recourants sollicitent la tenue d'un transport sur place, la mise en œuvre d'une expertise judiciaire, leur comparution personnelle ainsi que l'audition des représentants de la commune.

8.             Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend notamment le droit, pour l'intéressé, de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d'avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre. Toutefois, le juge peut renoncer à l'administration de certaines preuves offertes, lorsque le fait dont les parties veulent rapporter l'authenticité n'est pas important pour la solution du cas, lorsque les preuves résultent déjà de constatations versées au dossier ou lorsqu'il parvient à la conclusion qu'elles ne sont pas décisives pour la solution du litige ou qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_576/2021 du 1er avril 2021 consid. 3.1 ; 2C_946/2020 du 18 février 2021 consid. 3.1 ; 1C_355/2019 du 29 janvier 2020 consid. 3.1).

Ces principes s'appliquent notamment à la tenue d'une inspection locale, en l'absence d'une disposition cantonale qui imposerait une telle mesure d'instruction (ATF 120 Ib 224 consid. 2b ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_243/2013 du 27 septembre 2013 consid. 3.2.1 ; 1C 61/2011 du 4 mai 2011 consid. 3.1 ; ATA/720/2012 du 30 octobre 2012), ce qui n'est pas le cas à Genève.

Par ailleurs, le droit d'être entendu ne comprend pas le droit d'être entendu oralement (cf. not. art. 41 in fine LPA ; ATF 140 I 68 consid. 9.6.1 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_668/2020 du 22 janvier 2021 consid. 3.3 ; 2C_339/2020 du 5 janvier 2021 consid. 4.2.2), ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 130 II 425 consid. 2.1; arrêts du Tribunal fédéral 2C_725/2019 du 12 septembre 2019 consid. 4.1 ; 2C_1004/2018 du 11 juin 2019 consid. 5.2.1).

9.             En l'espèce, les parties ont pu s’exprimer à plusieurs reprises par écrit durant l’instruction de la procédure et le dossier contient dès lors les éléments utiles et nécessaires permettant au tribunal de trancher le litige, de sorte qu'il n'y a pas lieu de donner suite à la demande de comparution personnelle des parties et d’audition des représentants de la commune, ni à la demande de transport sur place.

En ce qui concerne la demande d’expertise, elle n’a pas non plus lieu d’être vu l’issue du litige.

10.         Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu’elle viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire, l’égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_107/2016 du 28 juillet 2016 consid. 9).

11.         Commet un excès positif de son pouvoir d'appréciation l'autorité qui exerce son appréciation alors que la loi l'exclut, ou qui, au lieu de choisir entre les deux solutions possibles, en adopte une troisième. Il y a également excès du pouvoir d'appréciation dans le cas où l'excès de pouvoir est négatif, soit lorsque l'autorité considère être liée, alors que la loi l'autorise à statuer selon son appréciation, ou qu'elle renonce d'emblée, en tout ou partie, à exercer son pouvoir d'appréciation (ATF 137 V 71 consid. 5.1 ; 116 V 307 consid. 2 et les références citées ; arrêts du Tribunal fédéral 5A_472/2016 du 14 février 2017 consid. 5.1.2 ; 1C_263/2013 du 14 mai 2013 consid. 3.1), par exemple en appliquant des solutions trop schématiques ne tenant pas compte des particularités des cas d'espèce, que l'octroi du pouvoir d'appréciation avait justement pour but de prendre en considération ; on peut alors estimer qu'en refusant d'appliquer les critères de décision prévus explicitement ou implicitement par la loi, l'autorité viole directement celle-ci (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 514 p. 179).

12.         Les recourants invoquent une violation de la procédure d'enregistrement et se prévalent de l'art. 59 al. 4bis LCI, estimant qu'une nouvelle demande d'autorisation de construire aurait dû être déposée et que, dans ce cadre, un préavis favorable de la commune était nécessaire.

13.         Selon l'art. 22 al. 2 let. a de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700), une autorisation de construire est délivrée si la construction ou l'installation est conforme à l'affectation de la zone.

14.         La 5ème zone genevoise est une zone résidentielle destinée aux villas (art. 19 al. 3 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30)).

15.         Les al. 1, 4 et 5 de l'art. 59 LCI ont été modifiés le 1er octobre 2020 ; par ailleurs des al. 3bis, 4bis, 4ter ont été introduits à la même date. Ces modifications sont entrées en vigueur le 28 novembre 2020.

16.         L'art. 59 al. 4 LCI règle les rapports des surfaces en zone villas (5ème zone).

Depuis le 28 novembre 2020, l'art. 59 al. 4bis LCI précise que « dans les communes qui n'ont pas défini de périmètres de densification accrue dans leur plan directeur communal, lorsque les circonstances le justifient et que cette mesure est compatible avec le caractère, l'harmonie et l'aménagement du quartier, le département peut accorder des dérogations conformes aux pourcentages et aux conditions de l'alinéa 4, lettres a et b. Pour toutes les demandes d'autorisation de construire déposées avant le 1er janvier 2023 un préavis communal favorable est nécessaire ».

Quand bien même elle n'est pas textuellement repris à l'art. 156 al. 5 LCI, l'intention du législateur était que toutes les nouvelles dispositions soient applicables seulement pour les demandes d'autorisation déposées après le 28 novembre 2020, ce que la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a eu l'occasion de constater (ATA/439/2021 du 20 avril 2021 consid. 5, confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 1C_315/2021 du 22 mars 2022).

17.         En l’espèce, la demande d’autorisation de construire litigieuse a été déposée le 19 octobre 2019. Le fait que l'autorisation de construire entreprise ait été délivrée après le 28 novembre 2020 ne change rien quant au droit applicable. Contrairement à ce que font valoir les recourants, il ne ressort pas du jugement du tribunal JTAPI/11______ que la demande litigieuse aurait dû être traitée dans le cadre d'une nouvelle procédure ouverte par le DT, le tribunal s'étant limité à renvoyer le dossier à ce dernier pour nouvelle instruction au sens des considérants. L'actuel art. 59 al. 4bis LCI n'est pas applicable à l'autorisation querellée. Partant, un préavis favorable de la commune n’était pas indispensable.

18.         Les recourants estiment que la surface de la piscine aurait dû être prise en considération dans le calcul du rapport des surfaces, avec pour conséquence que le projet litigieux dépasserait le coefficient maximal dérogatoire de 48 %. En outre, située à 2,59 m de la parcelle n° 12______, respectivement à 3,26 m de la parcelle n° 4______, elle ne respectait pas les distances aux limites de propriété.

Il convient ainsi d’examiner si c’est à bon droit que le département n’a pas tenu compte de la surface de la piscine dans le calcul des SBP ou des CDPI.

19.         L'art. 59 al. 1 LCI porte sur le rapport de surface en cinquième zone à bâtir. Le rapport de 25 % peut être porté à 27,5 % lorsque la construction est conforme à un standard de HPE, respectivement à 30 % lorsqu'elle est conforme à un standard de très haute performance énergétique, reconnue comme telle par le service compétent.

Par surface de plancher prise en considération dans le calcul du rapport des surfaces, il faut entendre la SBP de la totalité de la construction hors sol (art. 59 al. 2 LCI).

A teneur de l'art. 59 al. 3 LCI, lorsque les circonstances le justifient et que cette mesure est compatible avec le caractère, l’harmonie et l’aménagement du quartier, le département peut renoncer à prendre en considération dans le calcul du rapport des surfaces, la surface de plancher des combles dont la hauteur est inférieure à 1,8 m (let. a), des combles de peu d’importance, indépendamment du vide d’étages (let. b), des garages de dimensions modestes, lorsque ceux-ci font partie intégrante du bâtiment principal (let. c) et des serres, jardins d’hiver ou constructions analogues en matériaux légers et de dimensions modestes (let. d).

L'art. 59 al. 4 let. a LCI prévoit que lorsque les circonstances le justifient et que cette mesure est compatible avec le caractère, l'harmonie et l'aménagement du quartier, le département peut autoriser, après consultation de la commune et de la CA, un projet de construction en ordre contigu ou sous forme d'habitat groupé dont la surface de plancher habitable n'excède pas 40% de la surface du terrain, 44% lorsque la construction est conforme à un standard de haute performance énergétique, 48% lorsque la construction est conforme à un standard de très haute performance énergétique, reconnue comme telle par le service compétent.

Les CDPI ne sont pas prises en considération pour le calcul du rapport des surfaces (art. 59 al. 7 LCI).

20.         Selon l'art. 29 RCI, la surface des constructions, selon l'article 59 LCI, comprend les constructions annexes faisant corps avec le bâtiment principal, à l’exclusion de celles qui seraient admises comme CDPI.

21.         Selon l'art. 3 al. 3 RCI, sont réputées CDPI, à la condition qu'elles ne servent ni à l'habitation, ni à l'exercice d'une activité commerciale, industrielle ou artisanale, celles dont la surface n'excède pas 50 m2 et qui s'inscrivent dans un gabarit limité par :

a) une ligne verticale dont la hauteur n'excède pas 2,50 m ;

b) une ligne oblique faisant avec l'horizontale partant du sommet de la ligne verticale un angle de 30°;

c) une ligne horizontale de faîtage située à 4,50 m du sol au maximum.

La même disposition prévoit encore que dans le cadre d'un projet de construction en ordre contigu ou sous forme d'habitat groupé, et afin d'améliorer l'insertion dans le site et pour autant qu'il n'en résulte pas de gêne pour le voisinage, le département peut autoriser, après consultation de la commission d'architecture, des CDPI groupées d'une surface de plus de 50 m2 au total. Dans tous les cas, la surface totale des CDPI ne doit pas excéder 8% de la surface de la parcelle et au maximum 100 m2.

22.         Selon l’art. 69 al. 1 LCI, lorsqu’une construction n’est pas édifiée à la limite de propriétés privées, la distance entre cette construction et la limite doit être au moins égale à la hauteur du gabarit diminuée de 1 m (D H - 1).

Sous réserve des dispositions des articles 67 et 68, la distance entre une construction et une limite de propriété ne peut être en aucun cas inférieure à 5 m (D  5) (art. 69 al. 2 LCI).

Les distances entre constructions et limites de propriétés ou entre deux constructions doivent être également appliquées aux angles de ces constructions (art. 69 al. 3 LCI).

23.         La directive LCI n° 021-v7 donne, par le biais de schémas, des précisions sur la manière de calculer la SBP. Elle se calcule au nu de façade, sans déduire les embrasures de fenêtres. Il n'est pas fait mention de la surface habitable et/ou chauffée, ni des vides d'étage. Sous réserve des surfaces définies à l'art. 59 al. 3 LCI, les constructions annexes définies à l'art. 29 RCI ainsi que toute SBP qui est nécessaire à l'accessibilité des locaux d'habitation telle que les circulations verticales et horizontales, chauffées ou non (coursive, ascenseur, sas d'entrée vitré ou non) sont à prendre en compte.

24.         D'après la jurisprudence, afin d'assurer l'application uniforme de certaines dispositions légales, l'administration peut expliciter l'interprétation qu'elle leur donne dans des directives. Toutefois, celles-ci n'ont pas force de loi et ne lient ni les administrés, ni les tribunaux, ni même l'administration. Elles ne dispensent pas cette dernière de se prononcer à la lumière des circonstances du cas d'espèce (ATF 145 II 2 consid. 4.3). Par ailleurs, elles ne peuvent sortir du cadre fixé par la norme supérieure qu'elles sont censées concrétiser. En d'autres termes, à défaut de lacune, elles ne peuvent prévoir autre chose que ce qui découle de la législation ou de la jurisprudence (ATF 141 II 338 consid. 6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_522/2012 du 28 décembre 2012 consid. 2.3).

25.         La chambre administrative a déjà été amenée à considérer les piscines – pour autant que leur surface n’excède pas 50 m2 – comme des CDPI (ATA/1345/2015 du 15 décembre 2015 consid. 5, confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 1C_55/2016 du 3 mars 2016 consid. 3.2).

En revanche, selon la jurisprudence, il découle de la définition de l’art. 3 al. 3 RCI que la conséquence du dépassement de ces seuils sera que les constructions concernées ne pourront pas être considérées comme des CDPI (arrêt du Tribunal fédéral 1C_641/2012 du 30 avril 2013 consid. 3.3 ; ATA/129/2023 du 7 février 2023 consid. 4d).

En effet, dans un arrêt du 30 avril 2013, le Tribunal fédéral a confirmé qu’une piscine de 55 m2 ne pouvait être autorisée par le biais de la procédure accélérée prévue pour les CDPI à l’art. 3 al. 7 LCI (arrêt 1C_641/2012 consid. 3.3.).

Dans un arrêt du 8 juin 2021, la chambre administrative a laissé la question de la qualification de CDPI d’une piscine de 30 m2 ouverte, celle-ci étant sans incidence sur la solution du litige (ATA/612/2021 consid. 5e). Dans un arrêt du 9 août 2022, elle a précisé qu’une piscine préexistante de 55 m2 ne pouvait être qualifiée de CDPI, d’une part parce que sa surface dépassait les 50 m2 et d’autre part parce qu’elle ne constituait pas une construction selon la définition donnée à l’art. 3 al. 3 RCI pour les CDPI (ATA/791/2022 consid. 4, lequel fait actuellement l'objet d'un recours au Tribunal fédéral). Enfin, dans un arrêt récent du 7 février 2023, elle a retenu qu'une piscine précédemment autorisée de 63,6 m2 ne pouvait être prise en compte à titre de CDPI « car [ce raisonnement] n’est pas conforme à l’art. 3 al. 3 RCI qui définit comme CDPI, des objets de 50 m2 maximum », ce qui signifie, a contrario, qu'une piscine de surface inférieure pourrait constituer une CDPI, la question de savoir si elle devrait être prise en compte au titre de SBP pouvant rester indécise dans la mesure où elle avait été autorisée et modifiée par des autorisations de construire entrées en force (ATA/129/2023 du 7 février 2023 consid. 4f).

Le tribunal de céans a également précisé qu'une piscine, en tant qu'objet soumis à autorisation de construire, ne peut, de manière générale, être décrite que comme une CDPI si elle respecte les conditions fixées par l'art. 3 al. 3 RCI, ou sinon comme une construction soumise à la procédure d'autorisation ordinaire. Le fait qu'elle se situe en cinquième zone a certes pour conséquence qu'en dérogation avec ce qui précède, une piscine peut dans tous les cas être autorisée par voie de procédure accélérée (art. 3 al. 7 let. a LCI – à condition de ne nécessiter aucune dérogation), mais cela n'a cependant aucun rapport avec sa qualification en tant qu'éventuelle CDPI, en particulier sous l'angle du calcul du rapport de surfaces prévu par l'art. 59 LCI. Plus particulièrement, cette disposition, en fixant des rapports de surfaces maximum exprimés en m² de plancher, contraint l'autorité intimée à vérifier le respect de ces surfaces, tout en lui donnant la faculté de renoncer à prendre en considération certaines constructions spécifiques (art. 59 al. 3 LCI), de même que les CDPI (art. 59 al. 7 LCI). À défaut de bénéficier d'une telle « exonération », les constructions présentes ou prévues sur une parcelle située en cinquième zone doivent, par application a contrario de l'art. 59 LCI, être prises en considération dans la surface de plancher maximum autorisée (JTAPI/377/2022 du 13 avril 2022 consid. 14).

26.         Au vu de l'ensemble de ces éléments, le tribunal considère qu'il doit être retenu que, quand les piscines n'entrent pas dans la notion de CDPI telle que définie par l’art. 3 al. 3 RCI, soit en particulier lorsque leur surface dépasse la limite fixée à 50 m2, elles doivent être prises en considération dans le calcul de la SBP autorisée.

27.         En l'espèce, c'est donc à tort que le département n’a pas pris en compte dans le calcul de la SBP la surface de la piscine, celle-ci ne pouvant pas être considérée comme une CDPI au vu de sa surface supérieure à 50 m2.

Selon l'extrait de la mensuration officielle et du registre foncier, le terrain qui accueillera la future construction s'étend sur une surface de 1'802 m2. La SBP habitable – non contestée – totalise 864.71 m2. S'agissant de la piscine, il ressort des plans visés ne varietur le 9 juin 2022 que sa surface totalise 60.80 m2 et non pas 75.56 m2, contrairement à ce qu'avancent les recourants. En additionnant la surface de la piscine à la SBP, on parvient à une surface totale de la SBP de 925.51 m2, correspondant à un taux de 51.36 %, lequel dépasse ainsi le coefficient maximal dérogatoire de 48 %. Partant, l’autorisation de construire doit être annulée pour ce motif.

En outre, il ressort clairement de l'extrait du plan cadastral enregistré le 23 novembre 2021 et visé ne varietur le 9 juin 2022 que la piscine querellée, qui est une construction, située à 2.59 m de la parcelle n° 12______, respectivement à 3.26 m de la parcelle n° 4______, dépasse la distance légale aux limites de propriété, ce qui n'est pas admissible. Partant, l'autorisation de construire doit être annulée pour ce motif également.

28.         Le recours sera admis et l’autorisation de construire annulée. Vu cette conclusion, nul n’est besoin d’examiner les autres griefs présentés.

29.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), M. J______ et K______, pris conjointement et solidairement, qui succombent, sont condamnés au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 900.-. Les recourants, qui obtiennent gain de cause, sont exonérés de tout émolument, leur avance de frais de CHF 900.- leur sera restituée.

30.         Vu l'issue du litige, une indemnité de procédure de CHF 3'000.-, à la charge conjointe et solidaire de M. J______ et K______, sera allouée aux recourants (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 11 juillet 2022 par Mesdames A______, B______, C______, D______ et E______ et Messieurs F______, G______, H______ et I______ contre la décision du territoire du 9 juin 2022 ;

2.             l'admet ;

3.             met à la charge conjointe et solidaire de Monsieur J______ et K______, un émolument de CHF 900.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             ordonne la restitution aux recourants de leur avance de frais de CHF 900.- ;

5.             condamne conjointement et solidairement Monsieur J______ et K______ à verser aux recourants une indemnité de procédure de CHF 3'000.- ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Sophie CORNIOLEY BERGER, présidente, Bénédicte MONTANT et Aurèle MULLER, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière