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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3129/2021

JTAPI/1300/2022 du 29.11.2022 ( LDTR ) , REJETE

Descripteurs : TRAVAUX DE CONSTRUCTION;RÉNOVATION D'IMMEUBLE;ÉGALITÉ DE TRAITEMENT
Normes : LDTR.12; Cst.8
En fait
En droit
Par ces motifs

République et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3129/2021 LDTR

JTAPI/1300/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 29 novembre 2022

 

dans la cause

 

A______, représentée par Me Corinne NERFIN, avocate, avec élection de domicile

 

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE

 


EN FAIT

1.             A______ (ci-après : la propriétaire) est propriétaire de l’immeuble sis sur la parcelle n° 1______ de la Commune de B______ (ci-après : la commune), à l’adresse rue du C______ 2______, lequel comprend notamment un appartement de quatre pièces et demie, d’une surface d’environ 93 m2, situé au 4ème étage.

2.             Par requête enregistrée par le département du territoire (ci-après : DT ou le département) le 21 mai 2021, la propriétaire a sollicité, par le biais de son mandataire D______ SA (ci-après : la régie), la délivrance d’une autorisation de construire en procédure accélérée portant sur la rénovation de l’appartement précité.

Plusieurs documents étaient joints à cette demande, notamment :

-          le formulaire D12 « APA - rénovation/transformation d’un appartement destiné à la location », à teneur duquel les travaux, dont le coût total estimé se montait à CHF 139'447.- toutes taxes comprises, consistaient en : la réfection des peintures dans tous le logement (CHF 27'500.-), la rénovation des carrelages et des faïences dans la cuisine, la salle de bain et les toilettes (CHF 16'512.-), la mise en conformité des installations électriques (CHF 11'000.-), la pose d’un nouvel agencement de cuisine (CHF 23'000.-), la rénovation des installations sanitaires (CHF 20'000.-), la réfection des menuiseries et divers réglages (CHF 14'324.-), la fourniture et la pose d’un nouveau parquet y compris diverses réparations (CHF 8'788.-), le nettoyage de fin de chantier (CHF 800.-), l’expertise relatives aux substances dangereuses (CHF 919.-), la dépose et la repose des radiateurs et la fourniture de vannes thermostatiques (CHF 4'604.-) et enfin les divers et imprévus (CHF 12'000.-). Le loyer actuel net, qui se montait à CHF 19'632.- l’an, soit CHF 4'908.- la pièce l’an, demeurerait inchangé après travaux ;

-          des documents à teneur desquels la dernière locataire de cet appartement l’avait occupé de juillet 1993 à mai 2021.

3.             Dans le cadre de l’instruction de cette demande, enregistrée sous le n° APA  2______, diverses instances de préavis ont été consultées et la propriétaire a soumis des versions modifiées du projet. Ainsi :

-          Le service LDTR de l’office cantonal du logement et de la planification foncière (ci-après : OCLPF), a requis la modification du projet, par préavis du 28 mai 2021. Le projet de changement de typologie pourrait être accepté, pour autant que la chambre transformée en salon puisse être utilisée comme une pièce habitable distincte, de sorte qu’elle devait être dotée d’un système de fermeture.

Cette instance s’est ensuite prononcée favorablement sous conditions, par préavis du 16 juillet 2021. Après transformation, le logement concerné comprendrait cinq pièces et le loyer ne devrait pas excéder son niveau actuel de CHF 19'632.- par an, soit CHF 3'926.- la pièce l’an, pour une durée de cinq ans à dater de la remise en location après la fin des travaux ;

-          Le 1er juin 2021, la police du feu a émis un préavis favorable sous conditions ;

-          Après avoir requis la production de pièces complémentaires dans son préavis du 2 juin 2021 puis la modification du projet par préavis du 14 juillet 2021, le service des monuments et des sites (ci-après : SMS) a émis, le 6 août 2021, un préavis favorable s’agissant d’une « intervention d’ordre mineur, de travaux d’entretien et d’une amélioration du confort des locaux sanitaires », sous condition du maintien et de la restauration soignée des éléments caractéristiques et dignes d’intérêt, tels que les boiseries, les parquets anciens, les plafonds avec corniches moulurées, la cheminée, les portes et les armoires à panneaux ainsi que la porte palière ;

-          Suite au préavis du 2 juillet 2021, par le biais duquel elle a requis la production de pièces complémentaires, la direction des autorisations de construire (ci-après : DAC) s’est prononcée favorablement sans observations le 28 juillet 2021.

4.             Par décision du 11 août 2021, se référant à la version du projet du 27 juillet 2021, le DT a délivré l’APA 2______, qui a été publiée dans la feuille d’avis officielle du même jour.

Les conditions figurant dans les préavis du service LDTR du 16 juillet 2021, du SMS du 6 août 2021 et de la police du feu du 1er juin 2021 devraient être strictement respectées et faisaient partie intégrante de l’autorisation, étant précisé que les réserves qui y figuraient primaient les plans visés ne varietur.

5.             Par courriel du 18 août 2021, la régie a informé l’OCLPF qu’elle s’opposait à la durée de cinq ans de contrôle du loyer prévue dans cette décision. Le loyer devait être bloqué durant trois ans seulement, dès lors qu’il s’agissait d’une rénovation standard, comme l’avait d’ailleurs retenu le SMS.

6.             Par courriel du 7 septembre 2021, l’OCLPF a répondu à la régie que les travaux concernés consistaient en un changement de typologie manifeste. Sa pratique était de fixer une durée de contrôle de cinq ans, au regard de l’ampleur des travaux concernés, et les termes utilisés par le SMS n’étaient pas en lien avec la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi) du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20).

7.             Par acte du 14 septembre 2021, la propriétaire, représentée par la régie, a interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) contre la décision APA 2______ concluant à son annulation en tant qu’elle ordonnait un contrôle du loyer durant cinq ans et à ce que cette durée soit fixée à trois ans dès la remise en location après la fin des travaux, sous suite de frais et dépens.

L’autorité intimée avait violé l’art. 12 LDTR et excédé son pouvoir d’appréciation. La suppression de la cuisine existante pour y constituer une chambre et le déplacement de la cuisine et de ses agencements dans l’alcôve, afin d’améliorer la viabilité du logement, ne constituaient pas une transformation lourde. Ces travaux ne concernaient qu’un seul logement de l’immeuble, sans abattage de cloisons et seuls les murs – non porteurs - de l’alcôve, maintenue sur requête du SMS, seraient partiellement détruits afin d’offrir davantage de luminosité à la future cuisine. En outre, ce déplacement serait peu impactant puisque les raccords sanitaires et électriques pourraient être tirés depuis la gaine technique qui alimentait actuellement la salle de bain limitrophe à l’alcôve. La configuration des autres pièces ne serait pas modifiée et les autres travaux entrepris étaient des travaux de rénovation classique. Les installations électriques seraient remises aux normes pour des raisons de sécurité et le parquet serait conservé, respectivement ajouté, dans l’ancienne cuisine. Les moulures aux murs seraient entretenues et conservées, tout comme l’installation de chauffage. Les menuiseries intérieures et la serrurerie seraient révisées. Les armoires seraient doublées par l’intérieur mais conservées en totalité, y compris leurs portes d’époque et leurs poignées, et la porte palière serait mise aux normes avec conservation du panneau extérieur, jugé digne d’intérêt par le SMS. L’aspect parfaitement standard de ces travaux avait d’ailleurs conduit le service précité à retenir qu’il ne s’agissait pas d’une transformation lourde. Le premier préavis du service LDTR ne prévoyait en outre pas de durée de blocage du loyer supérieure à trois ans, alors même que le plan qui lui avait été soumis faisait déjà état de la réalisation de la cuisine à la place de l’alcôve. En conclusion, la simple permutation de la cuisine, d’une chambre à l’alcôve, et la création d’un système de fermeture du salon requis par le service LDTR ne sauraient être assimilées à un changement de typologie de l’appartement ni à une transformation lourde, de sorte qu’un blocage du loyer durant cinq ans apparaissait disproportionné.

Une violation du principe d’égalité de traitement était également à déplorer au regard du sort réservé par le DT à des travaux d’importance analogue dans d’autres immeubles lui appartenant.

8.             Par complément au recours du 1er octobre 2021, la recourante, désormais représentée par un conseil, a persisté dans ses conclusions.

Conformément aux documents annexés, durant la procédure A/3______ relative à la demande d’APA 4______ déposée en juin 2016, le DT avait admis que la rénovation d’un appartement de quatre pièces de 63 m2 pour un coût estimé à CHF 66'840.- sans modification du montant annuel du loyer initial après travaux, ne constituait pas une transformation lourde. Deuxièmement, elle s’était vue délivrer, en mai 2015, l’APA 5______, qui prévoyait un contrôle du loyer durant trois ans, dans le cadre de la rénovation d’un appartement de six pièces de 103 m2, pour un coût estimé à CHF 117'448.-, moyennant des travaux équivalents à ceux concernés par la décision querellée. Troisièmement, elle avait obtenu, le 17 novembre 2020, l’APA 6______ s’agissant de la rénovation d’un appartement de cinq pièces et demie similaire au cas d’espèce et prévoyant un contrôle du loyer de trois ans. Enfin, elle avait été autorisée à procéder, le 15  décembre 2020, par le biais de l’APA 7______, à la transformation et la rénovation d’un appartement de six pièces et demie, soit l’installation d’une cuisine dans une alcôve avec une modification mineure des cloisonnements, avec un blocage du loyer pendant trois ans. Partant, rien ne justifiait de soumettre le loyer du logement concerné à un contrôle supérieur à trois ans.

9.             Dans ses observations du 2 décembre 2021, le DT a conclu au rejet du recours, sous suite de frais.

Aucune violation de l’art. 12 LDTR n’était à déplorer. Les nombreux travaux visaient à transformer de manière importante la typologie de l’appartement et l’affectation des pièces. L’alcôve devant accueillir la cuisine ne disposait ni d’un système d’aération, ni des divers réseaux nécessaires (électricité, arrivée d’eau chaude et d’eau froide, écoulements pour l’évacuation et ventilation mécanique) et une augmentation de la puissance électrique ainsi que des travaux sur les gaines de ventilation seraient nécessaires. De plus, le remplacement d’une pièce sèche par une pièce humide - et vice versa - exigeait un travail à nu des surfaces, les revêtements actuels devant être enlevés, tandis que les gaines de réseaux existantes dans la cuisine devraient être évacuées. La salle de bain et les toilettes seraient par ailleurs refaites et des cloisons seraient également transformées. Ainsi, hormis l’une des chambres, toutes les autres pièces subiraient des travaux, de sorte que l’envergure des interventions au regard du nombre de pièces s’avérait très importante et les coûts beaucoup plus importants que ceux découlant d’une simple rénovation de l’existant. En outre, sa position respectait la lettre, l’esprit et le but de l’art. 12 LDTR, qui était d’éviter des travaux lourds si des travaux moins importants étaient réalisables, afin de limiter leur coût et leur potentiel impact sur les loyers afin que ceux-ci demeurent le plus abordables possible.

Un traitement différencié entre l’autorisation litigieuse et les cas invoqués par la recourante était justifié. Les APA 4______ et 5______ portaient sur des travaux moins importants justifiant une période de contrôle de trois ans, soit la suppression de cloisons autour de la cuisine pour un coût deux fois moins important, respectivement des travaux beaucoup moins conséquents que dans la présente autorisation admis à hauteur de CHF 31'267.-, soit près de quatre fois moins que dans le cas d’espèce, pour un appartement de plus de six pièces. Quant aux APA  6______ et 7______, c’était par mégarde que l’OCLPF avait fixé, dans ses préavis, la période de contrôle à trois ans au lieu de cinq ans, de sorte que la recourante ne pouvait s’en prévaloir. Dans un arrêt illustrant sa réelle pratique et s’appliquant par analogie au cas d’espèce (ATA/260/2014 du 15 avril 2014), la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) avait confirmé un contrôle des loyers durant cinq ans en lien avec des travaux de CHF 58'379.- correspondant à un montant de CHF 14'594.75 par pièce, avec l’abattage de trois cloisons pour créer un salon spacieux en faisant disparaître une chambre et un hall, la pose de deux nouvelles portes, la démolition et la reconstruction de corniches et de plafonds et la refonte des espaces, des cloisons, des appareils, des équipements et du réseau des sanitaires ainsi que le changement complet du réseau électrique.

10.         Par réplique du 3 janvier 2022, la recourante a persisté dans ses conclusions, sous la plume de son conseil.

Elle n’avait pas pour but de rentabiliser au maximum ses immeubles mais de les rénover au fur et à mesure afin d’assurer un rendement juste et raisonnable, lequel lui permettait d’exercer sa mission de prévention de l’exclusion sociale. Ainsi, il lui était indispensable de pouvoir valoriser ce logement après un contrôle de trois ans. Les postes les plus importants des travaux de rénovation et de transformation, soit la réfection des peintures dans tout le logement, la rénovation du carrelage et des faïences de la cuisine, de la salle de bain et des toilettes, la pose d’un nouvel agencement de cuisine et la rénovation des installations sanitaires démontraient que son but n’était pas de changer le standing ou la typologie du logement mais de le remettre aux normes actuelles et d’augmenter son habitabilité, dans l’intérêt public. Sous réserve du déplacement de la cuisine, qui mobilisait une pièce entière côté cour et impliquerait l’enlèvement d’un mobilier de cuisine vétuste, le déplacement des alimentations, des colonnes de chutes et des éléments nécessaires à la construction d’une nouvelle cuisine et le remplacement des sols en carrelage par du parquet, aucun changement important n’était relevé. Les travaux prévus étaient usuels et n’avaient rien de particulièrement coûteux ou luxueux et la différence avec une simple rénovation de l’existant se chiffrait à peine à plus de CHF 20'000.-, tout en permettant la création d’une chambre supplémentaire et d’un espace « nuit » avec toutes les chambres du même côté. Le coût des travaux - directement proportionné à la surface et au nombre de pièces et non à leur importance - n’était in casu pas un critère suffisant, celui-ci se trouvant en tout état dans la ligne des travaux usuels effectués régulièrement par ses soins dans le cadre de rénovations. Ainsi, le coût des travaux prévus dans l’APA 6______, soit CHF 225'971.- pour un appartement de cinq pièces et demie, était cohérent avec les coûts du présent cas, tout comme celui prévu dans l’APA 7______, soit CHF 230'226.- pour un logement de six pièces, avec un déplacement de la cuisine et l’agrandissement de la salle de bain.

Prétendre que les APA 6______ et 7______ lui avaient été accordées par erreur était contraire aux principes de la sécurité du droit et de la bonne foi. La jurisprudence citée par le DT concernait des faits différents du présent cas, soit une régie et un propriétaire qui avaient violé la loi et les interdictions du DT à plusieurs reprises et s’étaient vus opposer, en échange du droit de conserver les travaux illicites, un contrôle du loyer durant cinq ans, de sorte que cet arrêt ne pouvait être considéré comme illustrant la pratique du département. Si ce dernier entendait changer sa pratique et imposer un contrôle des loyers de cinq ans en cas de déplacement d’une cuisine, il aurait dû l’en informer en amont, conformément au principe de la confiance, étant rappelé qu’aucun des préavis ne faisait état de problèmes liés à des travaux trop coûteux ou à une modification de la typologie de l’appartement.

11.         Par duplique du 3 février 2022, le DT a persisté dans ses conclusions.

L’explication de la recourante selon laquelle les travaux concernés étaient classiques sous réserve du déplacement de la cuisine impliquait qu’elle reconnaissait qu’une partie des travaux n’était pas ordinaire. Le coût des travaux n’était effectivement pas le seul critère d’appréciation à prendre en compte, dès lors que le nombre, la nature et l’impact de ceux-ci étaient également importants, étant relevé que la quantité et l’impact des travaux détaillés par ses soins n’avaient, in casu, pas été contestés.

12.         Par courrier du 2 juin 2022, la recourante s’est enquise de l’avancement de la procédure.

13.         Par pli du 22 juin 2022, le tribunal a imparti au DT un délai au 14 juillet 2022 pour produire la liste des APA délivrées par ses soins entre novembre 2020 et fin août 2021, dans le cadre desquelles un contrôle du loyer de cinq ans avait été fixé en raison de la présence de transformations lourdes au sens de l’art. 12 LDTR.

14.         Faisant suite à cette requête, le DT a produit, le 14 juillet 2022, copie des APA  8______, 9______, 10______, 11______, 12______, 13______, 14______ et 15______ ainsi que le permis de construire, le dernier préavis de l’OCLPF et un document résumant le coût des travaux pour chacune de ces autorisations, dont le contenu sera repris dans la partie « En droit » ci-après, en tant que de besoin.

Tout en persistant dans ses conclusions, le département a précisé que l’ensemble des cas précités confirmait la pratique exposée par ses soins dans ses écritures précédentes et démontrait que des travaux moins coûteux que ceux litigieux, notamment eu égard au coût total des travaux par nombre de pièces, avaient été soumis à une période de contrôle du loyer de cinq ans.

15.         Dans le délai imparti par le tribunal pour se déterminer s’agissant de ces pièces, la recourante a persisté dans ses conclusions.

Sous réserve de l’APA 16______, dans le cadre de laquelle un blocage de loyer durant cinq ans n’était pas justifié et aurait dû être contesté par le propriétaire concerné, aucune situation n’était comparable au présent cas. En effet, l’APA  9______, relative à la séparation d’un triplex de dix pièces en deux appartements de six pièces et un duplex de cinq pièces avec notamment la destruction d’un escalier reliant les deux appartements et la destruction des salles d’eau et de la cuisine, concernait effectivement des travaux qui pouvaient être considérés comme lourds et justifiaient un blocage des loyers durant cinq ans. L’APA 11______, qui portait sur la transformation d’un bureau en deux appartements, impliquait un changement d’affectation et donc une modification structurelle importante justifiant un blocage du loyer durant cinq ans. Quant à l’APA 12______ (transformation et rénovation d’un appartement impliquant la démolition et le piquage d’anciennes faïences et de carrelage, la modification des entrées de deux appartements, le montage d’un muret WC suspendu et courettes ainsi que la pose de nouvelles conduites alimentation et appareils sanitaires), il était difficile de se prononcer sur la légalité du blocage du loyer durant cinq ans compte tenu de l’absence d’informations suffisantes sur les conditions de déplacement de la cuisine. Il en allait de même s’agissant de l’APA 13______ (transformation et rénovation d’un appartement impliquant notamment la démolition et le rebâtissage des murs, la pose d’un nouveau carrelage et le remplacement de la porte palière visant la création d’une pièce supplémentaire dans l’appartement). L’APA 14______ prévoyait à juste titre un contrôle du loyer de cinq ans, au vu de la transformation et la rénovation d’un appartement en deux studios, même si les travaux n’étaient pas particulièrement conséquents (CHF  25'000.- de travaux de démolition et de démontage de parois). Enfin, dans l’APA 15______ (transformation et rénovation d’un appartement comprenant la démolition et d’importants travaux de plâtrerie de CHF 20'000.- pour la création d’une pièce supplémentaire), le blocage des loyers durant cinq ans se justifiait vraisemblablement au vu des travaux effectués auparavant sans autorisation.

16.         Faisant suite au délai imparti par le tribunal pour apporter tout élément utile en lien avec la dernière écriture de la recourante, le DT a persisté dans ses conclusions, par écriture du 19 août 2022.

À teneur des trois plans annexés, les travaux projetés dans l’APA 9______ n’étaient pas plus lourds que dans le présent cas. Quant à l’APA 16______, à propos de laquelle la recourante admettait la similitude avec son propre cas, le plan joint démontrait l’absence de modification de la répartition des affectations. Les plans produits ci-joints démontraient également que les travaux autorisés par l’APA  11______ reprenaient en grande partie la typologie préexistante et les pièces humides existantes (la cuisinette devenait une cuisine et les sanitaires devenaient des salles de bain), de sorte que les travaux concernés étaient moins lourds ou tout au plus équivalents au présent cas. Concernant les APA 12______ et 13______, à propos desquelles la recourante alléguait ne pas pouvoir se déterminer, étaient joints des plans relatifs à l’état existant et à celui autorisé, dont il ressortait que si la première APA précitée prévoyait des travaux plus importants que dans le cas d’espèce, la seconde lui était cependant analogue (principalement un déplacement de la cuisine et une réfection de la salle de bain). L’APA 14______/1 ne portait pas, contrairement aux allégations de la recourante, sur la transformation d’un appartement en deux studios mais sur le maintien d’un seul appartement avec rocade de l’emplacement de la salle de bain, de la cuisine et d’une chambrette, comme confirmé par le plan annexé. De plus, une demande complémentaire APA  14______/2 avait été autorisée. Dès lors que cette APA ne prévoyait plus de rocade, le contrôle des loyers avait été ramené à trois ans, conformément au préavis LDTR y relatif joint, ce qui démontrait parfaitement la distinction entre les durées de contrôle du loyer de trois ans, respectivement cinq ans, au regard de l’ampleur des travaux. Enfin, contrairement aux allégués de la recourante, dans le cadre de l’APA 15______, ce n’était pas le coût des travaux antérieurs qui avait justifié un contrôle des loyers de cinq, dès lors que, comme confirmé par le préavis LDTR du 25 mai 2022, le montant de CHF 136'000.- de travaux pris en compte correspondait au total figurant sur le formulaire D12. En conclusion, le présent cas était analogue à plusieurs autres cas ayant fait l’objet d’un délai de contrôle de cinq ans.

Pour le surplus, l’art. 12 LDTR ne précisait pas les critères permettant de qualifier une transformation lourde. S’il s’était effectivement limité, dans son courrier du 14 juillet 2022, à relever l’existence de contrôle des loyers durant cinq ans pour des travaux moins coûteux que le présent cas, il avait toutefois persisté dans ses précédentes observations, lesquelles mentionnaient le critère consistant à déterminer s’il s’agissait d’une rénovation au semblable de l’existant ou des travaux allant au-delà, ces derniers étant plus lourds et coûteux. De plus, au vu du nombre peu important d’autorisations de construire concernées par un contrôle de cinq ans, il ne pouvait être considéré qu’il fixait systématiquement une telle période de contrôle au détriment d’une période plus courte de trois ans. Quant au projet querellé, le déplacement d’une cuisine impliquait des travaux et des coûts supplémentaires par rapport à une rénovation au semblable, ce qui justifiait un contrôle d’une durée de cinq ans. Pour le surplus, le nombre d’appartements concernés par un projet de rénovation n’avait pas d’importance au regard de la qualification de transformations lourdes, dès lors que, conformément à la jurisprudence, le saucissonnage des travaux en plusieurs requêtes par appartement ne devait pas aboutir à un résultat différent de l’instruction d’une requête portant sur un immeuble entier.

17.         Par jugement rendu le 29 novembre 2022 dans le cadre de la cause A/17______, le tribunal a rejeté le recours interjeté par la recourante contre la décision du DT du 31 mai 2022 relative à l’APA 18______ prévoyant un contrôle du loyer durant cinq ans d’un appartement de quatre pièces d’une surface d’environ 82,3 m2 situé au 3ème étage du même immeuble que celui abritant le logement faisant l’objet du présent litige, les travaux y relatifs portant notamment également sur une permutation de pièces ainsi que sur la transformation d’une pièce sèche en pièce humide et vice versa.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la LDTR et de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05, art. 143 et 145 al. 1 LCI ; art. 45 al. 1 LDTR).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), en soi non réalisée dans le cas d'espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140  I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; 123 V 150 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_107/2016 du 28 juillet 2016 consid. 9).

4.             La recourante se prévaut tout d’abord d’une violation de l’art. 12 LDTR.

5.             La LDTR a pour but de préserver l’habitat et les conditions de vie existants, ainsi que le caractère actuel de l’habitat dans les zones visées à l’art. 2 LDTR (art. 1 al.  1 LDTR).

Elle prévoit notamment à cet effet, et tout en assurant la protection des locataires et des propriétaires d'appartements, des restrictions à la démolition, à la transformation et au changement d'affectation des maisons d'habitation (art. 1 al. 2 let. a LDTR).

6.             Une autorisation est nécessaire pour toute transformation ou rénovation de tout ou partie d'une maison d'habitation (art. 9 al. 1 LDTR).

Le DT accorde l'autorisation si les logements transformés répondent, quant à leur genre, leur loyer ou leur prix, aux besoins prépondérants de la population (art. 9 al. 2 1ère phr. LDTR).

7.             Selon l'art. 3 al. 1 LDTR, par transformation, on entend tous les travaux qui ont pour objet : a) de modifier l’architecture, le volume, l’implantation, la destination, la distribution intérieure de tout ou partie d’une maison d’habitation ; b) la création de nouveaux logements, notamment dans les combles ; c) la création d’installations nouvelles d’une certaine importance, telles que chauffage, distribution d’eau chaude, ascenseur, salles de bains et cuisines ; d) la rénovation, c’est-à-dire la remise en état, même partielle, de tout ou partie d’une maison d’habitation, en améliorant le confort existant sans modifier la distribution des logements, sous réserve de l’al. 2.

8.             En vertu de l'art. 10 al. 1 LDTR, le DT fixe, comme condition de l'autorisation, le montant maximum des loyers des logements après travaux. Il tient compte des critères énumérés à l'art. 11 LDTR (« mode de calcul »).

9.             Les loyers maximaux ainsi fixés sont soumis au contrôle de l’Etat pendant une période de cinq à dix ans pour les constructions nouvelles et pendant une période de trois ans pour les immeubles transformés ou rénovés, durée qui peut être portée à cinq ans en cas de transformation lourde (art. 12 LDTR).

Le Tribunal fédéral a reconnu à la LDTR sa compatibilité avec les dispositions concernant le droit de propriété et la liberté économique consacrées aux art. 26 al.  1 et 27 al. 1 Cst. (ATF 116 Ia 401 ; arrêt 2C_184/2013 du 8 janvier 2014). En effet, en matière de logement, il est interdit aux cantons d’intervenir dans les rapports directs entre les parties au contrat de bail, réglé exhaustivement par le droit fédéral. Cela étant, les cantons demeurent libres d’édicter des mesures destinées à combattre la pénurie sur le marché locatif. Ainsi, les règles de contrôle temporaire des loyers prévues par la LDTR respectent le principe de primauté du droit fédéral, étant précisé que cette intervention étatique est limitée dans le temps et que les parties demeurent libres de modifier le contrat de bail à l'issue de la période de contrôle (Arrêt du Tribunal fédéral 1P.20/2005 du 18 mars 2005 consid. 2.2).

10.         S’agissant de la fixation de la durée du contrôle étatique du loyer d’un logement après travaux, la chambre administrative a eu l’occasion de retenir :

-          Dans un arrêt du 16 août 2005, que la transformation de vingt-huit chambres indépendantes en quatre appartements de cinq pièces pouvait être qualifiée de transformation lourde au sens de l’art. 12 LDTR, de sorte qu’une durée de contrôle des loyers de cinq ans était justifiée (ATA/567/2005 consid. 25) ;

-          Dans un arrêt du 16 février 2010 où l'autorisation visait la reconstruction à neuf du 4ème étage (combles) et la création d'un attique, que ces travaux devaient être considérés respectivement comme une transformation lourde et une construction nouvelle. En application de l'art. 12 LDTR, le contrôle de ces loyers pendant cinq ans ne pouvait qu'être confirmé (ATA/100/2010, consid.  5b) ;

-          Dans une jurisprudence du 6 février 2013, que la création d’un appartement de six pièces au 6ème étage (combles) constituait une transformation lourde, de sorte que la durée de contrôle du loyer de cinq ans prévue par le DT devait être confirmée (ATA/66/2013 consid. 7) ;

-          Dans un arrêt du 25 juin 2013, que les travaux tendant à la création d’un appartement de six pièces de 120 m2 dans les combles, pour un montant de CHF 682'600.-, et à la réalisation de divers autres travaux dans l’immeuble abritant cet appartement, devaient être qualifiés, vu « leur importance et leur impact » sur les loyers après travaux des logements de cet immeuble, de transformation lourde (ATA/391/2013 consid. 16) ;

-          Dans un arrêt du 1er octobre 2013, que la reconstruction à neuf des combles et la création de deux appartements dans chacun des trois immeubles concernés représentaient une transformation lourde, accompagnée à juste titre d’un délai de contrôle des loyers de cinq ans (ATA/642/2013 consid. 9) ;

Les cinq jurisprudences mentionnées supra sont également citées par la doctrine au titre d’exemples de cas de transformations lourdes ayant conduit à l’application d’une durée de contrôle de cinq ans (Emmanuelle  GAIDE/Valérie DÉFAGO GAUDIN, La LDTR : démolition, transformation, changement d'affectation et aliénation. Immeubles de logement et appartements, 2014, n. 6.1 pp. 328-329), étant relevé que selon les précitées, c’était à juste titre que l’ATA/391/2013 se référait à l’ampleur des travaux pour porter la durée du contrôle du loyer des appartements existants de trois à cinq ans.

-          Dans un arrêt du 15 avril 2014, s’agissant d’un appartement de quatre pièces et demie dans lequel avaient été réalisés, sans autorisation, notamment la démolition complète de trois cloisons entre l’entrée, la cuisine, la chambre et le hall afin de créer un nouvel espace de jour plus spacieux côté cour, qui avait pour conséquence la disparition d’une chambre et du hall, la démolition/reconstruction de parties de corniches et de plafonds, le rafraîchissement de la seconde chambre et de la pièce jusqu’alors utilisée comme séjour (côté rue), la pose d’un nouveau carrelage de sol à la cuisine, la refonte des espaces, cloisons, appareils, équipements et du réseau des sanitaires ainsi que le changement complet du réseau électrique et l’installation de nouveaux câblages, prises et interrupteurs, que ces travaux - d’un montant total de CHF 58'379.- et qui avaient pour conséquence une augmentation du loyer après travaux -, pouvaient à juste titre être qualifiés de transformations lourdes justifiant l’application d’un délai de contrôle de cinq ans (ATA/260/2014 consid. 16) ;

11.         Les préavis ne lient pas les autorités (art. 3 al. 3 LCI). Selon le système prévu par la LCI, les avis ou préavis des communes, des départements et organismes intéressés n'ont qu'un caractère consultatif, sauf dispositions contraires et expresses de la loi. Lorsque la consultation d'une instance de préavis est imposée par la loi, son préavis a un poids certain dans l'appréciation qu'est amenée à effectuer l'autorité de recours et il convient de ne pas le minimiser (ATA/146/2021 du 9 février 2021 consid. 10a ; ATA/934/2019 du 21 mai 2019 consid. 8c ; ATA/537/2017 du 9 mai 2017 consid. 4c).

Selon une jurisprudence bien établie, chaque fois que l'autorité inférieure suit les préavis requis, la juridiction de recours doit s'imposer une certaine retenue pour éviter de substituer sa propre appréciation à celle des entités ayant formulé un préavis dans le cadre de l'instruction de la demande d'autorisation, pour autant que l'autorité inférieure ait suivi l'avis de celles-ci. Elle se limite à examiner si le département ne s'est pas écarté sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l'autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d'émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/146/2021 précité consid. 10a ; ATA/1724/2019 du 26 novembre 2019 consid. 7d ; ATA/1274/2017 du 12  septembre 2017 consid. 5).

12.         En l’espèce, seule est litigeuse la question de savoir si c’est à juste titre que le DT a considéré que les transformations envisagées étaient lourdes, avec pour conséquence que le contrôle des loyers devait être porté à cinq ans.

Il ressort du dossier que les travaux autorisés portent sur la réfection complète des peintures du logement de quatre pièces et demie concerné, la rénovation des carrelages et faïences de la cuisine, la salle de bain et les toilettes, la mise en conformité des installations électriques, la pose d’un nouvel agencement de cuisine, la rénovation des installations sanitaires, la réfection des menuiseries et la pose d’un nouveau parquet mais également sur la modification de la disposition des pièces du logement. En effet, des permutations étaient prévues entre l’alcôve actuelle du salon, qui deviendrait la cuisine, et l’ancienne cuisine, qui deviendrait une chambre. Ces permutations entraînent notamment la destruction partielle des murs – non porteurs - de l’alcôve, maintenue sur requête du SMS, afin d’offrir davantage de luminosité à la future cuisine ainsi que le déplacement des alimentations, des colonnes de chutes et des éléments nécessaires à l’installation d’une cuisine dans une pièce non équipée pour cet usage et le remplacement du sol en carrelage par du parquet et vice-versa dans les deux pièces concernées. En outre, une pièce actuellement utilisée comme chambre serait, suite aux travaux, considérée comme un salon, ce qui nécessitait, conformément au préavis du service LDTR du 28 mai 2021, qu’elle soit dotée d’un système de fermeture.

Partant, il peut être constaté que les travaux autorisés portent non seulement sur une permutation de pièces, mais également sur la transformation d’une pièce humide en pièce sèche et vice versa, avec toutes les modifications nécessaires qui en découlent. Pour le surplus, une modification de la typologie de ce logement est également à relever, puisque l’appartement, de quatre pièces et demie avant travaux, deviendra un cinq pièces à l’issue de ceux-ci, conformément au préavis LDTR le 16 juillet 2021. Enfin, le montant des travaux relatifs à l’autorisation querellée avoisine, au vu des pièces au dossier, CHF 139'000.-, soit environ CHF  30'000.- par pièce. Ce montant peut être qualifié de non négligeable dans le cadre de la rénovation d’un logement de quatre pièces et demie d’environ 93 m2. Il ressort en outre clairement du descriptif des coûts des travaux (formulaire D12) que certains postes des travaux sont directement liés aux permutations précitées et non uniquement aux rénovations envisagées. Ainsi, il apparaît que les critères mis en avant au regard de la casuistique de jurisprudence mentionnée supra, laquelle est également reprise par la doctrine spécialisée en matière de LDTR pour qualifier une intervention de transformation lourde, notamment le critère de l’importance des travaux, est in casu rempli.

En conclusion, sans remettre en cause le bien-fondé des transformations envisagées au regard de l’habitabilité du logement, il convient toutefois de constater, au vu de ce qui précède, que le DT, se fondant notamment sur le préavis du service LDTR, n’a pas mésusé de son pouvoir d’appréciation ni violé la loi en retenant que les travaux de rénovation de l’appartement concerné devaient être considérés comme des transformations lourdes et, partant, entraîner une durée de contrôle du loyer de cinq ans selon l’art. 12 LDTR.

13.         La recourante se prévaut également d’une violation du principe d’égalité de traitement, eu égard au sort différent qui avait été réservé dans le cadre d’APA déposées par ses soins portant sur des travaux similaires dans d’autres biens immobiliers lui appartenant.

14.         Une décision viole le principe de l'égalité de traitement consacré à l'art. 8 al. 1 Cst., lorsqu'elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou qu'elle omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances, c'est-à-dire lorsque ce qui est semblable n'est pas traité de manière identique et ce qui est dissemblable ne l'est pas de manière différente. L'inégalité de traitement apparaît ainsi comme une forme particulière d'arbitraire, consistant à traiter de manière inégale ce qui devrait l'être de manière semblable ou inversement. Il faut que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. Les situations comparées ne doivent pas nécessairement être identiques en tous points, mais leur similitude doit être établie en ce qui concerne les éléments de fait pertinents pour la décision à prendre (cf. ATF 146 II 56 consid. 9.1 ; 144 I 113 consid. 5.1.1 ; 142 I 195 consid. 6.1 ; 137 I 167 consid.  3.5 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_195/2021 du 28 octobre 2021 consid.  5.1.2 ; 1C_270/2021 du 1er octobre 2021 consid. 3.1 ; 2C_538/2020 du 1er décembre 2020 consid. 3.2 ; 2C_949/2019 du 11 mai 2020 consid. 6.3 ; 8C_107/2019 du 4 juin 2019 consid. 4.2.1 ; 1C_564/2015 du 2 juin 2016 consid.  3.1). Il n'y a pas d'arbitraire du seul fait qu'une solution autre que celle choisie semble concevable, voire préférable. Pour qu'une décision soit annulée pour cause d'arbitraire, il ne suffit pas que sa motivation soit insoutenable ; il faut encore que cette décision soit arbitraire dans son résultat (ATF 144 I 318 consid.  5.4 et les références ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_523/2019 du 1er avril 2021 consid. 2 ; 2C_713/2020 du 8 décembre 2020 consid. 2.3 ; 1C_12/2019 du 11 novembre 2019 consid. 2.1.1).

15.         L'inapplication ou la fausse application de la loi dans un cas particulier n'attribue en principe pas à l'administré le droit d'être traité par la suite illégalement. En effet, selon la jurisprudence, le principe de la légalité de l'activité administrative prévaut en principe sur celui de l'égalité de traitement. En conséquence, le justiciable ne peut généralement pas se prétendre victime d'une inégalité devant la loi, lorsque celle-ci est correctement appliquée à son cas, alors qu'elle aurait été faussement, voire pas appliquée du tout, dans d'autres cas. Cela présuppose cependant, de la part de l'autorité dont la décision est attaquée, la volonté d'appliquer correctement à l'avenir les dispositions légales en question. Le citoyen ne peut prétendre à l'égalité dans l'illégalité que s'il y a lieu de prévoir que l'administration persévérera dans l'inobservation de la loi. Il faut encore que l'autorité n'ait pas respecté la loi selon une pratique constante, et non pas dans un ou quelques cas isolés, et qu'aucun intérêt public ou privé prépondérant n'impose de donner la préférence au respect de la légalité (arrêt du Tribunal fédéral 1C_270/2021 du 1er octobre 2021 consid. 3.1 et les arrêts cités ; cf. aussi arrêt du Tribunal fédéral 2C_949/2019 du 11 mai 2020 consid. 6.3 et les arrêts cités ; 1C_231/2018 du 13 novembre 2018 consid. 4.1). C'est seulement lorsque toutes ces conditions sont remplies que le citoyen est en droit de prétendre, à titre exceptionnel, au bénéfice de l'égalité dans l'illégalité (arrêt du Tribunal fédéral 6B_921/2019 du 19 septembre 2019 consid. 1.1 ; 1C_231/2018 du 13 novembre 2018 consid. 4.1).

16.         Un changement de pratique administrative doit reposer sur des motifs sérieux et objectifs, c’est-à-dire rétablir une pratique conforme au droit, mieux tenir compte des divers intérêts en présence ou d’une connaissance plus approfondie des intentions du législateur, d’un changement de circonstances extérieures, de l’évolution des conceptions juridiques ou des mœurs. Les motifs doivent être d’autant plus sérieux que la pratique suivie jusqu’ici est ancienne. À défaut, elle doit être maintenue (ATF 145 II 270 consid. 4.5.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_28/2019 du 23 décembre 2019 consid. 5.1 ; ATA/1174/2020 du 24 novembre 2020 consid. 8b et les références citées).

17.         Valant pour l’ensemble de l’activité étatique, le principe de la bonne foi exige que l’administration et les administrés se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l’administration doit s’abstenir de toute attitude propre à tromper l’administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d’une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_18/2015 du 22 mai 2015 consid. 3). Il protège le citoyen dans la confiance légitime qu’il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu’il a réglé sa conduite d’après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l’administration (ATF 137 II 182 consid. 3.6.2).

18.         En l’espèce, sur la base des éléments au dossier, aucun changement de pratique par rapport à celle constatée par le tribunal sous considérant 12 supra n’est à constater en lien avec l’autorisation querellée. La recourante relève - à juste titre - une contradiction avec les APA 6______ et 7______ portant sur des travaux plus ou moins similaires au présent cas. Cela étant, il n'apparaît pas que le traitement différencié, certes regrettable mais qui découle, de l’aveu de l’autorité intimée, d’une erreur, revête un caractère arbitraire.

Le tribunal constate, pour le surplus, que les APA approuvées par le DT entre novembre 2020 et juillet 2021 et produites par ce dernier sur requête du tribunal confirment la pratique exposée par le DT et rien ne laisse à penser qu’il entend s’en écarter à l’avenir et qu’hormis les deux APA précitées, il ne l’a pas appliquée de manière constante. En effet, même si certaines de ces autorisations concernent vraisemblablement des travaux plus conséquents que le cas d’espèce, ce que le DT ne conteste pas, il n’en demeure pas moins que plusieurs de ces autorisations portent sur des transformations comparables au cas d’espèce et se sont vues appliquer le même délai de contrôle du loyer. Ainsi, l’APA 16______, à propos de laquelle la recourante admet d’ailleurs une similitude avec son propre cas, prévoit une durée de contrôle du loyer de cinq ans pour la transformation et la rénovation d’un appartement de quatre pièces pour un coût total d’environ CHF 102'799.-, soit CHF 4'032.- par pièce l’an, alors même que, contrairement au cas litigieux, aucune modification des affectations n’était prévue dans ce logement. Dans le même sens, l’APA 11______, même si elle concerne la transformation d’un bureau en deux appartement de trois pièces pour un coût de CHF 48'750.- par logement, ne prévoit pas de permutation entre pièces sèches et pièces humides, contrairement au présent cas. En outre, l’APA 13______, relative à la transformation et à la rénovation d’un appartement de trois pièces et demie pour un coût total des travaux de CHF 150'000.- prévoit, comme dans le présent cas, une rénovation de la salle de bain ainsi qu’un déplacement de la cuisine. Enfin, le cas des APA 14______/1 et 14______/2 – qui concernent la transformation et la rénovation d’un appartement de trois pièces et demie pour un montant total de CHF 76'500.- - confirme la position adoptée par le DT dans le présent cas s’agissant des permutations de pièces. En effet, alors que la première de ces autorisations, qui prévoyait notamment la permutation des pièces accueillant la salle de bain, la cuisine et une chambrette, s’est vue appliquer un délai de contrôle de cinq ans, l’APA complémentaire, qui n’envisageait plus la rocade susmentionnée, a pu bénéficier d’une durée du contrôle du loyer ramenée à trois ans. Pour le surplus, le nombre relativement restreint d’APA prévoyant une durée de contrôle du loyer de cinq ans délivrées par le DT durant la période de neuf mois examinée ne permet pas de conclure que ce département serait enclin, comme le prétend la recourante, à retenir régulièrement l’existence de transformations lourdes.

Par conséquent, aucune violation des principes d’égalité de traitement et de la bonne foi n’est à déplorer dans le présent cas.

19.         En conclusion, entièrement mal fondé, le recours est rejeté.

20.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 900.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 14 septembre 2021 par A______ contre la décision du département du territoire du 11 août 2021 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 900.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Marielle TONOSSI, présidente, Suzanne AUBERT-LEBET, Claire BOLSTERLI, Thierry ESTOPPEY et Diane SCHASCA, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

Le greffier