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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3378/2021

ATA/129/2023 du 07.02.2023 sur JTAPI/640/2022 ( LCI ) , REJETE

Descripteurs : AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ET DROIT PUBLIC DES CONSTRUCTIONS;CONSTRUCTION ET INSTALLATION;TRAVAUX SOUMIS À AUTORISATION;PERMIS DE CONSTRUIRE;SURFACE
Normes : RCI.3.al3
Résumé : Admission partielle d’un recours déposé contre un jugement du Tribunal administratif de première instance annulant une autorisation de construire portant sur la régularisation d’un couvert à bateau, un couvert existant et l’extension d’un pool house. Dans son calcul portant sur la surface totale des constructions de peu d’importance (CDPI) de la parcelle, le TAPI a pris en compte, à tort, une piscine autorisée au préalable, d’une surface de 63,6 m2, pour arriver à la conclusion que le maximum prévu par l’art. 3 al. 3 RCI était déjà dépassé sur la parcelle, ne permettant pas d’autoriser l’extension du pool house projetée. Or, l’art. 3 al. 3 RCI définit les CDPI notamment par une surface maximale de 50 m2, laquelle est dépassée par la piscine qui ne peut donc être considérée comme une CDPI pour ce motif déjà. Renvoi de la cause au TAPI pour examen des autres griefs soulevés.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3378/2021-LCI ATA/129/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 7 février 2023

3ème section

 

dans la cause

 

M. A______
représenté par Me François Bellanger, avocat

contre

B______ & Cie
représentée par Me Pascal Aeby, avocat

C______ SA
représentée par Me Christian de Preux, avocat

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE - OAC

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 16 juin 2022 (JTAPI/640/2022)


EN FAIT

1) M. A______ est devenu propriétaire de la parcelle n° 2'131 de la commune de D______ en 2017. Cette parcelle est située au bord du lac, en zone 5, à l’adresse ______, route E______.

À teneur du registre foncier, la parcelle de 4'603 m2, abrite une habitation à un logement de 394 m2, un garage de 85 m2, et deux autres bâtiments de 67 m2 et 9 m2.

2) M. A______ a déposé le 21 décembre 2017 auprès du département du territoire (ci-après : le département) une demande d'autorisation portant sur la « rénovation - transformation d'une habitation - piscine - création d'un pool house », enregistrée sous DD 1______. Selon les plans, la piscine existante, d’une surface de 76,45 m2 de forme libre était modifiée en un bassin rectangulaire de 63,21 m2. Le projet portait aussi sur la transformation d’un pool house, sur le réaménagement de l’intérieur de la demeure et la création d’une terrasse au premier étage de la façade côté lac.

Par courrier non daté reçu par le département le 19 juin 2018, le mandataire du projet a annoncé diverses modifications de ce dernier, soit notamment la réduction de la surface du pool-house à 37 m2 et le rehaussement du mur en limite de propriété d'environ 20 cm afin de supprimer la vue directe. La hauteur du mur était portée à 1,8 m.

Le 22 juin 2018, la direction des autorisations de construire (ci-après : DAC) a demandé une modification du projet concernant des panneaux solaires et a noté que les constructions de peu d’importance (ci-après : CDPI) correspondaient au couvert à bateau (16 m2), à un autre couvert existant (47 m2) et au pool-house projeté (37 m2), ce qui représentait un total de 100 m2. Ce récapitulatif se terminait par la mention manuscrite « Tout autre bâti sur la parcelle = SBP) ».

L'autorisation DD 1______ a été délivrée le 10 octobre 2018 et n'a fait l'objet d'aucun recours.

3) M. A______ a déposé le 18 décembre 2019 une demande d'autorisation complémentaire portant sur la « rénovation – transformation d'une habitation + piscine – création d'un pool-house – modifications des avant-toits, de la piscine et de murs intérieurs », enregistrée sous DD 1______/2.

Selon le descriptif du projet établi le 19 juillet 2019 par le mandataire, la demande complémentaire concernait la diminution de l'avant-toit de la façade est, le redimensionnement de la piscine à 63,60 m2, l'ajout d'un local technique enterré et d'un bassin tampon sous la terrasse de la piscine, et enfin la modification de quelques murs intérieurs. Ces modifications mineures n'affectaient pas les surfaces d'habitation et des CDPI déclarées dans la demande définitive d'origine. Selon le plan de toiture et aménagements extérieurs du 18 décembre 2019, la surface du pool-house demeurait inchangée à 37,04 m2.

L'autorisation DD 1______/2 a été délivrée le 18 décembre 2019 et n'a fait l'objet d'aucun recours.

4) a. Le 14 juillet 2020, C______ SA, propriétaire de la parcelle n° 1'542 adjacente à la parcelle n° 2'131, soit pour elle les époux F______, ont dénoncé au département avoir constaté des travaux en cours, non conformes aux autorisation délivrées, sur la parcelle de leur voisin.

b. Par courriel du 3 septembre 2020 adressé au mandataire responsable du chantier sur la parcelle n° 2'131, le chef du service de l'inspection de la construction et des chantiers du département, faisant suite à une visite sur place effectuée le jour même, a notamment relevé différents points d’infraction en lien avec les travaux en cours. Il convenait dès lors de fournir une autorisation de construire validant les constructions telles que réalisées.

Compte tenu des constatations faites sur le couvert existant et le couvert à bateau, la surface cumulée des CDPI existantes était d'environ 85 m2. Il ne resterait alors sur la parcelle qu'un solde de CDPI ne permettant pas de construire le
pool-house.

5) Le 17 décembre 2020 s'est tenue dans les locaux du département une séance réunissant notamment M. A______ et ses architectes. Un procès-verbal en a été établi par ces derniers comportant trois sections : détermination de l'infraction, proposition de régularisation et présentation des modifications complémentaires non liées à l'infraction.

6) Le 13 janvier 2021, M. A______ a déposé une demande d'autorisation de construire complémentaires ayant pour objet « rénovation - transformation d'une habitation - piscine - création d'un pool-house » qui a été enregistrée sous DD 1______/3.

Le descriptif du projet de régularisation indiquait que les objets concernés par l’infraction étaient les CDPI, à savoir : le couvert à bateau, le couvert existant et le pool-house. Les surfaces brutes de plancher (ci-après : SBP) n’étaient pas concernées par le constat d’infraction mais le projet contenait également quelques modifications complémentaires qui étaient en cours d’élaboration lors du constat. Le couvert à bateau, d’une surface de toiture de 42,14 m2 et dont la surface à prendre en compte en tant que CDPI était de 31,18 m2 (après déduction de la surface d’avant-toit jusqu’à 150 cm de profondeur) était conservé et sa modification n’était pas envisagée. Il s’agissait d’une construction autorisée en 1962 (autorisation no A4319).

Le couvert existant d’une surface de 54,15 m2 ne serait pas conservé à l’exception de la façade côté lac qui apparaissait sur l’autorisation no D 2______ du 19 octobre 1993, qui constituait un garde-corps et serait conservé pour des raisons de sécurité.

Le pool-house en cours de construction avait été autorisé par la DD 1______/1 et la demande complémentaire portait sur la modification de la façade de part et d’autre de la baie vitrée de manière à intégrer deux surfaces de rangement dont les portes toute hauteur seraient invisibles car le revêtement serait celui de la façade bois du pool-house. L’emprise de la façade avait été réduite de 15 cm de manière à avoir un avant-toit d’une profondeur de 150 cm. Avec ces modifications, le pool-house comptait une surface brute de 49,98 m2.

Le total des CDPI était donc de 81,16 m2.

Une pergola végétale était prévue dans l’emprise du couvert existant.

Une construction existante en sous-sol du couvert existant, soit une dépendance chauffage figurant sur l’autorisation no 3______ de 1970 serait conservée comme telle.

7) Les instances consultées ont préavisé favorablement le projet. Parmi elles, l'office cantonal de l'eau le 10 mars 2021 et l'office cantonal de l'agriculture et de la nature, soit pour elle, la commission consultative de la diversité biologique/
sous-commission de la flore le 27 mai 2021 qui se sont déclarés respectivement favorables à une dérogation au sens des art. 15 de la loi sur les eaux et 36a de la loi fédérale sur la protection des eaux du 24 janvier 1991 (LEaux - RS 814.20), ainsi qu'à une dérogation au sens de l'art. 13 de la loi sur la protection générale des rives du lac du 4 décembre 1992 (LPRLac - L 4 10).

La DAC a préavisé favorablement le projet le 24 juin 2021. Les surfaces de CDPI étaient récapitulées : le couvert à bateau (24,7 m2), le sous-sol lié au couvert bateau (25,8 m2) et le pool-house (49,9 m2) [recte : 48,9], soit un total de 94,4 m2 avec un renvoi aux copies du plan A-201 « plage et sous-sol ».

8) Le 3 septembre 2021, le département a délivré à M. A______ l'autorisation de construire DD 1______/3 en reprenant les conditions posées par les instances de préavis.

9) Par acte du 1er octobre 2021, B______ & Cie (ci-après : B______), société en commandite, propriétaire de la parcelle voisine no 2'130, a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre l’autorisation de construire DD 1______/3. Ce recours a été enregistré sous le n° de procédure A/3378/2021.

Il faisait valoir un transfert de droit à bâtir qui avait été octroyé entre deux des trois parcelles qui constituaient aujourd’hui les parcelles nos 2'131 et 2'130 le 3 avril 2007 afin de pouvoir bâtir une villa autorisée par DD 4______ délivrée le 11 avril 2007. L'autorisation DD 1______/3 délivrée à M. A______ faisait état de SBP variant entre 1'203,70 m2 et 1'210,20 m2. Or, la parcelle n° 2'131 ne disposait que d'une surface de 4'114 m2 utilisables pour le calcul de la SBP, compte tenu de la restriction de droit à bâtir dont elle faisait l'objet. Par conséquent, l'autorisation DD 1______/3 violait les droits à bâtir dont disposait la parcelle n° 2'131.

10) Par acte du 1er octobre 2021, la C______ SA (ci-après : la C______), propriétaire de la parcelle voisine no 1'542, a également recouru auprès du TAPI contre l'autorisation DD 1______/3. Préalablement, elle concluait à ce que le TAPI ordonne un transport sur place ainsi qu'une expertise à confier à un géomètre afin de mesurer les dimensions des constructions, ainsi que du mur de séparation. Ce recours a été enregistré sous le n° de procédure A/3379/2021.

Il convenait d'ajouter aux CDPI la surface du sous-jardin d'hiver (10,40 m2), celle de l'office-rez (21,80 m2), celle du couvert d'entrée (14,90 m2) et enfin celle du garage (88,20 m2), soit une surface supplémentaire de 135,30 m2. En outre, les mesures annoncées sur les plans de la demande d'autorisation étaient erronées, comme cela découlait des constatations faites sur place par le chef du service de l'inspection de la construction et des chantiers en septembre 2020. La surface réelle du couvert à bateau s'élevait à 35,96 m2 et celle du pool-house à 59,61 m2. Ainsi, la surface maximum de 50 m2 par CDPI était dépassée par le pool-house et la surface maximum de 100 m2 pour la totalité des CDPI le serait également.

L'autorisation querellée autorisait une SBP de 1'203,70 m2, alors que le taux de 20 % de la surface de la parcelle n'autorisait au maximum qu'une SBP de 920.60 m2.

Le pool-house créait des « vues droites illégales » sur la parcelle n° 1'542, était érigé illégalement à moins de 5 m de la limite de propriété et constituait un réaménagement du niveau du terrain.

La pergola prévue se situerait à l'intérieur de la distance inconstructible par rapport à la rive du lac. La nouvelle piscine se situait elle aussi à l'intérieur de la distance inconstructible.

11) Par écritures séparées du 22 décembre 2021, le département a répondu aux deux recours.

S'agissant des arguments de B______, la villa justifiant l'engagement pris par l'ancien propriétaire des parcelles n° 397, 506 et 507 n'avait jamais été réalisée et l'autorisation y relative était ainsi devenue caduque. De plus, la question de la validité de l'engagement précité pouvait rester indécise. En effet, l'autorisation litigieuse concernait des constructions à qualifier de CDPI et ne modifiait aucunement les rapports de surface.

S'agissant des arguments de la C______, le calcul des surfaces des CDPI contenu dans le préavis de la DAC du 24 juin 2021 devait être repris. Quant à la manière de comptabiliser la surface du pool-house, la configuration particulière de sa toiture, qui s'ouvrait en diagonale le long des locaux de rangement, permettait de considérer qu'une profondeur de 1,5 m de la toiture pouvait être déduite. C'était donc bien une surface de seulement 48,9 m2 qui devait être prise en compte. Des déductions similaires pouvaient être effectuées sur le couvert à bateau. Ainsi, la surface totale des trois constructions considérées comme CDPI atteignait 94,4 m2.

Il n'y avait pas de violation des dispositions légales relatives aux SBP car l'autorisation litigieuse n'entraînait aucune modification de la surface habitable.

12) Par écritures séparées du 22 décembre 2021, M. A______ a répondu aux deux recours, concluant à leur rejet.

13) Après un second échange d’écritures et le dépôt d’une réplique spontanée de la C______, le TAPI a le 16 juin 2022, après avoir joint les recours sous le no de procédure A/3378/2021, déclaré irrecevable celui déposé par B______ et admis celui déposé par la C______, annulant l’autorisation DD 1______/3.

La cession de droit à bâtir invoquée par B______ était antérieure à l’autorisation litigieuse, en conséquence elle n’en était pas la cause et ne pouvait entraîner aucun préjudice. B______ n’avait donc pas d’intérêt digne de protection à obtenir l’annulation de l’autorisation. Partant, son recours était irrecevable.

Contrairement à l’avis du département, la piscine devait être prise en compte dans le total des CDPI. Celles autorisées par les DD 1______/1 et 1______/2 dépassaient déjà la limite de 100 m2 fixée par le règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI -L 5 05.01) et il n’existait plus aucune possibilité d’extension supplémentaire pour le pool-house. L’autorisation devait être annulée pour ce motif.

Le grief de dépassement de la SBP était mal fondé, l’autorisation n’ajoutant aucune SBP supplémentaire sur la parcelle.

S’agissant des vues droites illégales, de la situation du pool-house en limite de propriété ainsi que le réaménagement du terrain, ces faits découlaient des autorisations antérieures devenues définitives. Si le pool-house était une CDPI, il pourrait être érigé jusqu’à la limite de propriété. Cependant le constat de son illégalité dans sa version prévue par l’autorisation querellée rendait un tel examen inutile.

La situation de la pergola projetée et de la piscine existante à l’intérieur d’une zone inconstructible ne serait pas examinée pour les mêmes raisons et pour la piscine, celle-ci avait été autorisée antérieurement. Il n’était pas possible de remettre en cause cette autorisation entrée en force par le biais du recours contre l’autorisation litigieuse.

14) Le 18 août 2022, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement du TAPI en concluant à son annulation et au rétablissement de l’autorisation de construire DD 1______/3. Subsidiairement, il a conclu au renvoi de la cause au TAPI pour examen des griefs de la C______ non examinés. Il concluait également au versement d’une indemnité de procédure.

Lors de la première demande d’autorisation de construire DD 1______/1, la piscine existante disposait d’une surface de 76,45 m2. La piscine actuelle avait déjà été autorisée dans son principe et son implantation par cette même autorisation et légalement modifiée quant à sa surface de 63,60 m2 au lieu de 63,21 m2 dans l’autorisation complémentaire DD 1______/2. La piscine ainsi autorisée n’avait pas été modifiée dans la demande d’autorisation DD 1______/3, objet du litige, laquelle portait également sur la régularisation de construction découlant d’une procédure d’infraction enregistrée sous le no 5______.

Le TAPI avait erré parce que la piscine ne répondait en aucun cas aux conditions pour être considérée comme une CDPI. Quoi qu’il en soit, une nouvelle jurisprudence du TAPI qui considérerait toutes les piscines comme des CDPI ne serait pas applicable au cas d’espèce en raison de l’applicabilité du droit dans le temps et du principe de la force de chose décidée. Une application rétroactive de cette jurisprudence s’apparenterait à un changement de pratique consacrant une inégalité de traitement.

15) Le 21 septembre 2022, le département a déposé ses observations, concluant à l’admission du recours ainsi qu’à l’annulation du jugement du TAPI.

La jurisprudence considérait qu’une piscine ne constituait pas une CDPI et ce, à plus forte raison lorsque sa surface était supérieure à 50 m2. Ce constat suffisait à admettre le grief du recourant.

16) Le 22 septembre 2022, B______ a déposé des observations, concluant au rejet du recours.

17) Le 21 octobre 2022, la C______ a déposé des observations, concluant au rejet du recours.

Elle sollicitait la suspension de la procédure jusqu’à droit connu sur la demande de reconsidération des autorisations de construire DD 1______/1 et DD 1______/2 qu’elle avait formée le 29 juillet 2022 auprès du département au motif que les surfaces annoncées par l’ancien mandataire de M. A______, pour l’obtention des deux premières autorisations de construire étaient erronées. Une plainte pénale avait été déposée pour ces faits. Par décision du 23 septembre 2022, le département avait rejeté les demandes de reconsidération. Un recours avait été déposé.

Un transport sur place devait être organisé ainsi qu’une expertise judiciaire à réaliser par un géomètre officiel, pour mesurer la piscine incluant les zones techniques et le bassin tampon, le couvert à bateau, le nouveau pool-house en cours de construction, la dépendance-chauffage située en sous-sol du couvert existant, la hauteur du mur mitoyen à différents endroits et le niveau du terrain naturel à différents endroits de la parcelle.

En outre, la piscine existante n’avait jamais été autorisée et celle autorisée était d’une surface totale de 87,49 m2 compte tenu des zones techniques et du bassin tampon adjacent.

C’était à juste titre que le TAPI avait pris en compte au titre de CDPI la piscine d’une surface de 87,49 m2. Il n’y avait pas de changement de jurisprudence à ce sujet.

18) Le 27 octobre 2022, B______ a soutenu la demande de suspension.

19) Le 28 octobre 2022, le département s’est opposé à la demande de suspension.

20) Le 23 novembre 2022, le recourant a répliqué.

L’argumentation de la C______ s’agissant de faux plans qui auraient fondé les autorisations antérieures était invraisemblable et ne ressortait pas des pièces. La SI essayait de remettre en cause des autorisations en force et ses griefs étaient tardifs.

La demande de suspension était infondée et la C______ ne subirait aucun dommage en cas de renvoi au TAPI de la présente procédure.

Pour le surplus, il reprenait son argumentation.

21) Le 25 novembre 2022, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger sur la demande de suspension et sur le fond.

 

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) La SI sollicite la suspension de la procédure jusqu’à droit jugé sur sa demande de reconsidération du 29 juillet 2022 des autorisations de construire DD 1______/1 et DD 1______/2 en raison d’une infraction pénale de faux dans les titres qu’aurait commise le précédent mandataire du recourant.

a. Lorsque le sort d'une procédure administrative dépend de la solution d'une question de nature civile, pénale ou administrative relevant de la compétence d'une autre autorité et faisant l'objet d'une procédure pendante devant ladite autorité, la suspension de la procédure administrative peut, le cas échéant, être prononcée jusqu'à droit connu sur ces questions (art. 14 al. 1 LPA). L'art. 14 LPA est une norme potestative et son texte clair ne prévoit pas la suspension systématique de la procédure chaque fois qu'une autorité civile, pénale ou administrative est parallèlement saisie (ATA/1493/2019 du 8 octobre 2019 consid. 3b et l'arrêt cité).

b. En l’espèce, l’infraction alléguée n’est constatée par aucun jugement ou ordonnance pénale et la demande de reconsidération a été rejetée par le département. Surtout, vu l’issue du litige, aucun préjudice ne sera subi par la C______ du fait de l’absence de suspension de la présente cause.

Il n’y a donc pas lieu de suspendre la présente procédure.

3) La C______ intimée a conclu à des mesures d’instruction, à savoir la tenue d’un transport sur place ainsi qu’à une expertise portant sur différentes mesures à faire sur la parcelle concernée par l’autorisation litigieuse.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit ne s'étend qu'aux éléments pertinents pour l'issue du litige et n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

b. En l'espèce, vu la nature de la question litigieuse, par appréciation anticipée de preuve, il apparaît que les différentes mesures d’instructions sollicitées ne sont ni utiles ni nécessaires à la solution du litige, comme cela ressort des considérants qui suivent. Notamment, s’agissant d’une autorisation visant à la régularisation de travaux déjà partiellement effectués en infraction des autorisations délivrées, la prise de mesures par un géomètre apparaît inutile, les infractions ayant déjà été constatées et les éléments déjà construits devant, le cas échéant, être remis en état conformément à l’autorisation litigieuse.

Il ne sera donc pas donné suite aux demandes d’actes d’instruction de la C______ intimée.

4) Le litige concerne une autorisation de construire DD 1______/3 visant à régulariser une situation suite à un constat d’infraction no 5______. Dite autorisation a été annulée par le TAPI au seul motif qu’elle serait contraire à l’art. 3 al. 3 RCI, compte tenu des CDPI déjà présentes sur la parcelle qui ne permettaient pas d’autoriser encore le pool-house projeté.

a. La loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) ne contient aucune définition des CDPI mais elles sont mentionnées dans la LCI, notamment à l’art. 3 al.7 let. c LCI qui prévoit qu’elles peuvent être soumises à la procédure accélérée d’autorisation de construire ; à l’art. 43 LCI pour indiquer qu’elles peuvent être édifiée en limite de propriété ou à une distance inférieure à celle prévue pour les distances aux limites de propriétés, dans les conditions fixées par le règlement d’application (même principe à l’art. 68 pour la zone 5 et à l’art. 81 al. 2 LCI pour les zones industrielles, artisanales ou ferroviaires) ; dans la définition de constructions en ordre contigu : est réputée en ordre contigu, l’édification de deux maisons au moins, réunies par un mur mitoyen ou par une CDPI et disposant chacune de son propre accès de plain-pied (art. 58 al. 2 LCI) ; en zone 5, dans la disposition qui fixe les différents rapports de surfaces des constructions hors sol, la LCI prévoit que les CDPI ne sont pas prises en considération pour ce calcul (art. 59 al. 7 LCI) mais en principe dans celui du calcul du rapport des surfaces de sous-sol (art. 59 al. 8 LCI), le département pouvant toutefois admettre une surface de sous-sol non comprise dans le calcul du rapport des surfaces, si la construction de garages au sous-sol permet de renoncer à l’édification de CDPI à destination de garages en surface (art. 59 al. 9 LCI).

En revanche, la LCI définit des constructions dites « de très peu d’importance » à son art. 1 al. 4 et 5 LCI pour prévoir qu’elles ne sont pas soumises à autorisation, sous réserve des dispositions sur la protection du patrimoine, et pour les définir comme étant a) les cabanes amovibles de dimension modeste, soit de l'ordre de 5 m2 au sol et 2 m de hauteur ; b) les pergolas non couvertes ; c) les antennes paraboliques dont le diamètre n'excède pas 90 cm pour les installations individuelles et 130 cm pour les installations collectives ; d) en cinquième zone, la création de jours inclinés en toiture d’une surface totale inférieure à 1 m2.

b. La définition des CDPI se trouve dans le règlement d’application à l’art. 3 al. 3 RCI qui indique que sont réputées CDPI, à la condition qu'elles ne servent ni à l'habitation, ni à l'exercice d'une activité commerciale, industrielle ou artisanale, celles dont la surface n'excède pas 50 m2 et qui s'inscrivent dans un gabarit limité par : a) une ligne verticale dont la hauteur n'excède pas 2,50 m ; b) une ligne oblique faisant avec l'horizontale partant du sommet de la ligne verticale un angle de 30° ; c) une ligne horizontale de faîtage située à 4,50 m du sol au maximum. Dans le cadre d'un projet de construction en ordre contigu ou sous forme d'habitat groupé, et afin d'améliorer l'insertion dans le site et pour autant qu'il n'en résulte pas de gêne pour le voisinage, le département peut autoriser, après consultation de la commission d'architecture, des constructions de peu d'importance groupées d'une surface de plus de 50 m2 au total. Dans tous les cas, la surface totale des CDPI ne doit pas excéder 8 % de la surface de la parcelle et au maximum 100 m2.

c. Les CDPI font l’objet d’une directive du département du 3 février 2014, modifiée d’abord le 10 mars 2017 sous le numéro 024-v5, puis le 9 mars 2021 sous le numéro 024-v7 (ci-après : la directive). Cette dernière version comporte quelques ajouts issus de la jurisprudence (ATA/805/2020 du 25 août 2020 ; ATA/1300/2019 du 27 août 2019 consid. 4e et les arrêts cités : pour le calcul relatif aux balcons/terrasses), mais ne change pas le contenu de la version antérieure.

Cette disposition a été précisée dans une directive LCI 024-v7 du 3 février 2014 (version modifiée en dernier lieu le 9 mars 2021 – ci-après : la directive) laquelle tend à préciser « le type de construction concernée, la manière de calculer les surfaces, la manière de calculer la hauteur et la manière de prendre en compte les avant-toits, marquises, balcons, terrasses ». S’agissant des types de construction considérée comme CDPI, la directive cite les garages, ateliers non professionnel, couverts à voitures, couverts de plaisance, couverts à bois, abris ou cabanes de jardin, pool-house. Elle précise également que les constructions de très peu d’importance au sens de l’art. 1 al. 3 LCI ne sont pas à prendre en compte au titre de CDPI, ainsi que les jardins d’hiver au sens de l’art. 59 al. 3 LCI et les pergolas.

La chambre de céans se fonde, de jurisprudence constante, sur la directive pour déterminer les surfaces à prendre en compte à ce titre (ATA/93/2021 du 26 janvier 2021 consid. 9d et 10 ; ATA/1104/2020 du 3 novembre 2020 consid. 3d et 4). D'après la jurisprudence, afin d'assurer l'application uniforme de certaines dispositions légales, l'administration peut expliciter l'interprétation qu'elle leur donne dans des directives. Toutefois, celles-ci n'ont pas force de loi et ne lient ni les administrés, ni les tribunaux, ni même l'administration. Elles ne dispensent pas cette dernière de se prononcer à la lumière des circonstances du cas d'espèce (ATF 145 II 2 consid. 4.3). Par ailleurs, elles ne peuvent sortir du cadre fixé par la norme supérieure qu'elles sont censées concrétiser. En d'autres termes, à défaut de lacune, elles ne peuvent prévoir autre chose que ce qui découle de la législation ou de la jurisprudence (ATF 141 II 338 consid. 6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_522/2012 du 28 décembre 2012 consid. 2.3).

d. La chambre administrative a déjà précisé dans un arrêt concernant une autorisation de construire portant sur des travaux de transformation, rénovation et agrandissement d’un villa, l’installation de sondes géothermiques, la construction d’une piscine et l’abattage d’arbres, que pour pouvoir être reconnue comme CDPI et bénéficier des avantages qui en résultent, comme formulé par le Tribunal fédéral (arrêt du Tribunal fédéral 1C_641/2012 du 30 avril 2013 consid. 3.3.), une construction doit notamment respecter une limite de surface fixée à 50 m2. À cela l’art. 3 al. 3 RCI ajoute un seuil pour la surface totale des CDPI qui est de 8 % de la surface de la parcelle et au maximum 100 m2. La chambre de céans a déjà été amenée à considérer les piscines – pour autant que leur surface n’excède pas 50 m2 – comme des CDPI (ATA/1345/2015 consid. 4c).

Il découle de la définition de l’art. 3 al. 3 RCI que la conséquence du dépassement de ces seuils sera que les constructions concernées ne pourront pas être considérées comme des CDPI, comme l’a constaté le Tribunal fédéral dans l’arrêt précité, et dans lequel il a confirmé qu’une piscine de 55 m2 ne pouvait être autorisée par le biais de la procédure accélérée prévue pour les CDPI à l’art. 3 al. 7 LCI.

Il faut encore préciser, s’agissant des conséquences de la qualification de CDPI d’une construction, qu’en zone 5, l’art. 59 LCI fixe les limites de densité en prévoyant différents rapports de surfaces (hors-sol et en sous-sol), en fonction des caractéristiques du projet et de la parcelle, allant de 25 % à 60 %, s’agissant des surfaces hors-sol (art. 59 al. 1 et 4 LCI ; ATA/862/2021 du 24 août 2021 consid. 3). S’agissant de ce rapport de surface maximal, la loi prévoit, pour les CDPI, que les constructions répondant à cette définition ne devront pas être pris en compte pour calculer cette limite de densité (art. 59 al. 7 LCI). Le RCI précise encore que la surface des constructions comprend celles annexes faisant corps avec le bâtiment principal, à l’exclusion de celles qui seraient admises comme constructions de peu d’importance (art. 29 RCI). Ainsi, il appert que les CDPI pourront être érigées en plus de la surface maximale des constructions hors-sol autorisées par les limites de densité fixées à l’art. 59 LCI. Ceci représentant le second avantage lié à la qualification de CDPI d’une construction.

À noter qu’à la limite de densité de l’art. 59 al. 1 et 4 LCI, s’ajoute une autre limite, depuis l’adoption de l’art. 59 al. 3bis LCI le 28 novembre 2020 qui prévoit l’obligation de conserver une surface en pleine terre, dénuée de toute construction en surface ou en sous-sol et non revêtue, de la parcelle ou du groupe de parcelles considérées par le demande d’autorisation de construire.

e. Dans un arrêt du 9 août 2022, la chambre de céans a précisé qu’une piscine préexistante sur une parcelle ne pouvait être qualifiée de CDPI, d’une part parce que sa surface dépassait les 50 m2 et d’autre part parce qu’elle ne constituait pas une construction selon la définition donnée à l’art. 3 al. 3 pour les CDPI (ATA/791/2022 consid. 4). Dans un autre arrêt, la chambre de céans a laissé la question de la qualification de CDPI d’une piscine de 30 m2 ouverte, celle-ci étant sans incidence sur la solution du litige (ATA/612/2021 du 8 juin 2021 consid. 5e).

f. En l’espèce, il appert que le raisonnement du TAPI fait dans le jugement dont est recours, incluant la piscine précédemment autorisée de 63,6 m2, dans le total des CDPI ne peut être suivi car il n’est pas conforme à l’art. 3 al. 3 RCI qui définit comme CDPI, des objets de 50 m2 maximum, sauf dans les cas de projets d’habitat groupé ou en ordre contigu, ce qui n’est pas le cas ici.

Le raisonnement suivi par le TAPI est également contraire à la jurisprudence développée en la matière par la chambre de céans et par le TAPI lui-même. Ainsi, dans un autre jugement plus récent du 14 décembre 2022, le TAPI a confirmé l’avis du département pour retenir qu’un support pour piscine hors sol de 30 m2, constitué d’une structure ossature bois et d’un plancher en bois affleurant le terrain, ne constituait pas une CDPI, s’agissant d’un aménagement extérieur au sol, non couvert et sans émergence (JTAPI/1383/2022). Le TAPI a également déjà été amené à confirmer une autorisation de construire sur recours, approuvant notamment le calcul du total des CDPI auquel avait procédé le département, lequel ne prenait pas en compte une piscine de 55 m2 préexistante (JTAPI/1214/2021 du 1er décembre 2021 confirmé par ATA/791/2022 précité).

Il découle de ce qui précède que la piscine de 63,60 m2 ne constitue pas une CDPI et ne peut être prise en compte à ce titre dans l’examen du total des CDPI. La question de savoir si elle devrait être prise en compte au titre de SBP peut rester indécise ici dans la mesure où elle a été autorisée par la DD 1______/1 et modifiée par la DD 1______/2 toutes deux entrées en force. De plus, dans cette hypothèse, il faudrait encore tenir compte du fait que sa surface est inférieure à celle de l’ancienne piscine qui mesurait 76,45 m2.

En conséquence, l’annulation de l’autorisation de construire faite par le TAPI, au motif que la surface maximale des CDPI serait déjà atteinte et même dépassée dans le cadre des autorisations antérieures et qu’il n’existe plus aucune possibilité d’extension supplémentaire pour le pool-house, ne peut être confirmée, de sorte que le recours doit être admis.

5) Le TAPI n’ayant pas examiné tous les griefs soulevés à l’égard de l’autorisation de construire, notamment s’agissant de l’emplacement du pool-house à la limite de propriété et de l’édification de la pergola, la cause lui sera renvoyée pour instruction complémentaire et nouveau jugement, afin de préserver le double degré de juridiction et de permettre à la chambre administrative d’exercer sa fonction de contrôle (art. 69 al. 3 LPA).

6) Vu l’issue du litige, un émolument réduit de CHF 1'000.- sera mis à la charge solidaire des intimées qui succombent (art. 87 al. 1 LPA) et une indemnité de procédure réduite de CHF 1'000.-, à la charge solidaire des intimées, sera allouée à la recourante qui l’a sollicitée et qui est représentée par un conseil, (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 18 août 2022 par M. A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 16 juin 2022 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 16 juin 2022 ;

retourne la cause au Tribunal administratif de première instance pour éventuel complément d’instruction et nouvelle décision ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge solidaire de C______ SA et B______ & Cie ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à M. A______, à la charge solidaire de C______ SA et B______ & Cie ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me François Bellanger, avocat du recourant, à Me Pascal Aeby, avocat de B______ & Cie, à Me Christian de Preux, avocat de C______ SA, au département du territoire - OAC ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mmes Krauskopf et Lauber, juges.

 

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :