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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3742/2022

ATA/10/2023 du 10.01.2023 ( EXPLOI ) , REFUSE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3742/2022-EXPLOI ATA/10/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 10 janvier 2023

sur effet suspensif et mesures provisionnelles

dans la cause

 

A______
représentée par Me Sandra GERBER, avocate

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI



EN FAIT

1) A______ (ci-après : A______) est inscrite au registre du commerce de Genève depuis le 11 avril 2022 et a pour but tous types de prestations de services dans le domaine du transport, notamment l'organisation de livraisons de tous types de produits et autres services logistiques dans ce domaine. D'une manière générale, la société peut créer des succursales ou des filiales en Suisse et à l'étranger, participer à d'autres entreprises, acquérir ou fonder des entreprises visant un but identique ou analogue, accorder des prêts ou des garanties à des associés ou à des tiers, faire, tant en Suisse qu'à l'étranger, toutes opérations financières, commerciales et autres et conclure tous contrats propres à développer son but ou s'y rapportant directement ou indirectement.

2) Par décision du 1er novembre 2022, le département de l’économie et de l’emploi, soit pour lui l’office cantonal de l’emploi (ci-après : OCE), considérant que l’activité d’A______ entrait dans le champ d’application de la loi fédérale sur le service de l’emploi et la location de services du 6 octobre 1989 (LSE - RS 823.11), a décidé de l’y assujettir. Dans la mesure où celle-ci n’était pas en possession de l’autorisation fédérale de pratiquer la location de services, en sus de l’autorisation cantonale, puisque ses activités étaient transfrontalières, la société B______ (ci-après : B______) ayant son siège C______, elle pratiquait illégalement cette activité. Il lui était donc fait interdiction d’exercer toute activité jusqu’à l’obtention de l’autorisation, à défaut de quoi l’OCE prononcerait à son encontre les peines prévues notamment à
l’art. 39 LSE.

La décision a été déclarée exécutoire nonobstant recours.

Il n’était pas contesté en l’espèce qu’A______ et les livreurs soient liés par un contrat de travail de durée indéterminée, ce qui n’excluait pas l’existence de location de services. Il ressortait par ailleurs clairement des autres pièces transmises par cette société le 14 octobre 2022, notamment le « contrat de services technologiques » conclu le 8 avril 2022 entre B______ et A______, qu’en substance celle-ci mettait à disposition d’B______, la cliente, du personnel pour réaliser des livraisons et recevait en contrepartie un montant selon l’art. 4 dudit. Il ressortait de l’art. 5 du même contrat qu’B______ restait seule propriétaire de la plateforme ainsi que des droits de propriété intellectuelle y associés et que la licence octroyée à A______ était non exclusive. Il était donc manifeste que l’application utilisée par ses livreurs était toujours gérée par B______, laquelle était gérante de cette plateforme et faisait recours aux livreurs d’A______, c’est-à-dire aux employés d’une société tierce.

Les employés d’A______ dépendaient de ladite plateforme, car chaque livreur y possédait un compte, fourni par B______, selon notamment l’art. 2 du contrat précité et avaient accès à l’application afin de pouvoir recevoir des demandes de livraisons. Il était donc établi que c’était l’application qui donnait les instructions aux livreurs et que par conséquent le pouvoir de direction de ces derniers appartenait clairement à B______ en tant que propriétaire de la plateforme, cette dernière société étant donc une société locataires de services.

Au surplus, A______ était complètement dépendante de cette plateforme, étant relevé qu’elle reconnaissait, à l’art. 2.4 du « contrat de services technologiques », qu’B______ mettait à sa disposition l’application ainsi que les services électroniques y relatifs, ce qui prouvait une nouvelle fois qu’elle n’avait pas d’autre choix que de passer par ladite plateforme pour gérer sa flotte.

Tout ceci démontrait qu’elle n’avait pas de pouvoir concernant l’utilisation de cette plateforme, outil de travail indispensable de ses employés pour l’accomplissement de leur mission. Il était donc manifeste que les livreurs utilisaient un outil d'B______, soit de l’entreprise de mission, pour effectuer leur travail. Enfin, la prime discrétionnaire que les livreurs recevaient en fonction de leurs statistiques, selon A______, n’était prévue dans aucun des contrats de travail qu’elle avait transmis, alors que ce genre de gratification pouvait dépendre des livraisons effectuées, répertoriées sur la plateforme, ainsi que des informations et signalements reçus par exemple d’un client, c’est-à-dire la personne qui passait commande auprès d’un commerçant, par l’intermédiaire de son application qui était aussi incluse dans ladite plateforme.

3) A______ a expédié le 11 novembre 2022 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) une requête de mesures superprovisionnelles et provisionnelles en restitution de l’effet suspensif.

Elle entendait faire recours dans le délai légal de trente jours contre la décision de l’OCE du 1er novembre 2022. Cela étant, si la décision querellée était exécutée immédiatement, nonobstant un recours, le préjudice qu’elle subirait, de même que ses employés coursiers et les restaurateurs, serait très important et irréversible. Il était donc impératif qu’elle soit fixée très rapidement sur la question de l’effet suspensif, afin de pouvoir prendre les décisions adéquates s’imposant pour réduire son préjudice.

Elle organisait des livraisons faites par ses actuellement trente-deux coursiers/livreurs à vélo pour le compte de plusieurs restaurants. Elle offrait donc uniquement un service de livraison. Le salaire minimum était garanti à ses employés, lesquels avaient quatre semaines de vacances et étaient en sus indemnisés pour les frais d’utilisation de leur vélo personnel. En cas d’accident ou de dommages, elle était responsable pour ces auxiliaires en tant qu’employeur. Elle leur fournissait un sac de transport. Elle leur donnait directement les instructions. Ses employés n’avaient aucune relation ni subordination avec les restaurateurs pour lesquels une livraison était effectuée. Elle restait en tout temps responsable de la gestion de ses employés coursiers, de la gestion des commandes, du choix de l’équipement, des outils et du matériel nécessaires à la livraison. Elle supportait le risque économique et commercial.

Afin de simplifier l’organisation des commandes et des livraisons, elle avait conclu un contrat de services technologiques avec B______ par lequel celle-ci mettait à sa disposition une application de gestion des commandes et des livraisons par le biais d’une plateforme. Il s’agissait d’une application organisationnelle du type des plateformes et applications de réservation dans l’hôtellerie ou de gestion des rendez-vous. Elle utilisait également sa propre application, laquelle était cependant encore en phase de test. Ses employés ne recevaient aucune instruction d’B______ et, hormis l’utilisation de la plateforme, n’avaient aucune relation avec cette dernière.

La décision entreprise impliquait la cessation quasi-complète de ses activités, alors que l’OCE n’invoquait aucun intérêt de nature publique ou privée suffisamment important pour faire obstacle à ses droits. L’OCE ne faisait en réalité valoir aucun intérêt, que ce soit public ou privé, en faveur d’une exécution immédiate de la décision. Elle n’aurait certainement pas d’autre choix que de mettre un terme au contrat de travail de ses employés ou d’un certain nombre d’entre eux, son existence même étant gravement compromise. Même si un salaire minimum était garanti, l’exécution immédiate de cette décision signifierait malgré tout une diminution de revenus, mais surtout, un risque à court terme très important de devoir licencier tout ou partie de ses employés. Dans cette mesure, l’intérêt public était également pénalisé, puisqu’un nombre important de personnes se retrouverait en même temps sur le marché de l’emploi. Cette décision était aussi de nature à priver les restaurateurs auprès desquels elle effectuait des livraisons d’une source importante de revenus.

Ainsi ses intérêts, ceux de ses employés et des restaurateurs, devaient primer une éventuelle nécessité très générale de faire respecter les exigences légales. C’était donc sans aucune pesée des intérêts que l’OCE avait décidé de retirer l’effet suspensif.

Elle voulait seulement obtenir de pouvoir continuer à exercer son activité jusqu’à l’issue de la procédure de recours, sans que cela ne préjuge de la question de l’application de la LSE à son activité.

4) Le 14 novembre 2022, la juge déléguée a admis les conclusions prises à titre superprovisionnel, considérant que l’exécution immédiate de la décision du 1er novembre 2022 pouvait souffrir d’attendre l’issue de la requête d’effet suspensif.

5) L’OCE a conclu, le 24 novembre 2022 tant à la confirmation de l’exécution de sa décision nonobstant recours qu’au fond.

À la suite des arrêts du Tribunal fédéral dans les causes Uber et Uber Eats 2C_34/2021 et 2C_575/2020, le secrétariat d’État à l’économie (ci-après : SECO) lui avait demandé de procéder à des instructions complémentaires des entreprises tierces qui utilisaient la plateforme Uber pour gérer leurs prestations. Après échange d’écritures avec A______ et la transmission de documents, elle avait considéré que son activité devait être qualifiée de location de services soumise à autorisation.

A______ avait parfaitement connaissance, au plus tard depuis le mois de septembre 2022, que si elle désirait poursuivre son activité, elle devait être en possession d’une autorisation de pratiquer la location de services, qu’elle n’avait toujours pas demandée. Elle ne pouvait donc pas se prévaloir d’une quelconque tolérance de la part des autorités. Par ailleurs, contrairement aux faits objets de l’arrêt du Tribunal fédéral 2C_547/2015 du 7 janvier 2016, elle n’avait, avant le début de son activité, pas spontanément demandé d’entretien à l’OCE ou au SECO afin d’exposer la nature exacte de l’activité qu’elle entendait déployer à Genève. Elle ne pouvait pas ignorer la situation juridique médiatisée liée à l’utilisation des applications « Uber » notamment dans ce canton. Elle s’était contentée de répondre à une seule des sollicitations de l’OCE. À aucun moment, elle n’avait sollicité une autorisation de pratiquer l’activité de location de services, ni une quelconque décision constatant une éventuelle inapplicabilité de la législation relative à ces activités, que ce soit avant ou après l’arrêt 2C_575/2020 précité. Elle avait donc sciemment démarré son activité en sachant qu’elle la pratiquait de manière illicite. Dans ces circonstances, on voyait mal qu’elle puisse se prévaloir d’un préjudice si elle était amenée à mettre fin à son activité avec effet immédiat. Elle subirait dans ce cas au pire un éventuel dommage purement financier qu’il lui était loisible d’éviter totalement en attendant que la situation juridique soit définitivement tranchée. Lui octroyer la restitution de l’effet suspensif de poursuivre son activité lui permettrait d’obtenir le plein de ses conclusions sans attendre l’issue du recours sur le fond, ce qui était incompatible avec la loi et la jurisprudence.

L’éventuel intérêt d’A______ à poursuivre son activité ne constituait absolument pas un intérêt prépondérant face à l’intérêt public ou au respect de la loi régissant la location de services dans toute la Suisse notamment à Genève. Le fait que le SECO avait confirmé que les activités de livraison pratiquées par l’intermédiaire d’applications « Uber » étaient soumises à une telle autorisation engendrerait une inégalité de traitement manifeste si A______ devait être autorisée, même provisoirement, à pratiquer son activité, par rapport à d’autres entités exerçant dans le même domaine, ce d’autant qu’à tout le moins deux autres sociétés avaient été interdites d’exercer la location de services, nonobstant recours, faute d’autorisation y relatives, par décisions notifiées au début du mois de novembre 2022.

Il était habituel que l’OCE déclare ce genre de décisions exécutoires nonobstant recours, ce d’autant plus vu l’exigence impérative d’obtenir la couverture de sûretés destinée à protéger les intérêts salariaux des travailleurs, selon l’art 16 al. 1 let. c LSE. Il était aussi évident qu’un employé avait un intérêt direct à œuvrer pour une société respectant la législation, notamment celle à son avantage, à l’instar de la LSE. La décision querellée avait incontestablement pour but et pour effet de protéger les livreurs d’A______, partie faible au contrat de travail.

Si A______ décidait de licencier ses employés plutôt que de déposer une demande d’autorisation, elle resterait tenue de respecter toutes ses obligations d’employeur, notamment dans le cas d’une procédure de licenciement collectif. De plus, le marché de la livraison de repas, en forte croissance, serait sans doute à même de réengager les employés qui pourraient être licenciés. S’agissant des restaurateurs et clients, d’autres plates-formes de livraison étaient accessibles.

Au fond, cette société était complètement dépendante de la plateforme Uber Eats et ses livreurs n’étaient pas libres de refuser les propositions de commande faites par cet intermédiaire, de sorte qu’B______ détenait une grande partie du pouvoir de direction, quand bien même elle affichait une volonté de ne pas être un employeur. La décision attaquée s’inscrivait dans l’une des hypothèses envisagées par le Tribunal fédéral dans l’arrêt 2C_575/2020 précité. Les chances de succès de recours étaient vraisemblablement extrêmement faibles, la décision attaquée étant solidement motivée.

6) A______ a expédié à la chambre administrative le 30 novembre 2022 un mémoire de recours. Elle y a conclu principalement à ce que la décision d’assujettissement du 1er novembre 2022 soit réformée en ce sens qu’elle n’était pas assujettie à la LSE, subsidiairement au renvoi de la procédure à l’OCE pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Elle requérait – et motivait – à nouveau, « à toutes fins utiles », que l’effet suspensif soit accordé à son recours.

Elle employait trente-deux livreurs/coursiers aux conditions déjà précédemment évoquées et ne les mettait pas à disposition d’B______ qui n’était pas une locataire de services. Elle avait signé avec cette dernière uniquement un contrat de services technologiques portant, contre rémunération, sur l’utilisation d’une plateforme mettant en relation des restaurateurs avec elle-même qui proposait un service de livraison. Elle assumait seule et entièrement les obligations et engagements envers des restaurateurs.

7) Dans sa réplique sur effet suspensif expédiée le 5 décembre 2022, A______ a relevé que l’OCE ne pouvait se prévaloir d’une jurisprudence (ATA/486/2015 et arrêts du Tribunal fédéral 2C_547/2015) concernant une activité soumise à l’ancienne loi sur les taxis et limousines du 21 janvier 2005, soit une activité de centrale d’ordre de courses de taxis, puisque son activité était tout autre. Elle contestait que son activité soit de la location de services et, partant, qu’elle l’aurait exercée de manière illicite.

En accédant à sa demande de restitution de l’effet suspensif, cela aurait pour unique conséquence le maintien du statu quo pendant la durée de la procédure et donc une durée limitée. Cela ne reviendrait aucunement à lui accorder le plein de ses conclusions et donc à lui donner raison sur le fond.

S’il n’était pas contesté que la LSE avait notamment « pour but de protéger les travailleurs loués », tous ses employés étaient au bénéfice d’un contrat de travail respectant les dispositions de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220) et de la loi fédérale sur le travail dans l'industrie, l'artisanat et le commerce du 13 mars 1964 (LTr - RS 822.11). Elle cotisait en outre à toutes les assurances sociales obligatoires. En cas d’arrêt d’activité, elle n’aurait plus de rentrées d’argent et devrait continuer à faire face à ses charges, notamment salariales. Il était difficile de voir l’intérêt prépondérant de ses employés à l’arrêt immédiat de son activité et donc de la leur.

Le Tribunal fédéral retenait que la seule nécessité de faire respecter les exigences légales était considérée comme « trop général pour que l’on puisse en déduire concrètement l’existence d’un intérêt déterminant ».

8) Dans une duplique spontanée du 12 décembre 2022, l’OCE a relevé que la jurisprudence à laquelle il se référait avait été rendue dans le cadre de sociétés en lien avec des applications dites « Uber », ce qui était également le cas d’A______. Elle était donc pertinente en l’espèce. La chronologie des échanges intervenus avec la recourante démontrait qu’à tout le moins dès le mois de septembre 2022, elle avait parfaitement connaissance de la nécessité d’une autorisation de pratiquer la location de services pour poursuivre son activité. Elle ne pouvait dès lors se prévaloir d’une quelconque tolérance de la part des autorités. Lui accorder l’effet suspensif reviendrait à autoriser n’importe quelle société, soumise à autorisation, à pratiquer l’activité de location de services avant d’obtenir cette autorisation, et à continuer son activité en violation de la LSE, ce qui viderait cette loi de toute sa substance.

Une quelconque activité soumise à autorisation, par exemple celle de pratiquer une profession de la santé ou d’exploiter une compagnie aérienne, signifiait par là-même qu’il existait un intérêt public prépondérant à protéger. Dès lors, permettre à une quelconque entité de continuer d’exercer une telle activité sans l’autorisation idoine indispensable engendrerait des conséquences particulièrement préjudiciables.

9) Les parties ont été informées le 13 décembre 2022 que la cause était gardée à juger sur la question de l’effet suspensif.

EN DROIT

1) Le recours paraît à première vue recevable.

2) Les décisions sur mesures provisionnelles sont prises par la présidente ou le vice-président de la chambre administrative ou, en cas d’empêchement de ceux-ci, par un autre juge (art. 21 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 et art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020).

3) a. Aux termes de l’art. 66 LPA, sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (al. 1) ; toutefois, lorsque aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (al. 3).

L’autorité peut d’office ou sur requête ordonner des mesures provisionnelles en exigeant au besoin des sûretés (art. 21 al. 1 LPA).

b. Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) – ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/1112/2020 du 10 novembre 2020 consid. 5 ; ATA/1107/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5).

Elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (arrêts précités). Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II 253-420, 265).

L'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer
(ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405).

c. Lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1).

d. Pour effectuer la pesée des intérêts en présence qu’un tel examen implique, l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités).

e. Selon la jurisprudence, un effet suspensif ne peut être restitué lorsque le recours est dirigé contre une décision à contenu négatif, soit contre une décision qui porte refus d'une prestation. La fonction de l'effet suspensif est de maintenir un régime juridique prévalant avant la décision contestée. Si, sous le régime antérieur, le droit ou le statut dont la reconnaissance fait l'objet du contentieux judiciaire n'existait pas, l'effet suspensif ne peut être restitué car cela reviendrait à accorder au recourant d'être mis au bénéfice d'un régime juridique dont il n'a jamais bénéficié (ATF 127 II 132 ; 126 V 407 ; 116 Ib 344).

Lorsqu'une décision à contenu négatif est portée devant la chambre administrative et que le destinataire de la décision sollicite la restitution de l'effet suspensif, il y a lieu de distinguer entre la situation de celui qui, lorsque la décision intervient, disposait d'un statut légal qui lui est retiré de celui qui ne disposait d'aucun droit. Dans le premier cas, il peut être entré en matière sur une requête en restitution de l'effet suspensif, aux conditions de l'art. 66 al. 2 LPA, l'acceptation de celle-ci induisant, jusqu'à droit jugé, le maintien des conditions antérieures. En revanche, il ne peut être entré en matière dans le deuxième cas, vu le caractère à contenu négatif de la décision administrative contestée. Dans cette dernière hypothèse, seul l'octroi de mesures provisionnelles, aux conditions cependant restrictives de l'art. 21 LPA, est envisageable (ATA/70/2014 du 5 février 2014 consid. 4b ; ATA/603/2011 du 23 septembre 2011 consid. 2 ; ATA/280/2009 du 11 juin 2009 ; ATA/278/2009 du 4 juin 2009) ;

4) a. L'exploitation de tout établissement régi par la loi sur la restauration, le débit de boissons, l’hébergement et le divertissement du 19 mars 2015 (LRDBHD - I 2 22) est soumise à l'obtention préalable d'une autorisation d'exploiter délivrée par le département de l’économie et de l’emploi (art. 8 LRDBHD et 3 al. 1 RRDBHD).

b. Dans sa jurisprudence, la chambre de céans a jugé à plusieurs reprises qu'un exploitant ne peut se voir accorder par le biais de mesures provisionnelles un régime juridique dont il n’a pas bénéficié auparavant, en l’occurrence l’autorisation d’exploiter, le maintien d'une situation antérieure illégale n'apparaissant pas comme un intérêt digne d'être protégé et donc prépondérant ; accorder une telle autorisation reviendrait à admettre à titre préjudiciel que les conditions de l'autorisation sont satisfaites, ce qui n'est normalement possible qu'à l'issue du litige, un éventuel préjudice financier ne pouvant du reste faire échec à ce constat (ATA/418/2018 du 3 mai 2018 consid. 9 ; ATA/15/2014 du 8 janvier 2014 ; ATA/967/2014 du 5 décembre 2014 rendu dans des cas portant sur la condition personnelle d'honorabilité ; ATA/1036/2014 du 19 décembre 2014).

Elle a aussi rejeté les demandes de mesures provisionnelles de restaurants fermés par ordre du service du commerce, devenu entretemps le service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN) dans des cas où ce dernier avait révoqué l'autorisation d'exploiter du précédent exploitant – décision non contestée –, où les restaurants avaient continué à être exploités et où les requêtes d'autorisation déposées par le nouvel exploitant étaient incomplètes (ATA/1313/2017 du 21 septembre 2017).

Elle a rejeté la demande d'effet suspensif, traitée comme demande de mesures provisionnelles, d'un cabaret-dancing qui avait été fermé suite à un constat d'activités contraires à l'ordre public par la police, considérant notamment que les deux requêtes en autorisation d'exploiter déposées par le propriétaire avaient fait l'objet d'une non-entrée en matière parce que de nombreux documents et renseignements manquaient, et que même avec un dossier complet, on ne pouvait spéculer sur une issue favorable au vu des nombreux problèmes de respect de la législation soulevés par le rapport de police (ATA/1343/2017 du 3 octobre 2017 consid. 9).

Dans un cas de constatation de la caducité de l'autorisation d'exploiter, la chambre de céans a rappelé qu'il n'était en principe pas possible d'attribuer par voie de mesures provisionnelles une autorisation d'exploiter de fait, sans pouvoir être raisonnablement sûr que les conditions d'octroi soient remplies ; elle a néanmoins invité le PCTN à faire preuve de diligence dans le traitement de la requête en autorisation d'exploiter (ATA/1205/2018 du 12 novembre 2018).

Dans le cas d’un restaurant d’un établissement médico-social ayant fait l’objet d’une décision de non-assujettissement à la LRDBHD le 15 avril 2016 avec la précision « le propriétaire de l'établissement est tenu de respecter scrupuleusement la restriction quant au champ des personnes pouvant bénéficier de l'activité non assujettie à la LRDBHD, faute de quoi il s'expos[ait] aux sanctions administratives prévues aux art. 60 ss LRDBHD et à l'annulation de la présente décision », il avait été constaté par le PCTN plus de 6 ans après que ledit restaurant était ouvert à tout public, sans restriction. Le PCTN avait fait part à l'établissement qu'il envisageait de lui adresser une sommation de fermeture lui intimant l'ordre de cesser immédiatement l'exploitation de l'établissement en dehors des résidents et de leur famille, et de lui infliger une amende. Dans un courrier ultérieur, non qualifié de décision et ne contenant pas d'indication d'une voie ni d'un délai de recours, le PCTN avait indiqué à l’établissement qu’il ne respectait pas les conditions prévues à l'art. 2 LRDBHD et semblait s'apparenter à une activité de restauration soumise à la loi. De ce fait, l'établissement ne pouvait pas ouvrir aux personnes autres que celles prévues par la loi sans l'obtention d'une autorisation d'exploiter au sens de l'art. 8 LRDBHD. Un recours avait été déposé contre ce courrier, dont la conclusion préalable était que soit accordée la restitution de l'effet suspensif au recours ainsi que des mesures provisionnelles – à savoir autoriser l'ouverture du restaurant aux « visiteurs » et aux « membres de l'association [ ] » jusqu'à droit jugé au fond.

La présidence de la chambre administrative avait, au vu des circonstances très exceptionnelles (une tolérance implicite de l’autorité et le fait que l'établissement fonctionnait depuis près de 20 ans, de sorte qu’il apparaissait contraire aux principes de la proportionnalité et de la bonne foi de l'administration de ne pas avoir prévu – comme le service intimé l'avait du reste fait spontanément en 2015 – de délai de grâce afin de régulariser la situation), accordé aux recourants, à titre de mesures provisionnelles, un délai de deux mois à compter de la réception de sa décision pour régulariser leur situation, après quoi ils devraient cesser d'accueillir tout public dans leur établissement s'ils n'avaient pas obtenu d'autorisation au sens de l'art. 8 LRDBHD. La demande de restitution de l'effet suspensif au recours avait été refusée (ATA/929/2022 du 19 septembre 2022).

5) Dans un arrêt 2C_575/2020 du 30 mai 2022, le Tribunal fédéral a eu à connaître d’un litige portant sur la confirmation par la chambre administrative de la décision de l'OCE enjoignant à Uber Switzerland GmbH (ci-après : UBER CH), dont le siège est à Zürich, d'inscrire sa succursale de Genève au Registre du commerce de Genève et l'assujettissant à la LSE dans le cadre de ses activités de livraison de repas à domicile au moyen de la plateforme Uber Eats. Pour examiner si l'on se trouvait dans une situation de location de services, le Tribunal fédéral a fait référence dans ses considérants à Uber, sans autre précision quant à l'entité du groupe visée.

Il résultait de l'arrêt cantonal entrepris que les restaurateurs ne choisissaient pas le livreur et que celui-ci ne choisissait pas sa mission ; l'application Uber Eats attribuait un livreur à un restaurateur et à un client final. Il n'y avait pas de relation directe entre le livreur et le restaurateur ou le client final. Uber facturait directement les prestations et fixait unilatéralement les prix. Les frais de livraison constituaient la seule rémunération des livreurs, qui n’étaient pas autorisés à accepter d'autres formes de paiement et ne recevaient pas de paiement direct. Les frais de livraison étaient crédités sur les comptes des livreurs par Uber une fois les frais de service déduits. Uber imposait ainsi entièrement les conditions tarifaires. Uber dépendait pour sa part du nombre de livraisons effectuées pour réaliser son chiffre d'affaires en lien avec l'application Uber Eats, la distinguant des intermédiaires prélevant des montants mensuels fixes pour leur activité (cf., en assurances sociales à propos d'une centrale de taxis: arrêt du Tribunal fédéral 8C_38/2019 du 12 août 2020 consid. 6.1.2). Sur le vu de ces éléments, c'était à juste titre que la chambre administrative avait considéré qu'Uber n'était pas un simple intermédiaire entre les acteurs. Se posait la question de savoir si les livreurs demeuraient néanmoins indépendants ou s'ils étaient dans une relation de travail.

Les relations devaient être examinées pour chaque plateforme en fonction du modèle économique mis en place, lesdits modèles étant extrêmement variés, ainsi que des circonstances concrètes de la relation. Il existait en l’espèce un rapport de subordination propre à la relation de travail entre Uber et les livreurs. En effet, il était recommandé aux livreurs de suivre les instructions des restaurateurs et d'attendre au moins 10 minutes chez ces derniers ou chez les clients. Le contrat contenait d'autres consignes à suivre et le chauffeur s'exposait à des restrictions d'accès, voire à la désactivation de son compte s'il ne se conformait pas aux conditions fixées. De simples directives générales sur la manière d'exécuter une tâche ou la répétition d'obligations légales (comme le fait par exemple d'exiger un permis de conduire pour les livraisons avec un véhicule motorisé) n’étaient pas significatives d'une relation de travail. Le caractère de simples informations générales de « bon sens » ou de rappels légaux de toutes les instructions données aux livreurs était toutefois démenti tant par la quantité de consignes que par les sanctions qui accompagnaient tout manquement. Le fait que les frais de livraison puissent être réduits en cas d'itinéraire inefficace ou si le livreur avait « failli à compléter correctement » une mission de livraison démontrait également qu'Uber contrôlait strictement la manière dont était exécutée la prestation. Ni la liberté de se connecter au moment de son choix à la plateforme, ni celle de refuser des livraisons n'excluaient un contrat de travail. La liberté des livreurs de travailler pour d'autres plateformes lorsqu'ils n’étaient pas connectés à Uber Eats se comprenait comme la liberté d'exercer plusieurs activités à temps partiel et n'était donc pas significative de l'indépendance des livreurs. La liberté contractuelle ne permettait enfin pas de qualifier la relation nouée avec les livreurs. Les possibilités de restriction d'accès et de désactivation des comptes des livreurs sans préavis dénotaient un pouvoir de contrôle et de surveillance sur l'activité des livreurs, propre au contrat de travail, indépendamment de la question de leur légalité.

Dès lors qu'il existait une relation de travail entre Uber et les livreurs, il fallait se demander si la relation entre Uber et les restaurateurs était susceptible de relever de la location de services au sens de la LSE, ce qui n’était pas le cas à teneur du contrat des restaurateurs. En effet, il résultait de l'arrêt attaqué que la prestation caractéristique pour laquelle les restaurateurs utilisaient la plateforme Uber Eats et rémunéraient Uber consistait en la livraison de leurs plats chez leurs clients par les livreurs engagés par Uber. Les restaurateurs obtenaient une prestation spécifique et de très courte durée, ce qui n’allait pas dans le sens d'une location de services. Il ne ressortait pas de l'arrêt entrepris que les directives raisonnables des restaurateurs porteraient sur la mission de livraison en elle-même et la manière de l'exécuter. Le temps d'attente pour récupérer et remettre un plat au client (10 minutes à chaque fois) demeurait par exemple du ressort de la plateforme. Les restaurateurs pouvaient indiquer le délai dans lequel la livraison devait être effectuée, ainsi que les points de ramassage et de dépose des marchandises. Il s'agissait-là des seuls indices en faveur d'un pouvoir de direction des restaurateurs quant à la livraison elle-même, mais cet élément était aussi caractéristique du service de livraison demandé. Les restaurateurs pouvaient certes, par le biais de la géolocalisation, savoir quel trajet le livreur empruntait ainsi que noter le livreur. La notation constituait toutefois un système indirect de contrôle de Uber ; par ce biais, le restaurateur pouvait se plaindre, a posteriori, de la manière dont une livraison avait été effectuée. Il ne pouvait en revanche pas, au moment de la livraison, donner des consignes sur le trajet. Le seuil à partir duquel une notation pouvait valoir au livreur d'être désactivé de la plateforme demeurait fixé par Uber. C’étaient outre les résultats de différentes notes qui conduisaient à une évaluation, pas la note d'un restaurateur déterminé. Enfin, le consommateur final notait également la livraison, alors que l'on ne pouvait manifestement pas considérer qu'il posséderait un pouvoir de direction. C'était d'ailleurs une caractéristique des plateformes de déléguer la notation aux clients. On ne saurait y voir en l'espèce un transfert du pouvoir de direction en faveur des restaurateurs. Ainsi, le critère du transfert du pouvoir de direction au sens de l'art. 26 al. 1 de l’ordonnance sur le service de l’emploi et la location de services du 16 janvier 1991 (ordonnance sur le service de l’emploi, OSE - RS 823.111) n’apparaissait pas rempli, même partiellement.

L'activité du livreur consistant à aller chercher un plat chez le restaurateur, puis à le livrer au destinataire final, n'impliquait aucune forme d'intégration dans l'organisation du restaurant.

En résumé, il ressortait des documents contractuels que les livreurs étaient dans une situation de subordination propre au contrat de travail. Une situation de location de services ne pouvait donc d'emblée être exclue. Toutefois, il résultait du contrat des restaurateurs que leur relation avec Uber ne relevait pas de la location de services.

6) En l’espèce, la décision querellée, déclarée exécutoire nonobstant recours, a retenu que l’activité déployée par la recourante était soumise à la LSE et donc à autorisation. Faute d’autorisation, tant cantonale que fédérale, elle pratiquait illégalement son activité. Il lui était donc fait interdiction d’exercer toute activité jusqu’à l’obtention de l’autorisation, les peines prévues notamment à l’art. 39 LSE étant réservées.

La recourante conteste que son activité soit soumise à la LSE.

a. Selon son art. 1, la LSE vise à régir le placement privé de personnel et la location de services (let. a), assurer un service public de l’emploi qui contribue à créer et à maintenir un marché du travail équilibré (let. b) et à protéger les travailleurs qui recourent au placement privé, au service public de l’emploi ou à la location de services (let. c).

b. Selon l’art. 12 al. 1 LSE, les employeurs (bailleurs de services) qui font commerce de céder à des tiers (entreprises locataires de services) les services de travailleurs doivent avoir obtenu une autorisation de l’office cantonal du travail (al. 1), soit à Genève l'OCE (art. 2 de la loi sur le service de l’emploi et la location de services du 18 septembre 1992 - LSELS - J 2 05 et 1 du règlement d’exécution de la loi sur le service de l’emploi et la location de services du 14 décembre 1992 - RSELS - J 2 05.01).

La définition de l’art. 12 al. 1 LSE est large afin d’éviter que la finalité de la loi ne soit détournée, la caractéristique principale de la location de services étant la cession à des fins lucratives, c’est-à-dire régulière et contre rémunération, de travailleurs à d’autres employeurs. Elle implique que la loi est également applicable aux entreprises dont les travailleurs exécutent des travaux pour des tiers qui s’en chargent habituellement eux-mêmes, c’est-à-dire qui sont spécifiques à la branche (FF 1985 III 524, p. 581 ss).

c. L’art. 26 de l’ordonnance sur le service de l’emploi et la location de services du 16 janvier 1991 (OSE - RS 823.111) précise l’activité de location de services.

d. Comme critères auxiliaires pour les questions de délimitation, la jurisprudence s'inspire également des directives et commentaires relatifs à la LSE du SECO (arrêts du Tribunal fédéral 2C_132/2018 précité consid. 4.1 ; 2C_543/2014 précité consid. 2.4 ; 2C_356/2012 précité consid. 3.5).

7) En l’espèce, la recourante indique, sans être contredite, employer trente-deux personnes pour procéder à des livraisons de repas que celles-ci vont chercher auprès de restaurateurs pour les amener au consommateur. Elle indique de même, exemple de contrat de travail à l’appui, payer à ses employés le salaire minimum légal cantonal, leur accorder quatre semaines de vacances par année, les indemniser pour les frais d’utilisation de leur vélo personnel pour procéder aux livraisons et leur fournir le sac de transport. Il est aussi prévu au terme de l’exemple de contrat de travail produit, le paiement par moitié par l’employeur et l’autre moitié l’employé des primes de prévoyance professionnelle, de même que les questions de prestations de libre passage et d’assurance-accidents. Il en ressort aussi que la recourante ne rémunère pas les heures de permanence sur ou en dehors du lieu de travail. Le livreur employé doit viser ses heures travaillées à chaque fin de mois selon la procédure transmise par la recourante. Les deux exemples de contrat de travail produits ne renseignent en rien sur la manière dont le livreur doit utiliser la plate-forme mise à disposition par B______, qui est en l’état la seule utilisée par la recourante.

Celle-ci indique utiliser en l’état pour « simplifier l’organisation des commandes et des livraisons » l’application de gestion, selon contrat de service technologique le 8 avril 2022 avec B______, également produit. Les questions de savoir s’il s’agit uniquement, comme soutenu, d’une application organisationnelle du type des plateformes et applications de réservation dans l’hôtellerie ou de gestion des rendez-vous, de même que de la prétendue absence d’instructions et de relation entre B______ et ses employés livreurs, devra faire l’objet de l’examen au fond.

La recourante rend vraisemblable qu’en cas de refus de restitution de l’effet suspensif, faute d’entrées d’argent, elle devra licencier des livreurs, ce qui tombe sous le sens dans la mesure où son activité principale est la livraison de repas.

Le département ne saurait être suivi sans autre lorsqu’il considère que ces plus de trente employés retrouveraient sans autre un emploi, qui plus est aux conditions actuelles, en cas de licenciement, étant relevé que dans la mesure où la recourante a commencé son activité en avril 2022, le délai de préavis, au-delà de la période d’essai, ne serait que d’un mois pour la fin d’un mois (art. 335c al. 1 CO).

Néanmoins, il existe un intérêt public manifeste au respect de la loi, lequel est en l’espèce en opposition avec celui de la préservation de l’emploi. Il n’est donc pas seulement question de l’intérêt privé de la recourante à poursuivre son activité et à réaliser des bénéfices.

Les parties s’opposent sur la qualification de l’activité de la recourante et sa soumission ou non à la LSE. Il s’agit d’une question complexe qui va nécessiter une analyse approfondie de la chambre de céans.

Les chances de succès du recours n’apparaissent pas évidentes.

La situation présente, d’une activité qui devrait selon l’OCE être soumise à double autorisation, cantonale et fédérale et, faute de telles autorisations, l’interdiction faite à la recourante de poursuivre son activité, peut s’apparenter aux décisions évoquées ci-dessus en lien avec l’application de la LRDBHD. Or, il a été considéré dans ces cas par la chambre de céans qu’accepter la poursuite d’une telle activité le temps de la procédure de recours, sans l’autorisation requise par l’autorité, reviendrait à admettre à titre préjudiciel que les conditions de l'autorisation sont satisfaites, ce qui n'est normalement possible qu'à l'issue du litige, un éventuel préjudice financier ne pouvant du reste faire échec à ce constat. Il n’existe en l’espèce pas de circonstances particulières qui doivent amener la chambre de céans à se prononcer différemment.

Aussi, il se justifie de mettre en balance, in concreto, les intérêts de l’État au respect sans délai de la LSE dont le but est notamment de protéger les travailleurs, et celui privé de la recourante à poursuivre sans autre son activité le temps de la procédure, soit un intérêt purement financier, pour constater que le premier doit l’emporter.

La demande de restitution de l’effet suspensif sera donc rejetée.

La recourante ne saurait davantage obtenir par le biais de mesures provisionnelles, censées être l'exception en cas de décision négative, la levée de l'interdiction de poursuivre son activité.

De telles mesures provisionnelles seront donc de même refusées.

8) Le sort des frais sera réservé jusqu'à droit jugé au fond.

 

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette la demande de restitution de l’effet suspensif et de mesures provisionnelles ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision à Me Sandra Gerber, avocate de la recourante, ainsi qu'à l’office cantonal de l'emploi.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, Mmes Payot Zen-Ruffinen et Lauber, juges

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :