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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/859/2018

ATA/418/2018 du 03.05.2018 ( EXPLOI ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/859/2018-EXPLOI ATA/418/2018

 

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 3 mai 2018

sur effet suspensif et mesures provisionnelles

 

dans la cause

 

A______ SA
représentée par Me Diane Schasca, avocate

contre

SERVICE DE POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR

et

Madame B______

 



Attendu, en fait, que :

1) A______ SA (ci-après : A______) est une société anonyme sise à C______, inscrite au registre du commerce (ci-après : RC) du canton de Genève depuis le 11 octobre 2005. Elle a pour but statutaire l'exploitation de discothèques, cafés, restaurants, bars et tous établissements publics, ainsi que la prise de participations dans tous commerces ou sociétés poursuivant des buts analogues. Elle est ainsi notamment propriétaire de la discothèque « D______ » (ci-après : la discothèque), sise à C______ dans le quartier E______.

2) Le 4 décembre 2017, le service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN) a délivré à Monsieur F______ l'autorisation d'exploiter la discothèque, à titre personnel.

3) Par courrier du 19 décembre 2017, A______ a communiqué au PCTN avoir licencié M. F______ avec effet immédiat le 14 décembre, et a sollicité un délai de trente jours pour désigner un nouvel exploitant.

4) Le 10 janvier 2018, le PCTN a indiqué à A______ que le délai de trente jours venait à échéance le 15 janvier 2018.

5) Le 15 janvier 2018, Madame B______ a déposé une demande d'autorisation en vue de devenir la nouvelle exploitante de la discothèque.

6) Par deux décisions séparées du 7 février 2018, le PCTN a constaté la caducité de l'autorisation d'exploiter délivrée à M. F______, sans retirer l'effet suspensif à un éventuel recours, et a refusé de délivrer l'autorisation d'exploiter à Mme B______, dont la demande était incomplète. Mme B______ travaillait en effet à 50 % à G______ (ci-après : G______) jusqu'au 30 avril 2018, et n'avait pas indiqué précisément quels seraient ses horaires de présence à la discothèque. La décision mentionnait que « étant une décision négative, elle sera déclarée exécutoire nonobstant recours » (sic).

7) Par deux actes postés le 12 mars 2018, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre les deux décisions précitées. Le recours contre le refus de la demande déposée par Mme B______ a été enregistrée sous le numéro de cause A/859/2018 ; A______ y conclut préalablement à la restitution de l'effet suspensif au recours, et principalement à l'annulation de la décision de refus, et à l'octroi de l'autorisation sollicitée ainsi que d'une indemnité de procédure.

Ses intérêts s'opposant à l'exécution immédiate de la décision attaquée devaient être tenus pour prépondérants. Sans autorisation d'exploiter, la discothèque devrait en effet fermer ses portes, ce qui lui occasionnerait un dommage économique grave. En outre, l'intérêt public défendu par le PCTN était atténué par le fait qu'à compter du 1er mai 2018, Mme B______ serait totalement libérée de ses obligations envers G______ et pourrait se consacrer à temps plein à l'exploitation de la discothèque.

8) Invité le 15 mars 2018 à produire ses observations sur effet suspensif et son dossier au plus tard le 22 mars 2018, le PCTN n'a pas formulé de telles observations dans la cause A/859/2018, mais seulement dans l'autre cause.

9) Sur ce, la cause a été gardée à juger sur la question de l'effet suspensif.

Considérant, en droit, que :

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est, prima facie, recevable sans qu’il soit nécessaire en l’état de trancher d’autres questions de recevabilité (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

2) Les décisions sur effet suspensif et sur mesures provisionnelles sont prises par le président de la chambre administrative, respectivement par le vice-président, ou en cas d'empêchement de ceux-ci, par un juge (art. 21 LPA et 9 al. 1 du règlement de la chambre administrative du 26 septembre 2017).

3) Sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (art. 66 al. 1 LPA).

Lorsqu’aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (art. 66 al. 3 LPA).

4) Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) – ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/306/2018 du 4 avril 2018 et les arrêts cités).

5) L'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_720/2016 du 18 janvier 2017 consid. 2.1).

Elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (arrêts précités). Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (Isabelle HAENER, Vorsogliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess, RDS 1997 II 253-420, p. 265).

6) a. Lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1).

b. Pour effectuer la pesée des intérêts en présence, l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités).

7) a. Selon la jurisprudence et la doctrine, un effet suspensif ne peut être restitué lorsque le recours est dirigé contre une décision à contenu négatif, soit contre une décision qui porte refus d’une prestation. La fonction de l’effet suspensif est de maintenir un régime juridique prévalant avant la décision contestée. Si, sous le régime antérieur, le droit ou le statut dont la reconnaissance fait l’objet du contentieux judiciaire n’existait pas, l’effet suspensif ne peut être restitué car cela reviendrait à accorder au recourant d’être mis au bénéfice d’un régime juridique dont il n’a jamais bénéficié (ATF 127 II 132 ; 126 V 407 ; ATA/1343/2017 du 29 septembre 2017 consid. 7a ; ATA/354/2014 du 14 mai 2014 consid. 4).

b. Lorsqu’une décision à contenu négatif est portée devant la chambre administrative et que le destinataire de la décision sollicite la restitution de l’effet suspensif, il y a lieu de distinguer entre la situation de celui qui, lorsque la décision intervient, disposait d’un statut légal qui lui était retiré de celui qui ne disposait d’aucun droit. Dans le premier cas, la chambre administrative pourra entrer en matière sur une requête en restitution de l’effet suspensif, aux conditions de l’art. 66 al. 3 LPA, l’acceptation de celle-ci induisant, jusqu’à droit jugé, le maintien des conditions antérieures. Elle ne pourra pas en faire de même dans le deuxième cas, vu le caractère à contenu négatif de la décision administrative contestée. Dans cette dernière hypothèse, seul l’octroi de mesures provisionnelles, aux conditions cependant restrictives de l’art. 21 LPA, est envisageable (ATA/1343/2017 précité consid. 7b et les arrêts cités).

8) L'exploitation de tout établissement régi par la loi sur la restauration, le débit de boissons, l’hébergement et le divertissement du 19 mars 2015 (LRDBHD - I 2 22) est soumise à l'obtention préalable d'une autorisation d'exploiter délivrée par le département de la sécurité et de l’économie (art. 8 LRDBHD et 2 al. 1 du règlement d'exécution de la loi sur la restauration, le débit de boissons, l'hébergement et le divertissement, du 28 octobre 2015 - RRDBHD - I 2 22.01). Le PCTN reçoit et instruit les requêtes et délivre les autorisations prévues par la LRDBH (art. 3 al. 2 RRDBHD).

9) En l'espèce, la décision contestée rejette la requête du 15 janvier 2018 déposée en vue de l’obtention d’une autorisation d’exploiter une buvette permanente. La décision litigieuse a donc un contenu purement négatif, puisqu'elle refuse d'octroyer une autorisation dont Mme B______ n'était pas titulaire auparavant. À cet égard, il était erroné, pour le PCTN, de déclarer sa décision exécutoire nonobstant recours, c'est-à-dire de retirer l'effet suspensif, lequel n'a simplement pas de sens en l'espèce, et il lui suffisait de noter, comme il l'a fait, le caractère négatif de sa décision.

Cela étant, l'impropriété de termes précitée ne change rien au caractère négatif de la décision entreprise, si bien que les conclusions en octroi d’effet suspensif dans la présente cause ne peuvent qu’être rejetées.

La recourante ne prend pas de conclusions ni n’argumente sur d’éventuelles mesures provisionnelles. Toutefois, même à analyser sa requête sous cet angle, celles-ci devraient être refusées. Mme B______ ne peut en effet se voir accorder par le biais de mesures provisionnelles un régime juridique dont elle n’a pas bénéficié auparavant, en l’occurrence l’autorisation d’exploiter, le maintien d'une situation antérieure illégale n'apparaissant en outre pas comme un intérêt digne d'être protégé et donc prépondérant. Accorder une telle autorisation reviendrait ainsi à admettre à titre préjudiciel que les conditions sont satisfaites, ce qui n'est pourtant, le cas échéant, possible qu'à l'issue du présent litige. Le préjudice financier dont fait état la recourante ne saurait dès lors faire échec à ce constat, qui va du reste dans le sens de la jurisprudence récente de la chambre de céans (ATA/15/2014 du 8 janvier 2014 et ATA/967/2014 du 5 décembre 2014 rendu dans des cas portant sur la condition personnelle d'honorabilité ; ATA/1036/2014 du 19 décembre 2014) ; ledit préjudice n'est du reste pas établi en l'espèce, l'effet suspensif de la décision de caducité de la précédente autorisation n'ayant pas été retiré.

10) Dès lors, la demande de restitution de l'effet suspensif et l’octroi de mesures provisionnelles seront rejetés, et le sort des frais sera réservé jusqu'à droit jugé au fond.

Vu le recours interjeté le 12 mars 2018 par A______ SA contre la décision du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 7 février 2018 ;

vu les art. 21 et 66 al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ;

vu l’art. 9 al. 1 du règlement de la chambre administrative du 26 septembre 2017 ;

 

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette la requête en mesures provisionnelles et en restitution de l’effet suspensif ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision, en copie, à Me Diane Schasca, avocate de la recourante, Madame B______ ainsi qu'au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir.

 

 

La présidente :

 

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :